La désindustrialisation accélérée de l’économie française a remis le débat sur le « made in France» au cœur de
la campagne présidentielle avec, comme enjeu de taille, le maintien d’une industrie forte en France, garant d’une
croissance à long terme pour notre pays.
Cette thématique n’est pas nouvelle, comme nous le rappelle la campagne de communication « nos emplettes sont nos emplois » lancée par les Chambres de Commerce et d’Industrie lors de la récession de 1993. Elle émerge aujourd’hui dans un contexte où la mondialisation est vécue comme une menace pour nos emplois et non comme une opportunité de nouveaux clients.
2. Au-delà du « made in France »,
LA « GLOBAL QUALITY »
Rapport de Jean-Claude KARPELÈS
Avec la collaboration de Louisa TOUBAL, Département économique et financier
et la participation de Bernard COTTIN, Département de Veille Europe
à la Direction générale adjointe chargée des études, de la prospective et de
l’innovation
Présenté au nom de la Commission économique et financière
et adopté par l'Assemblée générale du 27 septembre 2012
Chambre de commerce et d'industrie de Paris
27, avenue de Friedland
F - 75382 Paris Cedex 8
http://www.etudes.ccip.fr
Registre de transparence
N° 93699614732-82
3. 2
SOMMAIRE
SOMMAIRE.................................................................................................................................................................................2
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS ............................................................................................................................................3
INTRODUCTION.........................................................................................................................................................................4
CONSTAT...................................................................................................................................................................................5
PARTIE 1
LE « MADE IN » : UN OUTIL INADAPTÉ POUR REDRESSER LA COMPÉTITIVITÉ FRANÇAISE ......................................6
Rappel : La création d’un label « origine France garantie »...........................................................................................6
1. Les enjeux d’un label « made in France » .................................................................................................................6
2. Les limites de l’approche « made in France »............................................................................................................8
3. Synthèse : Analyse SWOT d’un label basé sur l’origine des produits et des services.............................................12
PARTIE 2
LES LEÇONS DU SUCCÈS DU « MADE IN GERMANY »......................................................................................................13
1. Le succès du « made in Germany » n’est pas lié uniquement à l’origine de fabrication des produits.....................13
2. « Made in Germany » versus « Made in France » : les importateurs européens privilégient le rapport
qualité/prix des produits allemands..........................................................................................................................14
LES PROPOSITIONS DE LA CCIP..........................................................................................................................................15
Pour une nouvelle approche de l’offre privilégiant la qualité globale ...............................................................................16
1er DÉFI
Impulser une solidarité du producteur au distributeur en faveur de la qualité globale...................................................22
2ème DÉFI
Adapter les outils de la qualité pour conquérir de nouveaux marchés.............................................................................25
3ème DÉFI
Assurer le contrôle et la surveillance des marchés pour garantir la conformité des produits.......................................29
ANNEXES :............................................................................................................................................................................... 35
Annexe 1 :
Libre circulation des marchandises : la commission renvoie l’Allemagne devant la cour de justice pour
des obstacles au commerce des produits de construction ..........................................................................................35
Annexe 2 :
Enquête de Coe-Rexecode sur l’appréciation par les importateurs européens de la qualité et du prix
des produits importés...................................................................................................................................................36
Annexe 3 :
Principes et évolutions récentes en matière de libre circulation des marchandises dans le marché intérieur.............37
Annexe 4 :
Nouvelle approche et approche globale - liste des directives sectorielles...................................................................40
AUDITIONS...............................................................................................................................................................................45
GLOSSAIRE .............................................................................................................................................................................46
4. 3
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
1er
défi : Impulser une solidarité du producteur au distributeur en faveur d’une qualité globale
P1. Utiliser le réseau des CCI pour promouvoir une solidarité intersectorielle
P2. Former les acheteurs à des pratiques d’achats privilégiant la qualité globale
P3. Accompagner les entreprises qui produisent et vendent localement
2ème
défi : Adapter les outils de la qualité pour conquérir de nouveaux marchés
P4. Renforcer la participation des entreprises dans l’élaboration et la gestion des normes
P5. Aller vers une certification volontaire sur le modèle allemand du label « GS »
P6. Rationaliser l’écosystème de la qualité
3ème
défi : Assurer le contrôle et la surveillance des marchés pour garantir la conformité des
produits
P7. Réformer les règles d’attribution et de contrôle du marquage CE
P8. Mettre en place une autorité européenne ad hoc chargée de la surveillance du marché
P9. Renforcer les programmes scientifiques/technologiques permettant d'assurer la sécurité
des installations et des réseaux de transport dédiés aux marchandises
P10. Soutenir les initiatives privées de prévention des risques de non‐conformité des produits
5. 4
INTRODUCTION
La désindustrialisation accélérée de l’économie française a remis le débat sur le « made in France» au cœur de
la campagne présidentielle avec, comme enjeu de taille, le maintien d’une industrie forte en France, garant d’une
croissance à long terme pour notre pays.
Cette thématique n’est pas nouvelle, comme nous le rappelle la campagne de communication « nos emplettes
sont nos emplois » lancée par les Chambres de Commerce et d’Industrie lors de la récession de 1993. Elle
émerge aujourd’hui dans un contexte où la mondialisation est vécue comme une menace pour nos emplois et
non comme une opportunité de nouveaux clients.
Traditionnellement, les débats autour du « made in France » se déclinent en deux approches, non exclusives :
La première vise à inciter nos concitoyens à promouvoir l’achat « français » pour soutenir la production
de biens « made in France » et préserver l’emploi national. Elle peut aussi être entendue comme une
réponse aux nouvelles exigences de consommateurs en matière de traçabilité, de sécurité, de
responsabilité sociale et environnementale (RSE)… C’est dans cette perspective que s’inscrit l’initiative
récente des pouvoirs publics en faveur de la création du label « Origine France Garantie ». Du côté des
producteurs, il s’agit de sécuriser leurs approvisionnements par une meilleure traçabilité et de faire de la
promotion de ce label un atout commercial pour se différencier et se positionner sur la scène
internationale ;
La seconde approche propose d’engager une réflexion plus large sur l’offre de biens et services de la
France pour favoriser nos exportations à un moment où les déficits commerciaux français atteignent des
records historiques. Il s'agit alors moins de favoriser l'achat local que de contribuer à l'image de marque
des exportateurs nationaux. Cette seconde approche s’inscrit dans une logique de conquête offensive
de nouveaux marchés, la première étant plus défensive.
Après une large consultation, la CCIP est arrivée à la conclusion que la dynamique incarnée par le « made in
France » ne pourra être réellement effective que sur la base du développement et de la promotion de la qualité
de l’offre française. Parce que le critère prix reste le principal déterminant de l’acte d’achat, parce que la
fragmentation croissante de la chaine de valeur rend illusoire la définition de ce qu’est une offre « française »,
surtout parce que l’exemple du « made in Germany » enseigne que ce n’est pas le label d’origine qui importe,
mais la qualité, la variété, les services associés à un produit, les relations équilibrées avec l’ensemble des parties
prenantes à l’entreprise, le « made in France » contribuera à la croissance de nos exportations que s’il est
synonyme de cette « qualité globale ».
Pour gagner la bataille de la qualité, il faut alors changer de paradigme. La politique industrielle ne peut
seulement être franco-française, elle doit s’inscrire aussi dans une logique d’adaptation à la mondialisation et par
conséquent, dans un cadre européen conjuguant compétitivité et concurrence. La primauté accordée au
consommateur au détriment du producteur nous entraîne dans une « spirale d’appauvrissement collectif »: les
pressions à la baisse sur les prix se répercutent sur l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, elles
entravent la production et la commercialisation de produits nouveaux, de qualité, différenciés. En résulte, une
hausse des importations qui se traduit mécaniquement par une aggravation du déficit commercial, la diminution
des emplois en France et une perte globale de compétitivité.
Face à ce constat, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris a souhaité formuler, dans le présent rapport
dix propositions dont l’essentiel des leviers repose sur l’émergence d’une réelle solidarité entre l’ensemble des
acteurs de la chaîne de valeur. En effet, la qualité ne s’imposera que si tous les acteurs (producteurs,
distributeurs, fournisseurs, consommateurs, etc.) sont convaincus collectivement de leur rôle et de leur
responsabilité pour porter cette démarche.
7. 6
PARTIE 1
LE « MADE IN » : UN OUTIL INADAPTÉ POUR REDRESSER
LA COMPÉTITIVITÉ FRANÇAISE
Rappel : La création d’un label « origine France garantie »
Suite aux travaux des États Généraux de l'Industrie, le gouvernement a décidé de promouvoir le « made in
France » dans les filières déterminantes pour l'économie française.
Ainsi, en mars 2010, Yves Jégo et Catherine Dumas ont déposé au Parlement une « proposition de résolution
pour une meilleure traçabilité des produits vendus en Europe, au bénéfice des consommateurs et de l'emploi ».
Ces travaux ont donné lieu à la création en 2011 de l’association Pro France qui regroupe des entreprises et des
organisations professionnelles afin de développer une politique de promotion des produits certifiés « made in
France » sur le marché intérieur comme à l'export.
Pro France a donc lancé un nouveau label « Origine France Garantie », le label OFG, avec un organisme de
certification indépendant, le Bureau Veritas.
La création du label "Origine France Garantie" répond à deux préoccupations :
Permettre au consommateur qui souhaite connaître l'origine d'un produit d'avoir une information claire et
transparente et éventuellement d'arbitrer sur ce critère ;
Permettre aux entreprises qui souhaitent valoriser le maintien, le développement ou le retour d'activités
productives en France de le faire de manière efficace, sur le marché intérieur comme sur les marchés
d'export.
Deux conditions doivent être réunies pour obtenir ce label :
Le produit labellisé a pris ses caractéristiques essentielles en France (le lieu de fabrication, d'assemblage
ou de montage du produit doit se situer en France) ;
Et au moins 50 % de sa valeur correspond à des activités conduites en France.
Le respect de ces critères est soumis à de nombreux contrôles au moment de la délivrance de la labellisation
mais aussi tout au long de la durée de fabrication du produit.
Aujourd’hui, plus de 300 gammes de produits ont été certifiées (Kronenbourg, Atol les opticiens, Senoble, Seb ou
encore Fagor Brandt, Toyota Yaris…). L’association Pro France prévoit d’atteindre le millier de gammes à la fin
de 2012. Notons que le label OFG s’étend également aux relations BtoB et notamment à la sous-traitance. Une
certification « Fournisseurs Origine France garantie » a ainsi été créée en 2011.
1. Les enjeux d’un label « made in France »
DU CÔTÉ DES « CONSOM’ACTEURS » : RÉPONDRE À UNE DEMANDE CROISSANTE D’INFORMATIONS CLAIRES SUR
LES PRODUITS ET LES SERVICES
Les consommateurs français sont de plus en plus sensibles à l’origine et aux conditions de fabrication des
produits qu’ils consomment 1. Les différentes crises sanitaires les ont conduits à être davantage attentifs à la
provenance des produits et à leur traçabilité, ils sont également soucieux de soutenir l’industrie et les emplois en
1 Selon l’étude « Fabriqué en France » de TNS SOFRES, en avril 2010, 95 % des Français estiment important de connaître l'origine des
produits de grande consommation.
