Ce sixième insight se tourne vers le continent africain et offre une analyse de l’électrification rurale de l’Afrique, en se penchant notamment sur les systèmes solaire individuels en Pay As You Go. Nate Heller, Co-fondateur et Directeur des Opérations de PEG et Mark Roesink, Directeur des Investissements Energies Renouvelables d’Oikocredit ont répondu à nos questions pour approfondir le sujet.
1. 1
SOMMAIRE
1/ÉDITO
2/ FOCUS DU MOIS
3/ QUE DIT LE MARCHÉ ?
4/ NOTRE ACTUALITÉ
Finergreen Insight
FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Numéro 6 - édition Afrique - Juin 2017
Jean-Jacques NGONO
Managing Partner Africa
EDITO
Depuis le début des années 2000, le regard por-
té sur l’Afrique a radicalement changé : cette
terre d’aide au développement devient une
terre d’opportunités, et les investisseurs de tous
les continents se pressent pour avoir leur part
du gâteau. Avec un taux de croissance oscillant
entre 5 et 10 % et une fenêtre démographique
sans précédent, l’Afrique apparaît de plus en
plus comme la nouvelle frontière économique,
le potentiel futur moteur de la croissance mon-
diale.
Cependant, les économies africaines souffrent
encore d’importantes vulnérabilités qui peuvent
enrayer la machine. En effet, une large part de
la croissance découle de l’exploitation des ma-
tières premières, alors que la production manu-
facturière peine à s’accélérer et que l’essentiel
de l’économie est encore informelle. La plupart
des études s’accordent sur le fait qu’environ
70% de la population en Afrique Subsaharienne
(hors Afrique du Sud) vit encore d’une agricul-
ture à faible rendement. Ainsi, la croissance
affichée dans la plupart des pays reste exogène,
laissant très peu de dividendes à l’essentiel de la
population locale. Cette tendance pourrait, à
moyen terme, créer des tensions sociales qui
refroidiraient l’engouement des investisseurs.
Afin de réduire cette dépendance et de per-
mettre une croissance inclusive pérenne, il est
essentiel de miser sur l’éducation, la santé et les
infrastructures. En particulier, l’accès à l’énergie
à bas coût est indispensable tant au développe-
ment de l’activité économique qu’à l’accès à
l’éducation. S’y ajoutent des enjeux de santé :
l’usage massif du bois pour la cuisine et de
lampes à pétrole pour l’éclairage génèrent des
maladies pulmonaires et des pertes de vision.
Sa richesse en ressources naturelles donne à
l’Afrique une opportunité unique de développer
les énergies renouvelables, de l’hydroélectricité
au solaire en passant par la biomasse. Ces éner-
gies proposent aujourd’hui des prix compétitifs
face aux énergies fossiles. En outre, la produc-
tion renouvelable peut être décentralisée et ne
nécessite pas de méga-centrales pour être ren-
table. Alors que plus de 600 millions d’Africains,
essentiellement ruraux, n’ont pas accès à l’élec-
tricité, l’électrification rurale à travers des solu-
tions hors-réseau devient un élément central à
l‘électrification du continent.
Les solutions technologiques et financières sont
nombreuses, de même que les initiatives pu-
bliques, privées, internationales et régionales.
La prise de conscience et l’engagement de
toutes ces parties prenantes sont réels.
Dans cet insight, nous avons choisi de nous inté-
resser à la solution prometteuse des systèmes
solaires individuels, financés à travers un méca-
nisme innovant, le Pay As you Go.
2. 2FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Finergreen Insight
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
SOMMAIRE
1/ÉDITO
2/ FOCUS DU MOIS
3/ QUE DIT LE MARCHÉ ?
4/ NOTRE ACTUALITÉ
L’ÉLECTRIFICATION RURALE DE L’AFRIQUE
Les Systèmes Solaires Individuels en Pay As You Go, une solution rentable et durable ?
Aujourd’hui, plus de 600 millions d’Africains vivent sans électricité, soit près de la moitié
du continent, localisés essentiellement dans des zones reculées. Ce chiffre élevé pourrait
empirer dans les prochaines années car la population croit plus rapidement que les con-
nexions au réseau. L’électrification rurale de l’Afrique est donc un enjeu majeur pour
l’émergence économique et sociale du continent. Quelles sont les solutions actuelles qui y
sont apportées ? Sont-elles durables et rentables ?
INTRODUCTION
L’un des paradoxes de l’Afrique est
que d’un côté, sur les 1,2 Mds de
personnes sur la planète n’ayant pas
accès à l’électricité dont la moitié
vient d’Afrique, 85% vivent dans des
zones rurales. Et, de l’autre côté,
l’Afrique bénéficie d’un ensoleille-
ment abondant (supérieur à 2 100
kWh/m²).
