La mucoviscidose est une maladie génétique rare et mortelle qui affecte gravement les voies respiratoires et digestives.
Et pourquoi pas une course contre cette maladie ?
1. Ellecourtpourceuxqui
manquentdesouffle
POSITIF ENGAGEMENT
104 LE VIF • NUMÉRO 40 • 01.10.2020
Charlotte fait le deuil de son bébé atteint de mucoviscidose
en organisant des événements sportifs. Elle-même relève
certains défis pour récolter des fonds et soutenir la lutte
contre cette maladie incurable. Si elle se dépasse physiquement
et transcende la douleur, c’est pour que son drame serve
à quelque chose. A d’autres.
2. 105LE VIF • NUMÉRO 40 • 01.10.2020
L
orsque l’on fait face à une telle
situation, on est capable de
trouver des forces intérieures
cachées, parce que finalement on
n’a pas le choix. Cela nous tombe
dessusetondoitprendredesdéci-
sions, aller de l’avant, car la situation
est là et qu’elle est bien réelle, malheu-
reusement. » Quand ils apprennent
queletroisièmebébéqueCharlotteVan
Strydonck porte dans son ventre est
atteint de la mucoviscidose, le couple
consulte gynécologues, psychologues,
spécialistes de cette maladie incurable
qui affecte les voies respiratoires. Ils
s’écoutent, s’épaulent, se soutiennent.
Et Charlotte interrompt sa grossesse
àseptmois.« J’aiprisladécisionlaplus
difficile de ma vie. » Ils l’ont accueillie,
reconnue et laissé s’envoler. Elle s’ap-
pelle Colombe.
Sidération,anéantissement,tristesse.
Puis vient la colère. Alors Charlotte
pleure, Charlotte partage, Charlotte
parle,Charlottecourtdanslesboisseule
face à elle-même, elle se fait mal, hurle
et crie. Elle s’isole, elle s’entoure aussi,
elle se cherche et se recherche. Rien ne
sera plus jamais comme avant, elle le
sait. « Quand j’ai compris que je devais
continuer à vivre, j’ai décidé d’avancer
avec elle et pour elle. Ne pas lui donner
sa place dans la famille n’était pas
acceptable pour moi. Je veux qu’on
parle d’elle pour ne pas l’oublier. Je
lui ai fait une promesse que je veux
respecter plus que tout : continuer à
me battre pour elle, mais aussi pour les
autres atteints de cette maladie, pour
que notre histoire et ce qu’elle a vécu
serve à quelque chose. “Moi je suis
vivante, moi j’ai du souffle, alors je vais
t’aider.” Courir pour la bonne cause
était la solution. » Etre plus forte que
le malheur, au lieu d’être prisonnière
du passé. Après un traumatisme, soit
on y reste enfermé – et on ne s’en sort
pas.Soitonsedébatpoursereconstruire
autrement. C’est la résilience.
Le sport comme outil
de résilience
Le concept de résilience développé par
le neuropsychiatre Boris Cyrulnik
désigne la capacité de se reprendre,
rebondir, aller de l’avant, et parfois
même se dépasser. Le sport appelle
justement au dépassement de soi :
c’est en surmontant l’adversité et les
difficultés que champions et amateurs
se dépassent. C’est donc un moyen
presque thérapeutique de redémarrer
après un drame, la maladie, un échec
personnel. Le sport a sauvé la vie de
Thierry Corbalan, le « dauphin corse »,
amputé des deux membres supérieurs
qui traverse en cette mi-septembre la
Méditerranée à la nage : « Il faut vivre
aveccequ’ona,cequ’onestmaintenant
et non avec ce qu’on n’a pas. Car même
si elle ne vous a pas fait de cadeau, la
vie a le mérite de vous permettre de
rebondir si vous restez enthousiaste »,
déclare-t-il.
