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Cinémas dé la frontiéré
Etats-Unis – Mexique
Projet de film documentaire (52 mn). Réalisé par Pierre-Paul Puljiz. Ecrit par Thierry Bellaïche. sur une idée originale de Pierre-Paul
Puljiz. Lettres écrites et lues par Valérie Maës
1
La frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est le résultat d’une histoire longue, complexe et douloureuse,
indissociable de la « création » des Etats-Unis.
Le cinéma américain ainsi que le cinéma mexicain se sont très tôt saisis de ce sujet, pour en donner, le plus souvent, des visions fort différentes.
C’est cette histoire comparée du thème de la frontière Mexique – Etats-Unis, à travers l’évolution du cinéma de ces deux pays, que nous proposons de retracer
dans ce film documentaire…
Stagecoach, de John Ford, c’est le film qui relança un genre (le western) et deux carrières (celle de Ford et de John Wayne) et qui deviendra la marque de fabrique de Ford (Monument Valley)
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SOMMAIRE
— Introduction : « En quittant ton pays, détourne les yeux de la frontière »…
─ Note d’intention : la frontière visible et invisible
─ Note du réalisateur
─ Un voyage documentaire et imaginaire…
- Routes frontalières pour une voix unique…
- Thèmes de la Frontière
─ Itinéraire…
- Eclairages sur le voyage
- Un parcours elliptique
─ Go West !
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Introduction
« En quittant ton pays, détourne les yeux de la frontière »
Le thème de la frontière préoccupe l’homme depuis des temps immémoriaux. Cette phrase de Pythagore, qui a vécu au sixième siècle avant notre ère, peut en
témoigner, comme tant d’autres écrites au fil des générations par des hommes qui, soit sédentaires et enracinés dans une terre, soit exilés ou « migrants »
(comme on dit aujourd’hui), ont tous été amenés à définir ce qu’était un pays, leur pays, en s’appuyant sur la réalité complexe de ses limites, de son cadre, de ses
contours, toutes choses elles-mêmes évolutives, bien souvent... Mais aussi sur la réalité de la vie elle-même, avec ses migrations imposées, ses changements
aléatoires, ses aventures imprévues, ses pérégrinations forcées… Car que signifie « appartenir à un pays » ? Cette appartenance a-t-elle la même légitimité
lorsqu’il s’agit du pays de sa naissance ou d’un pays d’adoption ? Question que les hommes se sont toujours posées… Et de la même façon, en raison de la même
obsession ou nécessité vitale, bien des œuvres sont nées de ce questionnement qui engage d’une certaine manière tout le sens de la vie humaine.
Concernant la frontière entre les Etats-Unis d’Amérique et le Mexique, ce questionnement n’a cessé de hanter les deux pays, et en particulier les
cinématographies « inégales » de ces deux pays. « Inégales » parce que n’ayant pas disposé, à travers leur histoire, des mêmes moyens de production, reflétant
ainsi le déséquilibre « Nord – Sud » qui continue aujourd’hui de poser problème. Mais « inégales » aussi (sans aucun jugement de valeur), parce que la plupart
du temps, le discours des cinéastes sur cette frontière n’était pas, ne pouvait pas être le même d’un côté et de l’autre. Car cette frontière est née de l’esprit de
conquête des uns et de la résistance (et de la défaite) des autres, elle est née de la guerre, de la souffrance, du sacrifice, d’un « choc de civilisations », autant de
phénomènes dont tous les protagonistes qui y furent impliqués de part et d’autre ne pouvaient pas avoir la même lecture. C’est cette différence fondamentale
d’approche de l’histoire, d’interprétation des événements, qui rend si passionnante la comparaison entre le cinéma mexicain et le cinéma américain sur un sujet
non seulement historique, mais toujours aussi sensible et actuel aujourd’hui…
Mais une chose est sûre, à travers ces cheminements parallèles et si souvent opposés que nous souhaitons montrer dans ce film documentaire : c’est que
contrairement à la recommandation antique de Pythagore, les cinéastes dont nous évoquerons les œuvres n’ont jamais « détourné les yeux de la frontière »…
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NOTE D’INTENTION :
La frontière visible et invisible
Nous explorons la longue histoire du cinéma américain et du cinéma mexicain traitant, sur les modes les plus variés et les plus changeants avec le temps, du
thème de la frontière séparant les Etats-Unis du Mexique…
Le Château de la Pureté, d’Arturo Ripstein
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L’une des caractéristiques les plus fortes du cinéma américain depuis ses origines – c’est une chose bien connue – tient à ce qu’il a toujours su traiter et affronter
les problèmes les plus douloureux ou sensibles de l’histoire des Etats-Unis, que cette histoire soit déjà située dans son passé plus ou moins reculé, ou qu’elle soit
si récente qu’elle se confonde presque avec l’actualité ou avec les problèmes contemporains de la société américaine. Dans ce dernier cas, il s’agit alors de films
que l’on pourrait qualifier d’ « hybrides » ou de « frontaliers », dans lesquels, tout en traitant un sujet de l’histoire récente, ce même sujet prend une résonance
contemporaine évidente, ou rejoint même les thèmes encore brûlants de l’actualité américaine.
Ce que l’on sait peut-être moins (tant la domination culturelle du cinéma américain est grande par rapport aux cinématographies nationales de tous les autres
pays), c’est que le cinéma mexicain, le cinéma produit dans ce grand pays si proche et profondément « autre » en même temps, répond à sa manière à la même
caractéristique. Eminemment sensible aux problématiques de société, de sa propre histoire, et de ses relations avec son grand voisin du nord, le cinéma
mexicain, bien que très différent dans ses productions, peut être vu, en face du cinéma américain, comme par un effet-miroir en ce qui concerne son intérêt
constant pour les sujets de son histoire et de sa société, avec toute la lucidité, le courage, la liberté qu’il faut pour les traiter d’une façon juste, profonde et, au
besoin, autocritique…
Mais si ces deux cinématographies traitent séparément de divers sujets concernant leur propre histoire ou leur propre société, il est un sujet qui par sa nature
même ne pouvait que les réunir dans un même intérêt, voire dans une même obsession, c’est celui de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Problème de longue
date, ancré dans l’histoire et dans les racines mêmes de ces pays, marqué d’une sorte de « péché originel » dû à sa formation sous le sceau de la guerre, et d’une
inégalité Nord / Sud qui ne s’est jamais démentie…
À l’histoire très complexe de la constitution de cette frontière longue de 3200 kilomètres et reliant l’Atlantique au Pacifique, de l’embouchure du Rio Grande à
l’Est, côté Atlantique, jusqu’à la pointe Ouest de la Californie côté Pacifique, répond une double histoire du cinéma, américain et mexicain, sur ce sujet
récurrent et obsédant. Double histoire ou, de diverses façons, histoires parallèles, histoires opposées, ou parfois même, histoires communes…
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Frontière naturelle du Rio Grande
Nous proposons de réaliser un film documentaire sur ces histoires jumelles du cinéma de la frontière, mais d’une gémellité qui peut être aussi bien celle
de deux frères ennemis que celle de deux « ennemis » cherchant à fraterniser, ou du moins, à se comprendre…
Mur-frontière dans la région de Tecate
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Sans entrer ici dans le détail des films que nous retiendrons (il en existe tellement que nous ne pouvions que faire une sélection de films significatifs), disons
simplement que le thème de la frontière, dans cette double histoire, n’est pas toujours traité (loin s’en faut) comme un motif simplement « physique » ou visuel,
qui ne consisterait qu’à montrer la frontière et ses emblèmes en tant que tels, même s’ils seront aussi très présents : postes-frontières, douaniers, surveillance,
etc. Mais la frontière est souvent, pour ainsi dire, implicite, ou invisible, à travers certaines histoires, certaines représentations humaines qui pourtant ne parlent
que d’elle. C’est le cas notamment par le biais de la représentation de l’ « autre » dans les films situés en zones frontalières et traitant de sujets en relation avec
elles : quelles sont les images du Mexicain, et quelle est surtout
l’évolution de ces images, dans le cinéma américain ? Quelle sont les
images de l’Américain dans le cinéma mexicain ? Mais aussi bien :
quelles sont les images que les Mexicains comme les Américains se font
d’eux-mêmes – par rapport à l’ « autre » – dans leurs propres films ? En
un mot : quelles sont les frontières mentales, culturelles,
psychologiques qui séparent… ou qui relient les deux pays et les deux
peuples ? Tels sont les enjeux qui, bien souvent, dans les films, parlent de
la frontière sans jamais la montrer…
Notre propos, à la fois dans la forme et dans le fond, sera de jouer en
permanence sur cette double « présence » de la frontière dans le
cinéma : sa présence physique, géographique, emblématique dans
nombre d’images, et sa présence abstraite, psychologique,
culturelle, dans nombre de films qui en font un véritable sujet de
réflexion et d’analyse…
La Soif du Mal (Orson Welles, 1958), ou la frontière psychologique sur la frontière physique…
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Cela étant posé, dire que la vision de la frontière, ou de ces frontières, n’est pas la même dans le cinéma américain et dans le cinéma mexicain aurait quelque chose d’un
peu tautologique, ou du moins d’un peu convenu, mais en réalité, le problème ne peut pas se poser dans des termes aussi simples et aussi généraux.
