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Sous la direction d’Imane Karich
La Finance Islamique
Quelles Perspectives pour la Belgique ?
2
3
Sommaire
Avant-propos......................................................................................................................4
Executive Summary..........................................................................................................6
Introduction........................................................................................................................8
L’ABPM en quelques mots........................................................................................... 10
Le Modèle Financier Islamique................................................................................. 12
Les Modèles de Financement Immobilier Islamique .........................................14
La Finance Islamique en Europe............................................................................... 21
La Finance Islamique en Europe............................................................................... 21
La Belgique....................................................................................................................... 26
Recommandations......................................................................................................... 35
Conclusion........................................................................................................................ 36
Glossaire............................................................................................................................ 37
Acronymes........................................................................................................................ 39
Annexes ............................................................................................................................. 40
Annexe 1 – l’ABPM et la Finance Islamique dans la Presse...............................40
Annexe 2 – Questionnaire Enquête du CEREI – 2003........................................46
Annexe 3 – Conférence et Formation Impact Cooremans – Al Maalya.............47
Annexe 4 – Conférence et Formation ICHEC-Entreprises – ABPM ..................48
Annexe 5 – Questionnaire Enquête ABPM..........................................................49
Annexe 6 – Analyse SWOT....................................................................................50
Tableau 1 - Pôle Finance Islamique de l'ABPM.......................................................11
Tableau 2 - le Contrat de Murabaha ........................................................................15
Tableau 3 - le Contrat d’Ijara....................................................................................17
Tableau 4 - Tableau Comparatif – Crédit Hypothécaire – Conventionnel vs
Islamique ...................................................................................................................18
Tableau 5 - Part de Marché de la F.I.........................................................................20
Tableau 6 - Pop. Musulmane en Belg. Source : Boussetta & Bernes : 2007 .........27
Tableau 7 - Taux de Propriété des Ménages par Nationalité - Source : Boussetta
& Bernes : 2007.........................................................................................................28
4
Avant-propos
La Finance Islamique est devenue aujourd’hui un thème récurrent, voire
incontournable, dans un contexte de crise financière globale de laquelle nos économies
peinent à sortir. Les efforts en vue d’assainir le système et d’y apporter un nouveau
regain de dynamisme ont eu notamment pour effet de pousser les autorités politiques
et financières de nombreux pays à explorer en dehors des cadres conventionnels tantôt
un regard neuf et éthique, tantôt de nouvelles opportunités pour les banques et les
opérateurs financiers.
Partie du Moyen-Orient, adoptée par les pays anglo-saxons, vouée à la globalisation, la
Finance Islamique et ses attraits ne pouvaient laisser la Belgique en marge de ce
mouvement.
Différentes expériences de sensibilisation ont été menées par le passé, notamment par
le CEREI1 dont le travail pionnier de collecte de données statistiques atteste largement
de l’existence d’une demande de produits financiers alternatifs conformes à l’éthique
musulmane. C’est dans ce contexte que l’ABPM souhaite renforcer le message à
l’attention des dirigeants de notre pays.
Ainsi, une première discussion s’est tenue le 7 mai 2009 lors de la table-ronde politique
organisée par l’ABPM dans le cadre des élections régionales de Juin 2009. Interrogés
sur le sujet, les présidents et vice-présidents des partis démocratiques francophones se
sont montrés favorables à la création d’un groupe de travail chargé d’étudier les
impacts et les opportunités que représente l’introduction de la finance islamique en
Belgique.
Dans un deuxième temps, une délégation de l’ABPM a été reçue par le Vice-premier
Ministre et Ministre des Finances, Monsieur Didier Reynders, rencontre à l’issue de
laquelle le principe de la création d’un groupe de travail a été confirmé au travers d’un
communiqué de presse2.
Le 21 novembre 2009, une nouvelle délégation est reçue par le Président de la
Commission des Finances et du Budget de la Chambre des Représentants, Monsieur
François-Xavier de Donnéa.
1 CEREI : Cercle d’Etude et de Recherche en Economie Islamique
2 Voir Annexe 2
5
En avril et en août 2010, l’ABPM est reçue par la CBFA afin d’aborder la possibilité de
créer un groupe de travail sur le sujet regroupant les principaux acteurs du secteur
bancaire belge.
La sensibilisation à l’égard de la finance islamique s’étend également au domaine
académique. L’intérêt croissant pour cette matière mène à la création de formations
postuniversitaires.
Ainsi, Impact-Cooremans et le bureau de consulting Al Maalya ont lancé le 25 octobre
2011 la formation «Les Principes et pratiques de la Finance Islamique». Celle-ci fut
précédée par la conférence inaugurale rehaussée par l’allocution Ministre des
Finances, Monsieur Didier Reynders3. Au cours de celle-ci, le Ministre a réitéré son
soutien à la création du groupe de travail sur le dossier de la finance islamique.
L’ABPM et ICHEC Entreprise ont, de même, lancé une formation le 27 octobre 2011,
précédée elle aussi par une conférence inaugurale en présence du Professeur Bruno
Colmant, ancien Directeur de cabinet du Ministre des Finances et ancien Président de la
Bourse de Bruxelles.
3
Voir Annexe 3
6
Executive Summary
Après avoir été un secteur marginal reclus dans les pays à majorité musulmane, la
Finance Islamique est aujourd’hui dans une phase de globalisation. En Europe, la
Grande-Bretagne, la France et le Luxembourg y voient une opportunité unique d’attirer
les masses de liquidités gigantesques présentes dans les pays du Golfe mais il s’agit
également de répondre aux besoins de financement des populations musulmanes de
plus en plus importantes, présentes au sein des tissus socio-économiques tant
nationaux que régionaux.
Aujourd’hui, la taille du marché de la Finance Islamique est estimée à plus de 700
milliards de dollars et sa croissance est comprise entre 10% et 15% par an.
L’implication de la Belgique dans ce processus de globalisation de la Finance Islamique
est, à bien des égards, fondamentale :
• Ses nombreuses opportunités d’investissement, ses secteurs de pointe, ses
infrastructures et son secteur immobilier sous-évalué;
• Sa communauté musulmane représente 5 à 6% de sa population caractérisée
par un taux de propriété immobilière inférieure à la moyenne nationale (45%
contre 80%) et par un dynamisme entrepreneurial supérieur à la moyenne
mais cependant largement sous-financé ;
• Sa situation au cœur de l’Europe, sa place boursière en constant
développement, la présence des institutions européennes à Bruxelles, ses liens,
enfin, avec les pays à population majoritairement musulmane.
La mise en place d’un cadre favorable au développement de la Finance Islamique sur
son territoire devient donc l’étape évidente pour également accueillir une partie non
négligeable de ces investissements étrangers (plusieurs dizaines de milliards d’euros le
volume accessible en Belgique, dans les dix ans à venir).
Emergée au début des années 70, basée sur les principes du partage des profits et des
pertes (PPP) et de l’adossement d’actifs, la Finance Islamique induit une relation
investisseur-entrepreneur plutôt que prêteur-emprunteur. Ceci ne peut manquer de
modifier la manière dont la banque doit s’organiser.
Les principales contraintes liées à ce développement sont limitées et citées ci-dessous :
7
• Des contraintes légales et fiscales : qualification des contrats islamiques dans la
loi belge, double droit d’enregistrement, fiscalité des marges de profit, facilité
de prépaiement, … sont autant de points qui nécessitent une discussion avec les
principaux acteurs publics et privés du secteur financier belge, à l’instar des
groupes de travail organisés en Grande Bretagne et en France ;
• Une contrainte de branding : appelés « islamiques », ces produits pourraient
provoquer une barrière mentale et une fausse impression de
communautarisme. Bien que ces éléments n’aient posé aucun problème dans
les pays voisins tels que le Luxembourg et la France, ils pourraient être
contournés facilement, l’appellation « islamique » n’étant pas
fondamentale pour le développement des produits.
Dépassées ces contraintes, la Finance Islamique doit permettre de satisfaire les
nombreux besoins:
• de l’Etat et des entités fédérées : notamment par l’émission de Sukuks
(obligations auxquelles un actif est adossé) pour le financement de projets
d’infrastructure, mais également dans leurs stratégies commerciales à l’égard
des pays musulmans ;
• du monde de l’entreprise : en diversifiant ses sources de financement,
notamment par les transactions de type private equity, et en redynamisant
l’activité au sein des tissus économiques et industriels ;
• du monde financier et bancaire : en facilitant leurs efforts en terme de
recapitalisation et en développant de nouvelles expertises locales;
• des citoyens : en particulier ceux de confession musulmane, en attente de
solutions alternatives de placements immobiliers et d’investissement.
La Finance Islamique est une source de défis, d’opportunités et d’innovation. Encadrée
par une gestion prudentielle et efficace, elle peut offrir un cadre propice pour le
développement et la croissance économique.
8
Introduction
L’objectif de ce dossier est de présenter les opportunités et les défis liés au
développement de la Finance Islamique en Belgique.
Il s’ouvre, en première partie, sur une présentation de l’Association Belge des
Professionnels Musulmans (ABPM) dont l’un des objectifs est de promouvoir auprès
des autorités politiques et financières les nombreuses opportunités offertes par la
finance islamique au profit de notre économie. L’ABPM a développé une expertise
confirmée aussi bien dans les métiers de la finance conventionnelle que dans ceux
développés au travers de la finance islamique. Les différentes facettes de cette
expertise y sont également détaillées.
La partie suivante explique les principes de base de la finance islamique ainsi que les
produits et services financiers qui en découlent. Cette partie se focalise essentiellement
sur l’idée-force suivante :
Si la Finance Islamique possède ses propres codes, elle évoque tout simplement une autre
manière de voir la finance, d’entrevoir le financement qu’il soit de nature participative ou
basé sur la dette4.
Afin d’appréhender la taille du phénomène au niveau global, la troisième partie
présente l’évolution et la situation actuelle de la finance islamique au sein des
principaux pays européens. Ceci permet en outre de témoigner de l’intérêt croissant
dont fait l’objet la finance islamique car l’un des enjeux principaux réside dans la
capacité à capter une partie plus ou moins importante des gigantesques ressources
financières dont disposent les Etats et les opérateurs du Moyen-Orient.
Contrairement à l’idée généralement reçue, la finance islamique n’est pas une finance
communautaire entièrement réservée aux consommateurs et investisseurs de
confession musulmane. Les produits et les services offerts par la finance islamique sont
destinés à tous sans exception tout en tenant compte de certaines spécificités liées à
l’éthique musulmane. Cependant, il nous apparait utile de présenter quelques données
qualitatives et quantitatives sur la présence de l’Islam et des musulmans en Belgique
afin de mieux saisir l’importance du phénomène et de sa portée. C’est l’objectif de la
quatrième partie du dossier.
4 BOUSLAMA G., La finance islamique : une récente histoire avec la France, une longue histoire avec ses
banques, Workshop: “International Islamic Finance in Europe: from niche to mainstream”, European
Research Group “Money, Banking & Finance”, Financial and Monetary European Integration Group, Lille,
20 février 2009
9
En tant que finance alternative, la finance islamique s’inscrit dans un marché en plein
essor, dont la taille globale est estimée à plus de 700 milliards de dollars et dont la
croissance est comprise entre 10% et 15% par an. La dernière partie de ce dossier
démontrera les nombreuses opportunités pour la création et le développement des
entreprises, le financement des besoins des particuliers et des investisseurs (privés,
publics et institutionnels) ainsi que l’assainissement du secteur financier et
l’amélioration de l’offre bancaire.
10
L’ABPM en quelques mots
Créée en 2007, l’Association Belge des Professionnels Musulmans (ABPM) poursuit
entre autres les objectifs suivants :
• Favoriser les synergies entre professionnels issus de la communauté
musulmane de Belgique ;
• Contribuer à leur développement au bénéfice de la société ;
• Développer et promouvoir une éthique dans le champ professionnel ;
• Valoriser le rôle de la communauté musulmane dans la société.
L’ABPM s’adresse aux cadres en entreprises, les personnes exerçant une profession
libérale, les entrepreneurs que comprend la communauté musulmane de Belgique.
Parmi les services qu’elle propose à ses membres, L’ABPM organise des évènements de
mise en relation d’affaires et de networking, développe des programmes de formations
et des séminaires, coordonne des actions destinées à améliorer la mobilité sociale des
plus jeunes générations issues des quartiers populaires.
Afin de lui permettre de remplir efficacement sa mission, l’ABPM a noué des
partenariats avec des chefs d’entreprise à l’instar du réseau de coaching Bright Future
mais également avec des acteurs institutionnels comme la Fondation Roi Baudouin, Les
Jeunes Entreprises, l’Agence Bruxelloise pour l’Entreprise.
L’ABPM porte également les revendications de ses membres au niveau des instances
politiques et financières du pays. Parmi celles-ci, la nécessité pour les entrepreneurs
d’accéder au financement dans des conditions qui soient conformes à leur éthique et ce,
afin de démarrer ou développer leur activité professionnelle. La finance islamique
répond à ce besoin de financement.
Dans ce cadre, l’ABPM poursuit l’objectif d’introduire en Belgique les produits et
services financiers conformes à l’éthique musulmane. L’association informe et
sensibilise le public et les opérateurs quant aux nombreuses opportunités liées à la
finance islamique et fournit l’expertise nécessaire à la modification des textes législatifs
et des dispositions fiscales nécessaires à son adoption par notre économie.
11
Composition du pôle « Finance Islamique » au sein de l’ABPM
Imane KARICH (Finance Islamique – Gestion des Risques de Marché)
Consultante en Finance et Risques de Marché, Présidente de l’ABPM, Experte en Finance
Islamique, Auteure d’ouvrages sur le thème dont « Le système financier islamique, De la
religion à la banque », Editions Larcier, ainsi que d’articles. Imane Karich est également
invitée régulièrement à présenter les différentes facettes du sujet lors de conférences et
colloques internationaux.
Mohamed BOULIF (Finance Islamique)
Consultant en Finance Islamique, Co-fondateur et Administrateur de l’ABPM, Co-fondateur
de l’Association for the Development of Islamic Finance (ADIF), Professeur au DU Finance
islamique de l’EMS-Université de Strasbourg et à l’Executive Master de Finance Islamique
de l’Université Paris-Dauphine, Responsable Scientifique du Certificat Finance Islamique
(Impact Cooremans).
Marc DESCHAMPS (Finance Islamique – Gouvernance d’Entreprise)
Conseiller en Finance Islamique auprès de l’AWEX, Président d’Investructure, Professeur
Visiteur à HEC-ULG et à la Solvay Brussels Business School en Finance et en Gouvernance
d’Entreprise.
Thierry SOTERAS (Gestion des Risques Opérationnels)
Chairman du Risk and Control Committee au sein de Citibank Belgium depuis 2004,
responsable de missions locales et internationales d’audit et de due diligence (dans le
cadre des M&A), Co-fondateur et Administrateur de l’ABPM.
Chemseddine BEGA (Fiscalité)
Comptable-fiscaliste agréé par l'Institut Professionnel des comptables Fiscalistes.
Fondateur et Directeur du Bureau d'Expertise Fiscale (BEFI), spécialisé en Fiscalité
Immobilière.
Taoufik AMZILE (Gestion des Risques Opérationnels, Activités de Banque
d’Investissement)
Fondateur et Administrateur d’Ascentis Consulting, spécialisée dans la consultance pour les
secteurs de la finance et de l’énergie, Co-fondateur et Administrateur de l’ABPM dont il est
le porte-parole.
Tableau 1 - Pôle Finance Islamique de l'ABPM
12
Le Modèle Financier Islamique
Le système bancaire islamique est aujourd’hui un acteur non négligeable du paysage
financier global. Il a émergé sur la scène internationale au début des années 70 et a
depuis connu l’apparition de nombreuses institutions financières islamiques (banques,
assurances, fonds de placement, …) dont les produits et les services respectent les
règles éthiques de l’Islam en matière de gestion financière.
Le système de partage des pertes et profits, racine de la Finance Islamique
Comme principe de base à son fonctionnement, la finance islamique recherche à rejeter
toute source d’enrichissement injustifié. Une de ces sources est le paiement ou la
réception d’un taux d’intérêt, puisque l’Islam ne reconnaît à l’argent que deux rôles,
celui de moyen d’échange et d’unité de mesure, mais en aucun cas ne lui attribue le rôle
de « réserve de valeur » qui pourrait lui-même être monnayé. Par conséquent, le
système islamique n’accepte pas le système de crédit traditionnel basé sur une
rémunération prédéfinie, l’intérêt, reconnu comme le loyer du capital.
Les premiers économistes musulmans ont donc tenté de définir et de construire un
système financier parallèle basé sur une finance participative, où l’argent ne se
transformerait en capital que lorsqu’il est lié à l’évolution d’une activité économique ou
à la valeur d’un bien réel. Sa fructification dépend alors du principe de partage des
pertes et profits, principe qui lie le profit d’une transaction à l’aboutissement d’une
activité économique.
Ce principe va modifier la manière dont la banque va s’organiser : intermédiaire
financier entre ses clients investisseurs à son passif et ses clients emprunteurs à son
actif, la relation entre ces deux parties va se modifier pour devenir une relation
investisseurs-entrepreneurs basée sur le partage des risques et des profits plutôt que
sur une marge d’intérêt prédéfinie.
Dans ce cadre, la banque islamique va déployer des techniques basées initialement sur
des contrats commerciaux et adaptés afin de répondre aux besoins d’investissement et
de financement de ses clients.
Le fonctionnement même d’une banque islamique est basé sur le contrat de
Mudharaba. Par ce contrat, deux parties s’associent au sein d’un projet économique,
l’une apportant le capital (Rabb Al Mal), l’autre la gestion (Mudharib) et se partagent le
bénéfice éventuel selon le prorata défini à l’initiation du contrat. A son passif, la
13
banque va jouer le rôle de Mudharib et récolter l’épargne de ses clients qu’elle va gérer.
