2. INCERTAIN REGARD
BP 146
78515.RAMBOUILLET CEDEX
HIVER 2000/2001 Email :incertainregard@chez.com
Site : http: //www.chez.com/incertainregard/
Sommaire : Responsable de la publication : Hervé Martin
Parution semestrielle : ÉTÉ & HIVER
Numéro ISSN 1292 -5934
-Editorial
Un chemin en partage Vos envois peuvent nous parvenir à l’adresse
-Un poète mentionnée ci-dessus. Les textes ne sont pas
Yves Bonnefoy & conservés après lecture ou parution. Merci de
joindre une enveloppe dûment affranchie pour
Début et Fin de la Neige
tout retour des textes.
-Poèmes
Rémi Faye La reproduction des textes n’est pas autorisé
Elmys Garcia Rodriguez sans l’autorisation des auteurs et / ou de la
Michel Gerbal revue.Toute demande de reproduction doit être
envoyée à Incertain Regard qui transmet-
Bernard Grasset
tra.
Maurice
Louis Marie Roussiès
-Un peintre
Üzeyir Lokman ÇAYCI
-Chroniques
-Existe-t-il une poésie féminine?
Lydia Padelec Pour recevoir un numéro d’Incertain Regard il
-Le poète, figure de proue. suffit de faire parvenir une enveloppe A5,
Louis Delorme affranchie à 4,20 frs et libellée au nom et
-Internet et poésie adresse du destinataire.Ceci dans la mesure
-L’Apatride des disponibilités.
Emmanuel Hiriart
-Notes de lectures Les numéros suivants sont disponibles:
L Delorme
E Hiriart Numéro 10 : Paul-Louis Rossi
H Martin Numéro 9 : Atelier
L Padelec Numéro 8 : Guy Goffette
-Revues Numéro 7 : Patrice Delbourg
H Martin
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3. Un chemin en partage Hervé Martin
Comment écrire quand je songe à la somme accumulée d’écrits depuis deux millénaires?
Accumulation de signes, de lettres, de mots, de phrases. Manifestation de traces, de signifiants,
de sens : une traduction du sensible. Comment puis-je écrire aujourd’hui lorsque tant fut écrit ?
Avec sincérité, rage ou plus doctement, par des écrivains, des poètes, des philosophes ou des
scientifiques ?
Comment lire et comment écrire, alors que la vitesse à laquelle nous contraint la société ne
laisse que trop peu de temps au déchiffrement de ce qui se précipite sur nous ? Si les
connaissances actuelles élargissent des espaces nouveaux, chargés d’espoir parfois dans le
domaine des sciences , elles ne sont pas, comme toutes choses, sans contenir en elles un revers:
ces craintes, sur des conséquences irrémédiables qu'elles peuvent entraîner , qui nous alertent.
Plus que la valeur intrinsèque des connaissances, c'est sans doute la faculté d'en user qui importe,
avec la conscience d’une responsabilité et dans un élan qui ne soit pas uniquement motivé par
la "rentabilité immédiate". Si seulement il nous était donné le temps de réfléchir aux
implications que ces connaissances induisent et aux choix, qu'une prudence à leur égard devrait
nous inciter à faire. Mais cette vitesse, excessive, endigue nos possibilités de réaction et nous
engloutit dans sa précipitation. C'est le temps de penser qu'il nous faut préserver. Mais le
pouvons-nous encore, quand celui-ci nécessite bien plus de temps que ne mettent les nouvelles
données technologiques et scientifiques à surgir dans notre société pour en modifier
continûment le paysage ? Alors, nous déchiffrons à la hâte ! Nous semblons revenir à une ère
d'icônes et d'images, portée en triomphe par cette société de l'argent roi. Valeur en elle-même
elle ne peut - seule - contenir toutes les autres. C’est de "Valeurs" dont nous avons besoin, qui
soient de vrais repères pour conduire notre vie.
Alors, constatant cela, plutôt que détourner les yeux pour avancer : se retourner "en Soi". Et
mieux appréhender ce qui est "Hors de Soi" : la vie. Et commencer... Tenter d'écrire ! Comment
? Où débuter, inscrire la première lettre, le premier mot...
“Comment écrire encore avec cette utopie de renaître à soi sous d’autres yeux possibles
? Comment écrire simplement soi, dans ce temps qui s’écoule en nos veines ? Comment
face à ce temps qui avance sur nous, comme une eau, marée infinissante infiniment
montante ? Simplement et rien d’autre, témoin de ces battements, ces palpitations, ces
suées, ces humeurs, ces pliures, "ces marbrures du corps". Simplement et sans arrière-
pensées, face à soi, dans le miroir froid, impassible de sa finitude. La fin de soi. La mort
nommée du corps entier. Sa mort propre.