A l’image de la frontière elle-même, de ses ambiguïtés, de sa complexité, les films interrogent ce thème certes différemment de part et d’autre, mais non nécessairement
pour se contester ou se contredire mutuellement, ou pour s’opposer front contre front, mais plutôt pour former des familles (de pensée, de sensibilité, de compréhension
mutuelle ou d’incompréhension radicale, etc.), dont certaines sont justement transversales ou transfrontalières.
Jaula de oro de Diego Quemada-Diez
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Autrement dit, s’il peut y avoir des films mexicains autocentrés et des films américains autocentrés (les films conçus comme tels restant dans leur propre famille si
l’on veut), ne présentant donc qu’une vision idéologique propre à leur pays, ou à leur « patriotisme », nous pouvons aussi discerner des films des deux côtés se
rejoignant, s’affiliant entre eux par un certain effort de compréhension de l’ « autre », et de la complexité du thème de la frontière lui-même.
C’est tout l’enjeu de notre projet documentaire que de montrer ce monde fascinant d’une frontière aux interprétations multiples dans le cinéma…
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NOTE DU REALISATEUR
Depuis toujours, les frontières occupent l’esprit des Hommes et les poussent à voir ce qui s’y trouve au-delà. Cette curiosité, ce désir de découverte et
d’expérimentation m’habite également.
Les séparations géographiques, physiques ou imaginaires délimitant les espaces dans lesquels nous vivons, font partie intégrante de ma vie car je collabore
régulièrement avec des artistes étrangers et me déplace souvent pour les rencontrer, eux et leur univers. Aujourd’hui, je franchis ces démarcations que j’aimerai
ne plus voir, ne plus les percevoir comme une restriction de notre liberté de mouvement et de pensée. Elles finissent toujours pas nous rattraper.
Pourtant ces frontières, ces limites, je cherche en permanence à les franchir, à les repousser, à les transgresser, et ce, dans mon travail comme dans ma vie, ainsi
que peut en attester ma filmographie. Les artistes avec qui j’ai choisi de collaborer (Larry Clark, John Waters, Jonathan Caouette…), reflètent ce désir de
transgression, d’expérimentation, d’affranchissement de la forme comme du fond.
Je cherche à explorer les frontières de l’interdit. Parmi celles-ci, il y a la frontière du genre, du sexe que j’ai souvent exploré dans le documentaire avec, par
exemple, le travesti warholien Holly Woodlawn, ou encore le moyen métrage "So Long Mr Monroe" réalisé par Eric Dahan.
Aussi depuis une quinzaine d’années je travaille en tant que réalisateur ou producteur avec des des artistes et réalisateurs américains et depuis 5 ans
maintenant j’en fais de même au Mexique. Et c’est inconsciemment, je pense, que j’ai voulu réunir ces deux territoires cinématographiques autour d’un même
thème, la frontière qui les sépare, ou, pourquoi pas, oser la frontière qui les réunit.
Pierre-Paul Puljiz
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UN VOYAGE DOCUMENTAIRE ET IMAGINAIRE
Projet narratif autant que documentaire, le film que nous proposons sur les cinémas de la Frontière entre les Etats-Unis et le Mexique se déploie selon
deux axes simples et complémentaires :
1°/ Routes frontalières pour une voix unique
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La Frontière séparant les Etats-Unis du Mexique est tout d’abord un décor, ou plus exactement, une multiplicité de décors. Si les cinéastes des deux pays se
sont autant intéressés à ce sujet, c’est bien évidemment pour les problèmes complexes qu’il pose aux deux sociétés en question, pour les enjeux historiques,
sociaux, politiques, humains liés à cette Frontière, mais c’est aussi parce que ce sujet est aussi et tout d’abord un motif, au sens visuel ou graphique du terme :
décors naturels (fleuve Rio Grande sur 2000 km de frontière, déserts inhospitaliers, massifs montagneux, canyons, etc.), décors urbains (nombreuses villes-
jumelles), checkpoints, Bornes-Frontières, grillages, mur de séparation, etc. Mais également la présence humaine, qui joue comme une « signalétique » de la
Frontière, avec notamment la United States Border Patrol côté américain, ou les maquiladoras (usines frontalières exonérées de droits de douane) côté mexicain.
Les films de cinéma, américains et mexicains, évoqués dans notre film documentaire exploitent, chacun à leur façon, l’ensemble de ces éléments, et nous en
aurons un aperçu à travers des extraits ou des commentaires de nos intervenants. Nous verrons dans ces extraits ces décors caractéristiques, cette signalétique
propre à la Frontière matérialisée entre les USA et le Mexique.
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Mais nous reprenons aussi à notre compte, dans notre propre tournage, tout cet aspect visuel de la Frontière, en parcourant les différents décors, soit
du côté américain, soit du côté mexicain. Nous croyons en effet que le sujet même de la Frontière se prêtait idéalement, même pour un documentaire
historique, à une « revisitation » actuelle de cette Frontière. Il s’agit donc pour nous de réaliser une sorte de voyage, autant dans la géographie que dans
l’histoire de la Frontière au cinéma…
Le dispositif du voyage géographique est à la fois simple et léger à l’intérieur de la forme générale du film, qui reste dominée par l’histoire des films s’inspirant
de Frontière et par des intervenants (cinéastes, historiens du cinéma, acteurs, etc.) :
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Dès le début du film, une voiture (une voiture européenne, sans âge, ni particularités) surgit et roule sur une route, quelque part sur la zone frontalière, au
Texas, ou dans la province mexicaine de Chihuahua. Les paysages défilent, tantôt le fleuve, tantôt le désert, tantôt les postes-frontières, puis ce déplacement
surprend le passage d’une patrouille à cheval de la Border Patrol américaine…
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Nous ne voyons pas le conducteur, mais, tandis que la voiture glisse sur la route, nous entendons sa voix : c’est une voix féminine qui, au fil de la route,
s’adresse par lettre à un destinataire, concerné par cette histoire de la Frontière au cinéma, et dont elle attend des réponses qui seront données par la
partie purement documentaire du film (c’est-à-dire d’une façon générale à travers des extraits de films, des intervenants, des témoignages en archives de
cinéastes, des photographies). Ce premier destinataire, c’est John Ford. C’est le plus grand réalisateur de westerns, pour ainsi dire l’inventeur du genre. Et le
western c’est, par excellence, le genre du film sur la Frontière, celle des pionniers qui avançaient inexorablement vers l’Ouest. Cette voix veut savoir, en
s’adressant à John Ford (c’est-à-dire essentiellement à son cinéma) comment tout a commencé… Comment le thème de la Frontière s’est-il imposé à lui ?...
Puis, à intervalles (plus ou moins) réguliers dans le cours du film, cette voiture réapparaît, sur de
nouvelles routes, dans de nouveaux décors, dans de nouveaux Etats mexicains ou américains, mais
toujours dans des zones frontalières, et toujours accompagnée de cette voix mystérieuse qui s’adresse,
dans un mélange de curiosité et de familiarité, à de nouvelles personnalités qui, disparues ou encore
vivantes et en activité, lui répondront en apparaissant ou « réapparaissant » par la suite, en racontant
leur cinéma de la Frontière, ou à travers des extraits de leurs films.
Ainsi, cette « voix voyageuse », au fil de l’itinéraire de la voiture, interpelle, en interrogeant ou en
évoquant de manière poétique le film, le réalisateur ou l’un de ses acteurs (exemples) :
John Ford (sur une route du Texas ou de la province de Chihuahua) :
La voix l’interroge sur la naissance du western, avec le thème central de la Frontière des Pionniers et la Conquête de l’Ouest.
→ Extraits des premiers westerns de John Ford.
→ Archive de John Ford expliquant sa conception du western et de la figure du Pionnier de la Frontière.
→ Extrait de Rio Grande, film de 1950
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Rio Grande à gauche / La Poursuite Infernale à droite
James Dean (sur une route proche de Marfa et de Presidio, Texas, ou de Ojinaga, Chihuahua) :
La voix l’interroge sur son rôle dans Giant de Georges Stevens, et sur la région texane de Marfa où le film a été tourné.
→ Extrait de Giant avec James Dean dans le désert frontalier de Marfa.
→ Un historien retrace l’évolution du western et du tracé de la Frontière jusqu’à Giant, et l’émergence de la communauté mexicaine dans ce film.
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Giant à gauche / La Soif du mal à droite
Orson Welles (sur une route de Californie, près de San Diego, non loin de Tijuana) :
La voix l’interroge sur l’un de ses films majeurs, La Soif du Mal, et lui demande notamment pourquoi, dans ce film, il a inventé une ville imaginaire à la frontière
des Etats-Unis et du Mexique.
→ Extrait de La Soif du Mal.
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→ Archive d’Orson Welles parlant de La Soif du Mal.
Alejandro González Iñarritu (sur la route de Tecate et d’El Pinacate, dans le désert d’Altar, Etat de Sonora, Mexique) :
La voix l’interroge sur la conception de son film Babel, sur le rôle symbolique de la Frontière dans ce film, et sur le choix du désert d’Altar, dans l’Etat de Sonora, pour le tournage du film.