A l’actif, elle va jouer le rôle de Rabb Al Mal et investir dans des projets dont l’activité
est conforme à la Charia.
Le contrat de Mudharaba est également utilisé à l’actif de la banque et est général
assimilé aux transactions conventionnelles de « Private Equity ».
Un second instrument utilisé par la banque islamique est la Musharaka. A l’instar du
contrat de Mudharaba, deux parties s’associent au sein d’un projet économique dont le
résultat n’est pas connu à l’avance et se partagent le bénéfice éventuel. Cependant, dans
ce présent contrat, les deux parties apportent tant le capital financier que la capacité de
gestion du projet.
Ces produits sont les bases des pratiques de financement participatif utilisés dans la
Finance Islamique et sont généralement appliqués pour le financement de projet ou à
d’autres transactions à long terme. Cependant, ils ne peuvent à eux seuls répondre aux
besoins de financement. D’autres techniques ont donc été développées, basées
originellement sur des contrats commerciaux qui ont été adaptés pour pouvoir
répondre à des besoins de financement et d’investissement à plus court terme. Parmi
ces produits, on retrouve principalement les contrats de Murabaha et d’Ijara.
14
Les Modèles de Financement Immobilier Islamique
Afin d’illustrer au mieux les produits financiers islamiques dans leur application
contemporaine, nous présentons ci-dessous les différentes techniques de financement
immobilier. Ce choix n’est pas anodin puisque le financement immobilier est de loin de
loin le domaine pour lequel le besoin d’alternatives de financement conformes à la
Charia est le plus important.
Il existe principalement deux méthodes de financement immobilier :
Le contrat de Murabaha
Le contrat d’ Ijara
15
Le Contrat de Murabaha
Le contrat de Murabaha est initialement un simple contrat de vente, où le prix de
revient ainsi que la marge bénéficiaire prise par le vendeur sont connus par l’acheteur.
Cette technique commerciale a été adaptée afin de pouvoir être appliquée comme
instrument de financement. Le schéma ci-dessous donne un aperçu du modèle
généralement utilisé par la banque islamique pour financer un bien immobilier
Tableau 2 - le Contrat de Murabaha
Analyse Comparative
La description des étapes de ce financement permet de comprendre les différences qui
existent par rapport au contrat de financement conventionnel :
• L’objet du contrat entre la banque et le client acheteur est le bien immobilier,
alors que dans une transaction hypothécaire conventionnelle, l’objet du contrat
est l’argent que la banque prête au client. Cet aspect est fondamental puisqu’il
justifie d’un point de vue islamique, comme expliqué ci-dessus, la marge
bénéficiaire dégagée par la banque ;
• La banque doit devenir propriétaire intermédiaire et porter pendant
quelques temps (souvent quelques jours voire quelques heures) le risque
commercial. Cependant, la banque se prémunie contre un tel risque par le biais
de la promesse d’achat que le client lui accorde au début du contrat;
16
• Afin d’assurer une compétitivité par rapport aux taux immobiliers, il est permis
pour une institution financière islamique de prendre comme taux de référence
la courbe générale des taux pour fixer la marge bénéficiaire.
Principales Remarques
1) L’acquisition et la vente directe d’un bien immobilier impliquent le paiement
d’un double droit d’enregistrement, le premier sur le prix d’achat, le second sur
le prix de vente (prix d’achat majoré par la marge bénéficiaire)
2) La possibilité de prépaiement tel que prévue par la Loi sur le Crédit Immobilier
n’est pas permise dans le cadre d’un contrat de Murabaha : en cas de
prépaiement, l’entièreté du prix de vente doit être remboursée (prix d’achat et
marge bénéficiaire) contrairement aux trois mois d’intérêt dans le cadre d’un
contrat conventionnel.
3) Des pénalités de retard sont possibles en cas de retard mais ne peuvent l’être au
bénéfice du créancier. Un processus spécifique est défini dans ce cas.
17
Le Contrat d’IJARA
Tableau 3 - le Contrat d’Ijara
Analyse comparative
1) Ce contrat est très similaire au contrat de location-crédit (leasing)
conventionnel ;
2) Le contrat d’Ijara ne peut mentionner de taux d’intérêt comme c’est le cas pour
un contrat conventionnel. Les loyers peuvent cependant être fixés sur base du
montant total de financement du bien immobilier, à l’instar d’un crédit
hypothécaire conventionnel ;
3) Le transfert de propriété à la fin du contrat ne peut se faire dans le cadre du
contrat de location mais doit faire l’objet d’un second contrat de vente distinct.
Cependant, une promesse d’achat signée au début du contrat de location
confirme la possibilité d’une telle option.
Principales remarques
1) Les mêmes remarques en terme de pénalités de retard peuvent s’appliquer
dans le cadre de ce contrat ;
18
2) Le contrat d’Ijara est plus flexible que le contrat de Murabaha : les loyers
peuvent être variables et un prépaiement est envisageable. En effet, les loyers
sont le coût de l’usufruit du bien : en cas de prépaiement, seul le capital doit
être remboursé.
Le tableau ci-dessous reprend les principales différences entre le crédit hypothécaire
conventionnel et les techniques de financement conformes à la Charia
Tableau 4 - Tableau Comparatif – Crédit Hypothécaire – Conventionnel vs Islamique
19
Le Marché des capitaux islamiques
En termes de levée de fonds, la Finance Islamique n’est également pas en reste : le
mode rémunératoire basé sur l’intérêt étant banni, l’ingénierie financière a été et est
toujours très actif pour développer des techniques innovantes et en conformité avec la
Charia.
En matière d’investissement, deux aspects fondamentaux sont à prendre en compte :
l’univers d’investissement et le mode de rémunération.
A la lumière de ces deux aspects, l’investissement en action est en principe autorisé,
étant donné que le fonctionnement d’une action peut être assimilé à un contrat de
Mudharaba où ni le capital ni la rémunération ne sont garantis, pour autant que
l’univers d’investissement soit conforme à la Charia : sont donc bannis les
investissements dans l’industrie du spiritueux, le secteur bancaire, l’industrie de
l’armement, …
A ce premier filtre, ont été définis d’autres filtres qui vont limiter le champ
d’investissement aux sociétés dont le bilan ou l’activité ne sont pas trop dépendantes
du financement ou de l’investissement rémunérateur d’intérêt : des ratios sur la dette,
les produits d’intérêt, les actifs liquides ont été définies et sont appliqués afin de
déterminer le champ d’investissement conforme à la Charia.
Sur base de ces règles, les premiers indices boursiers islamiques ont fait leur apparition
au début des années 90, parmi eux le Dow Jones Islamic Market (DJIM). Sur base de ces
indices, nombreux sont les fonds de placement islamiques qui se sont développés, on
en compte actuellement plus de 300.
Outre l’investissement en action, le marché des Sukuks a fait son apparition au début
des années 2000 et connaît aujourd’hui une croissance florissante : un Sukuk est une
technique par laquelle une société va titriser un portefeuille d’actifs, généralement via
un SPV, et ainsi transférer les risques et les flux de ces actifs vers les investisseurs. La
principale différence avec les produits de titrisation conventionnels réside dans le fait
que la transaction reste adossée à l’actif : ceci implique que les investisseurs sont
propriétaires de manière indivisibles de ces actifs. Les Sukuks représentent une
solution appréciable pour les finances des pouvoirs publics.
20
Le Système Financier Islamique en chiffres
La Finance Islamique contemporaine existe depuis un peu plus de 40 ans. Les
premières banques islamiques, la Dubai Islamic Bank et la Banque Islamique de
Développement, sont apparues dans les années 70.
La Finance Islamique connaît depuis un taux de croissance à deux chiffres, les actifs
ayant augmenté de 10 à 15% selon les estimations, principalement dans la région du
Golfe Persique et de la Malaisie. Aujourd’hui, le total bilantaire des banques islamiques
est estimé à plus de 700 milliards de dollars.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la pénétration de la finance islamique au
sein des pays à majorité musulmane s’élève seulement en moyenne à 20%, mais les
projections prévoient que plus de 50% de l’épargne totale des musulmans sera gérée
par des banques islamiques.
Tableau 5 - Part de Marché de la F.I.
21
La Finance Islamique en Europe
La Finance Islamique connait actuellement un processus d’européanisation. Depuis
l’expérience britannique, bon nombre d’Etats européens ont lancé une vaste réflexion
sur les opportunités et les obstacles que représenterait l’introduction de la Finance
Islamique dans leur système financier conventionnel. Ces efforts associent à des degrés
d’implication divers autorités publiques, régulateurs, institutions financières et les
milieux académiques.
La Grande-Bretagne
Bien que la Finance Islamique ait pris son réel essor en Grande Bretagne dans les
années 2000, on retrouve des traces de transactions financières conformes à la Charia
jusque dans les années 80 sous la forme de Commodities Murabaha, source principale
de liquidités pour les entreprises basées au Moyen-Orient. Les premiers produits
financiers islamiques à l’égard des particuliers trouvent leur source dans les années 90
mais à une échelle assez restreinte et d’une compétitivité relativement limitée étant
donné leur pricing assez désavantageux, principalement due aux contraintes fiscales
liées aux produits financiers islamiques.
L’essor réel de la Finance Islamique débute lors du discours de Lord Edward Georges
en 1995, alors Gouverneur de la Banque d’Angleterre, discours durant lequel il
reconnut « le besoin d’introduire la Finance Islamique sur la place de Londres dans le
contexte de la tradition britannique d’innovation compétitive ». C’est en 2001 que se
forma un groupe de travail présidé par Lord George et composé de représentants de la
City et de la communauté musulmane de Grande Bretagne, groupe qui allait dessiner
les lignes des premières recommandations qui ont facilité l’implémentation de la
Finance Islamique en Grande Bretagne.
Sur base des conclusions de ce groupe de travail, qui fut reconduit par Sir Howard
Davies, président de la FSA, le Finance Act 2003 implémenta l’annulation du second
droit d’enregistrement dans le cadre des produits de Murabaha ainsi que d’autres
aménagements légaux et fiscaux. Par la suite, le 10 Août 2004, la Financial Services
Authority (FSA) accorde son autorisation à un nouvel établissement bancaire, unique
en Europe, l’Islamic Bank of Britain (IBB), la première banque islamique de dépôt
britannique.
La Grande-Bretagne fait donc figure de pionnière dans le développement de la Finance
Islamique en Europe. En tant que place financière de tout premier plan, Londres
22
reconnaît très rapidement l’importance croissante que la Finance Islamique dans
l’industrie financière globale.
La FSA va autoriser par la suite d’autres institutions à développer des instruments
financiers islamiques et accorder de nouvelles licences, notamment à l’European
Islamic Investment Bank.
En 2007, le UK Finance Bill est émis mettant fin à une situation pénalisante sur le plan
fiscal pour les émetteurs de Sukuks, pendant islamique des obligations. Le
gouvernement britannique prévoir par ailleurs d’en émettre pour le financement des
infrastructures à développer dans le cadre des Jeux Olympiques de 2012.
Il existe aujourd’hui en Grande-Bretagne cinq banques, une compagnie d’assurance et
un fonds d’investissement offrant exclusivement des produits et services conformes à
l’éthique musulmane (Fully Sharia-Compliant). Ces institutions partagent le marché de
plus de 2,5 millions de clients musulmans, dont près de 750,000 personnes uniquement
pour la ville de Londres, avec dix-sept autres banques conventionnelles ayant
développé des services financiers selon le principe de la fenêtre islamique (Islamic
Window)
La Suisse
Les grandes banques conventionnelles de la place genevoise offrent depuis longtemps
des services financiers conformes à l’éthique musulmane aux clients fortunés en
provenance essentiellement du Moyen-Orient.
La Suisse franchit néanmoins en octobre 2006 une étape supplémentaire avec
l’agrément accordé par la Commission Fédérale des Banques à la première banque
islamique opérant sur la place genevoise, la Faisal Private Bank. La Suisse, qui gère
déjà 20 à 30% des quelque 1000 milliards de dollars d’avoirs de la clientèle musulmane
à l’échelle mondiale, souhaite continuer ainsi à tenir son rang dans un marché qui se
révèle à terme concurrentiel.
Le Grand-duché du Luxembourg
Le Grand-duché du Luxembourg est une place appréciée par les opérateurs intervenant
dans le champ de la Finance Islamique. Nombreuses sont les institutions ayant choisi
d’émettre des fonds communs de placements conformes à l’éthique musulmane dans le
cadre du droit luxembourgeois.
L’histoire de la Finance Islamique au Grand-duché est encore récente mais le pays
gagne la confiance du secteur par son caractère ouvert et innovant. En 1983, la
23
première compagnie d’assurance conforme à l’éthique musulmane en Europe est créée
au Grand-duché. La bourse du Luxembourg a été également la première en Europe à
introduire le marché des Sukuks, dont les premiers sont listés dès l’année 2002. Fin
septembre 2008, les 14 Sukuks listés et négociables sur la place luxembourgeoise
totalisent une valorisation de plus de 3,8 milliards EUR. A la même période, le pays
comptabilise 31 fonds de placements communs conformes à l’éthique musulmane
tandis que d’autres sont aujourd’hui en cours de lancement.
Les autorités politiques et financières du Grand-duché du Luxembourg, convaincues
des opportunités offertes, ont lancé une vaste réflexion et entrepris des actions dont
l’objectif de faciliter plus encore l’intégration de la Finance Islamique dans le corpus
financier. Ainsi, le Ministre du Trésor et du Budget, Luc Frieden a réuni en avril 2008 au
sein d'un groupe de travail les parties les plus intéressées avec pour mission de repérer
les obstacles potentiels au développement de la Finance Islamique à Luxembourg ainsi
que les pistes de développement futur.
Le Gouvernement a également demandé aux autorités fiscales d’examiner les
caractéristiques des transactions de la Finance Islamique et de proposer des solutions
pour que ces transactions bénéficient d'un traitement fiscal équivalent à celui appliqué
aux transactions bancaires et financières traditionnelles.
S’agissant des finances publiques, le gouvernement examine actuellement dans quelle
mesure les produits de Finance Islamique, comme les Sukuks, pourraient être utilisés
pour financer certaines activités du Gouvernement ou des entités publiques.
Le Gouvernement a également soutenu la candidature de la Banque centrale du
Luxembourg au statut de premier membre associé «non régional» de l’Islamic Financial
Services Board (IFSB)5, le régulateur des marchés financiers islamiques. La banque
centrale y a d’ailleurs été admise le 23 novembre 2009 lors de la 15ème session du
Conseil de l’IFSB.
La France
Les grandes banques françaises sont déjà présentes depuis quelques années dans le
secteur de la Finance Islamique via leurs activités de financement, d’investissement et
d’assurance islamique au départ de Londres, du Moyen-Orient ou de la Malaisie.
Jusqu’en 2007, la France hexagonale reste en dehors du champ d’intervention des
5 La mission de l’IFSB est de promouvoir et de renforcer la stabilité des services financiers islamiques
notamment au travers de l’émission de principes et de standards prudentiels pour l’industrie
(www.ifsb.org)
24
opérateurs locaux6. Par contre, les fonds d’investissement islamiques des pays du Golfe
ont financé dans le secteur de l’immobilier français par le biais d’opérations de type
Murabaha.
Le débat sur le développement de la Finance Islamique va marquer une avancée
considérable au cours de la période 2007-2009. Dès octobre 2007, un rapport réalisé
par la Commission des Finances du Sénat (rapport d’information n°33, 2007-2008) met
en évidence la volonté de développer la Finance Islamique en France par le biais
d’adaptations juridiques et fiscales. La Commission organise également le 14 mai 2008
une série de tables rondes afin d’étudier les moyens nécessaires pour rendre la place de
Paris aussi attrayante que la City de Londres.
Lors de la 15ème édition du Forum Paris Europlace7, tenue les 2 et 3 juillet 2008, la
Ministre de l’Economie Christine Lagarde annonce que des ajustements fiscaux et
réglementaires sont en cours afin de permettre à des opérations de banque et
d’assurance islamiques d’être réalisées au départ de la France. D’autres incitants sont
annoncés à l’étude afin d’ouvrir la voie à l’émission de Sukuk.
En décembre 2008, la direction générale du Trésor précise les aménagements à
apporter ayant trait à l’absence de prélèvement à la source, la déductibilité de la
rémunération versée par les Sukuk et la neutralité fiscale lors des opérations de
Mourabaha.
A ce jour, au moins trois demandes d’agrément pour le lancement de banques de
financement et d’investissement islamiques en France sont à l’étude : la Qatar Islamic
Bank, la Kuwait Finance House et la Al-Baraka Islamic Bank de Bahreïn.
Outre les opérateurs du Golfe, le marché français suscite l’intérêt au sein même de
l’Union européenne. Ainsi, la Gatehouse Bank est devenue la première banque
islamique britannique à intégrer Paris Europlace et à ce titre, participera aux travaux
de la Commission Finance Islamique. Cette adhésion est également une déclaration
d’intention qui reflète sa perception du marché français et des opportunités qu’il
présente, notamment les prestations de conseil en Charia, l’immobilier, la gestion de
fortune, la gestion d’actifs, la trésorerie, les marchés de capitaux et les opérations
d’investissement hors bilan.
6 A noter toutefois une première expérience d’implantation avec le projet de la Tayssir Bank dont l’annonce
est faite en juillet 2006. Ce projet initié par la FS International Partners SA, une société de conseil en
investissement dont le siège se trouve à Genève, a pour objectif de créer en France la première banque
conforme à l’éthique musulmane destinée aux particuliers. Toutefois, à ce jour, aucune suite ne semble
avoir été donnée à ce projet.