Ecrire, tout contre soi avec ce miroir glissé au fond de son carnet. N’écrire jamais sans
s’y mirer la face absente, la mort à considérer. Savoir que l’on ne va ni partir, ni dormir,
ni s’évader mais mourir. Le corps se dessécher. Le corps se décomposer, se délabrer,
s’affaisser les os. Se disjoindre. S'égrener en poussière. Savoir cela avec une conscience
vive, pour vivre aujourd’hui simplement dans le flux de nos veines, l’acuité de nos sens et
avec ce sentiment de n’être rien et tout à la fois dans l’instant. Cet état au faîte de vivre, -
Etre - entre les bornes - Naître et Mourir -
Alors écrire ! En n’oubliant pas ce que nous sommes. Ces vivants temporaires, ces passants
goûtants et jouissants des saveurs, aigres ou douces, que procure la vie. Puis en tirer la pulpe et
sans altération, en extraire le suc.
La poésie peut être ce chemin que nous ouvre l'écriture, ce chemin, intime, offert en partage.
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4. LES FLAMBEAUX
Neige
Qui as cessé de donner, qui n’es plus
Celle qui vient mais celle qui attend
En silence, ayant apporté mais sans qu’encore
On ait pris, et pourtant, toute la nuit,
Nous avons aperçu, dans l’embuement
Des vitres parfois même ruisselantes,
Ton étincellement sur la grande table.
Neige, notre chemin,
Immaculé encore, pour aller prendre
Sous les branches courbées et comme attentives
Ces flambeaux, ce qui est, qui ont paru
Un à un, et brûlé, mais semblent s’éteindre
Comme aux yeux du désir quand il accède
Aux biens dont il rêvait (car c’est souvent
Quand tout se dénouerait peut-être, que s’efface
En nous de salle en salle le reflet
Du ciel, dans les miroirs), ô neige, touche
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7. DÉBUT ET FIN
DE LA NEIGE
Suivi de LÀ OÙ RETOMBE LA FLÈCHE
Éditions du MERCVRE DE FRANCE Yves Bonnefoy
L'ouvrage est suivi de Là où retombe la flèche. Seul ici , Début et fin
de la neige, sera l’objet de cette lecture approfondie.
Le livre est composé de cinq parties. L'ensemble La Grande Neige
comporte 15 poèmes et débute le livre. Les autres ensembles forment
eux-mêmes des poèmes à strophes - Les Flambeaux - et - Hopkins
Forest - ou, sont composés de poèmes numérotés -Le tout le rien - et -
La seule rose -
Je remercie Yves Bonnefoy et les éditions du Mercure de France qui ont
autorisé la parution de trois poèmes de Début et Fin de la Neige.
Hervé Martin
omment lire ? "Début et fin de la neige"
ou
"Début et fin De la neige" ?
Dès le titre et tout au long des vers jusqu'aux derniers poèmes, c'est le
processus d'une métamorphose qui opère sous et sur notre regard. La
transformation. - d'une vision réelle - vers ce qu’elle suggère en nous.
Un mouvement : une transformation ?
D’abord, se remémorer la neige...
“Neige : eau congelée dans les hautes régions de l'atmosphère, et qui tombe en
flocons blancs et légers.” précise le dictionnaire.
Quotidienne aux populations des pays nordiques, commune l’hiver aux
montagnards, la neige est l’un des états de l’Eau. Cet élément premier,
indispensable à la vie qui complète l'ensemble Air , Feu , Terre.
La neige est cet état intermédiaire de l’eau dans son passage de l’état liquide
à l’état solide. De l’eau à la glace. De l'a-morphisme à la forme. De la limpidité
à l’immobilité. L'eau dans ces transformations définit un mouvement.
Comment alors ne pas y voir une allégorie du processus poétique ? De ce qui
est senti vers ce qui s’exprime et s’épanouit sur la page. Cette alchimie
poétique, cette transformation qui opère non sous l’influence de la température,
7
8. mais sous celle d’un état singulier à l’être. La poésie est une transmutation de
l’éthéré en vers, verbes, mots, rythmes, sons,...
L’art poétique se déroule dans ce «faire ». Ce processus de création est
“mouvement.”
Plus près de l’image, comment ne pas imaginer la neige, immense champ blanc
au matin, comme un avenir probable de l’enfant ou comme une page,
non-écrite encore, du poète? Comment ne pas voir dans ce drap de lumière,
étendue sous les pieds, l'espérance dressée contre ce ciel gris acier dont la
neige est issue?
Qui n’a tenté ce geste de mettre un pied dans la neige fraîchement tombée de
la nuit ? Et constatant sa trace, vérifier par ce signe la réalité de sa présence.
Vivant ! Oui laisser une trace qu'une neige nouvelle à son tour recouvrira
ou que la température changeante - gel ou redoux - pétrifiera comme ces
glaciers du pôle conservant en eux la mémoire du temps ou effacera dans
la déliquescence. Appréhender ce livre avec en sa mémoire cette inconstance
intrinsèque à la neige. Cet état d’équilibre précaire ou ce qui est immanent
est toujours la désagrégation.
