6. 6
—sommaire—
Label
sobriété
Lisa
Eldridge
Colorama
L’argument
du pigment
Arômes
chromatiques
Supplément à M Le magazine du Monde édité par la Société éditrice du Monde (SA).
Président du directoire, directeur de la publication : Louis Dreyfus. Imprimé en France : Maury imprimeur SA, 45330 Malesherbes.
Rédaction en chef : Marie-Pierre Lannelongue / Direction de la création : Eric Pillault (directeur), Jean-Baptiste Talbourdet (adjoint) / Rédaction en chef adjointe : Béline Dolat /
Conception : Lili Barbery-Coulon / Rédaction : Carine Bizet, Vicky Chahine, Caroline Rousseau / Edition : Yoanna Sultan-R’bibo, Anne Hazard, Julien Guintard avec Elodie Ratsimbazafy /
Photo : Cathy Remy / Correction : Michèle Barillot, Ninon Rosell avec Claire Diot. Ont collaboré : Mat Maitland, Artus de Lavilléon.
page 8
page 12
page 14
page 26
page 30
Jean-BaptisteTalbourdet.CraigMcDean/Art+Commerce.MatMaitland/BigActivepourMLemagazineduMonde.
BobbyDoherty.ArtusdeLavilléonpourMLemagazineduMonde
le supplément
7.
8. 8
le supplément
—innovations—
Labelsobriété.dans un monde en technicolor, l’épure fait de la résistance.
pour une cosmétique à la fois technique et émotionnelle,
les marques misent sur des packagings en noir et blanc.
par Vicky chahine et caroline rousseau / stylisme lili barbery-coulon /
photos Jean-baptiste talbourdet
piquant
En parallèle de ses parfums
corsés aux notes boisées
dans des flacons aux formes
voluptueuses, Serge Lutens
a lancé en 2010 une collec-
tion d’eaux dans des
bouteilles rectangulaires
et élancées. Laine de Verre,
la troisième à intégrer
la ligne, est un jus glacé et
piquant à l’odeur métallique,
et dont l’empreinte
olfactive s’accorde avec
l’épure de son packaging.
Laine de verre, Serge Lutens, 75 €
les 50 ml. www.sergelutens.com
nippon
Diptyque s’était déjà essayé
à la cosmétique avec une ligne
pour le corps aux senteurs
subtiles.Le parfumeur
décline à présent son offre
pour le visage en cinq soins.
Dont la poudre pureté,un
mélange d’argile blanche,
de pétales de rose,de jasmin
et de fleurs d’oranger,qui
se transforme en une mousse
nettoyante au contact de l’eau.
une texture inspirée par
les rituels de beauté japonais.
Poudre Pureté pour le visage,
Diptyque, 52 € les 40 g.
www.diptyqueparis.com
cELLuLairE
L’aDn,nouvelle arme de
la beauté? Son fort pouvoir
évocateur est désormais mis
en avant par plusieurs marques
comme Dr Brandt, dont
la dernière ligne anti-âge, Do
not age, joue sur l’acronyme
anglais Dna (pour aDn).
La caution médicale est souli-
gnée par un packaging blanc
et des soins alignant les bre-
vets haute technologie.ainsi,
le sérum antirides contient de
petites perles qui libèrent,
lors de l’application,
un complexe agissant sur
les cellules pour combattre
les effets du vieillissement.
DNAsérumantirides,liftantet
revitalisant,Dr.Brandt,99€les
40ml,enexclusivitésursephora.fr
nomaDE
L’esthète Francis Kurkdjian
a imaginé un écrin nomade
pour accueillir ses jus aux bou-
quets délicats.ce vaporisateur
de voyage est fabriqué en
zamac (alliage de zinc,alumi-
nium,magnésium et cuivre),
comme les bouchons des
flacons du parfumeur,un clin
d’œil aux toits de paris.a rem-
plir d’oud pour les adeptes de
boisé ou d’apom pour les afi-
cionados des senteurs florales.
Globe Trotter, Francis Kurkdjian,
85 € la version en zinc (95 € en
or), recharges de 11 ml,
60 à 130 € les trois.
www.franciskurkdjian.com
pionniEr
Le noir et blanc fait partie
des codes de la maison
chanel. cette charte gra-
phique est déclinée jusque
dans la gamme de cosmé-
tiques,notamment les soins
nourrissants Hydra Beauty ré-
cemment enrichis d’un
baume pour les lèvres.
Baume nourrissant lèvres Hydra
Beauty Nutrition, Chanel, 36 €
les 10 g. www.chanel.com
comBiné
La société iFF,créatrice de
parfums pour de nombreuses
marques et auteur de plu-
sieurs best-sellers, lance la se-
conde édition de son coffret
Speed Smelling. Dix de ses
plus grands nez ont été invi-
tés à créer un parfum,sans
aucune contrainte. résultat :
un ensemble de fragrances
singulières comme celle al-
liant coca et yaourt,ou cette
autre mariant sésame,noi-
sette et chèvrefeuille.