→ Extrait de Babel.
→ Iñarritu revient sur le périple de son personnage d’Amelia, une nounou mexicaine travaillant aux Etats-Unis qui décide de retourner au Mexique en
emmenant les deux enfants d’un couple d’Américains.
Diego Quemada-Diez (sur une route proche d’El Paso et de Ciudad Juarez) :
La voix interroge le cinéaste de La jaula de oro sur les problèmes d’immigration clandestine entre le Mexique et les USA, et sur les cartels qui minent la Frontière.
→ Extrait de La jaula de oro, lorsque les personnages d’adolescents servent de mule pour passer la frontière.
→ Commentaires de Diego Quemada-Diez sur son film et sur la vision de la Frontière qu’il y développe, notamment sur la présence des cartels de la drogue.
Larry Clark (sur la route de Marfa à Presidio, Texas) :
La voix l’interroge sur le cinéma contemporain de la Frontière et sur les raisons pour lesquelles il a tourné Marfa Girl dans la région texane frontalière du Mexique, au même endroit que
Giant.
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→ Extrait de Marfa Girl.
→ Larry Clark explique sa vision de la Frontière et de la coexistence des communautés dans son film Marfa Girl.
Babel
Marfa Girl à gauche / La Jaula de Oro à droite
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2°/ Thèmes de la Frontière
Le Western, le mythe de la frontière
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Comme nous l’avons vu, notre histoire des cinémas de la Frontière s’enchâsse dans un voyage géographique le long de cette frontière. Mais elle demeure avant
tout une histoire, c’est-à-dire une évolution cinématographique à travers le temps. Cette histoire étant très vaste (presque autant que la frontière elle-même !), et
comportant des centaines de films, il serait illusoire de vouloir l’évoquer de façon exhaustive dans l’espace resserré d’un film de moins d’une heure. C’est
pourquoi nous préférons privilégier une histoire thématique de ce cinéma, en sélectionnant des thèmes récurrents autour de la Frontière, thèmes qui d’ailleurs
sont souvent aussi des obsessions dans l’imaginaire et dans les préoccupations des cinéastes. En outre, cette sélection thématique, avec son caractère subjectif,
ses préférences cinématographiques, mais aussi son choix de personnalités convoquées, nous semble devoir épouser harmonieusement la première subjectivité
du film, celle de l’itinéraire géographique et de la voix épistolaire qui l’accompagne…
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Voici les thèmes que nous avons retenus, et qui formeront donc une histoire de la Frontière USA-Mexique au cinéma. Pour chacun des thèmes, nous donnons
l’aperçu d’un contenu qui sera développé par nos intervenants et illustré par des extraits de films et des photographies :
1°/ La fondation du western et la formation du western classique : la frontière toujours repoussée vers l’Ouest.
Commentaire d’un spécialiste :
Genre parmi les genres, le Western n’existe que par L’Amérique, son territoire, ses paysages, et ne porte que sur une période très courte de son Histoire : la
conquête de l’Ouest. Le western nous raconte un mythe typiquement et exclusivement américain, fondateur de la culture de ce pays : le mythe de la frontière,
théorisé à la fin du 19e siècle au moment même où celle-ci disparaît. Portant ce mythe, et travaillé par lui, le genre n’a cessé en retour de le questionner. Ainsi
son Histoire, à travers les trois grandes périodes qui composent la conférence (Western classique, Sur-Western et Western crépusculaire) ne cesse de nous
raconter la lente désagrégation du mythe, de La Piste des géants de Raoul Walsh à Impitoyable de Clint Eastwood.
Films : westerns de John Ford, de Raoul Walsh, de Howard Hawks.
2°/ La charnière des décennies 50 et 60.
Après l’apogée du western classique, celui des années 40 notamment, le western change de sens dans la mesure où c’est la Frontière elle-même qui est perçue
autrement : la conquête de l’Ouest est terminée, et avec elle, l’esprit même de la conquête. C’est maintenant la frontière, la longue la séparation avec le Mexique,
définitivement tracée, qui « pose problème », et dont les échos vont commencer à émerger dans les films, notamment à travers le thème de l’immigration, de la
coexistence des communautés hispanique et américaine, et en toile de fond, les inégalités Nord / Sud.
Films : Giant, de Georges Stevens. Incident de frontière, de Anthony Mann. La horde sauvage, de Sam Peckinpah. La Soif du Mal, Orson Welles.
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3°/ L’émergence d’un cinéma mexicain moderne, années 70 jusqu’au cinéma contemporain.
Si on considère l’histoire parallèle des cinémas de part et d’autre de la frontière, on ne peut que constater une flagrante inégalité de production entre les deux
pays, pendant très longtemps, qui reflète d’ailleurs bien l’inégalité plus générale, économique notamment, entre ces deux pays. Dans les années 70, le Mexique
émerge et commence à donner des cinéastes et des films de grande valeur, qui proposent notamment une vision du problème de la frontière bien différente de
celle qui avait prévalu jusque là dans le cinéma américain…
Films des années 70 d’Arturo Ripstein, Jorge Fons, Felipe Cazals…
Films contemporains de Iñarritu (Babel), Diego Quemada-Diez (La jaula de oro).
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4°/ Cinéma américain contemporain : le passage d’une frontière dynamique, conquérante, pionnière, à une frontière fermée et sécuritaire.
Nous abordons ici, en effet-miroir du cinéma mexicain, une sorte de hantise de la frontière avec le Mexique qui émerge dans le cinéma américain. La frontière,
comme en une inversion de l’esprit de conquête des pionniers (aussi bien ceux du 19ème
siècle que ceux des premiers temps du cinéma), est devenue symbole de
fermeture, de surveillance, de contrôle de l’immigration, de cartels de la drogue…
Films : Traffic, de Steven Soderbergh. Cartel, de Ridley Scott. Marfa Girl, de Larry Clark. No country for old men, de Joël et Ethan Coen.
5°/ Pourquoi franchir la frontière ?
Enfin, nous nous posons la question, en confrontant des points de vue américains et mexicains, du sens que revêt le franchissement de la frontière dans
différents films, selon que ce sont des Mexicains qui veulent aller aux USA ou des Américains qui veulent rejoindre le Mexique. Et ce problème peut être posé
de la façon suivante à nos intervenants :
Mexique → USA : rêve américain ou cauchemar mexicain ?
USA → Mexique : choix positif ou exil forcé ?
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Il apparaît en effet, de façon d’ailleurs assez saisissante dans le cinéma contemporain des deux pays, que dans la plupart des scénarios, le Mexicain quittant son
pays va chercher à « conquérir » quelque chose aux Etats-Unis, alors que l’Américain rejoignant le Mexique va plutôt « fuir » quelque chose de menaçant dans
son propre pays. Du reste, c’est bien souvent lui-même que l’Américain cherche à fuir en franchissant la frontière, comme si ses propres démons ne pouvaient le
laisser en paix que dans le monde « autre » du Mexique…
D’où notre double question conclusive : la « nouvelle conquête » (nouveau western ?) vient-elle du Sud vers le Nord, et qu’est-ce que l’Amérique du Nord
redoute d’elle-même pour aller chercher refuge au Sud ?…
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Itinéraire…
Eclairages sur le voyage
De façon à rendre la suite (l’itinéraire) plus facilement compréhensible, nous donnons quelques éléments généraux :
1 ─ Les Etats-Unis et le Mexique étant des Républiques fédérales, ils sont organisés par grands « Etats », dont voici la répartition de ceux qui touchent la
frontière (d’Est en Ouest) :
Etats américains frontaliers : Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Californie.
Etats mexicains frontaliers : Tamaulipas, Nuevo León, Coahuila de Zaragoza, Chihuahua, Sonora, Baja California.
2 ─ La frontière étant longue de 3200 kilomètres, il va de soi que nous ne la couvrons pas continûment, et
que nous procédons par « ellipses géographiques », mentionnées par la voix off de la conductrice invisible
qui précise régulièrement les points où la voiture se trouve et les distances déjà parcourues. Nous ferons
figurer en revanche tous les divers paysages et motifs de la frontière, qui concentrent pour ainsi dire tous les
cas de figure de la géographie naturelle et de l’intervention humaine.
Précisons enfin que la nature même de notre sujet nous oblige à choisir l’un des côtés de la frontière pour
réaliser notre parcours, puisque la voiture ne saurait rouler en même temps aux Etats-Unis et au
Mexique… C’est la raison pour laquelle le trajet alternera entre les deux pays, passant donc régulièrement la frontière dans un sens puis dans l’autre, pour faire
des segments du parcours alternativement dans chacun des pays…
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Paysages et motifs de la frontière :
- Le fleuve Rio Grande (2000 kilomètres de séparation naturelle entre les deux pays en partant de la côte Atlantique.
- Zones urbanisées et villes-jumelles.
- Postes-frontières.
- Maquilladoras (ou zones de traitement pour l’exportation) côté mexicain et patrouilles de la « US Border Patrol » (ou police des frontières) côté américain.
- Déserts inhospitaliers, canyons.
- Chaînes de montagnes.
- Mur de séparation ou « Barrière Etats-Unis – Mexique » issue du « Secure Fence Act » de 2006.
