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Nil Nivière -- Schouvaloff MKP4C 2015/16
Tuteur : André Lomuscio - Directeur : Robert Sammelin, Concept-artist, DICE
LES FAUSSES PUBS DANS LE JEU
VIDÉO
quand la pub devient support narratif et artistique
Comment, et pourquoi, les jeux vidéo créent de fausses publicités, alors que leurs
annonceurs sont fictifs ?
Tuteur :
André Lomuscio
Directeur :
Robert Sammelin / Concept-artist / DICE
Les fausses pubs dans le jeu vidéo
quand la pub devient support narratif et artistique
Comment et pourquoi les jeux vidéo
créent de fausses publicités, alors que
leurs annonceurs sont fictifs ?
Nil Nivière -- Schouvaloff
MKP4C 2015/16
3
INTRODUCTION : Hello world.....................................................5
PREMIÈRE PARTIE : Message à caractère publicitaire................10
A Il était une fois le jeu vidéo.....................................................10
1.Silence,çatourne...................................................................10
2. Le détournement, lubie du jeu vidéo.......................................12
3. Des balbutiements précoces..................................................15
B Pourquoi ?.............................................................................17
1. Grand prix Stratégie..............................................................17
2. Le Narrative Design, une autre histoire.................................19
3. Que diable allaient-ils faire dans ces fausses pubs ?.............22
C Comment ?............................................................................25
1. Y a-t-il un chef de projet dans la salle ?................................25
2. Agence de pub et studio de développement, si loin mais si
proches....................................................................................26
DEUXIÈME PARTIE : Ze cream of ze cream................................28
Best case de fausses pubs. Trois époques, trois jeux par époque.
1. Des années 40 à nos jours....................................................28
LA Noire - Mafia II - Bioshock
2. Le monde contemporain........................................................31
GTA V - Battlefield 4 - Just Cause 3
3. Futur et lendemains qui chantent..........................................35
Remember Me - Dead Space - Fallout 4
TROISIEME PARTIE : ...et plus si affinités.................................38
CONCLUSION............................................................................44
ANNEXES......................................................................45
5
INTRODUCTION : Hello world
On dit être touché par plus de 3000 messages publicitaires par jour.
Dans les transports, à la télé, ou sur Internet, la pub est omniprésente, parfois
asphyxiante.
Elle fait partie de nos villes, de nos médias et donc un peu de nos vies.
Pire, une ville dénuée de pubs serait irréaliste, ou Nord-coréenne.
N’en déplaise à Don Quichotte, un grand homme a dit un jour ( c’était un mardi ) :
« La publicité, c’est vendre des courants d’air, mais ce sont ces courants qui font
tourner le moulin.»
Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis.
Quelle métaphore inspirée. Derrière une pub, il y a un annonceur, organisme ou
entreprise, qui fait partie de quelque chose de plus grand : à savoir, d’un système
politique quand il s’agit de propagande, ou plus communément, d’un système
économique.
Toujours à propos d’économie, l’industrie du jeu vidéo est plus que florissante.
Elle se développe exponentiellement, possédant désormais ses propres super
productions hollywoodiennes dont les budgets sont à couper le souffle : Dizaines,
voire centaines de millions. ( Ce qui fait beaucoup de courants d’air, et encore plus
de moulins )
Comme au cinéma, les studios développeurs ont le souci du détail, ces petits riens
qui, mis bout à bout, font un grand tout. Pour que le spectacle soit réussi, rien ne doit
être laissé au hasard. Résultat, dans les salles obscures, ou devant une PlayStation,
le public est plongé dans un monde virtuel extraordinaire.
Ainsi, toujours animés de cette remarquable volonté d’immersion, les studios
imaginent de fausses pubs, vantant les qualités de produits ou services fictifs.
	
Nous allons essayer de comprendre ce phénomène phénoménal.
6
***
Un travail de longue haleine, mais passionnant. Voici comment résumer l’ouvrage
que vous tenez entre les mains.
Malheureusement, les informations claires et précises manquent cruellement sur le
sujet, inutile de préciser qu’il n’existe à ce jour aucun ouvrage sur le sujet.
De plus, l’écrasante majorité des professionnels s’est montrée peu loquace, si ce
n’est muette.
Cependant, d’autres professionnels se sont, eux, montrés d’une aide infiniment
précieuse.
Ce qu’ils m’ont appris constitue la matière première de ce mémoire. Le reste est
deviné entre les lignes par votre humble serviteur, fort d’un solide passé de joueur.
Avant toutes choses, et parce que ce travail n’aurait jamais pu exister sans eux, je
tenais à remercier les personnes qui m’ont aidé à réaliser ce projet.
Tout d’abord, André ( Jonah ) Lomuscio, pour son soutien inconditionnel,
son fils Lucas, pour m’avoir éclairé au sujet du Narrative Design,
Robert Sammelin, concept-artist talentueux, qui m’a considérablement apporté et
qui, avec son travail dans la série des Battlefield, m’a donné envie de traiter ce sujet,
Paul Chadeisson, concept-artist tout aussi talentueux, et aux informations ô combien
utiles pour ce mémoire,
Alexandra Russo, ainsi que toute l’équipe de l’école ISART,
Jean-Phillipe Biscay, véritable pionnier en matière des fausses pubs,
Jean-François Bouchet, concepteur-rédacteur que j’admire pour son travail et qui a
bien voulu discuter d’une de ses brillantes campagnes avec moi,
Douglas Alves, historien du jeu vidéo,
7
Diane Launier, directrice du Musée d’Art Ludique,
Quentin Clausse et Malik Othmani, pour m’avoir rendu moult services «cimer les
bougs»,
Les internautes de jeuxvideo.com, pour avoir été si nombreux ( 474 ! ) à répondre à
mon questionnaire et plus particulièrement : Grayhena - Kawoosh23 - doudou7137 -
Riguel - project_MATO - frgoldeagle_2 - rifle-haze - apotrel - Maxime0412 - SgToubib
- jackKr73 - Ant1900A
- horwy - EvilGamer - DarkStoon - skrigzz - MORPHEUS_fnc - Elite77 - grey7- mathis
- Alexxx998 - barbiatch - son2porc - Raeds - Anthony97atBAN - Excalibur974 -
loltrololmdr - Martin_Madrazo - Vador69380 - joshthekush - mr-taah - ricorleone
- Rafiix1196 -newgeneration44 - Saygus2 - akaphoto - nasted -gregousniper
-cesarpalace - Randocan -Capitaine_Bide - antasurris - scarfacemperor - 8Rollins -
DrDuke - Artifex - Yoyonche -Midnight-Best - Lyo_74 -frgoldeagle_2 - nova_t_legend
- horwy - Arklight06 - et tous les autres !
Et enfin toutes les autres personnes que j’aurais oubliées, mais qui ont fait partie de
l’aventure.
Quelle aventure ! Mais n’est-ce pas l’essence même du jeu vidéo ? Faire vivre aux
joueurs des histoires extraordinaires ? Le joueur y devient gobelin maléfique, général
victorien, ou encore simple plombier aussi italien que moustachu.
Il n’existe aucune limite de temps ou d’espace -ce qui aurait plu à notre ami Albert
Einstein.
Bonne nouvelle, car dans l’histoire de l’humanité il a toujours fallu, pour un commerce
, où qu’il soit, se différencier et être reconnaissable. Que ce soit parmi les échoppes
médiévales ou dans les allées des Galeries Lafayette, vous trouverez noms et symboles
différenciant. D’ailleurs, la croix chrétienne n’est-elle pas un des logos les plus réussis
et mémorables disait Jacques Séguela ?
Mais revenons à nos moutons vidéoludiques. Dans les jeux vidéo, la publicité a une
place particulière.
Ô rage ! ô désespoir ! Malgré les efforts constants entretenus par les créatifs
8
publicitaires, les gens n’aiment pas la pub. Triste constat, surtout vu l’énergie et
l’argent investis dans les budgets communication actuels. Le moulin s’essouffle-t-il ?
Sur 474 joueurs interrogés, à la question «Votre appréciation de la vraie publicité ?»,
299, soit 63%, répondent être des «Ad Block Pro user». Ce chiffre est colossal, 2/3
des joueurs sont réfractaires à la publicité.
Toujours sur ce même échantillon, 152 joueurs se disent indifférents à la pub. Ils
représentent 32% des personnes interrogées.
Finalement, seulement 21 sondés s’expriment en faveur de la publicité. Pas besoin
d’être matheux pour comprendre que sur près de 500 personnes, c’est infime.
En revanche, lorsqu’on questionne le même échantillon à propos des fausses pubs
dans le jeu vidéo, les réponses sont diamétralement opposées.
À la question «trouvez-vous pertinent d’intégrer de fausses pubs dans les JV»
52 voix s’élèvent contre, 120 restent mitigés, lorsque 275 joueurs plébiscitent les
fausses pubs.
Les fausses pubs sont plébiscitées par les joueurs, tandis que ces mêmes joueurs
sont réfractaires à la vraie pub.
Ainsi nous étudierons comment, et pourquoi, les jeux vidéo créent de fausses
publicités, alors que leurs annonceurs sont fictifs ?
Dans ces univers vidéo ludiques, la pub vend tout, comme chez nous.
Que ce soit un burger galactique, le dernier dictateur à la mode, ou un fusil d’assaut
flambant neuf : tout est commercialisable.
À l’inverse du placement de produit ( où la vraie marque paye pour que ses produits
ou sa publicité apparaissent dans le JV ), dans les fausses pubs, comme l’indique son
nom, tout est fictif.
La marque/organisation imaginaire ( mais pouvant parodier une vraie marque ) fait
une campagne de pub pour un produit/service tout aussi fantaisiste ( qui eux aussi,
peuvent imiter des marchandises que nous connaissons ).
9
Pour comprendre la façon dont le processus de création publicitaire est repris et
utilisé à des fins non commerciales par les studios de développement, nous allons
suivre un plan, légèrement différent de celui imposé par l’ISCOM, car trop rigide et
contraignant pour un sujet comme le notre. Tristement, pour des raisons techniques
relatives à la notation, chaque point abordé se limite à un exemple, alors qu’il en
existe des milliers tous plus beaux les uns que les autres. J’invite le lecteur à faire
des aller-retour entre le propos et les annexes correspondantes, afin de se rendre
compte de la qualité et de la quantité du contenu ou du jeu étudié. Pour finir cette
parenthèse, je demanderais au correcteur de faire preuve de clémence quant à mon
respect du cahier des charges. J’ai voulu traiter d’un sujet qui me passionne, mais qui
passionne peu. Les fiches de lectures sont absentes non pas par paresse, mais, car
aucun ouvrage ne traite plus d’un paragraphe ou deux du sujet, et ne m’a apporté
quelconque information, comparé à la centaine d’Artbook* que j’ai consultée.
Afin d’illustrer concrètement mon propos, je serais souvent obligé d’insérer des
images. N’y voyez aucun raccourci pour atteindre le nombre de pages à moindres
frais, mais une démarche pédagogique et inévitable.
*Certains jeux vidéo publient la compilation de leurs travaux préparatoires ( images,
visuels, croquis ), post-sortie du jeu.
Ainsi, nous commencerons par étudier le merveilleux monde du jeu vidéo et du
détournement publicitaire.
Ensuite, nous analyserons ce qui se fait de mieux en la matière.
Enfin, nous explorerons les applications sur d’autres supports.
***
10
PREMIÈRE PARTIE : Message à caractère publicitaire
A Il était une fois le jeu vidéo.
1. Silence, ça tourne
	 Depuis sa création dans les années 50 jusqu’aux années 80-90 le jeu vidéo
était réservé à un public de geeks boutonneux et/ou d’adolescents attardés (cette
vision est caricaturale, mais tout de même assez proche de la réalité ).
À cette époque, le jeu vidéo était considéré comme un «sous-bien culturel» par
rapport à son imposant ainé, le cinéma.
Depuis, l’industrie s’est émancipée de cette image peu reluisante, jusqu’à devenir le
goliath qu’il est actuellement.
Aujourd’hui, le jeu vidéo est la deuxième industrie culturelle en France ( derrière
le livre ) et la première dans le monde, depuis 2002 devant le cinéma en chiffre
d’affaires global.
Le crapaud baveux est devenu prince charmant.
L’industrie est passée des Pong, Tetris, ou Space Invaders, jeux aussi simplistes
qu’enfantins, aux GTA, Crysis et autre Call of Duty à la frontière du réel.
Forcément, même constat pour les développeurs.
Les passionnées qui bidouillaient jeux et codes dans leurs garages se sont muées en
studios professionnels dont les éditeurs sont côtés en bourse.
Le jeu vidéo a mûri, les enfants ont grandi, le joueur moyen ayant 35 ans.
Inévitablement, les jeux et leurs contenus ont aussi évolué. De plus, la technologie s’est
améliorée drastiquement, ouvrant de nouvelles possibilités techniques. Développer
plus, pour jouer plus.
En exploitant ces capacités technologiques prodigieuses qu’offre l’informatique
moderne, les studios ont amélioré leurs graphismes, jusqu’à devenir, à présent,
quasiment photo-réalistes.
Des machines plus puissantes signifient inexorablement détails plus poussés et pixels
polis avec précision par les orfèvres du jeu vidéo.
Nous arrivons pas à pas au cœur du sujet.
	
En plus d’avoir rattrapé le cinéma sur le plan budgétaire, les studios des jeux vidéo
11
ont emprunté au 7e art certains savoir-faire en matière de réalisation, comme
la modélisation et l’animation 3D ( vu la quantité de films tournés sur fond vert,
les deux industries se confondent ), mais aussi des techniques narratives, dont le
détournement publicitaire.
Les fausses pubs dans le cinéma sont bien antérieures à celles des jeux vidéo.
C’est logique, le cinéma est un doyen centenaire, quand le jeu vidéo est «seulement»
cinquantenaire. Le parallèle entre les fausses pubs du cinéma et du jeu vidéo est
alors incontournable,
faisons ensemble un rapide tour d’horizon.
Sur grand écran on retrouve trois genres de marques :
-Souvent, des ersatz de vraies marques.
À l’image de Morley, marque de cigarette ressemblant étrangement à Marlboro.
Visuellement, les paquets sont presque identiques, les couleurs rouges et blanches,
étant conjugués à la célèbre typographie.
Morley traverse les époques et est adopté par de nombreuses productions, devenant
une sorte d’indispensable pour tout accessoiriste qui se respecte .
Hitchock les fait apparaitre dans Psychose, dans X Files l’agent spécial Fox Mulder en
fume, ou plus récemment Daryl, survivant de la série The Walking Dead, s’en délecte.
-D’autres sont créées de toutes pièces.
Comme la légendaire bière Duff des Simpsons, tellement présente dans l’imaginaire
collectif, qu’elle est désormais réellement commercialisée.
-Enfin, les entreprises-personnages, comme la maléfique Skynet de Terminator. Plus
que de simples figurantes, ces marques sont directement impliquées dans le scénario.
12
Pour terminer cette parenthèse, la littérature est tout aussi riche en détournement
publicitaire.
Le néo-Los Angeles imaginé par Philip K. Dick dans Blade Runner foisonne de pubs,
et on retrouve cette culture dans son adaptation
cinématographique réalisée par Ridley Scott.
Ou encore chez Émile Zola, dont le Bonheur des
Dames, rappelle à tous les grands magasins.
Blade runner : Los Angeles, 2019, où se
prélassent répliquants et répliques de pubs.
2.Le détournement, lubie du jeu vidéo
Les fausses pubs ne sont qu’un détournement parmi tant d’autres. Au sein des jeux
vidéo, il en existe un nombre incalculable.
Journaux, films, magazines, notre société est gourmande de médias, on parle même
d’infobesité. Tous ces éléments font, au même titre que la publicité, partie de nos
vies, et sont donc porteurs de vraisemblance.
Dans les jeux vidéo, chaque univers peut avoir ses médias, traitant d’une l’actualité
propre à l’univers jeu, sa culture, riche de films, musiciens et comics rattachés au
monde dans lequel l’aventure se déroule.
C’est une mine d’or pour les développeurs, qui laissent libre cours à leur imagination
pour créer divers détournements, chaque jeu ayant sa culture.
Ces détournements favorisent eux aussi l’immersion, car ils créent une atmosphère
et un monde au-delà de l’espace limité ( à la fois dans le temps et dans l’espace ) du
jeu. On imagine d’autres régions du jeu, derrière les barrières purement techniques
imposées par les développeurs ( dans un jeu vidéo, une carte a obligatoirement un
début et une fin ), ou l’on visualise ce à quoi pouvait ressembler l’univers avant tel ou
tel bouleversement. Pour faire vivre une marque il faut du brand content, pour faire
vivre un jeu, il faut du détournement.
13
Voici quatre exemples:
Journaux:
Dans The Evil Within, jeu
d’horreur, on peut lire le Krimson
Post, quotidien aux nouvelles
inquiétantes de la petite ville où le
joueur explore un asile hanté.
Musique:
Dans The Last Of Us, deux survivants traversent une Amérique
ravagée par un mystérieux virus.
Pendant l’exploration, on retrouve des posters de musique affichés
çà et là, dans des dortoirs étudiants. Là encore, les différents
groupes fictifs soulignent la vie avant la contamination. Ces
différents éléments servent d’outil narratif prouvant qu’il y a eu un
avant et un après la pandémie. Le monde qu’explore le joueur est
plus authentique.
Magazines:
Dans le futur proche de Doom, le joueur incarne un Marine
envoyé sur Mars défendre une base scientifique, en proie à de
mystérieux évènements paranormaux. Sur la planète rouge, le
joueur peut trouver un magazine, sobrement intitulé «Booty» et
dont la couverture est délicieusement provocatrice.
Séries & films:
Enfin dans Battlefield Hardline, on suit un flic des stups, aux enquêtes mouvementées
et aux arrestations musclées. Traditionnellement, la série des Battlefield faisait
incarner aux joueurs des soldats durant différents conflits.
Pas cette fois. Le studio ayant succombé aux sirènes frénétiques des séries télé, si
populaires en ce moment.
Pour cet épisode particulier de la saga, les développeurs ont puisé l’inspiration à
travers films et séries cultes des années 80, type Miami Vice.
14
Pour leur rendre hommage, les développeurs ont inséré dans le jeu, divers clins d’oeil
et détournements de films ou séries.
Ici, on reconnait Mad Men, série culte sur la réclame des sixties.
Là, l’acteur principal, Isaac Clarke, est l’homonyme du personnage principal de
Dead Space, jeu développé par le même studio 5 ans auparavant.
Autre référence, ces trois affiches reprennent les codes des jaquettes cinématographiques.
Cependant, le film n’est autre que le jeu lui-même. Ces posters renvoient aux séries B policières.
Elles s’affichent sur certains immeubles du jeu, à la manière des affiches démesurées qui
pullulent dans nos villes à chaque sortie de blockbuster.
.
15
3. Des balbutiements précoces
En ce qui concerne les fausses pubs des jeux vidéo, commençons par un peu d’histoire.
Les premières fausses pubs apparaissent dans les années 80 et restent à un stade
rudimentaire jusqu’aux années 2000. On les retrouve alors principalement dans les
jeux de sport et de course, imitant les affiches bordant la piste, ou les nombreuses
coupures publicitaires propres aux retransmissions télé d’évènements sportifs.
Marlboro et Agip, deux annonceurs phares de la course
automobile, parodiés en Marioro et Luigip, du nom des
deux personnages principaux de Mario Kart.
Dans TV Sports Basketball, la traditionnelle page de pub avant-match est sponsorisée
par Sewer’s Beer, littéralement, la bière des égouts.
Je vous parle d’un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre.
À l’époque, les consoles utilisent des microprocesseurs 64, 32, 16 voire 8 bits. C’est
très peu comparé aux gigas qu’on met aisément dans un téléphone de nos jours.
Cette faible puissance de calcul signifiait peu de pixels dans les jeux.
Malgré cette limite technique, les développeurs rusent pour intégrer de fausses pubs
avec les graphismes grossiers d’époque.
16
Comme Jean-Philippe Biscay, qui développe Billy La Banlieue en 1986,
Billy la Banlieue est le pionnier hexagonal des fausses pubs.
Le joueur y incarne un punk déambulant dans le métro parisien.
Avec quelques pixels et beaucoup d’ingéniosité, Jean-Philippe Biscay fait vivre ces
souterrains.
Dans les couloirs du réseau, différentes affiches, aux pixels bruts, mais aux intentions
nobles.
On y trouve pêle-mêle affiches, photos pixélisées à la main, clins d’oeil à l’entourage
et aux centres d’intérêt de Jean-Philippe Biscay.
Comparé à l’âge du jeu vidéo, Billy la Banlieue est relativement ancien, mais précurseur
des fausses pubs. Déjà à l’époque, le décor ne pouvait plus se cantonner à être simple
théâtre du jeu, il doit faire partie du jeu.
Le plan de Paris,
incontournable du
métropolitain RATPien
Logo des Rollings Stones,
chers au créateur du jeu
Imaginé comme une simple
affiche d’un film de science-
fiction, un an plus tard Zox
2099 devient le titre d’un
vrai jeu développé par
Jean-Philippe Biscay
Portrait de Jo, l’épouse
de M. Biscay.
Reprise d’un concert
pour la paix en 85.
Le corps de guitare
forme l’Afrique.
Photo de Lisa Minelli tirée
d’un magazine
17
La même année, c’est plus fort qu’eux, les Japonais de Sega sortent Outrun. À
l’époque, c’est la référence du jeu
de course. On y retrouve aussi de
fausses pubs autour de la ligne
départ.
Bien qu’elles soient limitées
à quelques lettres ou un logo
difficilement déchiffrable, c’est un
début.
Deux ans plus tard, en 1988, c’est dans Manhunter : New York, qu’apparaissent
d’autres prémices de fausses pubs. Les néons lumineux des recoins malfamés de la
Grande Pomme sont présents, mais manquent de détails. Le temps, et les progrès
techniques combleront ce manque.
B Pourquoi ?