7 Paris Europlace est l’organisme chargé de la promotion de la place financière parisienne. Durant les deux
dernières années, Paris Europlace a commencé à accorder une importance particulière au secteur de la
finance islamique et a établi la Commission de la Finance Islamique en décembre 2007.
25
Les Pays-Bas
Juillet 2007, le Ministre des Finances Wouter Bos annonce dans un courrier adressé aux
membres du parlement que le gouvernement va se pencher sur les modalités qui
permettront d’intégrer la Finance Islamique dans l’économie nationale.
En parallèle, le maire d’Amsterdam, Job Cohen, plaide pour l’offre par le secteur
bancaire de produits hypothécaires conformes à l’éthique musulmane, permettant ainsi
aux citoyens de confession musulmane d’acquérir plus facilement un logement.
Depuis, De Nederlandsche Bank, la banque centrale des Pays-Bas, a publié une étude
sur les implications réglementaires induites par l’introduction de la Finance Islamique
dans l’économie nationale. Les principales préoccupations relèvent de la protection des
dépôts des épargnants, lu traitement de la TVA, les risques de crédit, de marché et
opérationnel.
A ce jour, les transactions financières conformes à l’éthique musulmane restent à un
stade marginal, limitées par exemple à des opérations dans l’immobilier. C’est une
situation cependant que le Holland Financial Centre, une initiative gouvernementale,
tente d’améliorer en promouvant les opportunités que les Pays-Bas peuvent offrir aux
capitaux du Golfe. A titre d’illustration, un séminaire organisé conjointement le 11 juin
2009 avec le cabinet d’avocats Loyens & Loeff.
L’Allemagne
De grandes banques telles que la Deutsche Bank, Dresdner Bank, Commerzbank ou
encore la WestLB offrent déjà des produits et services financiers conformes à l’éthique
musulmane mais seulement accessible sur la place londonienne ou dans le Golfe.
Une étape est franchie en 2004 lorsque le gouvernement de l’Etat de Saxe-Anhalt,
fortement endetté, décide d’émettre un Sukuk de 100 millions EUR. Cette opération
financière, qualifiée de réussie, n’a pourtant pas eu d’effet d’entrainement faute de
soutien du monde politique. Cette émission reste à ce jour la seule réalisée en
Allemagne et les transactions sont encore limitées à des projets dans l’immobilier ou
sur les marchés de capitaux.
Il n’y a à ce jour aucune initiative développée à l’attention des 5 millions de musulmans
résidents dans le pays, dont près de 3 millions sont turcs ou d’origine turque. Il est à
noter que la communauté turque, pour des raisons interprétatives quant à la question
de l’intérêt en Islam, se montrent plutôt indifférents quant au développement de la
finance islamique.
26
La Belgique
Et la Belgique… ?
Aucune offre de finance islamique n’existe aujourd’hui en Belgique, que ce soit pour les
entreprises ou les particuliers. Par contre, depuis plusieurs années, des initiatives de
sensibilisation aux principes et opportunités pour la Belgique se sont multipliées :
Février 2007, le CFA Institute et le Forum de la Banque Nationale de Belgique
organisent une conférence de sensibilisation sur le thème de la finance islamique,
destinée à un public de banquiers professionnels.
En Mai 2007, le CEREI organise un colloque intitulé « La Finance Halal : à quand la
Belgique ? » afin d’informer et sensibiliser le grand public.
Janvier 2008, Fortis Investment Management (FIM) lance un produit d’investissement
commercialisé dans le réseau des agences Fortis Bank, le Fortis Islamic Index, qui se
révèlera être un échec en raison de sa non-conformité avec les principes de la finance
islamique.
Juin 2009, l’ABPM est reçue par le Ministre des Finances qui souhaite créer un groupe
de travail chargé d’étudier les impacts et les opportunités liées à la finance islamique.
Cette première rencontre donne lieu à une seconde avec le Président de la Commission
du Budget et des Finances à la Chambre des Représentants, puis à une troisième à la
Commission Bancaire, Financière et des Assurances (CBFA). La principale décision en
est la rédaction de ce présent dossier.
Novembre 2009, la Chambre de Commerce des pays Arabes-Belgique-Luxembourg
organise à Bruxelles sous le haut patronage du Ministre des Finances Monsieur Didier
Reynders un colloque dont l’une des thématiques développées par le panel d’invités est
la finance islamique et ses opportunités pour l’Europe.
Décembre 2009, l’ADIF et IDEFISC organisent une conférence sur la Finance Islamique
et ses aspects financiers, juridiques et fiscaux.
En parallèle, des para-régionaux montrent un intérêt croissant pour les opportunités
liées à la Finance Islamique. Ainsi, l’Agence Wallonne pour l’Exportation (AWEX) crée la
fonction de conseiller à la finance islamique avec pour objectif d’inclure celle-ci dans les
stratégies d’exportation vers les pays musulmans.
27
Quelle Demande en Belgique ?
L’absence d’offre de financement islamique en Belgique pourrait laisser croire une
demande inexistante, ce qui serait faux : cette absence peut s’expliquer par différents
facteurs liés à l’immigration, au contexte légal et financier, … mais ne peut s’expliquer
par l’absence de demande. Celle-ci est démontrée d’abord par l’importance croissante
de la population musulmane en Belgique, par le taux de propriété immobilière et la
capacité d’investissement de cette population, ensuite par les résultats de plusieurs
enquêtes sur la demande en Finance Islamique, présentés ci-dessous.
La Population Musulmane en Belgique aujourd’hui et demain
La taille de la communauté musulmane en Belgique est estimée entre 450,000 et
500,000 personnes, soit 4% à 5% de la population totale du pays s’élevant à 10,4
millions.
Tableau 6 - Pop. Musulmane en Belg. Source : Boussetta & Bernes : 2007
Les statistiques démontrent également que Bruxelles possède un statut particulier :
• 39% des Musulmans de Belgique résident à Bruxelles
• 17% des Bruxellois sont de confession musulmane
• 75% des Bruxellois de confession musulmane8 résident dans seulement 5
communes (Anderlecht, Bruxelles-Ville, Molenbeek, Schaerbeek, Saint-Josse)
Ces chiffres ainsi que les projections liées à la croissance démographique font de
Bruxelles « une des villes les plus musulmanes du monde occidental »9.
8 Tenant compte du pays d’origine
9 Voir à ce sujet MANÇO, U., KANMAZ, M., « Intégration des musulmans et reconnaissance du culte
islamique : un essai de bilan », in Ural Manço, Reconnaissance et discrimination, Présence de l’islam en
Europe occidentale et en Amérique du Nord, Paris : L’Harmattan, Coll. « Compétences Interculturelles »,
2004.
Population Musulmane - Belgique (2007)
4%
96%
Population Musulmane Population Totale
28
Le Taux de Propriété parmi la Communauté Musulmane de Belgique
L’achat immobilier étant le premier investissement financier des ménages, il est
intéressant de comparer la pénétration de ce marché en Belgique : s’agissant des
composantes d’origine turque ou marocaine, les taux sont respectivement de 65% et de
30%, comparé à un taux national de 80%.
Pour expliquer ces fortes disparités, notamment dans le cas des belges d’origine
marocaine, le sociologue Hassan Boussetta admet que la question du prêt hypothécaire
classique basé sur la notion de l’intérêt représenterait un frein à l’accès à la propriété :
“It is important to note that the question of the interest rate taken out on mortgages
may play a role in the housing strategies of Muslims, and probably even more so for
Moroccans. The position of Islam vis à vis the charging of interest and usury may be
another factor to take into consideration in understanding the housing conditions of
Muslims”10
Tableau 7 - Taux de Propriété des Ménages par Nationalité - Source : Boussetta & Bernes :
2007
La capacité d’investissement de la Communauté Musulmane
Il est difficile d’obtenir des chiffres exacts en matière de capacité d’investissement,
surtout basés sur l’appartenance religieuse. Cependant, il est possible d’extrapoler sur
d’autres facteurs, comme l’envoi de devises vers les pays d’origine.
Même en considérant que le lien financier entretenu avec les pays d’origine se réduit
d’une génération à l’autre, il n’en reste pas moins que les transferts directs privés
représentent des sommes considérables. Une analyse détaillée des flux financiers des
migrants méditerranéens travaillant en Europe, publiée par la Banque européenne
d'investissement, indique que près de 7,1 milliards d’EUR sont transférés «
10 BOUSSETTA H., BERNES L-A., op.cit. p.30
Logement - Taux de Propriété des Ménages
75%
65%
30%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Moyenne Nationale Origine Turque Origine Marocaine
29
officiellement » tous les ans d’Europe vers 8 pays méditerranéens11 (de 12 à 14
milliards, s’il est tenu compte des transferts « informels »).
Selon les données d’une autre enquête réalisée par l’Institut National des Statistiques et
d’Economie Appliquée (INSEA)12, situé au Maroc, 60% des Marocains résidents à
l’étranger (MRE) envoient au Maroc au moins le quart de leur revenu annuel, et plus du
tiers de ces migrants transfèrent plus du tiers de leur revenu chaque année.
Si le soutien de famille reste un pilier de ces envois, les investissements dans
l’immobilier et dans les valeurs mobilières représentent également un poste de
transfert important. Les MRE sont ainsi 58% des étrangers qui investissent dans la
bourse de Casablanca.
Il existe donc au sein des populations musulmanes de Belgique une capacité d’épargne
qui pourrait être en partie maintenue et réinjectée dans notre économie si des
solutions de placements ou d’investissement immobilier leur sont proposées.
Intérêt de la Communauté Musulmane pour la Finance Islamique
Au-delà de ces facteurs indicatifs, y a-t-il un réel intérêt de la communauté musulmane
pour les produits conformes à l’éthique musulmane ? La réponse est fournie par deux
enquêtes réalisées au sein de la communauté musulmane de Belgique.
Enquête CEREI
La première a été réalisée par le Cercle d’Etude et de Recherche en Economie Islamique
en 2003.
Sur base du questionnaire diffusé et des réponses récoltées13, voici les principaux
résultats :
1. 94% des personnes interrogées déclarent un fort intérêt pour une offre de
produits financiers conformes aux principes islamiques.
2. 93% des personnes interrogées déclarent connaître l’interdit de l’intérêt en
Islam
3. 84% déclarent être prêt à modifier leur comportement financier afin d’être
conformes à leurs principes si une alternative se présente
11 L’Étude sur les transferts de fonds des migrants méditerranéens d’Europe se focalise sur l’Algérie,
l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et la Turquie
12 Source : Banque Européenne d’Investissement :2008; INSEA : 2008
13 Voir annexe 1
30
Enquête ABPM
La seconde enquête a été réalisée en 2008 par l’ABPM à la demande d’une banque
active sur la place belge intéressée par les produits d’investissements. Le champ de
l’enquête avait été élargi de sorte à inclure également le financement par le leasing.
Sur base du questionnaire diffusé en ligne et des réponses récoltées14, voici les
principaux résultats :
1. 93% des personnes ayant répondu à l’enquête déclarent être intéressées par les
produits d’investissements boursiers conformes à l’éthique musulmane
2. 56% des personnes intéressées par ce type de produit d’investissement en
assument le risque potentiel de dévaluation de la valorisation du portefeuille
3. 25% des personnes intéressées souhaitent investir dans ce type de produits un
montant supérieur à 5000 EUR.
4. 97% des professionnels ayant répondu à l’enquête déclarent être intéressés par
une formule de leasing opérationnel conforme à l’éthique musulmane
5. 98% des professionnels déclarent être disposés à convertir leur contrat de
leasing conventionnel en un contrat conforme à leur éthique.
14
Sur une base de 261 réponses valides. Voir le questionnaire en Annexe 2
31
La Finance Islamique: quel intérêt pour la Belgique ?
Le chapitre précédent démontre clairement la présence d’une demande et d’un marché
de niche encore inexploités sur le territoire belge. A cette demande locale, s’ajoute
celle d’une population résidente, généralement aisée et localisée principalement dans la
« capitale de l’Europe » qui abrite les ambassades auprès de la Belgique mais aussi
auprès de l’Union Européenne.
Ces deux populations musulmanes, belge et résidente, sont sensibles, à divers degrés, à
la nature « halal » des produits et services qu’elles consomment, de nombreuses
personnes allant même jusqu’à se priver de « consommation » si les conditions de
respect des règles de la Charia ne sont pas présentes. Ainsi en est-il du recours à
l’emprunt hypothécaire conventionnel qui est souvent rejeté par les musulmans, rejet
qui explique largement le taux de propriété immobilière particulièrement faible dans
leur communauté.
Pour les Particuliers
Sur base de ces différents éléments, un premier intérêt évident est celui des
particuliers, principalement ceux de confession musulmane : une finance compatible
avec les préceptes de la Charia devrait rencontrer un franc succès auprès de ces
populations : non seulement en substitution à leur consommation de produits
financiers conventionnels mais aussi en complément à celle-ci. Outre les emprunts
hypothécaires, les cartes de crédit, les crédits à la consommation (achat de voitures, par
exemple), les leasings et les assurances sont les produits les plus attendus.
A ces produits financiers liés à la consommation devraient être ajoutés des montants
liés à l’épargne. Le taux de « contre-migration » de l’épargne des belges musulmans
vers leur pays d’origine est en effet significatif. Une partie de ces flux d’épargne serait
sans doute fixée en Belgique si elle se voyait offrir des placements compatibles aux
préceptes de la Charia. Un même raisonnement s’applique pour les produits liés à
l’épargne-pension.
Au total, il semble que la consommation des particuliers musulmans, qu’ils soient
belges ou résidents, génèrerait un volume suffisant pour retenir l’attention des
opérateurs conventionnels en Belgique comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni.
Des études récentes, qui pourraient être approfondies tant en termes d’exactitude
scientifique que de précision des calculs, évaluent en effet à plusieurs dizaines de
milliards d’euros le volume accessible en Belgique, dans les dix ans à venir, aux
produits financiers conformes à la Charia.
32
Enfin, la présence d’une offre conforme à la Charia permettrait de lutter contre une
forme d’exclusion bancaire, ici volontaire, basée cette fois non plus sur des facteurs
socio-économiques mais sur des facteurs d’éthique personnelle.
Pour les Entreprises
Bien que la demande en produits financiers islamiques à l’égard des particuliers soit la
plus importante, les opportunités pour les entreprises ne sont pas en reste.
Dans un premier temps, il est important de noter le dynamisme entrepreneurial
spécifique dont font preuve les communautés allochtone : le taux d’entrepreneuriat au
sein des communautés allochtones est plus important que la moyenne nationale15.
De plus, les offres conformes à la Charia en matière de financement d’entreprise sont le
plus souvent basées sur des techniques de participation de type ‘venture capital’ (seed
capital et start-up financing) adaptées aux spécificités de ces entreprises (Mudharaba
et Musharaka).
L’offre de tels produits apportera une plus value certaine pour le tissu entrepreneurial
belge par les différents aspects décrits ci-dessous :
• Les techniques basées sur la participation impliquent une participation plus
accrue du créancier qui devient alors un réel partenaire/investisseur et
généreront dès lors un meilleur suivi de la gestion des entreprises. Ce point est
fondamental dans le cadre des entreprises issues de l’immigration, nombreuses,
mais très souvent caractérisées par une taille moyenne, voire petite et un taux
de faillite également plus important que la moyenne nationale. Une plus grande
implication du créancier en tant qu’investisseur pourrait donc un meilleur suivi
et une meilleure gestion et contribuer à diminuer ce taux d’échec.
• L’offre de produits participatifs permettra également d’élargir et de diversifier
les moyens de financement apportés aux petites et moyennes entreprises,
généralement basés principalement sur la dette.
• La redynamisation de certains quartiers populaires des grandes villes belges est
souvent reprise comme objectif de développement pour la plupart des
institutions publiques gestionnaires de ces quartiers : une offre plus adaptée
aux entrepreneurs musulmans très souvent présents dans ces quartiers
permettra de contribuer à cet objectif de redynamisation.
15
Le taux d’entrepreneuriat dans ces populations est de 15,1% en 2005, alors que la moyenne
nationale du taux d’activité entrepreneuriale est de 3,2 %. Source OECD SOPEMI International
Migration Outlook 2007 et Rapport du Bureau Fédéral du Plan (2009)
33
• Enfin, comme expliqué ci-dessus, le financement participatif ne peut répondre à
tous les besoins de financement d’une entreprise : les techniques de Murabaha
et d’Ijara peuvent également répondre à des besoins à plus court terme de
financement.
Pour la Belgique, ses institutions et son secteur financier
La Belgique ne peut rester en marge du processus d’européanisation de la Finance
Islamique : après la Grande Bretagne, la France et le Luxembourg y ont vu une
opportunité unique d’attirer des liquidités vitales pour leurs économies et ont déployé
pour cela ces dernières années des efforts considérables.
En effet, aussi bien les Etats que les opérateurs institutionnels que privés souhaitent
accueillir une partie des gigantesques ressources en liquidités générées par
l’augmentation incessante des cours du pétrole et par l’afflux considérable des
pétrodollars dans la région du Golfe. L’épargne disponible était estimée en 2008 à 5000
milliards de dollars. Si la tendance a été de placer ces capitaux auprès des banques
anglo-saxonnes, les banques et les fonds souverains du Golfe mais également d’Asie du
Sud-est cherchent aujourd’hui à les sécuriser en diversifiant les placements. Compte
tenu des capacités d’absorption limitée des bourses des pays du Golfe, l’Europe
apparait dès lors comme une destination attrayante pour des capitaux en constante
recherche de nouveaux investissements.
A l’instar de ses voisins, la Belgique possède de nombreux attraits, qui, complétés avec
un cadre favorable à la Finance Islamique, pourraient également lui assurer une part du
gâteau.
