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Nicolas Bourquin
Essai de typologie sur les réfugiés de
l'environnement des zones côtières et
îles basses
Sous la direction de Dominique Bourg
juré: Romain Felli
Mai 2009
Soutenance le 18 Juin 2009
Mémoire de maîtrise universitaire ès Sciences en géosciences de
l'environnement.
Enjeux éthiques, sociaux et politiques de l’environnement.
Ce travail de mémoire a été facilité par les personnes suivantes, à qui j'aimerais
exprimer ma reconnaissance:
Je remercie vivement Dominique Bourg pour son expertise, son soutien et le vif
intérêt manifesté pour le sujet. Merci également à Romain Felli, qui m'a orienté en
amont de mes recherches.
2
Résumé
La problématique des réfugiés de l'environnement a émergé dans les années
80. Pourtant, cette expression n'a à l'heure actuelle pas été renforcée par une
législation internationale reconnaissant les facteurs environnementaux comme
cause de migration. Le sujet est essentiellement évoqué dans les médias et le
monde académique. Ce phénomène remonte pourtant à la préhistoire. Dans un
contexte de changement climatique engagé pour des siècles, les réfugiés de
l'environnement se chiffreront probablement en millions dans les décennies à venir.
La question est généralement abordée dans la littérature sous l'angle des théories
politiques de migration, ou en corrélant des territoires menacés avec des populations
globales comme représentant autant de réfugiés. Ce travail s'inscrit dans une
démarche typologique, incluant les domaines de la géographie générale et des
sciences de l'environnement. Il présente un historique de la question, ainsi qu'un
inventaire général des risques climatiques et environnementaux encourus par les
populations des zones côtières et îles basses, notamment dus à l'élévation du niveau
des mers. Dans un deuxième temps, la vulnérabilité de huit pays des régions
Pacifique, Océan Indien et Afrique est estimée en fonction d'une série d'indicateurs,
tels que la population, la densité, la superficie, les ressources en eau, et l'altitude
moyenne, dans une approche prospective. On trouvera enfin des estimations sur la
propension à migrer de chaque pays, la population concernée, leur capacité
d'adaptation, ainsi que les conditions existantes concernant les migrations
environnementales.
3
Abstract
The climate refugee topic rose up in the mid 80's. Still, this expression hasn't
be strengthened yet by an official international legislation recognizing environmental
factors as determinant in migrations: the topic is mainly discussed in the media and
in academics. First climate migrations are yet as ancient as prehistoric times. In a
context of centuries long climate change, there might be millions of environmental
refugees in the next decades. In scientific papers, the point is most of times
discussed within general migration theories or through GIS estimation of refugees
according to disappearing of lands. This paper is intented in a typologic approach,
including themes of general geography and environment sciences. There's a short
history of the topic inside, plus a presentation of most of climate risks concerning
coastal zones and low-lying islands, including sea-level rise. Then, an assessment of
eight countries vulnerability is proposed, located in the Pacific Ocean, Indian Ocean
and in Africa. Their vulnerability is assessed through indicators as population, density
of population, surface, water resources, and mean heigth, in a prospective way.
Eventually, there's an assessment of population propensivity to migrate, the number
of these, but also the means to adaptation, and existing agreements concerning
climate migrations.
4
Table des matières
Introduction p.7
Chapitre 1: Cadre théorique p.16
1.1Problématique p.16
1.1.1. Questions de départ p.16
1.1.2. Hypothèse p.16
1.1.3. Méthodologie p.16
1.1.4. Caractérisation de la recherche p.18
Chapitre 2: Présentation des concepts et délimitations du champs sémantique
p.20
2.1Réfugié p.20
2.2Ecoumène p.22
2.3Vulnérabilité p.23
2.4Adaptation p.24
2.5Point de bascule p.24
2.6GIEC p.25
2.7CCNUCC p.25
2.8Small Island Developing States p.26
2.9Gestion Intégrée des Zones Côtières p.26
2.10 Changement Climatique p.27
2.11 Forçage Externe p.28
2.12 Inertie p.28
2.13 Variation du niveau de la mer p.28
2.14 Dilatation thermique p.29
2.15 Acidification de l'océan p.29
2.16 Intrusion d'eau salée p.30
2.17 Récifs coralliens p.30
2.18 Atoll p.31
2.19 Mangrove p.32
2.20 El Niño South Oscillation p.34
2.21 Nappe Glaciaire p.34
2.22 Calotte Glaciaire p.35
Chapitre 3: Historique de la question des réfugiés de l'environnement p.36
3.1 Introduction p.36
3.2Émergence du concept p.36
3.3Première comptabilisation p.37
3.4Caractérisation des réfugiés p.40
3.5Les migrations environnementales humaines dans l'histoire p.43
Chapitre 4: Vulnérabilité des zones côtières et îles basses face au changement
climatique p.47
4.1Introduction p.47
5
4.2Élévation du niveau des mers p.47
4.3Changements océaniques p.57
4.4Cyclones p.58
4.5Les causes de l'évolution du climat p.60
4.6Les petites îles p.61
4.7Systèmes côtiers et zones côtières basses p.67
4.7.1. Population côtière et deltas p.69
Chapitre 5: Présentation des cas d'étude: analyse d'îles basses et du delta du Nil:
approche typologique p.81
5.1Introduction p.81
5.2Carte du Pacifique p.83
5.3Tuvalu p.85
5.3.1. Le Pacific Access Category p.90
5.3.2. Plan d'action de la SIDS p.91
5.4Kiribati p.94
5.5Les îles Marshall p.99
5.6Tokelau p.103
5.7Nauru p.107
5.8Palau p.109
5.9Maldives p.113
5.10 Égypte: le delta du Nil p.119
Chapitre 6: Conclusions et remarques générales p.130
Bibliographie p.134
6
Introduction
En 2002, j’eus l’occasion de suivre un cours sur les risques et aménagements
des littoraux à l’Université de La Réunion. Je fus amené à étudier les possibilités
d’aménagement d’un lieu particulier appelé pointe de la Table. Il s’agit d’un plateau
de roche basaltique de plusieurs hectares gagnés sur la mer lors d’une éruption
particulièrement puissante du Piton de la Fournaise (un des volcans les plus actifs au
monde) dans les années 80. Il s’avéra assez vite que cet espace aride, rocailleux et
parsemé seulement de quelques épineux (les filaos) ne serait pas propice à être
habité, voire au mieux aménagé de chemins boisés pour le valoriser du point de vue
touristique. Non seulement cet lieu était hostile, mais aussi il était érodé de dizaines
de mètres carré de surface par an à cause de l’action des vagues. Ce paradoxe
étonnant entre une terre gagnée rapidement à l’échelle humaine, son érosion rapide
et son in-habitabilité allait stimuler mon intérêt pour les littoraux, ces marges de notre
habitat si denses et riches des points de vue de la culture et de la biodiversité.
Le présent travail a pour thématique principale la potentielle in-habitabilité de
zones côtières à plus ou moins long terme, essentiellement en raison du
changement climatique. La volonté de nos sociétés industrielles de se développer de
manière constante et d’améliorer nos modes de vie depuis au moins 150 ans est la
cause de ce changement. Le courant de pensée néo-libéral de ces dernières
décennies a stimulé une consommation massive et généralisée ainsi que des
transports abondants, denses et rapides. Ces mouvements généraux et
inéquitablement répartis étaient légitimés par l’hypothèse que plus la croissance
mondiale augmenterait, plus le monde se rétrécirait et plus il deviendrait maniable.
Ce postulat (quasi consensuel) visait à agrandir la prospérité et l’épanouissement de
nos sociétés ainsi que le bien-être des individus. Cependant, cette idéologie a nié les
limites de nos ressources. On a également supposé que la biosphère aurait la
capacité de soutenir indéfiniment ce développement accéléré. Or, ce développement
inéquitable a nécessité une déséquestration frénétique de ressources fossiles
émettrices de CO2.
Le changement climatique est l’expression de la transgression de ces limites.
Si le globe s’est effectivement contracté, on peut aujourd’hui constater l’imbrication
7
des échelles géographiques en terme d’impact sur la biosphère et l’anthroposphère,
deux entités indissociables aujourd’hui. Je n’aborderai pas dans ce travail la
biosphère comme une entité indépendante, Gaïa maîtresse de son destin. Le
postulat prônant que la Terre est un organisme vivant, affranchi à long terme de
l’influence humaine peut paraître séduisant mais apparaît suranné, mis en regard
avec une optique de développement durable (ou soutenable). La démarche de ce
travail est orientée vers la possibilité de nos sociétés de faire face à leur vulnérabilité,
et plus encore, de notre responsabilité de préserver l’environnement pour sa valeur
intrinsèque d’une part, ainsi que l’écoumène d’autre part, pour assurer la pérennité
de nos sociétés, au travers d’une utilisation raisonnée du territoire et de ses
ressources.
Il est certain qu’à une échelle de temps humaine, et pour ce qui concerne les
zones côtières, nous nous dirigeons vers une réduction de l’écoumène, (la partie de
la terre habitable en permanence par l’homme). C’est là une des manifestations du
processus de changement climatique, engagé pour des siècles. Or, 23% de la
population mondiale vit dans une bande de territoire de 100km par rapport à la côte
et à moins de 100m d’altitude. De plus, les densités de population des régions
côtières sont environ trois fois supérieures à la moyenne mondiale.1
Si ce n’est pas la
partie immédiatement habitée qui est vulnérable aux inondations et événements
extrêmes, la plupart des infrastructures de transport le sont (routes, aéroports, rails),
ainsi que les points névralgiques et les points de ruptures de charge, comme les
ports des sociétés côtières, situés dans une bande de terre encore plus étroite.
Les thèmes de l’inondation et de l’érosion des terres par l’élévation du niveau
des mers ont été évoqués dès le début des années 1990, voire avant, puis par les
premiers rapports du GIEC. Cette thématique n’a fait que grandir et gagner en
crédibilité jusqu’à ce jour, malgré certaines controverses. Dans son quatrième
rapport de 2007 le GIEC a estimé l’élévation du niveau des mers à 59cm maximum
pour l’estimation haute, à la fin du siècle. Or, on verra plus loin que cette estimation
est réductrice selon ses auteurs mêmes (les groupes d’experts scientifiques du
1
“It has been estimated that 23% of the world’s population lives both within 100 km distance of the coast and
100m above sea level, and population densities in coastal regions are about three times higher than the global
average”, Nicholls, R.J., Wong P.P., Burkett V.R., Codignotto J.O., Hay J.E., McLean R.F., Ragoonaden S., and
Woodroofe C.D.: Coastal Systems and low-lying areas. Climate change 2007: Impacts, Adaptation and
Vulnerability. Contribution of working group II to the fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel
on Climate Change, Parry M.L., Canziani O.F., Palutikof J.P., van der Linden P.J., and Hanson C.E., éd.
Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom, 2007,p.319.
8
GIEC), qui lors de la rédaction du rapport de 2007 n’ont pu trouver de consensus sur
les processus d’évolution dynamique des inlandsis groenlandais et antarctique, en
raison d’un manque de connaissances robustes sur ces régions. Les travaux les plus
récents, les plus complets et les plus crédibles (W.T. Pfeffer notamment) tablent sur
une élévation moyenne minimale (et inégalement répartie) de 80cm pour la même
période et de 2m comme tout à fait probable, en incluant la dynamique de fonte et de
glissement de la nappe glaciaire groenlandaise sur son socle rocheux. Cette
estimation ne tient pas compte de la péninsule Antarctique Ouest qui répond à une
dynamique différente. Il est actuellement délicat d’avancer des projections précises à
ce propos.2
Cependant, des phénomènes comme la toute récente dislocation de la
plaque de banquise Wilkins de la péninsule antarctique doivent nous maintenir en
alerte. Les prévisions les plus englobantes et pessimistes pousseraient l’élévation du
niveau des mers jusqu’à une dizaine de mètres, sur une période de temps
heureusement plus longue, de l’ordre de plusieurs siècles. La fonte totale de
l’inlandsis groenlandais équivaudrait à une élévation du niveau des mers de l’ordre
de 7 mètres, tandis que celle de l’Antarctique, heureusement improbable, même à
une échelle de temps géologique, correspondrait à 60-70 mètres environ.3
En
résumé, face à ces incertitudes, une valeur moyenne d’un mètre d’élévation d’ici à
2100 est à la fois parlante et réaliste, même si elle est sujette aux variations selon les
régions concernées. Les zones de détroit par exemple, selon un principe de goulot
d’étranglement, connaissent une élévation supérieure.
Les rapports climatiques, les articles d’analyses de risque, relayés par les
articles de presse, affirment avec une quasi unanimité l’imminence et la gravité du
changement climatique. La température moyenne du globe est actuellement de 15°C
et la concentration de CO2 de plus de 385ppm4
. On estime selon certains scénarios
une limite maximale de 400ppm afin de limiter nos impacts sur la biosphère, à un
niveau qui nous permettrait de préserver un environnement habitable. Ces valeurs
ne peuvent qu’augmenter graduellement ou brusquement pour plusieurs siècles,
quelles que soient les décisions prises par nos sociétés pour limiter les émissions de
gaz à effet de serre (GES), avant d’ éventuellement redescendre. Une élévation de la
2
Pfeffer W.T., Harper J.T., O’Neel S., Reports:Kinematic Constraints on Glacier Contributions to 21st-Century
Sea-Level Rise, Science, vol.321, September 2008, p.1340-1343.
3
Neu Urs, A quelle vitesse fond la glace du Groenland?, sc/nat, Forum for climate and global change, no 25,
mars 2009, p.1-5.
4
Bard Edouard, Conférence sur le sujet: Réchauffement climatique, certitudes, incertitudes, Hot Day, WWF,
UNIL, Lausanne, le 20.11.08.
9
température de plus de 2°C aurait des conséquences probablement incontrôlables,
notamment la disparition d'une partie massive de l'écoumène, ce qui représente des
impacts physiques, symboliques et sociaux d'une ampleur dévastatrice.
Face à cela, nous ne sommes pas tous égaux. L’écart des modes industriels,
de consommation, de subsistance et donc d’émissions de GES des sociétés les plus
développées est grand avec celui des moins développées. Les effets du changement
climatique se répartissent pourtant indifféremment sur l’ensemble de la planète,
défiant ainsi les échelles globales, régionales et locales. Cependant, les effets seront
plus ou moins graves et irréversibles selon les régions. Ils ne suivront en cela
aucune autre logique que celles que nos sociétés ont mis en place depuis le milieu
du 18ème siècle et la révolution thermo-industrielle, puis son accélération massive
depuis les années 50, à savoir des effets anthropiques de grand impact et souvent
destructeurs sur l’environnement. C’est plus encore l’ampleur, la rapidité et
l’accélération dynamique du phénomène qui amène aujourd’hui l’essentiel des pays
du globe à reconnaître la nécessité d’une réaction face à notre vulnérabilité.
Les populations situées dans des zones côtières de basses élévations, dans
les petites îles basses ou dans les deltas sont particulièrement exposées à moyen
terme: faut-il tabler sur 5, 10, 50, 100 ans avant que ces régions ne soient
inhabitables? C’est l’incertitude qui caractérise cette problématique. On verra dans
l'analyse plus loin que certains pays sont d'ores et déjà contraint à la migration. Si
l’on évoque depuis une quinzaine d’années la possibilité que ces zones soient mises
en danger, on dispose aujourd’hui de données et d’outils qui nous permettent
d’estimer non seulement la vulnérabilité de ces régions mais aussi leur probable et
définitive submersion, à l’échelle humaine. Un phénomène sans précédent dans
l’histoire (si l’on exclut les références à des événements biblique (le déluge) et
mythologique (l’Atlantide)).
Il existe une véritable distorsion entre la vulnérabilité des zones et régions
d’altitude basse et leur faible responsabilité dans l’émission globale des GES (et
donc dans le changement climatique). C’est là un fait qui m’a déterminé à me lancer
dans cette recherche. Par ailleurs, l’imminence des dangers qui concerne les petites
îles ou atolls de basse altitude m’a amené à considérer la question des réfugiés de
l’environnement.
Les réfugiés de l’environnement, ou réfugiés climatiques, forment une
population large de migrants pour lesquels la détérioration de l’environnement,
10
souvent considérée parmi d’autres facteurs socio-économiques, joue un rôle décisif
quant à l’habitabilité de leur territoire. J’éclaircirai ce point et sa validité juridique par
la suite, de même que ses termes voisins. L’expression réfugiés de l’environnement
est parfois controversée.
Les migrations sont souvent dissociées en deux facteurs principaux de départ
(« push ») et d’attraction (« pull »). On les distingue également par les facteurs de
départ liés à des « stress » ponctuels, (tels qu’un cyclone ou une éruption
volcanique) ou des processus de long terme (tels que la désertification, l’inondation
définitive de terres émergées, ou la fréquence récurrente de tempêtes ou cyclones).
Enfin, on distingue les migrations transfrontalières aux migrations internes à un pays,
pour lesquelles on emploie l’acronyme IDP pour Internally Displaced People, traduit
sous l’expression déplacés internes en français. On parle généralement de chaînes
de migration à l'heure actuelle.
La littérature sur les migrations rapporte généralement que pour leur
déplacement, les migrants bénéficient du minimum financier nécessaire (ou se le
procurent à un prix lourd) , et ont un point de chute envisagé (un noyau familial ou
communautaire idéalement). Les réfugiés sont généralement poussés à l’exil dans
des conditions bien plus précaires.
Pour ce qui concerne les migrations environnementales et spécialement celles
où le territoire des migrants est réduit par les forçages externes5
, la migration pourrait
devenir inévitable, urgente et brutale. Norman Myers, de l’Université d’Oxford, estime
par extrapolation que 200 millions de personnes pourraient être amenées à se
déplacer (à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières) pour des causes
environnementales d’ici à 2050, ce qui représenterait une personne sur 45 de la
population mondiale6
ou encore 2,22%. La problématique est donc urgente, cruciale,
mais doit être envisagée sur le long terme de par l’aspect dynamique du changement
cllimatique. L’élévation du niveau des mers est un phénomène engagé qui se
poursuivra très probablement sur des millénaires, et le réchauffement sera long
également. En effet, rappelons que le système climatique présente des rétroactions
positives. Ainsi, l’océan arctique se réchauffe plus que tout autre région du globe par
la fonte saisonnière de la banquise, qui entraîne d’une part une perte de la surface à
pourcentage d’albédo élevé réfléchissant le rayonnement solaire, et d’autre part une
5
Voir définition p.28.
6
Brown Oli, Migration and climate change, in IOM Migration series research no 31, Genève, 2008, p.11.
11
augmentation de la surface exposée à faible pourcentage d’albédo (les eaux
océaniques) qui le capte. De même, l’acidification constante de l’océan diminue sa
capacité à séquestrer le CO2. Il s’agit donc d’un phénomène d’une grande inertie.
La capacité d’adaptation de zones menacées, opposée ou complémentaire à
la migration est un des thèmes controversés qu’il conviendra d’observer au cas par
cas. A terme, la migration forcée de populations et la submersion de leur territoire
pourrait présenter des problèmes inédits, tels que la perte de la souveraineté d’un
État, la perte de ses ressources maritimes (les Zones Economiques Exclusives
(ZEE)), halieutiques7
ou minières.
La perte de l’identité culturelle de ces sociétés par une acculturation forcée est
également une préoccupation majeure. Ces populations auront des revendications
fortes dans des pays d’accueil eux-mêmes déstabilisés, ne serait-ce que par des
crises économiques mondiales comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Il
faut donc garder en mémoire l’attachement culturel à un territoire et au mode de vie
qui lui est associé lorsqu’on évoque des migrations forcées…
Il est également nécessaire de réaliser l’urgence du phénomène en
considérant que des archipels comme Kiribati, situé dans la zone intertropicale du
Pacifique central, dont l’altitude moyenne est de 1,5m, seront rendus inhabitables par
les inondations, la salinisation des terres agricoles ou les tempêtes bien avant leur
définitive submersion, qui pourrait se produire des décennies plus tard.
En passant en revue la littérature, j’ai constaté que les études de type
« analyse de risques » ainsi que les rapports climatiques arrivaient souvent à la
conclusion que, si les risques pouvaient être estimés de façon générale, il manquait
sensiblement d’étude de cas à une échelle régionale ou locale. Hormis le très
médiatique exemple de Tuvalu - emblématique, à juste titre me semble-t-il, bien que
ce soit l’arbre qui cache la forêt -, il manque d’études corrélant les analyses de
risques ou les rapports climatiques d’un côté, et les réflexions politiques sur les
questions de réfugiés, les interactions sociales avec le milieu et les plans
d'adaptation ou de migration s’il en est d’un autre côté. Ce travail propose donc de
faire l'étude des réfugiés de l’environnement des zones côtières et petites îles de
basses altitudes, en tentant de réunir ces différents paramètres, de présenter des
analyses de cas pouvant à terme être généralisées et classées par type.
7
Même s’ils ne disposent souvent pas de moyens suffisants pour armer de véritables pêcheries, les États
insulaires du Pacifique monnaient souvent des concessions autorisant d’autres pays (notamment le Japon) à
pêcher sur leurs eaux, leur pourvoyant ainsi des fonds substantiels.
12
D’un point de vue méthodologique, ma démarche est basée sur la revue
générale de la littérature et une analyse de huit exemples au travers d’une série
d’indicateurs, s’inscrivant dans une approche intégrée et probabiliste.
Les cas étudiés sont les suivants: Tuvalu, Kiribati, Iles Marshall, Tokelau,
Nauru, Palau, Maldives et Égypte, au travers du Delta du Nil. Certains pays, malgré
une faible altitude moyenne au dessus du niveau de la mer, semblent disposer de
plateaux ou de terres suffisamment élevés pour pouvoir s’adapter en se déplaçant en
altitude. D’autres semblent bénéficier de conditions économiques suffisantes pour
s’adapter. Ces archipels (Tonga, Fidji, États Fédérés de Micronésie, Bahamas,
Samoa, Hawaï) n’ont pas été retenu dans l’analyse. Dans d’autre cas, l’association
de certaines îles à des grandes puissances semble intuitivement leur conférer une
certaine marge d’adaptation ou des migrations facilitées, à l’image de la Polynésie
française. Cela n’atténue pas pour autant le choc culturel à attendre en cas de
migrations massives.