1 Grand prix Stratégie.
Toutes les pubs ont un ADN commun. Un annonceur veut communiquer auprès d’une
cible précise à propos d’une de ses offres. Pour cela il s’adresse à une agence de
publicité. Mais dans les fausses pubs ce schéma est-il respecté ?
Oui, mais les pistes sont brouillées. Pourquoi ?
Parce que le studio est à la fois annonceur et agence de publicité. La cible reste le
joueur du jeu.
Annonceur, car il décide de quoi les pubs vont traiter, quels service ou objet de
l’univers du jeu seront mis en avant. Comme des parents soucieux, les studios ne
18
veulent que le meilleur pour leurs progénitures. Nous l’avons vu auparavant, créer
une fausse pub est une manière de soigner sa copie, en créant un détail, qui prolonge
l’expérience du joueur dans un monde plus immersif.
Agence de pub, car pour faire ces affiches il faut évidemment réaliser un travail
créatif. Chaque jeu a son scénario, ses personnages et son univers. Cette singularité
doit se retrouver dans le travail de cette «agence» sous peine de produire un résultat
fade, similaire aux trop nombreuses pubs aseptisées qui envahissent le monde de la
communication.
La cible n’est autre que les joueurs. Les studios connaissent parfaitement leur public.
Par exemple, les jeux de guerre visent majoritairement une cible masculine et mature,
tandis qu’un Mario Bros, beaucoup plus familial, s’adresse à un public tout autre.
Quand on connait bien sa cible, tout est plus facile.
Les fausses pubs ne veulent rien vendre au joueur, mais prolonger son expérience du
jeu. Et de lui proposer des finitions impeccables.
Être son propre patron c’est bien, être son propre client c’est mieux.
En contrôlant de A à Z la publicité en jeu, à la fois annonceur et agence, les studios
utilisent la communication comme bon leur semble, selon leurs desseins. Certaines
marques, grâces à leur identité et publicité sont des piliers du scénario, construites
comme des personnages à part entière.
En contrôlant la pub, les studios développent mieux leurs scénarios, perfectionnent
l’intrigue et peuplent des mondes virtuels.
Pour raconter l’Histoire de leurs mondes, ils font appel au narrative design, ou design
narratif. Sous ce terme mystérieux se cache un insight simple : un environnement
peut retracer son passé, faire vivre son présent, ou dessiner son futur.
Le monde nous parle. Qu’on soit au milieu des favélas brésiliennes, sur un vaisseau
spatial, ou dans les cachots d’une cité médiévale, l’environnement communique
différemment.
On évite de longs dialogues, mais l’impact est tout aussi puissant. Nous vivons dans
une société d’image, la publicité en fait partie.
Miroir, miroir... Dis-moi quelle est la plus vraie ?
À la question «pensez-vous que la pub est un reflet de notre société ? «112 voix
infirment, tandis que 338 voix affirment. Le constat est sans appel. Pour bien
représenter un endroit, il faut bien en maitriser la publicité.
19
2 Le Narrative Design, une autre histoire.
Tout est porteur de symboles. D’ailleurs, la publicité le sait, elle en utilise abondamment.
L’environnement donne des informations, au même titre qu’une tenue vestimentaire
ou qu’un accent particulier, sur son histoire, ses valeurs.
Le narrative design englobe tout ce que l’on peut voir à l’écran que ce soit le style
graphique donné au jeu, l’architecture des villes, ou encore l’aspect des personnages.
Comme nous l’explique Lucas Lomuscio, Game & Level Designer : «les publicités sont
un bon moyen pour donner de la profondeur à un univers, d’ancrer le joueur dans une
réalité fictive, des repères. «
«Le narrative design ce n’est pas seulement le déroulement de l’histoire, mais ce qu’il
y a autour» ajoute-t-il. On peut résumer le narrative design comme du storytelling
environnemental.
En polissant le moindre pixel de leurs univers, les studios maintiennent la suspension
consentie d’incrédulité. Cette opération mentale enfantine, consister à accepter, le
temps d’un livre, d’un film ou, dans notre cas d’un jeu vidéo, que les dragons existent,
que les nazis ont gagné la Deuxième Guerre mondiale, ou encore que la Terre est
décimée par une guerre nucléaire.
Finalement, le narrative design c’est un contrat entre les créateurs du jeu, et ses
explorateurs.
En jouant, le joueur accepte de s’ébattre dans un monde fictif, ou utopique.
En contrepartie, l’univers proposé, aussi improbable qu’il soit, se doit d’être cohérent.
Soigner la sémiologie que renvoie chacun des éléments du jeu, c’est permettre au
narrative design d’exprimer une narration non linéaire, on apprend en s’amusant.
L’environnement devient un personnage à part entière, qui a beaucoup d’histoires à
raconter. Les murs ont des oreilles, mais aussi une bouche.
Dès la phase de préproduction, on imagine, puis perfectionne les fausses pubs.
20
Les joueurs ne s’y trompent pas, à la question « selon vous, les fausses pubs sont-
elles un bon moyen de raconter des histoires dans l’Histoire ?» 318 joueurs répondent
oui contre 128 non.
Le but reste simple, immerger le joueur dans un monde attrayant, et lui donner envie
d’y rester, puis d’y revenir.
Dans Alien Isolation, spin off vidéoludique du long
métrage réalisé par Ridley Scott, on peut apercevoir
une fausse pub pour le radar, objet culte de la saga.
Cette fausse pub raconte le passé du célèbre outil.
Grâce à la pub, son apparition dans le jeu -pour éviter
l’alien- fait sens.
La présence du radar, seule «arme» permettant
de lutter contre l’alien à bord la station spatiale est
légitime. Il était déjà présent sur le Sevastopol, pour,
à l’origine, éradiquer la vermine.
Qu’est-ce qui est pire qu’un nazi ? Un über-nazi. Dans Wolfentstein : The New Order,
le Reich domine notre monde actuel.
21
City 17, ses gardes, ses barbelés, sa propagande. Dans Half-Life 2, le joueur
incarne Gordon Freeman, un scientifique combattant à la fois régime totalitaire et
extraterrestres extracoriaces.
Dans Broforce, les «Bros», composés de Schwarzy, Chuck Norris, Mr. T et consorts
sont prêts à ravager la moitié du Monde pour le libérer du joug des terroristes à la
solde de Satan.
Au cours de leurs interventions «pacificatrices», les Bros croisent différentes pubs
mettant en scène les adversaires du jeu.
22
3 Que diable allaient-ils faire dans ces fausses pubs ?
La publicité pullule dans notre Monde. Peut-on dissocier Time Square de ses pubs
démesurées ou Hong Kong des milliers de panneaux publicitaires suspendus ?
Ainsi, il est naturel de voir de la pub dans les mondes virtuels. Pour représenter au
mieux une ville, il faut en respecter les codes. Que ce soit ses bruits, ses passants,
ses véhicules ou dans notre cas, sa publicité.
Le questionnaire nous le confirme. À l’affirmation «La pub fait partie de nos villes, nos
médias, et nos vies», 78 joueurs ne se disent absolument pas d’accord, tandis que
366 voix partagent ce constat.
Pour plus de crédibilité et de profondeur aux univers, les mondes vidéoludiques ont
leurs propres pubs.
Attention, une vraie photo de Hong Kong s’est glissée dans ces captures d’écran.
			 GTA IV et son Time Square, plus vrai que nature.
23
Établissons clairement, le pourquoi des fausses pubs dans les jeux :
Les raisons sont nombreuses.
- Plus de réalisme aux univers. La publicité fait partie de nos vies, de nos villes et de
notre économie, il est logique d’en voir dans ces univers parallèles. Les personnages
des jeux vidéo ont aussi une vie et un
caddy à remplir tous les mois.
Dans Titanfall, tout le monde s’arrache
le dernier robot à la mode.
- Parodie de marques existantes.
Ces parodies évitent de couteux procès des marques visées. Un logo proche, une
communication identique, et la caricature est réussie.
Rarement flatteuses, ces parodies donnent l’occasion de critiquer ladite marque, ou
les travers de nos sociétés. Les produits détournés sont d’ailleurs souvent les mêmes
que nous consommons quotidiennement. La série Grand Theft Auto est le maitre
incontesté en la matière.
- Simple faux, donnant l’illusion du vrai. Toujours dans une démarche de mieux
représenter la ville, certains studios créent de fausses pubs, imitant celles que l’on
peut voir quotidiennement. La publicité est obligatoire pour donner vie aux villes.
Dans ce cas, la difficulté consiste à trouver noms, slogans et logos distincts de ceux qui
existent réellement, afin de ne pas être attaqué en justice. Ces images publicitaires
ne cherchent pas à être authentiques, mais simplement crédibles.
Cette sublime pub issue de Battlefield Hardline imite les Jeep, Land Rover et tutti
quanti. Notez l’accroche «Find yourself», et le nom de la marque «Get Lost».
Particulièrement pertinent pour un tout-terrain censé vendre liberté et retour à la
nature, malgré les 30 litres au 100.
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- Dans un cas plus rare, c’est la contrainte économique ou politique qui peut
empêcher l’utilisation d’une vraie marque dans le jeu. Sega par exemple, dans la
version japonaise de Shenmue avait signé un partenariat avec Coca-Cola. Cependant
la version occidentale, n’inclut pas l’accord commercial entre les deux entreprises.
Ainsi le protagoniste se rafraichit avec du Jet Cola, parant tout imbroglio contractuel.
- Private-joke interne aux équipes travaillant sur le jeu. Pour produire un jeu et ses
fausses pubs, il faut une équipe considérable. L’esprit taquin, certains développeurs
y insèrent des blagues destiné à leurs collègues.
Dans Battlefield, jeu développé par DICE, un studio suédois, on trouve des affiches
pour Lars Of Sweden. Ici, la marque Tigers of Sweden est détournée avec un clin
d’oeil à Lars Gustavsson, directeur de la création du jeu.
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C Comment ?
1 Y a-t-il un chef de projet dans la salle ?
Différents acteurs interviennent dans la réalisation des fausses pubs.
Tous ces métiers travaillent main dans la main pendant le développement.
- Le cerveau : Le scénariste.
- L’oeil : Le directeur artistique.
- La colonne vertébrale : Le level designer. Celui-ci doit traduire le scénario en niveaux
à la fois esthétiques et fonctionnels. Il pose les fondations du niveau.
- Les mains : Les concept-artists. Avant de développer le jeu, ce sont ces artistes qui
esquissent les ébauches de ce à quoi le monde ressemblera. Ils doivent représenter
des idées. Ensuite, ils feront des idées une réalité. Ces petites mains qui produisent
une quantité phénoménale de contenu, ils consolident le travail du Level Designer.
- Les articulations : Les graphistes 3D ou les artistes FX. Ils intègrent les fausses
pubs dans le jeu. Ils font la transition 2D -> 3D.
Comme un faussaire imitant à la perfection les Grands Maitres, pour créer une fausse-
pub, il faut obligatoirement en connaitre les codes.
Ainsi, les studios étudient la pub, ou la communication de certaines marques pour
imaginer des campagnes fictives.
Aussi, certains concept-artists viennent du monde de la communication ou ont des
formations de graphiste, ce qui se révèle d’une grande utilité.
Les concept-artists sont généralement libres pour créer ces visuels. Souvent, les
fausses pubs sont construites avec d’autres éléments visuels du jeu.
Posséder des modèles 3D modulables à souhait, ça aide.
Par exemple, l’égérie de cette pub peut être un personnage secondaire du jeu, ou cette
splendide berline dont est faite la promotion, vous n’y avez jamais prêté attention
durant votre aventure, mais elle est belle et bien présente dans les rues du jeu.
26
Dans la campagne de Battlefield 4, nous croisons Huang Shuyi, une
redoutable espionne des services secrets chinois. Les traits de ce
personnage sont repris et retravaillés afin d’en faire une fausse pub en
jeu.
2 Agence de pub et studio de développement, si loin
mais si proche.
Loin des yeux, près du coeur. Pour créer une vraie pub en agence ou
une fausse en jeu, le processus est assez proche. Commençons par
le commencement. Pour une agence de pub, la première étape est
d’analyser le brief. Pour un studio de développement, il faut le créer,
ce qui est déjà une démarche créative. Les scénaristes laissent libre cours à leur
créativité pour imaginer différentes entreprises, plus ou moins importante dans
l’histoire du jeu - les entreprises ennemies bénéficieront d’un soin particulier. La seule
condition est de respecter l’univers du jeu. On évite aussi les anachronismes ou les
pubs déplacées. Une fausse pub représentant des drogues dans un jeu destiné aux
enfants serait malvenue.
«Pour Remember Me les concepts artistes recevaient une liste des pubs, avec les
noms et descriptions, voire même des couleurs, et les réalisaient eux-mêmes.»
Paul Chadeisson, concept-artist
Néo-Paris, la Ville lumière a changé, mais
JCDecaux est toujours là.
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Les briefs sont alors transmis aux graphistes et concept artistes qui, sous la tutelle
du Directeur Artistique, vont créer les fausses pubs, un peu comme le Directeur de
Création qui manage ses créatifs.
Comme en agence, pour que la création soit de qualité, il faut avoir le maximum
d’informations sur l’entreprise et le message qu’elle souhaite communiquer.
Les scénaristes doivent donc inclure dans leurs briefs, les noms, descriptions voire les
couleurs de l’entreprise.
Cependant contrairement aux agences, il n’y a pas de démarche mercantile dans ces
publicités. Ainsi les concept-artists et graphistes évitent les célèbres interminables
retours clients effectués en agence, via le chef de projet.
Étude de logo. comme en agence, il faut plusieurs
propositions.
Un autre point commun en l’agence et le studio est la retouche d’image. La publicité
créée des images parfaites, à grand renfort de Photoshop. Dans la pub, rien ne doit
altérer la beauté des mannequins, exempts de boutons, cicatrices et autres défauts
physiques qui font notre charme.
Dans les fausses pubs, les modèles utilisés font partie du jeu, mais subissent le
même traitement qu’un vrai mannequin publicitaire.
Retouches de la peau, remodelages du corps, et autres peaufinages numériques de
l’image publicitaire sont communs aux deux industries, la pub vend la perfection.
Enfin, certains studios sous-traitent la production des fausses pubs. Si la majorité des
fausses pubs est produite en interne, d’autres développeurs choisissent d’exporter la
production de ces images à des studios de graphistes externes. Ceux-ci réalisent les
identités et les pubs en fonction des instructions du scénariste.
Là encore, il y a une similitude entre les deux industries, les agences faisant appel à
des freelances, pour réaliser des missions ponctuelles.
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DEUXIÈME PARTIE : Ze cream of ze cream
1 Des années 40 à nos jours
LA Noire.
Le jeu:
1947, Los Angeles.
L’inspecteur Phelps enquête sur différents meurtres commis sauvagement dans la
Cité des anges. Au fur et à mesure de ses investigations, le détective comprend que
dans l’Amérique post-Seconde Guerre mondiale, certains sont prêts à tout pour faire
taire des langues trop biens pendues.
Ses pubs:
Le jeu réactualise l’esthétique des films noirs propres aux années 40, à la manière de
l’excellent L.A. Confidential. Il en va de même pour la réclame d’époque.
Dans cette riche Amérique d’après-guerre, la pub est omniprésente. Elle s’affiche
déjà en 4x3 le long des rues et rythme régulièrement les programmes radio.
Comment ne pas tomber sous le charme de Burst, le soda de nos chères têtes blondes?
Ses adorables fruits personnifiés, son soleil rayonnant de vitalité... Tous les ingrédients
visuels sont cultivés et bien mûris.
L’accroche, quant à elle, est à tomber.
«For thirst, drink Burst, not your average beverage.”
Les mots sont choisis, le rythme dansant : c’est un sans faute
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Mafia II
Le jeu:
La pègre cherche toujours de nouveaux talents. Le joueur incarne Vito Scaletta,
ancien Marine devenu homme de main, qui épaissit son CV de criminel dans la belle
ville d’Empire Bay, mélangeant New York et San Francisco. Une des particularités
du titre est son déroulement chronologique. En effet, l’action s’établit de la Seconde
Guerre mondiale aux années 50.
Ses pubs:
Différentes époques incluent autant de pubs. On voit l’évolution de la publicité en
général, mais aussi de certaines marques qui changent de communication en fonction
de l’époque. Inévitablement, on assiste aussi à l’évolution de la société américaine.
Pendant la guerre, l’appel à l’union sacrée et au soutien des troupes. Dans les années
40, ce sont les premiers frigos domestiques. Pendant les fifities, ce sont les «dinner»
Greasiens, et ainsi de suite.
Prenons par exemple la publicité pour Big Break, une marque de cigarettes, en plein
effort de guerre.
«Big Break for the big push»
Le big push, fait référence à la libération de l’Europe du bourreau nazi. À l’époque,
les G.I. débarqués sur les plages siciliennes et normandes entamaient la marche sur
Berlin.
Cette vaste opération est ici représentée grâce à un jeu de typographie et l’ajout
d’une pin-up, à la manière des surnoms de bombardiers, peints par l’équipage à
même la carlingue. En temps de guerre, la publicité tourne à plein régime.
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Bioshock
Le jeu:
Un accident d’avion au-dessus de l’Atlantique, et voilà Jack, le héros, seul survivant,
seul en mer. Au milieu de l’océan, Jack aperçoit une lumière. Cette lueur dans la nuit
provient d’un phare perdu au milieu des flots. Ce sont les portes de Rapture City,
sorte d’Atlantide moderne. La ville des abysses, bâtie sur une utopie où la science n’a
plus d’éthique, est déserte, seulement peuplée de quelques personnages inquiétants.
Ses pubs:
L’utopie sur laquelle Rapture s’est construite a eu raison de la cité sous-marine.
Mais si la société s’est effondrée, ses pubs sont encore bien présentes, et on devine
entre les lignes ce qui a causé sa perte. Le matraquage publicitaire dont était victime
la population est une source d’information inépuisable pour le joueur.
«J’adore m’imaginer ce qui survient lorsque s’effondrent les mondes fondés sur de bonnes idées»
Ken Levine, lecteur de 1984 et accessoirement directeur de la création, cofondateur, chez Irrational Games
Jack acquiert d’étranges pouvoirs en buvant de prodigieux flacons, appelés «Plasmid».
On compte parmi ces aptitudes, force décuplée, maitrise des éléments, téléportation,
et tutti quanti. Si pour notre héros, ces capacités surnaturelles se révèlent fort utiles
en combat, les publicités de la ville en vendent un usage tout autre, comme la
télékinésie, qui aide à passer aisément l’aspirateur sous le canapé. Ce qui se révèle
particulièrement utile quand on est une ménagère de moins de cinquante ans.
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2 Le monde contemporain
GTA V
Le jeu:
Avant de comprendre les fausses pubs de GTA, il faut analyser l’essence même de la
série.
GTA est une série de jeux vidéo débutée en 1997.
Le principe du jeu est simple. Le joueur incarne un gangster qui gravit les échelons
de la pègre dans des similivilles américaines reconstituées minutieusement.
Tour à tour homme de main de la pègre, voyou des ghettos malfamés ou trafiquant
d’êtres humains originaires des Balkans. Les protagonistes de GTA sont des antihéros
sans foi ni loi. Au fur et à mesure des épisodes, GTA cultive le politiquement incorrect,
qui attire tant les joueurs. Écraser des piétons, dévaliser les banques ou assassiner
un innocent sera votre pain quotidien durant l’aventure. Le crime paie. Si les médias
s’alarment d’un déferlement de violence à chaque sortie d’un nouvel épisode, c’est
ce qui fait son succès auprès des joueurs, mais pas seulement. Véritable satire
de l’Amérique, on y côtoie l’inavouable et les dérives de la société américaine. On
ridiculise l’American way of life, dans un cocktail d’explosions et de fusillades.
Dans ce drôle de monde, de nombreux symboles de l’Amérique sont tournés en
dérision. On y croise des personnages hauts en couleur et riches en vice.
Self-made-man sans scrupules, agents des stups corrompus, ou encore politicien
véreux pour ne citer qu’eux. L’univers quant à lui, est particulièrement détaillé pour
souligner cette Amérique atteinte de la folie des grandeurs.
Par exemple, dans GTA 4, la Statue de la Liberté, renommée Statue of Hapiness,
prend les traits d’Hilary Cliton, et éclaire la ville non pas avec sa torche, mais à l’aide
d’un gobelet Starbucks
32
Ou encore dans GTA 5, où
Facebook devient Lifeinvader,
traduisez- L’envahisseur de vie-
Ses pubs :
GTA est depuis longtemps, LE roi des rois en matière de fausses pubs. Il est
indéniablement le plus connu par les joueurs. Évidemment ses fausses pubs se
devaient d’être imprégnées de l’esprit satyrique insufflé au reste de l’aventure.
Welcome to the real United States of Advertising.
Si l’imitation de Leffe est réussie visuellement, que dire de l’accroche ?
«Let it rain»
La référence aux envies pressantes post-pinte est purement géniale, et dite avec une
élégance remarquable.
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Battlefield 4
Le jeu :
Seconde Guerre mondiale, Vietnam, conflits modernes : Battlefield les a toutes faites.
Cette série, vétéran du jeu de guerre depuis 2002, vous permet d’incarner tankiste,
pilote de chasse, d’hélicoptère, ou simple fantassin sur un champ de bataille démesuré.
Bien que les cartes soient à une échelle colossale, le jeu se veut accessible et il faut
plusieurs balles pour éliminer un adversaire. Battlefield n’est pas une simulation, la
guerre y étant théâtralisée, mais la série se revendique comme crédible. C’est le cas,
les recherches documentaires à propos des armées et de leurs armes, ont toujours
été de bonne facture.
Ses pubs :
On retrouve cette recherche de vraisemblance dans les pubs du jeu.
Dans le dernier épisode de la série, la majeure partie de l’action se déroule en Chine.