Ensuite, les banques islamiques, contrairement à leurs homologues conventionnelles,
ont montré une certaine stabilité et une résistante vigoureuse dans le contexte de la
crise financière que nous traversons actuellement. Cela s’est expliqué par leur faible
exposition au risque que pourrait engendrer les crédits toxiques. A ce titre, Fernand
Grulms, CEO de Luxembourg for Finance, identifie la Finance Islamique comme un
concept qui ne se limite pas uniquement au monde arabe mais qui au contraire a des
valeurs communes avec les principes d’investissement socialement responsable qui
sont de plus en plus appréciés dans les pays occidentaux.
Il n’y a cependant pas que les autorités politiques et financières qui s’intéressent à la
Finance Islamique. De nombreux domaines d’expertises se spécialisent aujourd’hui
sur les questions liées à cette finance. Des formations spécialisées se développent dans
les milieux universitaires comme à Paris-Dauphine et l’Université de Strasbourg en
France, Impact-Cooremans et ICHEC Entreprise en Belgique. De nouveaux métiers
apparaissent et des réseaux européens de professionnels de la consultance, de l’audit et
34
de la gouvernance, de juristes se familiarisent avec les techniques de la Finance
Islamique, attirant ainsi des experts hautement qualifiés et permettant à terme la
création d’emplois supplémentaires pour les pays d’accueil de ces capitaux. Les grands
cabinets comme Ernst&Young, PWC, KPMG ou Deloitte ont tous développé une division
dédiée à la Finance Islamique.
Enfin, la Finance Islamique ouvrira de nouvelles perspectives pour les stratégies
d’exportation vers les pays musulmans, à l’instar des actions de l’AWEX qui a signé un
Memorandum of Understanding avec la Banque Islamique de Développement le 26
novembre 2009, permettra également la redynamisation des tissus économiques ou
industriels par l’octroi de microcrédits ou l’injection de capital-risque dans des projets
entrepreneuriaux et créera un nouvel effet de levier sur la création d’emploi.
35
Recommandations
A l’issue de ce dossier dont l’objectif est de résumer les perspectives de la Finance
Islamique en Belgique et en Europe, une série de recommandations sont définies ci-
dessous, reprenant les principales étapes pour une future implémentation :
Recommandation 1 :
Une des premières étapes fondamentales dans ce processus, qui s’est avérée
indispensable dans les pays où la Finance Islamique est déjà installée, est sans nul
doute la sensibilisation du secteur financier au système, ses principes et son
fonctionnement. L’investissement qu’une telle implémentation requiert ne permet pas
de s’affranchir de cette étape. Concrètement, cette sensibilisation se matérialise par une
série de conférences, séminaires, formations et tables rondes réunissant les principaux
acteurs du tissu financier et bancaire national. L’ABPM travaille déjà sur cet aspect, par
une série régulière d’articles dans la presse, par l’organisation de séminaires, de
formations postuniversitaires et de conférences sur le sujet. Ces efforts en ce sens
pourraient bénéficier d’un véritable soutien et engagement du gouvernement et des
autorités financières en vue de faciliter l’acceptation de la Finance Islamique au sein du
secteur financier et de la société dans son ensemble.
Recommandation 2
L’adaptation du cadre législatif et fiscal est également nécessaire afin de faciliter le
processus et permettre aux produits financiers islamiques de profiter des mêmes
règles appliquées aux produits financiers conventionnels. La qualification des contrats
islamiques est en ce sens essentielle dans le cadre de l’adaptation du cadre législatif et
fiscal.
Recommandation 3
Enfin, la mise en place d’un groupe de travail, réunissant institutions représentatives
du secteur financier, autorités financières, principales banques ainsi qu’experts en
Finance Islamique, permettra de faire des propositions concrètes aux autorités
politiques. C’est en effet de cette façon que la Finance Islamique a pu facilement trouver
sa place dans d’autres pays européens plus avancés sur le sujet. Cette approche en « top
down » permettra également de maîtriser voire de lancer une initiative dont les
impacts seront plus facilement contrôlées.
36
Conclusion
Ces dernières années, les autorités politiques et financières du pays ont commencé à
s’intéresser à la Finance Islamique. Il est vrai que le pays jouit indéniablement d’atouts
qui justifient son introduction au sein de notre économie.
Le besoin de repositionner les énormes capitaux du Golfe actuellement placés dans le
monde anglo-saxon, la crise des subprimes et l’interrogation qu’elle pose en termes de
transparence et de contrôle prudentiel, la crise de la dette que traverse l’Eurozone, les
stratégies commerciales de la Belgique en direction des pays musulmans sont des
éléments géopolitiques qui plaident en ce sens.
Par ailleurs, la Finance Islamique n’est pas étrangère pour les acteurs bancaires du
pays. Bon nombre d’institutions belges ont développé ou pris des participations dans
des activités conformes à l’éthique musulmane. Ainsi Fortis, avant même sa reprise par
BNP Paribas, détient une position majoritaire dans la Mayban, institution active dans le
secteur de l’assurance islamique (Takaful) en Malaisie.
La présence d’une forte communauté musulmane, surtout au sein de la région de
Bruxelles-Capitale, présente en outre l’avantage d’offrir une passerelle entre la
Belgique et les pays à population majoritairement musulmane.
Une relation de type gagnant-gagnant doit se développer en ce sens. D’une part, offrir
des services et produits bancaires conformes à l’éthique musulmane à ces citoyens
participera encore plus à leur intégration économique. D’autre part, un cadre propice à
la Finance Islamique encouragera l’investissement dans nos régions en quête de
refinancement et de relance de secteurs entiers de l’économie.
Insérée dans un cadre prudentiel strict mais laissant la place à l’innovation des produits
et services, la Finance Islamique ne se destine pas à révolutionner en substance le
système conventionnel mais à cohabiter en bonne intelligence avec ce dernier.
Elle représente une alternative qui répond de manière satisfaisante aux besoins
stratégiques des opérateurs tout en maintenant la cohérence globale de notre système
financier.
37
Glossaire16
Charia : loi islamique révélée au prophète Mohammed et inscrite dans le Coran. Un
produit conforme à la Charia répond aux exigences de la loi islamique.
Gharar : incertitude. L’une des trois interdictions fondamentales en finance islamique
(avec la Riba et le Maysir). Le Gharar est un concept complexe qui recouvre certains
types d’incertitudes ou d’imprévus liés à un contrat. L’interdiction du Gharar sert
souvent de fondement aux critiques des pratiques financières classiques telles que la
vente à découvert, la spéculation et les produits dérivés.
Haram : illégal, illicite.
Ijara : contrat de crédit-bail aux termes duquel la banque achète un bien pour un client
puis le loue en crédit-bail pour une période déterminée.
Ijara-wa-Iqtina : Similaire à l’Ijara, à la différence près que le client a la possibilité
d’acheter le bien à la fin du contrat.
Istisna (financement progressif) : contrat d’acquisition d’un bien avec paiement
progressif du prix au fur et à mesure que le bien est construit.
Maysir : jeu d’hasard. L’une des trois interdictions fondamentales en finance islamique
(avec la Riba et le Gharar). L’interdiction du Maysir sert souvent de fondement aux
critiques des pratiques financières classiques telles que la spéculation, l’assurance
traditionnelle et les produits dérivés.
Murabaha : forme de crédit qui permet au client d’effectuer un achat sans avoir à
contracter un emprunt portant intérêt. La banque achète un bien puis le vend au client
en différé.
Musharaka : partenariat d’investissement dans lequel les conditions de partage des
profits sont prédéfinies et les pertes sont proportionnelles au montant investi ; C’est
une forme de capital-investissement.
16
BOUSLAMA Ghassen, La finance islamique : une récente histoire avec la France, une longue histoire avec ses banques,
Workshop: “International Islamic Finance in Europe: from niche to mainstream”, European Research Group “Money, Banking
& Finance”, Financial and Monetary European Integration Group, Lille, 20 février 2009
38
Riba : l’une des trois interdictions fondamentales en finance islamique (avec le Gharar
et le Maysir).
Littéralement, augmentation ou ajout. Techniquement, toute augmentation ou tout
avantage obtenu par le prêteur et constituant une condition du prêt. Tout taux de
rendement sans risque ou «garanti» sur un prêt ou un investissement relève du Riba.
Sukuk : similaire à une obligation adossée à un actif, le Sukuk est un billet de trésorerie
qui confère à l’investisseur une part de propriété dans un actif sous-jacent et lui
assurant un revenu à ce titre.
L’entité émettrice doit identifier les actifs existants à vendre aux investisseurs Sukuk,
par transfert à une entité ad hoc. Les investisseurs jouissent alors de l’usufruit de ces
actifs, au prorata de leur investissement. Ils supportent généralement le risque de
crédit de l’émetteur plutôt que le risque réel lié aux actifs détenus par l’entité ad hoc.
Les Sukuk peuvent être cotés et notés en fonction du marché cible mais ce n’est pas
obligatoire. Les Sukuk sont généralement émis par des entreprises, certaines
institutions financières et des Etats (Bahreïn, Malaisie, Pakistan, Saxe-Anhalt…).
Takaful : assurance islamique. Prend la forme d’une assurance coopérative avec mise
en commun des fonds, selon le principe de l’assistance mutuelle. Dans le système
Takaful, les membres sont à la fois assureurs et assurés. L’assurance traditionnelle est
interdite dans l’Islam car elle contient plusieurs éléments Haram tels que le Gharar et la
Riba.
39
Acronymes
ABPM : Association Belge des Professionnels Musulmans
ADIF : Association for the Development of the Islamic Finance
CEREI: Centre d’Etudes et de Recherches en Economie Islamique
CBFA : Commission Bancaire, Financière et des Assurances
AWEX : Agence Wallonne pour l‘Exportation
40
Annexes
Annexe 1 – l’ABPM et la Finance Islamique dans la Presse
1) Le Soir – Le Qatar achète la banque privée KBL
11/10/2011
41
2) La Libre - Banques islamiques en Belgique: un idéal pour les musulmans
16/08/2010
www.lalibre.be www.abpm.be
Banques islamiques en Belgique: un idéal pour les musulmans
L'ouverture de banques islamiques en Belgique constitue un idéal pour la population
musulmane désireuse d'investir et de financer ses projets tout en respectant la Charia.
Pour l'heure, la nécessité est surtout la mise à disposition de produits bancaires
islamiques par les banques locales.
Vendredi dernier, l'Echo faisait part du désir de l'économiste Mohamed Boulif d'ouvrir
des banques islamiques sur le territoire belge. Imane Karich, présidente de l'Association
Belge des Professionnels Musulmans (ABPM) qui travaillent en collaboration avec M.
Boulif, nous explique les besoins des musulmans en matière de finance.
Aujourd'hui, un musulman, comme tout autre belge, a besoin d'acheter une maison,
d'investir, de financer son présent et son avenir. Si la plupart des musulmans utilisent
les services des banques conventionnelles, certains attendent qu'on leur propose des
produits respectueux de la Charia (la loi islamique), explique Imane Karich. Même si la
communauté musulmane s'est bien intégrée au reste de la population, leur proposer
ces produits ne pourra qu'être un plus. "Devenir propriétaire dans un pays cela signifie
que l'on veut s'y installer, choisir dans quel quartier on va habiter, dans quelle école
on va mettre ses enfants..." rappelle Mme Karich.
La finance islamique respecte la Charia. Les intérêts sont interdits ainsi que
l'investissement dans certains secteurs jugés "illicites". C'est un besoin réel pour les
entreprises comme pour les particuliers. Dans l'achat d'une maison par exemple,
l'objet du contrat c'est la maison et non plus l'argent. De ce fait, la plus-value est faite
sur la valeur de la maison et non plus sur la valeur de l'argent. Il s'agit également
d'obtenir des crédits exempts d'intérêts considérés comme un péché par la loi
islamique.
A l'heure actuelle, "les produits ne sont pas viables dans un pays comme la Belgique qui
n'a pas la législation adaptée." Il faut donc la revoir, c'est pourquoi l'ABPM a réuni, en
avril 2009, les présidents des quatre partis francophones, afin de connaitre leur opinion
au sujet de la finance islamique. Les partis se sont montrés favorables à la mise en place
d'un groupe de travail pour étudier la question. Le soutien politique est primordial pour
que la finance islamique perce en Belgique.
42
Mme Karich avoue croire davantage "en la réussite d'une banque locale qui lancerait ce
type de produit plutôt qu'en l'implantation d'une banque islamique" car les besoins des
musulmans sont à plus court terme et cela leur serait suffisant. L'implantation d'une
banque islamique à part entière constitue plutôt le bout du chemin. Cependant, même
pour l'accueil des produits islamiques "il est important de voir si le cadre législatif peut
être adapté afin que nous puissions convaincre les banques locales de les accepter."
Pour le moment, aucune banque n'a franchi le pas, mais Imane Karich est confiante: "Je
pense que les banques belges sont intéressées mais elles attendent chacune que l'autre
commence." "C'est un marché de niche que l'on peut comparer au marché du halal qui
est devenu très croissant et très prometteur en Belgique et en Europe" poursuit-elle. La
stratégie actuelle de l'ABPM est donc de travailler avec les banques locales et les
autorités compétentes en la matière.
La présidente de l'ABPM rappelle ensuite "qu'une banque dite islamique n'est pas
limitée aux clients musulmans. Ses principes de fonctionnement sont basés sur l'Islam
mais tout un chacun peut devenir client de cette banque." Ces banques ne serviront
donc pas à faire du favoritisme envers la population musulmane. Cela permettra
surtout "d'agrandir la palette de produits financiers pour répondre aux besoins de
chacun."
Tout comme M. Boulif dans l'Echo, Imane Karich nous explique qu'elle croit ce projet et
qu'il finira par aboutir même si cela doit prendre des années car revoir le cadre
réglementaire est un projet de longue haleine.
Source : Site Internet de La Libre (mis en ligne le 16/08/2010)
http://www.lalibre.be/economie/finance/article/602861/banques-islamiques-en-
belgique-un-ideal-pour-les-musulmans.html
43
3) Le Vif/L’Express - Bientôt des produits financiers 100% halal en Belgique ?
28/05/2010
44
45
4) BELGA - Communiqué de Presse du Ministre des Finances – M. Reynders
03/06/2009
Un groupe de travail sur la Finance Islamique à la Chambre
Le ministre des Finances Didier Reynders a proposé mercredi la constitution
d'un groupe de travail à la Chambre pour examiner la situation spécifique du
secteur financier islamique.
M. Reynders a reçu ce mercredi Taoufik Amzile et Ibrahim Soteras, les
représentants de l'Association Belge des Professionnels Musulmans (ABPM). A
l'issue de cet entretien, il a proposé la mise en place à la Chambre des
représentants d'une groupe de travail réunissant des experts de la CBFA, de la
Banque Nationale de Belgique, de l'APBM et d'autres acteurs intéressés afin
d'établir un état des lieux des dispositions légales qui devraient être modifiées
en vue de rendre compatible notre législation aux mécanismes sur lesquels se
fondent la finance islamique. Il s'agira en particulier de s'assurer que de tels
mécanismes ne sont pas inutilement pénalisés par des dispositions
réglementaires ou fiscales et de favoriser le développement des relations
financières avec le monde musulman, précise un communiqué du ministre.
(Belga)
46
Annexe 2 – Questionnaire Enquête du CEREI – 2003
47
Annexe 3 – Conférence et Formation Impact Cooremans – Al Maalya
48
Annexe 4 – Conférence et Formation ICHEC-Entreprises – ABPM
49
Annexe 5 – Questionnaire Enquête ABPM
Questionnaire Finance Islamique
Etes-vous intéressé(e) par l'investissement dans des placements boursiers conformes aux
règles islamiques ?
OUI
NON
Seriez-vous prêt(e) à investir dans ce type de placement ?
OUI
NON
Dans l'affirmative, quel montant minimum seriez-vous prêt à investir ?
Moins de 1000 EUR
Entre 1000 et 3000 EUR
Entre 3000 et 5000 EUR
Plus de 5000 EUR
Etes vous prêts à perdre, partiellement ou en totalité, votre mise initiale ?
OUI
NON
En tant que professionnel(le), seriez-vous intéressé(e) par une formule de contrat de
leasing conforme aux règles islamiques ?
OUI
NON
Dans le cas où vous avez un contrat de leasing conventionnel en cours, seriez-vous prêt(e)
à le convertir en un produit conforme aux règles islamiques ?
OUI
NON
Votre adresse mail*:
*Nous vous signalons que l'ABPM veille à respecter la confidentialité des personnes ayant participé à l'enquête et
n'utilisera ces résultats qu'à des fins statistiques. Seuls les résultats agglomérés seront utilisés et/ou présentés dans le
cadre de cette initiative. Nous vous demandons néanmoins de nous laisser, sans aucune obligation de votre part, votre
adresse e-mail à la seule fin de pouvoir vous inviter dans le cas où un produit pourrait être présenté à un public-cible
Valider
50
Annexe 6 – Analyse SWOT
Forces Faiblesses
- Intérêt manifesté par les autorités
politiques/ financières et par les
pararégionaux
- Forte présence de la communauté
musulmane et concentration dans
les grands centres urbains
- Réseau d’expertises diverses
familiarisées à la finance islamique y
compris au sein des banques
traditionnelles
- Création de nouveaux métiers
- Statut de Bruxelles en tant que
capitale de l’Europe
- Place de Bruxelles membre du
réseau Euronext
- Modifications législatives et fiscales
- Crainte des banques liée à l’image
de l’Islam dans les média
- Pas de statistiques officielles sur la
communauté musulmane et ses
besoins financiers
- Expertise des banques à l’étranger
non utilisée sur le plan local
Opportunités Menaces
- Epargne dormante à mobiliser
- Demande croissante des particuliers
et des entrepreneurs
- Renforcement de l’esprit
entrepreneurial
- Existence de relais au sein de la
communauté musulmane
- Contexte favorable aux produits
financiers alternatifs et éthiques
touchant ainsi un public plus large
que les musulmans
- Besoin de liquidités pour financer
les entités fédérées, de grands
travaux d’infrastructure, revitaliser
des secteurs de l’économie et des
quartiers délaissés
- Existence de secteurs de pointe
dans l’économie belge
- Besoin de diversification des
investisseurs du Moyen-Orient et de
l’Asie du Sud-est
- Transferts privés dans les pays
d’origine
- Non-conformité des produits à
l’éthique musulmane
- Européanisation de la finance
islamique et concurrence entre Etats
- Marginalisation de la place boursière
bruxelloise
- migration de la clientèle des
banques traditionnelles vers des
banques étrangères installées en
Belgique

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  • 1. Sous la direction d’Imane Karich La Finance Islamique Quelles Perspectives pour la Belgique ?