Coffret Speed Smelling, IFF,
100 € chez Colette. www.colette.fr
gLiSSant
Lancée par le géant suédois
H&m, la marque & other
Stories a appliqué à sa
gamme de soins la même re-
cette que pour sa mode :
des produits bien travaillés
et à prix abordable. proposée
dans un conditionnement
épuré, la ligne corporelle
cotton care a pour base un
ingrédient phare : l’huile
de graine de coton.
Crème de douche Winceyette,
& Other Stories, 9 € les 350 ml.
www.stories.com
FLouté
conséquence des selfies
embellis à grands coups
de filtres photo, un nouveau
produit a vu le jour ces der-
niers mois : le « blur ». Litté-
ralement « flou » en anglais,
ce type de correcteur permet
de lisser la peau grâce à une
texture qui comble les im-
perfections. La marque de
maquillage nars s’est lancée
sur le créneau avec sa ligne
pro-prime, dont le dernier-né
est un stick qui corrige
avec précision les petits
défauts de la peau.
Instant Line and Pore Perfector,
Nars, 26 €, en exclusivité
chez Sephora.
www.narscosmetics.fr
9.
10. 10
—innovations—
amidonné
avec la multiplication des
tutoriels de coiffure sur inter-
net,le shampoing sec,idéal
pour faire tenir les chignons
et les tresses,a connu un ré-
cent essor.L’italien davines
sort une version de ce produit
matifiant à base d’amidon
de riz,d’huile de citronnelle
et d’extraits de yuzu.
Hair Refresher, Davines,
19,90 € les 150 ml.
Points de vente : 01-46-33-22-13.
romanesque
Pour la Londonienne
Lyn Harris, les parfums
sont d’abord ceux des
jardins de son enfance :
anglais, sauvages, foison-
nants. mais ils sont aussi
un terreau fertile pour
l’imagination. elle a donc
regroupé, à la manière d’un
éditeur, cinq histoires olfac-
tives. Par exemple
le tome iV, La Feuille,
bien vert mais étonnam-
ment fruité, possède l’im-
matérialité et la fraîcheur
d’un changement de saison.
Perfumer’s Library, Miller
Harris, 225 € les 100 ml.
www.millerharris.com
Visionnaire
depuis deux ans, les pro-
duits censés allonger ou faire
pousser les cils se sont multi-
pliés. Les laboratoires Filorga
ont intégré cette technologie
à un soin complet, permet-
tant en un seul geste d’amé-
liorer l’aspect général du
contour de l’œil (grâce à sa
texture de comblement qui
donne l’illusion immédiate
d’une peau lissée) et d’aug-
menter le volume des cils.
Time-Filler Eyes, Filorga,
44,90€ le pot de 15 ml.
www.filorga.com
singuLier
en parfumerie comme
en mode, la tendance est
à la personnalisation.avec
ses huiles de musc, de rose,
d’oud, ou d’ambre, dior pro-
pose à chacun de jouer les
nez en manipulant les ma-
tières premières.ajouté à son
parfum habituel, un discret
point viendra en amplifier ou
contraster certaines facettes.
un jeu de superposition qui
garantit un sillage singulier.
Elixir Précieux, Christian Dior,
280 € les 3 ml. www.dior.com
snob
un conditionnement épuré
pour présenter des soins qui
répondent au mal de
l’époque: les cheveux très
abîmés par les lissages et les
colorations. La gamme capil-
laire développée par le duo
de coiffeurs suédois sacha-
Juan est l’un des snobismes
beauté du printemps.
Intensive Hair Oil, SachaJuan,
35 € les 50 ml, en exclusivité
sur birchbox.fr
sur mesure
Poursuivant sa quête effré-
née de précision et de résul-
tats quantifiables, la marque
de cosmétique ioma a mis au
point des puces et des ma-
chines capables d’établir un
diagnostic précis de l’état de
la peau, que l’on effectue en
boutique. on en ressort avec
une base, et huit sérums à y
additionner en fonction du
diagnostic, pour obtenir une
crème sur mesure.
ainsi, sous un nom simple,
ma Crème, se cache une
formule assez complexe.
Ma Crème, Ioma, 139 €
les 50ml. www.ioma-paris.com
narCissique
Les 25-35 ans sont devenues
la cible privilégiée des
marques de cosmétique.
actives,informées,encore
sans enfant,elles ont un bon
pouvoir d’achat.Le défi est
de satisfaire cette génération
obsédée par son image,qui
attend d’un soin qu’il embel-
lisse aussi efficacement qu’un
filtre sur instagram.sisley
s’attaque donc à la préoccupa-
tion principale,l’apparition
des premiers signes de vieillis-
sement (peau sans éclat,moins
lisse,fatiguée),grâce à une
émulsion fraîche au fini mat.
Sisleyouth, Sisley, 123 € les
40 ml. www.sisley-paris.com
gaLbé
Les huiles en roll-on permet-
tent de se parfumer autre-
ment. Le geste qui consiste
à faire rouler la bille sur
les points de pulsation serait
plus sensuel qu’une vapori-
sation. Le débat est ouvert
par byredo, qui vient de
décliner dans ce format mo-
derne et adapté aux voyages
ses sept parfums les plus
populaires, parmi lesquels
la délicieuse blanche.
sept fragrances de haute
tenue, habillées de la même
charte graphique épurée
qui fait l’identité de la
marque lancée en 2006
par le charismatique
ben gorham, ex-basketteur
et ami des branchés.