8. 7
France. En outre, ils souhaitent participer à la réduction des émissions de CO2 en limitant le transport de
marchandises.
Mais les consommateurs sont confrontés à une offre de labels invoquant une fabrication française trop
abondante, ce qui nuit à la lisibilité et au bien-fondé de l’information. À titre d’exemple, l’actuel marquage
d’origine « made in France » suscite de nombreuses critiques émanant des utilisateurs. Ce label est une mention
volontaire qui est souvent détournée car il repose sur des critères peu transparents. Sa méthodologie ne clarifie
notamment pas la part de la valeur ajoutée et du processus de fabrication effectivement réalisée sur le territoire.
A contrario, le label OFG est plus restrictif. Il répond à un cahier des charges précis et son usage est contrôlé par
un organisme certificateur indépendant. En généralisant le label OFG à l’ensemble des secteurs de l’industrie et
des services, BtoB et BtoC, l’association d’entreprises Pro France souhaite permettre aux produits français d'être
identifiés plus facilement par les consommateurs, en donnant des indications claires sur leur traçabilité.
DU CÔTÉ DES ENTREPRISES : VALORISER DES STRATÉGIES DE SOURCING ET BÉNÉFICIER D’UN GAIN EN TERMES
D’IMAGE
Sur le marché domestique :
Le choix du « fabriqué en France » peut justifier un raisonnement en termes de coût global (prise en compte des
coûts liés au transport de marchandises, à la présence de collaborateurs à l'étranger, à la potentielle moins value
qualitative...). La production locale est alors préférée à celle venant de l’étranger. Autres avantages : le label est
un argument de vente efficace et un atout marketing pour l’entreprise qui permet une différenciation par rapport à
ses concurrents. Il apporte également une valeur ajoutée aux produits de l’entreprise en se démarquant des
copies et des contrefaçons.
Concernant plus particulièrement le secteur BtoB, le label OFG représente pour les entreprises une garantie de
traçabilité de leurs partenaires et donc de sécurité de leurs approvisionnements. D’autre part, il permet
d’impulser, dans le prolongement de l’action menée par le Médiateur des relations interentreprises et de la sous-
traitance, une solidarité avec les différents acteurs de la chaîne de valeur présents sur le territoire national. En
effet, pour obtenir ce label OFG, l’entreprise peut être amenée à effectuer une modification de ses process en
rapatriant par exemple une partie de sa production. Le développement de son sourcing local a un impact sur ses
relations interentreprises, sur le maintien de savoir-faire locaux et in fine sur l’emploi du territoire.
Sur les marchés étrangers :
De nombreux pays ont misé sur le « made in » pour se différencier et se positionner sur la scène mondiale. La
promotion de leur « marque pays » à l’étranger devient un atout commercial en raison de ce qu’elle représente.
Outre les «biens» culturels, cette marque couvre également les produits de consommation, dont la valeur
financière et psychologique est intimement liée à l’origine du pays. Des pays industrialisés comme les États-Unis,
l’Australie ou le Canada diffusent depuis plus de dix ans leurs stratégies de «Nation branding ». Notons qu’aux
États-Unis, le « made in » est un véritable outil de protectionnisme commercial. L'administration américaine
assume privilégier ouvertement le "made in USA", en s'appuyant parfois sur la "clause de sauvegarde" de l'OMC.
Selon le « Nation Brands Index » 2, en 2011, la France perd une place dans le classement des principales
marques pays (4ème place derrière les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni.). La marque France présente
pourtant de nombreux atouts : d’une part, elle exerce une force d’attraction puissante auprès des investisseurs
internationaux qui sont attirés par les atouts que présente l'Hexagone du fait de ses caractéristiques (histoire,
variété des origines géographiques, qualité, luxe, excellence, savoir-faire...). D’autre part, elle permet de valoriser
des PME qui ne bénéficient pas d’une notoriété suffisante à l’étranger pour imposer leur propre marque et savoir-
2 Le « Nation Brands Index » publie chaque année un classement des 50 principales marques pays élaboré à partir d’un sondage portant
sur 20 000 personnes dans le monde interrogées sur six critères : ses exportations, sa gouvernance, son attractivité touristique,
l’importance des investissements réalisés dans le pays considéré, l’importance des flux migratoires vers ce pays, sa culture et son
patrimoine culturel, sa population.
9. 8
faire. Cette marque France est, par ailleurs, portée par Ubifrance qui la promeut notamment sur les salons
internationaux.
DU CÔTÉ DES TERRITOIRES : LA PROMOTION D’UN LABEL D’ORIGINE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE LOCAL
Depuis quelques années se développe une kyrielle de marques territoriales (Marque Bretagne, Marque Alsace,
Marque Île-de-France, made in Jura, made in Vendée, etc.) témoignant de l'intérêt des exécutifs locaux pour
promouvoir leur territoire. En effet, les enjeux pour une région ou un département sont importants tant en termes
d’image que pour valoriser l'implantation locale et l' « empreinte-emploi » positive des entreprises. Ces labels
visent cependant davantage le consommateur français qu’à promouvoir les exportations des producteurs de ces
Régions.
2. Les limites de l’approche « made in France »
LE CONCEPT DE « MADE IN FRANCE » N’A PAS DE SENS
La nationalité économique d’un produit, son origine géographique, est de plus en plus difficile à déterminer dans
le contexte de mondialisation et d’éclatement des processus de production entre les différents pays. La
recherche d’avantages compétitifs conduit les entreprises à de nouvelles stratégies de localisation et
d’approvisionnement ce qui conduit à plutôt parler de « made in world ».
De plus, le concept de « made in France » circonscrit la production (et l’industrie) aux seuls biens matériels, alors
que la combinaison biens et services est désormais devenue telle que cette ancienne distinction a perdu tout
sens.
Notons en outre, que pour inciter les Français à acheter, encore faudrait-il qu’il existe une offre de produits
français substituables aux produits importés. Or, d’après une étude de Natixis 3, ceci ne semble pas être le cas
dans de nombreux secteurs. La mondialisation a ainsi entraîné la disparition et/ou le départ, largement
irréversible, des capacités de production pour de nombreux produits.
LE « MADE IN FRANCE » DOIT S’INSCRIRE DANS LE CADRE DES RÈGLES EUROPÉENNES
Le « made in France» n’a pas de définition juridique au niveau européen et mondial. Ce label ne s’appuie pas sur
une loi spécifique mais repose sur les réglementations douanières européennes en matière de marquage
d’origine.
Ainsi, pour apposer un label « made in France », il suffit de respecter les critères des douanes, qui considèrent
qu’un produit est français dès lors que 45 % de sa valeur ajoutée a été produite dans l'Hexagone.
De plus, en vertu du principe de la libre circulation des marchandises, la Commission européenne prohibe toute
réglementation nationale imposant le marquage obligatoire de l’origine d’un produit.
À l'exception de certains produits agricoles ou alimentaires, il n'existe donc pas dans la réglementation
communautaire d'obligation relative au marquage de l'origine réelle des produits, ni lors de leur importation, ni
lors de leur mise sur le marché national.
Le marquage d'origine est donc, sauf pour les produits cités ci-dessus, facultatif et volontaire. Il est effectué sous
la seule responsabilité du fabricant ou de l'importateur. Toute apposition d'indications d'origine inexactes
constitue, par contre, une infraction et est sanctionnée comme fraude.
3 Natixis, « Made in France », Flash Économie, 20 décembre 2011- n° 944. Auteur : Patrick Artus.
10. 9
En France, les organismes de contrôles publics s’appuient sur le Code des douanes communautaires et sur la
réglementation nationale pour contrôler le « made in France ».
Les services de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) sont chargés de vérifier l'exactitude
des indications d'origine lors de l'importation des produits 4. La Direction Générale de la Concurrence, de la
Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), quant à elle, procède aux mêmes contrôles une fois
les produits mis en circulation sur le marché français 5.
Mais les opérateurs économiques se heurtent à la complexité de la réglementation communautaire relative à la
détermination de l’origine. Le Code des douanes communautaire n'a en fait qu'un rôle fiscal de taxation des
produits entrant sur le territoire mais en aucun cas, il n'assure un repérage de produits dits locaux mais
manufacturés en dehors de leurs territoires.
De plus, les critères de détermination utilisés par le Code des douanes communautaire ont été fixés avant le
processus de mondialisation et sont fondés sur une analyse des processus de production qui ont évolué depuis.
Ils sont, par ailleurs, très techniques et ne sont pas définis pour tous les produits.
Ce flou juridique communautaire conduit à des interprétations différentes des organismes de contrôles publics.
Ainsi, la DGCCRF considère que les règles douanières relatives à la détermination de l’origine utilisées pour le
contrôle du « made in France » par les services des douanes ne sont pas suffisamment exigeantes pour éviter
les tromperies et protéger in fine le consommateur. Elle analyse donc les situations au cas par cas en ayant
recours à la jurisprudence. Ces interprétations sont souvent illisibles pour les entreprises et les consommateurs.
Le risque est donc de trouver des labels « made in France » qui ne garantissent pas ou peu une production
française. Les critères de labellisation des produits « Origine France Garantie » visent à clarifier cette situation
auprès du consommateur. Toutefois, la création récente de ce label implique qu’il reste encore peu connu auprès
du grand public.
En outre, le marquage de l’origine ne peut être de nature à donner au consommateur une information fiable et
suffisante sur la sécurité ou la qualité du produit, ou sur une éventuelle contrefaçon. La question du contrôle de la
conformité reste ainsi problématique. Les entreprises s’engagent à produire des produits conformes aux
spécifications imposées par la législation notamment communautaire mais la certification de ce respect n’engage
pas la responsabilité des organismes qui accordent les certificats.
Le marquage CE atteste de ces difficultés. Avec ce logo, le fabricant ou le distributeur déclare ainsi la conformité
de leur produit aux minima de sécurité européens. Il n’y a pas de tierce partie pour le certifier, c’est une auto-
certification. S’il y a une plainte d’un consommateur (auprès de la DGCCRF pour la France), le produit est
suspendu de la vente puis analysé. S’il présente un danger, il est retiré du marché.
4 L'article 39 du Code des douanes interdit l'importation de produits étrangers qui porte "une indication quelconque de nature à faire croire
qu'ils ont été fabriqués en France ou qu'ils sont d'origine française" ; si une telle indication est présente, elle doit être supprimée ou
corrigée pour que l'importation soit autorisée.
5 L'article L121-1 du Code de la consommation définit la pratique commerciale trompeuse comme, notamment, les "allégations, indications
ou présentations de nature à induire en erreur et portant sur (...) son origine", cette infraction est punie (article L121-6) d'un
emprisonnement maximal de 2 ans et d'une amende maximale de 37 500 euros qui peut être portée à 50 % des dépenses de la pratique
constituant l'infraction.
11. 10
Une interdiction d’imposer un marquage obligatoire de l’origine des produits est paradoxale à double titre :
D’une part, la détermination de l’origine d’un produit importé est imposée par le Code des douanes communautaire (cf. articles 22 à 26).
