2. Contexte
Tournant spa5al de l’art (Soja, 1989), tournant spa5al des sciences humaines
et sociales (Westphal, 2007), tournant cartographique des sciences
historiques (Le Deuff, 2014), tournant numérique de l’esthé5que (Thély,
2012), tournant machinique de la sensibilité (Monnin, 2013), tournant design
des humanités numériques (Vial, 2016), au moment où les théories cri5ques
contemporaines mutent et se redéploient, en accordant une importance
cruciale aux perspec5ves spa5ales, l’usage des concepts géographiques, tels
que la carte, l’échelle, l’atlas, la distance, la fron5ère ou le territoire
prolifèrent dans le champ de l’art.
Situer la possibilité d’un musée numérique au croisement d’expérimenta5ons
in vivo et des nombreux tournants pra5ques et théoriques rencontrés en
chemin, tel est l’enjeu du projet Atlasmuseum.
4. Art public
En dehors du jugement de valeur qui se formule souvent
rapidement et spontanément ces œuvres provoquent
parfois une sensa5on d’appari5on, un moment d’arrêt
dans la percep5on, une interroga5on, un temps
d’observa5on dans le meilleur des cas et pour ne pas dire
souvent, un sen5ment de perplexité voire de rejet.
Ce rejet peut s’avérer irréversible ou persister de
nombreuses années, mais il semble aussi pouvoir se
transformer lentement, au fil du temps en une forme
d’adhésion, plus ou moins tacite, la polémique étant in
fine incorporée dans l’histoire du site et de l’œuvre, liant
ces dernières dans une nouvelle modalité de coexistence
apaisée.
19. Musées en crise
Les grands contre les pe5ts ? L’événement contre les
ins5tu5ons ? Telle est la situa5on paradoxale et
inconfortable dans laquelle ceoe muta5on rapide a
engagé, en France, le monde « élargi » du musée.
En bref, la crise actuelle du musée trouve ses racines dans
la migra5on du modèle du musée-conservatoire vers celui
de l’ins5tu5on culturelle mul5média, accompagnée d’une
injonc5on à s’adapter à des publics aux aoentes nouvelles
in situ et en ligne, avant, pendant et après la visite, dans
l’enceinte mais aussi hors du musée.
22. Les musées européens à l’épreuve
du Google Art Project
Comme le pense Morwena Joly-Parvex, Chef du
département de la conserva5on des collec5ons chez
Centre des monuments na5onaux, les ins5tu5ons
patrimoniales françaises n’ont pas encore pris toute la
mesure de l’importance des aoentes des visiteurs-
internautes concernant l’accessibilité sur le Web des
collec5ons (numérisa5ons en haute résolu5on, accès aux
données et aux métadonnées par exemple) notamment
en termes de rayonnement des établissements à l’échelle
na5onale et interna5onale.
23. Les musées européens à l’épreuve
du Google Art Project
Pourtant, la France a ini5é la base Joconde, qui recense
les informa5ons rela5ves à toutes les collec5ons
françaises relevant de l’appella5on « Musées de France »
dans les années 1970 qui a été accessible via le Minitel
dès 1992. Les bases Palissy, Mérimée et Mémoire ont
ensuite très vite pris le relais pour ce qui concerne les
objets mobiliers, les monuments classés et les images
fixes. Mais force est de constater que depuis les années
2000, elles n’ont pas connu de réactualisa5on majeure
même s’il convient de men5onner l’expérimenta5on
JocondeLab, partenariat entre le ministère de la Culture et
de la Communica5on (MCC), Wikimédia France et l’IRI du
Centre Pompidou.
24. Les musées européens à l’épreuve
du Google Art Project
Pourtant, la France a ini5é la base Joconde, qui recense
les informa5ons rela5ves à toutes les collec5ons
françaises relevant de l’appella5on « Musées de France »
dans les années 1970 qui a été accessible via le Minitel
dès 1992. Les bases Palissy, Mérimée et Mémoire ont
ensuite très vite pris le relais pour ce qui concerne les
objets mobiliers, les monuments classés et les images
fixes. Mais force est de constater que depuis les années
2000, elles n’ont pas connu de réactualisa5on majeure
même s’il convient de men5onner l’expérimenta5on
JocondeLab, partenariat entre le ministère de la Culture et
de la Communica5on (MCC), Wikimédia France et l’IRI du
Centre Pompidou.
25. Les musées européens à l’épreuve
du Google Art Project
Il convient de dis5nguer la visite média5sée via ordinateur
de la visite 2.0. Ainsi, le Web 2.0 propose non seulement
des fonc5onnalités et des services nouveaux, mais plus
largement une philosophie différente née de leur
interac5on. Il s’inscrit dans une logique coopéra5ve et
collabora5ve, centrée sur les services rendus aux
u5lisateurs et dans laquelle l’usager devient un
contributeur.
Le Google Art Project présente, à cet égard, plusieurs
innova5ons, comme l’associa5on de plusieurs musées ou
l’usage d’un ensemble de technologies Google (de Street
View à l’u5lisa5on des ressources phénoménales de
Google, Google Scholars, etc.). Mais la véritable spécificité
du 2.0, réside dans la possibilité pour l’u5lisateur de créer
et de partager sa propre collec5on en ligne.