Blanche, Byredo, 50 €
les 7,5 ml, www.byredo.com
le supplément
13. 13
—portrait—
SeS vidéoS ont été viSionnéeS par deS millionS de
personnes dans le monde. Pourtant, Lisa Eldridge est
beaucoup moins connue que Beyoncé. Cette Anglaise,
maquilleuse professionnelle, est devenue une star du
Net grâce à ses tutoriels (des leçons en ligne,et en vidéo,
face à la caméra). Mais contrairement à beaucoup de
jeunes blogueuses amatrices de fards et de fonds de
teint,Lisa Eldridge n’est pas un produit de la génération
Facebook-Instagram : elle est née en 1974. Sa force et
son originalité résident plutôt dans une solide carrière
construite « B.I. » :before Internet. C’est grâce aux femmes
de sa famille qu’elle a découvert le maquillage.« A 6 ans,
j’ai trouvé d’anciennes boîtes de fards chez ma grand-mère,
raconte-t-elle, et dans la chambre de ma mère, un livre sur le
sujet. Je n’avais pas vraiment envie de me maquiller moi-
même, je préférais dessiner avec les produits. Le packaging aussi
me fascinait. Pour mes 13 ans, j’ai reçu un livre sur le ma-
quillage de théâtre, écrit par les meilleurs professionnels de cette
discipline. Je n’avais pas réalisé que cela pouvait être une car-
rière. Cela m’a donné envie d’en faire mon métier. »
Mais comment s’y prendre quand on est une gamine de
Liverpool qui veut travailler dans la mode? Quand Lisa
Eldridge se lance, au début des années 1990, les ma-
quilleurs ne sont pas encore ces make-up artists que les
griffes de luxe s’arrachent.Ce sont des artisans de la cou-
leur qui œuvrent dans l’ombre. On est loin du statut de
VIP,acquis aujourd’hui par des personnalités comme Pat
McGrath ou Peter Philips. Aucune formation précise
n’est alors proposée aux aspirants.Mais la jeuneAnglaise
finit par trouver un cours de maquillage photographique,
animé par des professionnels qui lui ouvrent les portes
du milieu.Commence alors un apprentissage classique :
elle s’essaie sur de jeunes mannequins et collabore avec
de nouveaux photographes.Autant d’exercices pratiques
non rémunérés qui lui permettent d’étoffer son portfolio
dans un contexte créatif innocent et festif. « Quand j’ai
commencé à travailler sur les défilés, les grandes marques de
cosmétiques ne sponsorisaient pas encore ces événements, la pro-
fession n’avait pas cet aspect commercial. Nous étions plus
libres. » Sa carrière s’épanouit comme son sens de la dis-
cipline :de FashionWeeks en couvertures de magazine,
Lisa Eldridge travaille beaucoup, depuis vingt ans, avec
les femmes les plus belles et les plus célèbres. Les ac-
trices Kate Winslet, Keira Knightley ou Liv Tyler, les
top-modèles Lara Stone ou Mariacarla Boscono lui ont
confié leur visage. Pour une bonne raison.
Naturelles ou hautes en couleur, toutes les créations de
la maquilleuse ont une chose en commun : elles embel-
lissent. Il y a beaucoup de bienveillance dans sa façon
d’aborder son métier. Et de sens pratique, puisqu’elle
applique aux autres ses propres recettes.Pas celles d’une
créature de mode, mais celles d’une personne qui vit à
Londres avec mari,enfants et chats.Son CV impression-
nant l’amène un jour sur les plateaux de télévision bri-
tanniques pour une émission de relooking à succès « Ten
Years Younger », qui lui donne accès à un autre public,
celui des femmes de la rue.« J’ai reçu beaucoup de questions
auxquelles je ne pouvais pas répondre. Je me suis dit qu’il y
avait une niche pour quelqu’un avec mon expertise. J’ai relancé
mon site avec des vidéos en tutoriel. Aucune marque ne sponso-
rise mon site personnel, je ne parle que de produits que j’aime
vraiment. C’est un espace de liberté et d’intégrité. »
En 2009, Lisa Eldridge, qui par ailleurs produit des vi-
déos pour Chanel et conseille plusieurs
marques de maquillage, commence une vie
parallèle de blogueuse vidéaste. « Au début,
j’avais peur de ruiner ma carrière, car les gens de la
mode peuvent être très snobs. J’ai commencé chez
moi, le dimanche. J’ai fait ma première vidéo avec
une sévère gueule de bois. Mon mari m’a dit que
j’étais folle, mais je voulais montrer aux femmes
qu’on a toutes nos bons et nos mauvais moments. Je
ne voulais pas d’un site intimidant ni jouer à la
professionnelle autoritaire. C’est davantage une
conversation avec une amie. » Et d’expliquer
comment camoufler une poussée de boutons
ou se faire un teint frais.Très vite, le bouche-
à-oreille fonctionne, le site devient un succès,
