1. L’ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA RÉFORME TERRITORIALE 141
l’intervention du conseil départemental durant l’hiver. Enfin, aucune
métropole n’a souhaité se voir transférer l’aide sociale293
.
Au total, en dépit des transferts opérés en faveur des régions et des
métropoles, les départements continuent d’exercer la majorité de leurs
compétences sur l’intégralité de leur territoire. En particulier, le schéma
lyonnais de « métropolisation » des compétences départementales n’a pas
été reproduit. La Cour recommande que soient analysées les conditions de
reproductibilité de ce schéma visant à simplifier la répartition des
compétences.
Le rôle de l’État dans la réforme territoriale
Si leur rôle a été très effacé dans la constitution des nouvelles
régions, l’engagement des administrations de l’État a été essentiel, tant au
niveau central que déconcentré, dans la préparation des nouveaux schémas
de coopération intercommunale, avec une place centrale dévolue au préfet
et à ses services, un accompagnement des services fiscaux et un suivi fin
par les ministères concernés (DGCL et DGFiP). La mise en œuvre pratique
des fusions et des changements de périmètre d’EPCI a été facilitée par
plusieurs évolutions législatives. S’agissant des communes nouvelles, les
services de l’État ont accompagné les collectivités volontaires par des
conseils juridiques et des simulations fiscales. Les transferts des
compétences ont fait l’objet d’un accompagnement juridique de la DGCL,
qui n’a toutefois pas suivi leur mise en œuvre effective, collectivité par
collectivité. Dans les territoires, le rôle d’expertise et de conseil a été surtout
tenu par les présidents de CRC dans le cadre des CLECRT. Ce rôle
relativement en retrait de l’administration de l’État, hors SDCI, par rapport
aux précédentes réformes, illustre la volonté, sinon la nécessité, de laisser
les territoires s’organiser eux-mêmes pour gérer les transitions voulues par
le législateur. On peut toutefois regretter que le ministère de l’intérieur n’ait
pas cherché à disposer des informations nécessaires à un meilleur suivi
centralisé de la réforme.
293
Selon l’association France Urbaine, cela résulte de la volonté des départements de
préserver leur pleine capacité d’intervention en matière d’aide sociale et du peu d’attrait
pour les métropoles de cette compétence au poids budgétaire lourd et croissant.
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2. 142 COUR DES COMPTES
III - Une réforme en cours dont l’impact
budgétaire relève de la responsabilité
des collectivités locales
Selon les études d’impact des principales lois portant réforme de la
nouvelle architecture territoriale et de la nouvelle répartition des
compétences, celles-ci doivent mener à « une articulation moins coûteuse
des compétences entre les différents niveaux de collectivités » et permettre
de « réaliser des gains d’efficience » et des « économies d’échelle
importantes ». Cet objectif d’économies, s’il n’a pas été précisé dans les
exposés des motifs, a été repris dans la communication gouvernementale
sur la réforme et dans les documents budgétaires294
.
La mise en œuvre de la réforme territoriale, processus complexe,
entraîne nécessairement des coûts de transition à court terme (A). La
vigilance doit toutefois être concentrée sur les risques de dérives des coûts
à long terme (B).
A - Un processus complexe de transition
dont les coûts restent à évaluer
Alors que les principales lois de réforme territoriale ont été votées
en 2014 et 2015, la mise en œuvre de la réforme territoriale est un processus
toujours en cours en 2017.
1 - Un processus échelonné sur plusieurs années
La mise en œuvre de la réforme territoriale se traduit par de
nombreux chantiers au sein des collectivités concernées : réorganisation
institutionnelle et administrative, refonte des fonctions support, gestion et
harmonisation des conditions de travail, territorialisation de l’action
publique, harmonisation des politiques publiques et fusion des organes
satellites (voir annexe n° 17). Ces chantiers suivent un calendrier
pluriannuel résultant des règles imposées par la loi ainsi que des volontés
et contraintes locales.
294
Selon le RESF 2017, « la mise en œuvre de l’ensemble des mesures liées à la réforme
territoriale sur la période 2016-2020 constitue un levier fort de rationalisation de la
dépense locale et devrait à terme générer des économies de fonctionnement ».