Circonscrire le temps.
La neige - la grande - porte à la méditation, rappelle les souvenirs, exerce la
mémoire :
» en moi l’étoffe du songe »
À la lecture des poèmes le lecteur franchit les barrières qui séparent (mais
où précisément ?) la réalité de l’intime du poète.
"Puis vers le soir, / Le fléau de la lumière s’immobilise./ Les ombres et les
rêves ont le même poids "
La neige est ici prétexte - pré-texte ? - Par sa lumière, cette méditation
qu’elle suscite, la neige a pouvoir d’éclaircir ce sombre en nous. Cet
incompris, le mystère du monde auquel chaque être est confronté.
« qui s’intéresse à nous dans la mémoire »
Sa vision seule a pouvoir d’interroger la mémoire, chercher sens à
l’existence, éprouver le temps qui passe, qui est passé.
« Cinq heures. La neige encore. J’entends des voix / A l’avant du monde. «
Ce temps, Yves Bonnefoy tente de le saisir , de l'immobiliser, de le
circonscrire.
" De mon passé, de ces jours d’à présent, / Un instant simplement : cet instant-
ci, sans bornes. /"
Cette préoccupation de la matérialisation du temps habite d’autres vers encore.
Mais comment saisir et matérialiser le temps ?
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9. "A ce flocon / Qui sur ma main se pose, j’ai désir / D’assurer l’éternel / "
Peut-être par un changement d'état, un signe ? Si le vieillissement illustre cette
matérialisation à l'échelle d'une vie, à celle plus macroscopique de l'instant, c'est
la neige qui œuvre par son changement d'état sous l'influence des températures.
" Il voit / Des gouttes se former là où il cesse / d’en pousser la buée vers un
ciel qui tombe / "
La buée du souffle sur le froid du verre se change en eau ; Sous la chaleur de la
peau, le flocon devient gouttes d'eau ; Et ce souffle dans l'air ?
" Brume des corps qui vont dans la neige."
Respirations des corps ? Ils nous consument mais nous vivons par eux.
C'est un mouvement incessant qui naît dans ces poèmes. De la neige vers
l'eau mais aussi de la réalité au songe, du présent aux souvenirs, de la vision
au rêve. Les lecteurs que nous sommes sont transportés par ces
mouvements, ces déplacements qui franchissent les frontières des sens.
La grande neige est peut être cette vie possible. Cette espérance vive, ce lieu
vierge du lendemain où chacun pourrait tracer le chemin rêvé des ses pas.
Flambeaux, mots, flocons ou comment nommer le désir.
Si la neige, tapis vierge à nos pieds révèle toutes les espérances, la joie dans les
yeux de l’enfant, la neige peut aussi être
« celle qui attend. «
Qui nous attend ? Celle qui nous appelle vers les flambeaux qui réchauffent
ces flocons, effaçant avec eux tout ce qui fut possible? Flocons qui tissèrent
cette étendue vierge, - Avenir - ouvrant ses espaces infinis aux jeunes gens.
Les - flambeaux espérances - : Désir(s) ? qui nous tirent, nous entraînent dans
la vie. La neige seule, paradoxalement, semble pouvoir les ranimer et les
entretenir :
« ô neige, touche / Encore ces flambeaux, renflamme-les »
Mais peut aussi les éteindre :
« de tes flocons qui déjà les assaillent »
lit-on deux vers plus loin.
Ici, tout paraît s’entremêler : le feu du flambeau, le froid de la neige, les mots
des vers qui sont ici flocons :
»Nos mots ne cherchent plus les autres mots mais les avoisinent / Passent auprès
d’eux simplement, / Et si un en a frôlé un, et s’ils s’unissent / Ce ne sera
qu ’encore ta lumière, / Notre brièveté qui se dissémine, / L’écriture qui se
dissipe, sa tâche faite. »
Comment ne pas rapprocher ces vers de ceux du poème DE NATURA RERUM ?
« Et parfois deux flocons / se rencontrent, s’unissent / Ou bien l’un se détourne,
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10. gracieusement / Dans son peu de mort «
Et si tout paraît mêlé c’est que le désir qui nous anime est bien confus
aussi, constitué de tant d’agrégats dont nous ne connaissons la nature exacte.
Confus car atteint, l'objet du désir s'efface dans l'instant. L'espoir, ne résidant
désormais que dans le report - Ailleurs - de cet objet. La confusion, se love
dans ce schisme, car la quintessence du désir ne réside pas dans l'objet qui
l'illustre, mais bien dans le mouvement initié pour l'atteindre. La poésie
jouerait-elle ce rôle ?
Hopkins Forest ou le désir renaissant.
Du ciel au livre, du signe aux lettres, du signifiant à la neige, du songe à la
réalité ou du mystère à la révélation : c’est la métamorphose qui dans ce poème
est à l’œuvre. Changements de registre du sens, cheminement et pérégrination
de la pensée : Hopkins Forest, vaste territoire naturel situé en Nouvelle-
Angleterre et réputé pour ses espaces enneigés l’hiver est désigné comme le lieu
de “passage” :
« du visible pour l’invisible » ;
de notre réalité vers : « Tout l’autre ciel ».