Le choix d’études de cas ciblés sur des petites îles et un delta est
partiellement orienté par leur vulnérabilité. Ce n’est pas donc pas une analyse
exhaustive qui est présentée ici. Je pense que dans leur malheur, ces régions
présenteront un exemple fort des impacts climatiques donc chacun tient une part de
responsabilité et contre lesquels les États développés en priorité doivent se
manifester, légiférer et agir.
Il me semble par ailleurs que des thèmes tels que la disparition physique d’un
territoire et ses réfugiés forcés peuvent amener chacun à s’interroger in fine sur son
impact quotidien sur l’environnement ou sur des principes d’équité et de
responsabilité. Cette réflexion est à mettre en miroir avec cette remarque porteuse
de Jean-Pierre Dupuy sur les conséquences de notre inaction, qui n’est souvent pas
liée à un déficit de connaissances :
« Le défi qui est lancé à la prudence n'est pas le manque de
connaissance sur l'inscription de la catastrophe dans l'avenir, mais le
fait que cette inscription n'est pas crédible.»8
Ce point de vue a par la suite été relayé dans la presse:
8
Dupuy J.-P-., Pour un catastrophisme éclairé: quand l'impossible est certain, Seuil, Paris, 2002, p.141-142.
13
« L’obstacle principal n’est pas l’incertitude sur ce qui va se passer
avec le changement climatique. Même quand nous savons, nous ne
faisons rien. Car nous ne croyons pas ce que nous savons. La
question est donc de transformer ce savoir en croyance, puisque c’est
elle qui fait agir.»9
La disparition de certains petits pays insulaires, de deltas ou de zones
côtières représente la perte d’une portion de l’écoumène, l’exil probable de milliers
de personnes, mais aussi la disparition totale d’aires culturelles. Celles-ci
représentent des territoires imprégnés de marqueurs culturels symboliques et
signifiants, les géo-symboles, porteurs d’une identité commune spécifique. Ces aires
ne seront pas plus transposables ailleurs que ne le sont les territoires.
Notons que les sociétés des États insulaires dépendant fortement de leur
économie de subsistance - de la pêche notamment, traditionnelle ou non - seront
entièrement bouleversées et probablement acculturées. Je n’entends cependant pas
l’acculturation autrement qu’un phénomène dynamique et évolutif, multiple, mutuel,
et formateur de nouvelles identités; cependant la rapidité du phénomène risque
d’amplifier ce bouleversement. Les populations des pays du Pacifique - sur
lesquelles ce travail met l’accent, en raison de leur vulnérabilité - sont cependant le
fruit de métissages. Les Mélanésiens, les Polynésiens, les Micronésiens, mais aussi
les Chinois, les Indiens, les Français, les Allemands ou les Américains composent
des communautés mixtes. Les différentes vagues de colonisation ou les phases de
tutelle en sont à l’origine.10
Doit-on s’attendre à des vagues d’immigration en provenance du Pacifique? Il
est difficile de répondre à cette question. Probablement pas en Europe de l’Ouest,
trop éloignée géographiquement et culturellement de ces régions. Mais les réfugiés
de Deltas proches comme le Nil pourraient se déplacer massivement dans le
pourtour méditerranéen, les pays du golfe ou vers l’Europe. De même, les habitants
du Pacifique souhaitent davantage se déplacer vers l’Australie, la Nouvelle Zélande
ou d’autres îles de climat analogue.
Il est nécessaire de préciser que l’objet de ce travail n’est pas de juger de la
valeur de ce type de migration ou de la migration en général. Face aux vagues
9
Dupuy Jean-Pierre, « Nous ne croyons pas ce que nous savons », entretien réalisé par M. Audétat, L’Hebdo,
12.02.09, Lausanne, p.58.
10
Huetz de Lemps Alain, Géographie de l’Océanie, coll. Que sais-je no 1215, PUF, 1966, Paris.
14
d’immigration, il convient aussi bien d’éviter le discours conservateur, effrayé par
« une invasion » que le discours angélique sur les vertus de l’immigration.
Cependant, les faits sont là. De nombreux pays occidentaux développés sont
vieillissants et ont besoin de se repeupler. D’autres pays, comme la Nouvelle-
Zélande ou l’Australie, sont vastes avec une faible densité de population. Plusieurs
sont également en crise écologique, économique, ou sociétale. L’idée
d’« immigration choisie » progresse et se répand partout dans le monde. L'Inde
renforce sa frontière commune avec le Bangladesh d’une clôture. Comment imaginer
les migrations environnementales de demain, face à ces éléments contradictoires?
La littérature sur le thème des migrations environnementales néglige trop
souvent les aspects positifs du phénomène, comme le repeuplement de certaines
régions. Les migrations environnementales ne doivent pas être envisagées
uniquement sous l’angle catastrophiste.
Cependant, la possibilité d’une législation internationale effective et sans
équivoque pour les migrations environnementales n’est pas à l’ordre du jour, selon
un groupe d’experts du ministère des affaires étrangères français:
« Les paramètres de la migration, qui appartiennent totalement à la
mondialité (c’est à dire au résultat des interdépendances globales), ne
sont que très peu sensibles aux politiques d’État et à leurs sinuosités,
qu’il s’agisse des États d’origine, d’accueil ou de transit. » 11
Reste une question primordiale: que souhaitent principalement les populations
des zones côtières menacées?
11
Badie Bertrand et al., Un autre regard sur les migrations, Ministère des affaires étrangères et européennes, in
L’Atlas des migrations, le Monde, la Vie, hors-série, novembre 2008,Paris, p.47.
15
Chapitre 1: Cadre théorique
1.1.Problématique
1.1.1Questions de départ
Dans le cadre d’un changement climatique inique, les questions de départ de
ma recherche sont les suivantes:
- Quel est le statut de « réfugié de l’environnement »? Comment identifier et
comptabiliser les réfugiés de l’environnement? Quels sont les risques climatiques et
environnementaux liés aux zones côtières et îles basses? Quelle est leur
vulnérabilité? Combien de réfugiés potentiels sont à attendre pour une élévation du
niveau de la mer de 1, 2, 5, 10m? Peut-on établir un lien causal direct entre le
changement climatique et les réfugiés de l’environnement ? Quels sont les enjeux
liés aux réfugiés de l’environnement des zones côtières et îles basses aujourd’hui et
demain? Quels sont les pays en mesure d’accueillir les réfugiés de l’environnement
sur leur territoire? Quels enjeux représentent la disparition physique d’un État? Quel
statut est à attendre pour les Zones Economiques Exclusives de ces pays?
Comment éviter la migration et privilégier l’adaptation lorsque c’est possible?
1.1.2.Hypothèse
Les populations des zones côtières et petites îles présentent une grande
vulnérabilité face au changement climatique. Dans certaines régions, les migrations
seront inévitables à moyen terme, le territoire devenant inhabitable, voire plus encore
disparaîtra physiquement. Le changement climatique et l’élévation du niveau de la
mer entraîneront une réduction de l’écoumène, des migrations et une nécessaire
adaptation des populations concernées.
1.1.3.Méthodologie
Ce travail est basé sur la prospective et une certaine actualité. Dans son sens
commun, la prospective est définie comme l’« ensemble de recherches concernant
16
l'évolution future de l'humanité et permettant de dégager des éléments de
prévision.»12
On constate un intérêt médiatique marqué surtout sur les pays menacés
d’inondation. On assiste là à une expression perceptible du changement climatique
qui ne peut laisser indifférent. D’ailleurs des événements comme la submersion de la
Nouvelle Orléans lors du passage de l’ouragan Katrina ou le tsumani de 2004 ont
marqué les esprits de façon indélébile. Qu’on le veuille ou non, des associations
parfois infondées entre inondations et changement climatique se font dans
l’inconscient collectif. Entendons nous: l’ouragan particulièrement violent Katrina est
probablement associé à une augmentation récurrente de ce type d’événements mais
la catastrophe est comme on le sait, due à de nombreuses négligences anthropiques
sur la gestion des digues du lac Pontchartrain et le manque de plan d’évacuation.
Quant aux tsunamis, il n’ont pas de lien causal avec le changement climatique mais
nous mettent en garde contre une gestion irraisonnée des côtes et le défrichement
de mangroves protectrices. Cependant, cet intérêt médiatique est bénéfique en ce
qu’il fait rentrer la démarche prospective dans les esprits.
Il n’y a dans le cadre de ce travail pas de recherche de terrain. Il est néanmoins
d’orientation plutôt inductive, soit basée sur l’observation de la réalité. La démarche
inductive accorde la « primauté à la collecte d’observations de phénomènes, dans le
but d’en dégager éventuellement des propositions générales amenant à une certaine
cohérence.»13
Ce travail est axé essentiellement sur l’étude de documents: articles
scientifiques, ouvrages de référence, annuaires de statistiques, articles de presse,
notes de cours, notes de conférence, les rapports climatiques de référence, les
études de risque ciblées sur certaines régions et autres dossiers. Afin de situer la
validité de ces documents nombreux et variables, ils font l’objet de critiques internes
et externes.
Par la suite, ce travail propose de faire une estimation de la vulnérabilité des
régions étudiées, de leur population et de leur propension à migrer en liant les
données qualitatives et quantitatives, passées et futures, au travers d’une grille
d’indicateurs originale. La proposition d’essai de typologie s’inscrit dans cette
démarche de classification. On se référera à la défintion du Larousse pour l'idée
12
Le Petit Robert 2008.
13
Angers Maurice, Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines, éd. CEC, 1996, Anjou
(Québec),p.19.
17
d'une typologie comme étant l' « étude des traits caractéristiques dans un ensemble
de données, en vue d'y déterminer des types, des systèmes. »
1.1.4. Caractérisation de la recherche
Le paragraphe suivant vise à déterminer les composantes de mon travail afin
de le situer dans la recherche scientifique, en suivant la méthode proposée par le
professeur canadien Maurice Angers. 14
Au niveau de l’intention, il s’agit d’une recherche appliquée de par son but de
préciser la situation des réfugiés de l’environnement dans les zones côtières.
Concernant le prélèvement des données, cette recherche est essentiellement
qualitative car basée sur des données issues de la littérature, mais aussi
quantitative car basée sur des rapports climatiques faisant état de prévisions sur
l’augmentation chiffrée du niveau de la mer, de la température et de l’occurrence
d’événements extrêmes, ainsi que de cartes et de graphes. Les tendances de ces
rapports s’expriment au travers de pourcentages d’occurrence, de probabilités ou
encore d’indice de confiance.15
Ma contribution méthodologique personnelle se présente sous la forme de
tableaux d’analyse synthétisant des informations précises sur les pays concernés.
Ces indicateurs proviennent de sources diverses comme des atlas, des sites internet
nationaux, des annuaires statistiques et autres rapports. Le lecteur trouvera donc
une série d’indicateurs pour chaque pays étudié tels que la population, sa densité,
l’altitude moyenne et maximale du territoire, la superficie, les ressources en eau
douce et les précipitations, la zone économique exclusive (ZEE) d’eaux territoriales
(ressources halieutiques et plancher marin), le classement du pays selon le
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’indice de
développement humain, le PIB total et par habitant, les précédents de migrations ou
14
Ibid., p.36-44.
15
Les indices de probabilité : exceptionnellement improbable : (inf. à 1%), très improbable (inf. à 10%),
improbable (inf. à 33%), à peu près aussi probable qu’improbable (33%-66%), plus probable qu’improbable
(sup.à 50%), probable (sup.à 66%), très probable (sup.à 90%), pratiquement certain (réalisation sup. à 99%) ; le
degré de confiance: très faible (-de 10%), faible (environ 20%), moyen (environ 50%), élevé (environ 80%), très
élevé (90% et plus). GIEC: Bilan des changements climatiques, Rapport de synthèse, Contribution des groupes
de travail 1,2,et 3 au quatrième rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat (Equipe de redaction principale, Pachauri R.K. et Reisinger, A. (sous la direction de), GIEC, Genève,
Suisse, 2007, p.78.
18
de déplacés internes, les plans d’adaptation, les plans de migration, les accords
internationaux.
Au niveau du temps, la recherche peut être qualifiée de diachronique, soit une
« recherche dans laquelle l’évolution de l’objet dans le temps est étudiée.» C’est le
cas de l’évolution de la situation des migrations à Tuvalu. C’est également une
recherche multi-scalaire locale (les États insulaires, le delta du Nil), régionale (le
Pacifique), et globale (le changement climatique).16
Concernant les éléments
sélectionnés de la recherche, elle peut être qualifiée de globale, soit «portant sur
toute la population visée.»
Par essence dans les sciences de l’environnement, la recherche est
transdisciplinaire. On fait ici appel à la géographie générale, humaine et physique,
aux théories sociales et politiques des migrations, aux rapports environnementaux et
climatiques.
Enfin, concernant la visée, il s’agit d’une recherche explicative, soit une «
recherche visant à mettre en relation les phénomènes ».
16
Echelle locale (moins de 100000km2), régionale (100000km2 à 10 millions de km2), échelle continentale
(10km2 à 100 millions de km2). GIEC: Bilan des changements climatiques, op. cit., p.79.
19
Chapitre 2: Présentation des concepts et délimitations du champ
sémantique
Ce chapitre présente les définitions de termes, concepts ou expressions récurrents,
usuels ou techniques employés dans ce travail. Ce chapitre a une importance
stratégique en ce qu’il explicite les concepts employés dans l’ensemble du texte et
présente des schémas des différents milieux abordés. Cependant, le lecteur initié
peut également poursuivre la lecture au chapitre suivant.
2.1. Réfugié
Au sens commun:
« adj. et n. Se dit d’une personne qui a quitté son pays ou a fui une
région pour des raisons politiques, religieuses, raciales ou pour
échapper à une catastrophe. » 17
Il est intéressant de noter que cette définition récente inscrit la catastrophe
comme une des causes possibles de migration, ce qui n’est pas le cas de la
définition statutaire de l’ONU qui est donnée plus loin.
Il convient de distinguer les idées de migrants de l’environnement, de réfugiés
de l’environnement, de réfugiés climatiques ou encore d’écomigrants. Etienne
Piguet, professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel, préfère l’expression
Environmentally Induced Population Movement (EIPM), qui regroupe l’ensemble des
déplacements dus à l’environnement. Cela permet d’une part d’inclure les
déplacements dus aux projets de développement comme la création de barrages, ou
les accidents industriels. D’autre part, on n’induit pas une causalité directe entre un
déplacement et un environnement donné, mais on reconnaît une multiplicité de
17
Le Petit Larousse Illustré 2007
20
facteurs y compris économiques et sociaux.18
Cependant cette définition est trop
vague pour être usuelle.
La définition la plus englobante des migrants de l’environnement est apportée
par Oli Brown de l’IOM (International Organization for Migration) :
« Les migrants de l’environnement sont des personnes ou des
groupes de personnes, qui, pour des raisons cumulées de
changements soudains ou progressifs de leur environnement qui ont
un impact négatif sur leurs vies ou leurs conditions de vie, sont
obligés de quitter leur maisons, ou choisissent de le faire, soit
temporairement ou de façon permanente, et qui se déplacent à
l’intérieur de leur pays ou à l’étranger ».19
Le terme ecomigrant est introduit en 2001 par Wood, géographe du US State
Department. Le terme joue volontairement sur l’ambivalence de eco pour économie
et écologie, soutenant ainsi que les facteurs de migration sont le plus souvent (au
moins) double.20
A l’heure actuelle, les seuls réfugiés reconnus le sont lorsqu’ils correspondent
strictement aux critères de définition de la convention de 1951 de l’ONU:
“Un réfugié est une personne qui, en raison d’une crainte bien
fondée d’être persécutée en raison de sa race, religion, nationalité,
appartenance à un groupe social particulier, ou pour une opinion
politique, est hors du pays de sa nationalité et est incapable ou, en
raison de cette crainte, est réticent à profiter de la protection de ce
pays, ou d’y retourner, par peur de persécution.»21
18
Piguet Etienne, Climate change and forced migration, New issues in refugee research, research paper No. 153,
UNHCR, Genève, 2008, p.4.
19
« Environmental migrants are persons or groups of persons, who, for compelling reasons of sudden or
progressive changes in the environment that adversely affect their lives or living conditions, are obliged to leave
their habitual homes, or chose to do so, either temporarily or permanently, and who move either within their
country or abroad”, IOM, Discussion note: Migration and the Environment:, ninety- fourth session, 2007, cité
par Brown Oli, Migration and climate change, op. cit., p.15.
20
Castles Stephen, Environmental change and forced migration: making sense of the debate, in New issues in
refugee research, working paper No.70, UNHCR, Genève, 2002, p.9.
21
“a refugee is a person who owing to a well-founded fear of being persecuted for reasons of race, religion,
nationality, membership of a particular social group, or political opinion, is outside the country of his
nationality, and is unable to or, owing to such fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country
21
Lorsque une personne est amenée à migrer d’une région à l’autre d’un même
État, on emploie l’expression « déplacés internes » traduction de l’anglais « internally
displaced people » (IDP):
« Les déplacés internes peuvent avoir fui pour les mêmes raisons
que les réfugiés, mais ils restent dans les frontières de leur pays et
sont de fait toujours sujets à ses lois, plutôt qu’aux lois
internationales sur les réfugiés.»22
Ce qui caractérise et réunit ces différentes expressions, c’est le déplacement
dû à une détérioration directe de l’environnement. Le flou sémantique de ces
différentes propositions trahit la relative jeunesse des théories des migrations
environnementales appliquées à l’homme. Il est certain que l’expression « réfugiés
climatiques » véhicule un impact de sensibilisation médiatique fort. Cependant, la
diversité des facteurs de migration et ses conditions amènent à une certaine réserve.
L’emploi systématique et irraisonné de cette expression pourrait bien desservir la
cause à court terme, et l’éroder avant qu’une législation internationale contraignante
ne soit mise en place. J’emploierai donc le plus souvent dans ce travail l’expression
« réfugiés de l’environnement ». Elle indique d’une part l’urgence de la
problématique, sans qu’il n’y ait nécessairement franchissement de frontières. Elle
est d’autre part générale et englobante, incluant les facteurs climatiques et sociaux.
2.2. Écoumène
Au sens commun, dans la tradition géographique depuis Hérodote, l’écoumène ou
oekoumène est la « partie habitable de la surface terrestre.»23
Le géographe Augustin Berque a amené une remarquable proposition
interactionnelle de ce concept:
“, Resolution 429 of the United Nations General Assembly, 1951,
http://www.cas/com/discoveryguides/refugee/review2.php, accessed 14 March 2007, cité par Brown O. in
Migration and climate change, op. cit., p.13-14.
22
“IDPs may have fled for the same reasons as refugees, but remain inside their own country and are therefore
still subject to its laws, rather than to international refugee law.” Reference à retrouver
23
Petit Larousse 2007.
22
«(…) l’écoumène, c’est-à-dire la réalité de l’étendue terrestre en tant
que l’homme l’habite, l’aménage, la pense, l’aime ou la redoute.
L’écoumène n’est pas constituée d’objets, et ce n’est pas non plus
une simple représentation subjective; elle se compose de
ressources, de contraintes, de risques et d’agréments, c’est-à-dire
d’entités relationnelles, de prises qui sont situées à la charnière du
subjectif et de l’objectif, de la culture et de la nature(…)»24
Cette définition nous rappelle que la notion de milieu naturel vierge est
surannée. Il n’y a d’espace naturel non anthropisé que ceux qui sont inhabités et
inhabitables. L’écoumène est imbriquée dans la biosphère et dépasse le milieu
naturel. C’est bien la charnière que l’on doit envisager en ce qu’elle nous est
essentielle et indissociable. Nous formons l’écoumène comme elle nous forme.
Associée aux zones côtières, l’écoumène est donc ce lieu d’échange entre différents
milieux et potentiels habitats, qui, à une échelle de temps géologique a progressé ou
régressé.
Il faut ajouter à cela que l’écoumène représente l’ensemble du territoire
habitable par l’homme en permanence, donc à la fois celui qu’il occupe actuellement
et celui dont il dispose pour l’aménager de manière durable. C’est une conception
possibiliste. Dans le cadre de la problématique de ce travail, l’écoumène serait réduit
de façon définitive (à une échelle humaine). Sans établir de lien causal direct, on
comprend que ce phénomène lié à la croissance démographique mondiale (9
milliards d’habitants environ en 2050)25
et une concentration grandissante de la
population, est contraire à un développement durable.
2.3. Vulnérabilité
La vulnérabilité est un concept clé de ce travail. Certaines sociétés sont rendues
vulnérables par leur environnement, mais aussi par leur faible potentiel à faire face
aux défis sociaux et économiques. La définition suivante présente la vulnérabilité
climatique:
24
Berque Augustin, Ecoumène ou la terre comme demeure de l’humanité, in Etre humain sur la Terre, principes
d'éthique de l'écoumène, Le Débat, Gallimard, 1996, p.78.
25
Brown Oli, Migration and climate change, op.cit., p.25
23
« Mesure dans laquelle un système est sensible –ou incapable de
faire face- aux effets défavorables des changements climatiques, y
compris la variabilité du climat et les phénomènes extrêmes. La
vulnérabilité est fonction de la nature, de l’ampleur et du rythme de
l’évolution et de la variation du climat à laquelle le système considéré
est exposé, de la sensibilité de ce système et de sa capacité
d’adaptation».26
2.4. Adaptation
L’adaptation s'oppose au déterminisme du milieu. C’est un processus dynamique
mixte, entre une démarche bottom-up de sociétés transformant leur habitat pour le
pérenniser, et une démarche top-down proposant des solutions générales de
préservation. L’adaptation est également une réponse à la vulnérabilité:
« Initiatives et mesures prises pour réduire la vulnérabilité des
systèmes naturels et humains aux effets des changements
climatiques réels ou prévus. On distingue plusieurs sortes
d’adaptation:anticipative ou réactive, de caractère privé ou public,
autonome ou planifiée. »27
« La capacité d’adaptation ou adaptabilité, représente ainsi la
capacité d’un système, d’une région ou d’une communauté, d’un
territoire, à adapter sa structure et son fonctionnement pour tenir
compte des changements environnementaux avérés, potentiels ou
supposés. »28
2.5. Point de bascule
26
GIEC: Bilan des changements climatiques,op.cit., p.89.
27
Ibid., p.76.
28
Reghezza M., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, Armand Colin, Paris, 2007, p.3.