  • 2. 2
  • 3. 3 Sommaire Avant-propos......................................................................................................................4 Executive Summary..........................................................................................................6 Introduction........................................................................................................................8 L’ABPM en quelques mots........................................................................................... 10 Le Modèle Financier Islamique................................................................................. 12 Les Modèles de Financement Immobilier Islamique .........................................14 La Finance Islamique en Europe............................................................................... 21 La Finance Islamique en Europe............................................................................... 21 La Belgique....................................................................................................................... 26 Recommandations......................................................................................................... 35 Conclusion........................................................................................................................ 36 Glossaire............................................................................................................................ 37 Acronymes........................................................................................................................ 39 Annexes ............................................................................................................................. 40 Annexe 1 – l’ABPM et la Finance Islamique dans la Presse...............................40 Annexe 2 – Questionnaire Enquête du CEREI – 2003........................................46 Annexe 3 – Conférence et Formation Impact Cooremans – Al Maalya.............47 Annexe 4 – Conférence et Formation ICHEC-Entreprises – ABPM ..................48 Annexe 5 – Questionnaire Enquête ABPM..........................................................49 Annexe 6 – Analyse SWOT....................................................................................50 Tableau 1 - Pôle Finance Islamique de l'ABPM.......................................................11 Tableau 2 - le Contrat de Murabaha ........................................................................15 Tableau 3 - le Contrat d’Ijara....................................................................................17 Tableau 4 - Tableau Comparatif – Crédit Hypothécaire – Conventionnel vs Islamique ...................................................................................................................18 Tableau 5 - Part de Marché de la F.I.........................................................................20 Tableau 6 - Pop. Musulmane en Belg. Source : Boussetta & Bernes : 2007 .........27 Tableau 7 - Taux de Propriété des Ménages par Nationalité - Source : Boussetta & Bernes : 2007.........................................................................................................28
  • 4. 4 Avant-propos La Finance Islamique est devenue aujourd’hui un thème récurrent, voire incontournable, dans un contexte de crise financière globale de laquelle nos économies peinent à sortir. Les efforts en vue d’assainir le système et d’y apporter un nouveau regain de dynamisme ont eu notamment pour effet de pousser les autorités politiques et financières de nombreux pays à explorer en dehors des cadres conventionnels tantôt un regard neuf et éthique, tantôt de nouvelles opportunités pour les banques et les opérateurs financiers. Partie du Moyen-Orient, adoptée par les pays anglo-saxons, vouée à la globalisation, la Finance Islamique et ses attraits ne pouvaient laisser la Belgique en marge de ce mouvement. Différentes expériences de sensibilisation ont été menées par le passé, notamment par le CEREI1 dont le travail pionnier de collecte de données statistiques atteste largement de l’existence d’une demande de produits financiers alternatifs conformes à l’éthique musulmane. C’est dans ce contexte que l’ABPM souhaite renforcer le message à l’attention des dirigeants de notre pays. Ainsi, une première discussion s’est tenue le 7 mai 2009 lors de la table-ronde politique organisée par l’ABPM dans le cadre des élections régionales de Juin 2009. Interrogés sur le sujet, les présidents et vice-présidents des partis démocratiques francophones se sont montrés favorables à la création d’un groupe de travail chargé d’étudier les impacts et les opportunités que représente l’introduction de la finance islamique en Belgique. Dans un deuxième temps, une délégation de l’ABPM a été reçue par le Vice-premier Ministre et Ministre des Finances, Monsieur Didier Reynders, rencontre à l’issue de laquelle le principe de la création d’un groupe de travail a été confirmé au travers d’un communiqué de presse2. Le 21 novembre 2009, une nouvelle délégation est reçue par le Président de la Commission des Finances et du Budget de la Chambre des Représentants, Monsieur François-Xavier de Donnéa. 1 CEREI : Cercle d’Etude et de Recherche en Economie Islamique 2 Voir Annexe 2
  • 5. 5 En avril et en août 2010, l’ABPM est reçue par la CBFA afin d’aborder la possibilité de créer un groupe de travail sur le sujet regroupant les principaux acteurs du secteur bancaire belge. La sensibilisation à l’égard de la finance islamique s’étend également au domaine académique. L’intérêt croissant pour cette matière mène à la création de formations postuniversitaires. Ainsi, Impact-Cooremans et le bureau de consulting Al Maalya ont lancé le 25 octobre 2011 la formation «Les Principes et pratiques de la Finance Islamique». Celle-ci fut précédée par la conférence inaugurale rehaussée par l’allocution Ministre des Finances, Monsieur Didier Reynders3. Au cours de celle-ci, le Ministre a réitéré son soutien à la création du groupe de travail sur le dossier de la finance islamique. L’ABPM et ICHEC Entreprise ont, de même, lancé une formation le 27 octobre 2011, précédée elle aussi par une conférence inaugurale en présence du Professeur Bruno Colmant, ancien Directeur de cabinet du Ministre des Finances et ancien Président de la Bourse de Bruxelles. 3 Voir Annexe 3
  • 6. 6 Executive Summary Après avoir été un secteur marginal reclus dans les pays à majorité musulmane, la Finance Islamique est aujourd’hui dans une phase de globalisation. En Europe, la Grande-Bretagne, la France et le Luxembourg y voient une opportunité unique d’attirer les masses de liquidités gigantesques présentes dans les pays du Golfe mais il s’agit également de répondre aux besoins de financement des populations musulmanes de plus en plus importantes, présentes au sein des tissus socio-économiques tant nationaux que régionaux. Aujourd’hui, la taille du marché de la Finance Islamique est estimée à plus de 700 milliards de dollars et sa croissance est comprise entre 10% et 15% par an. L’implication de la Belgique dans ce processus de globalisation de la Finance Islamique est, à bien des égards, fondamentale : • Ses nombreuses opportunités d’investissement, ses secteurs de pointe, ses infrastructures et son secteur immobilier sous-évalué; • Sa communauté musulmane représente 5 à 6% de sa population caractérisée par un taux de propriété immobilière inférieure à la moyenne nationale (45% contre 80%) et par un dynamisme entrepreneurial supérieur à la moyenne mais cependant largement sous-financé ; • Sa situation au cœur de l’Europe, sa place boursière en constant développement, la présence des institutions européennes à Bruxelles, ses liens, enfin, avec les pays à population majoritairement musulmane. La mise en place d’un cadre favorable au développement de la Finance Islamique sur son territoire devient donc l’étape évidente pour également accueillir une partie non négligeable de ces investissements étrangers (plusieurs dizaines de milliards d’euros le volume accessible en Belgique, dans les dix ans à venir). Emergée au début des années 70, basée sur les principes du partage des profits et des pertes (PPP) et de l’adossement d’actifs, la Finance Islamique induit une relation investisseur-entrepreneur plutôt que prêteur-emprunteur. Ceci ne peut manquer de modifier la manière dont la banque doit s’organiser. Les principales contraintes liées à ce développement sont limitées et citées ci-dessous :
  • 7. 7 • Des contraintes légales et fiscales : qualification des contrats islamiques dans la loi belge, double droit d’enregistrement, fiscalité des marges de profit, facilité de prépaiement, … sont autant de points qui nécessitent une discussion avec les principaux acteurs publics et privés du secteur financier belge, à l’instar des groupes de travail organisés en Grande Bretagne et en France ; • Une contrainte de branding : appelés « islamiques », ces produits pourraient provoquer une barrière mentale et une fausse impression de communautarisme. Bien que ces éléments n’aient posé aucun problème dans les pays voisins tels que le Luxembourg et la France, ils pourraient être contournés facilement, l’appellation « islamique » n’étant pas fondamentale pour le développement des produits. Dépassées ces contraintes, la Finance Islamique doit permettre de satisfaire les nombreux besoins: • de l’Etat et des entités fédérées : notamment par l’émission de Sukuks (obligations auxquelles un actif est adossé) pour le financement de projets d’infrastructure, mais également dans leurs stratégies commerciales à l’égard des pays musulmans ; • du monde de l’entreprise : en diversifiant ses sources de financement, notamment par les transactions de type private equity, et en redynamisant l’activité au sein des tissus économiques et industriels ; • du monde financier et bancaire : en facilitant leurs efforts en terme de recapitalisation et en développant de nouvelles expertises locales; • des citoyens : en particulier ceux de confession musulmane, en attente de solutions alternatives de placements immobiliers et d’investissement. La Finance Islamique est une source de défis, d’opportunités et d’innovation. Encadrée par une gestion prudentielle et efficace, elle peut offrir un cadre propice pour le développement et la croissance économique.
  • 8. 8 Introduction L’objectif de ce dossier est de présenter les opportunités et les défis liés au développement de la Finance Islamique en Belgique. Il s’ouvre, en première partie, sur une présentation de l’Association Belge des Professionnels Musulmans (ABPM) dont l’un des objectifs est de promouvoir auprès des autorités politiques et financières les nombreuses opportunités offertes par la finance islamique au profit de notre économie. L’ABPM a développé une expertise confirmée aussi bien dans les métiers de la finance conventionnelle que dans ceux développés au travers de la finance islamique. Les différentes facettes de cette expertise y sont également détaillées. La partie suivante explique les principes de base de la finance islamique ainsi que les produits et services financiers qui en découlent. Cette partie se focalise essentiellement sur l’idée-force suivante : Si la Finance Islamique possède ses propres codes, elle évoque tout simplement une autre manière de voir la finance, d’entrevoir le financement qu’il soit de nature participative ou basé sur la dette4. Afin d’appréhender la taille du phénomène au niveau global, la troisième partie présente l’évolution et la situation actuelle de la finance islamique au sein des principaux pays européens. Ceci permet en outre de témoigner de l’intérêt croissant dont fait l’objet la finance islamique car l’un des enjeux principaux réside dans la capacité à capter une partie plus ou moins importante des gigantesques ressources financières dont disposent les Etats et les opérateurs du Moyen-Orient. Contrairement à l’idée généralement reçue, la finance islamique n’est pas une finance communautaire entièrement réservée aux consommateurs et investisseurs de confession musulmane. Les produits et les services offerts par la finance islamique sont destinés à tous sans exception tout en tenant compte de certaines spécificités liées à l’éthique musulmane. Cependant, il nous apparait utile de présenter quelques données qualitatives et quantitatives sur la présence de l’Islam et des musulmans en Belgique afin de mieux saisir l’importance du phénomène et de sa portée. C’est l’objectif de la quatrième partie du dossier. 4 BOUSLAMA G., La finance islamique : une récente histoire avec la France, une longue histoire avec ses banques, Workshop: “International Islamic Finance in Europe: from niche to mainstream”, European Research Group “Money, Banking & Finance”, Financial and Monetary European Integration Group, Lille, 20 février 2009
  • 9. 9 En tant que finance alternative, la finance islamique s’inscrit dans un marché en plein essor, dont la taille globale est estimée à plus de 700 milliards de dollars et dont la croissance est comprise entre 10% et 15% par an. La dernière partie de ce dossier démontrera les nombreuses opportunités pour la création et le développement des entreprises, le financement des besoins des particuliers et des investisseurs (privés, publics et institutionnels) ainsi que l’assainissement du secteur financier et l’amélioration de l’offre bancaire.
  • 10. 10 L’ABPM en quelques mots Créée en 2007, l’Association Belge des Professionnels Musulmans (ABPM) poursuit entre autres les objectifs suivants : • Favoriser les synergies entre professionnels issus de la communauté musulmane de Belgique ; • Contribuer à leur développement au bénéfice de la société ; • Développer et promouvoir une éthique dans le champ professionnel ; • Valoriser le rôle de la communauté musulmane dans la société. L’ABPM s’adresse aux cadres en entreprises, les personnes exerçant une profession libérale, les entrepreneurs que comprend la communauté musulmane de Belgique. Parmi les services qu’elle propose à ses membres, L’ABPM organise des évènements de mise en relation d’affaires et de networking, développe des programmes de formations et des séminaires, coordonne des actions destinées à améliorer la mobilité sociale des plus jeunes générations issues des quartiers populaires. Afin de lui permettre de remplir efficacement sa mission, l’ABPM a noué des partenariats avec des chefs d’entreprise à l’instar du réseau de coaching Bright Future mais également avec des acteurs institutionnels comme la Fondation Roi Baudouin, Les Jeunes Entreprises, l’Agence Bruxelloise pour l’Entreprise. L’ABPM porte également les revendications de ses membres au niveau des instances politiques et financières du pays. Parmi celles-ci, la nécessité pour les entrepreneurs d’accéder au financement dans des conditions qui soient conformes à leur éthique et ce, afin de démarrer ou développer leur activité professionnelle. La finance islamique répond à ce besoin de financement. Dans ce cadre, l’ABPM poursuit l’objectif d’introduire en Belgique les produits et services financiers conformes à l’éthique musulmane. L’association informe et sensibilise le public et les opérateurs quant aux nombreuses opportunités liées à la finance islamique et fournit l’expertise nécessaire à la modification des textes législatifs et des dispositions fiscales nécessaires à son adoption par notre économie.
  • 11. 11 Composition du pôle « Finance Islamique » au sein de l’ABPM Imane KARICH (Finance Islamique – Gestion des Risques de Marché) Consultante en Finance et Risques de Marché, Présidente de l’ABPM, Experte en Finance Islamique, Auteure d’ouvrages sur le thème dont « Le système financier islamique, De la religion à la banque », Editions Larcier, ainsi que d’articles. Imane Karich est également invitée régulièrement à présenter les différentes facettes du sujet lors de conférences et colloques internationaux. Mohamed BOULIF (Finance Islamique) Consultant en Finance Islamique, Co-fondateur et Administrateur de l’ABPM, Co-fondateur de l’Association for the Development of Islamic Finance (ADIF), Professeur au DU Finance islamique de l’EMS-Université de Strasbourg et à l’Executive Master de Finance Islamique de l’Université Paris-Dauphine, Responsable Scientifique du Certificat Finance Islamique (Impact Cooremans). Marc DESCHAMPS (Finance Islamique – Gouvernance d’Entreprise) Conseiller en Finance Islamique auprès de l’AWEX, Président d’Investructure, Professeur Visiteur à HEC-ULG et à la Solvay Brussels Business School en Finance et en Gouvernance d’Entreprise. Thierry SOTERAS (Gestion des Risques Opérationnels) Chairman du Risk and Control Committee au sein de Citibank Belgium depuis 2004, responsable de missions locales et internationales d’audit et de due diligence (dans le cadre des M&A), Co-fondateur et Administrateur de l’ABPM. Chemseddine BEGA (Fiscalité) Comptable-fiscaliste agréé par l'Institut Professionnel des comptables Fiscalistes. Fondateur et Directeur du Bureau d'Expertise Fiscale (BEFI), spécialisé en Fiscalité Immobilière. Taoufik AMZILE (Gestion des Risques Opérationnels, Activités de Banque d’Investissement) Fondateur et Administrateur d’Ascentis Consulting, spécialisée dans la consultance pour les secteurs de la finance et de l’énergie, Co-fondateur et Administrateur de l’ABPM dont il est le porte-parole. Tableau 1 - Pôle Finance Islamique de l'ABPM
  • 12. 12 Le Modèle Financier Islamique Le système bancaire islamique est aujourd’hui un acteur non négligeable du paysage financier global. Il a émergé sur la scène internationale au début des années 70 et a depuis connu l’apparition de nombreuses institutions financières islamiques (banques, assurances, fonds de placement, …) dont les produits et les services respectent les règles éthiques de l’Islam en matière de gestion financière. Le système de partage des pertes et profits, racine de la Finance Islamique Comme principe de base à son fonctionnement, la finance islamique recherche à rejeter toute source d’enrichissement injustifié. Une de ces sources est le paiement ou la réception d’un taux d’intérêt, puisque l’Islam ne reconnaît à l’argent que deux rôles, celui de moyen d’échange et d’unité de mesure, mais en aucun cas ne lui attribue le rôle de « réserve de valeur » qui pourrait lui-même être monnayé. Par conséquent, le système islamique n’accepte pas le système de crédit traditionnel basé sur une rémunération prédéfinie, l’intérêt, reconnu comme le loyer du capital. Les premiers économistes musulmans ont donc tenté de définir et de construire un système financier parallèle basé sur une finance participative, où l’argent ne se transformerait en capital que lorsqu’il est lié à l’évolution d’une activité économique ou à la valeur d’un bien réel. Sa fructification dépend alors du principe de partage des pertes et profits, principe qui lie le profit d’une transaction à l’aboutissement d’une activité économique. Ce principe va modifier la manière dont la banque va s’organiser : intermédiaire financier entre ses clients investisseurs à son passif et ses clients emprunteurs à son actif, la relation entre ces deux parties va se modifier pour devenir une relation investisseurs-entrepreneurs basée sur le partage des risques et des profits plutôt que sur une marge d’intérêt prédéfinie. Dans ce cadre, la banque islamique va déployer des techniques basées initialement sur des contrats commerciaux et adaptés afin de répondre aux besoins d’investissement et de financement de ses clients. Le fonctionnement même d’une banque islamique est basé sur le contrat de Mudharaba. Par ce contrat, deux parties s’associent au sein d’un projet économique, l’une apportant le capital (Rabb Al Mal), l’autre la gestion (Mudharib) et se partagent le bénéfice éventuel selon le prorata défini à l’initiation du contrat. A son passif, la
  • 13. 13 banque va jouer le rôle de Mudharib et récolter l’épargne de ses clients qu’elle va gérer. A l’actif, elle va jouer le rôle de Rabb Al Mal et investir dans des projets dont l’activité est conforme à la Charia. Le contrat de Mudharaba est également utilisé à l’actif de la banque et est général assimilé aux transactions conventionnelles de « Private Equity ». Un second instrument utilisé par la banque islamique est la Musharaka. A l’instar du contrat de Mudharaba, deux parties s’associent au sein d’un projet économique dont le résultat n’est pas connu à l’avance et se partagent le bénéfice éventuel. Cependant, dans ce présent contrat, les deux parties apportent tant le capital financier que la capacité de gestion du projet. Ces produits sont les bases des pratiques de financement participatif utilisés dans la Finance Islamique et sont généralement appliqués pour le financement de projet ou à d’autres transactions à long terme. Cependant, ils ne peuvent à eux seuls répondre aux besoins de financement. D’autres techniques ont donc été développées, basées originellement sur des contrats commerciaux qui ont été adaptés pour pouvoir répondre à des besoins de financement et d’investissement à plus court terme. Parmi ces produits, on retrouve principalement les contrats de Murabaha et d’Ijara.