Ce lieu, espace de cette grande neige pourrait dès lors réunifier ce qui est par
nature inconciliable. Ce passage serait-il en - l'état poétique - ? . Cette ferveur
d’incarner par des mots l'éther de nos désirs.
Le Tout, le Rien.
"Te soit la grande neige le tout, le rien "
Une saison passe. Un cycle s'achève. Une métamorphose est à nouveau à
l'œuvre. Et le travail de la neige, - l'écriture ? -, - la parole poétique?- ,va faire
place à une saison plus claire. L'éclaircissement par la parole :
"Puisque, hier, ce n'était encore que des tâches / de couleur, plaisirs brefs,
craintes, chagrins / Inconsistants, faute de la parole./
Cette parole qui transforme l'inquiétude et la peur en un cri clair de joie. Un rire
"méditable". Vivre ! Oui. Pas uniquement dans le - désir - de vivre, mais - Etre-,
simplement dans chaque instant qui s'écoule. Tenter d'abroger le désir pour
vivre un présent immédiat.
" …Une façon de prendre, qui serait / De cesser d'être soi dans l'acte de
prendre, …/ "
"…Sinon tu ne dénommerais qu'au prix de perdre. …/"
" Mais écrire n'est pas avoir, ce n'est pas être, /…"
Ces trois vers extraits du poème - LE TOUT LE RIEN - illustrent , à mes
yeux , l'achoppement du poète à lui-même, au désir qui le guide.
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11. La seule rose : la vie seule ?
Dans cette dernière partie du livre la neige à nouveau envahit. Les souvenirs
réapparaissent. L'enfance… une ville imaginaire aux rues vides… où apparaît,
avec ses figures de la renaissance italienne, Alberti , San Gallo, Brunelleschi :
l'Architecture. L’art éblouissant de ces artistes qui
".. ,ont approché / De cette perfection, de cette absence. / "
La beauté est alors sans nom. Elle transcende l'apparence. Elle polarise en elle
tous les désirs mêlés dans un état de confusion des sens et du plaisir :
"Et soudain c'est le pré de mes dix ans, /Les abeilles bourdonnent, / Ce que j'ai
dans mes mains, ces fleurs, ces ombres, / Est-ce presque du miel, est-ce de la
neige ? ../ "
Un état poétique au faîte de sa plénitude d'où le poète s'extirpe pour adresser
les derniers vers de ce poème à ceux, dont la perfection en leur art, a guidé les
pas et la vision du poète.
"...Ô mes amis, / Alberti, Brunelleschi, San Gallo, / Palladio qui fais signe de
l'autre rive, / Je ne vous trahis pas, cependant, j'avance, / La forme la plus pure
reste celle / Qu'a pénétrée la brume qui s'efface, / La neige piétinée est la seule
rose. / "
Vivre : une contemplation active.
Qui, voyant voleter les flocons de neige dans un ciel d’hiver, n’a pas été
plongé un instant par cette vision dans un état de contemplation ? Pour s’en
sortir brusquement, quelques instants plus tard happé à nouveau par les
occupations de la vie quotidienne. Le poète, plus que de s’en défaire
entretient ce moment. Il le maintient en lui et tente d’en extraire la sève. Le
miel ? Ainsi une vision bien réelle de notre monde l’élève à un état poétique
qui le conduit plus loin encore, à cette traduction qu’il nous en donne avec
des vers et des poèmes. Porté par ces poèmes le lecteur passe de la réalité
au souvenir, du souvenir à l’espérance, du passé au présent. Au delà de la
métaphore, c’est la métamorphose qui est au cœur de cette poésie.
Mais la poésie, n'est-ce pas cela ? Cette traduction permanente de soi-même et
du monde, dans un mouvement continuel de la transformation.
