Les fondamentalismes et les femmes (version pour le site)
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Les fondamentalismes et les femmes :
Géopolitique d’une difficile et sans doute impossible cohabitation
Se lancer dans une approche géopolitique des relations entre les fondamentalismes et les femmes
est à la fois une tache complexe et plonge rapidement dans la consternation en se rendant compte
du nombre d’occurrences, et donc de fait d’exemples précis que la moindre recherche
informatique sur « fondamentalisme et femme » fait apparaître à l’écran.
Commencer d’abord par une rapide définition de géopolitique afin de clarifier le champ de la
réflexion. L’exposé se déclinera ensuite en 3 temps l’apparition de cette notion de
fondamentalismes qui peu à peu s’est imposée partout, la relation que les mouvements
fondamentalistes nouent avec les femmes et la perception qu’ils peuvent en avoir pour terminer
par une triste typologie de mépris, d’infériorisation et d’exclusion que les fondamentalismes,
tous sans exception font subir aux femmes à travers la planète.
La géopolitique se trouve à l’articulation de l’histoire et de la géographie dont elle utilise souvent
les outils notamment la carte. Ce qui caractérise la géopolitique c’est indiscutablement de mettre
l’accent sur les rivalités de pouvoir, sur les rapports de forces, sur les relations, asymétriques le
plus souvent qui s’instaurent et ce, dans l’espace, autour des territoires et à toutes les échelles.
Le géopolitique insiste sur le jeu d’acteurs, d’actrices peut-être et sur leurs stratégies. Or, c’est
bien de stratégie, de projet politique parfois, de rivalités, de prosélytisme et de relations inégales
(de fait des relations de domination) qu’il s’agit lorsque l’on tente d’approcher la géopolitique
des fondamentalismes et de leurs relations avec les femmes.
1/comment le concept de fondamentalisme s’est imposé
Autant il est aisé de définir géopolitique que tout devient plus complexe lorsqu’il s’agit
d’aborder la notion de fondamentalisme.
Il existe plusieurs sortes de fondamentalismes et notamment les fondamentalismes culturels et
les fondamentalismes religieux.
L’absence de compromis, le refus d’accepter toute idée divergente par rapport aux principes qui
les animent (ou qui les fondent) et le sort réservé aux femmes rapprochent les uns et les autres.
Ici seuls les seconds seront retenus et pourtant il y aurait beaucoup à dire sur les
fondamentalismes culturels en Afrique par exemple où dans le cadre de la famille et dans
certaines ethnies l’excision des filles est la règle. La loi l’interdit souvent, au Sénégal par
exemple, la répression s’exerce mais le fondamentalisme culturel défie encore aujourd’hui le
législateur qui essaie d’y mettre fin.
Même réduit à sa dimension religieuse il s’agit de parler des fondamentalismes et non d’un
fondamentalisme ou du fondamentalisme.
Le fondamentalisme, la notion donc, est né aux États-Unis, dans le contexte du protestantisme.
En 1919, des pasteurs presbytériens, baptistes et méthodistes fondent l’Association Mondiale
des Chrétiens Fondamentalistes (la World's Christian Fundamentals Association), pour défendre
les points de la foi qui leur paraissent fondamentaux et pour lancer un nouveau protestantisme.
Ils soutiennent en particulier une interprétation littérale de la Bible.
Les récits bibliques pris au pied de la lettre sont sensés relater un ensemble d’événements
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historiques par exemple le récit de la création du monde en six jours dans la Genèse. Quid de la
symbolique inhérente à toute religion. Très vite leur attention se recentre sur une opposition aux
théories de l'évolution, ils rejettent les théories de Darwin sur les origines de l'homme, le
créationnisme est en marche.
En France depuis la fin du XIXe siècle, la langue parle plutôt « d’intégrisme », terme qui
désignait à l’origine un parti espagnol qui cherchait à soumettre l’État à l’Église catholique puis
le terme s’applique aux catholiques qui voulaient conserver un catholicisme intégral.
Le terme fondamentalisme a longtemps été utilisé seulement dans le monde anglophone avant de
l’être par emprunt dans le monde francophone. On parlait alors d’intégristes pour les catholiques
et d’islamistes pour les musulmans lorsque l’on voulait qualifier des dérives extrémistes de l’une
ou l’autre de ces religions.