En 2020, nul besoin de vous dire que Mao et le communisme sont un lointain souvenir
pour l’Empire du Milieu. Le capitalisme sauce aigre-douce est très gouteux, notamment
parceque les fausses pubs du jeu mélangent les codes occidentaux et asiatiques de
la publicité.
Panther, homonyme des chars d’assaut allemands, est un constructeur automobile
chinois. Si la voiture ou le logo vous évoquent Jaguar, c’est normal. Les développeurs
ont du flair. Ayant senti l’arrivée prochaine des industriels chinois sur le marché de la
voiture de luxe, les développeurs eurent envie d’apporter leur pierre à l’édifice.
Décidément, les Chinois sont partout.
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Just Cause 3
Le jeu :
Le joueur incarne Rico Rodriguez, un agent américain ayant pour mission de renverser
le Général Di Ravello, tyran de Medici, un archipel méditerranéen fictif, d’inspiration
sicilienne, grecque, et espagnole.
L’emprise du Généralissimo est totale. Afin d’affranchir la population, notre agent
doit détruire, entre autres : les haut-parleurs répétant sans cesse la propagande
du dictateur, les camions mégaphones faisant l’éloge du despote ( similaires aux
camions-pub de cirque ), les affiches de propagande, les statues géantes à l’effigie
du persécuteur, ou encore les écoutes -sorte de balise radar surveillant les riverains.
Ses pubs :
Étonnement, Medici est une dictature où il fait bon vivre. Ses pubs sont plus
proches de la rue du Faubourg-Saint-Honoré que du goulag. Parfum, alcool et bijoux
côtoient pizza et voiture sur les affiches de l’île. Une autre particularité est la langue
utilisée, mélangeant différentes sonorités européennes, mais intrinsèquement
compréhensibles.
Sur fond du drapeau Medicien flottant au vent, le général pose, le poing sur le coeur.
Sa moustache fournie achève de le placer dans la cour des plus grands tyrans.
À sa droite, le texte construit comme une pyramide, avec à sa base le nom du tyran.
Dessus, repose les valeurs de paix, stabilité, sécurité, et prospérité chères à tout
régime totalitaire qui se respecte. À noter, le mélange des langues, à savoir italien,
roumain et latin.
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3. Futur et lendemains qui chantent
Remember Me
Le jeu :
En 2084, le monde entier dispose de Sensation Engine -ou plus communément
Sensen-,un implant situé au niveau de la nuque, et en liaison directe avec notre
cerveau. Big Brother serait aux anges.
Nilin ( quel beau prénom ) est chasseuse de souvenirs à Néo-Paris. Elle pénètre les
implants pour soutirer des informations stratégiques.
Mais la police capture la chasseuse et lui efface tous souvenirs.
Nilin part alors en quête de son identité.
Ses pubs :
Pas besoin d’être futurologue pour se projeter en 2084, les fausses pubs du jeu se
basent sur notre monde. La direction artistique des fausses pubs du jeu est inspirée
de vraies tendances publicitaires. Elles sont ainsi plus vraisemblables, car plus faciles
à reconnaitre. En utilisant et modernisant les codes graphiques contemporains, le
joueur peut se projeter plus facilement.
En outre, les équipes du jeu ont, plutôt que se cantonner au design futuriste, réutilisé
et réinterprété les codes de la publicité d’antan, donnant un cachet « typically French»
au Néo-Paris.
Réalisation épurée et élégante, empruntant les codes du luxe. Contrebalançant avec
ce noir intense, l’orange attire l’oeil, c’est le signe distinctif de la marque, un peu
comme la languette rouge Lévis.
L’accroche ‘Trust your Senwall 2.0» est lourde de sens. Quand on connait le scénario
du jeu, et les obscurs desseins de la société qui commercialise cet implant, il devient
difficile de croire à ce discours protecteur et rassurant.
Lespersonnesdemandantqu’onleurfasseconfiancesontsouventlesplusmalhonnêtes.
36
Dead Space
Le jeu :
Isaac Clarke - en référence aux plumes SF Isaac Asimov et Arthur C. Clarke - est
un astromécanicien heureux. Jusqu’au jour où il est envoyé sur l’USG Ishimura, une
station spatiale titanesque, dont les communications sont coupées. Très vite, Isaac
se rend compte qu’il aura plus qu’une antenne à réparer, l’équipage ayant fait place
à des monstres difformes, les nécromorphes.
Ses pubs:
Dans l’Ishimura, personne ne vous entendra crier. La station est sombre, elle vous
plonge dans un monde horrible, ensanglanté et angoissant.
De temps en temps, au détour d’un couloir Isaac croise publicités, affiches, et autres
enseignes lumineuses.
Ces fausses pubs brisent la sensation d’oppression omniprésente, seul dans l’espace
entouré de monstres, et accordent au joueur un petit moment de répit.
D’ailleurs Ian Milham explique que ces pubs sont conçus comme des pauses pour
le joueur, détonnant de l’atmosphère funèbre ambiante. Ces affiches sont conçues
comme un phare dans la nuit, les développeurs utilisent ces fausses pubs pour éclairer
ça et là, le lugubre Ishimura. Un clair-obscur à faire pâlir Le Caravage en somme.
Une des pubs est particulièrement intéressante.
L’annonceur n’est ici pas seulement fictif, il est totalement inconnu. Si les pin-up
mises en scène nous laissent deviner que Peng produit un effet des plus agréables,
nous n’avons pas plus d’informations sur la nature du produit. Pouvant être aussi bien
un soda, qu’une drogue aphrodisiaque ( en 2508 les pilules bleues c’est de l’histoire
ancienne ) les développeurs laissent délibérément le joueur dans l’incertitude.
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Fallout 4
Le jeu:
Après une guerre nucléaire totale, le monde tel qu’on le connait n’existe plus.
À sa place, une Terre dévastée et aride, ravagée par les radiations et peuplée de
mutants. Le joueur se fraye un chemin dans cet univers post-apocalyptique pour
différentes missions. Bien que Fallout réécrive l’Histoire, le jeu est imprégné de
l’esthétique des années 50. À cette époque, si l’un des deux blocs avait utilisé l’arme
atomique, notre planète ressemblerait au monde de Fallout, la vie -ou ce qu’il en
reste- en moins.
Ses pubs:
Les fausses pubs sont inhérentes au jeu. Reprenant les mécanismes du Narrative
Design, elles permettent au joueur d’entrevoir la vie préapocalypse, ils sont autant
d’indices sur la vie et la société passées. Pour effectuer ce voyage dans le temps,
une seule consigne : garder une esthétique rétro tout en la rattachant à l’univers
uchronique du jeu. Vu le décalage visuel créé, c’est réussi. Les pubs accentuent le
chaos environnemental. Leurs couleurs vives jurent avec les ruines ternes d’une
Amérique délabrée.
L’Amérique a souffert. Le monde en porte les séquelles, comme figé dans le temps.
Le Rita’s Café, autrefois «Open all night» semble définitivement fermé. Ses serveuses
sorties tout droit d’American Graffiti, portent une combinaison spatiale plus proche
du fantasme que de l’effectivité homologuée par la NASA. La langue de Shakespeare
rivalise avec celle de Molière pour produire un slogan aussi malin que «our pies are
outta’ this world» en tous cas les développeurs de Bethesda viennent bel et bien
d’une autre planète -difficilement colonisable- constituée de travail et d’excellence.
38
III TROISIÈME PARTIE...et plus si affinités
Des fausses pubs d’utilité publique ? Pas totalement, mais presque.
En jeu, elles offrent des possibilités intéressantes pour les développeurs.
Dans la vie, elles offrent d’autres possibilités intéressantes pour les publicitaires.
N’oublions pas que la création prend une place centrale dans l’essence de la pub
ainsi que celle du jeu vidéo. D’autant plus que nous avons vu, lors de notre étude
quantitative, que l’on peut haïr la publicité et plébiscité les fausses pubs du jeu
vidéo. Clairement, il y a une porte entrebâillée qui mérite de s’ouvrir doucement, en
saisissant la poignée avec douceur et compréhension.
Plus sérieusement, les joueurs, comme tout le monde, n’aiment pas la mauvaise pub,
il y a un problème de contenu, et d’envahissement ( qui veut être dérangé en pleine
partie par un message publicitaire ). Mais la pub intelligemment conçue, qui en plus
d’être créative, touche la bonne personne au bon moment, est en voie de disparition.
Sauvons-la.
Si certains vieux pontes de la profession considèrent le détournement publicitaire, il
peut néanmoins être d’une considérable justesse, lorsqu’il est pertinent.
La pub est un support du quotidien, dont nous maitrisons tous les codes, à force
d’exposition et de répétitions chères à nos amis média planeurs.
Pour preuve, la campagne de l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illetrisme, réalisée
en 2012 par DDB. La justesse du détournement y est aussi saisissante que dans de
nombreuses fausses pubs issus des jeux vidéo.
« L’idée fondamentale, c’était de placer ceux qui savent lire dans la position d’illettrés,
ne serait-ce qu’une seconde ou deux, et ainsi leur démontrer l’importance des mots
et la gêne qui peut exister quand on ne sait pas décoder la totalité d’un message.»
Jean-François Bouchet, Concepteur-rédacteur chez DDB Paris.
39
Et d’ajouter «Il existe des détournements totalement gratuits, qui ne sont réalisés
que par ce que c’est amusant, décalé, impactant, et d’autres où la forme et le fond
sont plus intrinsèquement liés. Je crois que notre campagne relevait de ce dernier
cas. C’est sans doute pourquoi elle a reçu un si bon accueil, à la fois du public et des
publicitaires.»
Mais dans notre cas, il y a un ingrédient secret: le jeu vidéo.
Et quand la fiction rejoint la réalité, elle offre d’étonnantes perspectives.
Les fausses pubs et ce qui leur est rattaché permettent à la publicité divers usages.
En outre, détournement, jeu vidéo et publicité se marient très bien.
Là encore, étudions quelques cas de ce ménage à trois :
-Fausse vraie pub :
Print : Pour la sortie d’Assassins Creed Syndicate, jeu se déroulant dans le Londres
victorien, l’agence montréalaise Bleublancrouge a conçu différentes affiches illustrant
la main mise des Templiers, l’organisation maléfique contre laquelle le joueur lutte,
sur le monde d’antan. Les passants étaient incités à déchirer les affiches pour révéler
leur véritable nature.
40
Spot :
APEX - OUR PAST, YOUR FUTURE
https://youtu.be/PsTR49Wk67w
Dans l’Amérique occupée par les Coréens d’Homefront Revolution, Appex est une
entreprise obscure. Communicant à la manière d’Apple, l’élargissement de ses
activités inquiète. Le spot, utilisé pour promouvoir le jeu, passe de similipremiers
Mac aux fusils-mitrailleurs , sans sourciller.
Steve Jobs doit se retourner dans sa tombe.
Web : J’invite le lecteur à visiter sarifindustries.com
Mis en place pour Deus-Ex, le site de Sarif Industries, la corporation ennemie du jeu,
est un modèle de fausse-pub à des fins commerciales. Le site imite la communication
corporate qu’aurait eue Sarif Industries à notre époque. Régulièrement pendant la
navigation, le site est faussement «piraté» et affiche des messages dissidents de
l’entreprise.
-Vraie pub détournant les jeux vidéo :
Les jeux vidéo ont aussi leurs classiques. Metal Gear Solid en est un.
Ce jeu d’infiltration créé par Hideo Kojima, met en scène Solid Snake, un soldat
d’élite, dans diverses missions. Le bestiaire du jeu est des plus variés.
Afin de promouvoir ses voitures, Ford détourne deux scènes cultes du jeu.
Le premier spot parodie les Codec Call, sorte de briefing auquel assiste le joueur
avant chaque mission. Ici, Solid Snake est briefé sur les caractéristiques de la Focus.
A Codec Call to Remember | Overdubs | Ford
https://youtu.be/GPnTa1UJPEI
41
Le deuxième spot détourne une cinématique du jeu, précédant le combat final contre
Psycho Mantis, un adversaire télépathe. Là encore, Psycho Mantis découvre grâce
à ses pouvoirs que notre héros
succombe aux qualités d’une
Ford.
A Meeting with Psycho
Mantis | Overdubs | Ford
https://youtu.be/z4LUasFly0c
-Productising issu de fausse pub:
Le 10 novembre 2015 correspond à la date de lancement du jeu Fallout
4, mais pas seulement.
En effet, les consommateurs américains déambulant au rayon soda d’une
grande surface Target, pouvaient s’offrir une bouteille de Nuka-cola
Quantum. Ce soda bleuté et légèrement radioactif est un des produits
fictifs les plus célèbres du jeu.
Mais chez Target, point de radioactivité, juste une simple limonade aux
baies reconditionnée aux couleurs de la fausse marque. Ce coup marketing
fut organisé par les développeurs du jeu, Bethesda, en partenariat avec
Jones Soda Co, un fabricant de soda local.
42
-Annonce cachée :
Dans son dernier Halo, série de jeu commencé 10 ans auparavant, Bungie, le
développeur, insère une fausse pub particulière. L’annonceur n’a ici que peu
d’importance, Asklon étant un constructeur de véhicules du jeu.
L’accroche et le visuel sont beaucoup plus intéressants.
Pourquoi ? Car ils annoncent à demi-mot le prochain jeu du studio, sorti 5 ans plus
tard : Destiny. À l’époque, le projet était confidentiel, et la pub ne faisait sens que
pour les développeurs du jeu. Cette fausse pub résonne comme une promesse, les
développeurs ayant utilisé une fausse pub pour annoncer, sans que personne ne
sache, leur prochain projet.
-En jeu, vraie fausse pub
Certains studios, surfant sur l’idée qu’on peut encore faire de l’argent après avoir
facturé 70 € un jeu, mettent en place des systèmes économiques à l’intérieur même
du jeu.
Vous échangez vos espèces sonnantes et trébuchantes, contre une monnaie virtuelle
43
propre à chaque jeu, pour le dépenser en jeu. Capacités surpuissantes, vêtements
rares, voitures spéciales, et tutti quanti sont au menu.
Pour faire passer la pilule ( payer pour gagner est un concept dur à comprendre ), les
fausses pubs sont appelées en renfort.
Par exemple, dans GTA Online, le mode multijoueur de la série, des visuels vantent
les bonus accordés aux plus dépensiers en matière de GTA$. Le tout avec beaucoup
d’ironie, la banque s’appelant «Shark» -requin- et proposant des cartes bleues en
forme d’aileron.
Écran de
chargement de
GTA V, à droite la
vraie fausse pub.
Aujourd’hui, les fausses pubs tendent à se généraliser dans les super productions,
c’est une bonne chose. Cependant, la présence de fausse pub dans les jeux à petit
budget est beaucoup plus rare. Il faut du temps, et de l’argent pour créer une pub,
même quand celle-ci est fausse, les petites productions manquent des deux.
Les fausses pubs sont passionnantes d’un point de vue publicitaire. Pas seulement
par leur réalisation, souvent splendide, ou leur message, rarement dénué d’intérêt.
Elles montrent à quel point la publicité prend une place incommensurable dans notre
monde, et ainsi, par mimétisme, dans les mondes virtuels.
Cependant
Pour exploiter ces fausses pubs en dehors du jeu vidéo, nous venons de voir plusieurs
possibilités.
44
Il en manque deux, liant publicité et jeu vidéo : l’advergame et le placement de
produit. Ces deux ouvertures ne sont pas intéressantes pour notre sujet. L’advergame
étant à la base, pensé et conçu comme une publicité avant d’être un jeu vidéo. Le
placement de produit comme les vraies pubs sont incompatibles avec le jeu vidéo.
Alors oui, pour un développeur c’est une manne d’argent inespérée, mais les joueurs
en ont horreur. Chaque
tentative reçoit un accueil
houleux des joueurs, les
marques de notre monde
n’ayant rien à faire dans les
mondes virtuels.
Conclusion
Dans notre monde, la pub
est nécessaire. Elle permet
de proposer du contenu
gratuitement, ou de réduire certains couts. Dans les jeux vidéos, les fausses pubs
sont facultatives, mais offrent un contenu artistique et scénaristique indispensable
pour faire un bon jeu.
Les fausses pubs sont belles, intelligentes, pertinentes. Nombre d’entre nous serait
prêt à passer la bague au doigt de ces pubs parfaites, ou du moins d’acheter leurs
produits. La publicité prend une place importante dans nos vies, nos loisirs aussi, la
société tend d’ailleurs à être affamés de loisirs, leur accès étant, grâce à Internet
et aux nouvelles technologies. Nous vivons dans un drôle de monde, où un cercle
vicieux entraine toujours plus de pubs vendant toujours plus de loisirs, de plaisir, de
perfection, et d’atteinte du bonheur.
Contrairement à ce que disait Marcel Blanchat, la publicité vend de plus en plus
de vent. Ce n’est pas la faute de la publicité, mais des annonceurs, qui créent des
produits dont nul n’a besoin, ou aux utilités questionnables.
En tant qu’aspirant concepteur-rédacteur, ce sujet m’a permis de voir comment sont
traités des produits imaginés de toutes pièces, vendus par des entreprises virtuelles,
dans des plans média inexistants.
En tant que joueur, ce sujet a été un formidable moment, où j’ai pu discuter avec les
créateurs de mondes qui me sont chers. Bien que mes compétences en codage et en
modélisation 3D sont proches du néant, ce mémoire m’a donné envie d’un jour, si
l’opportunité se présente, travailler dans, ou du moins avec cette industrie.
45
ANNEXES
47
QUESTIONAIRE........................................................................49
INTERVIEWS/ISARTEXPERTSANONYMES.................................51
LUCAS LOMUSCIO.....................................................................52
ROBERT SAMMELIN...................................................................54
PAUL CHADEISSON..................................................................55
JEAN-PHILIPPE BISCAY............................................................56
JEAN-FRANCOIS BOUCHET........................................................57
DETOURNEMENTS/JOURNAUX..................................................60
MUSIQUE..................................................................................61
MAGAZINES & COMICS.............................................................62
FILMS & SERIES.......................................................................70
FAUSSES PUBS AVANT 1960/ASSASSIN CREED........................75
DISHONORED...........................................................................76
RED DEAD REDEMPTION...........................................................77
MAFIA II..................................................................................78
LA NOIRE..................................................................................81
BIOSHOCK................................................................................83
CONTEMPORAINE/BATMAN ARKHAM CITY...............................88
BATTLEFIELD HARDLINE...........................................................89
BATTLEFIELD 4.........................................................................90
THE EVIL WITHIN+HITMAN ABSOLUTION................................92
JUST CAUSE 3...........................................................................93
THE DIVISION..........................................................................95
GTA V.......................................................................................96
FUTUR/ALIEN:ISOLATION..........................................................99
REMEMBER ME........................................................................100
DEAD SPACE...........................................................................102
ODDWORLD............................................................................103
WOLFENSTEIN : THE NEW ORDER...........................................104
FALLOUT 4..............................................................................105
CAMPAGNE ANLCI...................................................................110
49
QUESTIONNAIRE
50
51
INTERVIEWS
Alexandra Russo, département vie scolaire à l’ISART
Bonjour,
Voici les réponses que j’ai obtenu de plusieurs de mes collègues en Pédagogie (at-
tention toutefois, à ISART DIGITAL, nous n’avons pas d’expert dans le domaine de
la publicité au sein des jeux vidéos!):
1 / RESPONSABLE PEDAGOGIQUE GAME ART
Dans les jeux vidéo il y a des fausses pubs mais aussi des vraies pubs.
Pourquoi de Vraies Pubs dans les jeux :
- Seulement dans le cas où les développeurs ont signé un contrat avec avec une
marque en l’échange d’argent.
Pourquoi de Fausses Pubs dans les jeux :
- Pour éviter les procès avec les marques qui se sentiraient visées.
- Pour plus de vraisemblance et d’immersion dans un univers
lorsque cet univers comporte des Pubs dans la vraie vie.
- Les fausses pubs peuvent être de simple «fakes» pour donner l’illusion de...
- Les fausses Pubs peuvent être l’occasion de faire des «private jokes» internes à
l’équipe (juste pour se marrer en interne)
ou des plagiats, des clins d’œils à la vraie vie (ça reste à checker côté juridique
quand même).
ce dernier cas est plutôt rare, on a rarement le temps et le budget en prod de
passer du temps sur ce genre de détails.
Ça peut avoir un intérêt pour faire un peu de buzz côté marketing sur le jeu.. mais
en général on canalise l’énergie et la bonne volonté ailleurs...
et côté parodies on évite les risques de Procès...
2 / SPÉCIALISTE EN CULTURE DU JEU VIDEO / GAME DESIGN
ça me parait être un sujet très intéressant sur de nombreux points.
1 / la pub comme support de réalisme (vrai pub dans un univers réaliste qui donne
une sensation de réel)
2 / Un placement de produit à un côté «gagnant-gagnant». Réalisme de l’univers
pour le dev, pub pour l’annonceur. (c’est même parfois un critère de promotion «re-
gardez il y des vrais produits de marque dans mon je», je pense notamment à de
nombreux partenariats publicitaires qui ont eut lieu au Japon pour la série Yakuza).
3 / La contrainte économique/politique qui empêche l’utilisation d’une marque. Sou-
vent le cas pour de simple raisons budgétaires. On va donc imiter la marque dans
la limite du droit... Après il peut y avoir des raisons plus complexes qui font qu’un
droit d’utilisation peut-être signée dans un pays mais qu’il n’est pas valable dans un
autre. (je pense à Shenmue, avec ces canettes de Coca-Cola dans la version Jap, et
ses cannettes de Cola-truc en occident).
52
4 / La contrainte peut aussi être culturelle. Là c’est des problématiques de locali-
sations. Mettre une «vraie» pub dans un contexte donné mais qui sera totalement
inconnue pour un joueur d’une autre culture c’est prendre le risque de le confronter
à une étrangeté qui peut lui donner l’impression d’être «fausse».
5 / Le détournement de la pub peut aussi être un moyen de critiquer certaines
marques dans un discours anti-truc ou pseudo anti-truc. C’est notamment le cas
dans GTAIV avec les détournement par exemple de Starbuck et le fait que la statue
de la Liberté tienne un gobelet de la marque.