La détermination de l’origine est en effet essentielle pour l’application des règles 6 à l’entrée sur le territoire communautaire, c'est-à-dire
pour l’identification des droits de douane auxquels le produit est assujetti.
Les critères à utiliser pour déterminer l'origine d'un produit sont ceux fixés par le code des douanes communautaire. Selon ce dernier :
- une « marchandise » entièrement obtenue dans un seul pays est originaire de ce pays ;
- une « marchandise » dans la production de laquelle sont intervenus des éléments de deux ou plusieurs pays se voit appliquer le principe
de la transformation ou ouvraison substantielle. Ainsi, le label « made in » est accordé au pays où le produit final est assemblé, même si
une grande partie des pièces entrant dans sa composition viennent de l'étranger.
D’autre part, si les législations nationales sur l’étiquetage de l’origine sont prohibées, la législation communautaire n’a cessé de
développer des obligations de marquage de tous les types et sans approche globale : les labels de sécurité, notamment sanitaires, les
labels environnementaux (cf. écolabel européen), etc.
Source : CCIP d’après le rapport d’Yves Jego « En finir avec la mondialisation anonyme », mai 2010, La Documentation française.
LA DÉCISION D’ACHAT D’UN PRODUIT « MADE IN FRANCE » EST DÉTERMINÉE PAR SON RAPPORT QUALITÉ/PRIX
Du côté du « consomm’Acteur », le « made in France » est un élément de différenciation positive, mais les
produits français doivent d’abord et avant tout être du meilleur rapport qualité/prix possible. En effet, d’après une
étude menée en novembre 2011 par l’IFOP et le CEDRE 7, pour le grand public, la qualité du produit et son prix
restent les deux critères considérés en premier lors de l’achat – respectivement 76 % et 70 % – le pays de
fabrication arrive en troisième critère de choix, à 15 %.
Les professionnels estiment, quand à eux, que les consommateurs considèrent avant tout le prix (86 %), devant
la qualité (71 %) et assez loin devant le pays de fabrication (12 % des professionnels sondés).
D’après cette enquête, 92 % des Français sondés estiment que le fait qu’un produit soit fabriqué en France est le
gage d’avoir des produits ou des services de qualité. Pour autant, il faut préciser que les produits « made in
France » ne sont pas nécessairement des produits plus respectueux de l’environnement ou fabriqués par des
entreprises nécessairement plus sociales ou éthiques. Ce n’est ni le lieu ni la nationalité qui détermine
automatiquement les comportements les plus vertueux.
6 Le régime douanier est dit préférentiel lorsque le pays d’origine bénéficie d’un accord avec l’Union européenne donnant à un tarif
spécifique et éventuellement à une exonération de droits de douane. En l’absence d’accord, le régime de l’origine non préférentielle
s’applique.
7 L'Ifop, en partenariat avec le Comité des Entrepreneurs pour un Développement Responsable de l'Économie (CEDRE), a publié fin
novembre les résultats d'une étude croisant la vision du « Made in France » de consommateurs et de chefs d'entreprise.
1 004 consommateurs et 301 dirigeants d'entreprises ont ainsi été interrogés sur leurs pratiques d'achat et/ou leur perception de la
consommation.
12. 11
Graphique 1
La qualité et le prix comme principaux critères de choix des consommateurs lors de l’achat d’un produit :
un point de vue partagé à la fois par les Français et par les professionnels
Source : enquête IFOP – CEDRE, novembre 2011.
13. 12
3. Synthèse : Analyse SWOT8 d’un label basé sur l’origine des produits et des services
FORCES FAIBLESSES
Une réponse à la demande croissante des consom’acteurs en termes de traçabilité, de maintien
de l’emploi local et de réduction des émissions de CO2
Une incitation pour produire en France et valoriser les savoir-faire nationaux
Un label dont l’usage est contrôlé par un organisme de certification indépendant
Un argument commercial et marketing (gain en termes d’image)
Un soutien des pouvoirs publics important (existence d’un club « produire en France »
composé de parlementaires) ainsi qu’un appui du réseau des CCI
Une difficulté pour certains produits à définir la part française de production (« made in world »)
Le critère prix reste déterminant dans la décision d’achat
Peu de lisibilité par rapport aux labels, aux marques existants
Le « made in France » doit s’inscrire dans le cadre des règles européennes
Le label n’est pas une garantie de qualité
Le retour des effets du label dans le temps (à titre d’exemple, le label rouge existe depuis plus
de 50 ans)
Le coût du label important
OPPORTUNITES MENACES
Nouveaux types de consommation (responsables, locales)
Les « made in » nationaux se développent et deviennent des outils pour conquérir des marchés
étrangers
Réflexion autour d’une marque France et attrait des pays étrangers pour notre pays (la France
est le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers)
Donner davantage de notoriété aux entreprises trop petites pour en bénéficier à travers leurs
marques propres. En effet, plus de 1/3 des entreprises qui exportent sont des entreprises
artisanales (source : Ubifrance). Elles pourraient donc être concernées par la labellisation
Le nombre croissant d’entreprises labellisées permettra progressivement de lutter contre les
faux marquages « made in France» et de donner plus de lisibilité aux consommateurs
Le « made in Germany » démystifie le rôle de l’origine de production dans la compétitivité
L’origine France est peu protégée sur les marchés étrangers
Le « made in France » porte une vision défensive, protectionniste
Une difficulté pour définir la marque France
Les labels sont des démarches volontaires, tout opérateur peut créer son propre référentiel
« made in France »
Source : informations collectées par la CCIP à partir des revues de presse, des colloques sur le sujet et des auditions.
8
L'analyse SWOT est un acronyme dérivé de l'anglais pour Strengths – Weaknesses – Opportunities – Threats ; en français : Atouts – Faiblesses – Opportunités – Menaces.
14. 13
PARTIE 2
LES LEÇONS DU SUCCÈS DU « MADE IN GERMANY »
1. Le succès du « made in Germany » n’est pas lié uniquement à l’origine de fabrication des
produits
La promotion d’un label de fabrication française repose sur une vision de la compétitivité et une interprétation des
enjeux de la mondialisation bien différente de ce qui fait la force du modèle industriel allemand.
Le label « made in Germany » ne repose pas uniquement sur un critère géographique de production. Dans de
nombreux secteurs (automobile, machine-outil, électrotechnique…), l’apposition de ce label est accordée à des
produits dont l’essentiel des matériaux et des pièces détachées proviennent des pays d’Europe centrale et
orientale, voire de Chine (« économie de bazar »). Il n’en demeure pas moins que l’image de marque de la
production outre-Rhin est associée à un très haut niveau de qualité (durabilité, fiabilité).
Pour le Commissaire européen à l’Union douanière, Algirdas Semeta, la stratégie d’ « économie de bazar »
outre-Rhin relèverait d’une pratique de concurrence déloyale. Il a donc suggéré de réserver l'appellation d'origine
«made in Germany» uniquement aux produits dont la fabrication viendrait à 45 % d’Allemagne. Cette proposition
a été très vite écartée, sous la pression des lobbies d’outre-Rhin et en l’absence de soutien de la plupart des
autres États-membres qui ne souhaitaient pas mettre en évidence leurs stratégies de localisation et
d’approvisionnement.
En se positionnant dans les processus de production de produits « made in world », l’Allemagne réussit à
produire des biens finals à meilleur coût, lui permettant de mieux les exporter en devenant plus compétitifs en
termes de prix (compétitivité-prix). Parallèlement, a contrario de la France, la stratégie allemande repose
également sur la volonté de nouer des relations de qualité avec leurs réseaux de partenaires et de sous-traitants.
Les grands groupes privilégient des collaborations dans la durée avec leurs fournisseurs. L'Allemagne part, en
effet, du principe que tout produit de qualité exige une chaîne de production saine, dont chaque maillon doit tirer
un bénéfice.
Par ailleurs, l’image de marque des produits allemands s’appuie fortement sur leur respect de normes. La
normalisation fait ainsi partie intégrante de la stratégie et de la politique de développement des entreprises
outre-Rhin. C’est un critère de réussite à l’exportation. Cet attachement à la norme se traduit dans certains cas
par des exigences spécifiques de certification obligatoire à l’entrée du pays qui peuvent être assimilées à une
barrière à l’entrée pour les produits étrangers. À titre d’exemple, la Commission européenne a récemment
renvoyé l’Allemagne devant la Cour de justice pour des obstacles au commerce des produits de construction
(Cf. Annexe 1).
À l’inverse du « made in Germany », les clients étrangers ont des difficultés à percevoir ce qu’est le « made in
France », à l’exception de quelques filières comme le luxe, l’agroalimentaire… L’offre française est concentrée
sur la moyenne gamme, créneau sur lequel elle est moins compétitive et distinctive que d’autres pays. Le
positionnement de l’Allemagne sur le haut de gamme lui permet, par contre, de se différencier et de conquérir de
nombreux marchés étrangers. De plus, la qualité perçue, l’image de marque supérieure de ses produits lui
permettent de fixer des prix sensiblement plus élevés que leurs concurrents français (Compétitivité hors prix).
Le « made in Germany » montre également que la valeur ajoutée ne peut plus être calculée sur le seul critère de
production. Les services associés aux produits (services avant et après-vente…) sont également primordiaux. Il
faut également tenir compte des investissements immatériels (cabinets de design, bureaux d’ingénierie, centres
de R&D, société de services informatiques, écoles d’ingénieurs...) qui contribuent à la valeur du produit. Ces
derniers sont devenus une part essentielle de la fabrication des biens matériels.
15. 14
En outre, il convient de noter que la qualité a un coût plus aisément supportable par les entreprises outre-Rhin.
Cela se justifie par le différentiel de la taille des entreprises. En effet, il existe en Allemagne deux fois plus
d’entreprises de taille intermédiaire (entreprises du Mittelstand) qu’en France. Il en résulte que les entreprises
françaises de plus petite taille sont moins enclines que les allemandes à s’engager dans une démarche de
qualité. Elles éprouvent de plus importantes difficultés pour supporter les coûts liés à la mise en place d’un
système de management de qualité, à la formation, à la certification et aux audits de surveillance….
2. « Made in Germany » versus « Made in France » : les importateurs européens privilégient le
rapport qualité/prix des produits allemands
Une bonne image des produits est déterminante face à la concurrence internationale. La qualité, le contenu en
innovation, l’ergonomie et le design des produits offerts mais également la notoriété de la marque et la
performance des réseaux de distribution sont des atouts de nature à maintenir ou à faire gagner des parts de
marché. Coe-Rexecode réalise chaque année une enquête sur l’appréciation par les importateurs européens de
la qualité et du prix des produits importés 9.
Il en ressort que le rapport qualité/prix des produits français demeure perçu inférieur à celui des produits
allemands (Cf. Annexe 2).
Concernant les biens de consommations, l’Allemagne occupe sans conteste la première place tant en termes de
compétitivité hors prix que de rapport qualité/prix. La France conserve toutefois son traditionnel avantage
comparatif dans le domaine des produits agroalimentaires. La force relative de l’image des produits français
repose sur le critère design–ergonomie, la notoriété de ses produits et la variété de ses fournisseurs. Les produits
agroalimentaires français souffrent toutefois d’un insuffisant contenu en innovation et en services associés. Le
rapport qualité/prix est jugé moins attrayant qu’en Allemagne.