24
« Le point à partir duquel les dommages causés aux écosystèmes
terrestres par le changement climatique devient irréversible. »29
Par extension, selon le psychologue Malcolm Dougwell, le point de bascule
correspond à un phénomène d’épidémie sociale, selon les principes de « contagion,
d’ampleur des répercussions et de soudaineté d’un changement.»30
Cette définition
est ici proposée en vue d’étudier les effets du changement climatique sur les zones
côtières et les réactions des populations concernées.
William Laurance, écologue au Smithsonian Tropical Research Institute de
Panama, parle de point de rupture écologique comme d’un effet de seuil brutal, lié à
des dynamiques rétroactives.31
En ce sens là, l’atteinte d’un point de rupture est
déterminante sur le long terme, à l’image de la fonte des inlandsis.
2.6. GIEC
Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou IPCC
(Intergouvernmental Panel on Climate Change) est constitué par des centaines de
scientifiques du monde entier. Il fournit les rapports massifs qui constituent la base
scientifique de référence concernant les prévisions sur le changement climatique et
l’état des écosystèmes.
2.7. Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques (CCNUCC, UNFCC en anglais( United Nations Framework on Climate
Change) :
« Convention adoptée le 9 mai 1992 à New York et signée par plus
de 150 pays et par la communauté européenne lors du sommet
Planète Terre, qui s’est tenu à Rio de Janeiro en 1992. Son objectif
ultime est de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre
dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation
29
“The point at which the damage caused to the systems of the Earth by global warming becomes irreversible.”
Cowling Dan, ”The tipping point”, Geography Review, Nov.2008, p. 6.
30
Gladwell Malcolm, Le point de bascule: comment faire une grande différence avec de très petites choses, Les
éditions transcontinentales, Montréal, Canada, 2003, p.18.
31
Laurance W., Le point de rupture écologique, L’écologiste, no 27, automne 2008, p.17.
25
anthropique dangereuse du système climatique ». Elle contient des
engagements pour toutes les parties. Conformément à la
Convention, les Parties figurant à l’annexe 1 (les pays faisant partie
de l’OCDE en 1990 et les pays à économie en transition) doivent
s’employer à ramener en 2000 les émissions de gaz à effet de serre
non réglementées par le Protocole de Montréal à leur niveau de
1990. La Convention est entrée en vigueur en mars 1994. »32
Cette convention a une valeur symbolique importante bien qu’elle n’ait pas eu de
valeur contraignante forte. Les plans d’adaptation nationaux d’action (NAPA en
anglais) face au changement climatique sont réalisés d’après des engagements pris
lors de cette convention, souvent en partenariat avec le Programme des Nations
Unies pour l’Environnement (PNUE) et le Global Environment Facility (GEF).
2.8. Small Islands Developing States
La SIDS est un réseau regroupant les petits États insulaires en voie de
développement dans une optique de Développement Durable et ayant pour fonction
principale de mettre en commun les savoirs, informations et statistiques. Cet
organisme regroupe 51 pays représentant 5% de la population mondiale. Ses
objectifs sont de faire face au changement climatique, aux problèmes de gestion de
l’eau, des terres agricoles, du tourisme et des déchets notamment. Les pays
regroupés dans ce réseau ont comme caractéristiques communes des ressources
faibles, une croissance démographique forte, une grande vulnérabilité aux désastres
naturels, une forte dépendance aux échanges internationaux et des contraintes à la
réalisation d’économies d’échelle, de par leur nature insulaire.
La mise en réseau des informations vise donc à réduire l’isolement
géographique des États insulaires en voie de développement, à réduire leur
vulnérabilité et à envisager des plans d’adaptation communs.33
2.9. Gestion intégrée des zones côtières (GIZC)
32
GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p. 78.
33
http://www.sidsnet.org/5.html
26
La gestion intégrée des zones côtières est un principe de l’agenda 21 du
sommet de la Terre de Rio. Il s’agit à la fois d’un concept et d’un outil, en tant que
méthodologie d’aménagement du territoire concerté.34
Le concept, qu’il soit formalisé
ou non, se révèle omniprésent dans la gestion des risques climatiques pour les
zones côtières et petits États insulaires. Cela est notamment visible dans l’existence
de l’organisme onusien SIDS. Plusieurs analystes-cartographes emploient cet outil.
On parle en anglais d’ Integrated Coastal Zone Management (ICZM).
« La gestion intégrée des zones côtières repose sur une vision de la
gouvernance qui cherche à tirer parti des initiatives de la base
(bottom-up) tout en laissant au sommet (top-down) des possibilités
d’incitation, en particulier sur le plan des financements. »35
« La
gestion intégrée ne néglige ni le réchauffement climatique, ni la
montée du niveau de la mer et les risques associés. Elle va
cependant plus loin, à la fois exigeante sur les principes et tolérante
sur des pratiques qui sont largement le reflet de cultures locales que
l’on doit respecter. »36
« L’intégration, principe de base, est tout à la fois sectorielle,
spatiale, administrative, internationale et doit marquer la forte
présence de la recherche scientifique. »37
2.10. Changement climatique
« Variation de l’état du climat, que l’on peut déceler (par exemple au
moyen de tests statistiques) par des modifications de la moyenne
et/ou de ses propriétés et qui persiste pendant une longue période,
généralement pendant des décennies ou plus. Les changements
climatiques peuvent être dus à des processus internes naturels, à
des forçages externes ou à des changements anthropiques
persistants dans la composition de l’atmosphère ou dans l’utilisation
34
Cormier M.-Ch., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, op.cit. , p.173.
35
Miossec A., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, op.cit., p.173.
36
Idem
37
Ibidem
27
des terres. On notera que la Convention-Cadre des Nations Unies
sur les Changements Climatiques, dans son article premier, définit
les changements climatiques comme des « changements qui sont
attribués directement ou indirectement à une activité humaine
altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent
s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de
périodes comparables ». La CCNUCC fait ainsi une distinction entre
les changements climatiques attribuables aux activités humaines
altérant la composition de l’atmosphère et la variabilité du climat
imputable à des causes naturelles. »38
2.11. Forçage externe
« Se rapporte à un agent de forçage extérieur au système climatique
qui provoque un changement dans ce dernier. Les éruptions
volcaniques, les variations du rayonnement solaire, les changements
anthropiques de la composition de l’atmosphère ainsi que les
changements d’affectation des terres sont des forçages externes.»39
2.12. Inertie
« Pour ce qui est de l’atténuation des effets du changement
climatique, l’inertie est liée aux difficultés que soulève toute évolution
du fait des conditions préexistantes dans la société (capital physique
créé par l’homme, capital naturel et capital social non physique –
institutions, réglementation, normes, etc.-, par exemple). Les
structures existantes figent les sociétés, les rendant moins aptes au
changement. Pour ce qui est du système climatique, l’inertie
correspond au retard avec lequel se produit un changement
climatique à la suite d’un forçage externe et à la poursuite du
changement climatique même après stabilisation de ce forçage ».40
38
GIEC: Bilan des changements climatiques,op.cit. , p.77-78.
39
GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p.81.
40
GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p.82.
28
2.13. Variation/élévation du niveau de la mer
A une échelle de temps géologique, on parle de régression pour une diminution du
niveau et de transgression pour le mouvement inverse. Ses mécanismes peuvent
être résumés ainsi:
« Le niveau de la mer peut varier, à l’échelle mondiale et localement
à la suite de modifications i) de la forme des bassins océaniques, ii)
de la masse totale d’eau et iii) de la densité de l’eau. Au nombre des
facteurs qui concourent à une élévation du niveau de la mer dans le
contexte d’un réchauffement général figurent à la fois l’augmentation
de la masse totale d’eau due à la fonte de la neige et de la glace
présentes sur les terres émergées et les variations de la densité de
l’eau dues à une hausse de la température des eaux océaniques et
à des modifications de la salinité. L’élévation relative du niveau de la
mer correspond à une augmentation locale du niveau de l’océan par
rapport à la terre, qui peut être provoquée par la montée des eaux
océaniques et/ou par subsidence des terres émergées ».41
2.14. Dilatation thermique
« En relation avec l’élévation du niveau de la mer, augmentation de
volume (et diminution de la densité) résultant du réchauffement de
l’eau. Un réchauffement des océans entraîne une augmentation de
leur volume, et par conséquent, une élévation du niveau de la
mer. »42
2.15. Acidification de l’océan
41
GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p.88.
42
Ibid., p.79.
29
« Diminution du pH de l’eau de mer due à l’absorption de dioxyde de
carbone anthropique.»43
2.16. Intrusion d’eau salée
« Phénomène par lequel de l’eau salée, plus dense, repousse des
eaux douces de surfaces ou souterraines, généralement dans des
zones côtières ou des estuaires, soit en raison d’une diminution de
l’influence continentale (par exemple du fait d’une réduction du
ruissellement et de l’alimentation connexe de la nappe souterraine
ou encore d’un prélèvement excessif d’eau dans les aquifères), soit
en raison d’une influence maritime accrue (par exemple du fait de
l’élévation relative du niveau de la mer).44
2.17. Récifs coralliens
Les récifs coralliens sont le fruit de l’association symbiotique entre les
polypiers et les zooxanthelles. On distingue les récifs frangeants, édifiés en marge
d’une côte, à fleur d’eau, des récifs barrières, qui séparent une côte de l’océan en
formant un lagon.
Définition du GIEC:
« Structures calcaires ressemblant à des rochers édifiées par les
coraux le long des côtes océaniques (récifs côtiers(ou frangeants))
ou sur les bancs ou les plates formes continentales immergés à
faible profondeur (récifs barrières, atolls), surtout présentes dans les
eaux océaniques tropicales et subtropicales ».45
43
Ibid., p.76.
44
Ibid. , p.76.
45
GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. ,p.86.
30
Figure suivante: la construction corallienne d’un récif frangeant
46
2.18. Atoll
Un atoll est une île ou un ensemble d’îlots d’élévation basse de forme plus ou
moins circulaire dont le centre est doté d’un lagon peu profond et dont les pourtours
sont formés de structures calcaires d’origine corallienne, les squelettes des
polypiers. Les atolls sont les vestiges d’anciens cônes volcaniques effondrés et
lentement immergés dans l’océan par subsidence sur une plaque océanique.
L’immersion très lente à une échelle géologique a permis aux coraux de croissance
rapide de se maintenir à proximité de la surface des océans. Dans le cas contraire,
46
Demangeot Jean, Les milieux “naturels” du globe, Armand Colin, 7ème
édtition, Paris, 1998, p.282.
31
d’anciens atolls submergés sont situés à quelques dizaines de mètres sous la
surface et peuvent réapparaître en fonction de mouvements tectoniques. Selon
Nunn, les îlets, dits motu dans le Pacifique, doivent leur émergence à une baisse de
niveau des mers de 1 à 2 mètres durant l’Holocène tardif.47
Des mouvements
tectoniques des plaques lithosphériques ont parfois également soulevé ces
structures, ce qui explique l’altitude élevée de certains atolls, comme Banaba (81m),
à Kiribati.
Figure suivante: formation d’un atoll
48
2.19. Mangrove
« Au sens strict, les mangroves désignent les formations végétales
de certaines plaines littorales en régions tropicales, dont les
47
Nunn Patrick D., Geomorphology, in The Pacific Islands: environment and society, ouvrage collectif sous la
direction de Rapaport M., The best press,Hawaï,1999, p.49.
48
Veyret Y., et al., Géographie physique, Armand Colin, Paris, p.235.
32
palétuviers (…) sont les espèces dominantes. Au sens large, elles
désignent les vasières intertidales de la zone intertropicale,
colonisées par les forêts de palétuviers et constituent une catégorie
de schorre ». La conservation des mangroves apparaît essentielle
pour le maintien de la biodiversité terrestre et marine mais aussi
pour stabiliser le littoral et protéger les côtes contre les tempêtes et
cyclones ».49
Figure suivante: différents écosystèmes côtiers: la mangrove
49
Cormier M.-Ch., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, Armand Colin, Paris, 2007, p.223.
33
50
La mangrove est située dans la zone intertidale, entre les laisses de basse, haute, et
très haute mer. La mangrove joue un rôle de fixation des sédiments de la côte.
2.20. El Niño-oscillation australe (ENSO)
« El Niño, au sens original du terme, est un courant marin chaud qui
se manifeste périodiquement le long de la côte de l'Équateur et du
Pérou, perturbant la pêche locale. Il a depuis lors été associé à une
vaste zone de réchauffement située dans la partie tropicale de
l’Océan Pacifique, à l’est de la ligne de changement de date. Cet
événement océanique est lié à une fluctuation du régime de pression
en surface dans les zones tropicales et subtropicales, dénommée
oscillation australe. Le phénomène résultant de la combinaison de
ces deux événements, qui se produit à des échelles de temps de 2 à
7 ans environ, est généralement connu sous le nom d’El Niño-
oscillation australe (ENSO). Il est souvent mesuré par la différence
de pression entre Darwin et Tahiti et par les valeurs de la
température de la mer en surface au centre et à l’est du Pacifique
équatorial. Lors d’un épisode ENSO, les alizés dominants faiblissent,
réduisant les remontées d’eau froide et modifiant les courants
océaniques de telle sorte que la température de la mer en surface
augmente, ce qui a pour effet d’affaiblir encore plus les alizés. Ce
phénomène exerce une grande influence sur le vent, la température
de la mer en surface et les précipitations dans la partie tropicale du
Pacifique. Il a également des répercussions climatiques dans toute
la région du Pacifique et dans d’autres régions du monde, par ses
effets sur les téléconnexions mondiales. La phase froide du
phénomène ENSO est appelée La Niña.»51
50
Demangeot Jean, Les milieux “naturels” du globe, op.cit. , p.278.
51
GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit., p.80.
34
2.21. Nappe glaciaire
« Masse de glace terrestre suffisamment épaisse pour recouvrir la
majeure partie des formations rocheuses sous-jacentes, de sorte
que sa forme est déterminée principalement par sa dynamique
interne (écoulement de la glace à mesure qu’elle se déforme
intérieurement et/ou qu’elle glisse à sa base) . Une nappe glaciaire
se déplace à partir d’un haut plateau central selon une très faible
pente moyenne en surface. Ses bords sont fortement inclinés, et la
glace s’écoule par le biais de courants de glace rapides ou de
glaciers émissaires, parfois dans la mer ou dans des plates formes
de glace flottant sur la mer. Il n’existe actuellement que trois grandes
nappes glaciaires, une au Groenland et deux en Antarctique –les
nappes glaciaires Antarctique est et ouest-, séparées par la chaîne
transantarctique. »52
2.22. Calotte glaciaire
« Masse de glace en forme de dôme recouvrant une zone située en
altitude, d’une superficie très inférieure à celle d’une nappe
glaciaire ».53
52
GIEC: Bilan des changements climatiques,op.cit., p.83.
53
Ibid., p.77.
35
Chapitre 3: Historique de la question des réfugiés de
l’environnement
3.1.Introduction
Ce chapitre propose de faire un tour d’horizon des définitions, de la
comptabilisation et de l’identification des réfugiés de l’environnement, d’après un
choix d’articles conséquent mais non exhaustif.
3.2. Émergence du concept
La question de la comptabilisation et de l’identification des réfugiés de
l’environnement ou réfugiés climatiques a émergé en 1985 dans un rapport du
Programme des Nations Unies pour l’Environnement par Essam El-Hinnawi.54
Voici
la définition qu’il proposait alors :
« Des personnes qui ont été obligés de quitter leur lieu de vie
traditionnel, temporairement ou de façon permanente, à cause d’une
rupture environnementale (naturelle ou anthropique) qui a porté
préjudice à leur existence et/ou sérieusement affecté leur qualité de
vie. Par rupture environnementale, on entend dans cette définition
tous les changements physiques, chimiques et/ou biologiques dans
l’écosystème (ou les ressources) qui le rend inhabitable.»55
54
Felli Romain, “Climate refugees” and liberal democratic states. A duty to welcome?”, IEPI, UNIL, Lausanne,
2007, p.3.
55
“Those people who have been forced to leave their traditional habitat, temporarily or permanently, because of
a marked environmental disruption (natural and/or triggered by people) that jeopardized their existence and/or
seriously affected the quality of their life [sic]. By ‘environmental disruption’ in this definition is meant any
physical, chemical, and/or biological changes in the ecosystem (or resource base) that render it, temporarily or
permanently unsuitable to support human life.” El-Hinnawi Essam, 1985, in Bates D.C., Environmental
refugees? Classifying human migrations caused by environmental change, Population and Environment. vol.23,
no.5, 2002, p. 465-477, in Renaud Fabrice, Bogardi Janos J., et al., Control, Adapt or Flee: How to Face
Environmental Migration ?, United Nations University, Bonn, Germany, 2007, p.13.
36
Bien que cette première définition ait eu une répercussion limitée dans un
premier temps, le rapport du GIEC de 1990 spécifiait déjà qu’un des impacts
principaux du changement climatique serait les migrations humaines, avec des
millions de personnes déplacées par le recul du trait de côte ou les inondations
côtières.56
Au milieu des années 90, on avançait le chiffre de 25 millions de
personnes forcées de migrer pour des raisons de pollution, dégradation des sols,
sécheresses et désastres naturels57
. Le WWF58
faisait écho de la problématique en
93, en mettant l’accent sur le déséquilibre entre les populations amenées à migrer et
les pays développés responsables d’émissions de gaz à effet de serre à outrance :
« Le style de vie gaspilleur des pays industrialisés, partiellement
responsable de la destruction des bases écologiques des pays du
Sud et entièrement responsables de nuisances planétaires comme
l’effet de serre, impose que ces États soient les premiers à s’occuper
de ces grands problèmes »59
.
L’élévation du niveau de la mer et la « multiplication des cyclones », étaient
déjà avancés comme des causes majeures de migration. Des questions centrales
étaient posées en 93, nous verrons comment elles ont évolué par la suite. Notons
qu’aujourd’hui, en plus « des bases écologiques des pays du Sud », la majorité des
zones côtières de basses altitudes « au Nord » sont tout autant menacées à moyen
terme.60
3.3. Première comptabilisation
En 1995, Norman Myers, de l’université d’Oxford, avançait le chiffre possible
de 200 millions de personnes concernées par les migrations environnementales pour
2050, dans une estimation volontairement extrapolée61
. Ce chiffre a ensuite été repris
par la banque mondiale. Cette grande valeur dépend de plusieurs facteurs, dont
56
Brown Oli, Migration and climate change, in IOM Migration series research no 31, Genève, 2008, p.11.
57
Idem
58
WWF: World Wildlife Fund, puis plus récemment World Wildlife Fund For Nature.
59
Hagmann Luc et al., Une nouvelle forme d’exode: les réfugiés de l’environnement, Revue Panda, décembre
1993, WWF Suisse, Zürich, p. 26.
60
Voir carte p. compléter
61
Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.11.
37
notamment celui que représente la grande variabilité et incertitude que constitue le
changement climatique. En effet, les différents scénarios de rapport sur le climat sont
basés sur la prospective, et que l’on se base sur les scénarios les plus optimistes ou
les plus pessimistes, il est difficile d’en estimer les impacts sur des régions limitées.
Ce chiffre a été retenu par les rapports du GIEC et Stern comme réaliste. De plus,
cela signifie qu’une personne sur 45 serait réfugiée ou compterait parmi les déplacés
internes en 2050.62
On considère que les déplacés internes non comptabilisés
représentent une partie essentielle des migrations environnementales. Brown
propose ici une donnée massive qui rend le débat d’autant plus controversé.
Norman Myers considérait par ailleurs le chiffre de 25 millions des années 90
comme « prudent et conservateur »63
. Ces chiffres sont des estimations. Cependant,
la comptabilité des migrations environnementales n’est à l’heure actuelle prise en
compte par aucun organisme international. Le projet européen nommé
« Environmental Change and Forced Migration Project » (EACH-FOR) tente d’établir
une première comptabilité des migrations environnementales. Il a été initié en 2007.
L’ensemble des réfugiés issus de conflits, catastrophes, persécutions et
autres représente un chiffre de 67 millions à l’heure actuelle, selon Olivier Brachet.64
Il est évident qu’à moyen terme, ce nombre ne peut qu’augmenter massivement. Le
journaliste Olivier Nouaillas rapporte une estimation de 50 millions de réfugiés
environnementaux qui seraient à attendre d’ici 2010, soit demain, selon une étude de
l’université onusienne de Bonn.65
En 1993 Norman Myers donnait la définition suivante des réfugiés de
l’environnement:
“ (…)des personnes qui ne peuvent plus assurer une existence sûre
dans leur pays d’origine en raison de sécheresses, d’érosion des sols,
de la désertification et pour d’autres problèmes environnementaux.
Dans leur désespoir, ils estiment qu’ils n’ont d’autres alternatives que
de chercher refuge ailleurs, aussi aléatoire que soit cette tentative.
62
Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.11.
63
Myers N., Environmental refugees:an emergent security issue, discours de conférence donnée le 22 mai 2005
au 13ème
forum économique de Prague.
64
Brachet Olivier, Réfugiés: la conscience d’une histoire sans fin, in L’Atlas des migrations, Le Monde, La Vie,
hors-série, novembre 2008, Paris, p.74.
65
Nouaillas Olivier, Les naufragés de l’environnement, in L’Atlas des migrations, op. cit., p.81.
38
Tous n’ont pas quitté leur pays; nombre d’entre eux sont des déplacés
internes. Mais tous ont abandonné leur pays d’origine sur une base
semi-permanente si ce n’est pas permanente, ayant un faible espoir
de retour.»66
La difficulté de l’identification et de la comptabilisation des réfugiés de
l’environnement tient en partie au vide juridique - et non sémantique - que véhicule
cette expression. Officiellement, il n’y a pas de « réfugiés climatiques ». Les seuls
réfugiés reconnus sont ceux qui correspondent aux critères de définition de la
convention de 1951 de l’ONU.
Cette convention a suivi la création du Haut Commissariat des Réfugiés de
L’ONU (UNHCR) de 1950 puis a été complétée par un protocole en 1967.67
On voit
dans cette définition les critères sociaux, politiques, ethniques et religieux qui
poussent à la migration. La détérioration de l’environnement n’est alors pas encore
un critère. Le UNHCR poursuit les objectifs suivants:
« A terme, les solutions que l'agence met en œuvre sont le retour
dans le pays d'origine, l'intégration dans le pays d'accueil ou la
réinstallation dans un pays tiers »68
.
Le terme réfugié désigne une personne contrainte de quitter son territoire.