6 / Ce détournement peut aussi être vu à l’inverse comme une validation de l’im-
portance structurelle de ces marques et par là même leur donner une sorte de
légitimité sociale si ce n’est sociétale. C’est aussi la critique qui a pu être formulée à
l’endroit du caractère pseudo-subversif de GTA...
Et puis globalement cela participe de la narration environnementale qui nous donne
des informations sur le monde dans lequel on évolue, sur son histoire, ses valeurs.
Les pubs de Nuca-cola / Pib Boy dans Fallout, de Sarif dans Deus Ex, etc...
Pour des raisons de confidentialité, et d’indisponibilité, je ne peux vous donner leur
coordonnées (ils sont très pris par leur activité professionnelle en dehors de l’école,
mais bien entendu, ils accordent un maximum de temps à nos étudiants.
Lucas Lomuscio, Game & Level Designer
Salut Nil,
comme promis je te réponds!
Le narrative design est la façon dont l’histoire du jeu et de son univers, est racon-
tée dans un jeu. Ce n’est pas seulement le fil narratif, c’est aussi tout ce qui crée le
monde.
Que ce soit le style graphique, l’architecture, l’aspect des personnages (Par exemple
un perso hyper musclé dans un jeu de guerre raconte une histoire, c’est un arché-
type de soldat qui a vu beaucoup de conflits, etc... cela dépend aussi du type de jeu
bien sur). Et dans ton cas précis les publicités sont un bon moyen pour donner de
la profondeur à un univers, d’ancrer le joueur dans une réalité fictive, des repères.
Cela maintient la suspension consentie d’incrédulité (google ça :) ). Elles transfor-
ment un univers imaginaire en un univers plausible.
Je vais te donner un exemple:
La série des Fallout utilise énormément de références aux années 50-60 et de la
culture américaine à cette période, alors que le jeu se déroule en 2200+, et cela se
ressent dans les fausses pubs qu’ils mettent en scène, elles te donnent un aperçu
de la vie avant la guerre nucléaire en 2070... qqch, et donne au joueur l’impression
d’évoluer dans un univers cohérent, même si en terme de Gameplay elles sont inu-
tiles, elles construisent un univers, le font vivre, ainsi le joueur n’a pas la sensation
d’évoluer dans un monde vide qui ne racontent pas une histoire. Ils prennent des
53
publicités existantes et les détournent afin d’y faire passer leur message, elles ra-
content une histoire en elles même. Dans le cas de Fallout, elles racontent l’histoire
d’une société paralysée par la peur d’une guerre nucléaire, du patriotisme, du men-
songe, du soleil et de la consommation à outrance.
Je te conseille de jeter un coup d’oeil à celles de borderlands 1-2 tu verras l’évolu-
tion entre les 2 épisodes : leur aspect narratif, qui fait référence à l’humour et au
décalage de la série.
Elles t’offrent un insight sur le monde dans lequel le joueur évolue et de son am-
biance, ainsi dans Deus Ex, tu as énormément de publicités sur les implants bio-
niques, donc le joueur se doute qu’il est dans le futur ou les multinationales sont
omniprésentes, mais aussi il a accès à un aperçu au joueur des pouvoirs qu’ils
pourraient acquérir.
Voilà ce qu’est le narrative design, ce n’est pas seulement le déroulement de l’his-
toire, mais ce qu’il y a autour aussi afin d’immerger le joueur dans l’univers du jeu
et lui donner envie de revenir. Les publicités ne sont pas seulement visuelles, elles
sont aussi audio (Bioshock1 et Deus Ex Human revolution font ça très bien). Je
pourrai t’en parler pendant des heures, mais n’étant pas un expert je n’ai pas envie
de te donner de mauvaises réponse.
Le narrative design n’est pas «que» le gameplay mais ce qui fait l’univers, ça a peu
à voir avec le gameplay, c’est par exemple le style graphique utilisé (Gears of war
c’est très gothique, Deus Ex c’est cyber punk si je ne me trompe pas), c’est aussi
les noms des personnages ou des lieux qui font référence à quelque chose de my-
thologique ou non
(Ex: dans Mass Effect tu joues qqn qui s’appelle Shepard et doit rallier les races
de la galaxie contre une menace, détournement de sheperd=berger en anglais, tu
meurs et reviens à la vie donc image du Messie, etc...)
C’est un peu «complique» d’expliquer comme ça mais en gros le narrative design
donne de la profondeur à l’univers, pas en terme de gameplay mais d’ambiance et
d’immersion
Tu ne trouveras pas c que je veux dire dans les artworks de borderlands, je te
conseille d’y jouer.
Le suspension of disbelieif, c’est le spectateur accepte que l’univers présenté est
fictif, mais en contrepartie le créateur doit le rendre cohérent. Et les pubs sont un
bon moyen pour rendre qqch cohérent car ancrent le joueur dans une unité d’es-
pace et de temps.
54
Robert Sammelin, concept-artist, DICE
In the Battlefield 4 Artbook you explain that you created graffiti, ads and movie
posters.
You did not use real elements but they look as they were real.
- Thank you!
My research are about how you do it with ads and why.
You said you studied chinese graffiti, but did you also studied advertising ?
- We did study some contemporary chinese design, but went with creating our own
mix of modern and traditional design styles for that setting, as we use fake adverti-
sing to go along with the art direction and emphasize our take on the look and feel
of the environment. We never strive to be 100% authentic, but rather feel belie-
vable within the boundaries we set in the art direction - hopefully the gamer feels
this and trusts the look to be in line with the world we create and not the real wor-
ld.
And how are you creating an ads without advertiser ?Are you free to create all
these campaigns, including, product, logo, slogan, and do they mean something or
you just want to fake real advertising campaigns ?
For example the « Nature Evolved » campaign for Panther looks just like a Jaguar
ads.
- I really like advertising and graphic design and love the challenge of creating
believable ads. We (the concept artists) are completely free in making these since
we «own» the visuals together with the art director. The real challenge is coming
up with names, slogans and logos that aren’t real - we get sued by existing brands
otherwise haha. That car ad was hard; we felt china would be producing luxury cars
in the near future and felt we needed that profiling in adverts, but couldn’t use real
cars or photos - so we based the ad around our in-game car models, retouching to
make it look real. that also goes for any ad featuring people - we apply the same
principles in real adverts, retouching/airbrushing them into «perfection».
Also do you work with Environmental Artists and Level Designers on this, and if so,
is there any specific request on this subject while developping the game ?
- we’re always in tight collaboration across the project. In some cases a level desi-
gner has an idea what type of environment it should be; if it’s more fancy or com-
monplace and we create ads and graffiti to accommodate that sense.
Finally, what do these ads inspire you, are fake ads in videogames a good or a bad
thing ?
Anyway, they clearely make the universe more alive and they look sublime.
- Exactly - I love fake ads that sell the believability! I’m not a big fan of jokey,
internal humour type ads that make no sense to anyone but the team themselves.
I think the game worlds shouldn’t brake the fourth wall to the extent they do in
most cases - we have fake brands within our games that stick around and evolve,
just like real brands, giving it another level of being rooted in it’s own reality. I
strongly believe that even though you don’t immediately pick up on it, you’ll feel it
55
throughout the games - it sells you the world.
Because there is not much info on the subject, I am looking for an expert to moni-
tor my work on the subject. But don’t worry, it is only about a mail each month.
Would you accept it ? Meaning that I could analyze your work in depth with your
expert eyes and also from an advertising point of view.
If you are extremely busy right now and have to decline, do you know somebody
close to you that worked on this too ?
- Sure, I’m up for it - I’m terribly busy in periods, but I’ll try!
/Robert
Paul Chadeisson, concept-artist, DONTNOD Entertainment
Hello Nil,
Je vais répondre dans l’ordre de tes questions:
En espérant que cela t’aides ;)
-Certaines marques, grâces à leurs identités et publicités sont des piliers du scéna-
rio. Sont-elles construites comme des personnages à part entière ?
Oui, en fonction de l’importance de la pub dans l’univers et du jeu, on commence
par faire une liste des différentes entreprises que l’on souhaite avoir dans l’univers
afin d’avoir le maximum de variétés.
Certaines pubs bénéficieront de beaucoup plus de soin et de travail, comme celles
représentant une corporation importante dans l’histoire voir même être l’ennemi (
remember me, deus ex).
D’autres auront beaucoup moins d’importance et auront juste un but purement vi-
suel, d’ajouter d’avantage de vie dans un décor ( Strike Vector ).
-Pourquoi créer des fausses pubs dans un JV, alors que les gens sont de plus en
plus réfractaires à la vraie pub ?
Je pense qu’il y a des codes à respecter afin de représenter au mieux une ville :
pub, habitants, magasins, bruit, véhicules, etc...
en enlever certains perdraient grandement en immersion, surtout les pubs, elles
donnent l’impression qu’ils existent de vraies chose et événements dans l’univers.
-Qui est impliqué dans la création de ces pubs ?
Le scénariste, le directeur artistique, les graphistes / concept artistes.
-Les concepteurs et scénaristes du jeu travaillent de pair avec les artistes au sein
du studio ?
Cela dépendra du studio, certains studios vont créer l’identité, le concept de la pub,
et la feront réaliser par des studios de graphistes externes.
D’autres feront tout réaliser en interne, comme par exemple à Remember me, les
concepts artistes recevaient une liste des pubs, avec les noms et descriptions, voire
même des couleurs, et les réalisaient eux-mêmes.
Ensuite les graphistes 3D ou les artistes FX s’occupaient de les intégrer dans le jeu.
56
-Étudiez-vous la pub, ou la communication de certaines marques réelles pour ima-
giner des campagnes fictives ?
Oui c’est obligatoire, pour faire des pubs qui donnent l’impression d’être réel il faut
avoir en avoir les codes.
Certains artistes / concepts artistes viennent de formation de graphismes, ça aide.
-Comment crée-t-on une pub sans annonceur réel ( qui plus est dans un monde
futuristique ) ? Êtes-vous libres de A à Z ( Produit, Logo, Slogan ) ?
Il faut simplement définir un brief ( ce que l’annonceur fournirait a une agence de
communication ), on laisse libre cours à la créativité des scénaristes !
La liberté dépendra du jeu et de ce que représente le jeu, si le jeu est destiné a des
enfants il faudra éviter toute pub représentants des drogues ou autres.
- Votre opinion de la (vraie)pub ?
Je pense que la pub fait complètement partie de notre monde, aussi bien il y a
1000 ans comme aujourd’hui, chaque commerce doit se faire connaître, on ne peut
s’en passer.
L’identité de certaines villes vont même complètement être représenter par la pub,
Hong Kong par exemple avec tous ces grands panneaux suspendus et la pub à pro-
fusion,
sans tout cela la ville sera bien plus banale.
Jean-Philippe Biscay, créateur de Billy la Banlieue
Bonjour
Elles n’étaient pas facile a faire ces pub ( comme le reste du graphisme) car il y
avait très peu de pixels.
Sans titre-2.png => le Plan de Paris
Sans titre-3.png => le logo des Rolling Stones . Très expressif. (j’aime bcp les
stones)
Sans titre-4.png => J’ai voulu faire une affiche genre ciné, puis Zox 2099 devint
le titre d’un de mes jeux qq mois plus tard.
Sans titre-5.png => Le portrait de ma femme Jo.
Sans titre-6.png => Love... ma jeunesse... peace, love and music ... et des fleurs
partout.
Sans titre-7.png => Reprise d’un concert pour la paix en 85. Le corps de la gui-
tare est l’Afrique
Sans titre-8.png => Zox à nouveau. Sur Billy 2 c’est de la pub pour mon soft
sorti qq temps plus tôt.
Sans titre-9.png => Lisa MINELLI. Photo copiée sur un magazine.
Pour pixelliser les photos de Lisa Minelli et Jo (ma femme), je recouvrais la photo
avec du papier quadrillé, puis je
l’appliquais sur la vitre de ma fenêtre.
Voyant la photo par transparence derrière le quadrillage, je coloriais en noir les car-
reaux qui contenaient du foncé sur plus de la moitié.
Voila vous savez tout.
57
Jean-François Bouchet, concepteur-rédacteur chez DDB Paris
-D’où vient l’idée des fausses pubs ?
Je dois replacer la campagne dans un contexte : début 2012, l’ANLCI s’était vu re-
fuser le label «Grande cause nationale», attribué tous les ans par le gouvernement
et qui permet à la cause sélectionnée de bénéficier d’une plus large visibilité, mais
aussi de crédits supplémentaires ; l’obtenir en 2013 était l’objectif poursuivi.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’illettrisme, malgré le handicap que cela peut
représenter au quotidien, n’est pas aussi dramatique que le cancer, la faim dans le
monde ou l’inceste. Dans la triste hiérarchie des tragédies humaines que le public
peut établir (parce qu’il est très souvent sollicité pour donner de l’argent ou signer
une pétition), l’illettrisme n’arrive certainement pas en tête de liste. C’est pour
cette raison que nous en sommes arrivés à la campagne des détournements. Pour
cette raison et aussi parce que les campagnes déjà faites sur le sujet, en France ou
ailleurs, avaient une trop grande propension à la théâtralité. Il y avait eu beaucoup
de caricatures du genre : «ne pas savoir lire la notice des médicaments = mourir
intoxiqué», ou «ne pas savoir lire le panneau «attention, mines antipersonnel» = la
mort assurée». En réalité, l’illettrisme met rarement en danger immédiat ceux qui
en souffrent, car les illettrés se débrouillent constamment ; ils mettent au point des
stratégies d’évitement. Par exemple, ils prétendent qu’ils ont oublié leurs lunettes
pour se faire lire le menu au restaurant, ou encore la liste des stations dans le mé-
tro ; et les panneaux d’avertissement, de toute façon, sont généralement assor-
tis de pictos peu engageants, du type «tête de mort», qui n’incitent pas à aller se
balader dans une zone encore minée (ce qui est de toute façon moins commun en
France qu’au Vietnam ou en ex-Yougoslavie). En fait, l’illettrisme est un mal aussi
sournois que méconnu. Parmi ses victimes, on compte par exemple bon nombre de
salariés, qui le cachent à leur employeur. Des gens qui ont appris à lire et compter,
puis ont oublié, faute de pratique, victimes des aléas de l’existence. Deux millions
et demi à trois millions de Français étaient à priori concernés en 2012 (cela reste
une estimation).
Sensibiliser le grand public supposait donc une approche plus subtile que bon
nombre de campagnes auparavant. Il fallait favoriser un propos qui n’aille pas vers
l’outrance, et qui révèle finalement le caractère sournois du problème en France.
D’où diverses idées que nous avons écarté d’emblée. Pour s’arrêter sur les détour-
nements. De publicités, car c’est un support très quotidien, que l’on a sous les yeux
quand on déambule dans la rue ou le métro. Et puis les pubs, on connaît par cœur,
il était donc facile pour nous de les détourner, dans la mesure où on en maîtrise
tous les codes. L’idée fondamentale, c’était de placer ceux qui savent lire dans la
position d’illettrés, ne serait-ce qu’une seconde ou deux, et ainsi leur démontrer
l’importance des mots et la gêne qui peut exister quand on ne sait pas décoder la
totalité d’un message. Bref, nous voulions - gentiment - piéger le grand public. Et
d’après les retours que nous avons eus, nous y sommes parvenus. Grâce à une
diffusion en affichage mais aussi et surtout dans la presse mutualiste, le message a
été vu par plusieurs dizaines de millions de personnes, et la pétition en ligne a reçu
un soutien suffisant pour que début 2013, le premier ministre de l’époque (Jean-
marc Ayrault), accorde à l’ANLCI le label convoité.
Pourquoi les détournements publicitaires sont-ils si rares, alors que la campagne en
prouve la pertinence ?
58
-Pourquoi les détournements publicitaires sont-ils si rares, alors que la campagne
en prouve la pertinence ?
Ils ne sont pas si rares, en fait. Certains «vieux» publicitaires te diraient qu’il en
ont vu des quantités, au cours de leur carrière, et les plus intransigeants te diraient
même qu’il s’agit là d’une facilité créative. Le plus souvent, il s’agit de singer une
catégorie de produits.
Si tu scrutes attentivement le paysage publicitaire de ces dernières décennies, tu
apercevras des tas de parodies ou de détournements. En 1998, Rémi Noël et Eric
Holden avaient conçu une campagne dont les deux spots, «Fast Huitre» et «Ra-
pid Asperge», mettaient en scène des aliments instantanés - propres à susciter le
dégoût des consommateurs -, de façon à mieux vendre au final un produit 100%
naturel, le sucre, à une période où l’on ne jurait plus que par les édulcorants.
L’an dernier, on a vu diverses parodies de pubs Apple ; notamment ce film Ikea où
le catalogue - imprimé sur du papier - était décrit comme s’il s’agissait d’un iPad
(avec un second degré certain, puisqu’il est évidemment très facile de tourner les
pages d’un livre, en avant comme en arrière, ou même d’y placer un signet).
Les mêmes Holden et Noël ont détourné récemment des pubs de luxe pour parler
des sdf.
On pourrait en trouver des tonnes, dans le genre, il n’y a qu’à chercher. Je t’ai mis
des liens pour que tu puisses y jeter un œil, ce sera plus parlant. Je conclurai sur
le sujet en reprenant ton mot : la pertinence. Toute la question est là, en effet. Il
existe des détournements totalement gratuits, qui ne sont réalisés que par ce que
c’est amusant, décalé, impactant, et d’autres où la forme et le fond sont plus intrin-
sèquement liés. Je crois que notre campagne relevait de ce dernier cas. C’est sans
doute pourquoi elle a reçu un si bon accueil, à la fois du public et des publicitaires.
http://lareclame.fr/rapide+asperge+fast+huitre
Rapide Asperge et Fast Huitre : le sucre en 1998 - la Réclame
lareclame.fr
Souvenez-vous, c’était il y a 12 ans. En 1997, les producteurs de sucre français
cherchaient à faire une parade contre le pouvoir grandissant de l’édulcorant ...
https://www.youtube.com/watch?v=Syd1pKOJ__k
APPLE Iphone 6 Parody Commercial by IKEA «BookBook
www.youtube.com
http://www.beritasemasa.com.my : Top Apple Parody 2014. APPLE Iphone 6 parody
commercial : We believe this is not acfirst parody of Apple ‘s ad campaign, but...
http://www.cbnews.fr/creation/aurore-remy-noel-detourne-les-codes-du-luxe-pour-
les-sans-abris-a1019645
Aurore : Rémy Noël détourne les codes du luxe pour les ...
www.cbnews.fr
La fermeture, le 31 mars, des places hivernales d’hébergement, a provoqué la re-
59
mise à la rue de milliers de
-Les grandes causes adoptent souvent un ton grave, comment avez-vous vendu
cette campagne à l’ANLCI ?
Il ne reste plus qu’une question et en fait, j’y ai déjà répondu. Tu auras compris que
la campagne répondait aux besoins et attentes de l’ANLCI, il n’a donc pas été du
tout difficile de la leur vendre. Au contraire, ils en ont vu tout de suite l’intérêt. La
suite nous a tous donné raison.
Voilà. j’espère avoir répondu de manière satisfaisante. Si jamais certains points te
semblaient obscurs, n’hésite pas. De mon côté, je te poserai une question : es-tu
étudiant en com et travailles-tu à un mémoire sur un domaine qui englobe cette
campagne, ou bien m’as-tu interrogé par pure curiosité ?
Je te laisse,
bonne soirée
JF
60
JOURNAUX
61
MUSIQUE
62
MAGAZINES & COMICS
63
64
65
66
67
68
69
70
FILMS & SERIES
71
72
73
74
75
AVANT 1960
AGENCE BLEUBLANCROUGE POUR
ASSASSIN’S CREED SYNDICATE
Date de sortie initiale : 23 octobre 2015
Développeur : Ubisoft
76
DISHONORED
Date de sortie initiale : 9 octobre 2012
Développeur : Arkane Studios
77
RED DEAD REDEMPTION
Date de sortie initiale : 18 mai 2010
Développeur : Rockstar
78
MAFIA II
Date de sortie initiale : 23 août 2010
Développeur : 2K Czech
79
80
81
L.A. NOIRE
Date de sortie initiale : 17 mai 2011
Développeur : Team Bondi
82
83
BIOSHOCK + BIOSHOCK 2 + BIOSHOCK INFINITE
Date de sortie initiale : 2007-2010-2013
Développeur : Irrational Games
84
85
86
87
88
CONTEMPORAIN
BATMAN ARKHAM CITY
Date de sortie initiale : 18 octobre 2011
Développeur : Rocksteady Studios
89
BATTLEFIELD HARDLINE
Date de sortie initiale : 17 mars 2015
Développeur : Visceral Games
90
BATTLEFIELD 4
Date de sortie initiale : 29 octobre 2013
Développeur : DICE
91
92
THE EVIL WITHIN
Date de sortie initiale : octobre 2014
Développeur : Tango Gameworks
HITMAN ABSOLUTION
Date de sortie initiale : octobre 2014
Développeur : Tango Gameworks
93
JUST CAUSE 3
Date de sortie initiale : 1 décembre 2015
Développeur : Avalanche Studios
94
95
THE DIVISION
Date de sortie initiale : 8 mars 2016
Développeur : Massive Entertainment
96
GTA V
Date de sortie initiale : 17 septembre 2013
Développeur : Rockstar
97
98
99
FUTUR
ALIEN : ISOLATION
Date de sortie initiale : 7 octore 2014
Développeur : Creative Assembly
100
REMEMBER ME
Date de sortie initiale : 3 juin 2013
Développeur : Dontnod Entertainment
101
102
DEAD SPACE
Date de sortie initiale : 14 octobre 2008
Développeur : Visceral Games
103
ODDWORLD
Date de sortie initiale : 19 septembre 1997
Développeur : Oddworld Inhabitants
104
WOLFENSTEIN THE NEW ORDER
Date de sortie initiale : 20 mai 2014
Développeur : MachineGames
105
FALLOUT 4
Date de sortie initiale : 10 novembre 2015
Développeur : Bethesda
106
107
108
109
110
CAMPAGNE ANLCI
Date de sortie initiale : 2012
Agence : DDB
111
BIBLIOGRAPHIE
Deco Devolution : The art of BioShock 2
The art of Dishonored
The art of Mafia II
The art of Tom Clancy’s : The division
The art of Battlefield 4
The art of The evil within
The art of Hitman Absolution
The art of The last of us
The art of Alien Isolation
The art of Dead Space
The art of Fallout 4
The art of Half Life 2
The art of Oddworld Inhabitants : 1994-2004 First 10 years
The art of Remember me
The art of Titanfall
The art of Wolfenstein : The new order
The Art of Grand Theft Auto IV
113
SOUTENANCE
( NE PAS REGARDER AVANT L’ORAL )
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Les fausses pubs dans le jeu vidéo quand la pub devient support narratif et artistique

  • 1. 1 Nil Nivière -- Schouvaloff MKP4C 2015/16 Tuteur : André Lomuscio - Directeur : Robert Sammelin, Concept-artist, DICE LES FAUSSES PUBS DANS LE JEU VIDÉO quand la pub devient support narratif et artistique Comment, et pourquoi, les jeux vidéo créent de fausses publicités, alors que leurs annonceurs sont fictifs ? Tuteur : André Lomuscio Directeur : Robert Sammelin / Concept-artist / DICE Les fausses pubs dans le jeu vidéo quand la pub devient support narratif et artistique Comment et pourquoi les jeux vidéo créent de fausses publicités, alors que leurs annonceurs sont fictifs ? Nil Nivière -- Schouvaloff MKP4C 2015/16
  • 2.
