1. Médicament :
satisfait ou remboursé
Comme pour les médecins et les pharmaciens ,le paiement à la performance concerne de
plus en plus le médicament . La mise sur le marché de produits performants de plus en
plus chers incite les pouvoirs publics à négocier avec les laboratoires des remises en cas
de dépassement d
'
un plafond ou d échec du traitement
Payer en fonction de l
'
efficacité des médicaments
n' est pas une idée nouvelle mais elle gagne du
terrain .Avec l
'
arrivée sur le marché de produits
innovants particulièrement chers , à l
'
instar des
traitements de l
'
hépatite C, les autorités planchent
sur des solutions pour garantir l
'
accès
sans faire imploser les caisses du système de santé.
L'
idée vient tout droit de Grande-Bretagne ,qui , au
débutdes années 2000 ,met en place un système de paiement
en fonction de l
'
efficacité d
'
un traitement de la sclérose
en plaques .Si le résultat est peu probant au vu des litiges
qui sont apparus le principe ouvre de nouvelles pistes au
financement des médicaments . Pendant dix ans , des
initiativesvoient lejour de la part des industriels de santé ou
des payeurs , principalement aux États-Unis et en Grande-
Bretagne.
En France . quelques accords ont été passés entre des
laboratoires et le Comité économique des-produits de
santé(CEPS) ,mais l
'
instance se montrait réticente . Cen' est
plus le cas aujourd
'
hui .Son président , Dominique Giorgi ,
explique qu' un prix élevé peut être accordé alors que les
bienfaits du médicament n'
ont pas pu être démontrés , le
laboratoires'
engageant alors à mener une étude en vie réelle.
Si les résultats sont négatifs ,l
'
industriel perd le prix élevé
obtenu et doit rembourser une partie
*
.
En août 2014 , Celgene a obtenu un prix de 8900 euros
pour 21jours de traitement avec lmnovid (pomalidomide)
dans le myélome multiple , traitement qui doit être
renouveléquatre ou cinq fois .La biotech s'
est engagée à
rembourserle traitement à la Sécurité sociale lorsque le patient n'
y
répond pas .Pour cela ,il a créé un registre qui consigne pour
chaque patient toutes les données d
'
efficacité et de
sécurité.Il est alimenté par des fiches remplies par les médecins
à chaque consultation ,dont les données sont anonymisées
puis transmises à un partenaire de Celgene , chargé d
'
analyserles données .« Le traitement n' est supporté par l
'
assurance-maladieque lorsqu' il marche» , note Franck Auvray
directeur général de Celgene France . Cassurance-maladie
fera un premier bilan du dispositif efficace ou remboursé »
fin 2015-début 2016.
Accès rinnovanon
Si dans les années 1990 l
'
innovation se déclinait en
blockbusters , elle se concentre aujourd
'
hui sur les
médicamentsorphelins , de niche en oncologie et plus
généralementsur des thérapies ciblées . Le CEPS a dû s'
adapter.
Dans son rapport d
'
activité de l
'
an dernier , Dominique
Giorgi souligne :« Lafin des années 2000 été marquée par
un net ralentissement de la croissance des dépenses .
Phénomèneinédit , celles-ci ont même diminué à partir de 2011
(...) Lesprix baissent de manière régulière et très fortement
depuis 20L2, reflet direct de l
'
action du Comité . » Mais « l
'
arrivéede nouveaux médicaments innovants ,jusqu' aiors sans
effet sensible sur la tendance globale desdépenses ,pourrait
constituer unfacteur deprogression important à court terme
(médicaments destinés à traiter l
'
hépatite C)». La France se
targue d
'
avoir toujours permis l
'
accès des patients à l
'
innovation.Ce qui n'
est pas le cas partout dans le monde ,
notammenten Grande-Bretagne , décriée pour avoir évincé
certains anticancéreux trop chers , empêchant les patients
anglais d
'
y accéder.
En contrepartie , la fixation des prix fait l
'
objet d
'
âpres
négociations et le CEPS peut compter sur de nombreux
outils(voir encadré) . À cela s'
ajoutent désormais les contrats
dits de performance .« La notion de prix conditionnel est
un mécanisme optionnel d
'
accès au marché pour les
traitementsonéreux , distinct des accords prix-volumes et
combinéavec eux .Le but est de vaincre l
'
aversion au risque
économiquegrâce à un accord rapide sur un prix initial selon
les résultats desessais cliniques , qui sera modulé par la suite
en fonction de la performance en réelle . Cela permet de
multiples applications contractuelles» , explique Francis
Mégerlin , professeur d
'
économie de la santé à l
'
université
Paris-Descartes.
prix ditfézendés
Certains industriels prônent ces contrats de
performance, comme JoeJimenez directeur général de
Novartis,dont 10à 15%%de ses médicaments ont un « mécanisme
deprix différencié qui tient compte de la réponse
thérapeutique».Le Belge UCB semble sur la même longueur d
'
ondes.
Le prix de son traitement de la polyarthrite rhumatoïde
Cimzia (certolizumab) lancé en août 2010 , dont le coût
annuelest compris entre 11000 et 12500 euros , a été réévalué
avri12013.
