1. SCÈNE 12 - BIBLIOTHÈQUE
Mathilde aborde Julien
(Transformation de la scène en immense bibliothèque. Julien est as-
sis à un bureau à prendre des notes pour faire l’inventaire. Mathilde
arrive en robe de deuil. Au début il ne va même pas la regarder, et
donc ne rien remarquer. Lorsqu’elle entre il est plongé dans son tra-
vail et ne la remarque pas. Elle le salue froidement.)
Mathilde : Bonjour Monsieur.
Julien (se levant poliment et froidement) : Mademoiselle. (Il se ras-
sied immédiatement après et se replonge dans ses notes. Mathilde
reste un instant immobile et se promène nonchalamment en regar-
dant les livres, vexée par sa froideur.)
Julien (ayant senti le regard ou l’ombre de Mathilde sur lui) : Je peux
vous aider?
Mathilde (prise sur le fait): ... Oui... Je ne trouve
plus les volumes de l’Histoire de France de Velly.
(Julien va chercher les livres et remet à Mathilde
sept gros volumes.)
Julien : Voici Mademoiselle (elle ne re-
mercie pas. Julien retourne à sa lecture.
Elle feuillette distraitement un des vo-
lumes.)
Mathilde : ... Pouvez vous me conseiller
quelque chose d’intéressant à lire ? Vous
qui connaissez cette bibliothèque par coeur.
Julien : Mais certainement. Pour vous... (Il ré-
fléchit quelques secondes, puis très poliment) Je
Julien Sorel (Côme) - Mathilde de la Môle (Julie Fournier)
suggèrerais Les Fables de La Fontaine ?
Mathilde (vexée) : Merci non.
Julien : Peut être un peu trop corrosif..?
Mathilde : Qu’est ce que vous avez sur Napoléon Bo-
naparte (Julien est très surpris) sachant que j’ai déjà
lu Le Mémorial de Sainte Helene et Les Discours de
Guerre.
Julien (encore plus surpris) : Vous avez lu... (Il remarque enfin sa robe
noire) Vous êtes en deuil ? Mais qui donc est...
Mathilde (l’interrompant) : Oui j’ai lu ces ouvrages. Je m’intéresse aux
grands hommes, quel que soit leur bord. Et je suis en deuil du plus
grand que ma famille ait connu. Boniface de la Mole. C’est aujourd’hui
l’anniversaire de sa mort.
Julien : Il y a trois cent ans...
Mathilde : Et alors ? Je veux le célébrer moi, chaque année, et rappeler
à tous son souvenir.
Julien : C’est bien lui qui avait eu la tête coupée pour avoir fomenté un
complot contre le roi ?
Mathilde : C’est surtout un modèle de courage, un héros ! Et le plus joli
garçon de son siècle.
Les personnages dont elle parle sortent comme par magie de la biblio-
thèque, et racontent l’histoire de Boniface de la Mole en chanson.