tout comme sa chaîne YouTube, où certaines
vidéos ont séduit plus d’un million et demi
d’internautes. Le secret : la pureté du fond
blanc,l’élégance du cadrage – son mari,ancien
directeur artistique de Vogue UK, lui a visible-
ment donné quelques conseils – et des thèmes
aux antipodes de la dernière tendance recom-
mandée par la presse féminine. Pas question
d’accumuler sur les paupières le colorama entier de la
palette branchée.L’artiste maquilleuse considère la cou-
leur comme une alliée dans une quête de mieux-être.« Il
existe beaucoup de règles. Je n’y crois pas. La couleur est très
émotionnelle ; donc s’il y a une nuance que vous aimez, essayez-
la. Si elle illumine votre visage, c’est une bonne couleur pour
vous et vous trouverez une façon de l’utiliser. » A trois condi-
tions :toujours avoir un joli teint,toile de fond indispen-
sable à toute pose de pigments réussie ; choisir les yeux
OU la bouche ; résister aux achats compulsifs. « Dans les
magasins, les éclairages sont réglés soigneusement, il faut essayer
les produits à la lumière du jour et voir comment ils réagissent
avec la peau sur la durée. Si, une fois à la maison, c’est toujours
beau, alors achetez le lendemain. » Lisa Eldridge a choisi la
franchise et la proximité avec les internautes : une stra-
tégie payante. lisaeldridge.com
Blogueuse
sansfard.la maquilleuSe-Star liSa eldridge diSpenSe
conSeilS et leçonS de beauté à madame
tout-le-monde danS deS vidéoS, conSultéeS
deS millionS de foiS. leS cléS de Son SuccèS :
pédagogie et franchiSe.
par carine bizet
le supplément
14. 14
—portfolio—
Colorama.parfums, soins, vernis à ongles… rien n’échappe au pouvoir
de la couleur. jouant sur la gamme, l’artiste mat maitland a créé
des tableaux, entre surréalisme et hyperréalisme.
par lili barbery-coulon / illustrations mat maitland
Vernis infaillible, L’OréaL. crème Haute exigence Jour
multi-intensiVe, CLarins. rouge à lèVres addict fluid stick
Pandore, DiOr. crème Powerful wrinkle reducing, KiehL’s.
le supplément
15.
16.
17. page de gauche, eau
de parfum Bella Notte
pour homme, Cer-
ruti 1881. eau de
toilette giNepro di Sar-
degNa, ACquA di PArmA.
gel Jour Super aqua-
crème, GuerlAin.
maSque éclairciSSaNt
pétillaNt BrightSeal,
Shu uemurA.
ci-coNtre, BroNzage
iNteNSif teiNté SuN
Beauty, lAnCASter.
eau de toilette exotic,
Jimmy Choo. Baume
coNceNtré aux agrumeS
pour le corpS, AéSoP.
18.
19. page de gauche, eau
de parfum couleur
Kenzo Violet, kenzo.
soin anti-âge réner-
gie french lift,
Lancôme. huile-sérum
très régénérante,
Sephora.
ci-contre, gloss lust
for lacquer lip Vinyl,
marc JacobS. crayon
lacquer Balm
colorBurst, revLon.
eau de parfum
BonBon, viktor
& roLf. anti-âge
magnificence sérum
rouge reVitalisant
intensif, Lierac.
20.
21. Sérum Anti-Cellulite,
PerfeCt Slim lASer
SCulPt, L’OréaL.
gel AminCiSSAnt Body
SCulPter, BiOtherm.
eAu de toilette CK one
Summer, CaLvin KLein.
22.
23. page de gauche, eau
Fraîche See by chloé,
Chloé. eau de toilette
prada candy, Prada. VerniS
à ongleS you callin’
Me a lyre, o.P.I.
ci-contre, crèMe Future
Solution lX, régénérante
totale, ShISeIdo. creMa
nera eXtreMa, gIorgIo
armanI.eau de toilette
pour hoMMe, Karl lager-
feld.crèMe le liFt, Chanel.
24.
25. page de gauche,
le parfum, EliE Saab.
eau de parfum fruit
défendu, TErry dE
gunzburg. crème de
jour Super-defenSe
Spf20, CliniquE. l’eau
de toilette, CarvEn.
ci-contre, Sérum
contour lifting, CrèmE
dE la mEr. Shampooing
reStauration extrême,
Shu uEmura. gel
douche corpS et
cheveux eau d’orange
verte, hErmèS. verniS
à ongleS Sage green,
burbErry.
26. 26
—enquête—
20,8 millions d’euros en 2013, contre 11,8 en 2006 :
c’est le chiffre d’affaires généré en France par le marché
de la couleur pour les ongles. Toutes les marques ont
développé leurs propres nuanciers de vernis, certains
comme Formula X (Sephora) atteignant près de deux
cents teintes.« L’explosion récente du vernis à ongles a modi-
fié notre rapport à la couleur, nous permettant de la considérer
comme un accessoire de mode », considère Alexandra Jubé,
chef de projet chez NellyRodi.Moins ostensible qu’une
robe de teinte vive, moins coûteuse qu’une paire de
chaussures, la touche de couleur « permet d’apporter une
pointe de créativité politiquement incorrecte dans un monde très
standardisé », estime Aurélie Chaffel, directrice conseil
chez Perspectives Lab,un cabinet de prospective.Et pas
seulement sur les ongles.