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12. Yves Bonnefoy
Principaux livres de poésie :
Du mouvement et de l’immobilité de Douve 1953, Mercure de France
Hier régnant désert 1958, Mercure de France
Anti-Platon 1962, Galerie Maeght
Pierre écrite 1964, Mercure de France
Dans le leurre du seuil 1975, Mercure de France
Poèmes (1947-1975) 1978, (coll. Poèsie/ Gallimard,1982)
Mercure de France
L’Origine du langage 1980, Monument Press
Par où la terre finit 1985, Marchant Ducel
Sur de grands cercles de pierre 1986, Thierry Bouchard
Pierre écrite, 1965, Mercure de France
Dans le leurre du seuil 1975, Mercure de France
Ce qui fut sans lumière 1987, Mercure de France
Les Raisins de Zeuxis 1987, Monument Press
Là où retombe la flèche 1988, Mercure de France
Encore les raisins de Zeuxis 1990 Monument Press
Début et fin de la neige 1991, Mercure de France
La vie errante 1993 Mercure de France
La pluie d’été 1999 La Sétérée
Keats et Leopardi Avril 2000 , Mercure de France
12
13. Rémi Faye
alors naître comme d’un trait le fleuve
naître d’oubli d’infinis avec mon corps létal
la lampe fait l’arbre entre moi et la nuit
dans l’angle mort tous ces gestes
qui se perdent plus lents et nos vies
ont cette douce patience d’hiver
toujours naître dans tes gestes dans ce corps à la limite
de la nuit ce corps qui est la nuit naître avec cette lenteur
mêlée de souffle et de voix avec ces gestes patients ces
gestes de femme qui coulent comme des huiles naître comme
on apprend le corps le fruit ouvert et l’oubli avec cette patience
du fleuve et de l’hiver naître d’avoir enfreint la mort
Poèmes 13
14. Rémi Faye
ce serait
comme une rue déserte
ces mots de dernière minute
sur les pas des portes
tous ces bruits de transistors
ces mots que tu dis c’est
comme un hiver tranquille
un soir de village
après la pluie
encore un instant
arrêté comme un dessin
le vent inerte
juste l’empreinte du vertige
Poèmes 14
15. Rémi Faye
je vous demande tant d’heures
tant de mots et de fêtes
de chemins de serpents dans les collines
comme si le sommeil
venait dans nos voix
avec ses chiens de fusées
comme si toutes les nuits
tombaient d’un seul coup
comme si mes jours
pliaient sous le poids
de la pluie
et tout ce silence qui monte
jusqu'à nos yeux
Le prix Max-Pol Fouchet 2000 a été attribué à Rémi Faye pour
son livre “Fièvre blanche” édité au Castor Astral. Il nous offre
ici trois poèmes inédits, extraits d’un recueil en cours d’écri-
Poèmes 15
16. Elmys Garcia Rodriguez
Conversation avec Vallejo
Vallejo,
je sais que tu n'es pas comme ces poètes
qui s'installent
dans un hôtel “ cinq étoiles ”
tu m'invites
dans le quartier le plus latin de Paris
tes petits gestes
me font me sentir importante
ce matin où je me suis levée
avec l'envie de mourir
en voyant la pluie pénétrer
par le toit de ma chambre.
Dis moi peux-tu
me promener à ton bras
sur les Champs élysées
pour découvrir Notre Dame de Paris
Dis-moi si tu viens
me combler de questions.
Tu m'invites à prendre un café
n'oublie pas
Paul Eluard doit être en train d'attendre
ponctuel comme tous les jeudis,
il y a quelque chose que je dois te dire
j'ai déjeuné tôt, nous resterons une demie-heure
je sortirai dans la rue
pour chercher un lys à ta mémoire.
Ce sont tes petits gestes Vallejo
qui me font me sentir différente.
Poèmes 16
17. Elmys Garcia Rodriguez
Conversacion con Vallejo
Vallejo,
sé que no eres como aquellos poetas
que se hospedan
en un hotel " Cinco Estrellas "
tù me invitas
al barrio mas latino de Paris,
estas cosas tuyas
me hacen sentir importante
este dia que amaneci
con ganas de morirme,
al ver la lluvia penetrar
por el techo de mi cuarto.
Avisame si puedes
llevarme de tu brazo
por la Avenida de los Campos Elíseos
a conocer nuestra Senora de Paris,
avisame si vienes
a llenarme de preguntas.
Me invitas a un café
ten presente
Paul Eluard debe estar esperando
puntual como cada jueves,
hay algo que debo decirte
desayuné temprano, estaremos media hora en la tertulia
saldré a la calle
a buscar un lirio para tu recuerdo.
Son estas cosas tuyas Vallejo,
las que me hacen sentir diferente.
Poèmes 17
18. Elmys Garcia Rodriguez
La ville,
les paroles, le vers qui te nomme
Ma mère
tricote l'urgence de ses jours
mon cri de guerre c'est t'attendre
attendre tes mains
qui piègent mes désirs,
en regardant mon corps étendu
comme une carte au milieu de la nuit,
dans mon Journal de bord
j'ai noté la date de ton retour,
je me propose
de te libérer des questions
il n'y a pas de pire exil
que celui que nous portons en nous,
mon univers
c'est le lit où je dors,
je ne respecte pas assez les coutumes.
Si cette ville
pouvait se changer en Buenos aires
assurément à présent je serai
avec l'homme qui rêve de dessiner mes hanches,
les paroles,
le vers qui te nomme.
Ma ville n'a rien
à envier à la tienne,
c'est comme ça les jours
ne cessent d'être interminables,
Poèmes 18
19. Elmys Garcia Rodriguez
tu me demandes un peu plus de poésie
pour alléger mes plaintes.