2. Chanson : Le temps passé avec vous
Trio Boniface de la Mole - Margot - le Prince François
et Julien
ET COMME UN SOUFFLE SUR MES LÈVRES
VOUS M’INSPIREZ TOUTE UNE VIE
VOUS ÊTES LE MAÎTRE QUI M’ÉLÈVE
UN AUTRE PÈRE QUE J’AI CHOISI
Livret : Alexandre Bonstein
Mise en scène : François Chouquet/Laurent Seroussi
Auteurs chansons : Zazie/Vincent Baguian
Musiques : William Rousseau/SorelLivret de l’Opéra Rock Le Rouge et le Noir - Au Palace dès le 29 septembre 2016
JE NE SUIS QUE LE FRUIT DE VOS RACINES
JE SUIS NÉE D’UNE HISTOIRE QU’ON EFFEUILLE
QUAND J’EFFLEURE VOTRE GRANDEUR QUE J’IMAGINE
SUIS JE DIGNE DES HONNEURS QUE J’EN RECUEILLE
JE NE SUIS QU’UNE PIERRE À L’ÉDIFICE
DONT VOUS ÊTES LE PRÉCIEUX FONDEMENT
SUIS JE DE TAILLE À PORTER VOS SACRIFICES
EN ME MONTRANT À LA HAUTEUR D’UN MONUMENT
QU’IL EST BEAU LE TEMPS PASSÉ AVEC VOUS
ENTRE NOUS, QU’IL EST PRÉSENT CE SOUVENIR
QU’IL EST SOLIDE TOUT CE VIDE QUI NOUS SÉPARE
VOUS RENAISSEZ DE VOS CENDRES
DANS LES CHOIX QUE JE VEUX PRENDRE
JE DIRAI TOUJOURS « JAMAIS »
À L’AVENIR IMPARFAIT
JE VOUS JURE SUR L’HONNEUR D’ÊTRE FIDÈLE
AUX VALEURS D’UN COMBAT EXEMPLAIRE
ÉRIGEANT VOTRE COURAGE COMME UN MODÈLE
JE POURSUIVRAI VOTRE IDÉAL QUI NOUS EST CHER
VOUS REVIVREZ À TRAVERS MOI SUR CETTE TERRE
QU’IL EST BEAU LE TEMPS PASSÉ AVEC VOUS
ENTRE NOUS, QU’IL EST PRÉSENT CE SOUVENIR
QU’IL EST SOLIDE TOUT CE VIDE QUI NOUS SÉPARE
VOUS RENAISSEZ DE VOS CENDRES
DANS LES CHOIX QUE JE VEUX PRENDRE
JE DIRAI TOUJOURS « JAMAIS »
À L’AVENIR IMPARFAIT
Le mot de mathilde
Un peu d’histoire :
Boniface de la Mole était l’amant adoré de la reine Margot, Marguerite de Na-
varre, et l’ami intime du prince François d’Anjou. Le prince François, avait été
emprisonné par Catherine
de Médicis, pour l’empêcher de devenir roi à la mort de Charles X. Le 30 avril
1574, la nuit du mardi gras, Boniface fit avancer deux cent chevaux sous les murs
de la prison de Saint-Germain, pour libérer le prince et ses hommes. Or le prince
prit peur, et refusa de sortir de son cachot. Boniface fut arrêté, et condamné à
mort. Il fut décapité place de Grève. Il a sacrifié sa tête pour sauver celle d’un
prince qui méritait bien moins que lui de porter la couronne. Après sa mort, la
reine Margot, cachée dans une maison de la place de Grève, fit demander au
bourreau la tête de son amant. Et la nuit suivante, à minuit, elle prit cette tête
dans sa voiture, et alla l’enterrer elle-même dans une chapelle située au pied de la
(À la fin de ce tableau musical, les personnages ont disparu, comme avalés par
la bibliothèque.)
Mathilde (nostalgique) : Ah, pourquoi n’ai je pas vécu à cette époque ! Il n’y a
plus de grands hommes. Bonaparte n’est rien comparé à...
Julien (l’interrompt, blessé) : Napoléon Bonaparte n’est rien ? Il a redonné sa
fierté à la France !
Mathilde : Quelle fierté? C’est un nain hargneux et mégalomane, qui mourra
dans son lit, de vieillesse, ou d’avoir trop mangé et bu de liqueur.
3. Julien (furieux) : Et en quoi la mort violente d’un homme en aug-
mente la valeur? (Il prend un coupe papier sur le bureau et en me-
nace puérilement Mathilde) Croyez vous que la votre vous rendra
plus cotée ?
Mathilde : Vous m’avez menacée ?
Julien (honteux de s’être ainsi emporté) : Je vous demande pardon.
Mathilde va pour sortir, comme si elle était choquée et qu’elle allait
ainsi le dénoncer, mais elle s’arrête soudain, prend la plume et écrit
un mot sur un papier, le laisse sur le bureau et sort précipitamment.
Julien la regarde sortir, puis va lire le mot laissé sur sa table.)
Julien (lisant) : «Soyez à une heure après minuit dans le jardin. Pre-
nez la grande échelle du jardinier près du puit, placez la contre la
fenêtre et montez chez moi. J’ai à vous parler. »