26. Europeana versus Google Art Project
Comment et pourquoi le Google Art Project a-t-il réussi si
rapidement ce qu’Europeana a mis tant de temps à réaliser,
malgré des inves5ssements très imporants ? Certes les
projets divergent fondamentalement dans leurs objec5fs,
Europeana ayant été conçue comme une médiathèque
virtuelle alors que le modèle de Google semble être celui du
Musée virtuel dans une version haute défini5on et sociale.
« On peut invoquer la média5sa5on du projet, la force
d’impact sur le web du puissant moteur de recherche..., mais
peut-être faut-il également prendre en compte la manière
dont Google a offert ces données sur le Web, c’est-à-dire
comment Google les a déployées et affichées sur le Web.
» (Joly-Parvex in : Merleau-Ponty, C., 2014, p. 158)
27. Vers un nouveau modèle de musée numérique
Mais en quoi le Google Art Project renouvelle-t-il le
modèle persistant, bien que limité, du musée virtuel des
années 1980 et de ses avatars des années 1990 ? Une
réminiscence du musée imaginaire ? Ne produit-il pas un
musée uniquement communica5onnel et algorithmique,
privilégiant des parcours bien balisés par les œuvres les
plus « célèbres » à l’inverse d’un parcours heuris5que
laissant la place à la sérendipité, un musée ré5nien plutôt
qu’un musée ré5culaire ?
30. Atlasmuseum
2- Développer des ou9ls contribu9fs et séman9ques afin de
capter, valoriser et diffuser des données ar9s9ques et culturelles
sur les œuvres et leurs sites
Comment favoriser des flux de données « ouvertes », structurées
et interopérables permeJant la percep3on et la valorisa3on des
œuvres et des sites en tant que « communs » ?
32. Atlasmuseum
4- Modéliser un musée ré9culaire pour l’art public
contemporain
L’atlas numérique comme instance muséale : de la
séman5que de l’inventaire au musée ré5culaire, quelle
modélisa5on ? Comment repenser et remodeler
l’expérience d’enquêter, de documenter, de fréquenter, de
partager une œuvre d’art hors les murs du musée ?
Comment penser puis designer ces ou5ls et ces
expériences ?
33. Atlasmuseum
Le corpus d’œuvres et de sites
Le projet Atlasmuseum a débuté en 2011 autour d’un
corpus d’œuvres dans l’espace public créées en France
entre 1951 à 2016. Ce choix, ou plus exactement ce non-
choix, découle des sources primaires et secondaires
iden5fiables et accessibles en 2011 au seuil de ma
recherche. Dans un premier temps, dans l’idée de récolter
des informa5ons sur les œuvres d’art dans l’espace public à
l’échelle na5onale, je me suis tournée vers les organes du
ministère de la Culture et de la Communica5on en charge
de deux programmes de commandes d’œuvres dans
l’espace public : la Direc5on générale de la créa5on
ar5s5que (DGCA) et le Centre na5onal des arts plas5ques
(Cnap).
35. www.atlasmuseum.net
Dédiée à l’inventaire et à la documenta5on des œuvres d’art dans
l’espace public en France, l’objec5f de ceoe plateforme consiste à
regrouper selon un mode contribu5f commissaires, conservateurs,
amateurs d’art, ar5stes, informa5ciens, historiens de l’art,
documentalistes, enseignants et étudiants. Atlasmuseum est donc un
projet à la fois curatorial, documentaire et pédagogique s’adressant à
la fois au grand public et aux professionnels de monde de l’art et de
l’éduca5on, ques5onnant les enjeux d’inventaire, de numérisa5on et
de documenta5on des œuvres d’art dans l’espace public.
U5lisant la même structure logicielle que l’encyclopédie Wikipédia
enrichie de l’extension Seman5cMediawiki, Atlasmuseum est un site
séman5que permeoant la créa5on d’atlas et de no5ces d’œuvres
dont les données et métadonnées sont structurées pour le Web
séman5que (Web 3.0 19). En bref, Atlasmuseum est un disposi5f
numérique évolu5f adossé à ce projet de thèse qui s’ar5cule autour
d’un site Wiki et d’une applica5on mobile20.
36. Humanités numériques
Ce sont donc autant les appareils que les expériences qui
cons5tuent l’objet de ceoe recherche en esthé5que, inscrite dans
le mouvement des humanités numériques.
En effet, ma démarche rejoint la préoccupa5on de ceoe
transdiscipline en ne réduisant pas les sciences humaines et
sociales, les arts et les leores à un processus strictement
intellectuel. Il s’agit de considérer que ces disciplines ainsi que les
pra5ques de recherche sont appareillées et se caractérisent par
une technicité intrinsèque. Elles se fondent sur des appareils avec
lesquels elles peuvent parfois se confondre (Vial, 2016).
38. La carte comme média5on
Un survol transversal des rela5ons entre carte géographique et
créa5on ar5s5que permet de relever les principales
caractéris5ques de la carte en tant qu’« instrument de mesure de
l’œuvre » (Brayer et Buslot, 1995).