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3. L’ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA RÉFORME TERRITORIALE 143
a) Une année de préparation
Si la date de création officielle des nouvelles régions était fixée par
la loi au 1er
janvier 2016, les chantiers administratifs liés aux fusions ont
débuté dès 2015. Le degré d’anticipation a varié selon les régions. Dans
certaines, l’anticipation s’est réduite à la sécurisation technique de la
gestion budgétaire afin de garantir la continuité du traitement des
fonctionnaires et du paiement des tiers. Tel a été le cas de l’ancienne région
Nord – Pas-de-Calais dont les élus étaient opposés à la fusion avec la
Picardie. Dans d’autres régions, des réflexions communes ont été initiées
dès 2015, notamment sur l’harmonisation des systèmes d’information.
D’autres, encore, ont lancé un travail de cartographie et de recensement des
dispositifs en vue de l’analyse comparative de leurs politiques publiques.
Certaines ont ainsi fortement anticipé les travaux qui devraient être menés
en 2016, comme les anciennes régions Bourgogne et Franche-Comté.
S’agissant des EPCI issus de fusions, les arrêtés préfectoraux
entraient en vigueur le 1er
janvier 2017 mais le chantier des recompositions
institutionnelles a débuté en fin d’année 2016. Il convenait notamment de
définir la répartition entre les communes des sièges au sein du conseil
communautaire de l’EPCI fusionné295
et d’en désigner les membres ; de
même pour le bureau communautaire.
b) Une année de lancement
2016 a été la première année de fonctionnement des nouvelles
régions. Au-delà de la définition du nom et du siège de la nouvelle entité,
la priorité a été donnée à l’organisation des services fusionnés, en deux
étapes : l’établissement du nouvel organigramme et la nomination des
agents. Dans la plupart des nouvelles régions, les organigrammes
fonctionnels ont été établis au premier semestre de 2016, du moins pour les
postes d’encadrement296
. Les directeurs généraux adjoints (DGA) et les
directeurs ont été nommés avant l’automne avec la mission de préfigurer
les nouveaux services. Au début de 2017, la plupart des chefs de service
étaient nommés et l’ensemble des agents devait l’être à la fin du premier
295
La répartition des sièges est opérée soit selon le droit commun, soit selon les termes
d’un accord local. Elle pouvait être prévue dès l’arrêté prononçant la fusion ou décidée
avant le 15 décembre 2016.
296
Cf. annexe n° 18 : la réorganisation des services dans les nouvelles régions.
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4. 144 COUR DES COMPTES
semestre. Ce calendrier a été suivi par la région Bourgogne-Franche-
Comté : les pôles ont été définis en mai 2016, les directions en juin, les
services en octobre et le positionnement des agents devait être finalisé au
premier trimestre de 2017297
. L’organisation des services et la nomination
des agents des régions fusionnées se sont ainsi étendues sur plus de douze
mois.
Pour les EPCI créés au 1er
janvier 2017, la loi NOTRé a prévu des
dispositions transitoires pour favoriser la continuité des services
intercommunaux : les nouveaux EPCI exercent d’emblée les compétences
obligatoires relatives à leur catégorie ainsi que la somme des compétences
optionnelles et facultatives des anciens EPCI dans le périmètre de ces
derniers. Quant à la définition des compétences optionnelles du nouvel
EPCI, exercées sur l’ensemble du périmètre ou restituées aux communes,
elle doit être établie avant le 31 décembre 2017 par le conseil
communautaire.
Ces chantiers se sont déroulés concomitamment à la préparation de
l’exercice de nouvelles compétences. Ainsi, les budgets de la première
année d’exercice des nouvelles entités issues de la réforme territoriale ont
majoritairement été des budgets de transition, reconduisant la plupart des
dispositifs existants dans les anciennes régions et intégrant les nouvelles
compétences obligatoirement transférées dans les EPCI.
c) Une convergence progressive
Au cours de leur deuxième année d’existence, les nouvelles régions
ont mené deux chantiers de grande ampleur : l’harmonisation des
conditions de travail des agents298
et la convergence des politiques
publiques. Le premier, qui concerne notamment le régime indemnitaire, le
temps de travail, l’avancement d’échelon et l’action sociale, a été conduit
sur la base de négociations collectives299
. Si la loi fixe au 1er
janvier 2018
le délai maximum pour délibérer sur un régime indemnitaire et des
conditions d’emploi uniques avec la possibilité d’une harmonisation
progressive jusqu’au 1er
janvier 2023, le maintien de dispositifs
différenciés selon les anciennes régions a pu apparaître comme un risque
297
Rapport d’orientations budgétaires 2017 de la région Bourgogne-Franche-Comté.