On entend les cris de ma mère,
le petit déjeuner m'attend,
le petit déjeuner froid qu'elle m'offre
tous les jours
de la semaine et du mois,
ma mère veut nous mener
à sa folie sans cœur, hystérique
je ne sais comment mon père peut la supporter
quand sa voix résonne dans toute la maison.
Elle tricote toujours
l'urgence de ses jours,
je prépare les chambres
pour ton retour.
Elmys Garcia Rodriguez est Cubaine. Ces poèmes
, dont une version bilingue est proposée , ont été
traduits par Emmanuel Hiriart.
Poèmes 19
20. Michel Gerbal
A Grand-Champs, Morbihan,
je me jette sur un lit trop épais
la fille vient s'accoucher près de moi
je roule une heure et deux et demi avec ses seins de poire sur ma poitrine
ses hanches dedans mes mains comme des pirogues
on se suçote baisote tout c'qui fait hic et tout ce qui fait hoc de même
on s'aspire se suçonne se mastique se malaxe se pinçotte
on se gymnastique d'ahan et devers darrière et davant
on se tripote et se dépote et barbotte barbouille et débarbouille
on se tire les bouts et bouche les trous
on s'visse on s'dévisse on s'revisse on s'
niche et on s'déniche on s'mouche la chandelle
on s'souffle on s'gonfle on s'pèse on s'ridérire
on s'phonème on s'bégaye on s'aphasit on s'aplatit on se berce
dans le lit de sa grand-mère à Grand-champs qui est morte là
ce pour quoi la fille après le discours ne veut pas y rester
et j'y reste seul avec l'odeur de ses organes à plaisir
comme unique chanson et seul souvenir
objet transitionnel des jeunes de bonne famille
Poèmes 20
21. Michel Gerbal
Et un matin entre les champs de pommes et les vignes ah! combien ai-je couru
portant la charge d'un surprenant orgueil
un désespoir merveilleux et privé courrait à mon côté
j'ai rempli son sourire torve de pommes ramassées
et nous les avons lentement mangées en chemin
laissant autour du trognon beaucoup de viande rouge
que nous semions sur le chemin du retour à
ailleurs
pour amicalement les partager avec les oiseaux et les fourmis
et pour manifester notre plénitude et notre joie de vivre
et les vents de la mer
poussaient à Courson mon cortège de péniches
la procession des visages pèlerins entre les draps errants
Poèmes 21
22. Michel Gerbal
Et c'était, en allant, en chantant, enrouté par la campagne,
lorsque j'ai demandé mon chemin,
juste pour demander mon chemin,
et non parce que réellement je cherchais
quelque chose qui fût mon chemin.
Le ciel était délayé,
répandu, profond, sans volume.
Quelque part près de Courson.
(j'ai oublié les noms de ces villages,
et même je n'ai jamais connu les noms de ces hommes et de ces femmes:
puisqu'aucune cruauté, je crois, aucune jalousie ne nous a jamais uni,
peut-être ils sont morts, et peut-être c'est moi,
et peut-être ça n'a aucune importance
pour cette sorte de poème-là.)
( le ciel bleu et blanc, c'est important. )
Ces trois poèmes sont extraits de l’ensemble Eldorado
Poèmes 22
23. Bernard Grasset
La lune revêt les oliviers
Au-dessus du lac endormi
Que traversent des barques
Halant l’impossible.
Le temps n’est pas encore
Aux cantilènes, à la pluie
L’âcre blessure
N’a pas livré son aurore.
Sur l’île un anneau
D’embrun et d’étoiles
Forgé par le vent
Souligne le sable.
Poèmes 23
24. Bernard Grasset
Le soleil sur la terrasse,
Des enfants qui accourent
Criant le long des ruelles,
Un livre s’ouvre, se referme.
A l’établi, inaperçu,
Le menuisier travaillera.
Un appel des collines,
L’herbe et le rocher,
Le vent transmue les palmes
En refrain étranger.
Poèmes 24
25. Bernard Grasset
Une flûte éveille les coteaux
Où l’hirondelle passe,
Des hommes se serrent la main
Avant de disparaître.
Voix douloureuses
Comme cep de vigne,
Voix cristallines
Qui chantez sur le seuil.
Les peupliers ondulent
Sous les nuages,
Tout devient possible
A l’aune éternelle.
(J.-S. Bach)
Les poèmes sont extraits des ensembles “ La porte du jour 3”
et “ Récits 3 “
Poèmes 25
27. Maurice
- Mais si tu savais pourquoi j'ai crié,
O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
Mais si tu savais, j'ai crié !
- C'était un étang, mon fils, et rien d'autre,
O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
Un étang, mon fils, et rien d'autre.
- Mère, mère, mère, il était tout rouge,
O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
Rouge, rouge, il était tout rouge !
- Un jardin sur l'eau, pivoines ou roses,
O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
Ou pivoines sur l'eau ou roses.
- J'avais soif, si soif, j'ai tendu la bouche,
O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
Et j'ai hurlé, la bouche en sang !