Pour l’ensemble des biens intermédiaires et des biens d’équipement, les importateurs européens classent
également l’Allemagne devant l’hexagone. À un niveau plus fin, par grandes catégories, il existe peu de contraste
de performance entre les trois secteurs considérés :
Sur le segment des biens d’équipement mécaniques, l’image relative des produits français par rapport aux
produits allemands est la plus dégradée. Notamment, en termes relatifs aux deux autres secteurs, c’est sur
le design-ergonomie que les biens d’équipement mécaniques sont en retrait significatif alors que c’est
l’atout essentiel global des produits français en général.
Sur le segment des biens d'équipement électriques et électroniques, si le design, la qualité, la notoriété des
produits français sont reconnus, il existe toujours une insuffisance en matière de contenu en innovation
technologique et en services associés aux produits. Le rapport qualité/prix des produits français est
également jugé moins attrayant par les importateurs comparativement à l’Allemagne.
Sur le segment des biens intermédiaires, les produits français prennent la première place sur la qualité
stricto sensu devant les produits allemands mais le rapport hors prix et qualité/prix reste nettement à
l’avantage de l’Allemagne.
9 L’institut Coe-Rexecode réalise chaque année une enquête auprès d’un échantillon d’importateurs européens sur l’image en termes de
compétitivité hors prix des produits importés. L'enquête de 2011 a porté sur l'appréciation des biens intermédiaires et des biens
d’équipement, celle de 2010 sur les biens de consommation.
Les importateurs évaluent, relativement à l’ensemble des produits concurrents présents sur le marché (y compris les produits nationaux),
les produits, sous leurs différents aspects : rapport qualité/prix, prix, service client, service commercial, délais, notoriété, innovation,
design, qualité. Pour chaque critère, des scores sont calculés. On en déduit ensuite des scores moyens relatifs pour chacun des pays
d’origine.
17. 16
POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DE L’OFFRE
PRIVILÉGIANT LA QUALITÉ GLOBALE
L’approche « made in France » est incomplète et inadaptée. Pour la CCIP, il convient de concevoir une offre
française qui pourra s’adresser à l’envie et à la raison des consommateurs du monde entier plutôt que de reposer
sur le seul effort de solidarité nationale.
Dans cette optique, promouvoir la qualité globale représente un atout de première importance. La qualité est en
effet un facteur de différenciation indispensable à une époque où les produits offerts sur le marché sont très
proches les uns des autres. La qualité joue sur l’innovation en intégrant les nouveaux comportements des
consommateurs. Elle apporte de la valeur ajoutée et incite le client à payer plus cher.
Les propositions de la CCIP distinguent deux approches :
UNE DÉMARCHE VOLONTAIRE DESTINÉE AU MARCHÉ NATIONAL À L’IMAGE DE CE QUE FONT LES ALLEMANDS ;
UNE APPROCHE ORGANISÉE POUR CONQUÉRIR LES MARCHÉS INTERNATIONAUX, DANS LE RESPECT DES RÈGLES
EUROPÉENNES.
Ces propositions se fondent sur quatre principes directeurs :
PRINCIPE 1 : définir la notion de qualité tout au long de la chaîne de valeur
Pour se démarquer sur le plan concurrentiel et satisfaire durablement les clients, la CCIP souhaite privilégier
une approche élargie de la notion de qualité, pour viser « la qualité globale ». Ainsi, une offre de qualité ne
doit pas seulement intégrer des caractéristiques techniques (robustesse, fiabilité, durabilité, sécurité
d'emploi, caractère non polluant...). Elle doit également tenir compte des services associés, du « savoir
vendre », du rapport qualité/prix. La qualité perçue, c'est-à-dire celle ressentie par le client, est en effet un
élément déterminant du processus de choix et d’achat.
La qualité se définit donc comme le fait de fournir un produit ou des services conformes aux attentes des
clients. Elle implique par conséquent d’améliorer le fonctionnement interne de l'entreprise pour réduire les
éventuels dysfonctionnements de l’organisation qui affectent l’offre et pèsent sur ses performances. Elle
s'acquiert par la mise en place de structures, de matériels et de procédures élaborés dont l’évaluation et le
contrôle peuvent être réalisés par un organisme indépendant.
Mais le contenu qualité de l’offre ne peut être garanti que s’il repose sur une solidarité de l’ensemble des
acteurs de la chaîne de valeur. En effet, la qualité ne s’impose que si tous les acteurs sont convaincus
collectivement de leur rôle et de leur responsabilité pour porter cette démarche. Or, la relation collaborative
est une affaire culturelle qui fait défaut en France. Pour la CCIP, il est nécessaire de faire évoluer les
mentalités. De nouvelles relations entre producteurs, distributeurs, fournisseurs et consommateurs sont à
définir sur l’ensemble du territoire pour soutenir et promouvoir la qualité. Il s’agit plus particulièrement de
faire émerger un sentiment d’intérêts partagés permettant de mettre fin aux logiques court-termistes, axées
sur la recherche de bas prix. À ce titre, les distributeurs ont une responsabilité toute particulière afin d’éviter
une « walmartisation de l’économie » : leurs comportements pèsent en effet directement sur l’amont de la
chaîne.
Le modèle allemand est en ce sens très enrichissant. Dans ce pays, les relations entre l’ensemble des
acteurs de la chaîne de valeur reposent sur des solidarités interentreprises et interprofessionnelles nouées
dans la durée. Les différents acteurs sont habitués à travailler ensemble et à partager les fruits de leur
collaboration, au point qu’ils sont aujourd’hui réellement indissociables, interdépendants. C’est en misant sur
ces partenariats que les Allemands peuvent aujourd’hui revendiquer avec succès auprès des utilisateurs
(consommateurs, producteurs) du monde entier, la « Deutsche Qualität ».
18. 17
Cette prise de conscience en France nécessite de véritables modifications culturelles de fond sur le long
terme. C’est cette mutation qui sera peut-être la plus difficile à obtenir.
PRINCIPE 2 : privilégier une approche volontaire des opérateurs économiques
La qualité ne se décrète pas, elle se construit dans le temps. À ce titre, l’adhésion des professionnels à cette
démarche ne peut être imposée par des lois et des réglementations, elle relève de leur engagement
volontaire.
Ces initiatives privées en faveur de la qualité peuvent se traduire par l’adoption volontaire de codes de
conduite au travers desquels les entreprises s'engagent à appliquer divers principes et normes. Elles
peuvent également se matérialiser par la ratification, toujours sur une base volontaire, de normes établies au
niveau national et international par différents acteurs tels que l’AFNOR, les bureaux de normalisation ou
encore l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale
(CEI).
Le succès de ces mécanismes de soft law dépend dans une large mesure de l’engagement des entreprises
qui y ont souscrit, ainsi que de la vigilance des utilisateurs. Cette forme d’auto-contrôle par les acteurs privés
est courante en Allemagne. L’une des forces du modèle outre-Rhin est de pouvoir s’appuyer sur un
ensemble de pratiques tellement usuelles (suscitant l’adhésion de toutes les parties prenantes) qu’elles ne
nécessitent pas toujours une formulation explicite d’objectifs et d’instruments à travers des réglementations
contraignantes pour les entreprises. L’action de l’État n’est ici justifiée que pour prévenir les risques, pour
empêcher la mise sur le marché de produits nocifs et pour s’assurer de la conformité des produits aux
normes.
PRINCIPE 3 : adopter une démarche segmentée en fonction des marchés et des secteurs
Pour concevoir une offre de qualité, il faut tenir compte de spécificités liées aux secteurs et aux marchés
visés. Les contraintes diffèrent, en effet, selon l’acheteur final.
Le « made in France» est un concept qui s’adresse plus particulièrement au secteur BtoC. En effet, il met
en exergue l’origine des produits, la marque qui sont des éléments déterminants pour les consommateurs.
Le « made in France » profite ainsi essentiellement aux secteurs de l’agroalimentaire, de la parfumerie et de
la cosmétique, ainsi que de la mode, de l’habillement et de la chaussure et très peu aux secteurs
d’industries plus lourdes comme l’aéronautique ou encore l’industrie pharmaceutique. Ces secteurs d’activité
répondent à des logiques de marché plus internationalisées où l’origine de production n’a pas beaucoup de
sens.
De même, les secteurs BtoB sont, dans une moindre mesure, concernés par une approche « made in
France ». Sur les marchés interentreprises, où le produit/service de base est perçu comme une matière
première, c’est l’organisation et les liens entre les différents acteurs de la chaîne de valeur qui sont
déterminants.
En outre, le « made in France » est un concept qui s’adresse plus particulièrement au marché national, voire
régional puisqu’il joue principalement sur l’effort de solidarité nationale des consommateurs. Une autre
stratégie est à définir pour conquérir les marchés extérieurs.
19. 18
PRINCIPE 4 : garantir la conformité d’un produit, d’un service ou d’un process à la qualité
De nombreux outils et dispositifs contribuent à développer et à promouvoir la qualité. À ce titre, il convient de
distinguer les signes officiels et non officiels de la qualité.
Le premier groupe se définit par trois critères : la démarche de marquage, qui est inscrite dans un cadre
réglementaire, la reconnaissance du signe, qui fait l’objet d’une publication au Journal Officiel, et les
contrôles, qui sont effectués par un organisme certificateur. Il s’agit notamment des normes et des
certifications.
D’après l’AFNOR, une norme est « un document de référence apportant des réponses approuvé par un
institut de normalisation. Elle définit des caractéristiques et des règles volontaires applicables aux activités.
Elle peut toutefois être rendue obligatoire par décret (ce qui est le cas dans les domaines liés à la sécurité, à
la santé…). Elle est le fruit d’un consensus entre l’ensemble des parties prenantes d’un marché ou d’un
secteur d’activité ».
Une norme permet, ainsi, de définir un langage commun entre les différents acteurs économiques
(producteurs, utilisateurs et consommateurs), de clarifier, d’harmoniser les pratiques et de définir le niveau
de qualité, de sécurité, de compatibilité, de moindre impact environnemental des produits, des services et
des pratiques.
La marque NF est attribuée par l'AFNOR, qui est l'organisme français de normalisation. Les normes ISO et
CEI sont des normes internationales plus spécialement connues dans des domaines techniques de
différents secteurs. Elles peuvent aussi avoir trait au management de la qualité ou de l’environnement.
Les entreprises peuvent demander une certification qui atteste leur respect des exigences de ces normes.
Seul un organisme « accrédité » par le comité français d'accréditation (COFRAC) peut certifier une
entreprise.
Le second groupe se compose des démarches et signes distinctifs qui correspondent à une reconnaissance
ponctuelle de la qualité. Il s’agit de marques et de labels, des appellations, voire de récompenses (trophées,
médailles, etc.). Ces signes s’inscrivent dans une logique de différenciation de l’offre.