298
Cf. annexe n° 18 : la réorganisation des services dans les nouvelles régions.
299
En amont de ce chantier, les instances syndicales devaient être renouvelées – ce qui
a été réalisé au second semestre 2016.
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5. L’ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA RÉFORME TERRITORIALE 145
pour le climat social. De premières mesures ont ainsi parfois été prises
avant la fin 2016. En Occitanie, un premier alignement du régime
indemnitaire a été réalisé dès octobre300
juste avant les négociations
engagées avec les partenaires sociaux en vue de nouvelles mesures dans le
courant de l’année 2017. Le même chantier d’harmonisation des conditions
de travail a dû être ouvert par les nouveaux EPCI.
Concernant l’harmonisation des dispositifs et des politiques
publiques, la loi NOTRé ne permet pas, sauf dispositions contraires,
l’harmonisation progressive des critères régionaux d’intervention, mais
elle laisse un délai général de trois ans pour mener ce travail301
. La réalité
du terrain imposant toutefois d’aller plus vite, un recensement des
dispositifs a été réalisé, parfois dès 2015. Leur nombre diffère
considérablement selon les régions : une centaine dans les Hauts-de-
France et en Normandie, 274 en Bourgogne-Franche-Comté, 700 dans
le Grand Est302
et 706 en Nouvelle-Aquitaine. La mise en cohérence porte
notamment sur les bourses aux étudiants, les primes aux apprentis et les
aides facultatives (comme les chèques lycéens). En Nouvelle-Aquitaine,
selon la région, le processus a d’ores et déjà permis de supprimer 474
dispositifs et d’en harmoniser 175. Il devrait, sauf exception, être terminé
à la fin de 2017, sous réserve de certains dispositifs qui, par nature,
nécessitent davantage de temps ou sont contraints par des échéances
spécifiques (conventions TER, CPER, fonds européens)303
. S’agissant des
EPCI, l’harmonisation des compétences doit être achevée en 2018,
deuxième année d’exercice des nouvelles intercommunalités. Les conseils
communautaires doivent définir les compétences facultatives ainsi que
l’intérêt communautaire afférent avant le 31 décembre 2018.
Enfin, la deuxième année d’exercice des nouvelles régions doit
permettre de définir l’organisation de leur présence territoriale. La création
d’entités de plus grande taille éloigne les équipes régionales des usagers de
300
Rapport d’orientations budgétaires 2017 de la région Occitanie, novembre 2016.
301
D’après l’article 136 de la loi NOTRé, les règles, plans et schémas régionaux en
vigueur à la date de création des nouvelles régions demeurent applicables dans le ressort
géographique pour lequel ils ont été adoptés jusqu’à leur remplacement par des actes
ou documents correspondant au ressort des nouvelles régions, qui a lieu dans un délai
de trois ans à compter de la promulgation de la loi.
302
Cf. annexe n° 19 : l’harmonisation des régimes indemnitaires et des politiques
publiques dans les nouvelles régions.
303
Ainsi, jusqu’en 2020, chaque nouvelle région va devoir assurer la poursuite
simultanée des différents contrats de plan État-région signés en 2014 entre l’État et les
anciennes régions.
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6. 146 COUR DES COMPTES
leur territoire. Pour maintenir la proximité nécessaire, la plupart des
nouvelles régions ont accentué la territorialisation de leurs services304
.
2 - D’inévitables coûts de transition
Les nombreux chantiers rendus nécessaires par la mise en œuvre de
la réforme territoriale (fusions comme transferts de compétences) induisent
des coûts inhérents au processus même de transition. Un rapport
d’inspection IGF-IGA305
de la fin 2014 a déterminé trois grands domaines
de surcoûts : le pilotage et la conduite du changement, les dépenses liées à
l’immobilier et à la mobilité des agents et l’intégration des systèmes
d’information.
Du fait de l’ampleur des changements, les collectivités ont parfois
mis en place une structure dédiée au pilotage et à la conduite des opérations
ou, a minima, ont alloué des ressources internes pour une durée variable
(plus de deux ans pour les nouvelles régions306). La rémunération des
agents affectés à cette structure a un coût non négligeable auquel s’ajoute
l’effort général en matière d’organisation et de ressources humaines
(nouvel organigramme, formation des cadres appelés à diriger de nouveaux
services et des agents dont les missions évoluent, redéfinition des processus
métiers et budgétaires, etc.). La gestion de la communication sur la réforme
a également un coût important (logo, documents, etc.). À titre
d’illustration, dans les Hauts-de-France, le seul renouvellement du
pelliculage des TER coûte 30 000 € par train, soit 10 M€ au total.