Utilisé en systèmes individuels ou en
mini-réseaux, le solaire photovol-
taïque offre une solution fiable pour
l’accès à l’énergie dans les zones ru-
rales. Au premier semestre 2016,
4,3 M de Systèmes Solaires
Individuels ont été vendus
dans le monde, dont la moi-
tié en Afrique Sub-
Saharienne. Combinée à
l’essor du paiement mobile
et du Pay As You Go, cette
solution permet aux popu-
lations rurales non seule-
ment d’accéder à l’électrici-
té, mais également d’éco-
nomiser jusqu’à 50% sur
leurs dépenses hebdoma-
daires actuelles en éclai-
rage (kérosène, torches...)
et en recharge électrique.
Mais cette nouvelle indus-
trie est-elle rentable pour les por-
teurs de projets ?
QUELLES SOLUTIONS POUR
L’ELECTRIFICATION RURALE DE
L’AFRIQUE ?
1) Extension du réseau
C’est une solution qui offre un meil-
leur coût au kWh pour l’usager et qui
permet de fournir de l’électricité en
continu via l’équilibrage du réseau.
Malheureusement cette solution est
très coûteuse à investissement. Par
ailleurs, les densités de population
étant faibles sur le continent, elle est
peu rentable à court ou moyen
terme et ne peut couvrir l’ensemble
de la population.
2) Les mini-réseaux
Le mini-réseau est une solution qui
peut potentiellement fournir le
même service que le réseau mais
avec un coût du kWh supérieur
quoique raisonnable. Le stockage de
l’énergie étant coûteux, l’utilisation
de systèmes hybrides (du type PV +
Diésel ou Eolien + Diésel) sera sou-
vent privilégié. Le mini-réseau peine
cependant à trouver son modèle
économique car en l’absence d’ache-
teur fiable pour l’électricité, les in-
ÉTAPES
Un contrat
est signé
entre la
société de
SSI et le
client
Le client
verse un
paiement
initial la
société de
SSI installe le
kit solaire
dans son
foyer
Le client paie son ac-
cès à l’électricité via
son téléphone por-
table. Les paiements
sont réguliers
(journaliers, men-
suels...) Si le client ne
paie pas, le dispositif
est bloqué à distance.
Le client reçoit un
code par SMS qu’il
tape sur son boitier ou
sur une application
téléphonique, puis la
société de SSI active à
distance le système. Le
client peut utiliser
l’électricité.
Quand le der-
nier paiement
est effectué (1 à
3 ans) le client
reçoit un code
pour débloquer
de façon per-
manente le SSI.
Tout au long du cycle de paiement, la maintenance du système est assurée gratuite-
ment par la société de SSI et les données du compte client sont conservées et analy-
sées pour permettre d’établissement d’un profil d’utilisateur
3. 3FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Finergreen Insight
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
L’ÉLECTRIFICATION RURALE DE L’AFRIQUE
Les systèmes solaires individuels en Pay As You Go, une solution rentable et durable ?
vestissements à réaliser ne peuvent
être sécurisés.
3) Les systèmes individuels
Ils coûtent entre 150 $ et 400 $ par
foyer pour une puissance installée
allant de 1 à 40 W. C’est une solu-
tion plus chère encore au kWh mais
qui peut être rapidement mise en
place et dont le modèle économique
ne repose pas sur la densité de la
population.
LES SYSTÈMES SOLAIRES INDIVI-
DUELS UTILISANT LA TECHNOLO-
GIE PAY-AS-YOU-GO, UNE RÉ-
PONSE HORS-RÉSEAU ABOR-
DABLE
Définition et caractéristiques
Le système solaire individuel (SSI ou
SHS en anglais) est un kit intégrant
un panneau solaire, des batteries, un
régulateur de charge, un boitier con-
necté pour contrôler le dispositif,
des ampoules LED, et des câbles
pour différentes applications
(portable, télévision, radio, etc.).
Ce système coûte entre 5 et 7$/mois
à l’utilisateur pour une puissance
électrique allant de 3 à 10 Wc.
L’utilisateur peut acquérir un SSI en
payant un versement initial allant de
10% à 15% du coût total (espèce de
caution) puis en versant des paie-
ments réguliers via une solution de
pilotage du système et de paiement
par téléphone mobile, le Pay As You
Go (PAYG). Le consommateur accède
à la propriété du kit solaire au fur et
à mesure de ses paiements, qui arri-
vent à échéance généralement au
bout d’un à trois ans.Le SSI en PAYG
permet donc l’accès à l’énergie à des
populations rurales et défavorisées.
