Diaporama de la conférence-débat « Le doctorat en dehors du cadre contractuel » animée par Sylvain Collonge et Quentin Rodriguez (CJC) dans le cadre du Workshop sur l'Encadrement Doctoral 2018
WED 2018 : Le doctorat en dehors du cadre contractuel
1. Le doctorat en-dehors du
cadre contractuel
Sylvain Collonge et Quentin Rodriguez
Workshop sur l’encadrement doctoral - Lyon, 28 et 29 novembre 2018
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2. Au menu
Quelques définitions pour bien identifier le sujet :
Notion de contrat de travail
Le « cadre contractuel » pour les doctorants
Qu’entend-on par « en dehors » du cadre contractuel ?
Qu’est-ce qui fait problème ?
Concernant la situation personnelle et professionnelle des doctorants
Concernant la sécurité juridique des établissements de l’ESR
Concernant la qualité du doctorat
Pourquoi la situation ne s’améliore pas/plus vraiment ?
Qu'est-ce chacun peut/pourrait faire à son niveau ?
Débat
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3. Préambule
Un sujet complexe, rarement abordé sur le fond par les établissements
Des pratiques disciplinaires différentes mais un enjeu collectif
Des sources de données manquant encore de fiabilité
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4. La notion de contrat de travail
Notion de contrat de travail (en France) : une base jurisprudentielle, avec 3 critères
cumulatifs :
La mise à disposition par le travailleur de sa « force de travail »
Une rémunération (en argent ou en nature)
Un lien de subordination (entre le travailleur et un responsable)
Le lien juridique de contrat de travail existe quand bien même :
Aucun document n’a été signé avec le travailleur (il s’agit alors d’un CDI à temps complet)
Un document a été signé avec une appellation différente de « contrat de travail »
(exemple : « convention », « bourse », etc.)
La situation d’un doctorant percevant une somme d’argent pour son travail de recherche
sous la conduite d’un-e directeur-trice de thèse relève donc juridiquement du contrat de
travail
Sinon, c’est soit du travail non déclaré (illégal)
Soit une sorte de « bénévolat »
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5. Pour mémoire : le cadre contractuel
pour les doctorants
Un contrat de travail écrit couvrant (a minima) la durée du doctorat dont l’objet intègre la
réalisation de recherches (pas forcément à temps plein) en vue de la soutenance d’un
doctorat
Pour les employeurs publics : Un cadre juridique de référence depuis 2009 : le « contrat
doctoral » (décret 2009-464 relatif aux doctorants contractuels)
CDD de droit public, reprenant la plupart des droits (et devoirs) des agents contractuels de
la fonction publique
Durée : 3 ans (minimum)
Garantissant un salaire minimum
Indépendant de la provenance des fonds (un contrat doctoral peut être rémunéré via la
masse salariale Etat d’un établ., via des fonds provenant d’une collectivité, de l’ANR, de
fonds européens, etc.)
Pour les employeurs privés : un dispositif de référence et subventionné par l’Etat : la
convention CIFRE
CDD de 3 ans (dérogatoire par rapport au Code du Travail) ou CDI
Garantissant un salaire minimum
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6. « En dehors » du cadre contractuel ?
Doctorants ayant une activité professionnelle
« principale » dont l’objet n’intègre pas
explicitement la recherche doctorale
• Le doctorat vient « enrichir » l’activité
professionnelle « principale »
• Leur salaire ne rémunère pas le travail de
recherche
• Le temps dédié au doctorat est donc pris sur
du « temps libre » ≈ bénévolat
• Enseignants du secondaire, profession
libérale, praticiens hospitaliers…
Doctorants sans autre activité professionnelle
« principale »
• L’autre activité est exercée pour pallier
l’absence de financement de la recherche
• Leur rémunération est faible
• Le doctorat s’inscrit dans une trajectoire
professionnelle
• Le temps dédié au doctorat est donc pris sur
du « temps libre » ≈ bénévolat
• Vacataires de l’enseignement supérieur,
« jobs alimentaires », sans revenus…
Doctorants payés pour leur travail de recherche
mais sous forme de libéralité (« boursier ») :
• Désormais (quasi ?) résorbé pour les bailleurs
de fonds de droit français
• Mais encore très présent pour une partie des
doctorants étrangers
Doctorants sans autre activité professionnelle, et
sans inscription du doctorat dans une trajectoire
professionnelle (« doctorat loisir »)
• Retraités
1- Les « bénévoles professionnels » 2- les « bénévoles précaires »
3- Les travailleurs non déclarés 4- les « bénévoles amateurs »
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7. Qu’est-ce qui fait problème ?