  • 3. 3 INTRODUCTION : Hello world.....................................................5 PREMIÈRE PARTIE : Message à caractère publicitaire................10 A Il était une fois le jeu vidéo.....................................................10 1.Silence,çatourne...................................................................10 2. Le détournement, lubie du jeu vidéo.......................................12 3. Des balbutiements précoces..................................................15 B Pourquoi ?.............................................................................17 1. Grand prix Stratégie..............................................................17 2. Le Narrative Design, une autre histoire.................................19 3. Que diable allaient-ils faire dans ces fausses pubs ?.............22 C Comment ?............................................................................25 1. Y a-t-il un chef de projet dans la salle ?................................25 2. Agence de pub et studio de développement, si loin mais si proches....................................................................................26 DEUXIÈME PARTIE : Ze cream of ze cream................................28 Best case de fausses pubs. Trois époques, trois jeux par époque. 1. Des années 40 à nos jours....................................................28 LA Noire - Mafia II - Bioshock 2. Le monde contemporain........................................................31 GTA V - Battlefield 4 - Just Cause 3 3. Futur et lendemains qui chantent..........................................35 Remember Me - Dead Space - Fallout 4 TROISIEME PARTIE : ...et plus si affinités.................................38 CONCLUSION............................................................................44 ANNEXES......................................................................45
  • 4.
  • 5. 5 INTRODUCTION : Hello world On dit être touché par plus de 3000 messages publicitaires par jour. Dans les transports, à la télé, ou sur Internet, la pub est omniprésente, parfois asphyxiante. Elle fait partie de nos villes, de nos médias et donc un peu de nos vies. Pire, une ville dénuée de pubs serait irréaliste, ou Nord-coréenne. N’en déplaise à Don Quichotte, un grand homme a dit un jour ( c’était un mardi ) : « La publicité, c’est vendre des courants d’air, mais ce sont ces courants qui font tourner le moulin.» Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis. Quelle métaphore inspirée. Derrière une pub, il y a un annonceur, organisme ou entreprise, qui fait partie de quelque chose de plus grand : à savoir, d’un système politique quand il s’agit de propagande, ou plus communément, d’un système économique. Toujours à propos d’économie, l’industrie du jeu vidéo est plus que florissante. Elle se développe exponentiellement, possédant désormais ses propres super productions hollywoodiennes dont les budgets sont à couper le souffle : Dizaines, voire centaines de millions. ( Ce qui fait beaucoup de courants d’air, et encore plus de moulins ) Comme au cinéma, les studios développeurs ont le souci du détail, ces petits riens qui, mis bout à bout, font un grand tout. Pour que le spectacle soit réussi, rien ne doit être laissé au hasard. Résultat, dans les salles obscures, ou devant une PlayStation, le public est plongé dans un monde virtuel extraordinaire. Ainsi, toujours animés de cette remarquable volonté d’immersion, les studios imaginent de fausses pubs, vantant les qualités de produits ou services fictifs. Nous allons essayer de comprendre ce phénomène phénoménal.
  • 6. 6 *** Un travail de longue haleine, mais passionnant. Voici comment résumer l’ouvrage que vous tenez entre les mains. Malheureusement, les informations claires et précises manquent cruellement sur le sujet, inutile de préciser qu’il n’existe à ce jour aucun ouvrage sur le sujet. De plus, l’écrasante majorité des professionnels s’est montrée peu loquace, si ce n’est muette. Cependant, d’autres professionnels se sont, eux, montrés d’une aide infiniment précieuse. Ce qu’ils m’ont appris constitue la matière première de ce mémoire. Le reste est deviné entre les lignes par votre humble serviteur, fort d’un solide passé de joueur. Avant toutes choses, et parce que ce travail n’aurait jamais pu exister sans eux, je tenais à remercier les personnes qui m’ont aidé à réaliser ce projet. Tout d’abord, André ( Jonah ) Lomuscio, pour son soutien inconditionnel, son fils Lucas, pour m’avoir éclairé au sujet du Narrative Design, Robert Sammelin, concept-artist talentueux, qui m’a considérablement apporté et qui, avec son travail dans la série des Battlefield, m’a donné envie de traiter ce sujet, Paul Chadeisson, concept-artist tout aussi talentueux, et aux informations ô combien utiles pour ce mémoire, Alexandra Russo, ainsi que toute l’équipe de l’école ISART, Jean-Phillipe Biscay, véritable pionnier en matière des fausses pubs, Jean-François Bouchet, concepteur-rédacteur que j’admire pour son travail et qui a bien voulu discuter d’une de ses brillantes campagnes avec moi, Douglas Alves, historien du jeu vidéo,
  • 7. 7 Diane Launier, directrice du Musée d’Art Ludique, Quentin Clausse et Malik Othmani, pour m’avoir rendu moult services «cimer les bougs», Les internautes de jeuxvideo.com, pour avoir été si nombreux ( 474 ! ) à répondre à mon questionnaire et plus particulièrement : Grayhena - Kawoosh23 - doudou7137 - Riguel - project_MATO - frgoldeagle_2 - rifle-haze - apotrel - Maxime0412 - SgToubib - jackKr73 - Ant1900A - horwy - EvilGamer - DarkStoon - skrigzz - MORPHEUS_fnc - Elite77 - grey7- mathis - Alexxx998 - barbiatch - son2porc - Raeds - Anthony97atBAN - Excalibur974 - loltrololmdr - Martin_Madrazo - Vador69380 - joshthekush - mr-taah - ricorleone - Rafiix1196 -newgeneration44 - Saygus2 - akaphoto - nasted -gregousniper -cesarpalace - Randocan -Capitaine_Bide - antasurris - scarfacemperor - 8Rollins - DrDuke - Artifex - Yoyonche -Midnight-Best - Lyo_74 -frgoldeagle_2 - nova_t_legend - horwy - Arklight06 - et tous les autres ! Et enfin toutes les autres personnes que j’aurais oubliées, mais qui ont fait partie de l’aventure. Quelle aventure ! Mais n’est-ce pas l’essence même du jeu vidéo ? Faire vivre aux joueurs des histoires extraordinaires ? Le joueur y devient gobelin maléfique, général victorien, ou encore simple plombier aussi italien que moustachu. Il n’existe aucune limite de temps ou d’espace -ce qui aurait plu à notre ami Albert Einstein. Bonne nouvelle, car dans l’histoire de l’humanité il a toujours fallu, pour un commerce , où qu’il soit, se différencier et être reconnaissable. Que ce soit parmi les échoppes médiévales ou dans les allées des Galeries Lafayette, vous trouverez noms et symboles différenciant. D’ailleurs, la croix chrétienne n’est-elle pas un des logos les plus réussis et mémorables disait Jacques Séguela ? Mais revenons à nos moutons vidéoludiques. Dans les jeux vidéo, la publicité a une place particulière. Ô rage ! ô désespoir ! Malgré les efforts constants entretenus par les créatifs
  • 8. 8 publicitaires, les gens n’aiment pas la pub. Triste constat, surtout vu l’énergie et l’argent investis dans les budgets communication actuels. Le moulin s’essouffle-t-il ? Sur 474 joueurs interrogés, à la question «Votre appréciation de la vraie publicité ?», 299, soit 63%, répondent être des «Ad Block Pro user». Ce chiffre est colossal, 2/3 des joueurs sont réfractaires à la publicité. Toujours sur ce même échantillon, 152 joueurs se disent indifférents à la pub. Ils représentent 32% des personnes interrogées. Finalement, seulement 21 sondés s’expriment en faveur de la publicité. Pas besoin d’être matheux pour comprendre que sur près de 500 personnes, c’est infime. En revanche, lorsqu’on questionne le même échantillon à propos des fausses pubs dans le jeu vidéo, les réponses sont diamétralement opposées. À la question «trouvez-vous pertinent d’intégrer de fausses pubs dans les JV» 52 voix s’élèvent contre, 120 restent mitigés, lorsque 275 joueurs plébiscitent les fausses pubs. Les fausses pubs sont plébiscitées par les joueurs, tandis que ces mêmes joueurs sont réfractaires à la vraie pub. Ainsi nous étudierons comment, et pourquoi, les jeux vidéo créent de fausses publicités, alors que leurs annonceurs sont fictifs ? Dans ces univers vidéo ludiques, la pub vend tout, comme chez nous. Que ce soit un burger galactique, le dernier dictateur à la mode, ou un fusil d’assaut flambant neuf : tout est commercialisable. À l’inverse du placement de produit ( où la vraie marque paye pour que ses produits ou sa publicité apparaissent dans le JV ), dans les fausses pubs, comme l’indique son nom, tout est fictif. La marque/organisation imaginaire ( mais pouvant parodier une vraie marque ) fait une campagne de pub pour un produit/service tout aussi fantaisiste ( qui eux aussi, peuvent imiter des marchandises que nous connaissons ).
  • 9. 9 Pour comprendre la façon dont le processus de création publicitaire est repris et utilisé à des fins non commerciales par les studios de développement, nous allons suivre un plan, légèrement différent de celui imposé par l’ISCOM, car trop rigide et contraignant pour un sujet comme le notre. Tristement, pour des raisons techniques relatives à la notation, chaque point abordé se limite à un exemple, alors qu’il en existe des milliers tous plus beaux les uns que les autres. J’invite le lecteur à faire des aller-retour entre le propos et les annexes correspondantes, afin de se rendre compte de la qualité et de la quantité du contenu ou du jeu étudié. Pour finir cette parenthèse, je demanderais au correcteur de faire preuve de clémence quant à mon respect du cahier des charges. J’ai voulu traiter d’un sujet qui me passionne, mais qui passionne peu. Les fiches de lectures sont absentes non pas par paresse, mais, car aucun ouvrage ne traite plus d’un paragraphe ou deux du sujet, et ne m’a apporté quelconque information, comparé à la centaine d’Artbook* que j’ai consultée. Afin d’illustrer concrètement mon propos, je serais souvent obligé d’insérer des images. N’y voyez aucun raccourci pour atteindre le nombre de pages à moindres frais, mais une démarche pédagogique et inévitable. *Certains jeux vidéo publient la compilation de leurs travaux préparatoires ( images, visuels, croquis ), post-sortie du jeu. Ainsi, nous commencerons par étudier le merveilleux monde du jeu vidéo et du détournement publicitaire. Ensuite, nous analyserons ce qui se fait de mieux en la matière. Enfin, nous explorerons les applications sur d’autres supports. ***
  • 10. 10 PREMIÈRE PARTIE : Message à caractère publicitaire A Il était une fois le jeu vidéo. 1. Silence, ça tourne Depuis sa création dans les années 50 jusqu’aux années 80-90 le jeu vidéo était réservé à un public de geeks boutonneux et/ou d’adolescents attardés (cette vision est caricaturale, mais tout de même assez proche de la réalité ). À cette époque, le jeu vidéo était considéré comme un «sous-bien culturel» par rapport à son imposant ainé, le cinéma. Depuis, l’industrie s’est émancipée de cette image peu reluisante, jusqu’à devenir le goliath qu’il est actuellement. Aujourd’hui, le jeu vidéo est la deuxième industrie culturelle en France ( derrière le livre ) et la première dans le monde, depuis 2002 devant le cinéma en chiffre d’affaires global. Le crapaud baveux est devenu prince charmant. L’industrie est passée des Pong, Tetris, ou Space Invaders, jeux aussi simplistes qu’enfantins, aux GTA, Crysis et autre Call of Duty à la frontière du réel. Forcément, même constat pour les développeurs. Les passionnées qui bidouillaient jeux et codes dans leurs garages se sont muées en studios professionnels dont les éditeurs sont côtés en bourse. Le jeu vidéo a mûri, les enfants ont grandi, le joueur moyen ayant 35 ans. Inévitablement, les jeux et leurs contenus ont aussi évolué. De plus, la technologie s’est améliorée drastiquement, ouvrant de nouvelles possibilités techniques. Développer plus, pour jouer plus. En exploitant ces capacités technologiques prodigieuses qu’offre l’informatique moderne, les studios ont amélioré leurs graphismes, jusqu’à devenir, à présent, quasiment photo-réalistes. Des machines plus puissantes signifient inexorablement détails plus poussés et pixels polis avec précision par les orfèvres du jeu vidéo. Nous arrivons pas à pas au cœur du sujet. En plus d’avoir rattrapé le cinéma sur le plan budgétaire, les studios des jeux vidéo
  • 11. 11 ont emprunté au 7e art certains savoir-faire en matière de réalisation, comme la modélisation et l’animation 3D ( vu la quantité de films tournés sur fond vert, les deux industries se confondent ), mais aussi des techniques narratives, dont le détournement publicitaire. Les fausses pubs dans le cinéma sont bien antérieures à celles des jeux vidéo. C’est logique, le cinéma est un doyen centenaire, quand le jeu vidéo est «seulement» cinquantenaire. Le parallèle entre les fausses pubs du cinéma et du jeu vidéo est alors incontournable, faisons ensemble un rapide tour d’horizon. Sur grand écran on retrouve trois genres de marques : -Souvent, des ersatz de vraies marques. À l’image de Morley, marque de cigarette ressemblant étrangement à Marlboro. Visuellement, les paquets sont presque identiques, les couleurs rouges et blanches, étant conjugués à la célèbre typographie. Morley traverse les époques et est adopté par de nombreuses productions, devenant une sorte d’indispensable pour tout accessoiriste qui se respecte . Hitchock les fait apparaitre dans Psychose, dans X Files l’agent spécial Fox Mulder en fume, ou plus récemment Daryl, survivant de la série The Walking Dead, s’en délecte. -D’autres sont créées de toutes pièces. Comme la légendaire bière Duff des Simpsons, tellement présente dans l’imaginaire collectif, qu’elle est désormais réellement commercialisée. -Enfin, les entreprises-personnages, comme la maléfique Skynet de Terminator. Plus que de simples figurantes, ces marques sont directement impliquées dans le scénario.
  • 12. 12 Pour terminer cette parenthèse, la littérature est tout aussi riche en détournement publicitaire. Le néo-Los Angeles imaginé par Philip K. Dick dans Blade Runner foisonne de pubs, et on retrouve cette culture dans son adaptation cinématographique réalisée par Ridley Scott. Ou encore chez Émile Zola, dont le Bonheur des Dames, rappelle à tous les grands magasins. Blade runner : Los Angeles, 2019, où se prélassent répliquants et répliques de pubs. 2.Le détournement, lubie du jeu vidéo Les fausses pubs ne sont qu’un détournement parmi tant d’autres. Au sein des jeux vidéo, il en existe un nombre incalculable. Journaux, films, magazines, notre société est gourmande de médias, on parle même d’infobesité. Tous ces éléments font, au même titre que la publicité, partie de nos vies, et sont donc porteurs de vraisemblance. Dans les jeux vidéo, chaque univers peut avoir ses médias, traitant d’une l’actualité propre à l’univers jeu, sa culture, riche de films, musiciens et comics rattachés au monde dans lequel l’aventure se déroule. C’est une mine d’or pour les développeurs, qui laissent libre cours à leur imagination pour créer divers détournements, chaque jeu ayant sa culture. Ces détournements favorisent eux aussi l’immersion, car ils créent une atmosphère et un monde au-delà de l’espace limité ( à la fois dans le temps et dans l’espace ) du jeu. On imagine d’autres régions du jeu, derrière les barrières purement techniques imposées par les développeurs ( dans un jeu vidéo, une carte a obligatoirement un début et une fin ), ou l’on visualise ce à quoi pouvait ressembler l’univers avant tel ou tel bouleversement. Pour faire vivre une marque il faut du brand content, pour faire vivre un jeu, il faut du détournement.
  • 13. 13 Voici quatre exemples: Journaux: Dans The Evil Within, jeu d’horreur, on peut lire le Krimson Post, quotidien aux nouvelles inquiétantes de la petite ville où le joueur explore un asile hanté. Musique: Dans The Last Of Us, deux survivants traversent une Amérique ravagée par un mystérieux virus. Pendant l’exploration, on retrouve des posters de musique affichés çà et là, dans des dortoirs étudiants. Là encore, les différents groupes fictifs soulignent la vie avant la contamination. Ces différents éléments servent d’outil narratif prouvant qu’il y a eu un avant et un après la pandémie. Le monde qu’explore le joueur est plus authentique. Magazines: Dans le futur proche de Doom, le joueur incarne un Marine envoyé sur Mars défendre une base scientifique, en proie à de mystérieux évènements paranormaux. Sur la planète rouge, le joueur peut trouver un magazine, sobrement intitulé «Booty» et dont la couverture est délicieusement provocatrice. Séries & films: Enfin dans Battlefield Hardline, on suit un flic des stups, aux enquêtes mouvementées et aux arrestations musclées. Traditionnellement, la série des Battlefield faisait incarner aux joueurs des soldats durant différents conflits. Pas cette fois. Le studio ayant succombé aux sirènes frénétiques des séries télé, si populaires en ce moment. Pour cet épisode particulier de la saga, les développeurs ont puisé l’inspiration à travers films et séries cultes des années 80, type Miami Vice.
  • 14. 14 Pour leur rendre hommage, les développeurs ont inséré dans le jeu, divers clins d’oeil et détournements de films ou séries. Ici, on reconnait Mad Men, série culte sur la réclame des sixties. Là, l’acteur principal, Isaac Clarke, est l’homonyme du personnage principal de Dead Space, jeu développé par le même studio 5 ans auparavant. Autre référence, ces trois affiches reprennent les codes des jaquettes cinématographiques. Cependant, le film n’est autre que le jeu lui-même. Ces posters renvoient aux séries B policières. Elles s’affichent sur certains immeubles du jeu, à la manière des affiches démesurées qui pullulent dans nos villes à chaque sortie de blockbuster. .
  • 15. 15 3. Des balbutiements précoces En ce qui concerne les fausses pubs des jeux vidéo, commençons par un peu d’histoire. Les premières fausses pubs apparaissent dans les années 80 et restent à un stade rudimentaire jusqu’aux années 2000. On les retrouve alors principalement dans les jeux de sport et de course, imitant les affiches bordant la piste, ou les nombreuses coupures publicitaires propres aux retransmissions télé d’évènements sportifs. Marlboro et Agip, deux annonceurs phares de la course automobile, parodiés en Marioro et Luigip, du nom des deux personnages principaux de Mario Kart. Dans TV Sports Basketball, la traditionnelle page de pub avant-match est sponsorisée par Sewer’s Beer, littéralement, la bière des égouts. Je vous parle d’un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. À l’époque, les consoles utilisent des microprocesseurs 64, 32, 16 voire 8 bits. C’est très peu comparé aux gigas qu’on met aisément dans un téléphone de nos jours. Cette faible puissance de calcul signifiait peu de pixels dans les jeux. Malgré cette limite technique, les développeurs rusent pour intégrer de fausses pubs avec les graphismes grossiers d’époque.