Commeunetranscendancequis’opère
presque chimiquement dans le corps,
Charlotte a tissé un lien par-dessus les
nuages avec sa petite Colombe. « Je
cours pour elle car je lui montre indi-
rectement que je pense toujours à elle,
qu’elle est en moi et que, grâce à elle,
je me surpasse. Notre histoire a servi
à quelque chose puisque je récolte des
fonds pour les personnes qui ont la
même maladie qu’elle. »
« QUAND J’AI
COMPRIS QUE JE
DEVAIS CONTINUER
À VIVRE, J’AI DÉCIDÉ
D’AVANCER AVEC ELLE
ET POUR ELLE. »
«
3. 106
quelques sous pour la recherche médi-
cale au lieu d’enrichir les sponsors ?
AinsiMucolombe,l’associationfondée
par Charlotte, a récolté quelque 10 000
euros au profit de l'association Muco
pour aider financièrement des familles
de patients atteints de mucoviscidose,
encourager des enfants à pratiquer
une activité sportive régulière grâce à
une intervention et les aider à réaliser
leur rêve.V CILOU DE BRUYN
Danssapratique,lescirconstances
confrontent le sportif à des situations
inattendues, qui s'ajoutent aux efforts
répétés, à la motivation et au désir de
progression. Tout comme ce qui se met
en œuvre dans le processus de rési-
lience.S’entraîner,c’estaussis’engager,
être écouté et observé avec le soutien
psychologique d’un coach, de l’équipe,
ou de la famille. Dans cet échange
verbal, il y a la formulation, autre
élément clé de la résilience, avec l’al-
truisme.AislingD'Hooghe,joueusedes
Red Panthers, atteinte de sclérose en
plaquesdepuisl’âgede6 ans,reconnaît
quesilesportdehautniveauestdifficile,
le fait de le vivre en équipe facilite la
chose.« Lehockeym’adonnéunobjectif
de vie, une rigueur. Et la faculté de ne
pas juste accepter l’étiquette que cette
maladie donne d’emblée. »
Connaissance de soi
Le sport développe aussi la connais-
sance de soi. Pour Benoît Thieffry,
accro au sport malgré une arthrodèse
delachevilleetuneprothèsedugenou,
la fonction crée l’organe : « La douleur
m’aapprisàconnaîtremeslimitespour
les dépasser avec positivisme. Les bles-
sures,l’âgeetlesapparencesnesontque
desidées.Ilfautlesaccepter,lesdomp-
ter, s’écouter et parfois on trouve des
forces inouïes dans ce qui devrait être
des handicaps. » Parce qu’en plus, l'ac-
tivité musculaire développe le cerveau
beaucoup plus que ce que l'on croit,
toujours selon Boris Cyrulnik.
« Onsefaitdesidéessurcequ’onpense
être capable de faire, ou pas, mais tout
est possible ! Parce que quand tu as la
forceetlamotivationetquandcequetu
entreprendsfaitsenspourtoi,tutesens
capable de décrocher la lune », conclut
Charlotte qui prépare un trail de trois
jours en itinérance dans les Vosges.
Se dépasser, c’est bien. Se dépasser
pour les autres, en donnant du sens à
sa sueur, c’est encore mieux. Parce
qu’on utilise l’effort pour mobiliser,
informer,financerouattirerl’attention
surunecause,sedépasserparsolidarité
insuffleunedimensionsupplémentaire
tant à l’entraînement qu’à la compéti-
tion. Et s’il était possible que chaque
événementsportifsechargederécolter
INCURABLE MUCOVISCIDOSE
Dans notre pays, environ 1 300 personnes souffrent
de mucoviscidose. Presque chaque semaine,
un enfant atteint de la maladie voit le jour.
La mucoviscidose est toujours incurable, mais
il existe différents traitements pour en soulager
les symptômes. Le test BeGecs permet aux couples
désirant avoir un enfant d'être dépistés pour 1 200
anomalies génétiques, dont la mucoviscidose,
et de pouvoir choisir en connaissance de cause.
POSITIF ENGAGEMENT
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« ON SE FAIT DES
IDÉES SUR CE QU'ON
PENSE ÊTRE CAPABLE
DE FAIRE, OU PAS,
MAIS TOUT EST
POSSIBLE ! »
LE VIF • NUMÉRO 40 • 01.10.2020