Cela inclut l’idée de franchissement de frontière. Or, comme on l’a vu
précédemment, les réfugiés sont souvent amenés à se déplacer à l’intérieur des
frontières d’un même État. Ce fut notamment le cas lorsque l’ouragan Katrina frappa
la Nouvelle Orléans en 2005. On considère que plus d’un million de personnes ont
été déplacées, pour environ 200’000 définitivement.69
66
“People who can no longer gain a secure livelihood in their erstwhile homelands because of drought, soil
erosion, desertification, and other environmental problems. In their desperation, they feel they have no
alternative but to seek sanctuary elsewhere, however hazardous the attempt. Not all of them have fled their
countries; many are internally displaced. But all have abandoned their homelands on a semi-permanent if not
permanent basis, having little hope of a foreseeable return”. Myers Norman, Environmental refugees in a
globally warmed world, in Bioscience. Vol. 43, 1993, p. 752-761, in Renaud Fabrice, Bogardi Janos J., et al.,
Control, Adapt or Flee: How to Face Environmental Migration ?, United Nations University, Bonn, Germany,
2007, p.13.
67
Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.13.
68
http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/basics, consulté le 6.5.09.
69
Hsu, S.S., 2006, “2 million displaced by storms”, Washington Post, 16 January 2006, http://
www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2006/01/12/AR2006011201912.html,
accessed 3 April 2007, cité par Brown Oli, Migration and climate change, op.cit., p.12.
39
Un autre problème de la définition de réfugié consiste dans le fait qu’on
entend souvent par ce terme un déplacement temporaire et un possible retour au lieu
de départ. Or, pour le sujet présent, et dans le cas de disparition des États insulaires
due à l’élévation du niveau de la mer, cette éventualité est annulée.70
Fait notable, à
l’heure actuelle, il faut compter selon le UNHCR 17 ans en moyenne pour qu’un
réfugié obtienne un statut régularisé et durable…71
Cela donne une idée de la
catastrophe potentielle à attendre dans le cas d’un événement extrême qui rayerait
de la carte un territoire peu élevé comptant plusieurs dizaines de milliers de
personnes. En l’absence de législation efficace, des populations entières seront à
replacer dans l’urgence dans des pays d’accueil.
3.4. Caractérisation des réfugiés
Il est d’usage de dissocier les causes de migration en facteurs « pull » et
« push », comme on l’a vu précédemment. On considère le facteur « pull » comme
l’attraction, souvent économique, qui va encourager le migrant à se déplacer. Le
facteur « push », d’ordre environnemental ou autre, est l’impulsion à migrer. Oli
Brown rappelle que l’un ne va pas sans l’autre. 72
Cette détermination est aléatoire, et
sujette à caution.
On identifie le lien causal du déplacement par des chaînes de migration à
l'heure actuelle, qui englobent les facteurs sociaux, économiques et autres.
Lonergan identifiait en 1998 cinq groupes de facteurs push 73
:
1. les désastres naturels
2. les projets de développement qui induisent un changement
dans l’environnement
3. l’évolution progressive de l’environnement
4. les accidents industriels
5. les impacts sur l’environnement dus aux conflits.
70
Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.14.
71
Brachet Olivier, Réfugiés: la conscience d’une histoire sans fin, in L’Atlas des migrations, op. cit. , p.74.
72
Ibid. , p.12.
73
Cité par Piguet Etienne, Climate change and forced migration, New issues in refugee research, research paper
No. 153, UNHCR, Genève, 2008, p.4.
40
Le troisième facteur s’impose naturellement comme prioritaire aujourd’hui,
avec les rapports les plus alarmistes et convaincants. Cela n’a pas toujours été le
cas.
En anglais, l’expression climate refugee englobe également des processus
météorologiques et géologiques qui ne sont pas forcément dus au changement
climatique. Ce n’est pas le cas de son pendant français, l’expression réfugiés
climatiques.
Dans un article critique de 2001 pour le UNHCR, Richard Black se base sur la
controverse liée à la désertification dans le Sahel (que je ne discuterai pas ici), qu’il
considère comme un mythe, pour invalider la notion de climate refugee.
Cette crise aurait été due à une mauvaise exploitation du sol. Black lie ensuite
maladroitement la controverse sur la désertification et un soi-disant mythe de la
migration provoquée par ce phénomène:
«Si l’on considère l’argument stipulant que la désertification est en
grande partie un mythe, alors ce n’est peut-être pas exagéré de
suggérer que la migration due à la désertification est aussi un
mythe. »74
Dans le même ordre d’idées, Black ne voyait pas (ou ne voulait pas voir),
l’ampleur et l’imminence du phénomène à venir:
« Cette notion de « réfugiés de l’environnement » ne correspond pas
aux discussions sur les récentes destructions de l’équilibre
écologique par la société moderne; la migration est plutôt vue
comme une stratégie habituelle pour s’en sortir. Dans ce sens, le
déplacement de personnes est une réponse à des variations spatio-
temporelles du climat et d’autres conditions, plutôt qu’un phénomène
nouveau résultant d’une limite physique ayant été atteinte ».75
74
« If one accepts the argument that desertification itself is largely a myth, then it is not, perhaps, too great a
step to suggest that desertification-induced migration is a myth too », Black Richard, Environmental refugees :
myth or reality ?, in New issues in refugee research, working paper No 34, UNHCR, Genève, 2001, p.4.
75
« This notion of « environmental refugees », hardly tallies with arguments about recent destruction of the
ecological balance by modern society; rather, migration is again perhaps better seen as a customary coping
strategy. In this sense, movement of people is a response to spatio-temporal variations in climatic and other
conditions, rather than a new phenomenon resulting from a physical limit having been reached”, Black Richard,
Environmental refugees: myth or reality?, in New issues in refugee research, working paper No 34, UNHCR,
41
Or, c’est précisément les limites physiques de l’écoumène que nous sommes
en train d’atteindre et de transgresser aujourd’hui.
Plus encore, Black reprend les arguments de Kibreab stipulant que les
académiciens, en diffusant et en développant l’expression de réfugiés de
l’environnement, jouent le jeu des pays occidentaux. Ces derniers qui profitent du
vide juridique en la matière, excluent un certain nombre de réfugiés poussés par les
seules causes environnementales76
, selon Kibreab. Cherchez l’erreur. La question de
la causalité est centrale. Ce genre d’assertions semble improbable à l’heure actuelle.
En revanche, Black reconnaît à la suite de Myers les effets du changement
climatique et les conséquences sur les zones côtières de basses altitudes dues à
l’élévation du niveau des mers et des inondations renforcées, pour lesquelles il ne
voit qu’une faible possibilité d’adaptation et donc un plus grand lien causal.77
En 2002, Stephen Castles publie dans la même série de publications du
UNHCR un article ayant pour but de clarifier et de modérer les positions extrêmes et
antagonistes de Myers et de Black.78
Il reproche à la fois son catastrophisme à Myers
et son scepticisme à Black. Cependant, il rappelle avec justesse que les facteurs
environnementaux ne mènent pas directement aux déplacements de population et
qu’il est essentiel de se pencher sur les stratégies adoptées par les communautés et
les gouvernements dans des cas spécifiques.79
L’approche de Myers est comme on
l’a vu plus haut extrapolée et correspond à une analyse entre certains risques du
changement climatique et l’entier de la population qui pourrait être concernée comme
étant des réfugiés potentiels. Cependant, le poids de ces estimations est majeur au
niveau symbolique, considérant la faiblesse de la comptabilité officielle actuelle. En
2005, Myers rappelait ce problème dans une conférence:
« Au dessus de tous ces sous-problèmes se trouve le manque de
reconnaissance officielle, que ce soit de la part des gouvernements ou
Genève, 2001, p.6.
76
Kibreab Gaim, “Environmental causes and impact of refugee movements: a critique of the current debate”,
Disasters 21(1), 1997, p.20-38, cité par Black Richard, Environmental refugees: myth or reality?, in New issues
in refugee research, working paper No 34, UNHCR, Genève, 2001, p.10-11.
77
Black Richard, Environmental refugees: myth or reality?, op. cit., p.7.
78
Castles Stephen, Environmental change and forced migration: making sense of the debate, in New issues in
refugee research, working paper No.70, UNHCR, Genève, 2002.
79
Ibidem, p. 2-3.
42
des agences internationales, qu’il y ait un problème de réfugiés de
l’environnement .»80
Aujourd’hui, la reconnaissance de ce problème est plus grande dans le débat
politique et public.
En 2008, Romain Felli, géographe et politologue de l’Université de Lausanne,
propose un état de la question des réfugiés climatiques à la lumière des théories
politiques de justice globale. En matière d’adaptation, il rappelle que les victimes du
changement climatique auront deux options, celle d’aménager le territoire pour faire
face aux forçages d’une part, ou se reloger dans un nouveau territoire d’autre part.
Cette dernière option est envisagée selon deux points de vue dits « cosmopolite » et
« partial » selon les théories de Charles Beitz. Le point de vue cosmopolite présente
une « égale dignité des êtres humains indépendamment de leur origine ou
nationalité » ainsi qu’une « non-pertinence morale des frontières nationales » et
partant, propose une mobilité facilitée pour les migrants. Le point de vue « partial »
accorde la primauté aux citoyens d’un même pays face aux ressortissants étrangers.
A l’heure actuelle, le point de vue cosmopolite tient de l’utopie tandis que la
position partiale domine, les accords de migrations n’étant consentis que de la part
d’États souverains.
Felli rappelle aussi à juste titre que la disparition des territoires d’États
souverains entraînera de facto la nécessité d’accorder dans un deuxième temps la
citoyenneté aux réfugiés privés d’une possibilité de retour. Or cette possibilité de
retour est une clause constitutive du statut de réfugié à l’heure actuelle.81
Si le sujet des réfugiés climatiques est d’une actualité brûlante, les exemples
de migrations environnementales humaines dans l’histoire ne manquent pas. La
section suivante en propose quelques exemples.
80
“On top of all these sub-problems is the lack of official recognition, whether on the part of the governments or
international agencies, that there is an environmental refugee problem at all.” Myers N., Environmental
refugees:an emergent security issue, conférence donnée le 22 mai 2005 au 13ème
forum économique de Prague,
p.2.
81
Felli R., Justice globale pour les réfugiés climatiques?, revue en ligne Asylon(s), no 6, novembre 08.
43
3.5. Les migrations environnementales humaines dans l’histoire
Les migrations humaines sont hautement corrélées à la qualité de
l’environnement et à la disponibilité d’une production alimentaire suffisante. C’est une
des thèses exposée par Jared Diamond dans son livre « Guns,germs and steel »82
.
Un exemple largement répandu est celui des populations qui ont migré d’Asie
vers la Sibérie, puis de la Sibérie vers l’Alaska, puis vers le Canada continental par le
pont terrestre de l’actuel Détroit de Béring, dès la période glaciaire de 12'000 av. J.-
C.. Plus tardivement et en se répandant au Sud à raison d’une dizaine de kilomètres
environ par an, ils formèrent des sociétés agricoles avec une production alimentaire
satisfaisante, colonisant ainsi toute l’Amérique.83
Entre 1200 av. J.-C. et 1000 de notre ère, des populations dites « austro-
indonésiennes » ou « austronésiennes » ont réussi à coloniser quasiment toutes les
îles et atolls du Pacifique. Probablement partis de l’archipel Bismarck au Nord de la
Nouvelle-Guinée, ces populations oscillant entre chasseurs-cueilleurs et agriculteurs
se sont répandues grâce à leur système de navigation sophistiqué pour l’époque (les
pirogues à balanciers et les praos), n’emportant avec eux que quelques animaux
domestiques (le cochon, le chien et le poulet). Il est surprenant de voir que toute la
Polynésie trouve sa source, selon Diamond, dans une population de petite taille et
homogène, s’étant largement diversifiée par la suite. Les milieux naturels des îles du
Pacifique sont en revanche loin d’être homogènes, entre climat équatorial,
subtropical, tropical humide, îles volcaniques hautes, atolls de basses altitudes,
disponibilité de ressources halieutiques, disponibilité importante ou non d’eau douce,
etc…84
Les îles du Pacifique représentent un exemple précurseur d’adaptation lors de
migrations environnementales, mais aussi de fragilité aujourd’hui. Si l’on considère
que l’attractivité de ces îles à l’époque citée précédemment et jusqu’à aujourd’hui
consistait en un facteur «pull», la vulnérabilité qui caractérise les zones côtières de
basse altitude à l’heure actuelle comme on le développera plus loin, en fait un facteur
«push».
82
« De l’inégalité parmi les sociétés » en français
83
Diamond Jared, De l’inégalité parmi les sociétés, Gallimard, Paris, 2000, p.49 et 95.
84
Ibid., p.73-94.
44
Plus proche de nous, on retrouve souvent dans la littérature l’exemple des
migrations des années 30 dans le Midwest américain. Après de nombreuses années
de faibles précipitations et de températures au-dessus de la moyenne, la qualité de
l’environnement dans les grandes plaines s’était largement détériorée.85
Ces
conditions météorologiques et une agriculture intensive ont provoqué les
phénomènes dit de Dust Bowl, des tempêtes de poussière accentuant davantage les
sécheresses de ce type de culture dégradant les sols.86
On estime que ce n’est pas
moins de 300'000 personnes qui migrèrent ainsi vers l’Ouest et, pour ceux ayant un
noyau familial, communautaire et quelques moyens, vers la Californie.87
On voit là
que c’est la conjonction de facteurs naturels et anthropiques qui a abouti à une
migration.
Autre exemple, plus récent. Il s’agit de l’atoll Bikini. Cet atoll fait partie des îles
Marshall, en Micronésie, dans le Pacifique ouest. En 1946, alors aux mains des USA
depuis la fin de la guerre, l’atoll est évacué pour laisser place à des essais
nucléaires. La population est évacuée à l’est sur un atoll hostile et très petit. En
résumé, on peut dire que durant 30 ans, les exilés ont vivoté entre aide et quasi
famine, jusqu’à ce qu’ils soient autorisés à retourner sur leurs terres en 1972.
Rapidement, de nombreux cas de cancers se sont déclarés et l’atoll a été à nouveau
évacué.88
Depuis 1986, les îles Marshall sont un État en association libre avec les
USA. Il s’agit bien ici de réfugiés de l’environnement , même si l’atoll Bikini a été
détérioré par les essais nucléaires.
En 2005, Norman Myers rappelait que dans les dernières décennies, des
«dizaines de milliers» de personnes ont été déplacées autour de la Mer d’Aral et en
Asie Centrale à cause de la désertification et de la dégradation générale du sol.89
La
culture massive du coton dans la région en est la cause. Celle-ci a nécessité le
détournement des eaux du bassin versant de cette mer jusqu’à l’assécher. Le
déplacement par les vents du sel résiduel de la mer asséchée vers les terres a
encore accentué la désertification.
85
Brown Oli, Migration and climate change, op. cit., p.23.
86
Bourg Dominique, Rayssac G.-L., Le développement durable : maintenant ou jamais, Gallimard, coll.
Découvertes, Paris, 2006, p.104.
87
Brown Oli, Migration and climate change, op. cit., p.23.
88
Niedenthal Jack, A Short History of the People of Bikini Atoll, sur le site:
http://www.bikiniatoll.com/history.html , consulté le 19.12.2007.
89
Myers N., Environmental refugees:an emergent security issue, conférence donnée le 22 mai 2005 au 13ème
forum économique de Prague, p.3.
45
Ces précédents exemples suggèrent que si juridiquement, l’expression
«réfugiés de l’environnement» est inexistante, historiquement elle est tout à fait
justifiée. Enfin, selon Oli Brown, la fréquence de cas de migrations
environnementales va non seulement aller croissante mais nécessitera de plus une
gestion intégrée au cas par cas. Pour expliquer cela, il emploie l’expression «tipping
point», soit un point de bascule à partir duquel des événements anodins vont devenir
récurrents et se poursuivre en rétroactions positives. On parle aussi de point de non-
retour, de point de rupture écologique et d’effet de seuil. L’idée générale de ces
expressions voisines peut-être résumée ainsi dans le cadre de ce travail: partant de
simples alertes occasionnelles, les cas de détérioration de l’environnement le
rendant inhabitable vont se propager de telle sorte qu’on assiste à une contagion
sémantique, et surtout, contraignant à des réactions, de l’ordre de l’adaptation, de
l’instauration de nouvelles législations facilitant la migration ou d’accords de
reconnaissance de responsabilité.
46
Chapitre 4: Vulnérabilité des zones côtières et îles basses face
au changement climatique
4.1. Introduction
Ce chapitre propose de faire l’inventaire des tendances de changements
climatiques et environnementaux qui concernent les zones côtières et îles basses
afin de réaliser une évaluation des risques. Certaines données s’appliquent à
l’ensemble des zones côtières, deltas et petites îles, d’autres seulement à une partie
de ceux-ci. Malgré ces recoupements, il convient de dissocier les différents milieux
ou grands systèmes. C’est ainsi qu’est structuré ce chapitre.
Pour rappel, on peut également envisager la vulnérabilité de ces territoires
selon leur disponibilité à être exploités en tant que ressources ou à être habités. De
manière générale, les écosystèmes présentent des services écologiques tels qu’ils
ont été définis par le Millenium Goal Development Assessment:
1. service de fourniture
2. service de régulation
3. service culturel
L’estimation de la vulnérabilité de ces milieux est dépendante à la fois des
pressions internes et des forçages externes.
4.2. Elévation du niveau des mers
Les variations du niveau moyen des mers à des échelles décennales ou plus
sont dépendantes de deux variables principales corrélées au changement climatique:
1. la dilatation thermique
2. l’échange d’eau entre les océans et les différents autres réservoirs,
tels que les inlandsis, les glaciers, calottes glaciaires et nappes
47
glaciaires, et les autres réservoirs terrestres tels que ceux construits
par l’homme (barrages, citernes) et enfin l’atmosphère.90
Pour mesurer le niveau de la mer, on emploie traditionnellement des
instruments tels que les jauges de marées ou marégraphes et depuis le début des
années 90, l’altimétrie satellitaire, notamment le programme d’observation Topex-
Poseidon. Depuis 93, le niveau de la mer a augmenté à un rythme accéléré de
3mm/an.91
Il faut tenir compte de la variabilité de cette élévation, certaines régions
présentant une élévation 5 fois supérieure à la moyenne mondiale.92
Il faut
également inclure la variabilité interannuelle due au phénomène El Niño (ENSO),
auquel le Pacifique est le plus sensible.93
Ce point alimente les arguments pour une
vulnérabilité accrue des petites îles du Pacifique. Mais certains prétendent selon les
années que le niveau n’augmente pas: en effet, il est arrivé certaines années à
Tuvalu que pendant un épisode ENSO l’élévation du niveau de la mer soit faible en
raison du déplacement massif d’eau (chaude) vers l'est du Pacifique.
90
“On decadal and longer time scales, global mean sea level change results from two major processes, mostly
related to recent climate change, that alter the volume of water in the global ocean:I) thermal expansion, and ii)
the exchange of water between oceans and other reservoirs( glaciers and ice caps, ice sheets, other land
reservoirs –including through anthropogenic change in land hydrology, and the atmosphere.”, Bindoff, N.L., J.
Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level. In: Climate Change 2007: The
Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the
Intergovernmental Panel on Climate Change [Solomon, S.,D. Qin, et al.], Cambridge University Press,
Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, 2007,p.408.
91
“This decade-long satellite altimetry data set shows that since 1993, sea level has been rising at a rate of
around 3mm/yr”. Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level,
op.cit.,p.409.
92
“(…) the global coverage of satellite altimetry provides a unambiguous evidence of non uniform sea level
change in open oceans, with some regions exhibiting rates of sea-level change about five time the global
mean.”, Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Leve, op.cit.,
p.411.
93
“The Pacific Ocean region is the centre of the strongest interannual variability of the climate system, the
coupled Ocean-atmosphere ENSO mode.”, Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate
Change and Sea Level, op.cit.,p.413.
48
Figure suivante: Variation du niveau moyen des mers dans le passé et estimations
futures (n’incluant pas la fonte dynamique des inlandsis)94
La zone grise figure les incertitudes liées au passé. Une tendance claire à
l’augmentation se dessine dès le début du XXème siècle et le bruit tend à se réduire
ces dernières décennies. Le trait vert indique les observations réalisées par altimétrie
satellitaire. La zone bleue correspond aux incertitudes liées aux différents scénarios
de réduction de gaz à effet de serre. On notera que le phénomène dynamique
d’élévation est engagé, cela pour des siècles au moins, même avec le scénario le
plus optimiste. Il apparaît également une accélération du phénomène qui n’est pas
sans rappeler la «crosse de hockey» de Keeling illustrant l’augmentation radicale de
CO2 dans l’atmosphère dès les années 50.
94
Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level, op.cit.,p.409.
49
Figure suivante: Moyennes annuelles du niveau des mers (en mm)95
Ce graphe fait apparaître les mesures systématiques en bleu à partir des
années 50. Les mesures satellites apparaissent en noir. On constate une
augmentation marquée à compter des années 90.
Selon Robert Nicholls, ingénieur environnementaliste spécialisé sur les zones
côtières, une élévation globale de 38 cm en l’absence de tout autre changement,
augmenterait d’un facteur cinq le nombre de personnes inondées par les tempêtes.96
95
Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level, op.cit.,p.410.
96
“It has been estimated that, in the absence of any other changes, a sea level rise of 38cm would increase five-
fold the number of people flooded by storm surges”, Robert J.Nicholls, cite par McGranahan G., Balk D.,
Anderson B., The rising tide:assessing the risks of climate change and human settlements in low elevation
coastal zones, Environment and Urbanization vol. 19, p.20.
50
Tableau suivant: Projection des valeurs moyennes du réchauffement en surface et
de l’élévation du niveau de la mer à la fin du 21ème
siècle à l’échelle du globe. 97
Cas Variations de température
En degrés C, période 2090-
99 par rapport à 1980-1999
Elévation du niveau de la
mer en mètres pour 2090-99
par rapport à 1980-99
Valeur la
plus
probable
Intervalle
probable
Intervalle basé sur les
modèles sauf évolution
dynamique rapide de
l’écoulement glaciaire
Scénario B1 1,8 1,1-2,9 0,18 – 0,38
Scénario A1T 2,4 1,4-3,8 0,20 – 0,45
Scénario B2 2,4 1,4-3,8 0,20 – 0,43
Scénario A1B 2,8 1,7-4,4 0,21 – 0,48
Scénario A2 3,4 2,0-5,4 0,23 – 0,51
Scénario A1F1 4,0 2,4-6,4 0,26 – 0,59
Le niveau moyen du niveau des mers s’est élevé de 1,8mm/an entre 1961 et 2003 et
de 3,1 mm/an en moyenne de 1993 à 2003.98
57% de cette élévation est due à la
dilatation thermique, 28% à la fonte des glaciers et des calottes glaciaires et le reste
à la rétraction des nappes glaciaires.99
Il ne fait donc aucun doute que «l’élévation du
niveau de la mer concorde avec le réchauffement».100
Ce point est explicite. En
revanche, il est plus délicat de chiffrer l’augmentation clairement:
«Faute de données pertinentes publiées, les projections de l’élévation
du niveau de la mer ne tiennent compte ni des incertitudes liées aux
rétroactions entre le climat et le cycle du carbone, ni de l’intégralité
des effets de l’évolution de l’écoulement dans les nappes glaciaires.