La combinaison du solaire et du télé-
phone portable offre une solution
abordable et écologique pour les
populations hors réseau.
Impacts
Les impacts positifs du SSI en PAYG
sont multiples et de plusieurs ordres:
Impact environnemental : Utilisa-
tion d’une énergie renouvelable à la
place de solutions fossiles.
Impact économique : Création di-
recte et indirecte d’emplois notam-
ment par la formation de micro-
entrepreneurs locaux ; économies
effectuées par rapport aux achats de
combustibles et recharges de por-
tables.
Impact éducatif : Possibilité pour les
enfants de faire leurs devoirs plus
tard le soir et les adultes de conti-
nuer leur travail si nécessaire.
Impact social : Changement du ni-
veau de vie ; amélioration du bien-
être et de la sécurité du foyer.
Impact sanitaire : Suppression des
émanations toxiques des lampes au
kérosène et autres solutions d’éclai-
rage par combustion ; amélioration
de la vue.
Limites
Le recyclage des kits solaires reste un
point d’interrogation non négli-
geable. L’impact environnemental et
sociétal des SSI pourrait être forte-
ment remis en question si en fin de
cycle les panneaux solaires et les
batteries très polluantes ne sont pas
recyclés.
Les porteurs de projet se doivent de
prendre en considération cet élé-
ment dans leur business plan et
pourraient, entre autres, s’inspirer
du modèle de la filière de recyclage
du photovoltaïque. (voir notre in-
sight du mois de Juin 2016 sur l’ana-
lyse du cycle de vie des projets pho-
tovoltaïques).
LA CHAÎNE DE VALEUR
(voir schéma ci-dessous)
Le fabricant
Le fabricant produit le kit solaire.
Généralement, il ne propose aucun
crédit au distributeur. Le fabricant
peut-être aussi le distributeur exploi-
tant.
Le distributeur / exploitant
Le distributeur est aussi exploitant :
il propose un service après-vente
avec un centre d’appel et envoie des
opérateurs techniques pour effec-
tuer la maintenance des dispositifs.
Pour le distributeur de SSI en PAYG,
4. 4FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Finergreen Insight
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
L’ÉLECTRIFICATION RURALE DE L’AFRIQUE
Les systèmes solaires individuels en Pay As You Go, une solution rentable et durable ?
le principal défi financier sera celui
de la gestion du besoin en fonds de
roulement. Le BFR est important car
les distributeurs font crédit aux dé-
taillants et aux utilisateurs finaux
afin de développer leur réseau de
distribution. Dans ce schéma, les
risques financiers ne sont donc pas
portés par le client final, qui ne dis-
pose pas suffisamment de capital,
mais sont internalisés par le distribu-
teur.
Atteindre le « dernier km » est
l’autre défi du distributeur. En effet,
les villages sont dispersés et les ac-
cès difficiles, ce qui complique la
vente et l’exploitation des systèmes.
Le micro-entrepreneur
Pour simplifier la distribution et no-
tamment la gestion de
ce dernier kilomètre,
des micro-
entrepreneurs sont gé-
néralement impliqués.
La présence locale et la
connaissance de la cul-
ture et des besoins lo-
caux sont des éléments
clefs du succès commer-
cial. Ces micro-
entrepreneurs peuvent
être aussi bien des gens
influents dans le village
ayant déjà testé et ap-
prouvé les SSI en PAYG,
que des vendeurs de
recharges téléphoniques
disposant déjà d’un kiosque.
Le consommateur
Le client final est souvent issu du bas
de la pyramide économique vivant
dans des zones reculées. Souvent, il
ne dispose pas de revenus réguliers
ni d’historique de crédit mais dé-
pense 10% à 30% de ses revenus
dans l’accès à l’énergie via des pro-
duits nocifs pour la santé et onéreux.
L’opérateur téléphonique
Les populations rurales n’ont certes
pas l’accès à l’électricité ni aux cartes
bancaires, en revanche la plupart
d’entre elles ont un téléphone mo-
bile. La vente des téléphones mo-
biles est en pleine effervescence en
Afrique (il n’est pas rare de voir une
personne avec 2 ou 3 téléphones
mobiles) et ouvre de nombreuses
perspectives pour des industries qui
ont besoin d’être réorganisées ou
tout simplement organisées comme
celle du paiement notamment, où le
paiement par mobile est utilisé à la
place du paiement bancaire.
