1. LA RÉFORME DES CATÉGORIES D’ÂGE ENTRERA EN VIGUEUR DÈS LA
SAISON PROCHAINE. RELÈVEMENT D’UN AN DE LA PYRAMIDE DES ÂGES,
CHANGEMENTS DANS LES COMPÉTITIONS, AMÉLIORATION DE LA
FORMATION OU ENCORE DÉVELOPPEMENT DE LA PRATIQUE DU VII, POUR
LA FFR, IL ÉTAIT TEMPS D’AGIR.
LA RÉFORME DES RYTHMES
OVALES
Par Cédric CATHALA
cedric.cathala@midi-olympique.fr
Septembre 2014, nouvelle saison, nouveaux crampons,
nouveau short, nouveau maillot, un peu plus grand, l’été
est passé par là et… tenez, une petite nouveauté…
nouvelles catégories d’âge. Validée en comité directeur,
la réforme, initiée lors des Assises nationales du rugby en
mars 2012 puis exposée lors du congrès de la FFR à
Hyères le 21 juin 2013, va donc voir le jour. Sous la férule
de Georges Duzan, vice-président de la fédération en
charge de la commission nationale des écoles de rugby,
c’est une petite révolution que s’apprête à vivre le rugby
des jeunes. Une révolution dont les deux textes
fondateurs ont été les rapports Pelous sur la formation et
Broncan (lire l’interview ci-contre) sur les écoles de rugby.
Deux rapports que ces deux personnalités du rugby ne
sont pas les seules à porter puisqu’elles se sont
entourées pour leurs travaux d’éminences grises telles
que Yves Ajac, Marc Lièvremont, Bruno Servat et d’autres
encore. Pour en arriver là, la méthodologie fut simple, des
comités de pilotage régionaux dont les constats,
réflexions, propositions ont ensuite été centralisés par la
commission nationale des écoles de rugby.
CONFORMITÉ AVEC L’IRB ET NOUVELLES
2. PRATIQUES
Premier constat qui a conduit à cette réforme, les
catégories d’âge dans le rugby français étaient jusque-là
en décalage avec la classification IRB. La FFR a donc
décidé d’harmoniser celles-ci en rajeunissant la pyramide
des âges d’une année. Ainsi la saison prochaine les
catégories moins de 7 ans jusqu’à moins de 15 ans
laisseront place à des catégories paires en commençant
par les moins de 6 ans qui n’accueilleront que des
enfants ayant 5 ans révolus jusqu’aux moins de 14 ans.
En clair, tout le monde recule d’une année. Conséquence
la plus criante, la disparition de l’école de rugby des
moins de 15 ans. Celle-ci rejoignant de fait les catégories
de jeunes (cf. le tableau des nouvelles catégories ci-
contre). Deuxième constat chez les jeunes justement, le
rugby perd des licenciés notamment chez les moins de 19
ans, une période pendant laquelle ceux-ci quittent le
lycée pour découvrir l’université ou les écoles
spécialisées et s’éloignent généralement de leur club.
Avec l’apparition ou, plus justement, la réapparition des
moins de 18 ans, toujours en conformité avec la
classification de l’IRB, la FFR espère fidéliser une
génération lycée.
Ces changements vont s’accompagner en premier lieu de formations spécifiques au niveau
fédéral. Un Certificat d’aptitude pour les U6 verra le jour. Des spécialisations au brevet fédéral
avec un tronc commun puis des options pour les U13 — U14 ou U10 — U12 seront proposées.
Troisième constat, la France est en perte de vitesse en matière de formation. Georges Duzan : «
On n’a jamais eu autant d’écoles de rugby, on n’a jamais eu autant d’éducateurs, autant de
conseillers techniques et lorsque l’on regarde le Tournoi des 6 Nations, on a l’impression d’être
devenus les plus maladroits de tous. »
La FFR a ainsi décidé de créer le challenge « Fédéral moins de 14 », une compétition dans
laquelle les écoles de rugby participeront à des plateaux de 3 ou 4 équipes maximum. Objectif
avoué : que les enfants jouent davantage. Un Challenge auquel les écoles de rugby pourront
participer dès la rentrée 2014 sur la base du volontariat (elle ne deviendra obligatoire qu’en 2015-
2016). La FFR a ainsi consacré treize dates dans le calendrier à ce challenge (9 pour la
compétition et 4 consacrées aux Centres de Perfectionnement de Secteur).
C’est dans cette nouvelle catégorie des moins de 14 ans, en effet, que les bouleversements vont
être les plus importants. Jusqu’ici partagée entre ceux qui jouaient au rugby à 12 et ceux qui
pratiquaient du rugby à 15, la catégorie des moins de 14 ans pratiquera désormais du 15 mais
aussi du « jeu à effectif réduit à 7 » sur un terrain adapté, en début et en fin de saison. En
3. opposant avants contre avants et trois-quarts contre trois-quarts pour éviter les déséquilibres trop
importants entre équipes. Ainsi, à titre expérimental, les sélections Taddéi commenceront leurs
confrontations par des matchs à effectif réduit à 7.