- Le cas des « Bornes Frontières ».
3 ─ Enfin, ce sont bien entendu les films eux-mêmes qui renverront notre trajet et ses étapes en des
zones ou des points précis de la frontière. Qu’ils soient américains ou mexicains, les films que la
conductrice évoque et que commentent nos intervenants (ou plutôt l’action de ces films), se situent en
des points différents de la frontière, qui n’ont pas le même « sens » ni la même histoire selon la géographie
et l’histoire des régions concernées, et qui renvoient eux-mêmes à des thèmes ou à des problématiques
différentes sur ce sujet. Ce sont donc les films qui d’une certaine manière organisent thématiquement
l’itinéraire le long de la frontière, puisqu’en nous arrêtant sur certains points de cet itinéraire, ces films
en ressortent naturellement, comme le génie sortant de sa bouteille… Il s’agit ainsi de faire coïncider
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l’itinéraire actuel avec un voyage dans le cinéma de la frontière, dont les films émergent grâce aux paysages de la frontière…
Observons d’ailleurs que notre parcours en « zigzag » renforce encore cette possibilité de coïncidence entre le parcours physique et le parcours
cinématographique, dans la mesure où les segments de notre parcours en voiture, alternés entre Mexique et Etats-Unis, permettent plus clairement les
« entrées » alternatives, appuyées par la voix off, de films mexicains ou américains…
Il faut noter enfin que certains thèmes reviennent quasi obsessionnellement dans ces films américains et mexicains sur la frontière. Nous en voyons deux se
dégager particulièrement, qui auront une grande importance dans le discours du film : le trafic de drogue et l’immigration clandestine des Mexicains (et
plus généralement des Latinos) vers les USA. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces thèmes se concentrent beaucoup eux-mêmes, dans nombre de films,
sur des zones récurrentes de la frontière, comme certains points de la frontière avec le Texas, ou le point chaud représenté par le binôme « San Diego –
Tijuana ». La frontière est donc certes très longue, mais l’action des films sur la frontière tend aussi à se concentrer en des points « stratégiques » et récurrents
qui de ce fait revêtent un caractère symbolique fort…
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Un parcours elliptique
L’itinéraire se fait d’Est en Ouest, depuis l’embouchure du Rio Grande dans le golfe du Mexique (à la jonction entre l’Etat du Texas côté américain, et de l’Etat
de Tamaulipas côté mexicain) et la première ville-jumelle de « Brownsville / Matamoros », jusqu’à l’extrême ouest, dans la zone frontalière en Californie de
« San Diego-Tijuana ». Comme nous l’avons déjà vu, la frontière étant extrêmement longue (3200 kilomètres), la route sera faite bien entendu de grands
segments choisis, et, à l’intérieur de ces segments, d’étapes ou de points-clé sur la frontière, ou dans des zones proches de la frontière, aux Etats-Unis comme au
Mexique.
Le premier grand segment de l’itinéraire est en quelque sorte imposé par une donnée naturelle,
puisque c’est le long fleuve Rio Grande (ou Rio Bravo pour les Mexicains) qui fait office de
frontière naturelle entre les deux pays, sur environ 2000 kilomètres de son cours. Nous avons
alors, au nord, côté américain, l’immense état du Texas, et au sud, pour le Mexique, les Etats de
Tamaulipas, Nuevo León, Coahuila de Zaragoza, et une partie de l’Etat de Chihuahua. En suivant
cette longue première partie de la frontière, nous croisons et nous nous arrêtons sur des points-clé
qui seront essentiellement des villes frontalières ou villes-jumelles :
Brownsville (Texas) / Matamoros (Tamaulipas) : villes de départ.
MacAllen (Texas) / Reynosa (Tamaulipas)
Laredo (Texas) / Nuevo Laredo (Tamaulipas)
Eagle Pass (Texas) / Piedras Negras (Coahuila de Zaragoza)
Del Rio (Texas) / Ciudad Acuña (Coahuila de Zaragoza)
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Marfa + Presidio (Texas) / Ojinaga (Chihuahua)
El Paso (Texas) / Ciudad Juarez (Chihuahua) : fin du Rio Grande comme frontière naturelle.
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A partir de « El Paso / Ciudad Juarez », le Rio Grande poursuit son cours vers le nord pour traverser le Nouveau-Mexique, et atteindre enfin le Colorado où il
prend sa source dans les montagnes Rocheuses.
Quittant le fleuve et « El Paso / Ciudad Juarez », nous continuons donc vers l’ouest, le long d’une frontière devenant entièrement terrestre, en traversant le
Nouveau-Mexique, l’Arizona et enfin la
Californie (correspondant côté mexicain
aux Etats de : Chihuahua, Sonora et Baja
California). Là encore, nous nous arrêtons
sur des points-clé de la frontière :
Columbus (Nouveau-Mexique) / Puerto
Palomas (Chihuahua)
Douglas (Arizona) / Agua Prieta (Sonora)
Nogales (Arizona) / Heroica Nogales
(Sonora)
Lukeville (Arizona) / Sonoyita (Sonora)
Yuma (Arizona) / San Luis Río Colorado
(Sonora)
Calexico (Californie) / Mexicali (Baja California)
Tecate (Californie, USA) / Tecate (Baja California, Mexique)
San Diego (Californie) / Tijuana (Baja California) : fin du voyage.
32
Fin du voyage et de la barrière entre San Diego et Tijuana.
33
Go West !
(Pourquoi suivre un itinéraire d’Est en Ouest ?)
L’expression « Go West, young man » est généralement attribuée au fameux éditorialiste
Horace Greeley dans son journal, le New York Tribune, en 1865. Elle est devenue le symbole de ce
que l’on a appelé plus communément la Conquête de l’Ouest, laquelle nous apparaît comme
l’histoire même de la Frontière, de son tracé complexe, de ses enjeux humains, et par
conséquent, du cinéma extraordinairement riche qui s’en est fait l’écho. En fait, Greeley
définissait ainsi un grand mouvement, une dynamique qui voulait encourager le « jeune
Américain » à repousser toujours plus avant la Frontière du pays, dynamique qui constitue
également la matrice et la physionomie de notre film.
Nous avons déjà précédemment un peu abordé le problème de cette dynamique américaine qui a eu par là même de prodigieuses conséquences sur l’histoire du
Mexique, mais nous aimerions y insister pour conclure notre présentation :
1 – le mouvement de l’Est vers l’Ouest permet d’introduire symboliquement (notamment grâce à la voix off qui conduit le récit… et la voiture) au thème, en forme
de rappel historique, du Mythe de la Frontière américain : aussi bien dans l’histoire américaine en tant que telle, que dans l’histoire du cinéma américain qui
en est le reflet, la Frontière des pionniers s’est constituée par un grand mouvement conquérant de l’Est vers l’Ouest. Concernant le cinéma, c’est d’une certaine
34
façon toute l’histoire du western qui est contenue dans ce Mythe de la Frontière,
constamment repoussée vers l’Ouest. Chemin faisant vers l’Ouest en partant de l’Est, nous
« accrochons » donc le thème du western américain au sens même de notre route…
2 – En partant du point Est de la frontière, nous longeons donc tout d’abord l’immense Etat du
Texas, sur environ 2000 kilomètres, le long du fleuve Rio Grande. Or ce vaste territoire du
Texas a été historiquement, en plein 19ème
siècle, le premier enjeu de la guerre américano-
mexicaine (1846-1848), provoquée à la suite de l’annexion de l’Etat souverain du Texas (ou
République du Texas) par les Etats-Unis, en 1845. Et c’est bien la victoire des Etats-Unis qui,
en forçant le Mexique à lui vendre de vastes territoires (la fameuse « Cession mexicaine »,
correspondant approximativement à l’actuel Sud-Ouest des Etats-Unis), explique en grande
partie l’origine du tracé de cette frontière « artificielle » entre les deux pays.