« Le secteur du rouge à lèvres comme celui de la coloration des
cheveux sont également en pleine mutation, admet Eva Yean,
coloriste pour L’Oréal Paris. Adopter une couleur tranchée sur
labouche,c’estunenouvellefaçondes’affirmeràmoindresfrais.»
Lacouleurs’afficheaussisurlescheveuxdesadolescentes,
avec le hair chalking, un maquillage éphémère en poudre
quipigmenteleslongueurspendantunàtroisjours.Déve-
loppés par des marques comme L’Oréal Professionnel,
Bumble and Bumble ou Body Shop, ces produits fluo ne
sontpasdestinésàséduiredesadeptesvieillissantsdupunk
maisdesjeunesfillessuivantlesmétamorphosesrégulières
de leurs chanteuses préférées. « La coloration correspond à
l’effacement de l’histoire individuelle et aussi à la permission de se
réinventer,analyseAnnedeMarnhac,historienneetauteure
de Beauté : histoire, florilège et astuces aux éditions de La Mar-
tinière.Ces phénomènes sont amplifiés par la confrontation per-
manente à notre propre image, à travers la culture des selfies, ces
autoportraits partagés sur les réseaux sociaux. »
Dans les domaines du maquillage ou de la coloration ca-
pillaire, on se doutait que la palette des possibilités fini-
rait par s’élargir. Cependant, on n’imaginait pas que la
couleur deviendrait un argument de vente à part entière.
Ce n’est pas la durabilité du vernis qui donne envie de
l’acquérir,ni les bienfaits hydratants d’un gel douche qui
poussent à consommer l’intégralité d’une collection pour
le bain, mais bien leur couleur. « On vit dans un monde
concurrentiel hostile, on n’arrive même plus à envisager l’ave-
nir, souligne Mai Hua, créatrice de couleurs de packa-
gings et de maquillage pour l’industrie de la beauté. La
couleur répond à un besoin d’émerveillement immédiat. »
Premier à l’avoir compris,Steve Jobs révolutionne le rap-
portauxmachinesenlançant,chezApple,desordinateurs
decouleuràlafindesannées1990.«Jusqu’alors,onpensait
le design par la ligne et non par le plein, rappelle Mai Hua.On
proposait des appareils électroménagers gris ou noirs, des ordi-
nateurs beiges, dont la fonction était définie par le contour, pas
par la couleur. Avec l’innovation de Steve Jobs, l’ordinateur a
quitté le discours technologique pour devenir intuitif
et sensoriel. Et tous les autres secteurs de la consom-
mation ont suivi. » Les appareils électroniques
ont été déclinés sur tous les tons, les capsules
de café se sont distinguées grâce à leur palette
de couleurs,les boîtes de thé se collectionnent
empilées comme un arc-en-ciel… Même la so-
ciété Pantone, qui a démarré à la fin du xixe
siècle en proposant des nuanciers pour fabri-
cantsdecosmétiquespuisadéveloppédansles
années 1960 un système de couleurs pour l’im-
primerie, a surfé sur la vague en créant des ob-
jetsauxcouleursducatalogue.SelonAlexandra
Jubé,« l’utilisation de la couleur par ces marques a
élargi le spectre du produit de mode. Avant, seul le
vêtement était considéré comme saisonnier. Au-
jourd’hui, la couleur est un moyen de pousser les gens
à consommer toujours plus, quel que soit le produit ».
dans l’industrie de la beauté, les marques de ma-
quillage ont ouvert le champ. Des précurseurs comme
François Nars dans les années 1990, des marques desti-
nées aux professionnels comme M.A.C, Make Up For
Ever, ou encore Fred Farrugia, qui a créé les premiers
gloss colorés chez Lancôme en 2000…,tous ont participé
àl’élargissementdelapalettepourlevisage.Aujourd’hui,
le nombre de collections de maquillage va parfois jusqu’à
huit par an, reprenant le rythme effréné des collections
de mode des grands noms du luxe. « Les couleurs les plus
flashy ne se vendront pas forcément mieux, mais elles permettent
de retenir l’intérêt des journalistes et des consommatrices. Ainsi,
elles vont provoquer de l’émotion autour de la marque », dé-
crypte Alexandra Jubé. Lors du défilé haute couture Ar-
mani Privé en janvier 2013 à Paris,la maquilleuse Linda
Cantello a installé un color lab dans les coulisses, une
sorte de laboratoire avec des pigments purs permettant
de créer des teintes exclusives pour le défilé.La mise en
scène a entretenu l’engouement chromatique.« On n’est
pas loin de la mouvance culinaire : les couleurs se consomment
et se préparent comme des pâtisseries, on devient boulimique de
nouvelles teintes, que l’on va photographier et partager sur
L’argument
dupigment.des teintes de vernis déclinées par centaines,
des fragrances coordonnées à des flacons…
jusqu’ici décorative, la couleur est devenue
un argument marketing. en exploitant ses
pouvoirs évocateurs, la cosmétique en a fait
un atout de séduction.
par lili barbery-coulon
le supplément
BobbyDoherty
27. Acide hyaluronique et extraits d’Orchidée.
Effet injection de matière.