- Mon fils, mon fils, rien n'était rien, sois sage,
O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
Rien n'était rien, dors et sois sage.
- Comment dormir, mère, le corps me tire,
O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
Comment dormir, le corps me tire !
Poèmes 27
29. Louis-Marie Roussiès
LUMIERE SUR LE SABLE
En cette fin d’été
le soleil généreux inonde la plage.
Les estivants offrent leur peau dorée aux doux rayons.
Assis sur un rocher, les pieds dans l’eau
le bruit d’un clapotis se transforme en un chant.
La lumière chauffe le rivage.
La vie fonctionne toute seule, belle et sublime
comme l’immensité de la mer colorée.
L’île au loin offre un pied à terre.
Les oiseaux se lâchent dans l’air pour une farandole subtile .
Les enfants hurlent leur joie près du rivage
tandis que l’amoureuse sent encore plus près
le corps de son amant.
La lumière est là tranquille comme à son premier jour.
Chacun a pris son rêve, ses pensées familières ou bien a tout offert.
Le sable doré est donné comme un grand lit.
En moi, j’entends un bruit, tel un murmure de mots.
Quel est ce trait léger qui vient sous la clarté
et qui nous suffira, pour continuer d’aimer
sur l’océan du monde où baignent nos pensées?
Poèmes 29
30. Louis-Marie Roussiès
Temps - présent
Le temps-présent m’accueille en marchant.
Avec lui je regarde le chemin de terre,
le champ verdi par le blé naissant
et le bois qui se prépare au printemps.
Le pré de mon enfance vient me toucher.
Les pas sous mon corps
se succèdent sans efforts.
TOUT EST MAINTENANT!
Poèmes 30
31. Louis-Marie Roussiès
TEMPÊTE
L’emprise brutale du vent
roule l’eau
sur la mer en furie
La vague gronde et se relève
éclaboussant l’air et le rocher
de violentes gerbes étincellées
Les éléments humides et forts
occupent l’immense espace obscur
comme un début de monde.
Poèmes 31
32. Louis-Marie Roussiès
Petit matin
Un épais silence
habite les quelques bruits naissants.
Les formes se découvrent peu à peu
de leurs habits de nuit.
Tout se regarde.
Quelques feuilles se laissent bouger
tandis que l’oiseau étouffe son
premier cri.
La rose retrouve sa couleur.
Le monde hésite entre l’ombre et
l’innocence
et puis tout recommence dans la
lumière...
Poèmes 32
33. Üzeyir Lokman ÇAYCI est peintre et poète . Né à Bor en
Turquie , il vit actuellement à Mantes La Ville dans les Yve-
lines. Il nous présente, ici et aux pages suivantes, trois
dessins à la plume.
33
34. Existe-t-il une poésie féminine?
Lydia Padellec
" Quand sera brisé l'infini servage de la femme,
quand elle vivra pour elle, et par elle, l ‘homme,
jusque' ici abominable, — lui ayant donné son renvoi,
elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l‘inconnu!
- Ses mondes d‘idées différeront-ils des nôtres ?-…" Arthur RIMBAUD
Parler de poésie féminine, c’est poser le problème du genre : or, nous savons
tous que le masculin n’est pas uniquement le masculin, mais aussi le général. Il y
aurait donc le général et le féminin. Une particularité. La poésie féminine serait en
quelque sorte “marginalisée”, davantage considérée comme un instrument de combat
pour une “cause féminine”. Il faut dire que les poétesses ont été peu nombreuses
dans l’histoire de la poésie française : Marie de France, Louise Labé, Marceline
Desbordes-Valmore, Anna de Noailles, - pour ne citer que les plus connues c’est-à-
dire celles que l’on étudie à l’école -; peu nombreuses aussi dans les anthologies. Les
poètes-femmes (que l’on préfère au terme vieilli de poétesse”) seraient-elles donc
des écrivains minoritaires ? Ce sont pourtant elles qui écrivent et lisent le plus de
poésie, mais qui sont les moins publiées par les grandes maisons d’édition; peu de
femmes dirigent des collections de poésie, des revues, tiennent une rubrique de
poésie, ou encore se trouvent à la tête d’une maison d’édition.
1
Dans l’anthologie Poésies en France depuis 1960 - 29 Femmes Liliane
Giraudon et Henri Deluy constatent une émergence de nombreuses femmes dans
l’écriture poétique depuis les années 60. Mais c’est surtout depuis une ou deux
décennies que les femmes s’expriment de plus en plus. En effet, les mentalités et la
société en général ont évolué : les femmes ne se contentent plus d’être des épouses,
des amantes ou des mères; elles ont un métier et davantage de responsabilités, elles
ont leur mot à dire. Certaines sont professeurs, universitaires (Esther Tellermann,
Marie-Claire Bancquart, Jacqueline Risset), d’autres sont encore préfètes, pilotes,
chefs d’entreprise, médecins, avocates (Jacqueline Frédérie Frié).