Le Texas et les Etats frontaliers du Mexique qui lui font face (Tamaulipas, Nuevo León, Coahuila de Zaragoza, et une partie de l’Etat de Chihuahua)
constituent donc l’origine historique du « problème de la frontière », et il nous paraît à ce titre logique de commencer notre cheminement par l’évocation « en
situation » de ce problème originel…
De surcroît, l’histoire du cinéma elle-même semble reproduire ce mouvement historique cristallisé autour du Texas, dans la mesure où les premiers films à
s’intéresser au problème de la frontière (et des relations américano-mexicaines qui en découlent) sont bien davantage situés dans les zones frontalières du
Texas et du Mexique que dans les zones situées à l’Ouest, lesquelles (comme par exemple la zone « San Diego / Tijuana » en Californie) n’apparaîtront de
manière significative dans les films qu’ultérieurement. L’un des exemples les plus emblématiques du problème de la frontière entre le Texas et le Mexique
demeure, pour ce cinéma « classique », le film Giant, de Georges Stevens, qui s’attaquait déjà, dans les années 50, aux problèmes de discrimination et de racisme
à l’égard des Mexicains au Texas…
35
TAMARA FILMS
Siège social : 162, rue du Gal de Gaulle
78740 Vaux sur Seine
Adresse postale : 31, rue de Navarin 75009 Paris
Tel : +33 (0)6 24 03 13 16
Mail : carole@tamarafilms.com

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Cinémas de la frontière (USA - Mexique)

  • 1. Cinémas dé la frontiéré Etats-Unis – Mexique Projet de film documentaire (52 mn). Réalisé par Pierre-Paul Puljiz. Ecrit par Thierry Bellaïche. sur une idée originale de Pierre-Paul Puljiz. Lettres écrites et lues par Valérie Maës
  • 2. 1 La frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est le résultat d’une histoire longue, complexe et douloureuse, indissociable de la « création » des Etats-Unis. Le cinéma américain ainsi que le cinéma mexicain se sont très tôt saisis de ce sujet, pour en donner, le plus souvent, des visions fort différentes. C’est cette histoire comparée du thème de la frontière Mexique – Etats-Unis, à travers l’évolution du cinéma de ces deux pays, que nous proposons de retracer dans ce film documentaire… Stagecoach, de John Ford, c’est le film qui relança un genre (le western) et deux carrières (celle de Ford et de John Wayne) et qui deviendra la marque de fabrique de Ford (Monument Valley)
  • 3. 2 SOMMAIRE — Introduction : « En quittant ton pays, détourne les yeux de la frontière »… ─ Note d’intention : la frontière visible et invisible ─ Note du réalisateur ─ Un voyage documentaire et imaginaire… - Routes frontalières pour une voix unique… - Thèmes de la Frontière ─ Itinéraire… - Eclairages sur le voyage - Un parcours elliptique ─ Go West !
  • 4. 3 Introduction « En quittant ton pays, détourne les yeux de la frontière » Le thème de la frontière préoccupe l’homme depuis des temps immémoriaux. Cette phrase de Pythagore, qui a vécu au sixième siècle avant notre ère, peut en témoigner, comme tant d’autres écrites au fil des générations par des hommes qui, soit sédentaires et enracinés dans une terre, soit exilés ou « migrants » (comme on dit aujourd’hui), ont tous été amenés à définir ce qu’était un pays, leur pays, en s’appuyant sur la réalité complexe de ses limites, de son cadre, de ses contours, toutes choses elles-mêmes évolutives, bien souvent... Mais aussi sur la réalité de la vie elle-même, avec ses migrations imposées, ses changements aléatoires, ses aventures imprévues, ses pérégrinations forcées… Car que signifie « appartenir à un pays » ? Cette appartenance a-t-elle la même légitimité lorsqu’il s’agit du pays de sa naissance ou d’un pays d’adoption ? Question que les hommes se sont toujours posées… Et de la même façon, en raison de la même obsession ou nécessité vitale, bien des œuvres sont nées de ce questionnement qui engage d’une certaine manière tout le sens de la vie humaine. Concernant la frontière entre les Etats-Unis d’Amérique et le Mexique, ce questionnement n’a cessé de hanter les deux pays, et en particulier les cinématographies « inégales » de ces deux pays. « Inégales » parce que n’ayant pas disposé, à travers leur histoire, des mêmes moyens de production, reflétant ainsi le déséquilibre « Nord – Sud » qui continue aujourd’hui de poser problème. Mais « inégales » aussi (sans aucun jugement de valeur), parce que la plupart du temps, le discours des cinéastes sur cette frontière n’était pas, ne pouvait pas être le même d’un côté et de l’autre. Car cette frontière est née de l’esprit de conquête des uns et de la résistance (et de la défaite) des autres, elle est née de la guerre, de la souffrance, du sacrifice, d’un « choc de civilisations », autant de phénomènes dont tous les protagonistes qui y furent impliqués de part et d’autre ne pouvaient pas avoir la même lecture. C’est cette différence fondamentale d’approche de l’histoire, d’interprétation des événements, qui rend si passionnante la comparaison entre le cinéma mexicain et le cinéma américain sur un sujet non seulement historique, mais toujours aussi sensible et actuel aujourd’hui… Mais une chose est sûre, à travers ces cheminements parallèles et si souvent opposés que nous souhaitons montrer dans ce film documentaire : c’est que contrairement à la recommandation antique de Pythagore, les cinéastes dont nous évoquerons les œuvres n’ont jamais « détourné les yeux de la frontière »…
  • 5. 4 NOTE D’INTENTION : La frontière visible et invisible Nous explorons la longue histoire du cinéma américain et du cinéma mexicain traitant, sur les modes les plus variés et les plus changeants avec le temps, du thème de la frontière séparant les Etats-Unis du Mexique… Le Château de la Pureté, d’Arturo Ripstein
  • 6. 5 L’une des caractéristiques les plus fortes du cinéma américain depuis ses origines – c’est une chose bien connue – tient à ce qu’il a toujours su traiter et affronter les problèmes les plus douloureux ou sensibles de l’histoire des Etats-Unis, que cette histoire soit déjà située dans son passé plus ou moins reculé, ou qu’elle soit si récente qu’elle se confonde presque avec l’actualité ou avec les problèmes contemporains de la société américaine. Dans ce dernier cas, il s’agit alors de films que l’on pourrait qualifier d’ « hybrides » ou de « frontaliers », dans lesquels, tout en traitant un sujet de l’histoire récente, ce même sujet prend une résonance contemporaine évidente, ou rejoint même les thèmes encore brûlants de l’actualité américaine. Ce que l’on sait peut-être moins (tant la domination culturelle du cinéma américain est grande par rapport aux cinématographies nationales de tous les autres pays), c’est que le cinéma mexicain, le cinéma produit dans ce grand pays si proche et profondément « autre » en même temps, répond à sa manière à la même caractéristique. Eminemment sensible aux problématiques de société, de sa propre histoire, et de ses relations avec son grand voisin du nord, le cinéma mexicain, bien que très différent dans ses productions, peut être vu, en face du cinéma américain, comme par un effet-miroir en ce qui concerne son intérêt constant pour les sujets de son histoire et de sa société, avec toute la lucidité, le courage, la liberté qu’il faut pour les traiter d’une façon juste, profonde et, au besoin, autocritique… Mais si ces deux cinématographies traitent séparément de divers sujets concernant leur propre histoire ou leur propre société, il est un sujet qui par sa nature même ne pouvait que les réunir dans un même intérêt, voire dans une même obsession, c’est celui de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Problème de longue date, ancré dans l’histoire et dans les racines mêmes de ces pays, marqué d’une sorte de « péché originel » dû à sa formation sous le sceau de la guerre, et d’une inégalité Nord / Sud qui ne s’est jamais démentie… À l’histoire très complexe de la constitution de cette frontière longue de 3200 kilomètres et reliant l’Atlantique au Pacifique, de l’embouchure du Rio Grande à l’Est, côté Atlantique, jusqu’à la pointe Ouest de la Californie côté Pacifique, répond une double histoire du cinéma, américain et mexicain, sur ce sujet récurrent et obsédant. Double histoire ou, de diverses façons, histoires parallèles, histoires opposées, ou parfois même, histoires communes…
  • 7. 6 Frontière naturelle du Rio Grande Nous proposons de réaliser un film documentaire sur ces histoires jumelles du cinéma de la frontière, mais d’une gémellité qui peut être aussi bien celle de deux frères ennemis que celle de deux « ennemis » cherchant à fraterniser, ou du moins, à se comprendre… Mur-frontière dans la région de Tecate
  • 8. 7 Sans entrer ici dans le détail des films que nous retiendrons (il en existe tellement que nous ne pouvions que faire une sélection de films significatifs), disons simplement que le thème de la frontière, dans cette double histoire, n’est pas toujours traité (loin s’en faut) comme un motif simplement « physique » ou visuel, qui ne consisterait qu’à montrer la frontière et ses emblèmes en tant que tels, même s’ils seront aussi très présents : postes-frontières, douaniers, surveillance, etc. Mais la frontière est souvent, pour ainsi dire, implicite, ou invisible, à travers certaines histoires, certaines représentations humaines qui pourtant ne parlent que d’elle. C’est le cas notamment par le biais de la représentation de l’ « autre » dans les films situés en zones frontalières et traitant de sujets en relation avec elles : quelles sont les images du Mexicain, et quelle est surtout l’évolution de ces images, dans le cinéma américain ? Quelle sont les images de l’Américain dans le cinéma mexicain ? Mais aussi bien : quelles sont les images que les Mexicains comme les Américains se font d’eux-mêmes – par rapport à l’ « autre » – dans leurs propres films ? En un mot : quelles sont les frontières mentales, culturelles, psychologiques qui séparent… ou qui relient les deux pays et les deux peuples ? Tels sont les enjeux qui, bien souvent, dans les films, parlent de la frontière sans jamais la montrer… Notre propos, à la fois dans la forme et dans le fond, sera de jouer en permanence sur cette double « présence » de la frontière dans le cinéma : sa présence physique, géographique, emblématique dans nombre d’images, et sa présence abstraite, psychologique, culturelle, dans nombre de films qui en font un véritable sujet de réflexion et d’analyse… La Soif du Mal (Orson Welles, 1958), ou la frontière psychologique sur la frontière physique…