Densité, volume et éclat retrouvés.
ée.
re.
és.
VOS CHEVEUX AUSSI
ONT LEUR ANTI-ÂGE
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NOUVEAU
SOIN NUTRI-REPULPEUR
28. 28
—l’enquête—
Instagram », remarque Mai Hua. D’où l’apparition de
gammes, toutes catégories cosmétiques confondues,
construites autour de la couleur, comme la collection de
fragrances baptisée Couleur, de Kenzo, dont chaque
opus parfumé est coordonné à la teinte du flacon. Idem
chez Jo Malone qui lance en avril la ligne London Rain,
quatre parfums dans des bouteilles colorées à collection-
ner. L’enseigne Sephora s’est même inspirée des cap-
sules de café pour mettre au point un nuancier de mono-
doses de gel douche. « Ces trois dernières années, les spas,
les lieux consacrés au bien-être, les médecines alternatives et les
neurosciences nous ont sensibilisés à l’idée que la couleur pou-
vait avoir une inflexion sur l’humeur, pointe Aurélie Chaf-
fel. La couleur est ainsi utilisée comme un soin, la chromothé-
rapie. » Et peu importe l’efficacité de la formule à
l’intérieur du contenant.
Cette vague chromatique n’aurait pas pu se propager
sans Internet. « Il y a désormais les blogs, les chaînes de té-
lévision en continu, les applications sur téléphone mobile et
Tumblr qui font la promotion du design et de la couleur »,
confirme Laurie Pressman,vice-présidente de Pantone
Color Institute. Des blogs comme Plentyofcolour.com
répertorient les plus beaux nuanciers,qu’ils soient issus
de la nature, d’expositions artistiques ou de la société
de consommation. Sans compter l’influence de Pinte-
rest, réseau social qui permet de partager des mood-
boards (des murs d’inspirations) selon les thèmes de son
choix. La requête « Pinterest colors » dans Google in-
duit plus d’un milliard de résultats. « Que ce soit dans le
domaine de la décoration ou de la beauté, les internautes sont
devenus des experts, poursuit Alexandra Jubé. On ne parle
plus de vert, de violet ou de jaune : on dit menthe-à-l’eau,
lavande et mimosa. » Et si l’on hésite encore à utiliser un
eyeliner turquoise au ras des cils ou qu’on ne sait pas
quels vêtements porter avec un orange vif sur les lèvres,
le Web a réponse à tout. « Les tutoriels sur YouTube, ces
leçons de beauté filmées, ou les do it yourself sur les blogs, ont
permis aux femmes d’acquérir une confiance dans leur capa-
cité à utiliser la couleur, raconte Eva Yean. La mode des
cheveux colorés tie and dye [coloration en dégradé] par
exemple est née sur Internet avant d’inspirer à L’Oréal Paris
la création de son kit Ombré. Plus notre œil absorbe de cou-
leurs, plus on s’habitue à elles, plus c’est facile de les adopter
au quotidien. » Les consommatrices étant désormais
considérées comme des spécialistes, l’industrie de la
beauté n’hésite pas à jouer avec leur centre d’intérêt :
on ne parle pas de crèmes teintées pour camoufler les
imperfections mais de CC creams, deux initiales pour
colour control (contrôle de la couleur). Une appellation
déclinée du supermarché à la parfumerie de luxe. Il ne
s’agit plus d’être belle mais de « gérer la colorimétrie »
de sa peau au pixel près. Tout un programme…
Aussi attirantes que déterminantes dans l’acte d’achat,la
couleur du conditionnement du produit de beauté et
celle du maquillage ne se créent ni au hasard ni à l’ins-
tinct. Les marques font appel aux bureaux de style qui
leur vendent des cahiers de tendances pour savoir quelle
palette adopter deux ans plus tard. « On réalise des études
sur les consommateurs, des études de marché, on observe la
création émergente, relate Alexandra Jubé. Puis on analyse
ces données avec des créatifs, des sociologues et des économistes
afin de dresser des scénarios pour l’avenir. Exemple : nous
avons construit un cahier sur le besoin de déconnexion. Nous
sommes partis d’une expérience d’espace de vente silencieux
lancé par Selfridges à Londres, et nous avons traduit notre
analyse par une palette de pastels, très présents dans le design
scandinave. » Des teintes qu’on retrouve au printemps,
déclinées en ombres à paupières par plusieurs marques.
Chez Pantone,on élit à présent la couleur de l’année.En
2012, il s’agissait d’un orange appelé « tangerine » inter-
prété par de nombreux créateurs de vernis à ongles. En
2014, l’expert du nuancier parie sur la teinte « radiant
orchid », un rose violacé qui semble avoir déteint sur les
flacons de parfum de ce printemps.