Il ne faut pas confondre la marque NF et la norme NFXX-XXX :
La norme NFXX-XXX, document de référence français, européen ou international :
fixe des caractéristiques et des critères de performances de produits objectifs et mesurables,
est élaborée collectivement par l'ensemble des parties concernées : fabricants,
consommateurs/utilisateurs, pouvoirs publics, organismes techniques…
La marque NF apporte la preuve que les performances et le niveau de qualité des produits sont conformes à
la norme :
marque de qualité avec des règles d'usage déposées, délivrée par AFNOR Certification, organisme
certificateur indépendant,
est attribuée après des contrôles rigoureux du produit et de l'organisation du fabricant,
utilise la norme comme document de référence et apporte la preuve que les exigences de sécurité et de
qualité qui y sont décrites sont remplies.
Maîtriser, promouvoir et garantir la qualité des produits sont des objectifs qui passent par la bonne utilisation
des outils de qualité existant au niveau français, européen et international. Ce qui n’est pas toujours le cas.
20. 19
Plusieurs difficultés peuvent, en effet, apparaître :
La multiplication des normes, des certifications, des labels, et autres marques rend difficile l’orientation
des entreprises dans le maquis des outils et dispositifs qualité (Cf. Tableau 1). Les entreprises
ressentent pour la plupart un effet d’empilement et une crainte d’un coût cumulé prohibitif.
Certains dispositifs ne doivent pas être considérés comme des solutions éprouvées permettant de
garantir ou de développer la qualité. Il convient notamment d’être vigilant sur le contenu effectif et la
modalité d’attribution de ces signes de qualité. La valeur d’un label est à titre d’exemple liée aux
modalités d’attribution qui vont d’une simple attribution avec signature d’une charte, à des cooptations ou
sélections, jusqu'à des certifications préalables et régulièrement reconduites. Une autre confusion tient
au fait que les modalités d’attribution et d’évaluation peuvent différer selon les pays.
En outre, si certaines démarches impliquent de faire appel à des tierces parties, d’autres sont laissées à
la bonne volonté des utilisateurs. Le marquage CE en est un bon exemple. Ce dernier est une simple
conformité auto-déclarée aux exigences des Directives européennes de la Nouvelle Approche et permet
au produit de circuler librement au sein de l’Union européenne. Ce n’est pas une marque de qualité et de
conformité aux normes européennes.
Par ailleurs, la qualité ne peut être garantie sans assurer un contrôle et une surveillance des marchés.
En effet, la disparité des normes et des règles avec les pays membres ou non de l’Union européenne
induit une distorsion de concurrence entre ces pays. Les difficultés liées à la non-conformité des produits
sont amplifiées par la fluidité des échanges à l’intérieur de l’espace communautaire. Aujourd’hui, il
revient à chaque État membre de contrôler ses marchés pour rendre effectif la juste application des
règles pour tous les acteurs sur le marché intérieur.
21. 20
Tableau 1 : Une tentative de classification des signes de qualité
Nature du signe de
qualité
Origine de la
démarche
Définition des critères Mode de contrôle Secteur
d’application
Auto-labels Entreprise pour elle-même Spécifique à chaque entreprise Pas de contrôle Tout produit
Labels décernés Jurys spécialisés,
consommateurs
Sondages, tests, enquêtes Pas de contrôle de suivi Produits destinés aux
consommateurs
Labels éthiques,
déontologiques
Associations humanitaires,
ONG…
Gestion éthique Par les associations Produits destinés aux
consommateurs
Charte qualité Entreprise ou organisme
professionnel
Cahier des charges que
l’entreprise s’engage à
respecter
Pas de contrôle Service
A.O.C. Syndicat professionnel Typicité d’une région dans la
fabrication
I. N.A.O. Produits agricoles et
alimentaires
Label rouge Filière professionnelle Garantie d’une qualité
supérieure
Organismes certificateurs
agréés
Produits agricoles et
alimentaires
Agriculture biologique Entreprise seule Respect de l’environnement Organismes certificateurs
agréés
Produits agricoles et
alimentaires
Certification de
conformité
Entreprise seule Conformité à des
caractéristiques précises
Organismes certificateurs
agréés
Produits agricoles et
alimentaires ou
élevage
N.F. agro-alimentaire Filière professionnelle Sur la base de normes AFNOR Produits agricoles et
alimentaires
I.G.P./AOP Groupement professionnel Règlement communautaire INAO pour l’AOP
Marquage CE Entreprise seule Conformité à des directives
européennes
Auto-contrôle ou organisme
agréé
Produits industriels
concernés par les
directives
européennes
Marque NF Filière professionnelle Sur la base de normes AFNOR Produits industriels
Marques
professionnelles
Filière professionnelle Caractéristiques
professionnelles précises
Organisme certificateur
professionnel
Produits industriels
Marque NF service Branche professionnelle Norme technique élaborée sous
l’égide de l’AFNOR imposant
des règles d’organisation et des
engagements de résultat
AFNOR Services
Certification ISO 9000 Entreprise seule Procédures de travail rédigées
par l’entreprise selon les
normes ISO
Organismes certificateurs
agréés
Industrie ou services
Source : Académie de Grenoble.
22. 21
Matrice des propositions de la CCIP par secteur et par marché
RENFORCER LA QUALITÉ DES
PRODUITS DU SECTEUR
MESURES QUI CONCERNENT
PRIORITAIREMENT
B To B B To C
MARCHÉS RÉGIONAUX / NATIONAUX
P1 : Utiliser le réseau des CCI pour promouvoir une
solidarité intersectorielle
P2 : Former les acheteurs à des pratiques d’achats
privilégiant la qualité globale
P4 : Renforcer la participation des entreprises dans
l’élaboration et la gestion des normes
P6 : Rationaliser l’écosystème de la qualité
P9 : Soutenir les initiatives privées de prévention des
risques de non‐conformité des produits
P1 : Utiliser le réseau des CCI pour promouvoir une
solidarité intersectorielle
P2 : Former les acheteurs à des pratiques d’achats
privilégiant la qualité globale
P3 : Accompagner les entreprises qui produisent et vendent
localement
P4 : Renforcer la participation des entreprises dans
l’élaboration et la gestion des normes
P6 : Rationaliser l’écosystème de la qualité
P9 : Soutenir les initiatives privées de prévention des
risques de non‐conformité des produits
MARCHÉS EUROPÉENS /
INTERNATIONAUX
P4 : Renforcer la participation des entreprises dans
l’élaboration et la gestion des normes
P5 : Aller vers une certification volontaire sur le modèle
allemand du label « GS »
P7 : Réformer les règles d’attribution et de contrôle du
marquage CE
P8 : Mettre en place une autorité européenne ad hoc
chargée de la surveillance du marché
P10 : Renforcer les programmes
scientifiques/technologiques permettant d'assurer la
sécurité des installations et réseaux de transport dédiées
aux marchandises
P4 : Renforcer la participation des entreprises dans
l’élaboration et la gestion des normes
P7 : Réformer les règles d’attribution et de contrôle du
marquage CE
P9 : Renforcer les programmes scientifiques/technologiques
permettant d'assurer la sécurité des installations et réseaux
de transport dédiées aux marchandises
P10 : Mettre en place une autorité européenne ad hoc
chargée de la surveillance du marché
23. 22
1er DÉFI
IMPULSER UNE SOLIDARITÉ DU PRODUCTEUR AU DISTRIBUTEUR
EN FAVEUR DE LA QUALITÉ GLOBALE
Dans le contexte économique actuel marqué par une concurrence de plus en plus vive et des consommateurs
toujours plus exigeants, il ne suffit plus de produire pour vendre. Il faut également s’efforcer de satisfaire les
besoins des clients en leur offrant au meilleur coût, un produit supérieur en termes de performances,
d’esthétique, de par sa maintenance, etc. En d’autres termes, les entreprises doivent proposer une offre de
qualité globale pour pouvoir se différencier de leurs concurrents.
Mais le développement et la promotion d’une offre synonyme de qualité et compétitive reposent, en effet, en
grande partie sur l’engagement de chaque acteur pour porter cette démarche. Il s’agit notamment de mettre fin
aux logiques court-termistes qui créent une « spirale d’appauvrissement collectif » : les pressions à la baisse sur
les prix se répercutent sur l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, elles entravent la production et la mise
sur le marché de produits nouveaux, de qualité et donc différenciés.
Une prise de conscience collective est donc nécessaire pour responsabiliser :
D’une part, les consommateurs-salariés : leurs actes d’achats « bas prix » ont des conséquences directes
sur l’emploi et la compétitivité du territoire.
D’autre part, les entreprises, qu’elles soient producteurs, distributeurs, fournisseurs, grandes ou petites. Il est
impératif qu’elles acceptent de s’engager pour garantir le contenu qualité de l’offre. Cela suppose non
seulement de nouer des relations sur le long terme, « saines » et équilibrées privilégiant la qualité à la
recherche du prix le plus bas mais aussi de s’assurer du respect des règles de marché.
Certaines pratiques outre-Rhin peuvent, à ce titre, faire figure d’exemple pour la France. En effet, les solidarités
interentreprises et intersectorielles sont courantes en Allemagne. Elles sont portées par chaque acteur de la
chaîne de valeur, y compris par le consommateur très réceptif à cet argument en faveur de la qualité globale. La
France peut s’inspirer en partie de ce modèle afin d’impulser une solidarité du producteur au distributeur en
faveur de la qualité globale.
PROPOSITION 1
Utiliser le réseau des CCI pour promouvoir une solidarité intersectorielle
La CCIP qui représente l’ensemble des acteurs interprofessionnels de sa circonscription a un rôle majeur à
jouer pour inciter l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur – de l’importateur ou producteur en
passant par le distributeur jusqu’au client final – à s’engager dans un jeu « gagnant-gagnant » de respect
des normes et des règles de marché. Cette solidarité interprofessionnelle vise tout particulièrement les
distributeurs. Afin d’éviter une « walmartisation » de l’économie, ces derniers doivent mettre fin à leurs
pratiques court-termistes, pesant sur l’ensemble des acteurs en amont de la chaîne de valeur et
conduisant à une « spirale d’appauvrissement collectif ».
Elle pourrait mettre en place, par exemple, des « chartes de qualité » déclinées en fonction des secteurs et
des produits, responsabilisant l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur. Ces chartes pourraient
intégrer des critères « éthiques », de responsabilités sociales et environnementales.
L’application de ces chartes/guides de bonnes pratiques pourrait être garantie par un principe de
conditionnalité de l’assurance des produits au respect des normes et règles de marché. Cette démarche
conduirait à accorder aux assureurs un rôle de certificateur garantissant la mise en œuvre et l’observance
des codes de bonne conduite par les différents acteurs du marché (seuls les produits respectant les
bonnes pratiques seraient assurés).
24. 23
Ce principe de conditionnalité des produits aux normes et règles d’usage s’applique déjà en Allemagne et
fait figure de pratiques usuelles, les liens de solidarité entre industrie, services, commerce et tout acteur
économique étant culturellement très étroits. Concrètement, les assureurs allemands garantissent la mise
en place de bonnes pratiques. Ce système participe à la fluidité des rapports entre industriels et autres
acteurs économiques contribuant ainsi à bâtir une industrie forte sur la scène nationale et internationale.
