1. SCÈNE 10 - SOIRÉE CHEZ LES DE LA MOLE
En entrant, Mathilde de la Mole commence à faire les révérences
conventionnelles et exagérées avec les autres invités, tout en chan-
tant.
Chanson : Quel ennui
Mathilde de la Mole
À COMBIEN JE DÉPENSE
BLABLABLA DE PINCES FESSES
CAUSE TOUJOURS, TU M’INTÉRESSES
OÙ SE CACHE L’HOMME QUE J’ESPÈRE
DERRIÈRE TANT DE MANIÈRES
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
CES GENS BIENS GENTILS
QUI M’AIMENT ET ME LASSENT
SANS RIEN QUI DÉPASSE.
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
TOUS CES BEAUX PARTIS
SOUS LES POLITESSES
SI PEU DE NOBLESSE
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
CES GENS BIENS GENTILS
QUI M’AIMENT ET ME LASSENT
SANS RIEN QUI DÉPASSE.
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
TOUS CES BEAUX PARTIS
SOUS LES CONVENTIONS
SI PEU DE FRISSONS
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
CES GENS BIENS GENTILS
QUI M’AIMENT ET ME LASSENT
SANS RIEN QUI DÉPASSE.
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
TOUS CES BEAUX PARTIS
DANS LE COEUR ME LAISSENT
SI PEU DE RICHESSE
Mathilde de la Mole (Julie Fournier) - le Marquis de la Moe (Michel Lerousseau)
Julien Sorel (Côme) - Geronimo (Yoann Launay)
BONSOIR COMMENT ALLEZ VOUS ?
QUEL BEAU TEMPS N’EST IL PAS ?…
POUR L’HIVER IL FAIT FORT DOUX
TOUT CE WASHI WASHA
ALORS JE BAILLE AUX CORNEILLES
CAUSE TOUJOURS, MOI J’AI SOMMEIL
N’A T’ON RIEN D’AUTRE À SE DIRE
POUR ÉVEILLER LE DÉSIR
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
CES GENS BIENS GENTILS
QUI M’AIMENT ET ME LASSENT
SANS RIEN QUI DÉPASSE.
OH ! QUEL ENNUI, QUEL ENNUI
TOUS CES BEAUX PARTIS
SOUS LES POLITESSES
SI PEU DE NOBLESSE
ILS PENSENT À PARLER COMME IL FAUT
SANS ME DIRE CE QU’ILS PENSENT
PÈSERONT CE QUE JE VAUX
On annonce les invités
2. Livret de l’Opéra Rock Le Rouge et le Noir - Au Palace dès le 29 septembre 2016
(À la fin de la chanson elle retrouve son père.)
Marquis : Eh bien Mathilde, vous amusez vous?
Mathilde(aveclassitudeetironiecomplice):Père,jem’amuse
à en mourir. M’amuser plus tiendrait de l’indécence.
Marquis : Allons, vous êtes la perle de ce bal. Tous les plus
beaux partis sont à vos genoux...
Mathilde : Précisément je me sens comme un bijou que cha-
cun veut mettre à sa outonnière. S’ils osaient, ils me regarde-
raient à la loupe pour estimer ma valeur.
Marquis : Allons Mathilde ! Il y a parmi ces jeunes gens des
hommes de grande valeur, qui n’ont rien à envier à ma for-
tune. Tenez ce jeune Marquis de Croisenoix, n’est il pas char-
mant ?
Mathilde : Charmant c’est le mot. Avec lui tout est si char-
mant, délicieux, adorable, que j’en ai un goût de guimauve
après quelques minutes, que ç’en est écoeurant.
Marquis : Et le Baron de Caylus ?
Mathilde : Charmant, oui. Mais heureusement que le temps
varie, et que parfois il fait soleil, que parfois il bruine,
et que parfois il vente, car sinon... je me demande de
quoi nos conversations seraient faites.
Marquis : Ah ma fille… (il se retient d’être fier et
amusé par la force de son caractère et prend un ton
sévère). Ne soyez pas si dure. Vous avez suffisam-
ment d’esprit pour en illuminer le mari que vous au-
rez choisi. Ne laissez pas votre grâce se flétrir en la
gardant pour vous seule. Vous savez que je désire
pour vous un un beau mariage, alors faites moi
plaisiretchoisissezl’undecesnoblesgentilshommes.