A partir des années 1970 le concept de fondamentalisme a pris de l’expansion et s’applique
désormais à toutes les radicalités religieuses qui ont pris forme au sein des différentes traditions
religieuses qui touchent les 3 grands monothéismes, les 3 religions du Livre (mais on aurait pu
aller bien au delà en incluant l’hindouisme parcouru lui-même de plusieurs fondamentalismes).
Olivier Roy, un des plus grand spécialiste en France, et au delà, de l’islamisme parle à son
propos de néo-fondamentalisme. Noam Chomsky, philosophe et linguiste américain, à
l’immense notoriété internationale mais aux prises de position parfois déroutantes parle
également de fondamentalisme aussi bien pour les attentats du 11 septembre que pour les
prédicateurs fondamentalistes tel le flamboyant télévangéliste Jerry Falwell.
Quelques repères simples permettent d’identifier dans les discours et dans les pratiques ces
fondamentalismes :
- Ils refusent la séparation entre le sacré et le profane qui selon eux s’est imposée avec la
modernité.
- Ils veulent assurer un retour du religieux dans l’ensemble de la vie économique, sociale et
politique car pour eux le monde va à sa perte et seul le religieux peut être le principe structurant
de nos sociétés.
- Le pluralisme idéologique est inacceptable et l’unique vérité est celle dont ils rendent compte.
- Leur vision du monde est dualiste, dialectique : le Bien, le Mal ; les Bons, les Ennemis ; la
Vérité, le Mensonge, etc.
- A la tête de chaque groupe fondamentaliste se trouve un chef mâle qui s’attend à la soumission
de ses membres, véritable forme exacerbée du patriarcat avec si possible une voie politique pour
exister, pour imposer son système de valeurs et de représentation du monde à tous et à toutes
surtout car il s’agit d’assurer la reproduction de leur idéologie.
Et c’est ainsi que les femmes se retrouvent au centre des préoccupations de tous les
fondamentalismes, avec avant d’aller plus loin une définition simple de patriarcat, celle du
Robert « Forme de famille fondée sur la parenté par les mâles et sur la puissance paternelle »
2/les fondamentalismes et leur perception des femmes ou encore leur relation aux femmes
Le patriarcat qui attend des femmes une fonction reproductrice confère l’autorité à l’homme
comme vu dans la définition du dictionnaire Robert et se double d’un machisme religieux qui lui
confère une supériorité aux hommes sur les femmes. L’autorité et la supériorité font que les
femmes sont exclues du pouvoir de par leur nature (féminine donc) et très vite l’asymétrie des
rapports s’impose entre les femmes et les femmes.
Tous les fondamentalismes tiennent un discours de complémentarité entre les sexes ; aux
femmes la maternité et la famille, aux hommes les fonctions protectrices et de pouvoir.
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La femme est considérée comme l’autre, comme une autre : pendant que l’homme est le pôle
définisseur de l’humanité, la femme est l’autre dans le sens de la différente. Épouse, mère, fille,
sœur pourvu qu’elles restent conforme à une « pseudo » nature féminine qui garantit aux
hommes qu’elles resteront à leur service, qu’elles deviennent des êtres humains différents du
genre humain générique, c'est-à-dire le genre masculin et qui sont ainsi ségréguées de l’exercice
du pouvoir et de l’organisation de la société.
Et c’est au nom de ce raisonnement que le corps et la sexualité des femmes ne leur appartiennent
pas et répondent une fois de plus à des exigences patriarcales. Le droit à l’autonomie de leur
corps et de leur sexualité n’existe pas. Au nom de ce principe, de cette exigence l’apparence des
femmes, leurs déplacements, les lieux autorisés ou interdits sont tous imposés. C’est de cette
façon que s’installe une dynamique de soumission et de répression. Même s’il y a de la
complexité, des contradictions, voire des concurrences entre fondamentalismes ils se rejoignent
tous, sans la moindre exception dans une restriction des droits des femmes sans même oser
évoquer l’idée de libertés des femmes. Les valeurs clés d’égalité, de justice et de liberté,
familières de nos sociétés sont non seulement absentes mais combattues par les
fondamentalismes religieux.
Chrétien, juif ou musulman la montée des fondamentalismes religieux progresse partout dans le
monde et partout les femmes en sont l’objet, la cible voire la victime.