97
GIEC: Bilan des changements climatiques, Rapport de synthèse, Contribution des groupes de travail 1,2,et 3
au quatrième rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Equipe de
redaction principale, Pachauri R.K. et Reisinger, A. (sous la direction de), GIEC, Genève, Suisse, 2007, p.8.
98
GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit., p.30.
99
Ibid., p.30.
100
Idem
51
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mém_vulnérabilité_SIDS_zones_côtières

  • 1. Nicolas Bourquin Essai de typologie sur les réfugiés de l'environnement des zones côtières et îles basses Sous la direction de Dominique Bourg juré: Romain Felli Mai 2009 Soutenance le 18 Juin 2009 Mémoire de maîtrise universitaire ès Sciences en géosciences de l'environnement. Enjeux éthiques, sociaux et politiques de l’environnement.
  • 2. Ce travail de mémoire a été facilité par les personnes suivantes, à qui j'aimerais exprimer ma reconnaissance: Je remercie vivement Dominique Bourg pour son expertise, son soutien et le vif intérêt manifesté pour le sujet. Merci également à Romain Felli, qui m'a orienté en amont de mes recherches. 2
  • 3. Résumé La problématique des réfugiés de l'environnement a émergé dans les années 80. Pourtant, cette expression n'a à l'heure actuelle pas été renforcée par une législation internationale reconnaissant les facteurs environnementaux comme cause de migration. Le sujet est essentiellement évoqué dans les médias et le monde académique. Ce phénomène remonte pourtant à la préhistoire. Dans un contexte de changement climatique engagé pour des siècles, les réfugiés de l'environnement se chiffreront probablement en millions dans les décennies à venir. La question est généralement abordée dans la littérature sous l'angle des théories politiques de migration, ou en corrélant des territoires menacés avec des populations globales comme représentant autant de réfugiés. Ce travail s'inscrit dans une démarche typologique, incluant les domaines de la géographie générale et des sciences de l'environnement. Il présente un historique de la question, ainsi qu'un inventaire général des risques climatiques et environnementaux encourus par les populations des zones côtières et îles basses, notamment dus à l'élévation du niveau des mers. Dans un deuxième temps, la vulnérabilité de huit pays des régions Pacifique, Océan Indien et Afrique est estimée en fonction d'une série d'indicateurs, tels que la population, la densité, la superficie, les ressources en eau, et l'altitude moyenne, dans une approche prospective. On trouvera enfin des estimations sur la propension à migrer de chaque pays, la population concernée, leur capacité d'adaptation, ainsi que les conditions existantes concernant les migrations environnementales. 3
  • 4. Abstract The climate refugee topic rose up in the mid 80's. Still, this expression hasn't be strengthened yet by an official international legislation recognizing environmental factors as determinant in migrations: the topic is mainly discussed in the media and in academics. First climate migrations are yet as ancient as prehistoric times. In a context of centuries long climate change, there might be millions of environmental refugees in the next decades. In scientific papers, the point is most of times discussed within general migration theories or through GIS estimation of refugees according to disappearing of lands. This paper is intented in a typologic approach, including themes of general geography and environment sciences. There's a short history of the topic inside, plus a presentation of most of climate risks concerning coastal zones and low-lying islands, including sea-level rise. Then, an assessment of eight countries vulnerability is proposed, located in the Pacific Ocean, Indian Ocean and in Africa. Their vulnerability is assessed through indicators as population, density of population, surface, water resources, and mean heigth, in a prospective way. Eventually, there's an assessment of population propensivity to migrate, the number of these, but also the means to adaptation, and existing agreements concerning climate migrations. 4
  • 5. Table des matières Introduction p.7 Chapitre 1: Cadre théorique p.16 1.1Problématique p.16 1.1.1. Questions de départ p.16 1.1.2. Hypothèse p.16 1.1.3. Méthodologie p.16 1.1.4. Caractérisation de la recherche p.18 Chapitre 2: Présentation des concepts et délimitations du champs sémantique p.20 2.1Réfugié p.20 2.2Ecoumène p.22 2.3Vulnérabilité p.23 2.4Adaptation p.24 2.5Point de bascule p.24 2.6GIEC p.25 2.7CCNUCC p.25 2.8Small Island Developing States p.26 2.9Gestion Intégrée des Zones Côtières p.26 2.10 Changement Climatique p.27 2.11 Forçage Externe p.28 2.12 Inertie p.28 2.13 Variation du niveau de la mer p.28 2.14 Dilatation thermique p.29 2.15 Acidification de l'océan p.29 2.16 Intrusion d'eau salée p.30 2.17 Récifs coralliens p.30 2.18 Atoll p.31 2.19 Mangrove p.32 2.20 El Niño South Oscillation p.34 2.21 Nappe Glaciaire p.34 2.22 Calotte Glaciaire p.35 Chapitre 3: Historique de la question des réfugiés de l'environnement p.36 3.1 Introduction p.36 3.2Émergence du concept p.36 3.3Première comptabilisation p.37 3.4Caractérisation des réfugiés p.40 3.5Les migrations environnementales humaines dans l'histoire p.43 Chapitre 4: Vulnérabilité des zones côtières et îles basses face au changement climatique p.47 4.1Introduction p.47 5
  • 6. 4.2Élévation du niveau des mers p.47 4.3Changements océaniques p.57 4.4Cyclones p.58 4.5Les causes de l'évolution du climat p.60 4.6Les petites îles p.61 4.7Systèmes côtiers et zones côtières basses p.67 4.7.1. Population côtière et deltas p.69 Chapitre 5: Présentation des cas d'étude: analyse d'îles basses et du delta du Nil: approche typologique p.81 5.1Introduction p.81 5.2Carte du Pacifique p.83 5.3Tuvalu p.85 5.3.1. Le Pacific Access Category p.90 5.3.2. Plan d'action de la SIDS p.91 5.4Kiribati p.94 5.5Les îles Marshall p.99 5.6Tokelau p.103 5.7Nauru p.107 5.8Palau p.109 5.9Maldives p.113 5.10 Égypte: le delta du Nil p.119 Chapitre 6: Conclusions et remarques générales p.130 Bibliographie p.134 6
  • 7. Introduction En 2002, j’eus l’occasion de suivre un cours sur les risques et aménagements des littoraux à l’Université de La Réunion. Je fus amené à étudier les possibilités d’aménagement d’un lieu particulier appelé pointe de la Table. Il s’agit d’un plateau de roche basaltique de plusieurs hectares gagnés sur la mer lors d’une éruption particulièrement puissante du Piton de la Fournaise (un des volcans les plus actifs au monde) dans les années 80. Il s’avéra assez vite que cet espace aride, rocailleux et parsemé seulement de quelques épineux (les filaos) ne serait pas propice à être habité, voire au mieux aménagé de chemins boisés pour le valoriser du point de vue touristique. Non seulement cet lieu était hostile, mais aussi il était érodé de dizaines de mètres carré de surface par an à cause de l’action des vagues. Ce paradoxe étonnant entre une terre gagnée rapidement à l’échelle humaine, son érosion rapide et son in-habitabilité allait stimuler mon intérêt pour les littoraux, ces marges de notre habitat si denses et riches des points de vue de la culture et de la biodiversité. Le présent travail a pour thématique principale la potentielle in-habitabilité de zones côtières à plus ou moins long terme, essentiellement en raison du changement climatique. La volonté de nos sociétés industrielles de se développer de manière constante et d’améliorer nos modes de vie depuis au moins 150 ans est la cause de ce changement. Le courant de pensée néo-libéral de ces dernières décennies a stimulé une consommation massive et généralisée ainsi que des transports abondants, denses et rapides. Ces mouvements généraux et inéquitablement répartis étaient légitimés par l’hypothèse que plus la croissance mondiale augmenterait, plus le monde se rétrécirait et plus il deviendrait maniable. Ce postulat (quasi consensuel) visait à agrandir la prospérité et l’épanouissement de nos sociétés ainsi que le bien-être des individus. Cependant, cette idéologie a nié les limites de nos ressources. On a également supposé que la biosphère aurait la capacité de soutenir indéfiniment ce développement accéléré. Or, ce développement inéquitable a nécessité une déséquestration frénétique de ressources fossiles émettrices de CO2. Le changement climatique est l’expression de la transgression de ces limites. Si le globe s’est effectivement contracté, on peut aujourd’hui constater l’imbrication 7
  • 8. des échelles géographiques en terme d’impact sur la biosphère et l’anthroposphère, deux entités indissociables aujourd’hui. Je n’aborderai pas dans ce travail la biosphère comme une entité indépendante, Gaïa maîtresse de son destin. Le postulat prônant que la Terre est un organisme vivant, affranchi à long terme de l’influence humaine peut paraître séduisant mais apparaît suranné, mis en regard avec une optique de développement durable (ou soutenable). La démarche de ce travail est orientée vers la possibilité de nos sociétés de faire face à leur vulnérabilité, et plus encore, de notre responsabilité de préserver l’environnement pour sa valeur intrinsèque d’une part, ainsi que l’écoumène d’autre part, pour assurer la pérennité de nos sociétés, au travers d’une utilisation raisonnée du territoire et de ses ressources. Il est certain qu’à une échelle de temps humaine, et pour ce qui concerne les zones côtières, nous nous dirigeons vers une réduction de l’écoumène, (la partie de la terre habitable en permanence par l’homme). C’est là une des manifestations du processus de changement climatique, engagé pour des siècles. Or, 23% de la population mondiale vit dans une bande de territoire de 100km par rapport à la côte et à moins de 100m d’altitude. De plus, les densités de population des régions côtières sont environ trois fois supérieures à la moyenne mondiale.1 Si ce n’est pas la partie immédiatement habitée qui est vulnérable aux inondations et événements extrêmes, la plupart des infrastructures de transport le sont (routes, aéroports, rails), ainsi que les points névralgiques et les points de ruptures de charge, comme les ports des sociétés côtières, situés dans une bande de terre encore plus étroite. Les thèmes de l’inondation et de l’érosion des terres par l’élévation du niveau des mers ont été évoqués dès le début des années 1990, voire avant, puis par les premiers rapports du GIEC. Cette thématique n’a fait que grandir et gagner en crédibilité jusqu’à ce jour, malgré certaines controverses. Dans son quatrième rapport de 2007 le GIEC a estimé l’élévation du niveau des mers à 59cm maximum pour l’estimation haute, à la fin du siècle. Or, on verra plus loin que cette estimation est réductrice selon ses auteurs mêmes (les groupes d’experts scientifiques du 1 “It has been estimated that 23% of the world’s population lives both within 100 km distance of the coast and 100m above sea level, and population densities in coastal regions are about three times higher than the global average”, Nicholls, R.J., Wong P.P., Burkett V.R., Codignotto J.O., Hay J.E., McLean R.F., Ragoonaden S., and Woodroofe C.D.: Coastal Systems and low-lying areas. Climate change 2007: Impacts, Adaptation and Vulnerability. Contribution of working group II to the fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Parry M.L., Canziani O.F., Palutikof J.P., van der Linden P.J., and Hanson C.E., éd. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom, 2007,p.319. 8
  • 9. GIEC), qui lors de la rédaction du rapport de 2007 n’ont pu trouver de consensus sur les processus d’évolution dynamique des inlandsis groenlandais et antarctique, en raison d’un manque de connaissances robustes sur ces régions. Les travaux les plus récents, les plus complets et les plus crédibles (W.T. Pfeffer notamment) tablent sur une élévation moyenne minimale (et inégalement répartie) de 80cm pour la même période et de 2m comme tout à fait probable, en incluant la dynamique de fonte et de glissement de la nappe glaciaire groenlandaise sur son socle rocheux. Cette estimation ne tient pas compte de la péninsule Antarctique Ouest qui répond à une dynamique différente. Il est actuellement délicat d’avancer des projections précises à ce propos.2 Cependant, des phénomènes comme la toute récente dislocation de la plaque de banquise Wilkins de la péninsule antarctique doivent nous maintenir en alerte. Les prévisions les plus englobantes et pessimistes pousseraient l’élévation du niveau des mers jusqu’à une dizaine de mètres, sur une période de temps heureusement plus longue, de l’ordre de plusieurs siècles. La fonte totale de l’inlandsis groenlandais équivaudrait à une élévation du niveau des mers de l’ordre de 7 mètres, tandis que celle de l’Antarctique, heureusement improbable, même à une échelle de temps géologique, correspondrait à 60-70 mètres environ.3 En résumé, face à ces incertitudes, une valeur moyenne d’un mètre d’élévation d’ici à 2100 est à la fois parlante et réaliste, même si elle est sujette aux variations selon les régions concernées. Les zones de détroit par exemple, selon un principe de goulot d’étranglement, connaissent une élévation supérieure. Les rapports climatiques, les articles d’analyses de risque, relayés par les articles de presse, affirment avec une quasi unanimité l’imminence et la gravité du changement climatique. La température moyenne du globe est actuellement de 15°C et la concentration de CO2 de plus de 385ppm4 . On estime selon certains scénarios une limite maximale de 400ppm afin de limiter nos impacts sur la biosphère, à un niveau qui nous permettrait de préserver un environnement habitable. Ces valeurs ne peuvent qu’augmenter graduellement ou brusquement pour plusieurs siècles, quelles que soient les décisions prises par nos sociétés pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES), avant d’ éventuellement redescendre. Une élévation de la 2 Pfeffer W.T., Harper J.T., O’Neel S., Reports:Kinematic Constraints on Glacier Contributions to 21st-Century Sea-Level Rise, Science, vol.321, September 2008, p.1340-1343. 3 Neu Urs, A quelle vitesse fond la glace du Groenland?, sc/nat, Forum for climate and global change, no 25, mars 2009, p.1-5. 4 Bard Edouard, Conférence sur le sujet: Réchauffement climatique, certitudes, incertitudes, Hot Day, WWF, UNIL, Lausanne, le 20.11.08. 9
  • 10. température de plus de 2°C aurait des conséquences probablement incontrôlables, notamment la disparition d'une partie massive de l'écoumène, ce qui représente des impacts physiques, symboliques et sociaux d'une ampleur dévastatrice. Face à cela, nous ne sommes pas tous égaux. L’écart des modes industriels, de consommation, de subsistance et donc d’émissions de GES des sociétés les plus développées est grand avec celui des moins développées. Les effets du changement climatique se répartissent pourtant indifféremment sur l’ensemble de la planète, défiant ainsi les échelles globales, régionales et locales. Cependant, les effets seront plus ou moins graves et irréversibles selon les régions. Ils ne suivront en cela aucune autre logique que celles que nos sociétés ont mis en place depuis le milieu du 18ème siècle et la révolution thermo-industrielle, puis son accélération massive depuis les années 50, à savoir des effets anthropiques de grand impact et souvent destructeurs sur l’environnement. C’est plus encore l’ampleur, la rapidité et l’accélération dynamique du phénomène qui amène aujourd’hui l’essentiel des pays du globe à reconnaître la nécessité d’une réaction face à notre vulnérabilité. Les populations situées dans des zones côtières de basses élévations, dans les petites îles basses ou dans les deltas sont particulièrement exposées à moyen terme: faut-il tabler sur 5, 10, 50, 100 ans avant que ces régions ne soient inhabitables? C’est l’incertitude qui caractérise cette problématique. On verra dans l'analyse plus loin que certains pays sont d'ores et déjà contraint à la migration. Si l’on évoque depuis une quinzaine d’années la possibilité que ces zones soient mises en danger, on dispose aujourd’hui de données et d’outils qui nous permettent d’estimer non seulement la vulnérabilité de ces régions mais aussi leur probable et définitive submersion, à l’échelle humaine. Un phénomène sans précédent dans l’histoire (si l’on exclut les références à des événements biblique (le déluge) et mythologique (l’Atlantide)). Il existe une véritable distorsion entre la vulnérabilité des zones et régions d’altitude basse et leur faible responsabilité dans l’émission globale des GES (et donc dans le changement climatique). C’est là un fait qui m’a déterminé à me lancer dans cette recherche. Par ailleurs, l’imminence des dangers qui concerne les petites îles ou atolls de basse altitude m’a amené à considérer la question des réfugiés de l’environnement. Les réfugiés de l’environnement, ou réfugiés climatiques, forment une population large de migrants pour lesquels la détérioration de l’environnement, 10
  • 11. souvent considérée parmi d’autres facteurs socio-économiques, joue un rôle décisif quant à l’habitabilité de leur territoire. J’éclaircirai ce point et sa validité juridique par la suite, de même que ses termes voisins. L’expression réfugiés de l’environnement est parfois controversée. Les migrations sont souvent dissociées en deux facteurs principaux de départ (« push ») et d’attraction (« pull »). On les distingue également par les facteurs de départ liés à des « stress » ponctuels, (tels qu’un cyclone ou une éruption volcanique) ou des processus de long terme (tels que la désertification, l’inondation définitive de terres émergées, ou la fréquence récurrente de tempêtes ou cyclones). Enfin, on distingue les migrations transfrontalières aux migrations internes à un pays, pour lesquelles on emploie l’acronyme IDP pour Internally Displaced People, traduit sous l’expression déplacés internes en français. On parle généralement de chaînes de migration à l'heure actuelle. La littérature sur les migrations rapporte généralement que pour leur déplacement, les migrants bénéficient du minimum financier nécessaire (ou se le procurent à un prix lourd) , et ont un point de chute envisagé (un noyau familial ou communautaire idéalement). Les réfugiés sont généralement poussés à l’exil dans des conditions bien plus précaires. Pour ce qui concerne les migrations environnementales et spécialement celles où le territoire des migrants est réduit par les forçages externes5 , la migration pourrait devenir inévitable, urgente et brutale. Norman Myers, de l’Université d’Oxford, estime par extrapolation que 200 millions de personnes pourraient être amenées à se déplacer (à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières) pour des causes environnementales d’ici à 2050, ce qui représenterait une personne sur 45 de la population mondiale6 ou encore 2,22%. La problématique est donc urgente, cruciale, mais doit être envisagée sur le long terme de par l’aspect dynamique du changement cllimatique. L’élévation du niveau des mers est un phénomène engagé qui se poursuivra très probablement sur des millénaires, et le réchauffement sera long également. En effet, rappelons que le système climatique présente des rétroactions positives. Ainsi, l’océan arctique se réchauffe plus que tout autre région du globe par la fonte saisonnière de la banquise, qui entraîne d’une part une perte de la surface à pourcentage d’albédo élevé réfléchissant le rayonnement solaire, et d’autre part une 5 Voir définition p.28. 6 Brown Oli, Migration and climate change, in IOM Migration series research no 31, Genève, 2008, p.11. 11
  • 12. augmentation de la surface exposée à faible pourcentage d’albédo (les eaux océaniques) qui le capte. De même, l’acidification constante de l’océan diminue sa capacité à séquestrer le CO2. Il s’agit donc d’un phénomène d’une grande inertie. La capacité d’adaptation de zones menacées, opposée ou complémentaire à la migration est un des thèmes controversés qu’il conviendra d’observer au cas par cas. A terme, la migration forcée de populations et la submersion de leur territoire pourrait présenter des problèmes inédits, tels que la perte de la souveraineté d’un État, la perte de ses ressources maritimes (les Zones Economiques Exclusives (ZEE)), halieutiques7 ou minières. La perte de l’identité culturelle de ces sociétés par une acculturation forcée est également une préoccupation majeure. Ces populations auront des revendications fortes dans des pays d’accueil eux-mêmes déstabilisés, ne serait-ce que par des crises économiques mondiales comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Il faut donc garder en mémoire l’attachement culturel à un territoire et au mode de vie qui lui est associé lorsqu’on évoque des migrations forcées… Il est également nécessaire de réaliser l’urgence du phénomène en considérant que des archipels comme Kiribati, situé dans la zone intertropicale du Pacifique central, dont l’altitude moyenne est de 1,5m, seront rendus inhabitables par les inondations, la salinisation des terres agricoles ou les tempêtes bien avant leur définitive submersion, qui pourrait se produire des décennies plus tard. En passant en revue la littérature, j’ai constaté que les études de type « analyse de risques » ainsi que les rapports climatiques arrivaient souvent à la conclusion que, si les risques pouvaient être estimés de façon générale, il manquait sensiblement d’étude de cas à une échelle régionale ou locale. Hormis le très médiatique exemple de Tuvalu - emblématique, à juste titre me semble-t-il, bien que ce soit l’arbre qui cache la forêt -, il manque d’études corrélant les analyses de risques ou les rapports climatiques d’un côté, et les réflexions politiques sur les questions de réfugiés, les interactions sociales avec le milieu et les plans d'adaptation ou de migration s’il en est d’un autre côté. Ce travail propose donc de faire l'étude des réfugiés de l’environnement des zones côtières et petites îles de basses altitudes, en tentant de réunir ces différents paramètres, de présenter des analyses de cas pouvant à terme être généralisées et classées par type. 7 Même s’ils ne disposent souvent pas de moyens suffisants pour armer de véritables pêcheries, les États insulaires du Pacifique monnaient souvent des concessions autorisant d’autres pays (notamment le Japon) à pêcher sur leurs eaux, leur pourvoyant ainsi des fonds substantiels. 12
  • 13. D’un point de vue méthodologique, ma démarche est basée sur la revue générale de la littérature et une analyse de huit exemples au travers d’une série d’indicateurs, s’inscrivant dans une approche intégrée et probabiliste. Les cas étudiés sont les suivants: Tuvalu, Kiribati, Iles Marshall, Tokelau, Nauru, Palau, Maldives et Égypte, au travers du Delta du Nil. Certains pays, malgré une faible altitude moyenne au dessus du niveau de la mer, semblent disposer de plateaux ou de terres suffisamment élevés pour pouvoir s’adapter en se déplaçant en altitude. D’autres semblent bénéficier de conditions économiques suffisantes pour s’adapter. Ces archipels (Tonga, Fidji, États Fédérés de Micronésie, Bahamas, Samoa, Hawaï) n’ont pas été retenu dans l’analyse. Dans d’autre cas, l’association de certaines îles à des grandes puissances semble intuitivement leur conférer une certaine marge d’adaptation ou des migrations facilitées, à l’image de la Polynésie française. Cela n’atténue pas pour autant le choc culturel à attendre en cas de migrations massives. Le choix d’études de cas ciblés sur des petites îles et un delta est partiellement orienté par leur vulnérabilité. Ce n’est pas donc pas une analyse exhaustive qui est présentée ici. Je pense que dans leur malheur, ces régions présenteront un exemple fort des impacts climatiques donc chacun tient une part de responsabilité et contre lesquels les États développés en priorité doivent se manifester, légiférer et agir. Il me semble par ailleurs que des thèmes tels que la disparition physique d’un territoire et ses réfugiés forcés peuvent amener chacun à s’interroger in fine sur son impact quotidien sur l’environnement ou sur des principes d’équité et de responsabilité. Cette réflexion est à mettre en miroir avec cette remarque porteuse de Jean-Pierre Dupuy sur les conséquences de notre inaction, qui n’est souvent pas liée à un déficit de connaissances : « Le défi qui est lancé à la prudence n'est pas le manque de connaissance sur l'inscription de la catastrophe dans l'avenir, mais le fait que cette inscription n'est pas crédible.»8 Ce point de vue a par la suite été relayé dans la presse: 8 Dupuy J.-P-., Pour un catastrophisme éclairé: quand l'impossible est certain, Seuil, Paris, 2002, p.141-142. 13