En effet, le PAYG est en plein essor
en Afrique : il constitue un réel levier
de développement dans l’accès à
l’électricité pour des millions de per-
sonnes vivant dans des zones recu-
lées. Les distributeurs de SSI ont
donc noué des partenariats avec les
opérateurs téléphoniques présents
sur le continent et ayant déjà mis en
place la technologie PAYG.
Certains kits solaires fonctionnent
même avec une application télépho-
CHAÎNE DE VALEUR :
5. 5FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Finergreen Insight
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
L’ÉLECTRIFICATION RURALE DE L’AFRIQUE
Les systèmes solaires individuels en Pay As You Go, une solution rentable et durable ?
nique capable de relier le client, le
matériel, l’assistance, et le paiement
d’une façon qui profite aux deux ac-
teurs : le client et le distributeur.
L’application permet au distributeur
de désactiver le dispositif à distance
si le client ne répond plus aux exi-
gences de paiement et de le réacti-
ver une fois que le client règle la fac-
ture. Certaines applications peuvent
aussi en temps réel prémunir le
client contre d’éventuels problèmes
en envoyant des alertes préventives.
L’ÉQUATION ÉCONOMIQUE DES
SYSTÈMES SOLAIRES INDIVI-
DUELS EN PAY-AS-YOU-GO
L’accès au financement, pourtant
clef, est souvent verrouillé dans
l’écosystème des SSI. En effet, le
manque de retour d’expé-
rience sur cette nouvelle tech-
nologie, le fait qu’elle soit des-
tinée aux consommateurs de la
base de la pyramide écono-
mique et enfin qu’elle soit dis-
tribuée dans des zones recu-
lées rendent les institutions
financières excessivement pru-
dentes. Ainsi, elles exigent sou-
vent des preuves de résultat
avant d’investir ou de prêter.
Par ailleurs, le fait que les ac-
teurs soient souvent des entre-
prises de petite ou moyenne
taille aux bilans financiers limi-
tés et que les prêts soient en
devises fortes alors que les paie-
ments des clients sont en devises
locales, freinent les institutions fi-
nancières telles que les banques
commerciales à accorder des crédits.
En revanche le marché des SSI, ayant
un impact social et environnemental,
attire les institutions de développe-
ment à caractère social. Leurs inves-
tissements seront généralement
sous la forme de subventions ou de
dons. Cependant, ces apports sont
souvent modestes et ne permettent
pas de changement d’échelle.
Afin de rendre accessible le finance-
ment dans ce secteur, des actions
doivent être prises, en amont, en
introduisant des instruments finan-
ciers compatibles avec les projets
hors-réseaux et, en aval, en amélio-
rant la bancabilité des projets.
Une solution pour crédibiliser le sec-
teur et le rendre bancable serait
dans un premier temps de transfor-
mer les dons ou subventions en ga-
ranties d’emprunt ou en méca-
nismes de partage du risque. En
effet, les outils de réduction du
risque tel que les systèmes de garan-
ties portées par les institutions finan-
cières ou les assurances contre le
risque de change ont un rôle crucial
pour déverrouiller les investisse-
ments dans ce secteur. Dans un se-
cond temps, le mécanisme de titrisa-
tion semble être une solution appro-
priée.
6. 6FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Finergreen Insight
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
Titrisation : création d’une SPV
Une opération de titrisation fait in-
tervenir trois acteurs :
(i) le cédant : l’entreprise de SSI en
PAYG,
(ii) un émetteur créé pour l'opéra-
tion : Special Purpose Vehicle (SPV)
et (iii) des prêteurs.
Tout d’abord, l’entreprise de SSI en
PAYG achète des produits à un four-
nisseur, qu’il distribue à des clients
finaux, en collectant un versement
initial (pour la garantie). Une fois les
contrats signés, l’entreprise crée des
comptes clients pour les futurs flux
de trésorerie. Elle vend ensuite un
portefeuille d'actifs à la SPV, ici un
lot de créances clients. La SPV émet
alors des obligations, qu'elle vend à
des investisseurs en dette.
La SPV utilise le portefeuille d’actifs
en collatéral pour lever de la dette
auprès de banques commerciales. La
levée de dette permettra à la SPV de
financer l’acquisition du portefeuille
d’actifs auprès de l’entreprise de SSI
en PAYG, à sa juste valeur minorée
du coût de la dette. La dette levée
peut être garantie par une institu-
tion publique ou privée de dévelop-
pement. Les flux de paiement en
provenance des actifs du porte-
feuille sont acheminés vers le SPV
qui utilise les recettes pour payer les
intérêts et le nominal aux investis-
seurs.
Le risque de défaut de paiement
peut être limité en créant diffé-
rentes tranches de créances clients.