Cependant, les marques ne se Contentent pas des
cabinets de tendance traditionnels. En maquillage, elles
comptent beaucoup sur les conseils des maquilleurs stars
des défilés qui ont un regard privilégié sur les tendances.
D’autres font appel à des experts, consultants extérieurs
ou coloristes. « Pour créer les couleurs de maquillage, je me
nourris d’expositions, d’architecture, de voyage, d’actualités
économiques et, évidemment, je suis très attentive aux défilés de
mode, détaille Eva Yean. On est beaucoup plus libre dans ce
domaine que dans le soin, où tout est très codé. » Chaque cou-
leur de packaging a une fonction : le jaune, l’orange et le
bronze pour les produits solaires ;le vert pour les produits
amincissants ; le blanc pour les soins antitaches ; le noir
pour les crèmes antirides les plus chères, le bleu pour les
produits hydratants.« Les usages ont formaté les inconscients,
reconnaît Mai Hua. Mais il y a quand même des ruptures
notoires, comme celle du flacon bleu d’Angel de Mugler. » Lan-
cée en 1992, cette essence boisée, intense et très gour-
mande ose une teinte habituellement utilisée pour expri-
mer la fraîcheur olfactive. « C’était compliqué parce qu’il
fallait décolorer le jus et stabiliser les pigments bleus, se sou-
vient Vera Strubi, qui élabore alors ce best-seller avec
Thierry Mugler. Aujourd’hui, les marques vantent la cohé-
rence entre la couleur et le jus. Je pense que c’est une erreur. Si
tout est lissé par le marketing, on s’ennuie! » Mais ne risque-
t-onpasdesaturerlesconsommateursaveccefluxcontinu
de nouvelles teintes? Certains,comme Mai Hua,s’atten-
dentàuneffetdebalancierpourreposerlarétine.D’autres
pensent au contraire qu’on n’en est qu’aux prémices.Les
prochaines années le diront.
QuandSteveJobs
acréédesordinateurs
decouleur,lamachine
aquittélatechnologie
pourlesensoriel.
Ettouslesautres
secteursdelaconsom-
mationontsuivi.
BobbyDoherty
le supplément
29.
30. 30
—rencontres—
Créateur des parfums Chanel depuis 1978,
JaCques polge a déJà Composé plusieurs
parfums aux noms de Couleur : Bleu, Beige
ou enCore CoCo noir. « On m’avait pré-
senté le flacon opaque de Coco Noir
bien avant la création du parfum.Ce noir
intense m’a donné envie de senteurs de
toujours, comme
les baumes des
Rois mages. Mais,
au-delà des ingré-
dients qui pou-
vaient évoquer la
couleur, il fallait
réfléchir à la place
du noir chez Cha-
nel. La petite
robe.La veste.La
nuit. C’est riche
poétiquement. Pour Beige, qui est une
teinte inscrite dans la grammaire de la
marque, mon instinct m’a guidé vers les
fleurs blanches, amandées, miellées. Et
puis il y a une facette confortable,velou-
tée comme une étoffe en daim.Les évo-
cations des couleurs dans les parfums
sont toujours soumises à l’esthétique
d’une maison, à son histoire. On doit en
être conscient lorsqu’on crée. »
auteur de Best-sellers Comme le mâle de
Jean paul gaultier ou for her de narCiso
rodriguez, franCis KurKdJian a lanCé une
marque de parfums à son nom en 2009. «Je
déteste créer des parfums à partir d’une
couleur.D’ailleurs,je viens de perdre un
projet où l’on me
demandait une
collection de sen-
teurs fondées sur
des teintes.Je suis
sensible à la lu-
mière dans une
fragrance, mais je
ne vois pas de
couleurs quand je
sens. Bien sûr, on
peut caricaturer
en disant que le
marron rappelle
les notes boisées ;
lejaune,lesjasmins,lesmimosas,leschè-
vrefeuilles ; le vert, la jacinthe, la tige, le
gazon et le lierre ; le noir peut aussi se
restreindre aux odeurs de goudron, de
chocolat,de caramel carbonisé.Mais que
fairedubleu?Commentcapturerl’odeur
du ciel ? D’autant que si une essence de
patchouli peut sembler sombre, il suffit
de lui associer un accord lumineux pour
lui donner une odeur de propre. »
instigateur de féminité du Bois, de tuBé-
reuse Criminelle ou d’amBre sultan, serge
lutens aime Jouer aveC les perCeptions
sensorielles. « Je ne décris pas un par-
fum avec des couleurs, mais l’ambiance
est donnée par le nom : Serge Noire,
allier senteurs et Couleurs pour Créer des Jus uniques et poétiques,
telle est l’amBition des grands parfumeurs.
par lili BarBery-Coulon / illustration artus de lavilléon
Arômeschromatiques.
le supplément
“La couleur d’un
parfum renvoie
toujours à l’histoire
d’une maison.”
Jacques Polge
“Je suis sensible
à la lumière dans
une fragrance.”