PROPOSITION 2
Former les acheteurs à des pratiques d’achats privilégiant la qualité globale
Les politiques d’achats restent encore aujourd’hui trop focalisées sur le prix plutôt que sur la qualité. Cela
est d’autant plus vrai dans les secteurs fortement concurrentiels où le donneur d’ordre, en quête de
compétitivité, répercute cette pression sur ses fournisseurs. En conséquence, certaines pratiques abusives
perdurent. On peut notamment citer des paiements tardifs, des modifications unilatérales des contrats, des
modifications au cas par cas des conditions contractuelles, du paiement d'avances pour l'accès aux
négociations…
Cette situation, qui nuit à l'exploitation totale du potentiel de la chaîne de valeur, ne peut être viable sur la
durée. Un changement de comportement et de mentalité au niveau de l’ensemble des acteurs est
nécessaire pour intégrer les bénéfices à tirer sur le long terme d’une relation « gagnant-gagnant », orientée
vers d’autres critères que le prix. Les acheteurs, de par leur rôle d’interface privilégié de l’entreprise avec
son environnement, sont les premiers concernés par cette évolution culturelle, très longue à mettre en
œuvre.
Il convient, dans cette perspective de former les acheteurs à des pratiques d’achat qualifiées d’« achats
responsables » 10. À ce titre, il convient de multiplier les actions comme celles des écoles de la CCIP (HEC
Paris, ESCP Europe, Négocia ou encore le Centre des Formations Industrielles…). Ces dernières
s’attachent à proposer des formations achats dites « d'excellence » incorporant une vision décloisonnée de
la fonction en tenant compte de la qualité globale. À titre d’exemple, le mastère spécialisé Logistique et
Achats internationaux d'HEC propose un cours consacré aux « achats durables et responsables, à la
supply chain « verte » et au « management des risques ». L’objectif est de fournir aux étudiants une vision
prospective de la fonction achats et d'adopter une position de leader d'opinion sur un certain nombre de
thématiques, comme les achats responsables. Notons d’ailleurs que les agences de notation accordent
une part de plus en plus importante aux comportements des acheteurs en termes de responsabilité sociale
et environnementale 11.
Au-delà de ces formations, il est nécessaire au sein des entreprises d’intégrer une vision décloisonnée de
la fonction achat comme c’est le cas en Allemagne. Dans ce pays, la transversalité et l’ouverture des
formations et des métiers d’acheteurs (notamment leurs contacts avec des techniciens) permettent de
porter des politiques d’achats privilégiant la qualité.
La France pourrait s’inspirer de ces méthodes. Il s’agit notamment de privilégier les liens avec d’autres
directions notamment celles en charge de l’innovation afin de s’assurer que les relations nouées avec les
parties prenantes externes à l’entreprises ne reposent pas uniquement sur un critère de prix mais soient
élargies à la qualité. De telles pratiques commencent à s’observer. Certains groupes comme la société
Gemalto, leader mondial de la sécurité numérique, ont fait le choix de nommer au poste de directeur des
achats un ancien directeur technique, ce qui leur permet d’impulser une nouvelle culture dans leur politique
d’achat.
10 Ce concept dépasse les notions d’« achats durables » ou « éco-responsables ». Cf. Glossaire.
11
Cf. interview de Madame Nicole NOTAT, Présidente de VIGEO : « L’évolution de la RSE dans l’entreprise depuis la crise », CCIP,
Cahiers de Friedland n°9, 1er semestre 2012.
25. 24
PROPOSITION 3
Accompagner les entreprises qui produisent et vendent localement
Produire en France est tout à fait possible à condition d’être innovant, de savoir en permanence créer des
produits nouveaux et de qualité. Le territoire et ses acteurs (organismes consulaires, conseil économique
et social régional, organisations professionnelles et syndicales, établissements de formation, organismes
de recherche, acteurs du financement...) ont un rôle clé à jouer pour soutenir et promouvoir les savoir-faire
locaux.
Ces entreprises, souvent des PME et des TPE, ont besoin d’un accompagnement sur mesure, adapté aux
spécificités du territoire et leur permettant d’optimiser leurs ressources. Il importe, à ce titre, de donner
davantage de lisibilité au dispositif d’appui public existant afin d’accompagner au mieux ces entreprises.
Un des axes majeurs à privilégier pour aider ces entreprises est de les encourager à se regrouper au sein
de clusters afin de mutualiser des moyens et/ou des actions et remédier ainsi aux problèmes liés à leur
taille. Depuis plusieurs années, l’action de la CCIP et plus généralement du réseau consulaire dans son
ensemble va dans ce sens. Les CCI animent, en effet, une grande variété de réseaux d’entreprises qui
couvrent à la fois des réseaux filières/sectoriels (grappes d’entreprises….), ou encore des réseaux
thématiques (groupements d’employeurs, groupements à l’export, groupements d’achat…)12.
Pour la CCIP, il est primordial de fédérer et faire collaborer les entrepreneurs au sein de réseaux
d'entreprises, quelle que soit leur forme. Soulignons, à ce titre, une forme novatrice de coopérations et de
mutualisations dans les territoires : les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Ces derniers
ont la particularité de mobiliser des réseaux d’entrepreneurs locaux pour répondre aux besoins de
populations sur leurs bassins d’emplois et de vie. Ces PTCE intègrent ainsi des enjeux tels que la
réhabilitation et le maintien de filières traditionnelles, la distribution de proximité de biens et de services
(circuits courts), la reconversion vers une agriculture durable, la mobilisation et l’affectation de l’épargne
locale ou la production territoriale de services d’intérêt général.
Le Pôle Sud Archer a ainsi relancé un atelier de production d’une gamme de chaussures éthiques à
Romans en valorisant les matières premières et les savoir-faire locaux et en créant à nouveau des emplois
dans une filière industrielle historique du territoire. La CCIP suggère d’expérimenter plus largement ce type
de coopérations et d’étudier leur impact en termes de développement économique local ; cela permettrait
notamment de préjuger de la nécessité de promouvoir ces initiatives sur l’ensemble du territoire
notamment via une labellisation.
Par ailleurs, pour la CCIP, l’accompagnement des entreprises locales doit être soutenu par des actions de
communication auprès des consommateurs notamment au travers d’une politique de labellisation
pertinente au niveau des territoires. À ce titre, la définition d’une politique d'image de marque des produits
à travers une identification régionale est essentielle. Toutefois, elle tient à rappeler que la définition de
« produits régionaux » ne doit pas seulement concerner leur provenance géographique, elle doit aussi
répondre à des exigences de qualité et donc à des cahiers des charges rigoureux (Cf. Proposition 5).
Le développement de marques territoriales doit également être un vecteur de promotion des entreprises
locales comme en témoigne l’exemple de la marque « produit en Bretagne ». Elle a permis aux entreprises
de bénéficier de gains en termes d’image et de notoriété. Aussi, en se regroupant sous une marque
collective, ces entreprises ont pu accéder aux linéaires de la grande distribution, de passer de véritables
partenariats avec les centrales d’achat, de bénéficier d’outils de communication modernes, etc.
Néanmoins, ce résultat n'est pas généralisable à l'ensemble des régions. En effet, toutes ne disposent pas
d'une identité aussi forte comme la Bretagne. Elles doivent donc construire une stratégie de marque basée
sur d'autres atouts, plus différenciateurs pour elles, que leur identité. Pour garantir le succès de cette
stratégie, la CCIP préconise de mener une démarche concertée et participative suscitant l'adhésion des
acteurs publics et privés ainsi que de la population.
12 ACFCI, 20 octobre 2010, « Les réseaux d’entreprises : une valeur ajoutée pour les entreprises, une nécessité pour les territoires, une
priorité pour les CCI ».
26. 25
2ème DÉFI
ADAPTER LES OUTILS DE LA QUALITÉ
POUR CONQUÉRIR DE NOUVEAUX MARCHÉS
La qualité soutient les performances économiques globales des entreprises et leur permet de maintenir ou
d’élargir leurs positions sur un marché ou encore d’en conquérir de nouveaux. Véritable élément de
différenciation concurrentielle, elle permet d’offrir un produit dont la qualité perçue par le client est supérieure, elle
supprime les coûts inutiles, valorise les savoir-faire et tend à améliorer les relations avec l’ensemble des parties
prenantes.
Tout l’enjeu pour les entreprises est donc de savoir maîtriser la qualité de leurs produits, la faire reconnaître et
conquérir la confiance de leurs clients. Elles disposent à cet effet de nombreux outils délivrés tant au niveau
français qu’au niveau européen et international :
Certains sont mis en place pour promouvoir au plan commercial la qualité des produits, comme les
appellations et les labels. Ils répondent à la demande croissance du consommateur de pouvoir identifier la
qualité au travers des repères simples, significatifs et fiables relatifs aux modes de production et de
transformation.
D’autres outils sont destinés à protéger les consommateurs en garantissant respectivement la qualité des
produits mis sur le marché et celle de l’entreprise qui les fabrique. Ceux sont par exemple les normes et les
certifications de conformité.
Ces différents outils peuvent servir une politique de qualité de type offensive sur les marchés extérieurs et/ou
défensive sur le marché national comme l’illustrent les normes ou encore le label « GS » allemand. Il semble
essentiel, pour les acteurs économiques concernés, de bien identifier l’ensemble des outils qui sont ainsi mis à
leur disposition afin d’optimiser leurs utilisations et d’accroître leur efficacité. Les pouvoirs publics ont, dans ce
contexte, un rôle à jouer pour améliorer la lisibilité de l’ensemble des outils de la qualité existants.
PROPOSITION 4
Renforcer la participation des entreprises dans l’élaboration et la gestion des normes
La participation active des entreprises au développement des normes concrétisée par leur présence au
sein des différentes commissions de normalisation est primordiale. Plus les entreprises intègrent la
normalisation en amont, plus l’avantage compétitif est important.
Pour que la norme constitue un véritable outil de pénétration des marchés, il faut que les entreprises
adoptent une attitude offensive dans les travaux d'élaboration de ladite norme. En effet, en matière de
normalisation, aucune décision d'apparence technique n'est neutre : il faut en analyser les répercussions
industrielles et économiques avant d'y adhérer. Il s’agit notamment pour les entreprises d’éviter que les
spécifications retenues dans les normes ne conduisent à évincer leurs produits du marché.
Les normes constituent ainsi un enjeu commercial important : en réduisant les entraves aux échanges,
elles donnent un avantage indéniable au premier qui pourra présenter un produit conforme, tout en
maintenant une barrière contre des concurrents qui ne seraient pas encore prêts. Les normes sont un
moyen à long terme pour structurer le marché vers la qualité.
Toutefois, la plupart, des PME et des TPE pensent encore que les normes sont réservées aux grandes
sociétés et qu’elles ne sont pas concernées. Le processus de normalisation est perçu par ces entreprises
comme trop coûteux, complexe et chronophage.
Leur participation au processus de normalisation est donc plutôt faible que ce soit en termes d’accession
aux informations pertinentes, en termes de participation aux comités techniques où sont élaborées les
normes ou en termes d’utilisation des normes dans leurs propres établissements.