Les tranches les plus susceptibles
d’être en défaut de paiement offri-
ront des rendements supérieurs.
Chacune de ces tranches peuvent
être titrisées et donc transformées
en un instrument financier pouvant
être traité sur un marché secon-
daire, ce qui augmentera sa liquidité
L’ÉLECTRIFICATION RURALE DE L’AFRIQUE
Les systèmes solaires individuels en Pay As You Go, une solution rentable et durable ?
Mécanismes de titrisation pour les SSI en PAYG
7. 7FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Finergreen Insight
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
(l’investisseur peut sortir plus facile-
ment ou partager son risque).
L’entreprise de SSI en PAYG conti-
nue d’assurer son rôle d’opérateur,
de récupérer les paiements des
clients ainsi que de réaliser la main-
tenance du kit solaire. Pour ce ser-
vice il peut recevoir des honoraires
de la part du SPV.
Deux grands avantages sont appor-
tés par la création d’un SPV :
(i) la décorrélation du risque et
(ii) la sortie des créances clients du
bilan de la société de SSI en PAYG.
La gestion du fonds de roulement,
l’un des principaux goulots d’étran-
glement pour l’essor du marché des
SSI, est quant à lui résorbé. Sortir la
dette du bilan, et la mettre dans un
SPV permet de réduire le risque de
surendettement de la société qui
pourrait alors devenir vulnérable au
fait qu’une partie du portefeuille
sous-performe ou fait défaut.
CONCLUSION
Sur les cinq dernières années, les
leaders du marché (M-Kopa,
BBOXX , Off-Grid Electric, Mobisol,
etc.) ont levé plus de 360 M$ avec
un pic en 2015 (158 M$ de fonds
levés contre 66 M$ en 2014) servant
environ 700 000 consommateurs
finaux. Ce niveau reste cependant
encore assez faible par rapport au
potentiel du marché qui est de 1,2
milliard de personnes.
Afin d’atteindre ce milliard de con-
sommateurs restant, le marché des
SSI doit croître fortement dans les
prochaines années, or l'absence
d'accès à la dette bancaire sur ce
marché constitue un obstacle ma-
jeur à sa croissance. En effet, sur les
360 M$ de fonds levés, la plupart
sont des investissements en fonds
propres.
Pour subvenir à la demande future,
ce secteur très vorace en capitaux
nécessiterait des milliards de dollars
d’investissements. Les banques par
le biais des financements sans re-
cours doivent donc entrer en jeu.
Les SSI sont une solution qui s’inscrit
parfaitement dans le schéma actuel
et à venir de l’Afrique mais sur le
très long terme, nous avons des ré-
serves quant à la durabilité du sys-
tème car c’est une solution qui reste
plus onéreuse qu’un raccordement
au réseau et dont la puissance four-
nie reste limitée. Il n’existe donc pas
de solution unique pour répondre
au défi de l’accès à l’énergie.
Toutefois, afin de rendre plus effi-
cient et pérenne l’accès à l’électrici-
té pour tous en Afrique sans pour
autant bouleverser totalement
l’écosystème déjà mis en place, il
faut réussir progressivement à asso-
cier aux réseaux les mini-réseaux,
aboutissant ainsi à un système élec-
trique interconnecté et décentralisé
appelé le Smart Grid.
L’émergence du Smart Grid en
Afrique permettrait de séquencer les
investissements dans le temps tout
en assurant un service énergétique
continu sur tout le continent. Alors,
au même titre que fut le développe-
ment du téléphone portable ou du
Pay As You Go, l’Afrique avec le
Smart Grid, va-t-elle connaître à
nouveau un phénomène de « leap
frog » (saut de grenouille) c’est-à-
dire l’adoption d’une technologie de
pointe qui ne nécessite pas de
rattraper un retard, mais qui permet
de se mettre immédiatement au
niveau le plus avancé du développe-
ment ?
L’ÉLECTRIFICATION RURALE DE L’AFRIQUE
Les systèmes solaires individuels en Pay As You Go, une solution rentable et durable ?
8. SOMMAIRE
1/ÉDITO
2/ FOCUS DU MOIS
3/ QUE DIT LE MARCHÉ ?
4/ NOTRE ACTUALITÉ
Finergreen Insight
8FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
QUE DIT LE MARCHÉ ?
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
Quelle est la durée de vie de votre
Système Solaire Individuel ? La
maintenance est-elle un défi ?
Les systèmes doivent durer 5 ans,
mais cette limite ne dépend que de
la durée de vie des batteries. Les
panneaux et ampoules devraient
durer 10-15 ans. Les systèmes ne
requièrent pas beaucoup de mainte-
nance, et, bien que certains élé-
ments puissent faillir, cela ne pose
pas de problème majeur. Nous rece-
vons de bons retours des utilisa-
teurs : la population aime les SSI.