  • 14. 14 Les Modèles de Financement Immobilier Islamique Afin d’illustrer au mieux les produits financiers islamiques dans leur application contemporaine, nous présentons ci-dessous les différentes techniques de financement immobilier. Ce choix n’est pas anodin puisque le financement immobilier est de loin de loin le domaine pour lequel le besoin d’alternatives de financement conformes à la Charia est le plus important. Il existe principalement deux méthodes de financement immobilier : Le contrat de Murabaha Le contrat d’ Ijara
  • 15. 15 Le Contrat de Murabaha Le contrat de Murabaha est initialement un simple contrat de vente, où le prix de revient ainsi que la marge bénéficiaire prise par le vendeur sont connus par l’acheteur. Cette technique commerciale a été adaptée afin de pouvoir être appliquée comme instrument de financement. Le schéma ci-dessous donne un aperçu du modèle généralement utilisé par la banque islamique pour financer un bien immobilier Tableau 2 - le Contrat de Murabaha Analyse Comparative La description des étapes de ce financement permet de comprendre les différences qui existent par rapport au contrat de financement conventionnel : • L’objet du contrat entre la banque et le client acheteur est le bien immobilier, alors que dans une transaction hypothécaire conventionnelle, l’objet du contrat est l’argent que la banque prête au client. Cet aspect est fondamental puisqu’il justifie d’un point de vue islamique, comme expliqué ci-dessus, la marge bénéficiaire dégagée par la banque ; • La banque doit devenir propriétaire intermédiaire et porter pendant quelques temps (souvent quelques jours voire quelques heures) le risque commercial. Cependant, la banque se prémunie contre un tel risque par le biais de la promesse d’achat que le client lui accorde au début du contrat;
  • 16. 16 • Afin d’assurer une compétitivité par rapport aux taux immobiliers, il est permis pour une institution financière islamique de prendre comme taux de référence la courbe générale des taux pour fixer la marge bénéficiaire. Principales Remarques 1) L’acquisition et la vente directe d’un bien immobilier impliquent le paiement d’un double droit d’enregistrement, le premier sur le prix d’achat, le second sur le prix de vente (prix d’achat majoré par la marge bénéficiaire) 2) La possibilité de prépaiement tel que prévue par la Loi sur le Crédit Immobilier n’est pas permise dans le cadre d’un contrat de Murabaha : en cas de prépaiement, l’entièreté du prix de vente doit être remboursée (prix d’achat et marge bénéficiaire) contrairement aux trois mois d’intérêt dans le cadre d’un contrat conventionnel. 3) Des pénalités de retard sont possibles en cas de retard mais ne peuvent l’être au bénéfice du créancier. Un processus spécifique est défini dans ce cas.
  • 17. 17 Le Contrat d’IJARA Tableau 3 - le Contrat d’Ijara Analyse comparative 1) Ce contrat est très similaire au contrat de location-crédit (leasing) conventionnel ; 2) Le contrat d’Ijara ne peut mentionner de taux d’intérêt comme c’est le cas pour un contrat conventionnel. Les loyers peuvent cependant être fixés sur base du montant total de financement du bien immobilier, à l’instar d’un crédit hypothécaire conventionnel ; 3) Le transfert de propriété à la fin du contrat ne peut se faire dans le cadre du contrat de location mais doit faire l’objet d’un second contrat de vente distinct. Cependant, une promesse d’achat signée au début du contrat de location confirme la possibilité d’une telle option. Principales remarques 1) Les mêmes remarques en terme de pénalités de retard peuvent s’appliquer dans le cadre de ce contrat ;
  • 18. 18 2) Le contrat d’Ijara est plus flexible que le contrat de Murabaha : les loyers peuvent être variables et un prépaiement est envisageable. En effet, les loyers sont le coût de l’usufruit du bien : en cas de prépaiement, seul le capital doit être remboursé. Le tableau ci-dessous reprend les principales différences entre le crédit hypothécaire conventionnel et les techniques de financement conformes à la Charia Tableau 4 - Tableau Comparatif – Crédit Hypothécaire – Conventionnel vs Islamique
  • 19. 19 Le Marché des capitaux islamiques En termes de levée de fonds, la Finance Islamique n’est également pas en reste : le mode rémunératoire basé sur l’intérêt étant banni, l’ingénierie financière a été et est toujours très actif pour développer des techniques innovantes et en conformité avec la Charia. En matière d’investissement, deux aspects fondamentaux sont à prendre en compte : l’univers d’investissement et le mode de rémunération. A la lumière de ces deux aspects, l’investissement en action est en principe autorisé, étant donné que le fonctionnement d’une action peut être assimilé à un contrat de Mudharaba où ni le capital ni la rémunération ne sont garantis, pour autant que l’univers d’investissement soit conforme à la Charia : sont donc bannis les investissements dans l’industrie du spiritueux, le secteur bancaire, l’industrie de l’armement, … A ce premier filtre, ont été définis d’autres filtres qui vont limiter le champ d’investissement aux sociétés dont le bilan ou l’activité ne sont pas trop dépendantes du financement ou de l’investissement rémunérateur d’intérêt : des ratios sur la dette, les produits d’intérêt, les actifs liquides ont été définies et sont appliqués afin de déterminer le champ d’investissement conforme à la Charia. Sur base de ces règles, les premiers indices boursiers islamiques ont fait leur apparition au début des années 90, parmi eux le Dow Jones Islamic Market (DJIM). Sur base de ces indices, nombreux sont les fonds de placement islamiques qui se sont développés, on en compte actuellement plus de 300. Outre l’investissement en action, le marché des Sukuks a fait son apparition au début des années 2000 et connaît aujourd’hui une croissance florissante : un Sukuk est une technique par laquelle une société va titriser un portefeuille d’actifs, généralement via un SPV, et ainsi transférer les risques et les flux de ces actifs vers les investisseurs. La principale différence avec les produits de titrisation conventionnels réside dans le fait que la transaction reste adossée à l’actif : ceci implique que les investisseurs sont propriétaires de manière indivisibles de ces actifs. Les Sukuks représentent une solution appréciable pour les finances des pouvoirs publics.
  • 20. 20 Le Système Financier Islamique en chiffres La Finance Islamique contemporaine existe depuis un peu plus de 40 ans. Les premières banques islamiques, la Dubai Islamic Bank et la Banque Islamique de Développement, sont apparues dans les années 70. La Finance Islamique connaît depuis un taux de croissance à deux chiffres, les actifs ayant augmenté de 10 à 15% selon les estimations, principalement dans la région du Golfe Persique et de la Malaisie. Aujourd’hui, le total bilantaire des banques islamiques est estimé à plus de 700 milliards de dollars. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la pénétration de la finance islamique au sein des pays à majorité musulmane s’élève seulement en moyenne à 20%, mais les projections prévoient que plus de 50% de l’épargne totale des musulmans sera gérée par des banques islamiques. Tableau 5 - Part de Marché de la F.I.
  • 21. 21 La Finance Islamique en Europe La Finance Islamique connait actuellement un processus d’européanisation. Depuis l’expérience britannique, bon nombre d’Etats européens ont lancé une vaste réflexion sur les opportunités et les obstacles que représenterait l’introduction de la Finance Islamique dans leur système financier conventionnel. Ces efforts associent à des degrés d’implication divers autorités publiques, régulateurs, institutions financières et les milieux académiques. La Grande-Bretagne Bien que la Finance Islamique ait pris son réel essor en Grande Bretagne dans les années 2000, on retrouve des traces de transactions financières conformes à la Charia jusque dans les années 80 sous la forme de Commodities Murabaha, source principale de liquidités pour les entreprises basées au Moyen-Orient. Les premiers produits financiers islamiques à l’égard des particuliers trouvent leur source dans les années 90 mais à une échelle assez restreinte et d’une compétitivité relativement limitée étant donné leur pricing assez désavantageux, principalement due aux contraintes fiscales liées aux produits financiers islamiques. L’essor réel de la Finance Islamique débute lors du discours de Lord Edward Georges en 1995, alors Gouverneur de la Banque d’Angleterre, discours durant lequel il reconnut « le besoin d’introduire la Finance Islamique sur la place de Londres dans le contexte de la tradition britannique d’innovation compétitive ». C’est en 2001 que se forma un groupe de travail présidé par Lord George et composé de représentants de la City et de la communauté musulmane de Grande Bretagne, groupe qui allait dessiner les lignes des premières recommandations qui ont facilité l’implémentation de la Finance Islamique en Grande Bretagne. Sur base des conclusions de ce groupe de travail, qui fut reconduit par Sir Howard Davies, président de la FSA, le Finance Act 2003 implémenta l’annulation du second droit d’enregistrement dans le cadre des produits de Murabaha ainsi que d’autres aménagements légaux et fiscaux. Par la suite, le 10 Août 2004, la Financial Services Authority (FSA) accorde son autorisation à un nouvel établissement bancaire, unique en Europe, l’Islamic Bank of Britain (IBB), la première banque islamique de dépôt britannique. La Grande-Bretagne fait donc figure de pionnière dans le développement de la Finance Islamique en Europe. En tant que place financière de tout premier plan, Londres
  • 22. 22 reconnaît très rapidement l’importance croissante que la Finance Islamique dans l’industrie financière globale. La FSA va autoriser par la suite d’autres institutions à développer des instruments financiers islamiques et accorder de nouvelles licences, notamment à l’European Islamic Investment Bank. En 2007, le UK Finance Bill est émis mettant fin à une situation pénalisante sur le plan fiscal pour les émetteurs de Sukuks, pendant islamique des obligations. Le gouvernement britannique prévoir par ailleurs d’en émettre pour le financement des infrastructures à développer dans le cadre des Jeux Olympiques de 2012. Il existe aujourd’hui en Grande-Bretagne cinq banques, une compagnie d’assurance et un fonds d’investissement offrant exclusivement des produits et services conformes à l’éthique musulmane (Fully Sharia-Compliant). Ces institutions partagent le marché de plus de 2,5 millions de clients musulmans, dont près de 750,000 personnes uniquement pour la ville de Londres, avec dix-sept autres banques conventionnelles ayant développé des services financiers selon le principe de la fenêtre islamique (Islamic Window) La Suisse Les grandes banques conventionnelles de la place genevoise offrent depuis longtemps des services financiers conformes à l’éthique musulmane aux clients fortunés en provenance essentiellement du Moyen-Orient. La Suisse franchit néanmoins en octobre 2006 une étape supplémentaire avec l’agrément accordé par la Commission Fédérale des Banques à la première banque islamique opérant sur la place genevoise, la Faisal Private Bank. La Suisse, qui gère déjà 20 à 30% des quelque 1000 milliards de dollars d’avoirs de la clientèle musulmane à l’échelle mondiale, souhaite continuer ainsi à tenir son rang dans un marché qui se révèle à terme concurrentiel. Le Grand-duché du Luxembourg Le Grand-duché du Luxembourg est une place appréciée par les opérateurs intervenant dans le champ de la Finance Islamique. Nombreuses sont les institutions ayant choisi d’émettre des fonds communs de placements conformes à l’éthique musulmane dans le cadre du droit luxembourgeois. L’histoire de la Finance Islamique au Grand-duché est encore récente mais le pays gagne la confiance du secteur par son caractère ouvert et innovant. En 1983, la
  • 23. 23 première compagnie d’assurance conforme à l’éthique musulmane en Europe est créée au Grand-duché. La bourse du Luxembourg a été également la première en Europe à introduire le marché des Sukuks, dont les premiers sont listés dès l’année 2002. Fin septembre 2008, les 14 Sukuks listés et négociables sur la place luxembourgeoise totalisent une valorisation de plus de 3,8 milliards EUR. A la même période, le pays comptabilise 31 fonds de placements communs conformes à l’éthique musulmane tandis que d’autres sont aujourd’hui en cours de lancement. Les autorités politiques et financières du Grand-duché du Luxembourg, convaincues des opportunités offertes, ont lancé une vaste réflexion et entrepris des actions dont l’objectif de faciliter plus encore l’intégration de la Finance Islamique dans le corpus financier. Ainsi, le Ministre du Trésor et du Budget, Luc Frieden a réuni en avril 2008 au sein d'un groupe de travail les parties les plus intéressées avec pour mission de repérer les obstacles potentiels au développement de la Finance Islamique à Luxembourg ainsi que les pistes de développement futur. Le Gouvernement a également demandé aux autorités fiscales d’examiner les caractéristiques des transactions de la Finance Islamique et de proposer des solutions pour que ces transactions bénéficient d'un traitement fiscal équivalent à celui appliqué aux transactions bancaires et financières traditionnelles. S’agissant des finances publiques, le gouvernement examine actuellement dans quelle mesure les produits de Finance Islamique, comme les Sukuks, pourraient être utilisés pour financer certaines activités du Gouvernement ou des entités publiques. Le Gouvernement a également soutenu la candidature de la Banque centrale du Luxembourg au statut de premier membre associé «non régional» de l’Islamic Financial Services Board (IFSB)5, le régulateur des marchés financiers islamiques. La banque centrale y a d’ailleurs été admise le 23 novembre 2009 lors de la 15ème session du Conseil de l’IFSB. La France Les grandes banques françaises sont déjà présentes depuis quelques années dans le secteur de la Finance Islamique via leurs activités de financement, d’investissement et d’assurance islamique au départ de Londres, du Moyen-Orient ou de la Malaisie. Jusqu’en 2007, la France hexagonale reste en dehors du champ d’intervention des 5 La mission de l’IFSB est de promouvoir et de renforcer la stabilité des services financiers islamiques notamment au travers de l’émission de principes et de standards prudentiels pour l’industrie (www.ifsb.org)
  • 24. 24 opérateurs locaux6. Par contre, les fonds d’investissement islamiques des pays du Golfe ont financé dans le secteur de l’immobilier français par le biais d’opérations de type Murabaha. Le débat sur le développement de la Finance Islamique va marquer une avancée considérable au cours de la période 2007-2009. Dès octobre 2007, un rapport réalisé par la Commission des Finances du Sénat (rapport d’information n°33, 2007-2008) met en évidence la volonté de développer la Finance Islamique en France par le biais d’adaptations juridiques et fiscales. La Commission organise également le 14 mai 2008 une série de tables rondes afin d’étudier les moyens nécessaires pour rendre la place de Paris aussi attrayante que la City de Londres. Lors de la 15ème édition du Forum Paris Europlace7, tenue les 2 et 3 juillet 2008, la Ministre de l’Economie Christine Lagarde annonce que des ajustements fiscaux et réglementaires sont en cours afin de permettre à des opérations de banque et d’assurance islamiques d’être réalisées au départ de la France. D’autres incitants sont annoncés à l’étude afin d’ouvrir la voie à l’émission de Sukuk. En décembre 2008, la direction générale du Trésor précise les aménagements à apporter ayant trait à l’absence de prélèvement à la source, la déductibilité de la rémunération versée par les Sukuk et la neutralité fiscale lors des opérations de Mourabaha. A ce jour, au moins trois demandes d’agrément pour le lancement de banques de financement et d’investissement islamiques en France sont à l’étude : la Qatar Islamic Bank, la Kuwait Finance House et la Al-Baraka Islamic Bank de Bahreïn. Outre les opérateurs du Golfe, le marché français suscite l’intérêt au sein même de l’Union européenne. Ainsi, la Gatehouse Bank est devenue la première banque islamique britannique à intégrer Paris Europlace et à ce titre, participera aux travaux de la Commission Finance Islamique. Cette adhésion est également une déclaration d’intention qui reflète sa perception du marché français et des opportunités qu’il présente, notamment les prestations de conseil en Charia, l’immobilier, la gestion de fortune, la gestion d’actifs, la trésorerie, les marchés de capitaux et les opérations d’investissement hors bilan. 6 A noter toutefois une première expérience d’implantation avec le projet de la Tayssir Bank dont l’annonce est faite en juillet 2006. Ce projet initié par la FS International Partners SA, une société de conseil en investissement dont le siège se trouve à Genève, a pour objectif de créer en France la première banque conforme à l’éthique musulmane destinée aux particuliers. Toutefois, à ce jour, aucune suite ne semble avoir été donnée à ce projet. 7 Paris Europlace est l’organisme chargé de la promotion de la place financière parisienne. Durant les deux dernières années, Paris Europlace a commencé à accorder une importance particulière au secteur de la finance islamique et a établi la Commission de la Finance Islamique en décembre 2007.