  • 9. 8 Cela étant posé, dire que la vision de la frontière, ou de ces frontières, n’est pas la même dans le cinéma américain et dans le cinéma mexicain aurait quelque chose d’un peu tautologique, ou du moins d’un peu convenu, mais en réalité, le problème ne peut pas se poser dans des termes aussi simples et aussi généraux. A l’image de la frontière elle-même, de ses ambiguïtés, de sa complexité, les films interrogent ce thème certes différemment de part et d’autre, mais non nécessairement pour se contester ou se contredire mutuellement, ou pour s’opposer front contre front, mais plutôt pour former des familles (de pensée, de sensibilité, de compréhension mutuelle ou d’incompréhension radicale, etc.), dont certaines sont justement transversales ou transfrontalières. Jaula de oro de Diego Quemada-Diez
  • 10. 9 Autrement dit, s’il peut y avoir des films mexicains autocentrés et des films américains autocentrés (les films conçus comme tels restant dans leur propre famille si l’on veut), ne présentant donc qu’une vision idéologique propre à leur pays, ou à leur « patriotisme », nous pouvons aussi discerner des films des deux côtés se rejoignant, s’affiliant entre eux par un certain effort de compréhension de l’ « autre », et de la complexité du thème de la frontière lui-même. C’est tout l’enjeu de notre projet documentaire que de montrer ce monde fascinant d’une frontière aux interprétations multiples dans le cinéma…
  • 11. 10 NOTE DU REALISATEUR Depuis toujours, les frontières occupent l’esprit des Hommes et les poussent à voir ce qui s’y trouve au-delà. Cette curiosité, ce désir de découverte et d’expérimentation m’habite également. Les séparations géographiques, physiques ou imaginaires délimitant les espaces dans lesquels nous vivons, font partie intégrante de ma vie car je collabore régulièrement avec des artistes étrangers et me déplace souvent pour les rencontrer, eux et leur univers. Aujourd’hui, je franchis ces démarcations que j’aimerai ne plus voir, ne plus les percevoir comme une restriction de notre liberté de mouvement et de pensée. Elles finissent toujours pas nous rattraper. Pourtant ces frontières, ces limites, je cherche en permanence à les franchir, à les repousser, à les transgresser, et ce, dans mon travail comme dans ma vie, ainsi que peut en attester ma filmographie. Les artistes avec qui j’ai choisi de collaborer (Larry Clark, John Waters, Jonathan Caouette…), reflètent ce désir de transgression, d’expérimentation, d’affranchissement de la forme comme du fond. Je cherche à explorer les frontières de l’interdit. Parmi celles-ci, il y a la frontière du genre, du sexe que j’ai souvent exploré dans le documentaire avec, par exemple, le travesti warholien Holly Woodlawn, ou encore le moyen métrage "So Long Mr Monroe" réalisé par Eric Dahan. Aussi depuis une quinzaine d’années je travaille en tant que réalisateur ou producteur avec des des artistes et réalisateurs américains et depuis 5 ans maintenant j’en fais de même au Mexique. Et c’est inconsciemment, je pense, que j’ai voulu réunir ces deux territoires cinématographiques autour d’un même thème, la frontière qui les sépare, ou, pourquoi pas, oser la frontière qui les réunit. Pierre-Paul Puljiz
  • 12. 11 UN VOYAGE DOCUMENTAIRE ET IMAGINAIRE Projet narratif autant que documentaire, le film que nous proposons sur les cinémas de la Frontière entre les Etats-Unis et le Mexique se déploie selon deux axes simples et complémentaires : 1°/ Routes frontalières pour une voix unique
  • 13. 12 La Frontière séparant les Etats-Unis du Mexique est tout d’abord un décor, ou plus exactement, une multiplicité de décors. Si les cinéastes des deux pays se sont autant intéressés à ce sujet, c’est bien évidemment pour les problèmes complexes qu’il pose aux deux sociétés en question, pour les enjeux historiques, sociaux, politiques, humains liés à cette Frontière, mais c’est aussi parce que ce sujet est aussi et tout d’abord un motif, au sens visuel ou graphique du terme : décors naturels (fleuve Rio Grande sur 2000 km de frontière, déserts inhospitaliers, massifs montagneux, canyons, etc.), décors urbains (nombreuses villes- jumelles), checkpoints, Bornes-Frontières, grillages, mur de séparation, etc. Mais également la présence humaine, qui joue comme une « signalétique » de la Frontière, avec notamment la United States Border Patrol côté américain, ou les maquiladoras (usines frontalières exonérées de droits de douane) côté mexicain. Les films de cinéma, américains et mexicains, évoqués dans notre film documentaire exploitent, chacun à leur façon, l’ensemble de ces éléments, et nous en aurons un aperçu à travers des extraits ou des commentaires de nos intervenants. Nous verrons dans ces extraits ces décors caractéristiques, cette signalétique propre à la Frontière matérialisée entre les USA et le Mexique.
  • 14. 13 Mais nous reprenons aussi à notre compte, dans notre propre tournage, tout cet aspect visuel de la Frontière, en parcourant les différents décors, soit du côté américain, soit du côté mexicain. Nous croyons en effet que le sujet même de la Frontière se prêtait idéalement, même pour un documentaire historique, à une « revisitation » actuelle de cette Frontière. Il s’agit donc pour nous de réaliser une sorte de voyage, autant dans la géographie que dans l’histoire de la Frontière au cinéma… Le dispositif du voyage géographique est à la fois simple et léger à l’intérieur de la forme générale du film, qui reste dominée par l’histoire des films s’inspirant de Frontière et par des intervenants (cinéastes, historiens du cinéma, acteurs, etc.) :
  • 15. 14 Dès le début du film, une voiture (une voiture européenne, sans âge, ni particularités) surgit et roule sur une route, quelque part sur la zone frontalière, au Texas, ou dans la province mexicaine de Chihuahua. Les paysages défilent, tantôt le fleuve, tantôt le désert, tantôt les postes-frontières, puis ce déplacement surprend le passage d’une patrouille à cheval de la Border Patrol américaine…
  • 16. 15 Nous ne voyons pas le conducteur, mais, tandis que la voiture glisse sur la route, nous entendons sa voix : c’est une voix féminine qui, au fil de la route, s’adresse par lettre à un destinataire, concerné par cette histoire de la Frontière au cinéma, et dont elle attend des réponses qui seront données par la partie purement documentaire du film (c’est-à-dire d’une façon générale à travers des extraits de films, des intervenants, des témoignages en archives de cinéastes, des photographies). Ce premier destinataire, c’est John Ford. C’est le plus grand réalisateur de westerns, pour ainsi dire l’inventeur du genre. Et le western c’est, par excellence, le genre du film sur la Frontière, celle des pionniers qui avançaient inexorablement vers l’Ouest. Cette voix veut savoir, en s’adressant à John Ford (c’est-à-dire essentiellement à son cinéma) comment tout a commencé… Comment le thème de la Frontière s’est-il imposé à lui ?... Puis, à intervalles (plus ou moins) réguliers dans le cours du film, cette voiture réapparaît, sur de nouvelles routes, dans de nouveaux décors, dans de nouveaux Etats mexicains ou américains, mais toujours dans des zones frontalières, et toujours accompagnée de cette voix mystérieuse qui s’adresse, dans un mélange de curiosité et de familiarité, à de nouvelles personnalités qui, disparues ou encore vivantes et en activité, lui répondront en apparaissant ou « réapparaissant » par la suite, en racontant leur cinéma de la Frontière, ou à travers des extraits de leurs films. Ainsi, cette « voix voyageuse », au fil de l’itinéraire de la voiture, interpelle, en interrogeant ou en évoquant de manière poétique le film, le réalisateur ou l’un de ses acteurs (exemples) : John Ford (sur une route du Texas ou de la province de Chihuahua) : La voix l’interroge sur la naissance du western, avec le thème central de la Frontière des Pionniers et la Conquête de l’Ouest. → Extraits des premiers westerns de John Ford. → Archive de John Ford expliquant sa conception du western et de la figure du Pionnier de la Frontière. → Extrait de Rio Grande, film de 1950
  • 17. 16 Rio Grande à gauche / La Poursuite Infernale à droite James Dean (sur une route proche de Marfa et de Presidio, Texas, ou de Ojinaga, Chihuahua) : La voix l’interroge sur son rôle dans Giant de Georges Stevens, et sur la région texane de Marfa où le film a été tourné. → Extrait de Giant avec James Dean dans le désert frontalier de Marfa. → Un historien retrace l’évolution du western et du tracé de la Frontière jusqu’à Giant, et l’émergence de la communauté mexicaine dans ce film.
  • 18. 17 Giant à gauche / La Soif du mal à droite Orson Welles (sur une route de Californie, près de San Diego, non loin de Tijuana) : La voix l’interroge sur l’un de ses films majeurs, La Soif du Mal, et lui demande notamment pourquoi, dans ce film, il a inventé une ville imaginaire à la frontière des Etats-Unis et du Mexique. → Extrait de La Soif du Mal.