Etes-vous confrontés à beaucoup de
défauts de paiement ?
Notre offre de base au Ghana est de
12 mois en PAYG avant que le client
possède le système. Cependant cer-
tains clients peuvent mettre autour
de 15 mois à rembourser l’intégralité
du système. Un des défis majeurs est
la faible pénétration et utilisation du
paiement mobile en Afrique de
l’Ouest. Ainsi, lorsqu’ils n’ont plus de
crédit, certains clients pourront
attendre plusieurs jours avant de
trouver l’occasion de se rendre à la
ville la plus proche avec un agent
mobile money. Certains clients ont
également des difficultés pour navi-
guer dans les menus de mobile mo-
ney. Nous avons donc développé des
outils digitaux pour faciliter l’usage,
notamment une chaine USSD
(Unstructured Supplementary Ser-
vice Data) et une option permettant
de payer par appel téléphonique.
De plus, nous essayons de changer
les mentalités de “Je paye quand j’en
ai besoin” à “Je paye à temps pour
posséder”. Pour cela, nous avons
développé un outil qui donne une
micro-assurance gratuite aux clients
qui payent régulièrement, en parte-
nariat avec BIMA. C’est un service
important pour les clients, et donc
une forte incitation à payer dans les
délais.
Pouvez-vous nous expliquer briève-
ment votre relation avec les fournis-
seurs ?
De nombreux fournisseurs PAYG
conçoivent leurs propres produits et
développent leur propre logiciel pla-
teforme pour gérer les systèmes ins-
tallés, tout en sous-traitant la fabri-
cation dans des usines en Chine.
Nous croyons que le secteur évolue
rapidement vers la marchandisation,
avec des acteurs spécialisés à
chaque étape de la chaine de valeur.
Nous avons donc délibérément choi-
si de ne pas développer notre pro-
duit, et de nous spécialiser dans l’ap-
port de services financiers sur des
produits pour les familles pauvres en
Afrique de l’Ouest. Nous restons ain-
si légers [lean], et nous évitons
d’avoir à investir des millions dans le
développement de produits sur un
marché en mutation rapide.
Comment avez-vous financé le dé-
veloppement de votre société ?
Nous avons commencé sous le nom
Impact Energies en tant que société
de solaire financée en partenariat
avec des banques de microfinance.
En 2013, Impact Energies a été ra-
cheté par Persistent Energy Capital
dans ce qui était alors la première
acquisition d’une société off-grid en
Afrique. Nous avons utilisé les fonds
pour lancer PEG Africa, société dé-
diée au PAYG, avant de s’allier à M-
Kopa qui apporta la technologie.
Nous avons ensuite réalisé un tour
de table série A de 7,5M$ l’an der-
nier et une levée de dette de 1,5M$
avec ResponsAbility, SunFunder et
Oiko Credit.
Pensez-vous que les SSI PAYG con-
naîtront le même succès en Afrique
de l’Ouest qu’en Afrique de l’Est ?
Oui. Les sociétés PAYG en Afrique de
l’Ouest font face à des défis diffé-
rents à celles en Afrique de l’Est. Le
paiement mobile et la couverture du
réseau GSM ne sont pas aussi déve-
loppés ici, nous avons donc dû beau-
coup apprendre ces dernières an-
nées sur ce qui est nécessaire pour
travailler dans cet environnement.
Cependant le paiement mobile se
développe vite en Afrique de l’Ouest
et nous pensons que cela va conti-
nuer, en parallèle de la couverture
réseau qui s’améliore.
Nos questions à ...
Nate Heller
Directeur des Opérations
Co-fondateur
PEG
Fondé en 2013 au Ghana, PEG est un
distributeur/opérateur de Systèmes
Solaires Individuels avec financement
en Pay As You Go. Fort de dizaines de
milliers de clients, PEG est un des lea-
ders de ce marché naissant en Afrique
de l’Ouest. La société emploie aujour-
d’hui plus de 350 salariés locaux.
9. SOMMAIRE
1/ÉDITO
2/ FOCUS DU MOIS
3/ QUE DIT LE MARCHÉ ?
4/ NOTRE ACTUALITÉ
Finergreen Insight
9FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
QUE DIT LE MARCHÉ ?
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
Nos questions à ...
Mark Roesink
Directeur des Investissements
Energies Renouvelables
Oikocredit
Oikocredit est une société financière
coopérative fondée en 1975. Oikocre-
dit accorde des prêts et investit dans
des organisations de microfinance,
des coopératives, et des petites et
moyennes entreprises dans des pays
en développement dont l'objectif est
de générer un impact social positif.