Ces différentes discriminations dont les femmes sont l’objet amène à faire une typologie qui va
nous permettre de voir et sans doute d’être surpris de cette récurrence dans l’infériorisation.
3/typologie du sort réservé aux femmes dans les fondamentalismes
1er type : les ségrégations
Afin de protéger les hommes, il convient d’exclure tout ce qui est féminin de leur vue comme de
leur vie, hormis le double rôle domestique et reproducteur.
La ségrégation s’impose ainsi dans de nombreuses situations : dans la vie quotidienne (donc à
l’école et dans les lieux de cultes essentiellement), dans l’exercice de la fonction politique (donc
aux élections dans des bureaux de vote séparés), dans les transports enfin (de l’interdiction pure
et simple à la ségrégation).
2ème type : la négation juridique, politique et sociale
Cacher le corps des femmes, même leurs mainsgommer tout ce qui peut évoquer de la féminité
car elles incarnent alors la principale source du plaisir masculin or pour les fondamentalistes le
droit au bonheur c’est l’accès au Paradis. Les cheveux incarnation de cette même féminité
doivent être cachés et l’on s’achemine ainsi jusqu’à l’obligation du port du voile, avec des
variantes plus ou moins sinistres.
On peut tout dire, tout argumenter et tout lire sur le voile mais sa pratique croissante offre trois
explications globales : ou les femmes y sont contraintes par des époux intégristes (dans notre
propos nous dirons fondamentalistes), ou elles se sentent plus en sécurité dans les quartiers des
banlieues occidentales ou il s’agit de leur part d’une affirmation identitaire.
Le port du voile correspond parfois à un « dress code » que les jeunes filles/jeunes femmes ont
bien du mal à résoudre et devient donc la solution la plus simple.
Mais la volonté de dissimuler une partie de ce qu’elles sont ne touche que les femmes et se
retrouvent dans toutes les religions ou presque sans même parler des fondamentalismes
(« mantilles », religieuse en cornette, femme juive portant perruque).
Cependant que dire lorsque les fondamentalistes s’accordent pour imposer aux femmes des
voiles divers, de ces voiles qui deviennent de véritables linceuls et ce mot de linceul est employé
à bon escient car c’est bien de mort sociale des femmes qu’il s’agit quand elles sont ainsi
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dissimulées à la vue de tous.
En Iran en 1979, au lendemain de la révolution et lors de la mise en place de la théocratie, les
mollahs au pouvoir ont rejeté l’égalité des sexes, ont imposé le voile à toutes les femmes (et crée
des patrouilles de police religieuse pour surveiller cela sans parler de l’âge légal du mariage des
filles ramené de 18 à 9 ans !
Cette infériorisation sociale des femmes se manifeste également dans la pratique de la polygamie
que l’on retrouve chez les Mormons et différentes églises fondamentalistes proche des Mormons
comme l’Église Fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours ou encore
polygamie pratiquée par certains fondamentalistes islamistes .
Une infériorisation sociale qui devient quasiment une mort sociale des femmes quand elles ne
peuvent plus exister dans aucun lieu public ni apparaître dans aucune manifestation publique En
Israël à Ashdod (5ème ville du pays, premier port d’Israël), un orchestre a du renoncer à se
produire, sous la pression des fondamentalistes orthodoxes abonnés car il devait y avoir 3
femmes sur scène (une violoncelliste, une chanteuse et la chef d’orchestre).
Le journal Hamodia, proche des religieux et qui refuse de publier toute photo de femmes a
interdit aux femmes une conférence/débat qu’il organisait sur l’économie !
Même évolution au sein de Tsahal, l’armée israélienne connue pour sa mixité où désormais
certaines unités « préfèrent » c'est-à-dire refusent d’avoir des instructeurs féminins, où en 2011
lors d’une cérémonie officielle des officiers partent ostensiblement parce qu’une femme y
chante…
Une négation sociale qui se double d’une infériorisation juridique. Les femmes algériennes en
offrent sans doute une bonne mais lourde illustration :
- combattantes de l’indépendance elles furent exclues de l’histoire officielle
- le Matin d’Alger (21/02/2015) s’interroge « emmurée par ses frères d’armes en 1962 après la
fête de l’indépendance, éjectée de la race humaine par le code de la famille de 1984 et décapitée
par le terrorisme islamiste des années 1990 où est la femme algérienne ? ».