Le véritable bénévolat implique l’absence de lien de subordination
Pourtant ce lien existe pour tout doctorant : la conduite du doctorat ne se
fait pas « librement » pour le doctorant
Subordination directe : comité de suivi, autorisations de réinscription, autorisation
de soutenance, autorisation pour publier ses travaux, etc.
Subordination indirecte : dépendance pour obtention de vacations, poste
d’ATER, qualification CNU…
Il ne s’agit donc pas de bénévolat mais de travail non rémunéré
Comment dénouer ce problème sans renoncer à l’unicité de l’expérience
doctorale et à son caractère professionnel ?
Comment poursuivre la valorisation du doctorat et des compétences des
docteurs auprès de tous les secteurs socio-professionnelles ?
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8. Les problèmes pour la situation personnelle
et professionnelle des doctorants
1- Les « bénévoles professionnels »
• Temps de travail consacré au doctorat
contraint par l’activité professionnelle
« principale »
• Enseignants du secondaire : activité
professionnelle principale parfois davantage
choisie par défaut (pour financer
indirectement le doctorat)
• Intégration moindre dans l’unité de
recherche ?
• Doctorat plus long (temps partiel)
2- les « bénévoles précaires »
• Revenus faibles et/ou irréguliers
• Temps de travail consacré au doctorat
contraint par le manque de revenus
• Forte dépendance vis-à-vis de la direction de
thèse/de labo (pourvoyeuse de potentielles
vacations, contrats ponctuels, ATER…)
• Doctorat plus long et risque d’abandon
avant soutenance élevé
• Injonctions contradictoires : EDs acceptent
une inscription sans financement mais ne la
renouvellent pas si durée trop longue
• Précarité post-soutenance : pas ou peu
d’allocations chômage…
3- Les travailleurs non déclarés
• Revenus parfois faibles et/ou irréguliers et/ou
non garantis
• Couverture sociale partielle
• Précarité post-soutenance : pas de droit au
chômage
4- les « bénévoles amateurs »
• Moindre attention portée par la direction de
thèse ?
• Faible intégration dans l’unité de recherche ?
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9. Les problèmes pour la sécurité juridique
des établissements de l’ESR
Dans tous les cas : les inventions du doctorant lui appartiennent (voir article
611-7 du Code de la propriété intellectuelle)
Ou éventuellement à l’employeur « principal » pour les « bénévoles
professionnels »
« Bénévoles précaires » : Une partie importante de ces doctorants sont
salariés et/ou vacataires des établissements de l’ESR :
Interrogations sur la responsabilité sociale d’employeur pour les établissements
ESR dans un contexte financier contraint…
« Travailleurs non déclarés » : le travail non déclaré est illégal : risque de
requalification des situations en contrat de travail, redressement URSSAF
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10. Les interrogations sur la qualité du
doctorat
Système piloté essentiellement par la demande (des candidats au doctorat
acceptant de travailler sans rémunération)…
… et « entretenu » par l’institution/ED/Labo/DT :
Via un renversement de la responsabilité de la recherche d’un éventuel financement
Quelle intégration réelle avec la politique scientifique des laboratoires ?
Ce sont davantage les doctorants qui « choisissent » de faire un doctorat plutôt que
les laboratoires qui choisissent de développer tel projet doctoral
Une politique scientifique orientée par les diplômés de Master plutôt que par les HDR ?
Moindre enjeu pour la direction de thèse, le labo, l’institution ?
Moindre investissement et sentiment de responsabilité de la direction de thèse / labo /
institution ?
Moindre exigences scientifiques ?
Constat : les taux d’encadrement excessifs sont souvent couplés avec le non financement des
travaux de recherche des doctorants
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11. Pourquoi la situation ne s’améliore plus ?
68,7% 67,2% 66,6% 68,1% 69,5% 69,0%
16,7% 17,6% 19,9% 19,4% 18,6% 20,4%
14,6% 15,3% 13,5% 12,5% 11,9% 10,6%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
2009-10 2010-11 2011-12 2012-13 2013-14 2015-16
Evolution du financement des primo-doctorants
(source : L'état de l'ESR, avril 2017, MENESR-DGESIP/DGRI-SIES)
Part des doctorants sans activité rémunérée
Part des doctorants exerçant une activité salariée non financée pour leur thèse
Part des doctorants financés pour leur thèse
« précaires » et « amateurs »
« professionnels »
Dont les « travailleurs non déclarés »
Fiabilité des données ?