Quelle est la position d’Oikocredit
dans le financement des systèmes
hors-réseau ?
Oikocredit a financé 6 projets pour
un montant de 4M€ dans le secteur
des solutions hors-réseau. Nous
nous concentrons essentiellement
sur les marchés émergents, avec une
préférence pour l’Inde et l’Afrique
Subsaharienne pour les projets « off
grid ».
Pouvez-vous nous donner un bref
aperçu du marché des SSI ?
Le marché des SSI est en forte crois-
sance ces dernières années. En effet,
nous voyons le nombre d’acteurs
pénétrant le marché se multiplier,
notamment dans les pays où les SSI
ne sont pas encore mis en place mais
aussi dans les marchés déjà bien re-
présentés, où l’on voit de plus en
plus de compétition et dont certains
marchés sont même en surcapacité.
À noter que la compétition est posi-
tive pour le consommateur car elle
fait baisser les prix.
De nombreux opérateurs de SSI sont
dans la phase d’amorçage, à recher-
cher les bonnes techniques et ap-
proches marketing. Pour ceux qui
ont pénétré le marché avec succès,
ils se développent rapidement mais
sont désormais confrontés au défi de
la réduction des coûts fixes. Jusqu’à
présent, peu d’entre eux ont atteint
le seuil de rentabilité.
Que pensez-vous de la technologie
PAYG et des autres mécanismes de
paiement ?
Elle enlève un immense obstacle
pour les familles ayant de faibles
revenus. Cependant, nous n’avons
pas de préférence entre les diffé-
rents mécanismes. Nous ne pouvons
dire si ce doit être le PAYG ou bien
des prêts via des programmes de
microcrédits. Pour nous, le plus im-
portant c’est de voir à quel point les
produits et les moyens de paiements
sont adaptés aux marchés locaux.
Nous voyons d’un bon œil les distri-
buteurs habitués à travailler avec
des institutions de microfinance-
ment, car cela nous aide à avoir une
bonne compréhension des compor-
tements de paiement. Cependant la
collaboration avec les institutions
n’est pas toujours facile et donc la
plupart des distributeurs préfèrent
développer leur propre moyen de
paiement via le PAYG.
Quelle phase du cycle financez-
vous ? Comment ?
Nous finançons parfois des entre-
prises qui sont encore dans la phase
pilote mais le gros de nos finance-
ments se porte sur celles qui ont ré-
ussi le passage d’échelle, ayant des
performances antérieures.
Nous utilisons différentes structures
en fonction de la phase du cycle.
Nous utilisons des lignes de crédit
pour financer le BFR des petites en-
treprises qui sont en phase d’amor-
çage ou pour les marchés comme
l’Inde, qui ont des risques de crédits
limités ou des bonifications d’inté-
rêts. Pour les autres marchés, nous
préférons utiliser des SPV qui nous
donnent plus d’emprise sur les por-
tefeuilles de SSI. Enfin pour celles qui
ont des capacités techniques, légales
et financières nous pouvons travail-
ler sur des opérations de titrisation
comme nous l’avons fait avec BBOXX
au Kenya.
Quelles sont vos principales exi-
gences pour financer une société de
SSI ?
En tant qu’investisseur social, nous
souhaitons financer des entreprises
qui placent au cœur de leur stratégie
des critères environnementaux, so-
ciaux et de gouvernance. Nous vou-
lons travailler avec des entreprises
fiables qui ont déjà performé dans le
passé et dont les techniques sont
approuvées. Nous serons également
attentifs aux sociétés qui ont une
forte approche marketing vérifiée
par une expansion réussie.
Quelles sont les maturités et le ratio
d’endettement attendus ?
L’échéance des paiements pour le
consommateur est de 2 à 3 ans, les
maturités des prêts sont liées à ces
échéances de paiements. Le gearing
sera autour de 70% selon la robus-
tesse du portefeuille d’actifs et des
conditions locales.
10. SOMMAIRE
1/ÉDITO
2/ FOCUS DU MOIS
3/ QUE DIT LE MARCHÉ ?
4/ NOTRE ACTUALITÉ
Finergreen Insight
10FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
ET FINERGREEN DANS TOUT ÇA… ?
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
Finergreen continue son développement…
Finergreen accompagne Eranove,
un acteur majeur de l’énergie en
Afrique dans le cadre de l’accrédi-
tation au Fond Vert (Green Cli-
mate Fund) et dans la recherche d’un partenaire tech-
nique dans les énergies renouvelables.