Les dépenses liées à l’immobilier et à la mobilité des agents sont
également à considérer puisque transferts de compétences comme fusions
impliquent la mobilité d’une partie des personnels. Pour les entités
fusionnées et notamment les régions, le surcoût dépend des choix
immobiliers. Les régions fusionnées ont privilégié le maintien des sièges
des anciennes régions mais selon des organisations différentes. En
Bourgogne-Franche-Comté et en Normandie, les directions ne sont pas
scindées et sont réparties entre les deux sites ; dans les Hauts-de-France,
elles sont toutes présentes sur les deux sites et donc scindées. Des créations
d’implantations locales ont également été prévues : dans les régions
Hauts-de-France (vingt implantations nouvelles), Grand Est (douze
304
Cf. annexe n° 20 : l’organisation territoriale des nouvelles régions.
305
Économies réalisables et surcoûts prévisibles pour les collectivités locales du fait
de la réforme territoriale, rapport non publié, décembre 2014.
306
La région Nouvelle-Aquitaine a indiqué à la Cour avoir créé huit postes de
« référents RH » dans le cadre du plan d’accompagnement du changement.
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7. L’ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA RÉFORME TERRITORIALE 147
agences dont quatre déjà existantes en Alsace) et Occitanie (onze sites au
minimum). Enfin, des surcoûts procèdent d’indemnités de mobilité
accordées aux agents (quand il s’agit de regrouper un service sur un seul
site) et/ou de coûts de coordination (notamment dus aux déplacements
entre les différents sites). Les mêmes contraintes s’appliquent aux
mutations consécutives aux transferts de compétences307
.
Carte n° 5 : organisation territoriale de la région Grand Est
Source : Cour des comptes d’après organigramme général de la région Grand Est, novembre 2016
Enfin, l’harmonisation des systèmes d’information est un vaste
chantier dont le coût financier est important. En effet, si les besoins des
régions, auxquels répondent leurs système d’information, sont similaires,
les déclinaisons techniques comme le choix des progiciels peuvent être très
différents. Deux postes importants de surcoûts sont identifiés :
l’harmonisation des logiciels budgétaires et financiers et l’harmonisation
des systèmes d’information en ressources humaines (SIRH). Pour ce faire,
les régions ont recours à des prestations intellectuelles.
307
Article L. 5111-7 du CGCT.
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8. 148 COUR DES COMPTES
B - Un bilan financier incertain à terme
Au-delà de coûts de transition immédiats, des surcoûts pérennes de
gestion peuvent obérer les économies structurelles attendues à moyen et
long terme, qui sont encore incertaines.
1 - Des risques de surcoûts pérennes
Les nouvelles entités issues de fusions prévues par la réforme
territoriale rassemblent des collectivités qui présentaient parfois des
situations très disparates. Les modalités d’harmonisation ou de fusion sont
susceptibles d’entraîner des surcoûts.
a) L’harmonisation des rémunérations et du temps de travail
Dans la plupart des cas, les agents des régions fusionnées
bénéficiaient de conditions de travail relativement disparates en termes de
régime indemnitaire et de temps de travail notamment. En ce qui concerne
le régime indemnitaire, des écarts importants existent ainsi entre les agents
des anciennes régions Haute-Normandie et Basse-Normandie (jusqu’à
300 € d’écart pour les agents des lycées en situation comparable) et entre
les agents des anciennes régions du Grand Est (des écarts allant jusqu’à
70 % pour les agents des lycées et 45 % pour les agents du siège en situation
comparable)308. De forts écarts ont également été constatés dans les régions
Occitanie, Nouvelle-Aquitaine ou Hauts-de-France. S’agissant du temps
de travail, la situation est plus nuancée : les différences entre les anciennes
régions sont relativement faibles en Nouvelle-Aquitaine, Grand Est et
Occitanie. Elles sont plus significatives dans les Hauts-de-France : au
sein des services, les agents picards peuvent choisir parmi quatre formules
de temps de travail et ceux du Nord – Pas-de-Calais parmi deux formules
mais ils bénéficient de deux jours de congés exceptionnels (quatre « jours
du président », ramenés à deux en 2016).