  • 14. « L’obstacle principal n’est pas l’incertitude sur ce qui va se passer avec le changement climatique. Même quand nous savons, nous ne faisons rien. Car nous ne croyons pas ce que nous savons. La question est donc de transformer ce savoir en croyance, puisque c’est elle qui fait agir.»9 La disparition de certains petits pays insulaires, de deltas ou de zones côtières représente la perte d’une portion de l’écoumène, l’exil probable de milliers de personnes, mais aussi la disparition totale d’aires culturelles. Celles-ci représentent des territoires imprégnés de marqueurs culturels symboliques et signifiants, les géo-symboles, porteurs d’une identité commune spécifique. Ces aires ne seront pas plus transposables ailleurs que ne le sont les territoires. Notons que les sociétés des États insulaires dépendant fortement de leur économie de subsistance - de la pêche notamment, traditionnelle ou non - seront entièrement bouleversées et probablement acculturées. Je n’entends cependant pas l’acculturation autrement qu’un phénomène dynamique et évolutif, multiple, mutuel, et formateur de nouvelles identités; cependant la rapidité du phénomène risque d’amplifier ce bouleversement. Les populations des pays du Pacifique - sur lesquelles ce travail met l’accent, en raison de leur vulnérabilité - sont cependant le fruit de métissages. Les Mélanésiens, les Polynésiens, les Micronésiens, mais aussi les Chinois, les Indiens, les Français, les Allemands ou les Américains composent des communautés mixtes. Les différentes vagues de colonisation ou les phases de tutelle en sont à l’origine.10 Doit-on s’attendre à des vagues d’immigration en provenance du Pacifique? Il est difficile de répondre à cette question. Probablement pas en Europe de l’Ouest, trop éloignée géographiquement et culturellement de ces régions. Mais les réfugiés de Deltas proches comme le Nil pourraient se déplacer massivement dans le pourtour méditerranéen, les pays du golfe ou vers l’Europe. De même, les habitants du Pacifique souhaitent davantage se déplacer vers l’Australie, la Nouvelle Zélande ou d’autres îles de climat analogue. Il est nécessaire de préciser que l’objet de ce travail n’est pas de juger de la valeur de ce type de migration ou de la migration en général. Face aux vagues 9 Dupuy Jean-Pierre, « Nous ne croyons pas ce que nous savons », entretien réalisé par M. Audétat, L’Hebdo, 12.02.09, Lausanne, p.58. 10 Huetz de Lemps Alain, Géographie de l’Océanie, coll. Que sais-je no 1215, PUF, 1966, Paris. 14
  • 15. d’immigration, il convient aussi bien d’éviter le discours conservateur, effrayé par « une invasion » que le discours angélique sur les vertus de l’immigration. Cependant, les faits sont là. De nombreux pays occidentaux développés sont vieillissants et ont besoin de se repeupler. D’autres pays, comme la Nouvelle- Zélande ou l’Australie, sont vastes avec une faible densité de population. Plusieurs sont également en crise écologique, économique, ou sociétale. L’idée d’« immigration choisie » progresse et se répand partout dans le monde. L'Inde renforce sa frontière commune avec le Bangladesh d’une clôture. Comment imaginer les migrations environnementales de demain, face à ces éléments contradictoires? La littérature sur le thème des migrations environnementales néglige trop souvent les aspects positifs du phénomène, comme le repeuplement de certaines régions. Les migrations environnementales ne doivent pas être envisagées uniquement sous l’angle catastrophiste. Cependant, la possibilité d’une législation internationale effective et sans équivoque pour les migrations environnementales n’est pas à l’ordre du jour, selon un groupe d’experts du ministère des affaires étrangères français: « Les paramètres de la migration, qui appartiennent totalement à la mondialité (c’est à dire au résultat des interdépendances globales), ne sont que très peu sensibles aux politiques d’État et à leurs sinuosités, qu’il s’agisse des États d’origine, d’accueil ou de transit. » 11 Reste une question primordiale: que souhaitent principalement les populations des zones côtières menacées? 11 Badie Bertrand et al., Un autre regard sur les migrations, Ministère des affaires étrangères et européennes, in L’Atlas des migrations, le Monde, la Vie, hors-série, novembre 2008,Paris, p.47. 15
  • 16. Chapitre 1: Cadre théorique 1.1.Problématique 1.1.1Questions de départ Dans le cadre d’un changement climatique inique, les questions de départ de ma recherche sont les suivantes: - Quel est le statut de « réfugié de l’environnement »? Comment identifier et comptabiliser les réfugiés de l’environnement? Quels sont les risques climatiques et environnementaux liés aux zones côtières et îles basses? Quelle est leur vulnérabilité? Combien de réfugiés potentiels sont à attendre pour une élévation du niveau de la mer de 1, 2, 5, 10m? Peut-on établir un lien causal direct entre le changement climatique et les réfugiés de l’environnement ? Quels sont les enjeux liés aux réfugiés de l’environnement des zones côtières et îles basses aujourd’hui et demain? Quels sont les pays en mesure d’accueillir les réfugiés de l’environnement sur leur territoire? Quels enjeux représentent la disparition physique d’un État? Quel statut est à attendre pour les Zones Economiques Exclusives de ces pays? Comment éviter la migration et privilégier l’adaptation lorsque c’est possible? 1.1.2.Hypothèse Les populations des zones côtières et petites îles présentent une grande vulnérabilité face au changement climatique. Dans certaines régions, les migrations seront inévitables à moyen terme, le territoire devenant inhabitable, voire plus encore disparaîtra physiquement. Le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer entraîneront une réduction de l’écoumène, des migrations et une nécessaire adaptation des populations concernées. 1.1.3.Méthodologie Ce travail est basé sur la prospective et une certaine actualité. Dans son sens commun, la prospective est définie comme l’« ensemble de recherches concernant 16
  • 17. l'évolution future de l'humanité et permettant de dégager des éléments de prévision.»12 On constate un intérêt médiatique marqué surtout sur les pays menacés d’inondation. On assiste là à une expression perceptible du changement climatique qui ne peut laisser indifférent. D’ailleurs des événements comme la submersion de la Nouvelle Orléans lors du passage de l’ouragan Katrina ou le tsumani de 2004 ont marqué les esprits de façon indélébile. Qu’on le veuille ou non, des associations parfois infondées entre inondations et changement climatique se font dans l’inconscient collectif. Entendons nous: l’ouragan particulièrement violent Katrina est probablement associé à une augmentation récurrente de ce type d’événements mais la catastrophe est comme on le sait, due à de nombreuses négligences anthropiques sur la gestion des digues du lac Pontchartrain et le manque de plan d’évacuation. Quant aux tsunamis, il n’ont pas de lien causal avec le changement climatique mais nous mettent en garde contre une gestion irraisonnée des côtes et le défrichement de mangroves protectrices. Cependant, cet intérêt médiatique est bénéfique en ce qu’il fait rentrer la démarche prospective dans les esprits. Il n’y a dans le cadre de ce travail pas de recherche de terrain. Il est néanmoins d’orientation plutôt inductive, soit basée sur l’observation de la réalité. La démarche inductive accorde la « primauté à la collecte d’observations de phénomènes, dans le but d’en dégager éventuellement des propositions générales amenant à une certaine cohérence.»13 Ce travail est axé essentiellement sur l’étude de documents: articles scientifiques, ouvrages de référence, annuaires de statistiques, articles de presse, notes de cours, notes de conférence, les rapports climatiques de référence, les études de risque ciblées sur certaines régions et autres dossiers. Afin de situer la validité de ces documents nombreux et variables, ils font l’objet de critiques internes et externes. Par la suite, ce travail propose de faire une estimation de la vulnérabilité des régions étudiées, de leur population et de leur propension à migrer en liant les données qualitatives et quantitatives, passées et futures, au travers d’une grille d’indicateurs originale. La proposition d’essai de typologie s’inscrit dans cette démarche de classification. On se référera à la défintion du Larousse pour l'idée 12 Le Petit Robert 2008. 13 Angers Maurice, Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines, éd. CEC, 1996, Anjou (Québec),p.19. 17
  • 18. d'une typologie comme étant l' « étude des traits caractéristiques dans un ensemble de données, en vue d'y déterminer des types, des systèmes. » 1.1.4. Caractérisation de la recherche Le paragraphe suivant vise à déterminer les composantes de mon travail afin de le situer dans la recherche scientifique, en suivant la méthode proposée par le professeur canadien Maurice Angers. 14 Au niveau de l’intention, il s’agit d’une recherche appliquée de par son but de préciser la situation des réfugiés de l’environnement dans les zones côtières. Concernant le prélèvement des données, cette recherche est essentiellement qualitative car basée sur des données issues de la littérature, mais aussi quantitative car basée sur des rapports climatiques faisant état de prévisions sur l’augmentation chiffrée du niveau de la mer, de la température et de l’occurrence d’événements extrêmes, ainsi que de cartes et de graphes. Les tendances de ces rapports s’expriment au travers de pourcentages d’occurrence, de probabilités ou encore d’indice de confiance.15 Ma contribution méthodologique personnelle se présente sous la forme de tableaux d’analyse synthétisant des informations précises sur les pays concernés. Ces indicateurs proviennent de sources diverses comme des atlas, des sites internet nationaux, des annuaires statistiques et autres rapports. Le lecteur trouvera donc une série d’indicateurs pour chaque pays étudié tels que la population, sa densité, l’altitude moyenne et maximale du territoire, la superficie, les ressources en eau douce et les précipitations, la zone économique exclusive (ZEE) d’eaux territoriales (ressources halieutiques et plancher marin), le classement du pays selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’indice de développement humain, le PIB total et par habitant, les précédents de migrations ou 14 Ibid., p.36-44. 15 Les indices de probabilité : exceptionnellement improbable : (inf. à 1%), très improbable (inf. à 10%), improbable (inf. à 33%), à peu près aussi probable qu’improbable (33%-66%), plus probable qu’improbable (sup.à 50%), probable (sup.à 66%), très probable (sup.à 90%), pratiquement certain (réalisation sup. à 99%) ; le degré de confiance: très faible (-de 10%), faible (environ 20%), moyen (environ 50%), élevé (environ 80%), très élevé (90% et plus). GIEC: Bilan des changements climatiques, Rapport de synthèse, Contribution des groupes de travail 1,2,et 3 au quatrième rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Equipe de redaction principale, Pachauri R.K. et Reisinger, A. (sous la direction de), GIEC, Genève, Suisse, 2007, p.78. 18
  • 19. de déplacés internes, les plans d’adaptation, les plans de migration, les accords internationaux. Au niveau du temps, la recherche peut être qualifiée de diachronique, soit une « recherche dans laquelle l’évolution de l’objet dans le temps est étudiée.» C’est le cas de l’évolution de la situation des migrations à Tuvalu. C’est également une recherche multi-scalaire locale (les États insulaires, le delta du Nil), régionale (le Pacifique), et globale (le changement climatique).16 Concernant les éléments sélectionnés de la recherche, elle peut être qualifiée de globale, soit «portant sur toute la population visée.» Par essence dans les sciences de l’environnement, la recherche est transdisciplinaire. On fait ici appel à la géographie générale, humaine et physique, aux théories sociales et politiques des migrations, aux rapports environnementaux et climatiques. Enfin, concernant la visée, il s’agit d’une recherche explicative, soit une « recherche visant à mettre en relation les phénomènes ». 16 Echelle locale (moins de 100000km2), régionale (100000km2 à 10 millions de km2), échelle continentale (10km2 à 100 millions de km2). GIEC: Bilan des changements climatiques, op. cit., p.79. 19
  • 20. Chapitre 2: Présentation des concepts et délimitations du champ sémantique Ce chapitre présente les définitions de termes, concepts ou expressions récurrents, usuels ou techniques employés dans ce travail. Ce chapitre a une importance stratégique en ce qu’il explicite les concepts employés dans l’ensemble du texte et présente des schémas des différents milieux abordés. Cependant, le lecteur initié peut également poursuivre la lecture au chapitre suivant. 2.1. Réfugié Au sens commun: « adj. et n. Se dit d’une personne qui a quitté son pays ou a fui une région pour des raisons politiques, religieuses, raciales ou pour échapper à une catastrophe. » 17 Il est intéressant de noter que cette définition récente inscrit la catastrophe comme une des causes possibles de migration, ce qui n’est pas le cas de la définition statutaire de l’ONU qui est donnée plus loin. Il convient de distinguer les idées de migrants de l’environnement, de réfugiés de l’environnement, de réfugiés climatiques ou encore d’écomigrants. Etienne Piguet, professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel, préfère l’expression Environmentally Induced Population Movement (EIPM), qui regroupe l’ensemble des déplacements dus à l’environnement. Cela permet d’une part d’inclure les déplacements dus aux projets de développement comme la création de barrages, ou les accidents industriels. D’autre part, on n’induit pas une causalité directe entre un déplacement et un environnement donné, mais on reconnaît une multiplicité de 17 Le Petit Larousse Illustré 2007 20
  • 21. facteurs y compris économiques et sociaux.18 Cependant cette définition est trop vague pour être usuelle. La définition la plus englobante des migrants de l’environnement est apportée par Oli Brown de l’IOM (International Organization for Migration) : « Les migrants de l’environnement sont des personnes ou des groupes de personnes, qui, pour des raisons cumulées de changements soudains ou progressifs de leur environnement qui ont un impact négatif sur leurs vies ou leurs conditions de vie, sont obligés de quitter leur maisons, ou choisissent de le faire, soit temporairement ou de façon permanente, et qui se déplacent à l’intérieur de leur pays ou à l’étranger ».19 Le terme ecomigrant est introduit en 2001 par Wood, géographe du US State Department. Le terme joue volontairement sur l’ambivalence de eco pour économie et écologie, soutenant ainsi que les facteurs de migration sont le plus souvent (au moins) double.20 A l’heure actuelle, les seuls réfugiés reconnus le sont lorsqu’ils correspondent strictement aux critères de définition de la convention de 1951 de l’ONU: “Un réfugié est une personne qui, en raison d’une crainte bien fondée d’être persécutée en raison de sa race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social particulier, ou pour une opinion politique, est hors du pays de sa nationalité et est incapable ou, en raison de cette crainte, est réticent à profiter de la protection de ce pays, ou d’y retourner, par peur de persécution.»21 18 Piguet Etienne, Climate change and forced migration, New issues in refugee research, research paper No. 153, UNHCR, Genève, 2008, p.4. 19 « Environmental migrants are persons or groups of persons, who, for compelling reasons of sudden or progressive changes in the environment that adversely affect their lives or living conditions, are obliged to leave their habitual homes, or chose to do so, either temporarily or permanently, and who move either within their country or abroad”, IOM, Discussion note: Migration and the Environment:, ninety- fourth session, 2007, cité par Brown Oli, Migration and climate change, op. cit., p.15. 20 Castles Stephen, Environmental change and forced migration: making sense of the debate, in New issues in refugee research, working paper No.70, UNHCR, Genève, 2002, p.9. 21 “a refugee is a person who owing to a well-founded fear of being persecuted for reasons of race, religion, nationality, membership of a particular social group, or political opinion, is outside the country of his nationality, and is unable to or, owing to such fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country 21
  • 22. Lorsque une personne est amenée à migrer d’une région à l’autre d’un même État, on emploie l’expression « déplacés internes » traduction de l’anglais « internally displaced people » (IDP): « Les déplacés internes peuvent avoir fui pour les mêmes raisons que les réfugiés, mais ils restent dans les frontières de leur pays et sont de fait toujours sujets à ses lois, plutôt qu’aux lois internationales sur les réfugiés.»22 Ce qui caractérise et réunit ces différentes expressions, c’est le déplacement dû à une détérioration directe de l’environnement. Le flou sémantique de ces différentes propositions trahit la relative jeunesse des théories des migrations environnementales appliquées à l’homme. Il est certain que l’expression « réfugiés climatiques » véhicule un impact de sensibilisation médiatique fort. Cependant, la diversité des facteurs de migration et ses conditions amènent à une certaine réserve. L’emploi systématique et irraisonné de cette expression pourrait bien desservir la cause à court terme, et l’éroder avant qu’une législation internationale contraignante ne soit mise en place. J’emploierai donc le plus souvent dans ce travail l’expression « réfugiés de l’environnement ». Elle indique d’une part l’urgence de la problématique, sans qu’il n’y ait nécessairement franchissement de frontières. Elle est d’autre part générale et englobante, incluant les facteurs climatiques et sociaux. 2.2. Écoumène Au sens commun, dans la tradition géographique depuis Hérodote, l’écoumène ou oekoumène est la « partie habitable de la surface terrestre.»23 Le géographe Augustin Berque a amené une remarquable proposition interactionnelle de ce concept: “, Resolution 429 of the United Nations General Assembly, 1951, http://www.cas/com/discoveryguides/refugee/review2.php, accessed 14 March 2007, cité par Brown O. in Migration and climate change, op. cit., p.13-14. 22 “IDPs may have fled for the same reasons as refugees, but remain inside their own country and are therefore still subject to its laws, rather than to international refugee law.” Reference à retrouver 23 Petit Larousse 2007. 22
  • 23. «(…) l’écoumène, c’est-à-dire la réalité de l’étendue terrestre en tant que l’homme l’habite, l’aménage, la pense, l’aime ou la redoute. L’écoumène n’est pas constituée d’objets, et ce n’est pas non plus une simple représentation subjective; elle se compose de ressources, de contraintes, de risques et d’agréments, c’est-à-dire d’entités relationnelles, de prises qui sont situées à la charnière du subjectif et de l’objectif, de la culture et de la nature(…)»24 Cette définition nous rappelle que la notion de milieu naturel vierge est surannée. Il n’y a d’espace naturel non anthropisé que ceux qui sont inhabités et inhabitables. L’écoumène est imbriquée dans la biosphère et dépasse le milieu naturel. C’est bien la charnière que l’on doit envisager en ce qu’elle nous est essentielle et indissociable. Nous formons l’écoumène comme elle nous forme. Associée aux zones côtières, l’écoumène est donc ce lieu d’échange entre différents milieux et potentiels habitats, qui, à une échelle de temps géologique a progressé ou régressé. Il faut ajouter à cela que l’écoumène représente l’ensemble du territoire habitable par l’homme en permanence, donc à la fois celui qu’il occupe actuellement et celui dont il dispose pour l’aménager de manière durable. C’est une conception possibiliste. Dans le cadre de la problématique de ce travail, l’écoumène serait réduit de façon définitive (à une échelle humaine). Sans établir de lien causal direct, on comprend que ce phénomène lié à la croissance démographique mondiale (9 milliards d’habitants environ en 2050)25 et une concentration grandissante de la population, est contraire à un développement durable. 2.3. Vulnérabilité La vulnérabilité est un concept clé de ce travail. Certaines sociétés sont rendues vulnérables par leur environnement, mais aussi par leur faible potentiel à faire face aux défis sociaux et économiques. La définition suivante présente la vulnérabilité climatique: 24 Berque Augustin, Ecoumène ou la terre comme demeure de l’humanité, in Etre humain sur la Terre, principes d'éthique de l'écoumène, Le Débat, Gallimard, 1996, p.78. 25 Brown Oli, Migration and climate change, op.cit., p.25 23
  • 24. « Mesure dans laquelle un système est sensible –ou incapable de faire face- aux effets défavorables des changements climatiques, y compris la variabilité du climat et les phénomènes extrêmes. La vulnérabilité est fonction de la nature, de l’ampleur et du rythme de l’évolution et de la variation du climat à laquelle le système considéré est exposé, de la sensibilité de ce système et de sa capacité d’adaptation».26 2.4. Adaptation L’adaptation s'oppose au déterminisme du milieu. C’est un processus dynamique mixte, entre une démarche bottom-up de sociétés transformant leur habitat pour le pérenniser, et une démarche top-down proposant des solutions générales de préservation. L’adaptation est également une réponse à la vulnérabilité: « Initiatives et mesures prises pour réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux effets des changements climatiques réels ou prévus. On distingue plusieurs sortes d’adaptation:anticipative ou réactive, de caractère privé ou public, autonome ou planifiée. »27 « La capacité d’adaptation ou adaptabilité, représente ainsi la capacité d’un système, d’une région ou d’une communauté, d’un territoire, à adapter sa structure et son fonctionnement pour tenir compte des changements environnementaux avérés, potentiels ou supposés. »28 2.5. Point de bascule 26 GIEC: Bilan des changements climatiques,op.cit., p.89. 27 Ibid., p.76. 28 Reghezza M., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, Armand Colin, Paris, 2007, p.3. 24