Puis, la prise en compte de ces caractéris5ques amène dans un
second temps à meore en perspec5ve la méthodologie mise en
œuvre dans la concep5on d’un ou5l d’inventaire des œuvres dans
l’espace public (première fonc5onnalité de la plateforme
Atlasmuseum).
39. De la carte à l’atlas
De l’inventaire au musée
Opérer un double changement d’échelle, de la carte à l’atlas et
symétriquement de l’inventaire au musée.
« L’atlas est un disposi5f qui permet de concilier le tout et le
détail. Il est régi par une logique cumula5ve et analy5que, qui
conduit de la vision globale aux images par5elles. L’atlas est une
suite ordonnée de cartes, et en passant du singulier au pluriel, la
carte prend un sens nouveau, devient un objet différent » (Jacob,
1992, p. 97).
L’hypothèse principale développée dans ceoe par5e est celle
d’une polarité dynamique formée entre l’atlas et le musée menant
à l’hypothèse d’un atlas numérique comme instance muséale pour
les œuvres d’art public.
40. De la carte à l’atlas
De l’inventaire au musée
Atlasmuseum vise à s5muler une réflexion cri5que sur ce que
pourrait être un musée numérique pour les œuvres d’art dans
l’espace public, dans sa philosophie, son architecture et ses
composantes principales : un musée à croissance illimitée, lieu
d’un inventaire con5nu par le biais du crowdsourcing21, un atlas
en ligne visant « une forme visuelle de savoir, une forme savante
du voir » (Didi-Huberman, 2011, p. 12).
41. Distant reading / close reading
Visualisa5on de données
A travers Atlasmuseum, il m’a semblé possible de proposer une «
lecture distanciée » des données récoltées et des hypothèses
explorées dans les par5es précédentes, en m’appuyant
notamment sur les travaux et réflexions menés par Franco
More„, professeur d’histoire de la lioérature. Dans son ouvrage
Graphs, Maps and Trees, Franco More„ (More„ et Jeanpierre,
2008) s’interroge sur la manière dont l’histoire de la lioérature
pourrait devenir moins restric5ve en cessant de ne s’aoacher
qu’aux grands ouvrages et aux grands auteurs, pour envisager une
histoire plus globale de la lioérature
42. Distant reading / close reading
Visualisa5on de données
Aujourd’hui, à l’instar de Frédéric Clavert, il semble que nous
pouvons compter sur deux échelles de lecture des sources
(historiennes) : d’une part une échelle close reading/ distant
reading et d’autre part une échelle lecture humaine/lecture
computa5onnelle. Frédéric Clavert situe « la clé de la lecture et de
l’interpréta5on des sources de l’histoire à l’ère numérique est
dans les allers-retours constants entre close reading et distant
reading et entre appréhension humaine et appréhension
computa5onnelle de nos sources primaires » (Clavert in Le Deuff,
2014).
43. Distant reading / close reading
Visualisa5on de données
L’une des ques5ons principales soulevées par ma recherche concerne la
dimension « ré5culaire » de la plateforme Atlasmuseum en tant que musée
numérique.
L’architecture de l’informa5on en différents « plateaux » (cartes, atlas, no5ces,
graphes, visualisa5ons) privilégiée dans ceoe plateforme cons5tue-t-elle les
bases d’un modèle muséal ré5culaire ?
Comment la séman5que de l’inventaire permet-elle une mise en réseau du
musée, c’est-à-dire un musée en dialogue avec l’extérieur (avec les visiteurs/
u5lisateurs, les autres musées, les autres sites et autres bases de données) ?
Quel rôle joue la contribu5on au sein de ce modèle muséal et peut-on y déceler
une nouvelle modalité d’expérience esthé5que ?
44. Atlas Mnemosyne (1924-1929)
Aby Warburg
L’idée ini5ale d’une cartographie des œuvres d’art dans l’espace public a été
alimentée en 2011 par ma par5cipa5on au séminaire à l’Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales26 que Georges Didi-Huberman a consacré au Bilderatlas
Mnemosyne (1924-1929) de l’historien de l’art Aby Warburg. La pensée de
Warburg, aussi dense qu’énigma5que et des théoriciens qui l’ont éclairée et
réactualisée depuis les années 1990, notamment Philippe Alain Michaud (1998),
Georges Didi-Huberman (2011), Karl Sierek (2009) ainsi que la publica5on de l’Atlas
Mnemosyne en français en 2012 (Warburg et Recht, 2012) notamment a ainsi
accompagnée ceoe recherche depuis ses débuts.
Je mobilise d’ailleurs, tout au long de mon argumenta5on, plusieurs no5ons
warburgiennes telles que la polarisa5on, le mo5f, la connaissance par le montage.
Par exemple pour de définir le plus étroitement possible un objet d’étude à
géométrie variable, l’art dans l’espace public, c’est avec la no5on de
« polarité » que je tente de confronter les principaux concepts servant de pivots à la
réflexion : œuvre et site, art et carte puis dans un second mouvemement, musée et
atlas.