Ce code de la famille de 1984 les relègue au statut de mineure, la polygamie y est légalisée, en
cas de divorce l’homme conserve le domicile sans assurer l’entretien de la famille. En 2005,
après 3 années de débat et sous la pression des féministes algériennes le code est légèrement
modifié mais l’égalité est loin d’être acquise pour les femmes algériennes !
Dans le même ordre d’idée les femmes
Et que dire de la négation ou de l’inexistence politique des femmes. Les fondamentalismes
islamistes conservent dans ce domaine une certaine exclusivité.
Au Liban, voter est obligatoire pour les hommes mais optionnel pour les femmes qui de surcroît
doivent prouver qu’elles ont suivi au moins une scolarisation primaire pour pouvoir voter, cette
condition ne s’impose pas aux hommes bien entendu.
A Brunei et en Arabie Saoudite qui sont des monarchies absolues ni les hommes ni les femmes
n’ont le droit de vote à l’échelon national. Cependant aux élections locales les hommes peuvent
voter en Arabie Saoudite. Ce droit, ainsi que celui de se porter candidates aux élections
municipales devrait être accordé aux femmes en 2015. Un avenir proche nous le dira !
En Égypte au lendemain des Révolutions arabes de 2011, plusieurs partis Salafistes existent. Ils
sont opposés à la démocratie mais ne peuvent renoncer à la lisibilité que leur offre l’annonce de
futures élections et décident de s’y présenter. Mais la loi électorale égyptienne oblige chaque
parti à avoir une présence féminine sur ses listes, les Salafistes ne renonçant à rien de ce qui est
leur radicalité mais obligés de se plier au code électoral en vigueur prennent des femmes dans
leurs listes mais dans le cadre de l’affichage électoral, celles-ci y sont représentées par une rose
ou une photo de leur mari…
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D’une manière politique, juridique ou sociale les femmes sont marginalisées, ségréguées et trop
souvent inexistantes
3ème type : l’élimination pure et simple des femmes
Difficile de faire une liste de tous les sévices imposés aux femmes et qui vont de l’enlèvement à
la mort, impossible de les taire mais souvent tout aussi impossible de montrer et pourtant le
cynisme et la force des mots et de certaines images ne peuvent être tus.
L’enlèvement des femmes voire de lycéennes est devenue une pratique répétitive dans laquelle la
secte Boko Haram s’est illustrée à plusieurs reprises notamment à Chibok au Nigéria en avril
2014 Juste rappeler qu’en langue haoussa parlée en Afrique de l’Ouest Boko Haram signifie
« l’éducation occidentale est un péché ».
Esclavage, violences, viols et torture sont d’autres pratiques courantes de ceux notamment qui
incarnent aujourd’hui le fondamentalisme islamiste le plus radical et le plus extrémiste que l’on a
décidé de nommer « daesh » mais qui mérite de plus en plus son nom « d’État Islamique » tant
son extension et sa propagation actuelle sont rapides.
Reste enfin la lapidation qui conduit dans l’immense majorité des cas à la mort, la liste des pays
qui la pratique est longue de l’Iran depuis 1979 à l’Afghanistan des Talibans, en passant par le
Nigéria, l’Irak, le Pakistan, le Yémen, l’Arabie Saoudite, les Émirats et la liste n’est pas
exhaustive… Pas de films, pas d’images, pas de voyeurismes, une interpellation seulement à
chacune et à chacun d’entre nous.
Conclusion
Conclure d’abord par une préconisation du Conseil de l’Europe en date du 4 octobre 2005,
(article 7.3). : « Garantir la séparation nécessaire entre les Églises et l’Etat pour que les femmes
ne soient pas soumises à des politiques et à des lois inspirées de la religion… afin de ne pas être
dupe ou complice du discours englobant des fondamentalistes religieux, véritable négation de
l’autonomie de l’individu. »
Conclure enfin par deux caricatures
La première provocante comme un bref hommage/clin d’œil à Charlie Hebdo, ne soyez pas
choqués.
La seconde pour ne pas oublier l’essentiel de mon discours : le danger ce sont les
fondamentalismes, tous les fondamentalismes et non pas les religions dont ils prétendent être
l’expression !