  • 19. 18 → Archive d’Orson Welles parlant de La Soif du Mal. Alejandro González Iñarritu (sur la route de Tecate et d’El Pinacate, dans le désert d’Altar, Etat de Sonora, Mexique) : La voix l’interroge sur la conception de son film Babel, sur le rôle symbolique de la Frontière dans ce film, et sur le choix du désert d’Altar, dans l’Etat de Sonora, pour le tournage du film. → Extrait de Babel. → Iñarritu revient sur le périple de son personnage d’Amelia, une nounou mexicaine travaillant aux Etats-Unis qui décide de retourner au Mexique en emmenant les deux enfants d’un couple d’Américains. Diego Quemada-Diez (sur une route proche d’El Paso et de Ciudad Juarez) : La voix interroge le cinéaste de La jaula de oro sur les problèmes d’immigration clandestine entre le Mexique et les USA, et sur les cartels qui minent la Frontière. → Extrait de La jaula de oro, lorsque les personnages d’adolescents servent de mule pour passer la frontière. → Commentaires de Diego Quemada-Diez sur son film et sur la vision de la Frontière qu’il y développe, notamment sur la présence des cartels de la drogue. Larry Clark (sur la route de Marfa à Presidio, Texas) : La voix l’interroge sur le cinéma contemporain de la Frontière et sur les raisons pour lesquelles il a tourné Marfa Girl dans la région texane frontalière du Mexique, au même endroit que Giant.
  • 20. 19 → Extrait de Marfa Girl. → Larry Clark explique sa vision de la Frontière et de la coexistence des communautés dans son film Marfa Girl. Babel Marfa Girl à gauche / La Jaula de Oro à droite
  • 21. 20 2°/ Thèmes de la Frontière Le Western, le mythe de la frontière
  • 22. 21 Comme nous l’avons vu, notre histoire des cinémas de la Frontière s’enchâsse dans un voyage géographique le long de cette frontière. Mais elle demeure avant tout une histoire, c’est-à-dire une évolution cinématographique à travers le temps. Cette histoire étant très vaste (presque autant que la frontière elle-même !), et comportant des centaines de films, il serait illusoire de vouloir l’évoquer de façon exhaustive dans l’espace resserré d’un film de moins d’une heure. C’est pourquoi nous préférons privilégier une histoire thématique de ce cinéma, en sélectionnant des thèmes récurrents autour de la Frontière, thèmes qui d’ailleurs sont souvent aussi des obsessions dans l’imaginaire et dans les préoccupations des cinéastes. En outre, cette sélection thématique, avec son caractère subjectif, ses préférences cinématographiques, mais aussi son choix de personnalités convoquées, nous semble devoir épouser harmonieusement la première subjectivité du film, celle de l’itinéraire géographique et de la voix épistolaire qui l’accompagne…
  • 23. 22 Voici les thèmes que nous avons retenus, et qui formeront donc une histoire de la Frontière USA-Mexique au cinéma. Pour chacun des thèmes, nous donnons l’aperçu d’un contenu qui sera développé par nos intervenants et illustré par des extraits de films et des photographies : 1°/ La fondation du western et la formation du western classique : la frontière toujours repoussée vers l’Ouest. Commentaire d’un spécialiste : Genre parmi les genres, le Western n’existe que par L’Amérique, son territoire, ses paysages, et ne porte que sur une période très courte de son Histoire : la conquête de l’Ouest. Le western nous raconte un mythe typiquement et exclusivement américain, fondateur de la culture de ce pays : le mythe de la frontière, théorisé à la fin du 19e siècle au moment même où celle-ci disparaît. Portant ce mythe, et travaillé par lui, le genre n’a cessé en retour de le questionner. Ainsi son Histoire, à travers les trois grandes périodes qui composent la conférence (Western classique, Sur-Western et Western crépusculaire) ne cesse de nous raconter la lente désagrégation du mythe, de La Piste des géants de Raoul Walsh à Impitoyable de Clint Eastwood. Films : westerns de John Ford, de Raoul Walsh, de Howard Hawks. 2°/ La charnière des décennies 50 et 60. Après l’apogée du western classique, celui des années 40 notamment, le western change de sens dans la mesure où c’est la Frontière elle-même qui est perçue autrement : la conquête de l’Ouest est terminée, et avec elle, l’esprit même de la conquête. C’est maintenant la frontière, la longue la séparation avec le Mexique, définitivement tracée, qui « pose problème », et dont les échos vont commencer à émerger dans les films, notamment à travers le thème de l’immigration, de la coexistence des communautés hispanique et américaine, et en toile de fond, les inégalités Nord / Sud. Films : Giant, de Georges Stevens. Incident de frontière, de Anthony Mann. La horde sauvage, de Sam Peckinpah. La Soif du Mal, Orson Welles.
  • 24. 23 3°/ L’émergence d’un cinéma mexicain moderne, années 70 jusqu’au cinéma contemporain. Si on considère l’histoire parallèle des cinémas de part et d’autre de la frontière, on ne peut que constater une flagrante inégalité de production entre les deux pays, pendant très longtemps, qui reflète d’ailleurs bien l’inégalité plus générale, économique notamment, entre ces deux pays. Dans les années 70, le Mexique émerge et commence à donner des cinéastes et des films de grande valeur, qui proposent notamment une vision du problème de la frontière bien différente de celle qui avait prévalu jusque là dans le cinéma américain… Films des années 70 d’Arturo Ripstein, Jorge Fons, Felipe Cazals… Films contemporains de Iñarritu (Babel), Diego Quemada-Diez (La jaula de oro).
  • 25. 24 4°/ Cinéma américain contemporain : le passage d’une frontière dynamique, conquérante, pionnière, à une frontière fermée et sécuritaire. Nous abordons ici, en effet-miroir du cinéma mexicain, une sorte de hantise de la frontière avec le Mexique qui émerge dans le cinéma américain. La frontière, comme en une inversion de l’esprit de conquête des pionniers (aussi bien ceux du 19ème siècle que ceux des premiers temps du cinéma), est devenue symbole de fermeture, de surveillance, de contrôle de l’immigration, de cartels de la drogue… Films : Traffic, de Steven Soderbergh. Cartel, de Ridley Scott. Marfa Girl, de Larry Clark. No country for old men, de Joël et Ethan Coen. 5°/ Pourquoi franchir la frontière ? Enfin, nous nous posons la question, en confrontant des points de vue américains et mexicains, du sens que revêt le franchissement de la frontière dans différents films, selon que ce sont des Mexicains qui veulent aller aux USA ou des Américains qui veulent rejoindre le Mexique. Et ce problème peut être posé de la façon suivante à nos intervenants : Mexique → USA : rêve américain ou cauchemar mexicain ? USA → Mexique : choix positif ou exil forcé ?
  • 26. 25 Il apparaît en effet, de façon d’ailleurs assez saisissante dans le cinéma contemporain des deux pays, que dans la plupart des scénarios, le Mexicain quittant son pays va chercher à « conquérir » quelque chose aux Etats-Unis, alors que l’Américain rejoignant le Mexique va plutôt « fuir » quelque chose de menaçant dans son propre pays. Du reste, c’est bien souvent lui-même que l’Américain cherche à fuir en franchissant la frontière, comme si ses propres démons ne pouvaient le laisser en paix que dans le monde « autre » du Mexique… D’où notre double question conclusive : la « nouvelle conquête » (nouveau western ?) vient-elle du Sud vers le Nord, et qu’est-ce que l’Amérique du Nord redoute d’elle-même pour aller chercher refuge au Sud ?…
  • 27. 26 Itinéraire… Eclairages sur le voyage De façon à rendre la suite (l’itinéraire) plus facilement compréhensible, nous donnons quelques éléments généraux : 1 ─ Les Etats-Unis et le Mexique étant des Républiques fédérales, ils sont organisés par grands « Etats », dont voici la répartition de ceux qui touchent la frontière (d’Est en Ouest) : Etats américains frontaliers : Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Californie. Etats mexicains frontaliers : Tamaulipas, Nuevo León, Coahuila de Zaragoza, Chihuahua, Sonora, Baja California. 2 ─ La frontière étant longue de 3200 kilomètres, il va de soi que nous ne la couvrons pas continûment, et que nous procédons par « ellipses géographiques », mentionnées par la voix off de la conductrice invisible qui précise régulièrement les points où la voiture se trouve et les distances déjà parcourues. Nous ferons figurer en revanche tous les divers paysages et motifs de la frontière, qui concentrent pour ainsi dire tous les cas de figure de la géographie naturelle et de l’intervention humaine. Précisons enfin que la nature même de notre sujet nous oblige à choisir l’un des côtés de la frontière pour réaliser notre parcours, puisque la voiture ne saurait rouler en même temps aux Etats-Unis et au Mexique… C’est la raison pour laquelle le trajet alternera entre les deux pays, passant donc régulièrement la frontière dans un sens puis dans l’autre, pour faire des segments du parcours alternativement dans chacun des pays…