  • 16. 16 Comme Jean-Philippe Biscay, qui développe Billy La Banlieue en 1986, Billy la Banlieue est le pionnier hexagonal des fausses pubs. Le joueur y incarne un punk déambulant dans le métro parisien. Avec quelques pixels et beaucoup d’ingéniosité, Jean-Philippe Biscay fait vivre ces souterrains. Dans les couloirs du réseau, différentes affiches, aux pixels bruts, mais aux intentions nobles. On y trouve pêle-mêle affiches, photos pixélisées à la main, clins d’oeil à l’entourage et aux centres d’intérêt de Jean-Philippe Biscay. Comparé à l’âge du jeu vidéo, Billy la Banlieue est relativement ancien, mais précurseur des fausses pubs. Déjà à l’époque, le décor ne pouvait plus se cantonner à être simple théâtre du jeu, il doit faire partie du jeu. Le plan de Paris, incontournable du métropolitain RATPien Logo des Rollings Stones, chers au créateur du jeu Imaginé comme une simple affiche d’un film de science- fiction, un an plus tard Zox 2099 devient le titre d’un vrai jeu développé par Jean-Philippe Biscay Portrait de Jo, l’épouse de M. Biscay. Reprise d’un concert pour la paix en 85. Le corps de guitare forme l’Afrique. Photo de Lisa Minelli tirée d’un magazine
  • 17. 17 La même année, c’est plus fort qu’eux, les Japonais de Sega sortent Outrun. À l’époque, c’est la référence du jeu de course. On y retrouve aussi de fausses pubs autour de la ligne départ. Bien qu’elles soient limitées à quelques lettres ou un logo difficilement déchiffrable, c’est un début. Deux ans plus tard, en 1988, c’est dans Manhunter : New York, qu’apparaissent d’autres prémices de fausses pubs. Les néons lumineux des recoins malfamés de la Grande Pomme sont présents, mais manquent de détails. Le temps, et les progrès techniques combleront ce manque. B Pourquoi ? 1 Grand prix Stratégie. Toutes les pubs ont un ADN commun. Un annonceur veut communiquer auprès d’une cible précise à propos d’une de ses offres. Pour cela il s’adresse à une agence de publicité. Mais dans les fausses pubs ce schéma est-il respecté ? Oui, mais les pistes sont brouillées. Pourquoi ? Parce que le studio est à la fois annonceur et agence de publicité. La cible reste le joueur du jeu. Annonceur, car il décide de quoi les pubs vont traiter, quels service ou objet de l’univers du jeu seront mis en avant. Comme des parents soucieux, les studios ne
  • 18. 18 veulent que le meilleur pour leurs progénitures. Nous l’avons vu auparavant, créer une fausse pub est une manière de soigner sa copie, en créant un détail, qui prolonge l’expérience du joueur dans un monde plus immersif. Agence de pub, car pour faire ces affiches il faut évidemment réaliser un travail créatif. Chaque jeu a son scénario, ses personnages et son univers. Cette singularité doit se retrouver dans le travail de cette «agence» sous peine de produire un résultat fade, similaire aux trop nombreuses pubs aseptisées qui envahissent le monde de la communication. La cible n’est autre que les joueurs. Les studios connaissent parfaitement leur public. Par exemple, les jeux de guerre visent majoritairement une cible masculine et mature, tandis qu’un Mario Bros, beaucoup plus familial, s’adresse à un public tout autre. Quand on connait bien sa cible, tout est plus facile. Les fausses pubs ne veulent rien vendre au joueur, mais prolonger son expérience du jeu. Et de lui proposer des finitions impeccables. Être son propre patron c’est bien, être son propre client c’est mieux. En contrôlant de A à Z la publicité en jeu, à la fois annonceur et agence, les studios utilisent la communication comme bon leur semble, selon leurs desseins. Certaines marques, grâces à leur identité et publicité sont des piliers du scénario, construites comme des personnages à part entière. En contrôlant la pub, les studios développent mieux leurs scénarios, perfectionnent l’intrigue et peuplent des mondes virtuels. Pour raconter l’Histoire de leurs mondes, ils font appel au narrative design, ou design narratif. Sous ce terme mystérieux se cache un insight simple : un environnement peut retracer son passé, faire vivre son présent, ou dessiner son futur. Le monde nous parle. Qu’on soit au milieu des favélas brésiliennes, sur un vaisseau spatial, ou dans les cachots d’une cité médiévale, l’environnement communique différemment. On évite de longs dialogues, mais l’impact est tout aussi puissant. Nous vivons dans une société d’image, la publicité en fait partie. Miroir, miroir... Dis-moi quelle est la plus vraie ? À la question «pensez-vous que la pub est un reflet de notre société ? «112 voix infirment, tandis que 338 voix affirment. Le constat est sans appel. Pour bien représenter un endroit, il faut bien en maitriser la publicité.
  • 19. 19 2 Le Narrative Design, une autre histoire. Tout est porteur de symboles. D’ailleurs, la publicité le sait, elle en utilise abondamment. L’environnement donne des informations, au même titre qu’une tenue vestimentaire ou qu’un accent particulier, sur son histoire, ses valeurs. Le narrative design englobe tout ce que l’on peut voir à l’écran que ce soit le style graphique donné au jeu, l’architecture des villes, ou encore l’aspect des personnages. Comme nous l’explique Lucas Lomuscio, Game & Level Designer : «les publicités sont un bon moyen pour donner de la profondeur à un univers, d’ancrer le joueur dans une réalité fictive, des repères. « «Le narrative design ce n’est pas seulement le déroulement de l’histoire, mais ce qu’il y a autour» ajoute-t-il. On peut résumer le narrative design comme du storytelling environnemental. En polissant le moindre pixel de leurs univers, les studios maintiennent la suspension consentie d’incrédulité. Cette opération mentale enfantine, consister à accepter, le temps d’un livre, d’un film ou, dans notre cas d’un jeu vidéo, que les dragons existent, que les nazis ont gagné la Deuxième Guerre mondiale, ou encore que la Terre est décimée par une guerre nucléaire. Finalement, le narrative design c’est un contrat entre les créateurs du jeu, et ses explorateurs. En jouant, le joueur accepte de s’ébattre dans un monde fictif, ou utopique. En contrepartie, l’univers proposé, aussi improbable qu’il soit, se doit d’être cohérent. Soigner la sémiologie que renvoie chacun des éléments du jeu, c’est permettre au narrative design d’exprimer une narration non linéaire, on apprend en s’amusant. L’environnement devient un personnage à part entière, qui a beaucoup d’histoires à raconter. Les murs ont des oreilles, mais aussi une bouche. Dès la phase de préproduction, on imagine, puis perfectionne les fausses pubs.
  • 20. 20 Les joueurs ne s’y trompent pas, à la question « selon vous, les fausses pubs sont- elles un bon moyen de raconter des histoires dans l’Histoire ?» 318 joueurs répondent oui contre 128 non. Le but reste simple, immerger le joueur dans un monde attrayant, et lui donner envie d’y rester, puis d’y revenir. Dans Alien Isolation, spin off vidéoludique du long métrage réalisé par Ridley Scott, on peut apercevoir une fausse pub pour le radar, objet culte de la saga. Cette fausse pub raconte le passé du célèbre outil. Grâce à la pub, son apparition dans le jeu -pour éviter l’alien- fait sens. La présence du radar, seule «arme» permettant de lutter contre l’alien à bord la station spatiale est légitime. Il était déjà présent sur le Sevastopol, pour, à l’origine, éradiquer la vermine. Qu’est-ce qui est pire qu’un nazi ? Un über-nazi. Dans Wolfentstein : The New Order, le Reich domine notre monde actuel.
  • 21. 21 City 17, ses gardes, ses barbelés, sa propagande. Dans Half-Life 2, le joueur incarne Gordon Freeman, un scientifique combattant à la fois régime totalitaire et extraterrestres extracoriaces. Dans Broforce, les «Bros», composés de Schwarzy, Chuck Norris, Mr. T et consorts sont prêts à ravager la moitié du Monde pour le libérer du joug des terroristes à la solde de Satan. Au cours de leurs interventions «pacificatrices», les Bros croisent différentes pubs mettant en scène les adversaires du jeu.
  • 22. 22 3 Que diable allaient-ils faire dans ces fausses pubs ? La publicité pullule dans notre Monde. Peut-on dissocier Time Square de ses pubs démesurées ou Hong Kong des milliers de panneaux publicitaires suspendus ? Ainsi, il est naturel de voir de la pub dans les mondes virtuels. Pour représenter au mieux une ville, il faut en respecter les codes. Que ce soit ses bruits, ses passants, ses véhicules ou dans notre cas, sa publicité. Le questionnaire nous le confirme. À l’affirmation «La pub fait partie de nos villes, nos médias, et nos vies», 78 joueurs ne se disent absolument pas d’accord, tandis que 366 voix partagent ce constat. Pour plus de crédibilité et de profondeur aux univers, les mondes vidéoludiques ont leurs propres pubs. Attention, une vraie photo de Hong Kong s’est glissée dans ces captures d’écran. GTA IV et son Time Square, plus vrai que nature.
  • 23. 23 Établissons clairement, le pourquoi des fausses pubs dans les jeux : Les raisons sont nombreuses. - Plus de réalisme aux univers. La publicité fait partie de nos vies, de nos villes et de notre économie, il est logique d’en voir dans ces univers parallèles. Les personnages des jeux vidéo ont aussi une vie et un caddy à remplir tous les mois. Dans Titanfall, tout le monde s’arrache le dernier robot à la mode. - Parodie de marques existantes. Ces parodies évitent de couteux procès des marques visées. Un logo proche, une communication identique, et la caricature est réussie. Rarement flatteuses, ces parodies donnent l’occasion de critiquer ladite marque, ou les travers de nos sociétés. Les produits détournés sont d’ailleurs souvent les mêmes que nous consommons quotidiennement. La série Grand Theft Auto est le maitre incontesté en la matière. - Simple faux, donnant l’illusion du vrai. Toujours dans une démarche de mieux représenter la ville, certains studios créent de fausses pubs, imitant celles que l’on peut voir quotidiennement. La publicité est obligatoire pour donner vie aux villes. Dans ce cas, la difficulté consiste à trouver noms, slogans et logos distincts de ceux qui existent réellement, afin de ne pas être attaqué en justice. Ces images publicitaires ne cherchent pas à être authentiques, mais simplement crédibles. Cette sublime pub issue de Battlefield Hardline imite les Jeep, Land Rover et tutti quanti. Notez l’accroche «Find yourself», et le nom de la marque «Get Lost». Particulièrement pertinent pour un tout-terrain censé vendre liberté et retour à la nature, malgré les 30 litres au 100.
  • 24. 24 - Dans un cas plus rare, c’est la contrainte économique ou politique qui peut empêcher l’utilisation d’une vraie marque dans le jeu. Sega par exemple, dans la version japonaise de Shenmue avait signé un partenariat avec Coca-Cola. Cependant la version occidentale, n’inclut pas l’accord commercial entre les deux entreprises. Ainsi le protagoniste se rafraichit avec du Jet Cola, parant tout imbroglio contractuel. - Private-joke interne aux équipes travaillant sur le jeu. Pour produire un jeu et ses fausses pubs, il faut une équipe considérable. L’esprit taquin, certains développeurs y insèrent des blagues destiné à leurs collègues. Dans Battlefield, jeu développé par DICE, un studio suédois, on trouve des affiches pour Lars Of Sweden. Ici, la marque Tigers of Sweden est détournée avec un clin d’oeil à Lars Gustavsson, directeur de la création du jeu.
  • 25. 25 C Comment ? 1 Y a-t-il un chef de projet dans la salle ? Différents acteurs interviennent dans la réalisation des fausses pubs. Tous ces métiers travaillent main dans la main pendant le développement. - Le cerveau : Le scénariste. - L’oeil : Le directeur artistique. - La colonne vertébrale : Le level designer. Celui-ci doit traduire le scénario en niveaux à la fois esthétiques et fonctionnels. Il pose les fondations du niveau. - Les mains : Les concept-artists. Avant de développer le jeu, ce sont ces artistes qui esquissent les ébauches de ce à quoi le monde ressemblera. Ils doivent représenter des idées. Ensuite, ils feront des idées une réalité. Ces petites mains qui produisent une quantité phénoménale de contenu, ils consolident le travail du Level Designer. - Les articulations : Les graphistes 3D ou les artistes FX. Ils intègrent les fausses pubs dans le jeu. Ils font la transition 2D -> 3D. Comme un faussaire imitant à la perfection les Grands Maitres, pour créer une fausse- pub, il faut obligatoirement en connaitre les codes. Ainsi, les studios étudient la pub, ou la communication de certaines marques pour imaginer des campagnes fictives. Aussi, certains concept-artists viennent du monde de la communication ou ont des formations de graphiste, ce qui se révèle d’une grande utilité. Les concept-artists sont généralement libres pour créer ces visuels. Souvent, les fausses pubs sont construites avec d’autres éléments visuels du jeu. Posséder des modèles 3D modulables à souhait, ça aide. Par exemple, l’égérie de cette pub peut être un personnage secondaire du jeu, ou cette splendide berline dont est faite la promotion, vous n’y avez jamais prêté attention durant votre aventure, mais elle est belle et bien présente dans les rues du jeu.
  • 26. 26 Dans la campagne de Battlefield 4, nous croisons Huang Shuyi, une redoutable espionne des services secrets chinois. Les traits de ce personnage sont repris et retravaillés afin d’en faire une fausse pub en jeu. 2 Agence de pub et studio de développement, si loin mais si proche. Loin des yeux, près du coeur. Pour créer une vraie pub en agence ou une fausse en jeu, le processus est assez proche. Commençons par le commencement. Pour une agence de pub, la première étape est d’analyser le brief. Pour un studio de développement, il faut le créer, ce qui est déjà une démarche créative. Les scénaristes laissent libre cours à leur créativité pour imaginer différentes entreprises, plus ou moins importante dans l’histoire du jeu - les entreprises ennemies bénéficieront d’un soin particulier. La seule condition est de respecter l’univers du jeu. On évite aussi les anachronismes ou les pubs déplacées. Une fausse pub représentant des drogues dans un jeu destiné aux enfants serait malvenue. «Pour Remember Me les concepts artistes recevaient une liste des pubs, avec les noms et descriptions, voire même des couleurs, et les réalisaient eux-mêmes.» Paul Chadeisson, concept-artist Néo-Paris, la Ville lumière a changé, mais JCDecaux est toujours là.
  • 27. 27 Les briefs sont alors transmis aux graphistes et concept artistes qui, sous la tutelle du Directeur Artistique, vont créer les fausses pubs, un peu comme le Directeur de Création qui manage ses créatifs. Comme en agence, pour que la création soit de qualité, il faut avoir le maximum d’informations sur l’entreprise et le message qu’elle souhaite communiquer. Les scénaristes doivent donc inclure dans leurs briefs, les noms, descriptions voire les couleurs de l’entreprise. Cependant contrairement aux agences, il n’y a pas de démarche mercantile dans ces publicités. Ainsi les concept-artists et graphistes évitent les célèbres interminables retours clients effectués en agence, via le chef de projet. Étude de logo. comme en agence, il faut plusieurs propositions. Un autre point commun en l’agence et le studio est la retouche d’image. La publicité créée des images parfaites, à grand renfort de Photoshop. Dans la pub, rien ne doit altérer la beauté des mannequins, exempts de boutons, cicatrices et autres défauts physiques qui font notre charme. Dans les fausses pubs, les modèles utilisés font partie du jeu, mais subissent le même traitement qu’un vrai mannequin publicitaire. Retouches de la peau, remodelages du corps, et autres peaufinages numériques de l’image publicitaire sont communs aux deux industries, la pub vend la perfection. Enfin, certains studios sous-traitent la production des fausses pubs. Si la majorité des fausses pubs est produite en interne, d’autres développeurs choisissent d’exporter la production de ces images à des studios de graphistes externes. Ceux-ci réalisent les identités et les pubs en fonction des instructions du scénariste. Là encore, il y a une similitude entre les deux industries, les agences faisant appel à des freelances, pour réaliser des missions ponctuelles.
  • 28. 28 DEUXIÈME PARTIE : Ze cream of ze cream 1 Des années 40 à nos jours LA Noire. Le jeu: 1947, Los Angeles. L’inspecteur Phelps enquête sur différents meurtres commis sauvagement dans la Cité des anges. Au fur et à mesure de ses investigations, le détective comprend que dans l’Amérique post-Seconde Guerre mondiale, certains sont prêts à tout pour faire taire des langues trop biens pendues. Ses pubs: Le jeu réactualise l’esthétique des films noirs propres aux années 40, à la manière de l’excellent L.A. Confidential. Il en va de même pour la réclame d’époque. Dans cette riche Amérique d’après-guerre, la pub est omniprésente. Elle s’affiche déjà en 4x3 le long des rues et rythme régulièrement les programmes radio. Comment ne pas tomber sous le charme de Burst, le soda de nos chères têtes blondes? Ses adorables fruits personnifiés, son soleil rayonnant de vitalité... Tous les ingrédients visuels sont cultivés et bien mûris. L’accroche, quant à elle, est à tomber. «For thirst, drink Burst, not your average beverage.” Les mots sont choisis, le rythme dansant : c’est un sans faute
  • 29. 29 Mafia II Le jeu: La pègre cherche toujours de nouveaux talents. Le joueur incarne Vito Scaletta, ancien Marine devenu homme de main, qui épaissit son CV de criminel dans la belle ville d’Empire Bay, mélangeant New York et San Francisco. Une des particularités du titre est son déroulement chronologique. En effet, l’action s’établit de la Seconde Guerre mondiale aux années 50. Ses pubs: Différentes époques incluent autant de pubs. On voit l’évolution de la publicité en général, mais aussi de certaines marques qui changent de communication en fonction de l’époque. Inévitablement, on assiste aussi à l’évolution de la société américaine. Pendant la guerre, l’appel à l’union sacrée et au soutien des troupes. Dans les années 40, ce sont les premiers frigos domestiques. Pendant les fifities, ce sont les «dinner» Greasiens, et ainsi de suite. Prenons par exemple la publicité pour Big Break, une marque de cigarettes, en plein effort de guerre. «Big Break for the big push» Le big push, fait référence à la libération de l’Europe du bourreau nazi. À l’époque, les G.I. débarqués sur les plages siciliennes et normandes entamaient la marche sur Berlin. Cette vaste opération est ici représentée grâce à un jeu de typographie et l’ajout d’une pin-up, à la manière des surnoms de bombardiers, peints par l’équipage à même la carlingue. En temps de guerre, la publicité tourne à plein régime.
  • 30. 30 Bioshock Le jeu: Un accident d’avion au-dessus de l’Atlantique, et voilà Jack, le héros, seul survivant, seul en mer. Au milieu de l’océan, Jack aperçoit une lumière. Cette lueur dans la nuit provient d’un phare perdu au milieu des flots. Ce sont les portes de Rapture City, sorte d’Atlantide moderne. La ville des abysses, bâtie sur une utopie où la science n’a plus d’éthique, est déserte, seulement peuplée de quelques personnages inquiétants. Ses pubs: L’utopie sur laquelle Rapture s’est construite a eu raison de la cité sous-marine. Mais si la société s’est effondrée, ses pubs sont encore bien présentes, et on devine entre les lignes ce qui a causé sa perte. Le matraquage publicitaire dont était victime la population est une source d’information inépuisable pour le joueur. «J’adore m’imaginer ce qui survient lorsque s’effondrent les mondes fondés sur de bonnes idées» Ken Levine, lecteur de 1984 et accessoirement directeur de la création, cofondateur, chez Irrational Games Jack acquiert d’étranges pouvoirs en buvant de prodigieux flacons, appelés «Plasmid». On compte parmi ces aptitudes, force décuplée, maitrise des éléments, téléportation, et tutti quanti. Si pour notre héros, ces capacités surnaturelles se révèlent fort utiles en combat, les publicités de la ville en vendent un usage tout autre, comme la télékinésie, qui aide à passer aisément l’aspirateur sous le canapé. Ce qui se révèle particulièrement utile quand on est une ménagère de moins de cinquante ans.
  • 31. 31 2 Le monde contemporain GTA V Le jeu: Avant de comprendre les fausses pubs de GTA, il faut analyser l’essence même de la série. GTA est une série de jeux vidéo débutée en 1997. Le principe du jeu est simple. Le joueur incarne un gangster qui gravit les échelons de la pègre dans des similivilles américaines reconstituées minutieusement. Tour à tour homme de main de la pègre, voyou des ghettos malfamés ou trafiquant d’êtres humains originaires des Balkans. Les protagonistes de GTA sont des antihéros sans foi ni loi. Au fur et à mesure des épisodes, GTA cultive le politiquement incorrect, qui attire tant les joueurs. Écraser des piétons, dévaliser les banques ou assassiner un innocent sera votre pain quotidien durant l’aventure. Le crime paie. Si les médias s’alarment d’un déferlement de violence à chaque sortie d’un nouvel épisode, c’est ce qui fait son succès auprès des joueurs, mais pas seulement. Véritable satire de l’Amérique, on y côtoie l’inavouable et les dérives de la société américaine. On ridiculise l’American way of life, dans un cocktail d’explosions et de fusillades. Dans ce drôle de monde, de nombreux symboles de l’Amérique sont tournés en dérision. On y croise des personnages hauts en couleur et riches en vice. Self-made-man sans scrupules, agents des stups corrompus, ou encore politicien véreux pour ne citer qu’eux. L’univers quant à lui, est particulièrement détaillé pour souligner cette Amérique atteinte de la folie des grandeurs. Par exemple, dans GTA 4, la Statue de la Liberté, renommée Statue of Hapiness, prend les traits d’Hilary Cliton, et éclaire la ville non pas avec sa torche, mais à l’aide d’un gobelet Starbucks
  • 32. 32 Ou encore dans GTA 5, où Facebook devient Lifeinvader, traduisez- L’envahisseur de vie- Ses pubs : GTA est depuis longtemps, LE roi des rois en matière de fausses pubs. Il est indéniablement le plus connu par les joueurs. Évidemment ses fausses pubs se devaient d’être imprégnées de l’esprit satyrique insufflé au reste de l’aventure. Welcome to the real United States of Advertising. Si l’imitation de Leffe est réussie visuellement, que dire de l’accroche ? «Let it rain» La référence aux envies pressantes post-pinte est purement géniale, et dite avec une élégance remarquable.
  • 33. 33 Battlefield 4 Le jeu : Seconde Guerre mondiale, Vietnam, conflits modernes : Battlefield les a toutes faites. Cette série, vétéran du jeu de guerre depuis 2002, vous permet d’incarner tankiste, pilote de chasse, d’hélicoptère, ou simple fantassin sur un champ de bataille démesuré. Bien que les cartes soient à une échelle colossale, le jeu se veut accessible et il faut plusieurs balles pour éliminer un adversaire. Battlefield n’est pas une simulation, la guerre y étant théâtralisée, mais la série se revendique comme crédible. C’est le cas, les recherches documentaires à propos des armées et de leurs armes, ont toujours été de bonne facture. Ses pubs : On retrouve cette recherche de vraisemblance dans les pubs du jeu. Dans le dernier épisode de la série, la majeure partie de l’action se déroule en Chine. En 2020, nul besoin de vous dire que Mao et le communisme sont un lointain souvenir pour l’Empire du Milieu. Le capitalisme sauce aigre-douce est très gouteux, notamment parceque les fausses pubs du jeu mélangent les codes occidentaux et asiatiques de la publicité. Panther, homonyme des chars d’assaut allemands, est un constructeur automobile chinois. Si la voiture ou le logo vous évoquent Jaguar, c’est normal. Les développeurs ont du flair. Ayant senti l’arrivée prochaine des industriels chinois sur le marché de la voiture de luxe, les développeurs eurent envie d’apporter leur pierre à l’édifice. Décidément, les Chinois sont partout.