Finergreen a remporté un appel d’offre auprès de l’IFC
(Groupe Banque Mondiale) et a été mandaté pour l’au-
dit et la mise aux standards internatio-
naux du modèle financier du projet de
barrage hydraulique de Kénié sur le
fleuve Niger au Mali (42MW) dont la
mise en service est prévu en 2020.
… et s’intègre à l’écosystème régional
Durant ce trimestre, Finergreen a intégré le Club Abid-
jan Ville Durable et le Club ENR Afrique de l’Est Océan
Indien. Ces deux clubs visent à promouvoir le savoir-
faire français dans ces pays.
Finergreen est également devenu partenaire de la
Chambre de Commerce Européenne en Côte d’Ivoire.
Jean-Jacques NGONO est d’ailleurs intervenu lors de
l’un de leur séminaire
sur le sujet
« comment obtenir
un financement pour
le développement de
son entreprise », le
1er
mars dernier.
On y était :
Du 14 au 15 février, Jean-Jacques Ngono, Managing Partner Afrique de Finergreen est inter-
venu lors du 6e salon international de l’Entreprise, de la PME et du partenariat, Promote
2017, à Yaoundé, Cameroun.
Les 4 et 5 avril, Caroline Boone, Chargée d’Affaires, a participé au Clean Energy Summit Afri-
ca à Accra (Ghana), dont le thème était « Accelerating clean energy access in Africa » avec
un accent particulier sur le Ghana et le Nigéria.
Deux nouvelles recrues à Abidjan pour faire face à la
demande !
Caroline BOONE
Chargée d’Affaires
ESSEC Business School
« Après différentes expériences
dans le financement du secteur
privé sur le continent africain, chez
Proparco et Investisseurs & Parte-
naires notamment, j'ai choisi de
me spécialiser sur le financement d'un des secteurs
structurants et nécessaires au développement
du continent, à savoir le secteur des énergies
renouvelables, en intégrant l'équipe de Finergreen à
Abidjan ».
Florian CAMMAS
Analyste
Audencia
Ecole des Mines d’Alès
« Faisant suite à plusieurs expé-
riences dans l’ingénierie de projets
de construction et une formation
complémentaire en finance, j’ai
souhaité me spécialiser dans le financement de pro-
jets d’énergie. Je pense que Finergreen est l’endroit
parfait pour mettre ma double compétence au ser-
vice d’un développement vertueux des infrastruc-
tures énergétiques indispensables à l’Afrique ».
11. SOMMAIRE
1/ÉDITO
2/ FOCUS DU MOIS
3/ QUE DIT LE MARCHÉ ?
4/ NOTRE ACTUALITÉ
Finergreen Insight
11FINERGREEN | CONSEIL FINANCIER EN ÉNERGIES NOUVELLES
Numéro 6 - édition Afrique - JUIN 2017
Finergreen investit dans des micro-projets en Afrique !
Grâce à son partenariat avec l’Agence des Micro Projets soutenu par l’AFD et l’aide de 4
entreprises du secteur (Solveo Energie, Cap Vert Energie, Ravetto & Associés et E-Cube),
Finergreen a réussi à récolter 100 000 € de dotations afin de financer 7 projets dans 5
pays différents dont 4 en Afrique.
MALI - Installation
d’une pompe solaire
photovoltaïque sur un
forage pour assurer une
alimentation en eau
potable du château
d’eau du village
BENIN - Fabrication
d’une pirogue solaire
pour améliorer les con-
ditions d’enseignement
de l’informatique et
d’internet aux collé-
giens de 4 villages au-
tour du lac Nokoué
MALI - Pose de pan-
neaux solaires sur le
centre de santé commu-
nautaire et remplace-
ment du groupe diesel
du système d’adduction
d’eau potable par une
pompe solaire
CENTRAFRIQUE - Cons-
truction de bassins
d’algues spiruline et
installation d’un bio-
digesteur et de pan-
neaux solaire sur le
centre de santé d’un
village en situation de
post-conflit
MAROC - Installation
d’un système de
chauffage à partir de bio
-combustibles, dans les
salles de classe des
écoles primaires du
Haut-Atlas, pour lutter
contre le déboisement
massif
MALI - Réhabilitation et
extension du système
d’adduction d’eau po-
table grâce à un sys-
tème hybride (solaire et
thermique) sur les fo-
rages et installation de
six fontaines publiques
VIETNAM - Construction
et installation de bio-
digesteur dans des fa-
milles de petits éleveurs
de porcs afin de dimi-
nuer l’utilisation du
charbon et du bois pour
la cuisson et le
chauffage