  • 25. 25 Les Pays-Bas Juillet 2007, le Ministre des Finances Wouter Bos annonce dans un courrier adressé aux membres du parlement que le gouvernement va se pencher sur les modalités qui permettront d’intégrer la Finance Islamique dans l’économie nationale. En parallèle, le maire d’Amsterdam, Job Cohen, plaide pour l’offre par le secteur bancaire de produits hypothécaires conformes à l’éthique musulmane, permettant ainsi aux citoyens de confession musulmane d’acquérir plus facilement un logement. Depuis, De Nederlandsche Bank, la banque centrale des Pays-Bas, a publié une étude sur les implications réglementaires induites par l’introduction de la Finance Islamique dans l’économie nationale. Les principales préoccupations relèvent de la protection des dépôts des épargnants, lu traitement de la TVA, les risques de crédit, de marché et opérationnel. A ce jour, les transactions financières conformes à l’éthique musulmane restent à un stade marginal, limitées par exemple à des opérations dans l’immobilier. C’est une situation cependant que le Holland Financial Centre, une initiative gouvernementale, tente d’améliorer en promouvant les opportunités que les Pays-Bas peuvent offrir aux capitaux du Golfe. A titre d’illustration, un séminaire organisé conjointement le 11 juin 2009 avec le cabinet d’avocats Loyens & Loeff. L’Allemagne De grandes banques telles que la Deutsche Bank, Dresdner Bank, Commerzbank ou encore la WestLB offrent déjà des produits et services financiers conformes à l’éthique musulmane mais seulement accessible sur la place londonienne ou dans le Golfe. Une étape est franchie en 2004 lorsque le gouvernement de l’Etat de Saxe-Anhalt, fortement endetté, décide d’émettre un Sukuk de 100 millions EUR. Cette opération financière, qualifiée de réussie, n’a pourtant pas eu d’effet d’entrainement faute de soutien du monde politique. Cette émission reste à ce jour la seule réalisée en Allemagne et les transactions sont encore limitées à des projets dans l’immobilier ou sur les marchés de capitaux. Il n’y a à ce jour aucune initiative développée à l’attention des 5 millions de musulmans résidents dans le pays, dont près de 3 millions sont turcs ou d’origine turque. Il est à noter que la communauté turque, pour des raisons interprétatives quant à la question de l’intérêt en Islam, se montrent plutôt indifférents quant au développement de la finance islamique.
  • 26. 26 La Belgique Et la Belgique… ? Aucune offre de finance islamique n’existe aujourd’hui en Belgique, que ce soit pour les entreprises ou les particuliers. Par contre, depuis plusieurs années, des initiatives de sensibilisation aux principes et opportunités pour la Belgique se sont multipliées : Février 2007, le CFA Institute et le Forum de la Banque Nationale de Belgique organisent une conférence de sensibilisation sur le thème de la finance islamique, destinée à un public de banquiers professionnels. En Mai 2007, le CEREI organise un colloque intitulé « La Finance Halal : à quand la Belgique ? » afin d’informer et sensibiliser le grand public. Janvier 2008, Fortis Investment Management (FIM) lance un produit d’investissement commercialisé dans le réseau des agences Fortis Bank, le Fortis Islamic Index, qui se révèlera être un échec en raison de sa non-conformité avec les principes de la finance islamique. Juin 2009, l’ABPM est reçue par le Ministre des Finances qui souhaite créer un groupe de travail chargé d’étudier les impacts et les opportunités liées à la finance islamique. Cette première rencontre donne lieu à une seconde avec le Président de la Commission du Budget et des Finances à la Chambre des Représentants, puis à une troisième à la Commission Bancaire, Financière et des Assurances (CBFA). La principale décision en est la rédaction de ce présent dossier. Novembre 2009, la Chambre de Commerce des pays Arabes-Belgique-Luxembourg organise à Bruxelles sous le haut patronage du Ministre des Finances Monsieur Didier Reynders un colloque dont l’une des thématiques développées par le panel d’invités est la finance islamique et ses opportunités pour l’Europe. Décembre 2009, l’ADIF et IDEFISC organisent une conférence sur la Finance Islamique et ses aspects financiers, juridiques et fiscaux. En parallèle, des para-régionaux montrent un intérêt croissant pour les opportunités liées à la Finance Islamique. Ainsi, l’Agence Wallonne pour l’Exportation (AWEX) crée la fonction de conseiller à la finance islamique avec pour objectif d’inclure celle-ci dans les stratégies d’exportation vers les pays musulmans.
  • 27. 27 Quelle Demande en Belgique ? L’absence d’offre de financement islamique en Belgique pourrait laisser croire une demande inexistante, ce qui serait faux : cette absence peut s’expliquer par différents facteurs liés à l’immigration, au contexte légal et financier, … mais ne peut s’expliquer par l’absence de demande. Celle-ci est démontrée d’abord par l’importance croissante de la population musulmane en Belgique, par le taux de propriété immobilière et la capacité d’investissement de cette population, ensuite par les résultats de plusieurs enquêtes sur la demande en Finance Islamique, présentés ci-dessous. La Population Musulmane en Belgique aujourd’hui et demain La taille de la communauté musulmane en Belgique est estimée entre 450,000 et 500,000 personnes, soit 4% à 5% de la population totale du pays s’élevant à 10,4 millions. Tableau 6 - Pop. Musulmane en Belg. Source : Boussetta & Bernes : 2007 Les statistiques démontrent également que Bruxelles possède un statut particulier : • 39% des Musulmans de Belgique résident à Bruxelles • 17% des Bruxellois sont de confession musulmane • 75% des Bruxellois de confession musulmane8 résident dans seulement 5 communes (Anderlecht, Bruxelles-Ville, Molenbeek, Schaerbeek, Saint-Josse) Ces chiffres ainsi que les projections liées à la croissance démographique font de Bruxelles « une des villes les plus musulmanes du monde occidental »9. 8 Tenant compte du pays d’origine 9 Voir à ce sujet MANÇO, U., KANMAZ, M., « Intégration des musulmans et reconnaissance du culte islamique : un essai de bilan », in Ural Manço, Reconnaissance et discrimination, Présence de l’islam en Europe occidentale et en Amérique du Nord, Paris : L’Harmattan, Coll. « Compétences Interculturelles », 2004. Population Musulmane - Belgique (2007) 4% 96% Population Musulmane Population Totale
  • 28. 28 Le Taux de Propriété parmi la Communauté Musulmane de Belgique L’achat immobilier étant le premier investissement financier des ménages, il est intéressant de comparer la pénétration de ce marché en Belgique : s’agissant des composantes d’origine turque ou marocaine, les taux sont respectivement de 65% et de 30%, comparé à un taux national de 80%. Pour expliquer ces fortes disparités, notamment dans le cas des belges d’origine marocaine, le sociologue Hassan Boussetta admet que la question du prêt hypothécaire classique basé sur la notion de l’intérêt représenterait un frein à l’accès à la propriété : “It is important to note that the question of the interest rate taken out on mortgages may play a role in the housing strategies of Muslims, and probably even more so for Moroccans. The position of Islam vis à vis the charging of interest and usury may be another factor to take into consideration in understanding the housing conditions of Muslims”10 Tableau 7 - Taux de Propriété des Ménages par Nationalité - Source : Boussetta & Bernes : 2007 La capacité d’investissement de la Communauté Musulmane Il est difficile d’obtenir des chiffres exacts en matière de capacité d’investissement, surtout basés sur l’appartenance religieuse. Cependant, il est possible d’extrapoler sur d’autres facteurs, comme l’envoi de devises vers les pays d’origine. Même en considérant que le lien financier entretenu avec les pays d’origine se réduit d’une génération à l’autre, il n’en reste pas moins que les transferts directs privés représentent des sommes considérables. Une analyse détaillée des flux financiers des migrants méditerranéens travaillant en Europe, publiée par la Banque européenne d'investissement, indique que près de 7,1 milliards d’EUR sont transférés « 10 BOUSSETTA H., BERNES L-A., op.cit. p.30 Logement - Taux de Propriété des Ménages 75% 65% 30% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Moyenne Nationale Origine Turque Origine Marocaine
  • 29. 29 officiellement » tous les ans d’Europe vers 8 pays méditerranéens11 (de 12 à 14 milliards, s’il est tenu compte des transferts « informels »). Selon les données d’une autre enquête réalisée par l’Institut National des Statistiques et d’Economie Appliquée (INSEA)12, situé au Maroc, 60% des Marocains résidents à l’étranger (MRE) envoient au Maroc au moins le quart de leur revenu annuel, et plus du tiers de ces migrants transfèrent plus du tiers de leur revenu chaque année. Si le soutien de famille reste un pilier de ces envois, les investissements dans l’immobilier et dans les valeurs mobilières représentent également un poste de transfert important. Les MRE sont ainsi 58% des étrangers qui investissent dans la bourse de Casablanca. Il existe donc au sein des populations musulmanes de Belgique une capacité d’épargne qui pourrait être en partie maintenue et réinjectée dans notre économie si des solutions de placements ou d’investissement immobilier leur sont proposées. Intérêt de la Communauté Musulmane pour la Finance Islamique Au-delà de ces facteurs indicatifs, y a-t-il un réel intérêt de la communauté musulmane pour les produits conformes à l’éthique musulmane ? La réponse est fournie par deux enquêtes réalisées au sein de la communauté musulmane de Belgique. Enquête CEREI La première a été réalisée par le Cercle d’Etude et de Recherche en Economie Islamique en 2003. Sur base du questionnaire diffusé et des réponses récoltées13, voici les principaux résultats : 1. 94% des personnes interrogées déclarent un fort intérêt pour une offre de produits financiers conformes aux principes islamiques. 2. 93% des personnes interrogées déclarent connaître l’interdit de l’intérêt en Islam 3. 84% déclarent être prêt à modifier leur comportement financier afin d’être conformes à leurs principes si une alternative se présente 11 L’Étude sur les transferts de fonds des migrants méditerranéens d’Europe se focalise sur l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et la Turquie 12 Source : Banque Européenne d’Investissement :2008; INSEA : 2008 13 Voir annexe 1
  • 30. 30 Enquête ABPM La seconde enquête a été réalisée en 2008 par l’ABPM à la demande d’une banque active sur la place belge intéressée par les produits d’investissements. Le champ de l’enquête avait été élargi de sorte à inclure également le financement par le leasing. Sur base du questionnaire diffusé en ligne et des réponses récoltées14, voici les principaux résultats : 1. 93% des personnes ayant répondu à l’enquête déclarent être intéressées par les produits d’investissements boursiers conformes à l’éthique musulmane 2. 56% des personnes intéressées par ce type de produit d’investissement en assument le risque potentiel de dévaluation de la valorisation du portefeuille 3. 25% des personnes intéressées souhaitent investir dans ce type de produits un montant supérieur à 5000 EUR. 4. 97% des professionnels ayant répondu à l’enquête déclarent être intéressés par une formule de leasing opérationnel conforme à l’éthique musulmane 5. 98% des professionnels déclarent être disposés à convertir leur contrat de leasing conventionnel en un contrat conforme à leur éthique. 14 Sur une base de 261 réponses valides. Voir le questionnaire en Annexe 2
  • 31. 31 La Finance Islamique: quel intérêt pour la Belgique ? Le chapitre précédent démontre clairement la présence d’une demande et d’un marché de niche encore inexploités sur le territoire belge. A cette demande locale, s’ajoute celle d’une population résidente, généralement aisée et localisée principalement dans la « capitale de l’Europe » qui abrite les ambassades auprès de la Belgique mais aussi auprès de l’Union Européenne. Ces deux populations musulmanes, belge et résidente, sont sensibles, à divers degrés, à la nature « halal » des produits et services qu’elles consomment, de nombreuses personnes allant même jusqu’à se priver de « consommation » si les conditions de respect des règles de la Charia ne sont pas présentes. Ainsi en est-il du recours à l’emprunt hypothécaire conventionnel qui est souvent rejeté par les musulmans, rejet qui explique largement le taux de propriété immobilière particulièrement faible dans leur communauté. Pour les Particuliers Sur base de ces différents éléments, un premier intérêt évident est celui des particuliers, principalement ceux de confession musulmane : une finance compatible avec les préceptes de la Charia devrait rencontrer un franc succès auprès de ces populations : non seulement en substitution à leur consommation de produits financiers conventionnels mais aussi en complément à celle-ci. Outre les emprunts hypothécaires, les cartes de crédit, les crédits à la consommation (achat de voitures, par exemple), les leasings et les assurances sont les produits les plus attendus. A ces produits financiers liés à la consommation devraient être ajoutés des montants liés à l’épargne. Le taux de « contre-migration » de l’épargne des belges musulmans vers leur pays d’origine est en effet significatif. Une partie de ces flux d’épargne serait sans doute fixée en Belgique si elle se voyait offrir des placements compatibles aux préceptes de la Charia. Un même raisonnement s’applique pour les produits liés à l’épargne-pension. Au total, il semble que la consommation des particuliers musulmans, qu’ils soient belges ou résidents, génèrerait un volume suffisant pour retenir l’attention des opérateurs conventionnels en Belgique comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni. Des études récentes, qui pourraient être approfondies tant en termes d’exactitude scientifique que de précision des calculs, évaluent en effet à plusieurs dizaines de milliards d’euros le volume accessible en Belgique, dans les dix ans à venir, aux produits financiers conformes à la Charia.
  • 32. 32 Enfin, la présence d’une offre conforme à la Charia permettrait de lutter contre une forme d’exclusion bancaire, ici volontaire, basée cette fois non plus sur des facteurs socio-économiques mais sur des facteurs d’éthique personnelle. Pour les Entreprises Bien que la demande en produits financiers islamiques à l’égard des particuliers soit la plus importante, les opportunités pour les entreprises ne sont pas en reste. Dans un premier temps, il est important de noter le dynamisme entrepreneurial spécifique dont font preuve les communautés allochtone : le taux d’entrepreneuriat au sein des communautés allochtones est plus important que la moyenne nationale15. De plus, les offres conformes à la Charia en matière de financement d’entreprise sont le plus souvent basées sur des techniques de participation de type ‘venture capital’ (seed capital et start-up financing) adaptées aux spécificités de ces entreprises (Mudharaba et Musharaka). L’offre de tels produits apportera une plus value certaine pour le tissu entrepreneurial belge par les différents aspects décrits ci-dessous : • Les techniques basées sur la participation impliquent une participation plus accrue du créancier qui devient alors un réel partenaire/investisseur et généreront dès lors un meilleur suivi de la gestion des entreprises. Ce point est fondamental dans le cadre des entreprises issues de l’immigration, nombreuses, mais très souvent caractérisées par une taille moyenne, voire petite et un taux de faillite également plus important que la moyenne nationale. Une plus grande implication du créancier en tant qu’investisseur pourrait donc un meilleur suivi et une meilleure gestion et contribuer à diminuer ce taux d’échec. • L’offre de produits participatifs permettra également d’élargir et de diversifier les moyens de financement apportés aux petites et moyennes entreprises, généralement basés principalement sur la dette. • La redynamisation de certains quartiers populaires des grandes villes belges est souvent reprise comme objectif de développement pour la plupart des institutions publiques gestionnaires de ces quartiers : une offre plus adaptée aux entrepreneurs musulmans très souvent présents dans ces quartiers permettra de contribuer à cet objectif de redynamisation. 15 Le taux d’entrepreneuriat dans ces populations est de 15,1% en 2005, alors que la moyenne nationale du taux d’activité entrepreneuriale est de 3,2 %. Source OECD SOPEMI International Migration Outlook 2007 et Rapport du Bureau Fédéral du Plan (2009)
  • 33. 33 • Enfin, comme expliqué ci-dessus, le financement participatif ne peut répondre à tous les besoins de financement d’une entreprise : les techniques de Murabaha et d’Ijara peuvent également répondre à des besoins à plus court terme de financement. Pour la Belgique, ses institutions et son secteur financier La Belgique ne peut rester en marge du processus d’européanisation de la Finance Islamique : après la Grande Bretagne, la France et le Luxembourg y ont vu une opportunité unique d’attirer des liquidités vitales pour leurs économies et ont déployé pour cela ces dernières années des efforts considérables. En effet, aussi bien les Etats que les opérateurs institutionnels que privés souhaitent accueillir une partie des gigantesques ressources en liquidités générées par l’augmentation incessante des cours du pétrole et par l’afflux considérable des pétrodollars dans la région du Golfe. L’épargne disponible était estimée en 2008 à 5000 milliards de dollars. Si la tendance a été de placer ces capitaux auprès des banques anglo-saxonnes, les banques et les fonds souverains du Golfe mais également d’Asie du Sud-est cherchent aujourd’hui à les sécuriser en diversifiant les placements. Compte tenu des capacités d’absorption limitée des bourses des pays du Golfe, l’Europe apparait dès lors comme une destination attrayante pour des capitaux en constante recherche de nouveaux investissements. A l’instar de ses voisins, la Belgique possède de nombreux attraits, qui, complétés avec un cadre favorable à la Finance Islamique, pourraient également lui assurer une part du gâteau. Ensuite, les banques islamiques, contrairement à leurs homologues conventionnelles, ont montré une certaine stabilité et une résistante vigoureuse dans le contexte de la crise financière que nous traversons actuellement. Cela s’est expliqué par leur faible exposition au risque que pourrait engendrer les crédits toxiques. A ce titre, Fernand Grulms, CEO de Luxembourg for Finance, identifie la Finance Islamique comme un concept qui ne se limite pas uniquement au monde arabe mais qui au contraire a des valeurs communes avec les principes d’investissement socialement responsable qui sont de plus en plus appréciés dans les pays occidentaux. Il n’y a cependant pas que les autorités politiques et financières qui s’intéressent à la Finance Islamique. De nombreux domaines d’expertises se spécialisent aujourd’hui sur les questions liées à cette finance. Des formations spécialisées se développent dans les milieux universitaires comme à Paris-Dauphine et l’Université de Strasbourg en France, Impact-Cooremans et ICHEC Entreprise en Belgique. De nouveaux métiers apparaissent et des réseaux européens de professionnels de la consultance, de l’audit et
  • 34. 34 de la gouvernance, de juristes se familiarisent avec les techniques de la Finance Islamique, attirant ainsi des experts hautement qualifiés et permettant à terme la création d’emplois supplémentaires pour les pays d’accueil de ces capitaux. Les grands cabinets comme Ernst&Young, PWC, KPMG ou Deloitte ont tous développé une division dédiée à la Finance Islamique. Enfin, la Finance Islamique ouvrira de nouvelles perspectives pour les stratégies d’exportation vers les pays musulmans, à l’instar des actions de l’AWEX qui a signé un Memorandum of Understanding avec la Banque Islamique de Développement le 26 novembre 2009, permettra également la redynamisation des tissus économiques ou industriels par l’octroi de microcrédits ou l’injection de capital-risque dans des projets entrepreneuriaux et créera un nouvel effet de levier sur la création d’emploi.
