Rapprochement entre Bristol Myers Squibb et Celgene
1. 46 Spectra DIAGNOSTIC // AVRIL - MAI 2019
ACTUALITÉS
Point Bourse & Biotechs
Rapprochement entre Bristol Myers Squibb et Celgene
I - L’immuno-oncologie a le vent en poupe
L’année 2019 commence fort avec un méga-rapprochement
entre le géant pharmaceutique Bristol-Myers Squibb (BMS) -
qui comptabilisait en 2017 19,3 milliards de dollars de chiffre
d’affaires et 4,82 milliards de dollars de dépenses en R&D - et le
géant des biotechnologies Celgene - 13 milliards de dollars de
chiffre d’affaires et 3 milliards de dollars de dépenses R&D en
2017. C’est la naissance d’un puissant groupe spécialisé en can-
cérologie. Ce rapprochement estimé à un montant de 74 mil-
liards de dollars va unir deux entités ayant des portefeuilles très
complémentaires dans les domaines de l’oncologie, de l’immu-
nothérapie mais également des maladies cardiovasculaires. Cet
accord permet à BMS de s’octroyer un avantage compétitif dans
le monde en plein essor de l’immuno-oncologie. D’autant plus
que cette annonce vient tout juste un an après le rachat de Juno
Therapeutics par Celgene, autre spécialiste dans le domaine de
l’immuno-oncologie grâce à sa plateforme technologique de
CAR-T, pour un montant d’environ 9 milliards de dollars.
Aujourd’hui, les grandes entreprises pharmaceutiques figurent
comme des sociétés en phase de maturité. La croissance des
ventes de leurs produits stagne et subit une concurrence vive de
la part des produits similaires. Ce rapprochement devrait apaiser
les attentes à court/moyen-terme de la communauté financière.
En effet, selon le géant pharmaceutique, le flux de trésorerie com-
biné des deux entités grâce aux produits déjà commercialisés est
en mesure de contribuer à des marges plus élevées mais surtout
d’accroître le résultat net par action de plus de 40 % et ceci dès la
première année. Cet indicateur est très prisé de la part des inves-
tisseurs dans le cadre des opérations de fusions et acquisitions.
II - Consolider pour anticiper
Les anticancéreux Opdivo® (nivolumab) de BMS (3,77 mil-
liards de dollars de ventes) et Revlimid® (lénalidomide) de
Celgene (8,18 milliards de dollars de ventes) réalisent à eux
deux pratiquement un tiers du chiffre d’affaires de la nouvelle
entité. Dans le secteur pharmaceutique, ce pourcentage est re-
lativement courant chez les autres acteurs du secteur. En effet,
une part considérable de leurs revenus peut ne dépendre que
de deux, voire d’un seul produit. Jusqu’à leur passage dans le
domaine public, ces médicaments les plus vendus, ou block-
busters, constituaient parfois la plus grande part des béné-
fices de certaines firmes pharmaceutiques. Ces blockbusters
ont occupé une part extrêmement importante du portefeuille
des produits de nombre de laboratoires, permettant par leur
commercialisation le financement de besoins croissants en
recherche et développement.
Ce rapprochement résulte également de la forte pression exercée
par les investisseurs institutionnels sur le potentiel de création
de valeur actionnariale des entreprises, ce qui les contraint à dé-
ployer des stratégies de croissance externe. Force est de constater
quelesecteurfinanciervoitdanscerapprochementunetentation
de deux acteurs de maximiser la rentabilité de leurs portefeuilles
produits, afin de maintenir leurs résultats face à la faible produc-
tivité de leurs R&D, à la stagnation des ventes sur certains médi-
caments et à la perte prochaine de certains brevets. Ceci se reflète
dans le cours de bourse de BMS car, après une période d’euphorie
boursière, le titre est sanctionné à partir du mois de mars 2019.
D’importants moyens de R&D (7,8 milliards de dollars cumu-
lés) seront ainsi affectés au renouvellement permanent de la
gamme des blockbusters du portefeuille de façon à financer de
futurs revenus. Ce travail de renouvellement est désormais un
impératif du modèle des blockbusters.
Pour faire face à ces inquiétudes, Bristol-Myers Squibb met
en avant le pipeline en phase avancé (produits en Phase III)
résultant de la nouvelle entité qui présente un potentiel éle-
vé puisque six lancements de produits sont prévus dans les
années à venir. Ces lancements pourraient représenter un po-
tentiel de revenus de plus de 15 milliards de dollars. Le pro-
blème principal pour les investisseurs réside dans le fait qu’il
existe un fossé très grand entre le potentiel et la réalité. A plus
long-terme, ce rapprochement pourrait permettre au nouveau
groupe de disposer d’un pipeline de candidats médicaments
situés plus en amont du développement et qui devrait assurer
un potentiel de création de valeur pour les années à venir.
Outre les pertes de
brevets sur ses médi-
caments blockbuster,
le secteur pharma-
ceutique doit égale-
ment faire face à une
baisse de sa produc-
tivité R&D dans un
contexte de complexi-
té grandissante tant
opérationnelle que
technologique et ré-
glementaire. Il est à
noter que ce rappro-
chement est en me-
sure de réaliser prati-
quement 2,5 milliards
de dollars de synergies
opérationnelles prévues
d’ici 2022.
Regain d’intérêt pour l’identification et le rachat des blockbusters par les laboratoires
pharmaceutiques : ces derniers misent sur ces médicaments qui, même en nombre réduit,
sont capables d’assurer la viabilité d’un groupe pharmaceutique tout entier.
1
Grenoble Ecole de Management - 12 Rue Pierre Sémard - 38000 Grenoble -Tél. : +33 (0)4 76 70 60 60 - www.grenoble-em.com
Arsia AMIR-ASLANI1
, AlexandreTRICHIES1
Figure 1
La performance boursière de Bristol-Myers Squibb (BMS)
d’octobre 2018 au 30 avril 2019
Figure 2
La performance boursière de Celgene d’octobre 2018
au 30 avril 2019