  • 34. 34 Just Cause 3 Le jeu : Le joueur incarne Rico Rodriguez, un agent américain ayant pour mission de renverser le Général Di Ravello, tyran de Medici, un archipel méditerranéen fictif, d’inspiration sicilienne, grecque, et espagnole. L’emprise du Généralissimo est totale. Afin d’affranchir la population, notre agent doit détruire, entre autres : les haut-parleurs répétant sans cesse la propagande du dictateur, les camions mégaphones faisant l’éloge du despote ( similaires aux camions-pub de cirque ), les affiches de propagande, les statues géantes à l’effigie du persécuteur, ou encore les écoutes -sorte de balise radar surveillant les riverains. Ses pubs : Étonnement, Medici est une dictature où il fait bon vivre. Ses pubs sont plus proches de la rue du Faubourg-Saint-Honoré que du goulag. Parfum, alcool et bijoux côtoient pizza et voiture sur les affiches de l’île. Une autre particularité est la langue utilisée, mélangeant différentes sonorités européennes, mais intrinsèquement compréhensibles. Sur fond du drapeau Medicien flottant au vent, le général pose, le poing sur le coeur. Sa moustache fournie achève de le placer dans la cour des plus grands tyrans. À sa droite, le texte construit comme une pyramide, avec à sa base le nom du tyran. Dessus, repose les valeurs de paix, stabilité, sécurité, et prospérité chères à tout régime totalitaire qui se respecte. À noter, le mélange des langues, à savoir italien, roumain et latin.
  • 35. 35 3. Futur et lendemains qui chantent Remember Me Le jeu : En 2084, le monde entier dispose de Sensation Engine -ou plus communément Sensen-,un implant situé au niveau de la nuque, et en liaison directe avec notre cerveau. Big Brother serait aux anges. Nilin ( quel beau prénom ) est chasseuse de souvenirs à Néo-Paris. Elle pénètre les implants pour soutirer des informations stratégiques. Mais la police capture la chasseuse et lui efface tous souvenirs. Nilin part alors en quête de son identité. Ses pubs : Pas besoin d’être futurologue pour se projeter en 2084, les fausses pubs du jeu se basent sur notre monde. La direction artistique des fausses pubs du jeu est inspirée de vraies tendances publicitaires. Elles sont ainsi plus vraisemblables, car plus faciles à reconnaitre. En utilisant et modernisant les codes graphiques contemporains, le joueur peut se projeter plus facilement. En outre, les équipes du jeu ont, plutôt que se cantonner au design futuriste, réutilisé et réinterprété les codes de la publicité d’antan, donnant un cachet « typically French» au Néo-Paris. Réalisation épurée et élégante, empruntant les codes du luxe. Contrebalançant avec ce noir intense, l’orange attire l’oeil, c’est le signe distinctif de la marque, un peu comme la languette rouge Lévis. L’accroche ‘Trust your Senwall 2.0» est lourde de sens. Quand on connait le scénario du jeu, et les obscurs desseins de la société qui commercialise cet implant, il devient difficile de croire à ce discours protecteur et rassurant. Lespersonnesdemandantqu’onleurfasseconfiancesontsouventlesplusmalhonnêtes.
  • 36. 36 Dead Space Le jeu : Isaac Clarke - en référence aux plumes SF Isaac Asimov et Arthur C. Clarke - est un astromécanicien heureux. Jusqu’au jour où il est envoyé sur l’USG Ishimura, une station spatiale titanesque, dont les communications sont coupées. Très vite, Isaac se rend compte qu’il aura plus qu’une antenne à réparer, l’équipage ayant fait place à des monstres difformes, les nécromorphes. Ses pubs: Dans l’Ishimura, personne ne vous entendra crier. La station est sombre, elle vous plonge dans un monde horrible, ensanglanté et angoissant. De temps en temps, au détour d’un couloir Isaac croise publicités, affiches, et autres enseignes lumineuses. Ces fausses pubs brisent la sensation d’oppression omniprésente, seul dans l’espace entouré de monstres, et accordent au joueur un petit moment de répit. D’ailleurs Ian Milham explique que ces pubs sont conçus comme des pauses pour le joueur, détonnant de l’atmosphère funèbre ambiante. Ces affiches sont conçues comme un phare dans la nuit, les développeurs utilisent ces fausses pubs pour éclairer ça et là, le lugubre Ishimura. Un clair-obscur à faire pâlir Le Caravage en somme. Une des pubs est particulièrement intéressante. L’annonceur n’est ici pas seulement fictif, il est totalement inconnu. Si les pin-up mises en scène nous laissent deviner que Peng produit un effet des plus agréables, nous n’avons pas plus d’informations sur la nature du produit. Pouvant être aussi bien un soda, qu’une drogue aphrodisiaque ( en 2508 les pilules bleues c’est de l’histoire ancienne ) les développeurs laissent délibérément le joueur dans l’incertitude.
  • 37. 37 Fallout 4 Le jeu: Après une guerre nucléaire totale, le monde tel qu’on le connait n’existe plus. À sa place, une Terre dévastée et aride, ravagée par les radiations et peuplée de mutants. Le joueur se fraye un chemin dans cet univers post-apocalyptique pour différentes missions. Bien que Fallout réécrive l’Histoire, le jeu est imprégné de l’esthétique des années 50. À cette époque, si l’un des deux blocs avait utilisé l’arme atomique, notre planète ressemblerait au monde de Fallout, la vie -ou ce qu’il en reste- en moins. Ses pubs: Les fausses pubs sont inhérentes au jeu. Reprenant les mécanismes du Narrative Design, elles permettent au joueur d’entrevoir la vie préapocalypse, ils sont autant d’indices sur la vie et la société passées. Pour effectuer ce voyage dans le temps, une seule consigne : garder une esthétique rétro tout en la rattachant à l’univers uchronique du jeu. Vu le décalage visuel créé, c’est réussi. Les pubs accentuent le chaos environnemental. Leurs couleurs vives jurent avec les ruines ternes d’une Amérique délabrée. L’Amérique a souffert. Le monde en porte les séquelles, comme figé dans le temps. Le Rita’s Café, autrefois «Open all night» semble définitivement fermé. Ses serveuses sorties tout droit d’American Graffiti, portent une combinaison spatiale plus proche du fantasme que de l’effectivité homologuée par la NASA. La langue de Shakespeare rivalise avec celle de Molière pour produire un slogan aussi malin que «our pies are outta’ this world» en tous cas les développeurs de Bethesda viennent bel et bien d’une autre planète -difficilement colonisable- constituée de travail et d’excellence.
  • 38. 38 III TROISIÈME PARTIE...et plus si affinités Des fausses pubs d’utilité publique ? Pas totalement, mais presque. En jeu, elles offrent des possibilités intéressantes pour les développeurs. Dans la vie, elles offrent d’autres possibilités intéressantes pour les publicitaires. N’oublions pas que la création prend une place centrale dans l’essence de la pub ainsi que celle du jeu vidéo. D’autant plus que nous avons vu, lors de notre étude quantitative, que l’on peut haïr la publicité et plébiscité les fausses pubs du jeu vidéo. Clairement, il y a une porte entrebâillée qui mérite de s’ouvrir doucement, en saisissant la poignée avec douceur et compréhension. Plus sérieusement, les joueurs, comme tout le monde, n’aiment pas la mauvaise pub, il y a un problème de contenu, et d’envahissement ( qui veut être dérangé en pleine partie par un message publicitaire ). Mais la pub intelligemment conçue, qui en plus d’être créative, touche la bonne personne au bon moment, est en voie de disparition. Sauvons-la. Si certains vieux pontes de la profession considèrent le détournement publicitaire, il peut néanmoins être d’une considérable justesse, lorsqu’il est pertinent. La pub est un support du quotidien, dont nous maitrisons tous les codes, à force d’exposition et de répétitions chères à nos amis média planeurs. Pour preuve, la campagne de l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illetrisme, réalisée en 2012 par DDB. La justesse du détournement y est aussi saisissante que dans de nombreuses fausses pubs issus des jeux vidéo. « L’idée fondamentale, c’était de placer ceux qui savent lire dans la position d’illettrés, ne serait-ce qu’une seconde ou deux, et ainsi leur démontrer l’importance des mots et la gêne qui peut exister quand on ne sait pas décoder la totalité d’un message.» Jean-François Bouchet, Concepteur-rédacteur chez DDB Paris.
  • 39. 39 Et d’ajouter «Il existe des détournements totalement gratuits, qui ne sont réalisés que par ce que c’est amusant, décalé, impactant, et d’autres où la forme et le fond sont plus intrinsèquement liés. Je crois que notre campagne relevait de ce dernier cas. C’est sans doute pourquoi elle a reçu un si bon accueil, à la fois du public et des publicitaires.» Mais dans notre cas, il y a un ingrédient secret: le jeu vidéo. Et quand la fiction rejoint la réalité, elle offre d’étonnantes perspectives. Les fausses pubs et ce qui leur est rattaché permettent à la publicité divers usages. En outre, détournement, jeu vidéo et publicité se marient très bien. Là encore, étudions quelques cas de ce ménage à trois : -Fausse vraie pub : Print : Pour la sortie d’Assassins Creed Syndicate, jeu se déroulant dans le Londres victorien, l’agence montréalaise Bleublancrouge a conçu différentes affiches illustrant la main mise des Templiers, l’organisation maléfique contre laquelle le joueur lutte, sur le monde d’antan. Les passants étaient incités à déchirer les affiches pour révéler leur véritable nature.
  • 40. 40 Spot : APEX - OUR PAST, YOUR FUTURE https://youtu.be/PsTR49Wk67w Dans l’Amérique occupée par les Coréens d’Homefront Revolution, Appex est une entreprise obscure. Communicant à la manière d’Apple, l’élargissement de ses activités inquiète. Le spot, utilisé pour promouvoir le jeu, passe de similipremiers Mac aux fusils-mitrailleurs , sans sourciller. Steve Jobs doit se retourner dans sa tombe. Web : J’invite le lecteur à visiter sarifindustries.com Mis en place pour Deus-Ex, le site de Sarif Industries, la corporation ennemie du jeu, est un modèle de fausse-pub à des fins commerciales. Le site imite la communication corporate qu’aurait eue Sarif Industries à notre époque. Régulièrement pendant la navigation, le site est faussement «piraté» et affiche des messages dissidents de l’entreprise. -Vraie pub détournant les jeux vidéo : Les jeux vidéo ont aussi leurs classiques. Metal Gear Solid en est un. Ce jeu d’infiltration créé par Hideo Kojima, met en scène Solid Snake, un soldat d’élite, dans diverses missions. Le bestiaire du jeu est des plus variés. Afin de promouvoir ses voitures, Ford détourne deux scènes cultes du jeu. Le premier spot parodie les Codec Call, sorte de briefing auquel assiste le joueur avant chaque mission. Ici, Solid Snake est briefé sur les caractéristiques de la Focus. A Codec Call to Remember | Overdubs | Ford https://youtu.be/GPnTa1UJPEI
  • 41. 41 Le deuxième spot détourne une cinématique du jeu, précédant le combat final contre Psycho Mantis, un adversaire télépathe. Là encore, Psycho Mantis découvre grâce à ses pouvoirs que notre héros succombe aux qualités d’une Ford. A Meeting with Psycho Mantis | Overdubs | Ford https://youtu.be/z4LUasFly0c -Productising issu de fausse pub: Le 10 novembre 2015 correspond à la date de lancement du jeu Fallout 4, mais pas seulement. En effet, les consommateurs américains déambulant au rayon soda d’une grande surface Target, pouvaient s’offrir une bouteille de Nuka-cola Quantum. Ce soda bleuté et légèrement radioactif est un des produits fictifs les plus célèbres du jeu. Mais chez Target, point de radioactivité, juste une simple limonade aux baies reconditionnée aux couleurs de la fausse marque. Ce coup marketing fut organisé par les développeurs du jeu, Bethesda, en partenariat avec Jones Soda Co, un fabricant de soda local.
  • 42. 42 -Annonce cachée : Dans son dernier Halo, série de jeu commencé 10 ans auparavant, Bungie, le développeur, insère une fausse pub particulière. L’annonceur n’a ici que peu d’importance, Asklon étant un constructeur de véhicules du jeu. L’accroche et le visuel sont beaucoup plus intéressants. Pourquoi ? Car ils annoncent à demi-mot le prochain jeu du studio, sorti 5 ans plus tard : Destiny. À l’époque, le projet était confidentiel, et la pub ne faisait sens que pour les développeurs du jeu. Cette fausse pub résonne comme une promesse, les développeurs ayant utilisé une fausse pub pour annoncer, sans que personne ne sache, leur prochain projet. -En jeu, vraie fausse pub Certains studios, surfant sur l’idée qu’on peut encore faire de l’argent après avoir facturé 70 € un jeu, mettent en place des systèmes économiques à l’intérieur même du jeu. Vous échangez vos espèces sonnantes et trébuchantes, contre une monnaie virtuelle
  • 43. 43 propre à chaque jeu, pour le dépenser en jeu. Capacités surpuissantes, vêtements rares, voitures spéciales, et tutti quanti sont au menu. Pour faire passer la pilule ( payer pour gagner est un concept dur à comprendre ), les fausses pubs sont appelées en renfort. Par exemple, dans GTA Online, le mode multijoueur de la série, des visuels vantent les bonus accordés aux plus dépensiers en matière de GTA$. Le tout avec beaucoup d’ironie, la banque s’appelant «Shark» -requin- et proposant des cartes bleues en forme d’aileron. Écran de chargement de GTA V, à droite la vraie fausse pub. Aujourd’hui, les fausses pubs tendent à se généraliser dans les super productions, c’est une bonne chose. Cependant, la présence de fausse pub dans les jeux à petit budget est beaucoup plus rare. Il faut du temps, et de l’argent pour créer une pub, même quand celle-ci est fausse, les petites productions manquent des deux. Les fausses pubs sont passionnantes d’un point de vue publicitaire. Pas seulement par leur réalisation, souvent splendide, ou leur message, rarement dénué d’intérêt. Elles montrent à quel point la publicité prend une place incommensurable dans notre monde, et ainsi, par mimétisme, dans les mondes virtuels. Cependant Pour exploiter ces fausses pubs en dehors du jeu vidéo, nous venons de voir plusieurs possibilités.
  • 44. 44 Il en manque deux, liant publicité et jeu vidéo : l’advergame et le placement de produit. Ces deux ouvertures ne sont pas intéressantes pour notre sujet. L’advergame étant à la base, pensé et conçu comme une publicité avant d’être un jeu vidéo. Le placement de produit comme les vraies pubs sont incompatibles avec le jeu vidéo. Alors oui, pour un développeur c’est une manne d’argent inespérée, mais les joueurs en ont horreur. Chaque tentative reçoit un accueil houleux des joueurs, les marques de notre monde n’ayant rien à faire dans les mondes virtuels. Conclusion Dans notre monde, la pub est nécessaire. Elle permet de proposer du contenu gratuitement, ou de réduire certains couts. Dans les jeux vidéos, les fausses pubs sont facultatives, mais offrent un contenu artistique et scénaristique indispensable pour faire un bon jeu. Les fausses pubs sont belles, intelligentes, pertinentes. Nombre d’entre nous serait prêt à passer la bague au doigt de ces pubs parfaites, ou du moins d’acheter leurs produits. La publicité prend une place importante dans nos vies, nos loisirs aussi, la société tend d’ailleurs à être affamés de loisirs, leur accès étant, grâce à Internet et aux nouvelles technologies. Nous vivons dans un drôle de monde, où un cercle vicieux entraine toujours plus de pubs vendant toujours plus de loisirs, de plaisir, de perfection, et d’atteinte du bonheur. Contrairement à ce que disait Marcel Blanchat, la publicité vend de plus en plus de vent. Ce n’est pas la faute de la publicité, mais des annonceurs, qui créent des produits dont nul n’a besoin, ou aux utilités questionnables. En tant qu’aspirant concepteur-rédacteur, ce sujet m’a permis de voir comment sont traités des produits imaginés de toutes pièces, vendus par des entreprises virtuelles, dans des plans média inexistants. En tant que joueur, ce sujet a été un formidable moment, où j’ai pu discuter avec les créateurs de mondes qui me sont chers. Bien que mes compétences en codage et en modélisation 3D sont proches du néant, ce mémoire m’a donné envie d’un jour, si l’opportunité se présente, travailler dans, ou du moins avec cette industrie.
  • 46.
  • 47. 47 QUESTIONAIRE........................................................................49 INTERVIEWS/ISARTEXPERTSANONYMES.................................51 LUCAS LOMUSCIO.....................................................................52 ROBERT SAMMELIN...................................................................54 PAUL CHADEISSON..................................................................55 JEAN-PHILIPPE BISCAY............................................................56 JEAN-FRANCOIS BOUCHET........................................................57 DETOURNEMENTS/JOURNAUX..................................................60 MUSIQUE..................................................................................61 MAGAZINES & COMICS.............................................................62 FILMS & SERIES.......................................................................70 FAUSSES PUBS AVANT 1960/ASSASSIN CREED........................75 DISHONORED...........................................................................76 RED DEAD REDEMPTION...........................................................77 MAFIA II..................................................................................78 LA NOIRE..................................................................................81 BIOSHOCK................................................................................83 CONTEMPORAINE/BATMAN ARKHAM CITY...............................88 BATTLEFIELD HARDLINE...........................................................89 BATTLEFIELD 4.........................................................................90 THE EVIL WITHIN+HITMAN ABSOLUTION................................92 JUST CAUSE 3...........................................................................93 THE DIVISION..........................................................................95 GTA V.......................................................................................96 FUTUR/ALIEN:ISOLATION..........................................................99 REMEMBER ME........................................................................100 DEAD SPACE...........................................................................102 ODDWORLD............................................................................103 WOLFENSTEIN : THE NEW ORDER...........................................104 FALLOUT 4..............................................................................105 CAMPAGNE ANLCI...................................................................110
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  • 50. 50
  • 51. 51 INTERVIEWS Alexandra Russo, département vie scolaire à l’ISART Bonjour, Voici les réponses que j’ai obtenu de plusieurs de mes collègues en Pédagogie (at- tention toutefois, à ISART DIGITAL, nous n’avons pas d’expert dans le domaine de la publicité au sein des jeux vidéos!): 1 / RESPONSABLE PEDAGOGIQUE GAME ART Dans les jeux vidéo il y a des fausses pubs mais aussi des vraies pubs. Pourquoi de Vraies Pubs dans les jeux : - Seulement dans le cas où les développeurs ont signé un contrat avec avec une marque en l’échange d’argent. Pourquoi de Fausses Pubs dans les jeux : - Pour éviter les procès avec les marques qui se sentiraient visées. - Pour plus de vraisemblance et d’immersion dans un univers lorsque cet univers comporte des Pubs dans la vraie vie. - Les fausses pubs peuvent être de simple «fakes» pour donner l’illusion de... - Les fausses Pubs peuvent être l’occasion de faire des «private jokes» internes à l’équipe (juste pour se marrer en interne) ou des plagiats, des clins d’œils à la vraie vie (ça reste à checker côté juridique quand même). ce dernier cas est plutôt rare, on a rarement le temps et le budget en prod de passer du temps sur ce genre de détails. Ça peut avoir un intérêt pour faire un peu de buzz côté marketing sur le jeu.. mais en général on canalise l’énergie et la bonne volonté ailleurs... et côté parodies on évite les risques de Procès... 2 / SPÉCIALISTE EN CULTURE DU JEU VIDEO / GAME DESIGN ça me parait être un sujet très intéressant sur de nombreux points. 1 / la pub comme support de réalisme (vrai pub dans un univers réaliste qui donne une sensation de réel) 2 / Un placement de produit à un côté «gagnant-gagnant». Réalisme de l’univers pour le dev, pub pour l’annonceur. (c’est même parfois un critère de promotion «re- gardez il y des vrais produits de marque dans mon je», je pense notamment à de nombreux partenariats publicitaires qui ont eut lieu au Japon pour la série Yakuza). 3 / La contrainte économique/politique qui empêche l’utilisation d’une marque. Sou- vent le cas pour de simple raisons budgétaires. On va donc imiter la marque dans la limite du droit... Après il peut y avoir des raisons plus complexes qui font qu’un droit d’utilisation peut-être signée dans un pays mais qu’il n’est pas valable dans un autre. (je pense à Shenmue, avec ces canettes de Coca-Cola dans la version Jap, et ses cannettes de Cola-truc en occident).