La mission est triple. Sensibiliser très tôt les jeunes à une forme de jeu amenée à se développer
dans la perspective des jeux Olympiques (lire ci-contre l’article consacré au développement du
rugby à VII). Permettre aux enfants de toucher du ballon plus qu’ils n’en ont la possibilité à 15.
Améliorer la technique individuelle des enfants à l’image de ce qui se pratique dans l’hémisphère
Sud et en Nouvelle-Zélande en particulier.
REMETTRE L’ENFANT AU CŒUR DE LA FORMATION
Cette volonté d’amélioration ne se réduit pas à la seule catégorie des moins de 14 ans. Dans un
cadre plus large, c’est toute la formation qui doit se remettre en cause. Parce qu’il est plus facile
pour un éducateur de prendre. « Aujourd’hui l’enfant n’est plus évalué que la performance de son
équipe », constate Georges Duzan. Une hérésie dans la mission éducative des écoles de rugby.
Pression du résultat, dramatisation des enjeux, dérives des comportements chez les parents ou
chez les éducateurs qui vivent parfois des carrières par procuration, le rôle de l’école de rugby a
besoin d’un sérieux recadrage. Comment ? En remettant l’enfant au cœur de la formation. Ainsi
vont apparaître les passeports individuels qui, à l’image de ce qui se pratique déjà dans d’autres
disciplines, vont permettre aux éducateurs d’évaluer les aptitudes de l’enfant. Ce dernier passera
des tests pour obtenir son 1er crampon ou plus tard son coq d’argent. Une façon de récompenser
la progression de chacun. Une façon surtout de revenir à une méthode d’apprentissage plus
analytique que globale. À l’instar de ce qui oppose encore dans l’Education nationale les partisans
de la méthode syllabique et les convaincus de la méthode globale.
Autre constat révélé par le rapport Broncan, les jeunes rugbymen français jouent peu ou pas
assez. En moyenne, une jeune pratique entre 36 heures et 40 heures de rugby par an. En
comparaison, nos voisins anglo-saxons passent 120 heures à jouer au rugby. Georges Duzan
confirme : « Prenez l’exemple du temps des vacances. Aujourd’hui pendant les vacances, on ne
joue pas au rugby. N’y a-t-il moyen de proposer quelque chose aux enfants ? » En comparaison,
aussi, le temps de pratique chez les jeunes dans les autres sports est plus important.
Ce constat en amène directement un autre, patent, quotidien et sans appel : le rugby n’existe pas
ou n’existe plus en milieu scolaire. La faute, un peu, à la disparition d’une génération d’instituteurs
ou de professeurs d’EPS, élevés à la mamelle ovale et qui s’empressaient de faire découvrir la
pratique de ce sport dans le cadre d’activités physiques. La faute, beaucoup, aux difficultés
rencontrées lorsque l’on souhaite entrer dans l’Éducation nationale. Aujourd’hui encore, et malgré
la récente réforme des rythmes scolaires menée par l’ex-ministre de l’Éducation nationale Vincent
Peillon, on ne doit la présence de ballons ovales dans les cours de récréation, qu’à l’initiative de
quelques professeurs d’EPS ou de passionnés ici et là. On voit, de manière isolée, des
partenariats se nouer entre des établissements et des clubs ou des comités mais les lourdeurs et
les réticences des différentes institutions ou tout simplement du ministère lui-même ont souvent
raison des meilleures volontés.
L’aménagement du temps périscolaire qui découle directement de la réforme et laissé à la charge
4. des mairies devrait pouvoir profiter au rugby. Georges Duzan confirme : « Il faut trouver des gens
pour intervenir mais nous allons nous positionner pour entrer dans ce temps périscolaire. Il faut
que les enfants jouent au rugby, s’amusent, même sans aborder des aspects très techniques mais
il faut que le rugby soit présent à l’école. »
Cette réforme, comme la plupart des réformes, inquiète. On la regarde du coin de l’œil,
s’interrogeant sur le fond, vilipendant la forme tout en reconnaissant, images à l’appui et souvenirs
en tête que tout ne tourne plus très ovale dans notre rugby. Portée par les réflexions de deux
hommes Henry Broncan et Fabien Pelous qui tissent un lien intergénérationnel entre deux rugby,
deux époques et peut-être deux conceptions de ce sport, n’est certainement pas la panacée, mais
elle a au moins le mérite de faire bouger les lignes, réveiller les consciences sur la lente dérive de
notre jeu. Il appartient de toute façon à ses acteurs, quels qu’ils soient, d’en faire bon usage. Est-
ce la bonne ? Est-ce une vaste connerie ? Réponse dans quelques années sur les terrains, sur les
écrans et dans nos consciences.