27. 26
Pour la CCIP, plusieurs types d’actions doivent être menés :
D’une part, augmenter l’influence des PME sur la rédaction des normes en renforçant la participation de
ces entreprises ou de leurs représentants au sein des organismes internationaux de normalisation. À ce
titre, il convient de faire en sorte que le système de normalisation soit représenté de façon équilibré par la
sphère publique et professionnelle. Les fédérations professionnelles ont, en effet, une connaissance
pointue de leurs marchés et de leurs adhérents, elles jouent un rôle central pour s’assurer que les besoins
et les souhaits des PME sont bien pris en compte. En ce sens, elles sont aussi légitimes pour élaborer et
gérer des normes.
En amont des comités techniques, il est essentiel de renforcer les concertations entre les PME et les
grands groupes, car ce sont souvent ces derniers qui ont les moyens (financiers, humains, etc.) pour
détacher un expert au sein de ces réunions.
De plus, comme en Allemagne, il conviendrait de renforcer le soutien financier aux PME – ou à leurs
représentants – dans le but de leur permettre de participer de manière régulière et performante aux
réunions de comités de normalisation et aux travaux préparatoires (couverture des frais de participation :
temps passé, coûts liés aux déplacements). La CCIP suggère également d’élargir ces aides aux travaux de
dissémination, c'est-à-dire la diffusion des résultats de ces réunions auprès des PME concernées mais non
participantes. Il s’agit - comme un récent rapport de la DGCIS 13 le préconise - de mobiliser l’ensemble des
acteurs publics et privés (au sein des clusters notamment) pour promouvoir l’aide à la normalisation. La
CCIP estime, par ailleurs, primordial de maintenir le crédit d’impôt recherche (CIR) qui prend en compte les
dépenses de normalisation.
D’autre part, la CCIP rappelle qu’il est essentiel d’aider les PME à interpréter et à mettre les normes en
application en développant des actions en matière de formation (séminaires, ateliers). C’est dans cette
optique que la CCIP a conclu un partenariat avec l’AFNOR pour proposer « un pré-diagnostic
Normalisation » aux PME des secteurs de la santé et des biotechnologies. L’objectif est de sensibiliser les
entreprises aux enjeux de la normalisation et faire de la norme un instrument pour l’innovation et la
compétitivité. Ces actions méritent d’être encouragées dans d’autres secteurs.
PROPOSITION 5
Aller vers une certification volontaire sur le modèle allemand du label « GS »
En Allemagne, aucun des produits à caractère technique ou d’usage courant ne peut être mis en
circulation sur le marché allemand sans répondre au label GS, ou « Geprüfte Sicherheit » (sécurité
vérifiée). Ce label garantit la conformité du produit aux dispositions de la loi allemande relative à la sécurité
du matériel de travail technique.
Comparé à d’autres labels volontaires, la valeur du label GS provient de plusieurs facteurs :
Un organisme indépendant procède à un examen de type et surveille en continu la fabrication du
produit. La valeur du label est garantie par les possibilités de sanctionner les fabricants, mais aussi les
organismes certificateurs GS.
Ce label GS n’est pas obligatoire mais peu de distributeurs/revendeurs se risqueraient à mettre sur le
marché des produits à caractère technique ou d’usage courant qui ne portent pas le sigle GS. Il semble
que les assureurs outre-Rhin jouent un rôle important puisqu’ils n’assurent les produits que s’ils sont
labellisés.
Le label GS reposant sur une certification volontaire permet à l’Allemagne de justifier cette mesure de
"protectionnisme déguisé" auprès de la Commission européenne. Ce label est, en effet, toléré dans la
mesure où il ne nuit pas à la lisibilité du marquage CE. Aujourd’hui, le label GS est bien plus qu’une
13 DGCIS, (mai 2012), « Évaluation des actions collectives d’accompagnement des PME dans les travaux de normalisation européens et
internationaux ».
28. 27
marque purement allemande : il peut être attribué par des organismes certificateurs de huit États
membres 14 de l’UE.
Par ailleurs, un aspect important du label GS réside dans le fait que le produit est contrôlé par un
organisme tiers avant d’être commercialisé. Ceci réduit considérablement la charge de travail des
autorités de surveillance du marché. Si le label GS venait à être interdit, ce contrôle préalable à la mise
en circulation n’aurait plus lieu. Pour maintenir le niveau de sécurité, il faudrait alors compenser par un
travail supplémentaire de la part des autorités de surveillance du marché.
Ces différentes caractéristiques rendent plus qu’évidente la nécessité de pouvoir s’inspirer de ce modèle
pour promouvoir un label privé de ce type en France.
Le label GS en Allemagne – trois questions à la mission économique de Berlin
1. Le label GS constitue-t-il une "barrière à l'entrée" pour certains exportateurs français ? Des industriels témoignent du besoin
de trouver des homologations. Ils ont ainsi une mise sur le marché de leurs produits rallongée par les délais d’obtention des
autorisations, cela représente un coût important pour ces entreprises ?
Le label GS, «Geprüfte Sicherheit» (sécurité vérifiée), existe depuis 1977 et atteste du respect des exigences de la loi sur la sécurité des
produits (Produktsicherheitsgesetz). Cette dernière sert la transposition de plusieurs directives communautaires. Ainsi, tous les produits
mis sur le marché allemand doivent respecter cette loi indépendamment de l’apposition d’un label. Il est applicable aux équipements
d’usage courant prêts à l’emploi et aux matériels de travail techniques mis en circulation ou exposés en Allemagne par un fabricant ou un
importateur. Le label GS n’est pas obligatoire, contrairement au label communautaire CE.
Toutefois, bien que n’étant pas obligatoire, les Allemands étant très exigeants en matière de sécurité des produits, l’apposition de ce label
constitue un avantage pour la mise sur le marché des produits. Contrairement au label CE, le label GS doit être délivré par un organisme
de contrôle et de certification (comme le Tüv) agréé par l’organisme allemand d’accréditation (DAkks), qui contrôlera de nouveau la
conformité du produit une fois mis sur le marché. Cette démarche peut effectivement prendre du temps.
2. Comment les allemands peuvent-ils justifier de cette mesure de "protectionnisme déguisé" auprès de la Commission
européenne ?
La Commission européenne avait proposé en 2007 une série de dispositions, aux termes desquelles le label GS devait être supprimé, la
norme CE restant la seule norme reconnue. Les États membres et le Parlement européen avaient rejeté cette proposition. Les labels
restent donc autorisés, dans la mesure où ils ne contreviennent pas à la lisibilité, la visibilité et la signification du label CE.
3. Outre les produits à caractère technique ou d’usage, d'autres produits industriels sont-ils soumis à une obligation d'être
certifiés par le TüV ?
Les entreprises allemandes ne sont pas obligées de faire certifier leurs produits. La certification repose, à quelques exceptions près
(notamment pour les produits dangereux), sur une base volontaire. Mais les entreprises allemandes, conscientes de l’avantage compétitif
d’une certification, y recourent très souvent.
De nombreux labels existent ainsi en Allemagne. Un site Internet, né de l’initiative de consommateurs, a été mis en place en 2000 afin de
répertorier l’ensemble des labels attestant la qualité des produits, des services et du management, et de garantir une meilleure clarté aux
consommateurs : http://www.label-online.de/startseite. 450 labels ont été ainsi identifiés et classés en plusieurs catégories (qualité, labels
régionaux, marque de vérification).
Source : CCIP - propos recueillis auprès de Mme Emmanuelle Bautista, Chef de secteur Industrie et questions juridiques, Ambassade de
France en Allemagne.
PROPOSITION 6
Rationaliser l’écosystème français de la qualité
Pour la CCIP, Il est essentiel d’aider les entreprises à bien connaître l’ensemble des outils qui sont mis à
leur disposition pour promouvoir et garantir la qualité de leurs produits et celle de leurs entreprises. En
effet, la multiplication des signes de qualité et leur complexité croissante présentent l’inconvénient d’un
manque de lisibilité nuisant à leur bonne appropriation par l’ensemble des utilisateurs.
14 Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, France, Italie, Slovaquie, Suède.
29. 28
La CCIP préconise ainsi de clarifier les outils et les dispositifs mis à la disposition des entreprises. Elle
propose ainsi de s’assurer en amont que chaque projet de normes, de labels, etc. soit défini en fonction de
son apport dans l’écosystème existant. De plus, elle suggère de différencier les labels qualité (soumis à
des critères qualité et favorisant les démarches qualité continues) et les labels d’appartenance (région,
groupement d’entreprises, adhésion à des chartes de valeurs…) afin d’améliorer leurs contrôles.
Les marques collectives doivent redéfinir et expliquer clairement les spécificités à la base des signes de
qualité proposés et fournir des repères aux consommateurs. Dans le cas contraire, le consommateur
demeurera dans la confusion la plus totale. Une législation et des normes strictes pour l’utilisation de ces
signes de qualité méritent d’être développés et ne peuvent se limiter à la promotion d’une recette
traditionnelle ou d’une localisation géographique d’une production sans un cahier des charges qui intègre
les attentes des consommateurs.
Par ailleurs, pour aider les entreprises à développer des démarches soutenant une qualité globale de leurs
produits et services, il est essentiel d’accroître la visibilité des organismes français dédiés à la qualité en
facilitant leur regroupement. La CCIP se félicite ainsi de la création de l’Association France Qualité
Performance (AFQP) en décembre 2011, réunissant les associations France Qualité Publique, le CNQP et
la FAR, qui ont été dissoutes. Cette association a pour vocation de fédérer, animer et coordonner
l’ensemble des réseaux des acteurs français publics et privés traitant de la qualité, des démarches de
progrès et des systèmes de management.
Pour la CCIP, le lancement de cette association est le « premier pas » pour faire émerger une véritable
politique nationale en faveur de la qualité globale. La formation initiale et continue doit être au centre de
cette politique. Il s’agit notamment de sensibiliser les étudiants et les salariés à une culture de la qualité qui
ne repose pas seulement sur la maîtrise de la conformité. La CCIP, à travers l’action de l’ensemble de ses
écoles (HEC, ESCP Europe, Negocia, etc.) dispense des formations allant dans ce sens.
Les objectifs de l’Association France Qualité Performance (AFQP)
Définir des positions communes pour faire de la qualité un enjeu national largement partagé et relayer ces positions auprès des
décideurs publics et privés.
Faciliter l’animation et la promotion de la qualité grâce au réseau régional.
Renforcer la position de l’association auprès des instances internationales de la Qualité.
Élever les compétences des cadres de demain en matière de pratiques managériales basées sur la qualité et l’amélioration des
performances des organisations.
Partager et communiquer les bonnes pratiques.
L’AFQP préside, en outre, le Prix France Qualité Performance, qui est remis chaque année depuis vingt ans par le Ministre en charge de
l’Industrie, à des organisations de tout secteur et toute taille.
Source : AFQP.