  • 35. 35 Recommandations A l’issue de ce dossier dont l’objectif est de résumer les perspectives de la Finance Islamique en Belgique et en Europe, une série de recommandations sont définies ci- dessous, reprenant les principales étapes pour une future implémentation : Recommandation 1 : Une des premières étapes fondamentales dans ce processus, qui s’est avérée indispensable dans les pays où la Finance Islamique est déjà installée, est sans nul doute la sensibilisation du secteur financier au système, ses principes et son fonctionnement. L’investissement qu’une telle implémentation requiert ne permet pas de s’affranchir de cette étape. Concrètement, cette sensibilisation se matérialise par une série de conférences, séminaires, formations et tables rondes réunissant les principaux acteurs du tissu financier et bancaire national. L’ABPM travaille déjà sur cet aspect, par une série régulière d’articles dans la presse, par l’organisation de séminaires, de formations postuniversitaires et de conférences sur le sujet. Ces efforts en ce sens pourraient bénéficier d’un véritable soutien et engagement du gouvernement et des autorités financières en vue de faciliter l’acceptation de la Finance Islamique au sein du secteur financier et de la société dans son ensemble. Recommandation 2 L’adaptation du cadre législatif et fiscal est également nécessaire afin de faciliter le processus et permettre aux produits financiers islamiques de profiter des mêmes règles appliquées aux produits financiers conventionnels. La qualification des contrats islamiques est en ce sens essentielle dans le cadre de l’adaptation du cadre législatif et fiscal. Recommandation 3 Enfin, la mise en place d’un groupe de travail, réunissant institutions représentatives du secteur financier, autorités financières, principales banques ainsi qu’experts en Finance Islamique, permettra de faire des propositions concrètes aux autorités politiques. C’est en effet de cette façon que la Finance Islamique a pu facilement trouver sa place dans d’autres pays européens plus avancés sur le sujet. Cette approche en « top down » permettra également de maîtriser voire de lancer une initiative dont les impacts seront plus facilement contrôlées.
  • 36. 36 Conclusion Ces dernières années, les autorités politiques et financières du pays ont commencé à s’intéresser à la Finance Islamique. Il est vrai que le pays jouit indéniablement d’atouts qui justifient son introduction au sein de notre économie. Le besoin de repositionner les énormes capitaux du Golfe actuellement placés dans le monde anglo-saxon, la crise des subprimes et l’interrogation qu’elle pose en termes de transparence et de contrôle prudentiel, la crise de la dette que traverse l’Eurozone, les stratégies commerciales de la Belgique en direction des pays musulmans sont des éléments géopolitiques qui plaident en ce sens. Par ailleurs, la Finance Islamique n’est pas étrangère pour les acteurs bancaires du pays. Bon nombre d’institutions belges ont développé ou pris des participations dans des activités conformes à l’éthique musulmane. Ainsi Fortis, avant même sa reprise par BNP Paribas, détient une position majoritaire dans la Mayban, institution active dans le secteur de l’assurance islamique (Takaful) en Malaisie. La présence d’une forte communauté musulmane, surtout au sein de la région de Bruxelles-Capitale, présente en outre l’avantage d’offrir une passerelle entre la Belgique et les pays à population majoritairement musulmane. Une relation de type gagnant-gagnant doit se développer en ce sens. D’une part, offrir des services et produits bancaires conformes à l’éthique musulmane à ces citoyens participera encore plus à leur intégration économique. D’autre part, un cadre propice à la Finance Islamique encouragera l’investissement dans nos régions en quête de refinancement et de relance de secteurs entiers de l’économie. Insérée dans un cadre prudentiel strict mais laissant la place à l’innovation des produits et services, la Finance Islamique ne se destine pas à révolutionner en substance le système conventionnel mais à cohabiter en bonne intelligence avec ce dernier. Elle représente une alternative qui répond de manière satisfaisante aux besoins stratégiques des opérateurs tout en maintenant la cohérence globale de notre système financier.
  • 37. 37 Glossaire16 Charia : loi islamique révélée au prophète Mohammed et inscrite dans le Coran. Un produit conforme à la Charia répond aux exigences de la loi islamique. Gharar : incertitude. L’une des trois interdictions fondamentales en finance islamique (avec la Riba et le Maysir). Le Gharar est un concept complexe qui recouvre certains types d’incertitudes ou d’imprévus liés à un contrat. L’interdiction du Gharar sert souvent de fondement aux critiques des pratiques financières classiques telles que la vente à découvert, la spéculation et les produits dérivés. Haram : illégal, illicite. Ijara : contrat de crédit-bail aux termes duquel la banque achète un bien pour un client puis le loue en crédit-bail pour une période déterminée. Ijara-wa-Iqtina : Similaire à l’Ijara, à la différence près que le client a la possibilité d’acheter le bien à la fin du contrat. Istisna (financement progressif) : contrat d’acquisition d’un bien avec paiement progressif du prix au fur et à mesure que le bien est construit. Maysir : jeu d’hasard. L’une des trois interdictions fondamentales en finance islamique (avec la Riba et le Gharar). L’interdiction du Maysir sert souvent de fondement aux critiques des pratiques financières classiques telles que la spéculation, l’assurance traditionnelle et les produits dérivés. Murabaha : forme de crédit qui permet au client d’effectuer un achat sans avoir à contracter un emprunt portant intérêt. La banque achète un bien puis le vend au client en différé. Musharaka : partenariat d’investissement dans lequel les conditions de partage des profits sont prédéfinies et les pertes sont proportionnelles au montant investi ; C’est une forme de capital-investissement. 16 BOUSLAMA Ghassen, La finance islamique : une récente histoire avec la France, une longue histoire avec ses banques, Workshop: “International Islamic Finance in Europe: from niche to mainstream”, European Research Group “Money, Banking & Finance”, Financial and Monetary European Integration Group, Lille, 20 février 2009
  • 38. 38 Riba : l’une des trois interdictions fondamentales en finance islamique (avec le Gharar et le Maysir). Littéralement, augmentation ou ajout. Techniquement, toute augmentation ou tout avantage obtenu par le prêteur et constituant une condition du prêt. Tout taux de rendement sans risque ou «garanti» sur un prêt ou un investissement relève du Riba. Sukuk : similaire à une obligation adossée à un actif, le Sukuk est un billet de trésorerie qui confère à l’investisseur une part de propriété dans un actif sous-jacent et lui assurant un revenu à ce titre. L’entité émettrice doit identifier les actifs existants à vendre aux investisseurs Sukuk, par transfert à une entité ad hoc. Les investisseurs jouissent alors de l’usufruit de ces actifs, au prorata de leur investissement. Ils supportent généralement le risque de crédit de l’émetteur plutôt que le risque réel lié aux actifs détenus par l’entité ad hoc. Les Sukuk peuvent être cotés et notés en fonction du marché cible mais ce n’est pas obligatoire. Les Sukuk sont généralement émis par des entreprises, certaines institutions financières et des Etats (Bahreïn, Malaisie, Pakistan, Saxe-Anhalt…). Takaful : assurance islamique. Prend la forme d’une assurance coopérative avec mise en commun des fonds, selon le principe de l’assistance mutuelle. Dans le système Takaful, les membres sont à la fois assureurs et assurés. L’assurance traditionnelle est interdite dans l’Islam car elle contient plusieurs éléments Haram tels que le Gharar et la Riba.
  • 39. 39 Acronymes ABPM : Association Belge des Professionnels Musulmans ADIF : Association for the Development of the Islamic Finance CEREI: Centre d’Etudes et de Recherches en Economie Islamique CBFA : Commission Bancaire, Financière et des Assurances AWEX : Agence Wallonne pour l‘Exportation
  • 40. 40 Annexes Annexe 1 – l’ABPM et la Finance Islamique dans la Presse 1) Le Soir – Le Qatar achète la banque privée KBL 11/10/2011
  • 41. 41 2) La Libre - Banques islamiques en Belgique: un idéal pour les musulmans 16/08/2010 www.lalibre.be www.abpm.be Banques islamiques en Belgique: un idéal pour les musulmans L'ouverture de banques islamiques en Belgique constitue un idéal pour la population musulmane désireuse d'investir et de financer ses projets tout en respectant la Charia. Pour l'heure, la nécessité est surtout la mise à disposition de produits bancaires islamiques par les banques locales. Vendredi dernier, l'Echo faisait part du désir de l'économiste Mohamed Boulif d'ouvrir des banques islamiques sur le territoire belge. Imane Karich, présidente de l'Association Belge des Professionnels Musulmans (ABPM) qui travaillent en collaboration avec M. Boulif, nous explique les besoins des musulmans en matière de finance. Aujourd'hui, un musulman, comme tout autre belge, a besoin d'acheter une maison, d'investir, de financer son présent et son avenir. Si la plupart des musulmans utilisent les services des banques conventionnelles, certains attendent qu'on leur propose des produits respectueux de la Charia (la loi islamique), explique Imane Karich. Même si la communauté musulmane s'est bien intégrée au reste de la population, leur proposer ces produits ne pourra qu'être un plus. "Devenir propriétaire dans un pays cela signifie que l'on veut s'y installer, choisir dans quel quartier on va habiter, dans quelle école on va mettre ses enfants..." rappelle Mme Karich. La finance islamique respecte la Charia. Les intérêts sont interdits ainsi que l'investissement dans certains secteurs jugés "illicites". C'est un besoin réel pour les entreprises comme pour les particuliers. Dans l'achat d'une maison par exemple, l'objet du contrat c'est la maison et non plus l'argent. De ce fait, la plus-value est faite sur la valeur de la maison et non plus sur la valeur de l'argent. Il s'agit également d'obtenir des crédits exempts d'intérêts considérés comme un péché par la loi islamique. A l'heure actuelle, "les produits ne sont pas viables dans un pays comme la Belgique qui n'a pas la législation adaptée." Il faut donc la revoir, c'est pourquoi l'ABPM a réuni, en avril 2009, les présidents des quatre partis francophones, afin de connaitre leur opinion au sujet de la finance islamique. Les partis se sont montrés favorables à la mise en place d'un groupe de travail pour étudier la question. Le soutien politique est primordial pour que la finance islamique perce en Belgique.
  • 42. 42 Mme Karich avoue croire davantage "en la réussite d'une banque locale qui lancerait ce type de produit plutôt qu'en l'implantation d'une banque islamique" car les besoins des musulmans sont à plus court terme et cela leur serait suffisant. L'implantation d'une banque islamique à part entière constitue plutôt le bout du chemin. Cependant, même pour l'accueil des produits islamiques "il est important de voir si le cadre législatif peut être adapté afin que nous puissions convaincre les banques locales de les accepter." Pour le moment, aucune banque n'a franchi le pas, mais Imane Karich est confiante: "Je pense que les banques belges sont intéressées mais elles attendent chacune que l'autre commence." "C'est un marché de niche que l'on peut comparer au marché du halal qui est devenu très croissant et très prometteur en Belgique et en Europe" poursuit-elle. La stratégie actuelle de l'ABPM est donc de travailler avec les banques locales et les autorités compétentes en la matière. La présidente de l'ABPM rappelle ensuite "qu'une banque dite islamique n'est pas limitée aux clients musulmans. Ses principes de fonctionnement sont basés sur l'Islam mais tout un chacun peut devenir client de cette banque." Ces banques ne serviront donc pas à faire du favoritisme envers la population musulmane. Cela permettra surtout "d'agrandir la palette de produits financiers pour répondre aux besoins de chacun." Tout comme M. Boulif dans l'Echo, Imane Karich nous explique qu'elle croit ce projet et qu'il finira par aboutir même si cela doit prendre des années car revoir le cadre réglementaire est un projet de longue haleine. Source : Site Internet de La Libre (mis en ligne le 16/08/2010) http://www.lalibre.be/economie/finance/article/602861/banques-islamiques-en- belgique-un-ideal-pour-les-musulmans.html
  • 43. 43 3) Le Vif/L’Express - Bientôt des produits financiers 100% halal en Belgique ? 28/05/2010
  • 44. 44
  • 45. 45 4) BELGA - Communiqué de Presse du Ministre des Finances – M. Reynders 03/06/2009 Un groupe de travail sur la Finance Islamique à la Chambre Le ministre des Finances Didier Reynders a proposé mercredi la constitution d'un groupe de travail à la Chambre pour examiner la situation spécifique du secteur financier islamique. M. Reynders a reçu ce mercredi Taoufik Amzile et Ibrahim Soteras, les représentants de l'Association Belge des Professionnels Musulmans (ABPM). A l'issue de cet entretien, il a proposé la mise en place à la Chambre des représentants d'une groupe de travail réunissant des experts de la CBFA, de la Banque Nationale de Belgique, de l'APBM et d'autres acteurs intéressés afin d'établir un état des lieux des dispositions légales qui devraient être modifiées en vue de rendre compatible notre législation aux mécanismes sur lesquels se fondent la finance islamique. Il s'agira en particulier de s'assurer que de tels mécanismes ne sont pas inutilement pénalisés par des dispositions réglementaires ou fiscales et de favoriser le développement des relations financières avec le monde musulman, précise un communiqué du ministre. (Belga)
  • 46. 46 Annexe 2 – Questionnaire Enquête du CEREI – 2003
  • 47. 47 Annexe 3 – Conférence et Formation Impact Cooremans – Al Maalya
  • 48. 48 Annexe 4 – Conférence et Formation ICHEC-Entreprises – ABPM
  • 49. 49 Annexe 5 – Questionnaire Enquête ABPM Questionnaire Finance Islamique Etes-vous intéressé(e) par l'investissement dans des placements boursiers conformes aux règles islamiques ? OUI NON Seriez-vous prêt(e) à investir dans ce type de placement ? OUI NON Dans l'affirmative, quel montant minimum seriez-vous prêt à investir ? Moins de 1000 EUR Entre 1000 et 3000 EUR Entre 3000 et 5000 EUR Plus de 5000 EUR Etes vous prêts à perdre, partiellement ou en totalité, votre mise initiale ? OUI NON En tant que professionnel(le), seriez-vous intéressé(e) par une formule de contrat de leasing conforme aux règles islamiques ? OUI NON Dans le cas où vous avez un contrat de leasing conventionnel en cours, seriez-vous prêt(e) à le convertir en un produit conforme aux règles islamiques ? OUI NON Votre adresse mail*: *Nous vous signalons que l'ABPM veille à respecter la confidentialité des personnes ayant participé à l'enquête et n'utilisera ces résultats qu'à des fins statistiques. Seuls les résultats agglomérés seront utilisés et/ou présentés dans le cadre de cette initiative. Nous vous demandons néanmoins de nous laisser, sans aucune obligation de votre part, votre adresse e-mail à la seule fin de pouvoir vous inviter dans le cas où un produit pourrait être présenté à un public-cible Valider
  • 50. 50 Annexe 6 – Analyse SWOT Forces Faiblesses - Intérêt manifesté par les autorités politiques/ financières et par les pararégionaux - Forte présence de la communauté musulmane et concentration dans les grands centres urbains - Réseau d’expertises diverses familiarisées à la finance islamique y compris au sein des banques traditionnelles - Création de nouveaux métiers - Statut de Bruxelles en tant que capitale de l’Europe - Place de Bruxelles membre du réseau Euronext - Modifications législatives et fiscales - Crainte des banques liée à l’image de l’Islam dans les média - Pas de statistiques officielles sur la communauté musulmane et ses besoins financiers - Expertise des banques à l’étranger non utilisée sur le plan local Opportunités Menaces - Epargne dormante à mobiliser - Demande croissante des particuliers et des entrepreneurs - Renforcement de l’esprit entrepreneurial - Existence de relais au sein de la communauté musulmane - Contexte favorable aux produits financiers alternatifs et éthiques touchant ainsi un public plus large que les musulmans - Besoin de liquidités pour financer les entités fédérées, de grands travaux d’infrastructure, revitaliser des secteurs de l’économie et des quartiers délaissés - Existence de secteurs de pointe dans l’économie belge - Besoin de diversification des investisseurs du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud-est - Transferts privés dans les pays d’origine - Non-conformité des produits à l’éthique musulmane - Européanisation de la finance islamique et concurrence entre Etats - Marginalisation de la place boursière bruxelloise - migration de la clientèle des banques traditionnelles vers des banques étrangères installées en Belgique