  • 25. « Le point à partir duquel les dommages causés aux écosystèmes terrestres par le changement climatique devient irréversible. »29 Par extension, selon le psychologue Malcolm Dougwell, le point de bascule correspond à un phénomène d’épidémie sociale, selon les principes de « contagion, d’ampleur des répercussions et de soudaineté d’un changement.»30 Cette définition est ici proposée en vue d’étudier les effets du changement climatique sur les zones côtières et les réactions des populations concernées. William Laurance, écologue au Smithsonian Tropical Research Institute de Panama, parle de point de rupture écologique comme d’un effet de seuil brutal, lié à des dynamiques rétroactives.31 En ce sens là, l’atteinte d’un point de rupture est déterminante sur le long terme, à l’image de la fonte des inlandsis. 2.6. GIEC Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou IPCC (Intergouvernmental Panel on Climate Change) est constitué par des centaines de scientifiques du monde entier. Il fournit les rapports massifs qui constituent la base scientifique de référence concernant les prévisions sur le changement climatique et l’état des écosystèmes. 2.7. Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC, UNFCC en anglais( United Nations Framework on Climate Change) : « Convention adoptée le 9 mai 1992 à New York et signée par plus de 150 pays et par la communauté européenne lors du sommet Planète Terre, qui s’est tenu à Rio de Janeiro en 1992. Son objectif ultime est de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation 29 “The point at which the damage caused to the systems of the Earth by global warming becomes irreversible.” Cowling Dan, ”The tipping point”, Geography Review, Nov.2008, p. 6. 30 Gladwell Malcolm, Le point de bascule: comment faire une grande différence avec de très petites choses, Les éditions transcontinentales, Montréal, Canada, 2003, p.18. 31 Laurance W., Le point de rupture écologique, L’écologiste, no 27, automne 2008, p.17. 25
  • 26. anthropique dangereuse du système climatique ». Elle contient des engagements pour toutes les parties. Conformément à la Convention, les Parties figurant à l’annexe 1 (les pays faisant partie de l’OCDE en 1990 et les pays à économie en transition) doivent s’employer à ramener en 2000 les émissions de gaz à effet de serre non réglementées par le Protocole de Montréal à leur niveau de 1990. La Convention est entrée en vigueur en mars 1994. »32 Cette convention a une valeur symbolique importante bien qu’elle n’ait pas eu de valeur contraignante forte. Les plans d’adaptation nationaux d’action (NAPA en anglais) face au changement climatique sont réalisés d’après des engagements pris lors de cette convention, souvent en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et le Global Environment Facility (GEF). 2.8. Small Islands Developing States La SIDS est un réseau regroupant les petits États insulaires en voie de développement dans une optique de Développement Durable et ayant pour fonction principale de mettre en commun les savoirs, informations et statistiques. Cet organisme regroupe 51 pays représentant 5% de la population mondiale. Ses objectifs sont de faire face au changement climatique, aux problèmes de gestion de l’eau, des terres agricoles, du tourisme et des déchets notamment. Les pays regroupés dans ce réseau ont comme caractéristiques communes des ressources faibles, une croissance démographique forte, une grande vulnérabilité aux désastres naturels, une forte dépendance aux échanges internationaux et des contraintes à la réalisation d’économies d’échelle, de par leur nature insulaire. La mise en réseau des informations vise donc à réduire l’isolement géographique des États insulaires en voie de développement, à réduire leur vulnérabilité et à envisager des plans d’adaptation communs.33 2.9. Gestion intégrée des zones côtières (GIZC) 32 GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p. 78. 33 http://www.sidsnet.org/5.html 26
  • 27. La gestion intégrée des zones côtières est un principe de l’agenda 21 du sommet de la Terre de Rio. Il s’agit à la fois d’un concept et d’un outil, en tant que méthodologie d’aménagement du territoire concerté.34 Le concept, qu’il soit formalisé ou non, se révèle omniprésent dans la gestion des risques climatiques pour les zones côtières et petits États insulaires. Cela est notamment visible dans l’existence de l’organisme onusien SIDS. Plusieurs analystes-cartographes emploient cet outil. On parle en anglais d’ Integrated Coastal Zone Management (ICZM). « La gestion intégrée des zones côtières repose sur une vision de la gouvernance qui cherche à tirer parti des initiatives de la base (bottom-up) tout en laissant au sommet (top-down) des possibilités d’incitation, en particulier sur le plan des financements. »35 « La gestion intégrée ne néglige ni le réchauffement climatique, ni la montée du niveau de la mer et les risques associés. Elle va cependant plus loin, à la fois exigeante sur les principes et tolérante sur des pratiques qui sont largement le reflet de cultures locales que l’on doit respecter. »36 « L’intégration, principe de base, est tout à la fois sectorielle, spatiale, administrative, internationale et doit marquer la forte présence de la recherche scientifique. »37 2.10. Changement climatique « Variation de l’état du climat, que l’on peut déceler (par exemple au moyen de tests statistiques) par des modifications de la moyenne et/ou de ses propriétés et qui persiste pendant une longue période, généralement pendant des décennies ou plus. Les changements climatiques peuvent être dus à des processus internes naturels, à des forçages externes ou à des changements anthropiques persistants dans la composition de l’atmosphère ou dans l’utilisation 34 Cormier M.-Ch., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, op.cit. , p.173. 35 Miossec A., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, op.cit., p.173. 36 Idem 37 Ibidem 27
  • 28. des terres. On notera que la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, dans son article premier, définit les changements climatiques comme des « changements qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ». La CCNUCC fait ainsi une distinction entre les changements climatiques attribuables aux activités humaines altérant la composition de l’atmosphère et la variabilité du climat imputable à des causes naturelles. »38 2.11. Forçage externe « Se rapporte à un agent de forçage extérieur au système climatique qui provoque un changement dans ce dernier. Les éruptions volcaniques, les variations du rayonnement solaire, les changements anthropiques de la composition de l’atmosphère ainsi que les changements d’affectation des terres sont des forçages externes.»39 2.12. Inertie « Pour ce qui est de l’atténuation des effets du changement climatique, l’inertie est liée aux difficultés que soulève toute évolution du fait des conditions préexistantes dans la société (capital physique créé par l’homme, capital naturel et capital social non physique – institutions, réglementation, normes, etc.-, par exemple). Les structures existantes figent les sociétés, les rendant moins aptes au changement. Pour ce qui est du système climatique, l’inertie correspond au retard avec lequel se produit un changement climatique à la suite d’un forçage externe et à la poursuite du changement climatique même après stabilisation de ce forçage ».40 38 GIEC: Bilan des changements climatiques,op.cit. , p.77-78. 39 GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p.81. 40 GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p.82. 28
  • 29. 2.13. Variation/élévation du niveau de la mer A une échelle de temps géologique, on parle de régression pour une diminution du niveau et de transgression pour le mouvement inverse. Ses mécanismes peuvent être résumés ainsi: « Le niveau de la mer peut varier, à l’échelle mondiale et localement à la suite de modifications i) de la forme des bassins océaniques, ii) de la masse totale d’eau et iii) de la densité de l’eau. Au nombre des facteurs qui concourent à une élévation du niveau de la mer dans le contexte d’un réchauffement général figurent à la fois l’augmentation de la masse totale d’eau due à la fonte de la neige et de la glace présentes sur les terres émergées et les variations de la densité de l’eau dues à une hausse de la température des eaux océaniques et à des modifications de la salinité. L’élévation relative du niveau de la mer correspond à une augmentation locale du niveau de l’océan par rapport à la terre, qui peut être provoquée par la montée des eaux océaniques et/ou par subsidence des terres émergées ».41 2.14. Dilatation thermique « En relation avec l’élévation du niveau de la mer, augmentation de volume (et diminution de la densité) résultant du réchauffement de l’eau. Un réchauffement des océans entraîne une augmentation de leur volume, et par conséquent, une élévation du niveau de la mer. »42 2.15. Acidification de l’océan 41 GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. , p.88. 42 Ibid., p.79. 29
  • 30. « Diminution du pH de l’eau de mer due à l’absorption de dioxyde de carbone anthropique.»43 2.16. Intrusion d’eau salée « Phénomène par lequel de l’eau salée, plus dense, repousse des eaux douces de surfaces ou souterraines, généralement dans des zones côtières ou des estuaires, soit en raison d’une diminution de l’influence continentale (par exemple du fait d’une réduction du ruissellement et de l’alimentation connexe de la nappe souterraine ou encore d’un prélèvement excessif d’eau dans les aquifères), soit en raison d’une influence maritime accrue (par exemple du fait de l’élévation relative du niveau de la mer).44 2.17. Récifs coralliens Les récifs coralliens sont le fruit de l’association symbiotique entre les polypiers et les zooxanthelles. On distingue les récifs frangeants, édifiés en marge d’une côte, à fleur d’eau, des récifs barrières, qui séparent une côte de l’océan en formant un lagon. Définition du GIEC: « Structures calcaires ressemblant à des rochers édifiées par les coraux le long des côtes océaniques (récifs côtiers(ou frangeants)) ou sur les bancs ou les plates formes continentales immergés à faible profondeur (récifs barrières, atolls), surtout présentes dans les eaux océaniques tropicales et subtropicales ».45 43 Ibid., p.76. 44 Ibid. , p.76. 45 GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit. ,p.86. 30
  • 31. Figure suivante: la construction corallienne d’un récif frangeant 46 2.18. Atoll Un atoll est une île ou un ensemble d’îlots d’élévation basse de forme plus ou moins circulaire dont le centre est doté d’un lagon peu profond et dont les pourtours sont formés de structures calcaires d’origine corallienne, les squelettes des polypiers. Les atolls sont les vestiges d’anciens cônes volcaniques effondrés et lentement immergés dans l’océan par subsidence sur une plaque océanique. L’immersion très lente à une échelle géologique a permis aux coraux de croissance rapide de se maintenir à proximité de la surface des océans. Dans le cas contraire, 46 Demangeot Jean, Les milieux “naturels” du globe, Armand Colin, 7ème édtition, Paris, 1998, p.282. 31
  • 32. d’anciens atolls submergés sont situés à quelques dizaines de mètres sous la surface et peuvent réapparaître en fonction de mouvements tectoniques. Selon Nunn, les îlets, dits motu dans le Pacifique, doivent leur émergence à une baisse de niveau des mers de 1 à 2 mètres durant l’Holocène tardif.47 Des mouvements tectoniques des plaques lithosphériques ont parfois également soulevé ces structures, ce qui explique l’altitude élevée de certains atolls, comme Banaba (81m), à Kiribati. Figure suivante: formation d’un atoll 48 2.19. Mangrove « Au sens strict, les mangroves désignent les formations végétales de certaines plaines littorales en régions tropicales, dont les 47 Nunn Patrick D., Geomorphology, in The Pacific Islands: environment and society, ouvrage collectif sous la direction de Rapaport M., The best press,Hawaï,1999, p.49. 48 Veyret Y., et al., Géographie physique, Armand Colin, Paris, p.235. 32
  • 33. palétuviers (…) sont les espèces dominantes. Au sens large, elles désignent les vasières intertidales de la zone intertropicale, colonisées par les forêts de palétuviers et constituent une catégorie de schorre ». La conservation des mangroves apparaît essentielle pour le maintien de la biodiversité terrestre et marine mais aussi pour stabiliser le littoral et protéger les côtes contre les tempêtes et cyclones ».49 Figure suivante: différents écosystèmes côtiers: la mangrove 49 Cormier M.-Ch., in Veyret Y. et al., Dictionnaire de l’environnement, Armand Colin, Paris, 2007, p.223. 33
  • 34. 50 La mangrove est située dans la zone intertidale, entre les laisses de basse, haute, et très haute mer. La mangrove joue un rôle de fixation des sédiments de la côte. 2.20. El Niño-oscillation australe (ENSO) « El Niño, au sens original du terme, est un courant marin chaud qui se manifeste périodiquement le long de la côte de l'Équateur et du Pérou, perturbant la pêche locale. Il a depuis lors été associé à une vaste zone de réchauffement située dans la partie tropicale de l’Océan Pacifique, à l’est de la ligne de changement de date. Cet événement océanique est lié à une fluctuation du régime de pression en surface dans les zones tropicales et subtropicales, dénommée oscillation australe. Le phénomène résultant de la combinaison de ces deux événements, qui se produit à des échelles de temps de 2 à 7 ans environ, est généralement connu sous le nom d’El Niño- oscillation australe (ENSO). Il est souvent mesuré par la différence de pression entre Darwin et Tahiti et par les valeurs de la température de la mer en surface au centre et à l’est du Pacifique équatorial. Lors d’un épisode ENSO, les alizés dominants faiblissent, réduisant les remontées d’eau froide et modifiant les courants océaniques de telle sorte que la température de la mer en surface augmente, ce qui a pour effet d’affaiblir encore plus les alizés. Ce phénomène exerce une grande influence sur le vent, la température de la mer en surface et les précipitations dans la partie tropicale du Pacifique. Il a également des répercussions climatiques dans toute la région du Pacifique et dans d’autres régions du monde, par ses effets sur les téléconnexions mondiales. La phase froide du phénomène ENSO est appelée La Niña.»51 50 Demangeot Jean, Les milieux “naturels” du globe, op.cit. , p.278. 51 GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit., p.80. 34
  • 35. 2.21. Nappe glaciaire « Masse de glace terrestre suffisamment épaisse pour recouvrir la majeure partie des formations rocheuses sous-jacentes, de sorte que sa forme est déterminée principalement par sa dynamique interne (écoulement de la glace à mesure qu’elle se déforme intérieurement et/ou qu’elle glisse à sa base) . Une nappe glaciaire se déplace à partir d’un haut plateau central selon une très faible pente moyenne en surface. Ses bords sont fortement inclinés, et la glace s’écoule par le biais de courants de glace rapides ou de glaciers émissaires, parfois dans la mer ou dans des plates formes de glace flottant sur la mer. Il n’existe actuellement que trois grandes nappes glaciaires, une au Groenland et deux en Antarctique –les nappes glaciaires Antarctique est et ouest-, séparées par la chaîne transantarctique. »52 2.22. Calotte glaciaire « Masse de glace en forme de dôme recouvrant une zone située en altitude, d’une superficie très inférieure à celle d’une nappe glaciaire ».53 52 GIEC: Bilan des changements climatiques,op.cit., p.83. 53 Ibid., p.77. 35
  • 36. Chapitre 3: Historique de la question des réfugiés de l’environnement 3.1.Introduction Ce chapitre propose de faire un tour d’horizon des définitions, de la comptabilisation et de l’identification des réfugiés de l’environnement, d’après un choix d’articles conséquent mais non exhaustif. 3.2. Émergence du concept La question de la comptabilisation et de l’identification des réfugiés de l’environnement ou réfugiés climatiques a émergé en 1985 dans un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement par Essam El-Hinnawi.54 Voici la définition qu’il proposait alors : « Des personnes qui ont été obligés de quitter leur lieu de vie traditionnel, temporairement ou de façon permanente, à cause d’une rupture environnementale (naturelle ou anthropique) qui a porté préjudice à leur existence et/ou sérieusement affecté leur qualité de vie. Par rupture environnementale, on entend dans cette définition tous les changements physiques, chimiques et/ou biologiques dans l’écosystème (ou les ressources) qui le rend inhabitable.»55 54 Felli Romain, “Climate refugees” and liberal democratic states. A duty to welcome?”, IEPI, UNIL, Lausanne, 2007, p.3. 55 “Those people who have been forced to leave their traditional habitat, temporarily or permanently, because of a marked environmental disruption (natural and/or triggered by people) that jeopardized their existence and/or seriously affected the quality of their life [sic]. By ‘environmental disruption’ in this definition is meant any physical, chemical, and/or biological changes in the ecosystem (or resource base) that render it, temporarily or permanently unsuitable to support human life.” El-Hinnawi Essam, 1985, in Bates D.C., Environmental refugees? Classifying human migrations caused by environmental change, Population and Environment. vol.23, no.5, 2002, p. 465-477, in Renaud Fabrice, Bogardi Janos J., et al., Control, Adapt or Flee: How to Face Environmental Migration ?, United Nations University, Bonn, Germany, 2007, p.13. 36
  • 37. Bien que cette première définition ait eu une répercussion limitée dans un premier temps, le rapport du GIEC de 1990 spécifiait déjà qu’un des impacts principaux du changement climatique serait les migrations humaines, avec des millions de personnes déplacées par le recul du trait de côte ou les inondations côtières.56 Au milieu des années 90, on avançait le chiffre de 25 millions de personnes forcées de migrer pour des raisons de pollution, dégradation des sols, sécheresses et désastres naturels57 . Le WWF58 faisait écho de la problématique en 93, en mettant l’accent sur le déséquilibre entre les populations amenées à migrer et les pays développés responsables d’émissions de gaz à effet de serre à outrance : « Le style de vie gaspilleur des pays industrialisés, partiellement responsable de la destruction des bases écologiques des pays du Sud et entièrement responsables de nuisances planétaires comme l’effet de serre, impose que ces États soient les premiers à s’occuper de ces grands problèmes »59 . L’élévation du niveau de la mer et la « multiplication des cyclones », étaient déjà avancés comme des causes majeures de migration. Des questions centrales étaient posées en 93, nous verrons comment elles ont évolué par la suite. Notons qu’aujourd’hui, en plus « des bases écologiques des pays du Sud », la majorité des zones côtières de basses altitudes « au Nord » sont tout autant menacées à moyen terme.60 3.3. Première comptabilisation En 1995, Norman Myers, de l’université d’Oxford, avançait le chiffre possible de 200 millions de personnes concernées par les migrations environnementales pour 2050, dans une estimation volontairement extrapolée61 . Ce chiffre a ensuite été repris par la banque mondiale. Cette grande valeur dépend de plusieurs facteurs, dont 56 Brown Oli, Migration and climate change, in IOM Migration series research no 31, Genève, 2008, p.11. 57 Idem 58 WWF: World Wildlife Fund, puis plus récemment World Wildlife Fund For Nature. 59 Hagmann Luc et al., Une nouvelle forme d’exode: les réfugiés de l’environnement, Revue Panda, décembre 1993, WWF Suisse, Zürich, p. 26. 60 Voir carte p. compléter 61 Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.11. 37
  • 38. notamment celui que représente la grande variabilité et incertitude que constitue le changement climatique. En effet, les différents scénarios de rapport sur le climat sont basés sur la prospective, et que l’on se base sur les scénarios les plus optimistes ou les plus pessimistes, il est difficile d’en estimer les impacts sur des régions limitées. Ce chiffre a été retenu par les rapports du GIEC et Stern comme réaliste. De plus, cela signifie qu’une personne sur 45 serait réfugiée ou compterait parmi les déplacés internes en 2050.62 On considère que les déplacés internes non comptabilisés représentent une partie essentielle des migrations environnementales. Brown propose ici une donnée massive qui rend le débat d’autant plus controversé. Norman Myers considérait par ailleurs le chiffre de 25 millions des années 90 comme « prudent et conservateur »63 . Ces chiffres sont des estimations. Cependant, la comptabilité des migrations environnementales n’est à l’heure actuelle prise en compte par aucun organisme international. Le projet européen nommé « Environmental Change and Forced Migration Project » (EACH-FOR) tente d’établir une première comptabilité des migrations environnementales. Il a été initié en 2007. L’ensemble des réfugiés issus de conflits, catastrophes, persécutions et autres représente un chiffre de 67 millions à l’heure actuelle, selon Olivier Brachet.64 Il est évident qu’à moyen terme, ce nombre ne peut qu’augmenter massivement. Le journaliste Olivier Nouaillas rapporte une estimation de 50 millions de réfugiés environnementaux qui seraient à attendre d’ici 2010, soit demain, selon une étude de l’université onusienne de Bonn.65 En 1993 Norman Myers donnait la définition suivante des réfugiés de l’environnement: “ (…)des personnes qui ne peuvent plus assurer une existence sûre dans leur pays d’origine en raison de sécheresses, d’érosion des sols, de la désertification et pour d’autres problèmes environnementaux. Dans leur désespoir, ils estiment qu’ils n’ont d’autres alternatives que de chercher refuge ailleurs, aussi aléatoire que soit cette tentative. 62 Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.11. 63 Myers N., Environmental refugees:an emergent security issue, discours de conférence donnée le 22 mai 2005 au 13ème forum économique de Prague. 64 Brachet Olivier, Réfugiés: la conscience d’une histoire sans fin, in L’Atlas des migrations, Le Monde, La Vie, hors-série, novembre 2008, Paris, p.74. 65 Nouaillas Olivier, Les naufragés de l’environnement, in L’Atlas des migrations, op. cit., p.81. 38
  • 39. Tous n’ont pas quitté leur pays; nombre d’entre eux sont des déplacés internes. Mais tous ont abandonné leur pays d’origine sur une base semi-permanente si ce n’est pas permanente, ayant un faible espoir de retour.»66 La difficulté de l’identification et de la comptabilisation des réfugiés de l’environnement tient en partie au vide juridique - et non sémantique - que véhicule cette expression. Officiellement, il n’y a pas de « réfugiés climatiques ». Les seuls réfugiés reconnus sont ceux qui correspondent aux critères de définition de la convention de 1951 de l’ONU. Cette convention a suivi la création du Haut Commissariat des Réfugiés de L’ONU (UNHCR) de 1950 puis a été complétée par un protocole en 1967.67 On voit dans cette définition les critères sociaux, politiques, ethniques et religieux qui poussent à la migration. La détérioration de l’environnement n’est alors pas encore un critère. Le UNHCR poursuit les objectifs suivants: « A terme, les solutions que l'agence met en œuvre sont le retour dans le pays d'origine, l'intégration dans le pays d'accueil ou la réinstallation dans un pays tiers »68 . Le terme réfugié désigne une personne contrainte de quitter son territoire. Cela inclut l’idée de franchissement de frontière. Or, comme on l’a vu précédemment, les réfugiés sont souvent amenés à se déplacer à l’intérieur des frontières d’un même État. Ce fut notamment le cas lorsque l’ouragan Katrina frappa la Nouvelle Orléans en 2005. On considère que plus d’un million de personnes ont été déplacées, pour environ 200’000 définitivement.69 66 “People who can no longer gain a secure livelihood in their erstwhile homelands because of drought, soil erosion, desertification, and other environmental problems. In their desperation, they feel they have no alternative but to seek sanctuary elsewhere, however hazardous the attempt. Not all of them have fled their countries; many are internally displaced. But all have abandoned their homelands on a semi-permanent if not permanent basis, having little hope of a foreseeable return”. Myers Norman, Environmental refugees in a globally warmed world, in Bioscience. Vol. 43, 1993, p. 752-761, in Renaud Fabrice, Bogardi Janos J., et al., Control, Adapt or Flee: How to Face Environmental Migration ?, United Nations University, Bonn, Germany, 2007, p.13. 67 Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.13. 68 http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/basics, consulté le 6.5.09. 69 Hsu, S.S., 2006, “2 million displaced by storms”, Washington Post, 16 January 2006, http:// www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2006/01/12/AR2006011201912.html, accessed 3 April 2007, cité par Brown Oli, Migration and climate change, op.cit., p.12. 39