Cette disparité rend l’harmonisation complexe et porteuse de risques
de surcoûts pérennes tenant pour l’essentiel à l’alignement à la hausse de
ces postes de dépenses. La région Nouvelle-Aquitaine a ainsi décidé en
2016 d’aligner le régime indemnitaire des agents de catégorie C du site de
Limoges (siège et lycées) sur celui des agents du site de Bordeaux309
.
308
Cf. annexe n° 19 : l’harmonisation des régimes indemnitaires et des politiques
publiques dans les nouvelles régions.
309
Rapport de présentation du budget primitif 2017 de la région Nouvelle-Aquitaine.
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9. L’ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA RÉFORME TERRITORIALE 149
La masse salariale est en effet l’un des principaux postes de
dépenses d’une collectivité et le contexte législatif est favorable à des
alignements « par le haut » puisque la loi MAPTAM a posé le principe du
choix du régime indemnitaire le plus avantageux pour les agents qui
changent d’employeurs310. Ce principe s’applique également aux
communes nouvelles et aux régions fusionnées. Si les textes en vigueur
n’imposent pas un alignement systématique et immédiat « par le haut » et
laissent une latitude aux collectivités en vue d’une harmonisation
progressive des régimes indemnitaires, le risque d’un effet inflationniste
des réorganisations sur l’évolution de la part indemnitaire des
rémunérations est réel311.
La Cour rappelle que l’impact à la hausse sur la masse salariale de
la réforme de l’organisation territoriale doit être rigoureusement maîtrisé.
Les négociations menées, tant dans les régions que dans les EPCI et les
communes nouvelles, doivent être également l’occasion de remettre à plat
la gestion du temps de travail et de revenir pour tous les agents à la durée
légale et de dégager ainsi des marges de manœuvre.
b) La convergence des politiques publiques
Les politiques publiques des régions fusionnées étaient très
fréquemment conduites selon des critères et des dispositifs distincts. Par
exemple, sur le territoire de la région Nouvelle-Aquitaine, l’aide aux
familles des lycéens prenait la forme d’un tarif réduit dans l’ancienne
région Aquitaine et d’une aide gérée par un fonds social délégué à chaque
établissement dans les deux autres anciennes régions Limousin et Poitou-
Charentes312
. Il en est de même de la politique sportive, compétence
partagée par tous les échelons de collectivités. Si l’ensemble des régions
l’exerce principalement par l’octroi d’aide aux clubs, le montant total des
aides ainsi que les critères d’allocation sont très disparates. Ainsi, dans les
Hauts-de-France, le Nord – Pas-de-Calais distribuait 1,7 M€ à ses clubs
et la Picardie 0,4 M€. La structuration de la dépense régionale pouvait ainsi
être très différente dans les régions réunies en 2015, notamment au regard
du nombre d’habitants, comme l’illustre le tableau infra.
310
Article L. 5111-7 du CGCT.
311
Dans son rapport d’orientations budgétaires pour 2017, la région Occitanie prévoit
que les mesures d’harmonisation des conditions de travail auront un effet à la hausse
sur ses dépenses de personnel et un impact durable sur ses charges de fonctionnement.
312
Rapport de présentation du budget primitif 2017 de Nouvelle-Aquitaine.
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10. 150 COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : dépenses totales par habitant cumulées
sur la période 2011-2015 des anciennes régions Aquitaine,
Limousin et Poitou-Charentes (en €)
Source : Cour des comptes d’après rapport d’observations définitives - Région Aquitaine,
Limousin, Poitou-Charentes, CRC d’Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes
Le risque d’un alignement haussier des politiques publiques est
élevé comme l’illustrent les exemples passés de rapprochements de
collectivités. Les rapports précités de la Cour sur l’intercommunalité et un
rapport d’inspection sur les mutualisations au sein du bloc communal313
rappellent que les mutualisations au sein des EPCI ont souvent été
associées à une extension des services proposés aux habitants plutôt qu’à
des économies budgétaires nettes. Concernant la réforme territoriale, ce
risque peut prendre deux formes : l’extension de services existants à
l’ensemble d’un nouveau territoire et l’harmonisation à la hausse des
montants d’aides ou à la baisse de la tarification. La Cour relève que la loi
NOTRé ne permet pas, sauf dispositions contraires, l’harmonisation
progressive des dispositifs régionaux. Cette disposition pourrait avoir un
effet inflationniste compte tenu de la difficulté politique de remettre en
cause, sans transition ou lissage, les dispositifs parfois plus favorables des
anciennes régions.
313
Les mutualisations au sein du bloc communal, IGA-IGF, décembre 2014.
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