30. 29
3ème DÉFI
ASSURER LE CONTRÔLE ET LA SURVEILLANCE DES MARCHÉS POUR
GARANTIR LA CONFORMITÉ DES PRODUITS
La qualité de l’offre ne peut être garantie que s’il existe une surveillance des marchés. Or, l’Europe – et la
France – souffrent aujourd’hui d’une double faiblesse : les produits importés ne font pas toujours l’objet de
contrôles effectifs de conformité et il n’existe guère de mécanismes de sanctions réelles. Seuls les produits
alimentaires bénéficient d’une réelle surveillance. En outre, le contexte de l’ère numérique offre un nouveau canal
de diffusion pour les contrefacteurs, qui accentue les problèmes de contrôle.
Le non-respect des règles de marché a des conséquences particulièrement graves. D’une part, les utilisateurs
sont induits en erreur sur la qualité du produit (durée de vie, performance, consommation d’énergie, respect
environnemental) et sur leur sécurité (non-respect de normes). D’autre part, les industriels respectueux des
règles souffrent d’une concurrence déloyale.
Les organismes de contrôle publics nationaux (Douanes et DGCCRF) ne sont pas réellement en mesure
d’exercer leurs missions dans les conditions les plus adéquates, et ceci pour deux raisons majeures :
Les moyens qu’ils peuvent y consacrer se révèlent faibles par rapport à la masse, sans cesse croissante, de
produits à contrôler et rien n’indique que ces moyens seront accrus, la crise économique ayant un effet
direct sur les ressources publiques 15.
Les textes communautaires, même s’ils ont notablement évolué depuis 2008, ne sont pas toujours aisés à
interpréter, notamment en matière de marquage d’origine. Ainsi, le « made in » n’a pas de définition
juridique au niveau européen (et mondial) et, en vertu du principe de la libre circulation des marchandises,
ce label ne peut être que facultatif et sous la seule responsabilité des fabricants ou des producteurs.
Dans ces conditions, pour la quasi-totalité des produits, la vigilance des entreprises concurrentes ou des
acheteurs reste souvent l’unique moyen de contrôle.
Dans ce contexte, il est actuellement indispensable, pour maintenir et développer les transactions, d’améliorer la
confiance des utilisateurs (consommateurs, producteurs, etc.) :
Dans la conformité des produits aux règles, aux normes et aux contraintes en vigueur au sein de l’Espace
européen ;
Dans la compétence des organismes qui garantissent cette conformité.
Pour la CCIP, il convient de renforcer l’efficacité des dispositifs existants permettant d’améliorer, en amont et en
aval, la surveillance des marchés. Il s’agit notamment de définir de nouveaux instruments de contrôle à l’échelle
nationale et européenne et de garantir l’application des règles par tous les acteurs sur le marché intérieur. C’est
seulement ainsi que l’on pourra rétablir la confiance des utilisateurs et répondre aux exigences croissantes de
sécurité et donc de qualité du produit.
15 Il est ainsi révélateur de constater, comme l’a fait la Commission européenne dans son 1er rapport sur la mise en œuvre du Nouveau
Cadre Législatif (NCL/NLF) du 14.09.2010, que « près de la moitié des États membres ont d’ores et déjà annoncé qu’ils n’envisagent pas
une augmentation des ressources et moyens pour la mise en œuvre de la surveillance du marché et des contrôles des produits en
provenance des pays tiers (alors que le Règlement 765/2008 oblige pourtant les États membres à avoir les ressources appropriées) ».
31. 30
PROPOSITION 7
Réformer les règles d’attribution et de contrôle du marquage CE
(Cf. Annexes 3 et 4)
Pour garantir en amont une surveillance des marchés, la CCIP propose de réformer les règles d’attribution
et de contrôle du marquage CE. Les autorités nationales et européennes doivent pouvoir se doter
d’instruments rendant effective – et uniforme – l’application des règles pour tous les acteurs sur le marché
intérieur.
Dans cette perspective, il est souhaitable d’harmoniser davantage les pratiques des organismes notifiés en
mettant en place des référentiels ou des procédures au niveau communautaire. Il convient, à ce titre, de
renforcer les sanctions et les pénalités en cas de non respect par ces derniers des critères de notification.
Cela nécessite de favoriser les échanges et les coopérations entre les autorités compétentes et les
organismes notifiés.
Ces mesures plaident en faveur d’une plus forte harmonisation des pratiques des organismes notifiés en
allant vers l’accréditation. Il est impératif de renforcer le lobby français en ce sens.
Comme l’indique la Commission européenne 16, « l’accréditation fait partie d'un système global qui
recouvre l'évaluation de la conformité et la surveillance du marché, et qui vise à évaluer et à garantir la
conformité avec les prescriptions applicables… Un système d'accréditation qui fonctionne sur la base de
règles contraignantes contribue à renforcer la confiance que portent les États membres à la compétence
de leurs organismes respectifs d'évaluation de la conformité et, partant, aux certificats et aux rapports
d'essais délivrés par ces organismes. Il valorise ainsi le principe de reconnaissance mutuelle ».
Enjeux et limites du marquage CE
Le marquage CE 17 a été conçu à l’origine comme un label destiné aux autorités de surveillance des marchés des États membres et
permettant aux produits de circuler librement dans l'Espace économique européen. Apposée sur un produit, la marque «CE» indique,
normalement, que celui-ci est conforme aux exigences de l'Union européenne en matière de sécurité, de santé et de protection de
l'environnement. Cette procédure réduit les démarches administratives et les coûts, tout en garantissant le respect des exigences dans les
domaines précités.
Le marquage CE a donc contribué pour une part considérable à la réalisation du Marché intérieur européen. Mais, en vingt ans
d’application, ce système est devenu très complexe.
Plusieurs difficultés montrent les limites de l’efficacité de ce marquage :
D’une part, le marquage CE peut être obligatoire ou facultatif, selon que les produits sont couverts ou non par une ou plusieurs directives
européennes. Ainsi, pour les produits qui ne relèvent pas de la directive « nouvelle approche », ce marquage CE reste facultatif. Mais les
catégories de produits soumises à une - ou plusieurs - directives sectorielles, qui définissent les exigences essentielles de l'UE (appareils
électriques basse tension, jouets, produits de construction, chaudières à eau chaude, etc.), doivent obligatoirement porter la marque "CE".
Or, ces directives sectorielles évoluent en permanence, de même que les normes harmonisées correspondantes, qui évoluent, elles aussi,
sans cesse, en fonction du progrès technique.
D’autre part, le marquage CE repose sur une procédure d’évaluation de la conformité qui, dans la réalité, ne se révèle pas aussi
homogène que le prévoit le dispositif. En effet, les États membres appliquent la réglementation en fonction du profil économique du pays
(industriel ou non) et de leurs moyens humains, financiers et techniques (et ce sont eux qui désignent les organismes notifiés, qui agissent
au nom de l'Union européenne pour évaluer la conformité des produits aux exigences essentielles).
De plus, les fabricants sont libres de choisir l'organisme auprès duquel ils sollicitent le marquage CE, ce qui contribue à cette
hétérogénéité car les pratiques varient inévitablement en fonction des pays et des secteurs. Certes, ces organismes travaillent
normalement en réseau 18 et échangent des bonnes pratiques, sous le contrôle de la Commission européenne… mais, de facto, ils sont
inégaux en moyens et en exigences, ce qui crée des distorsions de concurrence entre les pays.
16 Ibidem – 8° et 13° Considérants.
17 « Le marquage CE, qui atteste la conformité d'un produit, est la conséquence visible d'un processus global comprenant l'évaluation de
la conformité au sens large » - Règlement (CE) 765/2008 du 09.07.2008 – 37° Considérant et article 30:
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:218:0030:0047:FR:PDF
18 Réseau NANDO (New Approach Notified and Designated Organisations): http://ec.europa.eu/enterprise/newapproach/nando/
32. 31
En apposant le symbole CE sur un produit, le fabricant assume l'entière responsabilité de sa conformité à la législation européenne.
S’agissant de produits importés, la responsabilité du marquage CE, lorsque celui-ci est requis, incombe au mandataire de l'exportateur
non-européen. Or, les dossiers décrivant les justifications de ce marquage sont rarement demandés aux importateurs, ce qui entraîne
certains abus ou négligences.
Le marquage « CE » n'atteste donc pas systématiquement d’une qualité certifiée de manière homogène. Ce n’est pas non plus une
indication de l'origine géographique du produit. S’il indique la nature des contrôles formels auxquels le produit concerné devrait avoir été
soumis, ce marquage ne permet pas d’apprécier de manière totalement convaincante l’ampleur des contrôles qu’il a pu subir
Ces pratiques non harmonisées ne vont pas dans le sens d’une protection du consommateur.
Source : CCIP.
PROPOSITION 8
Mettre en place une autorité européenne ad hoc chargée de la surveillance du marché
La surveillance du marché est un facteur fondamental de bon fonctionnement du Marché intérieur et de
compétitivité.
La Commission européenne en est parfaitement consciente, lorsqu’elle indique, dans le texte qui fait
référence en la matière 19 que, « afin d'assurer une mise en œuvre homogène et cohérente de la législation
communautaire d'harmonisation, le présent règlement met en place un cadre communautaire de
surveillance du marché, définissant des exigences minimales au regard des objectifs à atteindre par les
États membres et un cadre de coopération administrative, y compris un échange d'informations entre les
États membres ».
Mais si les autorités nationales et européennes doivent pouvoir se doter d’instruments rendant effective
– et uniforme – l’application des règles pour tous les acteurs sur le marché intérieur, il paraît inévitable de
voir certains biens « passer à travers les mailles du filet ». En témoigne, les opérations « coup de poing »,
qui révèlent la mise en circulation sur le marché intérieur de produits généralement à bas prix et dont la
qualité est remise en cause comme en témoignent les incidents relayés régulièrement par l’actualité.
La CCIP préconise ainsi, pour sécuriser davantage les consommateurs, mais aussi les fabricants
européens sérieux, de créer une structure de contrôle de marché au niveau communautaire.
Cette nouvelle structure serait spécialisée dans la lutte contre le non-respect des normes sanitaires et de
sécurité pour les produits importés 20 en liaison avec les organismes nationaux, qui constitueraient son
Conseil d’administration, celui-ci pouvant être ouvert à d’autres types d’acteurs (ex. organisations
représentatives d’industriels et de consommateurs).
Son organisation pourrait notamment s’inspirer de celle de l’Office Européen de Lutte Anti-Fraude (OLAF).
Il lui faudrait pouvoir disposer d’une garantie de suivi de l’effectivité des sanctions en lui conférant la
capacité de « remonter les filières », pour identifier les contrevenants et les soumettre à des sanctions
dissuasives. En s’appuyant ainsi sur des preuves concrètes, la traçabilité des pratiques contrevenantes
permettra aux autorités compétentes d’agir en fonction de leur propre cadre réglementaire. Ceci est prévu
par le Règlement (CE) 765/2000, qu’il s’agisse de pays tiers (art. 26, p. 41-42) ou des États membres
(art. 29, p. 42-43). Dans ce dernier cas, les autorités compétentes sont invitées à « prendre les mesures
appropriées, pouvant aller au besoin jusqu’à l’interdiction de la mise sur le marché du produit, voire sa
destruction ».
19 Règlement (CE) 765/2008 du 09.07.2008 – 26° Considérant : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:218:0030:0047:FR:PDF
20 CCIP, (2010), « Quelle politique commerciale pour l’Europe après la crise ? ».