  • 28. 27 Paysages et motifs de la frontière : - Le fleuve Rio Grande (2000 kilomètres de séparation naturelle entre les deux pays en partant de la côte Atlantique. - Zones urbanisées et villes-jumelles. - Postes-frontières. - Maquilladoras (ou zones de traitement pour l’exportation) côté mexicain et patrouilles de la « US Border Patrol » (ou police des frontières) côté américain. - Déserts inhospitaliers, canyons. - Chaînes de montagnes. - Mur de séparation ou « Barrière Etats-Unis – Mexique » issue du « Secure Fence Act » de 2006. - Le cas des « Bornes Frontières ». 3 ─ Enfin, ce sont bien entendu les films eux-mêmes qui renverront notre trajet et ses étapes en des zones ou des points précis de la frontière. Qu’ils soient américains ou mexicains, les films que la conductrice évoque et que commentent nos intervenants (ou plutôt l’action de ces films), se situent en des points différents de la frontière, qui n’ont pas le même « sens » ni la même histoire selon la géographie et l’histoire des régions concernées, et qui renvoient eux-mêmes à des thèmes ou à des problématiques différentes sur ce sujet. Ce sont donc les films qui d’une certaine manière organisent thématiquement l’itinéraire le long de la frontière, puisqu’en nous arrêtant sur certains points de cet itinéraire, ces films en ressortent naturellement, comme le génie sortant de sa bouteille… Il s’agit ainsi de faire coïncider
  • 29. 28 l’itinéraire actuel avec un voyage dans le cinéma de la frontière, dont les films émergent grâce aux paysages de la frontière… Observons d’ailleurs que notre parcours en « zigzag » renforce encore cette possibilité de coïncidence entre le parcours physique et le parcours cinématographique, dans la mesure où les segments de notre parcours en voiture, alternés entre Mexique et Etats-Unis, permettent plus clairement les « entrées » alternatives, appuyées par la voix off, de films mexicains ou américains… Il faut noter enfin que certains thèmes reviennent quasi obsessionnellement dans ces films américains et mexicains sur la frontière. Nous en voyons deux se dégager particulièrement, qui auront une grande importance dans le discours du film : le trafic de drogue et l’immigration clandestine des Mexicains (et plus généralement des Latinos) vers les USA. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces thèmes se concentrent beaucoup eux-mêmes, dans nombre de films, sur des zones récurrentes de la frontière, comme certains points de la frontière avec le Texas, ou le point chaud représenté par le binôme « San Diego – Tijuana ». La frontière est donc certes très longue, mais l’action des films sur la frontière tend aussi à se concentrer en des points « stratégiques » et récurrents qui de ce fait revêtent un caractère symbolique fort…
  • 30. 29 Un parcours elliptique L’itinéraire se fait d’Est en Ouest, depuis l’embouchure du Rio Grande dans le golfe du Mexique (à la jonction entre l’Etat du Texas côté américain, et de l’Etat de Tamaulipas côté mexicain) et la première ville-jumelle de « Brownsville / Matamoros », jusqu’à l’extrême ouest, dans la zone frontalière en Californie de « San Diego-Tijuana ». Comme nous l’avons déjà vu, la frontière étant extrêmement longue (3200 kilomètres), la route sera faite bien entendu de grands segments choisis, et, à l’intérieur de ces segments, d’étapes ou de points-clé sur la frontière, ou dans des zones proches de la frontière, aux Etats-Unis comme au Mexique. Le premier grand segment de l’itinéraire est en quelque sorte imposé par une donnée naturelle, puisque c’est le long fleuve Rio Grande (ou Rio Bravo pour les Mexicains) qui fait office de frontière naturelle entre les deux pays, sur environ 2000 kilomètres de son cours. Nous avons alors, au nord, côté américain, l’immense état du Texas, et au sud, pour le Mexique, les Etats de Tamaulipas, Nuevo León, Coahuila de Zaragoza, et une partie de l’Etat de Chihuahua. En suivant cette longue première partie de la frontière, nous croisons et nous nous arrêtons sur des points-clé qui seront essentiellement des villes frontalières ou villes-jumelles : Brownsville (Texas) / Matamoros (Tamaulipas) : villes de départ. MacAllen (Texas) / Reynosa (Tamaulipas) Laredo (Texas) / Nuevo Laredo (Tamaulipas) Eagle Pass (Texas) / Piedras Negras (Coahuila de Zaragoza) Del Rio (Texas) / Ciudad Acuña (Coahuila de Zaragoza)
  • 31. 30 Marfa + Presidio (Texas) / Ojinaga (Chihuahua) El Paso (Texas) / Ciudad Juarez (Chihuahua) : fin du Rio Grande comme frontière naturelle.
  • 32. 31 A partir de « El Paso / Ciudad Juarez », le Rio Grande poursuit son cours vers le nord pour traverser le Nouveau-Mexique, et atteindre enfin le Colorado où il prend sa source dans les montagnes Rocheuses. Quittant le fleuve et « El Paso / Ciudad Juarez », nous continuons donc vers l’ouest, le long d’une frontière devenant entièrement terrestre, en traversant le Nouveau-Mexique, l’Arizona et enfin la Californie (correspondant côté mexicain aux Etats de : Chihuahua, Sonora et Baja California). Là encore, nous nous arrêtons sur des points-clé de la frontière : Columbus (Nouveau-Mexique) / Puerto Palomas (Chihuahua) Douglas (Arizona) / Agua Prieta (Sonora) Nogales (Arizona) / Heroica Nogales (Sonora) Lukeville (Arizona) / Sonoyita (Sonora) Yuma (Arizona) / San Luis Río Colorado (Sonora) Calexico (Californie) / Mexicali (Baja California) Tecate (Californie, USA) / Tecate (Baja California, Mexique) San Diego (Californie) / Tijuana (Baja California) : fin du voyage.
  • 33. 32 Fin du voyage et de la barrière entre San Diego et Tijuana.
  • 34. 33 Go West ! (Pourquoi suivre un itinéraire d’Est en Ouest ?) L’expression « Go West, young man » est généralement attribuée au fameux éditorialiste Horace Greeley dans son journal, le New York Tribune, en 1865. Elle est devenue le symbole de ce que l’on a appelé plus communément la Conquête de l’Ouest, laquelle nous apparaît comme l’histoire même de la Frontière, de son tracé complexe, de ses enjeux humains, et par conséquent, du cinéma extraordinairement riche qui s’en est fait l’écho. En fait, Greeley définissait ainsi un grand mouvement, une dynamique qui voulait encourager le « jeune Américain » à repousser toujours plus avant la Frontière du pays, dynamique qui constitue également la matrice et la physionomie de notre film. Nous avons déjà précédemment un peu abordé le problème de cette dynamique américaine qui a eu par là même de prodigieuses conséquences sur l’histoire du Mexique, mais nous aimerions y insister pour conclure notre présentation : 1 – le mouvement de l’Est vers l’Ouest permet d’introduire symboliquement (notamment grâce à la voix off qui conduit le récit… et la voiture) au thème, en forme de rappel historique, du Mythe de la Frontière américain : aussi bien dans l’histoire américaine en tant que telle, que dans l’histoire du cinéma américain qui en est le reflet, la Frontière des pionniers s’est constituée par un grand mouvement conquérant de l’Est vers l’Ouest. Concernant le cinéma, c’est d’une certaine
  • 35. 34 façon toute l’histoire du western qui est contenue dans ce Mythe de la Frontière, constamment repoussée vers l’Ouest. Chemin faisant vers l’Ouest en partant de l’Est, nous « accrochons » donc le thème du western américain au sens même de notre route… 2 – En partant du point Est de la frontière, nous longeons donc tout d’abord l’immense Etat du Texas, sur environ 2000 kilomètres, le long du fleuve Rio Grande. Or ce vaste territoire du Texas a été historiquement, en plein 19ème siècle, le premier enjeu de la guerre américano- mexicaine (1846-1848), provoquée à la suite de l’annexion de l’Etat souverain du Texas (ou République du Texas) par les Etats-Unis, en 1845. Et c’est bien la victoire des Etats-Unis qui, en forçant le Mexique à lui vendre de vastes territoires (la fameuse « Cession mexicaine », correspondant approximativement à l’actuel Sud-Ouest des Etats-Unis), explique en grande partie l’origine du tracé de cette frontière « artificielle » entre les deux pays. Le Texas et les Etats frontaliers du Mexique qui lui font face (Tamaulipas, Nuevo León, Coahuila de Zaragoza, et une partie de l’Etat de Chihuahua) constituent donc l’origine historique du « problème de la frontière », et il nous paraît à ce titre logique de commencer notre cheminement par l’évocation « en situation » de ce problème originel… De surcroît, l’histoire du cinéma elle-même semble reproduire ce mouvement historique cristallisé autour du Texas, dans la mesure où les premiers films à s’intéresser au problème de la frontière (et des relations américano-mexicaines qui en découlent) sont bien davantage situés dans les zones frontalières du Texas et du Mexique que dans les zones situées à l’Ouest, lesquelles (comme par exemple la zone « San Diego / Tijuana » en Californie) n’apparaîtront de manière significative dans les films qu’ultérieurement. L’un des exemples les plus emblématiques du problème de la frontière entre le Texas et le Mexique demeure, pour ce cinéma « classique », le film Giant, de Georges Stevens, qui s’attaquait déjà, dans les années 50, aux problèmes de discrimination et de racisme à l’égard des Mexicains au Texas…
  • 36. 35 TAMARA FILMS Siège social : 162, rue du Gal de Gaulle 78740 Vaux sur Seine Adresse postale : 31, rue de Navarin 75009 Paris Tel : +33 (0)6 24 03 13 16 Mail : carole@tamarafilms.com