  • 52. 52 4 / La contrainte peut aussi être culturelle. Là c’est des problématiques de locali- sations. Mettre une «vraie» pub dans un contexte donné mais qui sera totalement inconnue pour un joueur d’une autre culture c’est prendre le risque de le confronter à une étrangeté qui peut lui donner l’impression d’être «fausse». 5 / Le détournement de la pub peut aussi être un moyen de critiquer certaines marques dans un discours anti-truc ou pseudo anti-truc. C’est notamment le cas dans GTAIV avec les détournement par exemple de Starbuck et le fait que la statue de la Liberté tienne un gobelet de la marque. 6 / Ce détournement peut aussi être vu à l’inverse comme une validation de l’im- portance structurelle de ces marques et par là même leur donner une sorte de légitimité sociale si ce n’est sociétale. C’est aussi la critique qui a pu être formulée à l’endroit du caractère pseudo-subversif de GTA... Et puis globalement cela participe de la narration environnementale qui nous donne des informations sur le monde dans lequel on évolue, sur son histoire, ses valeurs. Les pubs de Nuca-cola / Pib Boy dans Fallout, de Sarif dans Deus Ex, etc... Pour des raisons de confidentialité, et d’indisponibilité, je ne peux vous donner leur coordonnées (ils sont très pris par leur activité professionnelle en dehors de l’école, mais bien entendu, ils accordent un maximum de temps à nos étudiants. Lucas Lomuscio, Game & Level Designer Salut Nil, comme promis je te réponds! Le narrative design est la façon dont l’histoire du jeu et de son univers, est racon- tée dans un jeu. Ce n’est pas seulement le fil narratif, c’est aussi tout ce qui crée le monde. Que ce soit le style graphique, l’architecture, l’aspect des personnages (Par exemple un perso hyper musclé dans un jeu de guerre raconte une histoire, c’est un arché- type de soldat qui a vu beaucoup de conflits, etc... cela dépend aussi du type de jeu bien sur). Et dans ton cas précis les publicités sont un bon moyen pour donner de la profondeur à un univers, d’ancrer le joueur dans une réalité fictive, des repères. Cela maintient la suspension consentie d’incrédulité (google ça :) ). Elles transfor- ment un univers imaginaire en un univers plausible. Je vais te donner un exemple: La série des Fallout utilise énormément de références aux années 50-60 et de la culture américaine à cette période, alors que le jeu se déroule en 2200+, et cela se ressent dans les fausses pubs qu’ils mettent en scène, elles te donnent un aperçu de la vie avant la guerre nucléaire en 2070... qqch, et donne au joueur l’impression d’évoluer dans un univers cohérent, même si en terme de Gameplay elles sont inu- tiles, elles construisent un univers, le font vivre, ainsi le joueur n’a pas la sensation d’évoluer dans un monde vide qui ne racontent pas une histoire. Ils prennent des
  • 53. 53 publicités existantes et les détournent afin d’y faire passer leur message, elles ra- content une histoire en elles même. Dans le cas de Fallout, elles racontent l’histoire d’une société paralysée par la peur d’une guerre nucléaire, du patriotisme, du men- songe, du soleil et de la consommation à outrance. Je te conseille de jeter un coup d’oeil à celles de borderlands 1-2 tu verras l’évolu- tion entre les 2 épisodes : leur aspect narratif, qui fait référence à l’humour et au décalage de la série. Elles t’offrent un insight sur le monde dans lequel le joueur évolue et de son am- biance, ainsi dans Deus Ex, tu as énormément de publicités sur les implants bio- niques, donc le joueur se doute qu’il est dans le futur ou les multinationales sont omniprésentes, mais aussi il a accès à un aperçu au joueur des pouvoirs qu’ils pourraient acquérir. Voilà ce qu’est le narrative design, ce n’est pas seulement le déroulement de l’his- toire, mais ce qu’il y a autour aussi afin d’immerger le joueur dans l’univers du jeu et lui donner envie de revenir. Les publicités ne sont pas seulement visuelles, elles sont aussi audio (Bioshock1 et Deus Ex Human revolution font ça très bien). Je pourrai t’en parler pendant des heures, mais n’étant pas un expert je n’ai pas envie de te donner de mauvaises réponse. Le narrative design n’est pas «que» le gameplay mais ce qui fait l’univers, ça a peu à voir avec le gameplay, c’est par exemple le style graphique utilisé (Gears of war c’est très gothique, Deus Ex c’est cyber punk si je ne me trompe pas), c’est aussi les noms des personnages ou des lieux qui font référence à quelque chose de my- thologique ou non (Ex: dans Mass Effect tu joues qqn qui s’appelle Shepard et doit rallier les races de la galaxie contre une menace, détournement de sheperd=berger en anglais, tu meurs et reviens à la vie donc image du Messie, etc...) C’est un peu «complique» d’expliquer comme ça mais en gros le narrative design donne de la profondeur à l’univers, pas en terme de gameplay mais d’ambiance et d’immersion Tu ne trouveras pas c que je veux dire dans les artworks de borderlands, je te conseille d’y jouer. Le suspension of disbelieif, c’est le spectateur accepte que l’univers présenté est fictif, mais en contrepartie le créateur doit le rendre cohérent. Et les pubs sont un bon moyen pour rendre qqch cohérent car ancrent le joueur dans une unité d’es- pace et de temps.
  • 54. 54 Robert Sammelin, concept-artist, DICE In the Battlefield 4 Artbook you explain that you created graffiti, ads and movie posters. You did not use real elements but they look as they were real. - Thank you! My research are about how you do it with ads and why. You said you studied chinese graffiti, but did you also studied advertising ? - We did study some contemporary chinese design, but went with creating our own mix of modern and traditional design styles for that setting, as we use fake adverti- sing to go along with the art direction and emphasize our take on the look and feel of the environment. We never strive to be 100% authentic, but rather feel belie- vable within the boundaries we set in the art direction - hopefully the gamer feels this and trusts the look to be in line with the world we create and not the real wor- ld. And how are you creating an ads without advertiser ?Are you free to create all these campaigns, including, product, logo, slogan, and do they mean something or you just want to fake real advertising campaigns ? For example the « Nature Evolved » campaign for Panther looks just like a Jaguar ads. - I really like advertising and graphic design and love the challenge of creating believable ads. We (the concept artists) are completely free in making these since we «own» the visuals together with the art director. The real challenge is coming up with names, slogans and logos that aren’t real - we get sued by existing brands otherwise haha. That car ad was hard; we felt china would be producing luxury cars in the near future and felt we needed that profiling in adverts, but couldn’t use real cars or photos - so we based the ad around our in-game car models, retouching to make it look real. that also goes for any ad featuring people - we apply the same principles in real adverts, retouching/airbrushing them into «perfection». Also do you work with Environmental Artists and Level Designers on this, and if so, is there any specific request on this subject while developping the game ? - we’re always in tight collaboration across the project. In some cases a level desi- gner has an idea what type of environment it should be; if it’s more fancy or com- monplace and we create ads and graffiti to accommodate that sense. Finally, what do these ads inspire you, are fake ads in videogames a good or a bad thing ? Anyway, they clearely make the universe more alive and they look sublime. - Exactly - I love fake ads that sell the believability! I’m not a big fan of jokey, internal humour type ads that make no sense to anyone but the team themselves. I think the game worlds shouldn’t brake the fourth wall to the extent they do in most cases - we have fake brands within our games that stick around and evolve, just like real brands, giving it another level of being rooted in it’s own reality. I strongly believe that even though you don’t immediately pick up on it, you’ll feel it
  • 55. 55 throughout the games - it sells you the world. Because there is not much info on the subject, I am looking for an expert to moni- tor my work on the subject. But don’t worry, it is only about a mail each month. Would you accept it ? Meaning that I could analyze your work in depth with your expert eyes and also from an advertising point of view. If you are extremely busy right now and have to decline, do you know somebody close to you that worked on this too ? - Sure, I’m up for it - I’m terribly busy in periods, but I’ll try! /Robert Paul Chadeisson, concept-artist, DONTNOD Entertainment Hello Nil, Je vais répondre dans l’ordre de tes questions: En espérant que cela t’aides ;) -Certaines marques, grâces à leurs identités et publicités sont des piliers du scéna- rio. Sont-elles construites comme des personnages à part entière ? Oui, en fonction de l’importance de la pub dans l’univers et du jeu, on commence par faire une liste des différentes entreprises que l’on souhaite avoir dans l’univers afin d’avoir le maximum de variétés. Certaines pubs bénéficieront de beaucoup plus de soin et de travail, comme celles représentant une corporation importante dans l’histoire voir même être l’ennemi ( remember me, deus ex). D’autres auront beaucoup moins d’importance et auront juste un but purement vi- suel, d’ajouter d’avantage de vie dans un décor ( Strike Vector ). -Pourquoi créer des fausses pubs dans un JV, alors que les gens sont de plus en plus réfractaires à la vraie pub ? Je pense qu’il y a des codes à respecter afin de représenter au mieux une ville : pub, habitants, magasins, bruit, véhicules, etc... en enlever certains perdraient grandement en immersion, surtout les pubs, elles donnent l’impression qu’ils existent de vraies chose et événements dans l’univers. -Qui est impliqué dans la création de ces pubs ? Le scénariste, le directeur artistique, les graphistes / concept artistes. -Les concepteurs et scénaristes du jeu travaillent de pair avec les artistes au sein du studio ? Cela dépendra du studio, certains studios vont créer l’identité, le concept de la pub, et la feront réaliser par des studios de graphistes externes. D’autres feront tout réaliser en interne, comme par exemple à Remember me, les concepts artistes recevaient une liste des pubs, avec les noms et descriptions, voire même des couleurs, et les réalisaient eux-mêmes. Ensuite les graphistes 3D ou les artistes FX s’occupaient de les intégrer dans le jeu.
  • 56. 56 -Étudiez-vous la pub, ou la communication de certaines marques réelles pour ima- giner des campagnes fictives ? Oui c’est obligatoire, pour faire des pubs qui donnent l’impression d’être réel il faut avoir en avoir les codes. Certains artistes / concepts artistes viennent de formation de graphismes, ça aide. -Comment crée-t-on une pub sans annonceur réel ( qui plus est dans un monde futuristique ) ? Êtes-vous libres de A à Z ( Produit, Logo, Slogan ) ? Il faut simplement définir un brief ( ce que l’annonceur fournirait a une agence de communication ), on laisse libre cours à la créativité des scénaristes ! La liberté dépendra du jeu et de ce que représente le jeu, si le jeu est destiné a des enfants il faudra éviter toute pub représentants des drogues ou autres. - Votre opinion de la (vraie)pub ? Je pense que la pub fait complètement partie de notre monde, aussi bien il y a 1000 ans comme aujourd’hui, chaque commerce doit se faire connaître, on ne peut s’en passer. L’identité de certaines villes vont même complètement être représenter par la pub, Hong Kong par exemple avec tous ces grands panneaux suspendus et la pub à pro- fusion, sans tout cela la ville sera bien plus banale. Jean-Philippe Biscay, créateur de Billy la Banlieue Bonjour Elles n’étaient pas facile a faire ces pub ( comme le reste du graphisme) car il y avait très peu de pixels. Sans titre-2.png => le Plan de Paris Sans titre-3.png => le logo des Rolling Stones . Très expressif. (j’aime bcp les stones) Sans titre-4.png => J’ai voulu faire une affiche genre ciné, puis Zox 2099 devint le titre d’un de mes jeux qq mois plus tard. Sans titre-5.png => Le portrait de ma femme Jo. Sans titre-6.png => Love... ma jeunesse... peace, love and music ... et des fleurs partout. Sans titre-7.png => Reprise d’un concert pour la paix en 85. Le corps de la gui- tare est l’Afrique Sans titre-8.png => Zox à nouveau. Sur Billy 2 c’est de la pub pour mon soft sorti qq temps plus tôt. Sans titre-9.png => Lisa MINELLI. Photo copiée sur un magazine. Pour pixelliser les photos de Lisa Minelli et Jo (ma femme), je recouvrais la photo avec du papier quadrillé, puis je l’appliquais sur la vitre de ma fenêtre. Voyant la photo par transparence derrière le quadrillage, je coloriais en noir les car- reaux qui contenaient du foncé sur plus de la moitié. Voila vous savez tout.
  • 57. 57 Jean-François Bouchet, concepteur-rédacteur chez DDB Paris -D’où vient l’idée des fausses pubs ? Je dois replacer la campagne dans un contexte : début 2012, l’ANLCI s’était vu re- fuser le label «Grande cause nationale», attribué tous les ans par le gouvernement et qui permet à la cause sélectionnée de bénéficier d’une plus large visibilité, mais aussi de crédits supplémentaires ; l’obtenir en 2013 était l’objectif poursuivi. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’illettrisme, malgré le handicap que cela peut représenter au quotidien, n’est pas aussi dramatique que le cancer, la faim dans le monde ou l’inceste. Dans la triste hiérarchie des tragédies humaines que le public peut établir (parce qu’il est très souvent sollicité pour donner de l’argent ou signer une pétition), l’illettrisme n’arrive certainement pas en tête de liste. C’est pour cette raison que nous en sommes arrivés à la campagne des détournements. Pour cette raison et aussi parce que les campagnes déjà faites sur le sujet, en France ou ailleurs, avaient une trop grande propension à la théâtralité. Il y avait eu beaucoup de caricatures du genre : «ne pas savoir lire la notice des médicaments = mourir intoxiqué», ou «ne pas savoir lire le panneau «attention, mines antipersonnel» = la mort assurée». En réalité, l’illettrisme met rarement en danger immédiat ceux qui en souffrent, car les illettrés se débrouillent constamment ; ils mettent au point des stratégies d’évitement. Par exemple, ils prétendent qu’ils ont oublié leurs lunettes pour se faire lire le menu au restaurant, ou encore la liste des stations dans le mé- tro ; et les panneaux d’avertissement, de toute façon, sont généralement assor- tis de pictos peu engageants, du type «tête de mort», qui n’incitent pas à aller se balader dans une zone encore minée (ce qui est de toute façon moins commun en France qu’au Vietnam ou en ex-Yougoslavie). En fait, l’illettrisme est un mal aussi sournois que méconnu. Parmi ses victimes, on compte par exemple bon nombre de salariés, qui le cachent à leur employeur. Des gens qui ont appris à lire et compter, puis ont oublié, faute de pratique, victimes des aléas de l’existence. Deux millions et demi à trois millions de Français étaient à priori concernés en 2012 (cela reste une estimation). Sensibiliser le grand public supposait donc une approche plus subtile que bon nombre de campagnes auparavant. Il fallait favoriser un propos qui n’aille pas vers l’outrance, et qui révèle finalement le caractère sournois du problème en France. D’où diverses idées que nous avons écarté d’emblée. Pour s’arrêter sur les détour- nements. De publicités, car c’est un support très quotidien, que l’on a sous les yeux quand on déambule dans la rue ou le métro. Et puis les pubs, on connaît par cœur, il était donc facile pour nous de les détourner, dans la mesure où on en maîtrise tous les codes. L’idée fondamentale, c’était de placer ceux qui savent lire dans la position d’illettrés, ne serait-ce qu’une seconde ou deux, et ainsi leur démontrer l’importance des mots et la gêne qui peut exister quand on ne sait pas décoder la totalité d’un message. Bref, nous voulions - gentiment - piéger le grand public. Et d’après les retours que nous avons eus, nous y sommes parvenus. Grâce à une diffusion en affichage mais aussi et surtout dans la presse mutualiste, le message a été vu par plusieurs dizaines de millions de personnes, et la pétition en ligne a reçu un soutien suffisant pour que début 2013, le premier ministre de l’époque (Jean- marc Ayrault), accorde à l’ANLCI le label convoité. Pourquoi les détournements publicitaires sont-ils si rares, alors que la campagne en prouve la pertinence ?
  • 58. 58 -Pourquoi les détournements publicitaires sont-ils si rares, alors que la campagne en prouve la pertinence ? Ils ne sont pas si rares, en fait. Certains «vieux» publicitaires te diraient qu’il en ont vu des quantités, au cours de leur carrière, et les plus intransigeants te diraient même qu’il s’agit là d’une facilité créative. Le plus souvent, il s’agit de singer une catégorie de produits. Si tu scrutes attentivement le paysage publicitaire de ces dernières décennies, tu apercevras des tas de parodies ou de détournements. En 1998, Rémi Noël et Eric Holden avaient conçu une campagne dont les deux spots, «Fast Huitre» et «Ra- pid Asperge», mettaient en scène des aliments instantanés - propres à susciter le dégoût des consommateurs -, de façon à mieux vendre au final un produit 100% naturel, le sucre, à une période où l’on ne jurait plus que par les édulcorants. L’an dernier, on a vu diverses parodies de pubs Apple ; notamment ce film Ikea où le catalogue - imprimé sur du papier - était décrit comme s’il s’agissait d’un iPad (avec un second degré certain, puisqu’il est évidemment très facile de tourner les pages d’un livre, en avant comme en arrière, ou même d’y placer un signet). Les mêmes Holden et Noël ont détourné récemment des pubs de luxe pour parler des sdf. On pourrait en trouver des tonnes, dans le genre, il n’y a qu’à chercher. Je t’ai mis des liens pour que tu puisses y jeter un œil, ce sera plus parlant. Je conclurai sur le sujet en reprenant ton mot : la pertinence. Toute la question est là, en effet. Il existe des détournements totalement gratuits, qui ne sont réalisés que par ce que c’est amusant, décalé, impactant, et d’autres où la forme et le fond sont plus intrin- sèquement liés. Je crois que notre campagne relevait de ce dernier cas. C’est sans doute pourquoi elle a reçu un si bon accueil, à la fois du public et des publicitaires. http://lareclame.fr/rapide+asperge+fast+huitre Rapide Asperge et Fast Huitre : le sucre en 1998 - la Réclame lareclame.fr Souvenez-vous, c’était il y a 12 ans. En 1997, les producteurs de sucre français cherchaient à faire une parade contre le pouvoir grandissant de l’édulcorant ... https://www.youtube.com/watch?v=Syd1pKOJ__k APPLE Iphone 6 Parody Commercial by IKEA «BookBook www.youtube.com http://www.beritasemasa.com.my : Top Apple Parody 2014. APPLE Iphone 6 parody commercial : We believe this is not acfirst parody of Apple ‘s ad campaign, but... http://www.cbnews.fr/creation/aurore-remy-noel-detourne-les-codes-du-luxe-pour- les-sans-abris-a1019645 Aurore : Rémy Noël détourne les codes du luxe pour les ... www.cbnews.fr La fermeture, le 31 mars, des places hivernales d’hébergement, a provoqué la re-
  • 59. 59 mise à la rue de milliers de -Les grandes causes adoptent souvent un ton grave, comment avez-vous vendu cette campagne à l’ANLCI ? Il ne reste plus qu’une question et en fait, j’y ai déjà répondu. Tu auras compris que la campagne répondait aux besoins et attentes de l’ANLCI, il n’a donc pas été du tout difficile de la leur vendre. Au contraire, ils en ont vu tout de suite l’intérêt. La suite nous a tous donné raison. Voilà. j’espère avoir répondu de manière satisfaisante. Si jamais certains points te semblaient obscurs, n’hésite pas. De mon côté, je te poserai une question : es-tu étudiant en com et travailles-tu à un mémoire sur un domaine qui englobe cette campagne, ou bien m’as-tu interrogé par pure curiosité ? Je te laisse, bonne soirée JF
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  • 75. 75 AVANT 1960 AGENCE BLEUBLANCROUGE POUR ASSASSIN’S CREED SYNDICATE Date de sortie initiale : 23 octobre 2015 Développeur : Ubisoft
  • 76. 76 DISHONORED Date de sortie initiale : 9 octobre 2012 Développeur : Arkane Studios
  • 77. 77 RED DEAD REDEMPTION Date de sortie initiale : 18 mai 2010 Développeur : Rockstar
  • 78. 78 MAFIA II Date de sortie initiale : 23 août 2010 Développeur : 2K Czech
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  • 80. 80
  • 81. 81 L.A. NOIRE Date de sortie initiale : 17 mai 2011 Développeur : Team Bondi
  • 82. 82
  • 83. 83 BIOSHOCK + BIOSHOCK 2 + BIOSHOCK INFINITE Date de sortie initiale : 2007-2010-2013 Développeur : Irrational Games
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  • 86. 86
  • 87. 87
  • 88. 88 CONTEMPORAIN BATMAN ARKHAM CITY Date de sortie initiale : 18 octobre 2011 Développeur : Rocksteady Studios
  • 89. 89 BATTLEFIELD HARDLINE Date de sortie initiale : 17 mars 2015 Développeur : Visceral Games
  • 90. 90 BATTLEFIELD 4 Date de sortie initiale : 29 octobre 2013 Développeur : DICE
  • 91. 91
  • 92. 92 THE EVIL WITHIN Date de sortie initiale : octobre 2014 Développeur : Tango Gameworks HITMAN ABSOLUTION Date de sortie initiale : octobre 2014 Développeur : Tango Gameworks
  • 93. 93 JUST CAUSE 3 Date de sortie initiale : 1 décembre 2015 Développeur : Avalanche Studios
  • 94. 94
  • 95. 95 THE DIVISION Date de sortie initiale : 8 mars 2016 Développeur : Massive Entertainment
  • 96. 96 GTA V Date de sortie initiale : 17 septembre 2013 Développeur : Rockstar
  • 97. 97
  • 98. 98
  • 99. 99 FUTUR ALIEN : ISOLATION Date de sortie initiale : 7 octore 2014 Développeur : Creative Assembly
  • 100. 100 REMEMBER ME Date de sortie initiale : 3 juin 2013 Développeur : Dontnod Entertainment
  • 101. 101
  • 102. 102 DEAD SPACE Date de sortie initiale : 14 octobre 2008 Développeur : Visceral Games
  • 103. 103 ODDWORLD Date de sortie initiale : 19 septembre 1997 Développeur : Oddworld Inhabitants
  • 104. 104 WOLFENSTEIN THE NEW ORDER Date de sortie initiale : 20 mai 2014 Développeur : MachineGames
  • 105. 105 FALLOUT 4 Date de sortie initiale : 10 novembre 2015 Développeur : Bethesda
  • 106. 106
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  • 108. 108
  • 109. 109
  • 110. 110 CAMPAGNE ANLCI Date de sortie initiale : 2012 Agence : DDB
  • 111. 111 BIBLIOGRAPHIE Deco Devolution : The art of BioShock 2 The art of Dishonored The art of Mafia II The art of Tom Clancy’s : The division The art of Battlefield 4 The art of The evil within The art of Hitman Absolution The art of The last of us The art of Alien Isolation The art of Dead Space The art of Fallout 4 The art of Half Life 2 The art of Oddworld Inhabitants : 1994-2004 First 10 years The art of Remember me The art of Titanfall The art of Wolfenstein : The new order The Art of Grand Theft Auto IV
  • 112.
  • 113. 113 SOUTENANCE ( NE PAS REGARDER AVANT L’ORAL )
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