Déclaratives mais
enjeux d’évaluation
Quelle formation des
gestionnaires sur le
sujet de la qualité des
données ?
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Dont des « précaires »
12. Pourquoi la situation ne s’améliore plus ?
Des freins « socio-culturels »
Le « monde académique » peine encore parfois à se considérer lui-même
comme une sphère professionnelle, et peine donc encore dans certains
domaines à s’organiser en collectifs de travail.
La situation des doctorants n’est pas analysée comme un problème de reconnaissance
professionnelle
Les institutions sont encore trop peu engagées dans des réflexions sur la qualité de la
gestion de leurs ressources humaines (levier : HRS4R)
Recours parfois à une déformation de la notion de « liberté académique » (y.c.
chez les doctorants), à une vision « romantique » de la recherche
Aboutissant à des équations de type : Financement = « contrainte dans la liberté de
chercher » ou « frein à la passion désintéressée pour la recherche », « Einstein aurait-il eu
un contrat doctoral ? »
Une mission « implicite » de l’ESR d’augmenter le taux de docteurs dans une
tranche d’âge ? (nombre de doctorants/docteurs jugé trop faibles en France ?)
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13. Pourquoi la situation ne s’améliore plus ?
Des freins économiques
Il faut trouver des moyens pour payer les doctorants…
Crainte d’une diminution d’un nombre de doctorants ?
… entrainant un manque d’enseignants vacataires pour faire face aux volumes
d’enseignement à assurer ?
Des lacunes juridiques ?
Reconnaissance du caractère professionnel de l’activité de recherche doctorale (art.
L612-7 du Code de l’éducation) mais sans aller au bout de la démarche.
Un cadre juridique sur les vacataires à réformer en profondeur
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14. Ce que chacun peut/pourrait faire à
son niveau ?
1- Les « bénévoles professionnels »
• Catégorie la moins « problématique » ?
• Formaliser le partage de temps entre activité
professionnelle « principale » et doctorat
• Soit : inclure dans l’activité « principale » le
temps de travail du doctorat (le doctorat
devient alors officiellement financé par
l’activité principale, avec l’accord de
l’employeur principal
• Soit : mettre en place un contrat de travail à
temps partiel
Dans tous les cas, nécessité de négociations
interministérielles avec Educ Nat et Santé
Permet de formaliser aussi les questions de PI
2- les « bénévoles précaires »
• Catégorie sur laquelle travailler en priorité
• Etat/Associations JC : remplacement du
statut de vacataire par un contrat de chargé
d’enseignement à tps partiel ?
• Etat/Etablissements : travailler en profondeur
sur les politiques RH (contractuels+titulaires) :
levier HRS4R ?
• ED :
• Renforcer les politiques de recrutement
• Objectiver les problèmes : statistiques
d’abandon analysées par situation de
financement ? Quel avenir professionnel
pour ces doctorants ?
• Directeurs de thèse :
• Savoir dire non à un candidat
• Savoir mieux chercher des financements
• Candidats/Asso JC : sensibiliser et ne pas
encourager les doctorats sans financement
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Partager les bonnes pratiques (et les pratiques
inadaptées) : Fiches « Doctorat à la Loupe »
15. Ce que chacun peut/pourrait faire à
son niveau ?
3- Les travailleurs non déclarés
• Faire appliquer la loi !
• Former les directeurs de thèse
• Etablissement/ED/HCERES :
• produire des indicateurs sur le statut
juridique des doctorants
• CPU/RNCD/HCERES : définir ce que serait un
indicateur « responsable » d’attractivité
internationale des établissements/ED
• Poursuivre des travaux avec MAE
4- les « bénévoles amateurs »
• Problème mineur mais symbolique ?
• Un doctorat est-il nécessaire ?
• Etablissement/ED :
• Renforcer l’analyse de pertinence
scientifique pour ce type de candidature
• Orienter ces candidats vers un autre
diplôme (DU?) ou dispositif leur
permettant d’accéder à des ressources
(bibliographiques notamment) et de
réaliser un travail personnel sans les
hautes exigences scientifiques attendues
pour un doctorat.
• Directeurs de thèse : creuser sérieusement
l’opportunité scientifique
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