Afin d
'
éviter une forte baisse de prix , UCB s' est engagé
à réaliser une étude en vie réelle sur 750 patients pendant
trois ans , et à rembourser le traitement à l
'
assurance
maladie pour les patients dont l
'
état de santé ne s' améliore
pas au bout de trois mois . Les remboursements effectués
par le laboratoire en 2013 et 2014 sont confidentiels et «non
négligeables» , selon Jean-Michel Joubert , directeur des
affaires gouvernementales du laboratoire.
Tous les industriels ne sont pas ouverts à ces nouveaux
mécanismes .Ainsi , indique Dominique Giorgi le CEPS a
proposé un prix élevé pour un médicament indiqué dans
Tous droits de reproduction réservés
PAYS : France
PAGE(S) : 1-2
SURFACE : 56 %
PERIODICITE : BiHebdomadaire
RUBRIQUE : A la une - actualités
DIFFUSION : (22000)
JOURNALISTE : Mélanie Mazière
21 septembre 2015 - N°3201
2. une maladie rare à condition que le laboratoire concerné
« s'
engage sur le maintien d
'
une certaine capacité
respiratoirechez lespatients traités» .L industriel a refusé ,jugeant
le critère « trop aléatoire ». D
'
autant que ce type de
négociationn'
est nas forcément annrécié rearles actionnaires
des entreprises «car elle ajoute desfacteurs de risque sur les
revenus» , note Vincent Genet , directeur de l
'
activité santé
du cabinet Alcimed.
Parfois ce sont les payeurs qui ne sont pas
enthousiasméspar un tel contrat . Novartis a récemment proposé
aux assureurs américains un «prix différencié selon la
longueurde l
'
hospitalisation » pour les patients insuffisants
cardiaques traités avec le nouvel Entresto (sacubitril/
valsartan).Le système leur a paru trop compliqué , ils ont
demandéun prix fixe .On assiste néanmoins changement
Les régulations financières
du CEPS
Dès1994 Comité économique des produits de
santé (CEPS) a instauré la possibilité de sanctions
en cas de volume de ventes non conforme aux
indications validées par M . Depuis d
'
autres
mécanismes ont étoffé son pouvoir de négociation.
À commencer en 1999,par tamise en place d
'
un
dispositif de reversement appelé «clause de
sauvegarde » ou « taux k »,en cas dedépassement
d
'
un taux d évolution des dépenses de médicaments
voté chaque année par le Parlement .Le CEPS
élabore également différents types de contrats
individualisés avec les laboratoires.
«Lesremises verséespar les entreprises au titre
deleurs produits atteignent des montants élevés
et constituent des recettes significatives pour
l
'
assurance-maladie .Pour chaque produit qui
lenécessite , le Comité conclut avec l
'
entreprise
concernée des clauses qui l
'
engagent sur
lesvolumes de ventes, le respect des indications
et de la posologie , l
'
évolution desprix dans letemps ,
encadrement du chiffre d
'
affaires de médicaments
orphelins . Si cesengagements nesont pas tenus
lesentreprises versent desremises
à l
'
assurance-maladie» .décrit Dominique
Giorgi .Soit , pour l
'
année 2013,un total dû par les
inrliieriels 546 millions d'
euros
dans l
'
évaluation du prix des médicaments , accéléré par
l
'
arrivée de traitement très chers comme le Sovaldi de
Gileadqui mettent en péril la politique du médicament pour
tous .Les réponses à cette problématique seront multiples ,
mais les contrats de performance sont déjà , selon Francis
Mégerlin , « une alternative au rationnement de l
'
accès aux
traitements onéreux» et contribuent àla maîtrise des
budgets». MélanieMazière
* Nouvelle modalité defixation desprix , instituée dans
le dernier accord-cadresigné entre leCEPSet lesindustries
pharmaceutiques en2012, article10 ter et11.
L
'
accord-cadre arrive à échéance1e31décembre prochain.
Le cas Sovaldi
Aprèsde longues négociations , le prix du
traitement de l
'
hépatite C Sovaldi (sofosbuvir) de
Américain Gilead ,a été fixé en novembre 2014
à13 607 euros HT la boite de 28 comprimés ,soit
euros pour un traitement de 12semaines .Le
ministère de la Santé a instauré plusieurs clauses ,
notamment un mécanisme de reversement d
'
une
partie du chiffre d
'
affaires en cas de dépassement
d
'
un plafond (de 450 millions d
'
euros pour 2014 et de
700 millions d
'
euros en 2015). Lelaboratoire a aussi
dû rembourser la différence entre son prix en ATU
(58000 euros) et le prix fixé enaccord avec l
'
État
français .Le CEPS prévoit également des réductions
supplémentaires liées auvolume prévisionnel des
ventes .Enfin ,un contrat de performance oblige
l
'
industriel auversement de remises en cas d
'
échec
du traitement .Pour Marianne 11énaff représentant
les collectifs interassociatifs Traitements et
recherche (TRT-5) et Collectif Hépatites Virales
(CHV) ,« tout ceci reste du bricolage législatifet
opaque leprixfinal est très difficile à évaluer» .
Tous droits de reproduction réservés
PAYS : France
PAGE(S) : 1-2
SURFACE : 56 %
PERIODICITE : BiHebdomadaire
RUBRIQUE : A la une - actualités
DIFFUSION : (22000)
JOURNALISTE : Mélanie Mazière
21 septembre 2015 - N°3201