Mathilde : Pourquoi accorder tant d’importance aux
titres de noblesse de ces messieurs, quand je vous
vois vous même bailler en leur présence. Avouez
le mon père, Il n’y a qu’en compagnie de votre
obscur petit abbé de secrétaire que je vous vois
rire de bon coeur. Et il n’est pourtant pas drôle…
Marquis : Je n’apprécie pas votre cynisme, Ma-
thilde. Julien Sorel est un garçon remarquable,
que vous gagneriez à regarder d’un oeil moins méprisant.
Depuis quatre mois qu’il est à mon service il m’a considé-
rablement aidé dans mes affaires. Il est intelligent et consciencieux, et
il a une soif d’apprendre… Et il tient ma bibliothèque avec un sérieux
peu commun.
Mathilde : C’est vrai qu’il est sérieux. Glaçant même.
Marquis : C’est un hyper-sensible, qui tente de contenir un tempéra-
ment houleux et rebelle, qui m’amuse, et qui m’effraie parfois. Il y a
quelque chose en lui qui offense le vulgaire…
Mathilde : Vous en faites un tel tableau, c’est peut être lui que je devrais
épouser…
Marquis (sèchement): Vous serez Marquise ma fille, ou Comtesse, ou
Baronne ! (il se détend en réalisant que sa fille plaisantait) Et je sou-
haite bien du courage à celle qui voudra séduire ce garçon. Il
semble avoir pour la gent féminine un désintérêt qui touche
à l’aversion… Il aura peut-être souffert d’une mère abusive
?… d’où sa vocation religieuse sans doute. Regardez le, avec
Geronimo là bas. Quel contraste. L’ombre et la lumière. Ils
ont l’air de s’entendre… De quoi peuvent ils parler ? Julien
d’habitude si peu loquace...
Mais ne restez pas là à écouter radoter votre vieux père, al-
lez vous amuser. Allez, allez !
(Mathilde refait un petit tour dans le bal, pour contenter
son père. Elle regarde du côté de Julien en grande conversa-
tion avec Geronimo sur la terrasse, et s’approche d’eux, mais
Le Marquis et Mathilde parlent de Julien
3. Livret : Alexandre Bonstein
Mise en scène : François Chouquet/Laurent Seroussi
Auteurs chansons : Zazie/Vincent Baguian
Musiques : William Rousseau/Sorel
elle n’arrivera pas à entendre ce qu’ils disent.)
Geronimo provoque Julien
Geronimo : Allez mon ami, laisse moi faire de toi un dandy. Tu as
naturellement cette mine sombre que tous les parisiens cherchent à
se donner.
Julien : Pitié… Tout sauf ressembler à un de ces dégénérés emplumés.
Geronimo : Bravo ! Très parisien ça, le sarcasme imagé. Mais j’y crois
pas une seconde. Tu en rêves, d’être admis dans le cercle des grands
de ce monde !
Julien : Pas du tout ! Mon coeur est placé trop haut pour être atteint
par leurs petites marques de dédain… ou de faveur… De toute façon
tu peux m’enseigner toutes les courbettes et les effets de cape que tu
veux, pour eux je resterai toujours un fils de charpentier.
Geronimo : Si je me souviens bien, Jésus était fils de charpentier.
Julien : Et c’est pourquoi la religion est la seule
porte d’entrée dans le beau monde pour un bou-
seux comme moi. Mon habit noir, c’est le seul
moyen de gravir les échelons de cette société dé-
cadente et hypocrite. Ils me tolèrent. Ils me consi-
dèrent comme un valet de chambre nécessaire à
leur salut.
Geronimo : Eh bien, en voilà une haute vocation
spirituelle, c’est inspirant !
Julien : Je t’en prie, quelle spiritualité vois-tu
dans cette parade de requins en robes satinées,
qui s’entretueraient pour une part de pouvoir
et quelques privilèges ! (il se reprend) …Je
sais, ils ne sont pas tous comme ça… Heureu-
sement que j’ai croisé le chemin de quelques
rares saints hommes. C’est d’eux que je m’ins-
pire pour tâcher de faire un bon prêtre.
Geronimo : Tu es bien trop exalté pour faire
un bon prêtre, les âmes qui s’émeuvent ainsi
sont bonnes tout au plus à produire un artiste.
Julien : Ou un révolutionnaire…