  • 40. Un autre problème de la définition de réfugié consiste dans le fait qu’on entend souvent par ce terme un déplacement temporaire et un possible retour au lieu de départ. Or, pour le sujet présent, et dans le cas de disparition des États insulaires due à l’élévation du niveau de la mer, cette éventualité est annulée.70 Fait notable, à l’heure actuelle, il faut compter selon le UNHCR 17 ans en moyenne pour qu’un réfugié obtienne un statut régularisé et durable…71 Cela donne une idée de la catastrophe potentielle à attendre dans le cas d’un événement extrême qui rayerait de la carte un territoire peu élevé comptant plusieurs dizaines de milliers de personnes. En l’absence de législation efficace, des populations entières seront à replacer dans l’urgence dans des pays d’accueil. 3.4. Caractérisation des réfugiés Il est d’usage de dissocier les causes de migration en facteurs « pull » et « push », comme on l’a vu précédemment. On considère le facteur « pull » comme l’attraction, souvent économique, qui va encourager le migrant à se déplacer. Le facteur « push », d’ordre environnemental ou autre, est l’impulsion à migrer. Oli Brown rappelle que l’un ne va pas sans l’autre. 72 Cette détermination est aléatoire, et sujette à caution. On identifie le lien causal du déplacement par des chaînes de migration à l'heure actuelle, qui englobent les facteurs sociaux, économiques et autres. Lonergan identifiait en 1998 cinq groupes de facteurs push 73 : 1. les désastres naturels 2. les projets de développement qui induisent un changement dans l’environnement 3. l’évolution progressive de l’environnement 4. les accidents industriels 5. les impacts sur l’environnement dus aux conflits. 70 Brown Oli, Migration and climate change, op. cit. , p.14. 71 Brachet Olivier, Réfugiés: la conscience d’une histoire sans fin, in L’Atlas des migrations, op. cit. , p.74. 72 Ibid. , p.12. 73 Cité par Piguet Etienne, Climate change and forced migration, New issues in refugee research, research paper No. 153, UNHCR, Genève, 2008, p.4. 40
  • 41. Le troisième facteur s’impose naturellement comme prioritaire aujourd’hui, avec les rapports les plus alarmistes et convaincants. Cela n’a pas toujours été le cas. En anglais, l’expression climate refugee englobe également des processus météorologiques et géologiques qui ne sont pas forcément dus au changement climatique. Ce n’est pas le cas de son pendant français, l’expression réfugiés climatiques. Dans un article critique de 2001 pour le UNHCR, Richard Black se base sur la controverse liée à la désertification dans le Sahel (que je ne discuterai pas ici), qu’il considère comme un mythe, pour invalider la notion de climate refugee. Cette crise aurait été due à une mauvaise exploitation du sol. Black lie ensuite maladroitement la controverse sur la désertification et un soi-disant mythe de la migration provoquée par ce phénomène: «Si l’on considère l’argument stipulant que la désertification est en grande partie un mythe, alors ce n’est peut-être pas exagéré de suggérer que la migration due à la désertification est aussi un mythe. »74 Dans le même ordre d’idées, Black ne voyait pas (ou ne voulait pas voir), l’ampleur et l’imminence du phénomène à venir: « Cette notion de « réfugiés de l’environnement » ne correspond pas aux discussions sur les récentes destructions de l’équilibre écologique par la société moderne; la migration est plutôt vue comme une stratégie habituelle pour s’en sortir. Dans ce sens, le déplacement de personnes est une réponse à des variations spatio- temporelles du climat et d’autres conditions, plutôt qu’un phénomène nouveau résultant d’une limite physique ayant été atteinte ».75 74 « If one accepts the argument that desertification itself is largely a myth, then it is not, perhaps, too great a step to suggest that desertification-induced migration is a myth too », Black Richard, Environmental refugees : myth or reality ?, in New issues in refugee research, working paper No 34, UNHCR, Genève, 2001, p.4. 75 « This notion of « environmental refugees », hardly tallies with arguments about recent destruction of the ecological balance by modern society; rather, migration is again perhaps better seen as a customary coping strategy. In this sense, movement of people is a response to spatio-temporal variations in climatic and other conditions, rather than a new phenomenon resulting from a physical limit having been reached”, Black Richard, Environmental refugees: myth or reality?, in New issues in refugee research, working paper No 34, UNHCR, 41
  • 42. Or, c’est précisément les limites physiques de l’écoumène que nous sommes en train d’atteindre et de transgresser aujourd’hui. Plus encore, Black reprend les arguments de Kibreab stipulant que les académiciens, en diffusant et en développant l’expression de réfugiés de l’environnement, jouent le jeu des pays occidentaux. Ces derniers qui profitent du vide juridique en la matière, excluent un certain nombre de réfugiés poussés par les seules causes environnementales76 , selon Kibreab. Cherchez l’erreur. La question de la causalité est centrale. Ce genre d’assertions semble improbable à l’heure actuelle. En revanche, Black reconnaît à la suite de Myers les effets du changement climatique et les conséquences sur les zones côtières de basses altitudes dues à l’élévation du niveau des mers et des inondations renforcées, pour lesquelles il ne voit qu’une faible possibilité d’adaptation et donc un plus grand lien causal.77 En 2002, Stephen Castles publie dans la même série de publications du UNHCR un article ayant pour but de clarifier et de modérer les positions extrêmes et antagonistes de Myers et de Black.78 Il reproche à la fois son catastrophisme à Myers et son scepticisme à Black. Cependant, il rappelle avec justesse que les facteurs environnementaux ne mènent pas directement aux déplacements de population et qu’il est essentiel de se pencher sur les stratégies adoptées par les communautés et les gouvernements dans des cas spécifiques.79 L’approche de Myers est comme on l’a vu plus haut extrapolée et correspond à une analyse entre certains risques du changement climatique et l’entier de la population qui pourrait être concernée comme étant des réfugiés potentiels. Cependant, le poids de ces estimations est majeur au niveau symbolique, considérant la faiblesse de la comptabilité officielle actuelle. En 2005, Myers rappelait ce problème dans une conférence: « Au dessus de tous ces sous-problèmes se trouve le manque de reconnaissance officielle, que ce soit de la part des gouvernements ou Genève, 2001, p.6. 76 Kibreab Gaim, “Environmental causes and impact of refugee movements: a critique of the current debate”, Disasters 21(1), 1997, p.20-38, cité par Black Richard, Environmental refugees: myth or reality?, in New issues in refugee research, working paper No 34, UNHCR, Genève, 2001, p.10-11. 77 Black Richard, Environmental refugees: myth or reality?, op. cit., p.7. 78 Castles Stephen, Environmental change and forced migration: making sense of the debate, in New issues in refugee research, working paper No.70, UNHCR, Genève, 2002. 79 Ibidem, p. 2-3. 42
  • 43. des agences internationales, qu’il y ait un problème de réfugiés de l’environnement .»80 Aujourd’hui, la reconnaissance de ce problème est plus grande dans le débat politique et public. En 2008, Romain Felli, géographe et politologue de l’Université de Lausanne, propose un état de la question des réfugiés climatiques à la lumière des théories politiques de justice globale. En matière d’adaptation, il rappelle que les victimes du changement climatique auront deux options, celle d’aménager le territoire pour faire face aux forçages d’une part, ou se reloger dans un nouveau territoire d’autre part. Cette dernière option est envisagée selon deux points de vue dits « cosmopolite » et « partial » selon les théories de Charles Beitz. Le point de vue cosmopolite présente une « égale dignité des êtres humains indépendamment de leur origine ou nationalité » ainsi qu’une « non-pertinence morale des frontières nationales » et partant, propose une mobilité facilitée pour les migrants. Le point de vue « partial » accorde la primauté aux citoyens d’un même pays face aux ressortissants étrangers. A l’heure actuelle, le point de vue cosmopolite tient de l’utopie tandis que la position partiale domine, les accords de migrations n’étant consentis que de la part d’États souverains. Felli rappelle aussi à juste titre que la disparition des territoires d’États souverains entraînera de facto la nécessité d’accorder dans un deuxième temps la citoyenneté aux réfugiés privés d’une possibilité de retour. Or cette possibilité de retour est une clause constitutive du statut de réfugié à l’heure actuelle.81 Si le sujet des réfugiés climatiques est d’une actualité brûlante, les exemples de migrations environnementales humaines dans l’histoire ne manquent pas. La section suivante en propose quelques exemples. 80 “On top of all these sub-problems is the lack of official recognition, whether on the part of the governments or international agencies, that there is an environmental refugee problem at all.” Myers N., Environmental refugees:an emergent security issue, conférence donnée le 22 mai 2005 au 13ème forum économique de Prague, p.2. 81 Felli R., Justice globale pour les réfugiés climatiques?, revue en ligne Asylon(s), no 6, novembre 08. 43
  • 44. 3.5. Les migrations environnementales humaines dans l’histoire Les migrations humaines sont hautement corrélées à la qualité de l’environnement et à la disponibilité d’une production alimentaire suffisante. C’est une des thèses exposée par Jared Diamond dans son livre « Guns,germs and steel »82 . Un exemple largement répandu est celui des populations qui ont migré d’Asie vers la Sibérie, puis de la Sibérie vers l’Alaska, puis vers le Canada continental par le pont terrestre de l’actuel Détroit de Béring, dès la période glaciaire de 12'000 av. J.- C.. Plus tardivement et en se répandant au Sud à raison d’une dizaine de kilomètres environ par an, ils formèrent des sociétés agricoles avec une production alimentaire satisfaisante, colonisant ainsi toute l’Amérique.83 Entre 1200 av. J.-C. et 1000 de notre ère, des populations dites « austro- indonésiennes » ou « austronésiennes » ont réussi à coloniser quasiment toutes les îles et atolls du Pacifique. Probablement partis de l’archipel Bismarck au Nord de la Nouvelle-Guinée, ces populations oscillant entre chasseurs-cueilleurs et agriculteurs se sont répandues grâce à leur système de navigation sophistiqué pour l’époque (les pirogues à balanciers et les praos), n’emportant avec eux que quelques animaux domestiques (le cochon, le chien et le poulet). Il est surprenant de voir que toute la Polynésie trouve sa source, selon Diamond, dans une population de petite taille et homogène, s’étant largement diversifiée par la suite. Les milieux naturels des îles du Pacifique sont en revanche loin d’être homogènes, entre climat équatorial, subtropical, tropical humide, îles volcaniques hautes, atolls de basses altitudes, disponibilité de ressources halieutiques, disponibilité importante ou non d’eau douce, etc…84 Les îles du Pacifique représentent un exemple précurseur d’adaptation lors de migrations environnementales, mais aussi de fragilité aujourd’hui. Si l’on considère que l’attractivité de ces îles à l’époque citée précédemment et jusqu’à aujourd’hui consistait en un facteur «pull», la vulnérabilité qui caractérise les zones côtières de basse altitude à l’heure actuelle comme on le développera plus loin, en fait un facteur «push». 82 « De l’inégalité parmi les sociétés » en français 83 Diamond Jared, De l’inégalité parmi les sociétés, Gallimard, Paris, 2000, p.49 et 95. 84 Ibid., p.73-94. 44
  • 45. Plus proche de nous, on retrouve souvent dans la littérature l’exemple des migrations des années 30 dans le Midwest américain. Après de nombreuses années de faibles précipitations et de températures au-dessus de la moyenne, la qualité de l’environnement dans les grandes plaines s’était largement détériorée.85 Ces conditions météorologiques et une agriculture intensive ont provoqué les phénomènes dit de Dust Bowl, des tempêtes de poussière accentuant davantage les sécheresses de ce type de culture dégradant les sols.86 On estime que ce n’est pas moins de 300'000 personnes qui migrèrent ainsi vers l’Ouest et, pour ceux ayant un noyau familial, communautaire et quelques moyens, vers la Californie.87 On voit là que c’est la conjonction de facteurs naturels et anthropiques qui a abouti à une migration. Autre exemple, plus récent. Il s’agit de l’atoll Bikini. Cet atoll fait partie des îles Marshall, en Micronésie, dans le Pacifique ouest. En 1946, alors aux mains des USA depuis la fin de la guerre, l’atoll est évacué pour laisser place à des essais nucléaires. La population est évacuée à l’est sur un atoll hostile et très petit. En résumé, on peut dire que durant 30 ans, les exilés ont vivoté entre aide et quasi famine, jusqu’à ce qu’ils soient autorisés à retourner sur leurs terres en 1972. Rapidement, de nombreux cas de cancers se sont déclarés et l’atoll a été à nouveau évacué.88 Depuis 1986, les îles Marshall sont un État en association libre avec les USA. Il s’agit bien ici de réfugiés de l’environnement , même si l’atoll Bikini a été détérioré par les essais nucléaires. En 2005, Norman Myers rappelait que dans les dernières décennies, des «dizaines de milliers» de personnes ont été déplacées autour de la Mer d’Aral et en Asie Centrale à cause de la désertification et de la dégradation générale du sol.89 La culture massive du coton dans la région en est la cause. Celle-ci a nécessité le détournement des eaux du bassin versant de cette mer jusqu’à l’assécher. Le déplacement par les vents du sel résiduel de la mer asséchée vers les terres a encore accentué la désertification. 85 Brown Oli, Migration and climate change, op. cit., p.23. 86 Bourg Dominique, Rayssac G.-L., Le développement durable : maintenant ou jamais, Gallimard, coll. Découvertes, Paris, 2006, p.104. 87 Brown Oli, Migration and climate change, op. cit., p.23. 88 Niedenthal Jack, A Short History of the People of Bikini Atoll, sur le site: http://www.bikiniatoll.com/history.html , consulté le 19.12.2007. 89 Myers N., Environmental refugees:an emergent security issue, conférence donnée le 22 mai 2005 au 13ème forum économique de Prague, p.3. 45
  • 46. Ces précédents exemples suggèrent que si juridiquement, l’expression «réfugiés de l’environnement» est inexistante, historiquement elle est tout à fait justifiée. Enfin, selon Oli Brown, la fréquence de cas de migrations environnementales va non seulement aller croissante mais nécessitera de plus une gestion intégrée au cas par cas. Pour expliquer cela, il emploie l’expression «tipping point», soit un point de bascule à partir duquel des événements anodins vont devenir récurrents et se poursuivre en rétroactions positives. On parle aussi de point de non- retour, de point de rupture écologique et d’effet de seuil. L’idée générale de ces expressions voisines peut-être résumée ainsi dans le cadre de ce travail: partant de simples alertes occasionnelles, les cas de détérioration de l’environnement le rendant inhabitable vont se propager de telle sorte qu’on assiste à une contagion sémantique, et surtout, contraignant à des réactions, de l’ordre de l’adaptation, de l’instauration de nouvelles législations facilitant la migration ou d’accords de reconnaissance de responsabilité. 46
  • 47. Chapitre 4: Vulnérabilité des zones côtières et îles basses face au changement climatique 4.1. Introduction Ce chapitre propose de faire l’inventaire des tendances de changements climatiques et environnementaux qui concernent les zones côtières et îles basses afin de réaliser une évaluation des risques. Certaines données s’appliquent à l’ensemble des zones côtières, deltas et petites îles, d’autres seulement à une partie de ceux-ci. Malgré ces recoupements, il convient de dissocier les différents milieux ou grands systèmes. C’est ainsi qu’est structuré ce chapitre. Pour rappel, on peut également envisager la vulnérabilité de ces territoires selon leur disponibilité à être exploités en tant que ressources ou à être habités. De manière générale, les écosystèmes présentent des services écologiques tels qu’ils ont été définis par le Millenium Goal Development Assessment: 1. service de fourniture 2. service de régulation 3. service culturel L’estimation de la vulnérabilité de ces milieux est dépendante à la fois des pressions internes et des forçages externes. 4.2. Elévation du niveau des mers Les variations du niveau moyen des mers à des échelles décennales ou plus sont dépendantes de deux variables principales corrélées au changement climatique: 1. la dilatation thermique 2. l’échange d’eau entre les océans et les différents autres réservoirs, tels que les inlandsis, les glaciers, calottes glaciaires et nappes 47
  • 48. glaciaires, et les autres réservoirs terrestres tels que ceux construits par l’homme (barrages, citernes) et enfin l’atmosphère.90 Pour mesurer le niveau de la mer, on emploie traditionnellement des instruments tels que les jauges de marées ou marégraphes et depuis le début des années 90, l’altimétrie satellitaire, notamment le programme d’observation Topex- Poseidon. Depuis 93, le niveau de la mer a augmenté à un rythme accéléré de 3mm/an.91 Il faut tenir compte de la variabilité de cette élévation, certaines régions présentant une élévation 5 fois supérieure à la moyenne mondiale.92 Il faut également inclure la variabilité interannuelle due au phénomène El Niño (ENSO), auquel le Pacifique est le plus sensible.93 Ce point alimente les arguments pour une vulnérabilité accrue des petites îles du Pacifique. Mais certains prétendent selon les années que le niveau n’augmente pas: en effet, il est arrivé certaines années à Tuvalu que pendant un épisode ENSO l’élévation du niveau de la mer soit faible en raison du déplacement massif d’eau (chaude) vers l'est du Pacifique. 90 “On decadal and longer time scales, global mean sea level change results from two major processes, mostly related to recent climate change, that alter the volume of water in the global ocean:I) thermal expansion, and ii) the exchange of water between oceans and other reservoirs( glaciers and ice caps, ice sheets, other land reservoirs –including through anthropogenic change in land hydrology, and the atmosphere.”, Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level. In: Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Solomon, S.,D. Qin, et al.], Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, 2007,p.408. 91 “This decade-long satellite altimetry data set shows that since 1993, sea level has been rising at a rate of around 3mm/yr”. Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level, op.cit.,p.409. 92 “(…) the global coverage of satellite altimetry provides a unambiguous evidence of non uniform sea level change in open oceans, with some regions exhibiting rates of sea-level change about five time the global mean.”, Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Leve, op.cit., p.411. 93 “The Pacific Ocean region is the centre of the strongest interannual variability of the climate system, the coupled Ocean-atmosphere ENSO mode.”, Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level, op.cit.,p.413. 48
  • 49. Figure suivante: Variation du niveau moyen des mers dans le passé et estimations futures (n’incluant pas la fonte dynamique des inlandsis)94 La zone grise figure les incertitudes liées au passé. Une tendance claire à l’augmentation se dessine dès le début du XXème siècle et le bruit tend à se réduire ces dernières décennies. Le trait vert indique les observations réalisées par altimétrie satellitaire. La zone bleue correspond aux incertitudes liées aux différents scénarios de réduction de gaz à effet de serre. On notera que le phénomène dynamique d’élévation est engagé, cela pour des siècles au moins, même avec le scénario le plus optimiste. Il apparaît également une accélération du phénomène qui n’est pas sans rappeler la «crosse de hockey» de Keeling illustrant l’augmentation radicale de CO2 dans l’atmosphère dès les années 50. 94 Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level, op.cit.,p.409. 49
  • 50. Figure suivante: Moyennes annuelles du niveau des mers (en mm)95 Ce graphe fait apparaître les mesures systématiques en bleu à partir des années 50. Les mesures satellites apparaissent en noir. On constate une augmentation marquée à compter des années 90. Selon Robert Nicholls, ingénieur environnementaliste spécialisé sur les zones côtières, une élévation globale de 38 cm en l’absence de tout autre changement, augmenterait d’un facteur cinq le nombre de personnes inondées par les tempêtes.96 95 Bindoff, N.L., J. Willebrand, et al., Observations: Oceanic Climate Change and Sea Level, op.cit.,p.410. 96 “It has been estimated that, in the absence of any other changes, a sea level rise of 38cm would increase five- fold the number of people flooded by storm surges”, Robert J.Nicholls, cite par McGranahan G., Balk D., Anderson B., The rising tide:assessing the risks of climate change and human settlements in low elevation coastal zones, Environment and Urbanization vol. 19, p.20. 50
  • 51. Tableau suivant: Projection des valeurs moyennes du réchauffement en surface et de l’élévation du niveau de la mer à la fin du 21ème siècle à l’échelle du globe. 97 Cas Variations de température En degrés C, période 2090- 99 par rapport à 1980-1999 Elévation du niveau de la mer en mètres pour 2090-99 par rapport à 1980-99 Valeur la plus probable Intervalle probable Intervalle basé sur les modèles sauf évolution dynamique rapide de l’écoulement glaciaire Scénario B1 1,8 1,1-2,9 0,18 – 0,38 Scénario A1T 2,4 1,4-3,8 0,20 – 0,45 Scénario B2 2,4 1,4-3,8 0,20 – 0,43 Scénario A1B 2,8 1,7-4,4 0,21 – 0,48 Scénario A2 3,4 2,0-5,4 0,23 – 0,51 Scénario A1F1 4,0 2,4-6,4 0,26 – 0,59 Le niveau moyen du niveau des mers s’est élevé de 1,8mm/an entre 1961 et 2003 et de 3,1 mm/an en moyenne de 1993 à 2003.98 57% de cette élévation est due à la dilatation thermique, 28% à la fonte des glaciers et des calottes glaciaires et le reste à la rétraction des nappes glaciaires.99 Il ne fait donc aucun doute que «l’élévation du niveau de la mer concorde avec le réchauffement».100 Ce point est explicite. En revanche, il est plus délicat de chiffrer l’augmentation clairement: «Faute de données pertinentes publiées, les projections de l’élévation du niveau de la mer ne tiennent compte ni des incertitudes liées aux rétroactions entre le climat et le cycle du carbone, ni de l’intégralité des effets de l’évolution de l’écoulement dans les nappes glaciaires. 97 GIEC: Bilan des changements climatiques, Rapport de synthèse, Contribution des groupes de travail 1,2,et 3 au quatrième rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Equipe de redaction principale, Pachauri R.K. et Reisinger, A. (sous la direction de), GIEC, Genève, Suisse, 2007, p.8. 98 GIEC: Bilan des changements climatiques, op.cit., p.30. 99 Ibid., p.30. 100 Idem 51