Francis Kurkdjian
“Les pigments
conditionnent
nos perceptions
olfactives.”
François Demachy
“Les couleurs
évoquent des
sentiments liés
à notre culture.”
Jean-Claude Ellena
Clair de Musc,
Gris Clair.Dans le
cas de Serge
Noire ou Datura
Noir, je me suis
intéressé au déca-
lage entre l’évo-
cation du nom et
l’attente suscitée :
j’aime être là où
l’on ne m’attend
pas. Pour De Profundis, dont le jus est
coloré en violet, j’ai piqué la formule au
cimetière. C’est un chrysanthème lié à
laToussaint.On peut dire que la couleur
s’est jetée au nez. »
parfumeur maison Chez guerlain, thierry
Wasser a Composé la petite roBe noire,
l’un des plus gros suCCès en parfumerie.
«J’aiunami,RonWinnegrad,directeurde
l’écoledeparfumerieIFFàNewYork,qui
est synesthète. Je ne sais pas ce qu’il
prend, mais ses
théories sont gé-
niales. Il est
convaincu qu’un
parfum exprime
toujours une cou-
leur dominante et
quelques nuances.
Dans le processus
de création, l’éla-
boration d’une fra-
grance se fait sou-
ventparallèlement
à celle du nom et
du flacon. C’est différent pour La Petite
Robe Noire, car le nom existait déjà. J’ai
tout de suite pensé au patchouli, à la ré-
glisse, à la cerise noire. C’est pourquoi il
mesembleessentielquelemarketingqui
liel’appellation,l’histoire,leflaconaupar-
fum soit cohérent. »
frédériC malle travaille aveC des nez à
l’élaBoration des fragranCes pour sa
marque. la Couleur lui permet d’enriChir
l’éChange aveC le
Compositeur. « Si
je dis à un parfu-
meurqu’ilmanque
du cassis dans la
formule, je ferme
la discussion. Si je
disquejelaverrais
bien plus pourpre,
alors j’oriente la
création tout en
laissant le parfu-
meur libre. Libre
de me surprendre
et d’avoir une
meilleure idée que le cassis. On dispose
aujourd’huidebeaucoupplusdematières
pour s’exprimer.Un peu comme en déco-
ration : avant, il y avait cinq choix de mo-
quette rouge.Aujourd’hui, il y en a deux
cents. Le spectre des parfums verts, par
exemple, s’est beaucoup élargi. On est
passé du vert foncé, le galbanum, à des
multitudes de verts aqueux, diaphanes,
transparents, ozoniques. Même si l’on
n’estpassensibleauxcomparaisonssynes-
thésiques,lesallusionsàlacouleurpermet-
tent de faire avancer la création. »
pour françois demaChy, parfumeur-Créa-
teur de dior, les Couleurs assoCiées aux
odeurs diffèrent d’un
individu à l’autre.
«Aujourd’hui,ondéco-
lore les solutions alcoo-
liquespourlespigmen-
ter à nouveau, en rose,
envert,enbleu…Cela
conditionne notre ma-
nièredesentir.Prenons
levétiver,parexemple.
A cause de sa phoné-
tique,beaucoup imagi-
nentqu’ilestvert.Ega-
lement parce que de
nombreuses marques
ontchoisidecolorerenvertlesparfumsau
vétiver, leurs étuis ou leurs flacons. Pour-
tant,àl’aveugle,jenecroispasqu’ilévoque
cette teinte si clairement.Lorsqu’on parle
de fleurs blanches, le public peut croire
qu’ellessontgentillettes.Alorsquecesont
les plus puissantes de la palette florale.Au
fond, il y a la réalité et l’imaginaire. Et le
chemin entre les deux est aussi poétique
quesinueux.»
Chez hermès depuis 2004, le parfumeur
Jean-Claude ellena affeCtionne les méta-
phores Colorées pour ses Créations : l’eau
de pamplemousse rose, l’eau de narCisse
Bleu… « C’est un amusement poétique.
Pourl’EaudeNarcisse
Bleu, je joue sur une
confusion habituelle
du public, qui prend
les narcisses pour des
iris. J’entretiens l’am-
biguïté. Je ne pense
pas qu’il y ait une réa-
lité scientifique dans
les correspondances
entre parfum et cou-
leur. Un jour, j’ai fait
sentir à l’aveugle la
même matière à cinq
experts de la soie chez
Hermès. Ce sont des
coloristes hors pair. Je
leuraidemandédeme
dire quelle couleur ils
voyaient en sentant.
Ils m’ont tous donné
uneréponsedifférente.Lescouleursévo-
quent des sentiments liés à notre culture,
très différents d’un pays à l’autre. Le
blanc en Europe est associé à la pureté.
En Inde,c’est la couleur de la mort… »
“Je m’intéresse
au décalage
entre l’évoca-
tion d’un nom
et l’attente
suscitée.”
Serge Lutens
“Pour
La Petite Robe
Noire, j’ai
pensé à la
réglisse et à la
cerise noire.”
Thierry Wasser
“Evoquer une
teinte permet
d’orienter la
création tout en
laissant le par-
fumeur libre.”
Frédéric Malle