Par ailleurs, y a -t-il des sujets poétiques spécifiquement féminin ? Jean Orizet,
dans l’introduction au dossier consacré aux “femmes et la poésie” de la revue Poésie 1
2
Vagabondage remarque que le veuvage (" chanté” par Christine de Pisan au XIVè
siècle), ainsi que le bonheur et le malheur conjugal étaient “affaires” de femmes jusqu’à
la fin du XIXè siècle ! Bien sûr, l’expérience de la maternité reste, avec l’amour
maternel, un thème qui perdure de siècle en siècle. Mais tout comme la femme, la poésie
34
35. féminine connaît de nombreuses mutations : les sujets rejoignent dorénavant les mêmes
préoccupations que les poètes-hommes, avec prises de positions intellectuelles ou / et
philosophiques: la femme, comme l’homme, redoute la fuite du temps et la mort, et
éprouve de façon aiguë la difficulté d’être (Vénus Khoury-Ghata, Gabrielle Althen). Elle
s’intéresse également à la “forme-poésie”( Ilse Garnier, créatrice de la poésie spatiale), le
“poème-récit ”, le “poème en prose”, le “poème-reportage ”, et met davantage l’accent
sur la vie quotidienne (Nathalie Quintane). D’un autre côté, les femmes-poètes peuvent
avoir aussi le goût pour la nature, le merveilleux, l’imaginaire et l’humour (Odile
Caradec, Isabelle Pinçon) ; et d’une manière plus traditionnelle pour l’amour et la
sensualité (Claude de Burine, Anne-Marie Derèse).
Alors, existe-t-il une poésie féminine ? Pour certains, non, car cela équivaudrait à
la marginaliser, pour d’autres, elle serait en devenir. Mais l’important, sans doute,
comme le dit Jean Orizet, est que la poésie “aide les femmes et les hommes à exister
mieux, plus haut et plus loin”.
!
1 ) Giraudon, L et Deluy, H, Poésies en France depuis 1960 - 29 femmes, éd. Stock coll. “Versus”,1994.
2) Poésie1 Vagabondage, revue trimestrielle publiée au cherche-midi éditeur, n°23 (Sept).
35
36. Le Poète , figure de proue
Louis Delorme
L’intuition, chez un scientifique est capitale, on le sait.
On le sait depuis qu’Archimède, se sentant plus léger dans son bain et s’écriant
Eurêka ! a imaginé le moyen de savoir si la couronne de Hiéron II, roi de Syracuse était
en or massif ou en alliage, et découvert du même coup le principe qui porte son nom,
qui veut que tout corps plongé dans un liquide reçoive de celui-ci une poussée
verticale dirigée de bas en haut etc., etc. Nous avons tous récité cela par coeur.
On le sait depuis que Newton, en voyant tomber une pomme d’un arbre,
échafaude la théorie de la gravitation universelle. On le sait depuis que Louis Pasteur a
deviné que c’étaient les vers de terre qui remontaient les bacilles du charbon en surface
et qu’ainsi les moutons s’infestaient à partir des cadavres que l’on avait pourtant
enterrés profondément.
L’intuition chez le Poète est encore plus développée parce qu’il explore et qu’il
imagine beaucoup plus en amont de la réalité que le savant. Et qu’il n’est pas tenu à
une obligation de résultat.
0
Dans son excellent article, (Agora n il juillet-août-septembre 2000) Lucie
MAILLET nous parle de Victor Hugo, à propos des tables tournantes de Jersey, et elle
nous apprend que le poète avait la connaissance intuitive du rayonnement radioactif. Il
faudra pourtant attendre 1896 (onze ans après la mort de celui-ci) pour que Henri
Becquerel remarque que les sels d’uranium émettaient d’une façon continue, un faible
rayonnement qui impressionnait les pellicules photographiques et provoquait l’ionisa-
tion des gaz. Le mot de radioactivité sera proposé plus tard par Marie Curie.
Dans un tout autre domaine, - O combien palpitant ! aussi palpitant que l’ère
des machines volantes dont Léonard de Vinci avait eu le premier l’idée, allant jusqu ‘à
les dessiner - des savants de diverses nationalités sont en train de dresser la carte du
génome humain et on nous dit qu’elle sera terminée beaucoup plus tôt que prévu.
Durant l’été 2000, pour être précis, alors qu’initialement, les scientifiques ne pensaient
pas en avoir terminé avant 2005. On sait aussi que l’homme ne possède pas cent
cinquante mille gènes comme on avait cru d’abord mais seulement trente ou trente-
cinq mille. (Cf SCIENCE ET VIE de juin).
Il avait fallu attendre le frère Grégoire Mendel et ses fameuses découvertes pour
que les premières lois sur la génétique soient identifiées, pour que les notions
d’hérédité, d’hybride, de caractère dominant ou récessif soient clairement établies.
Et pourtant, là encore, la pensée du poète avait précédé celle du savant. Voici ce
qu’écrivait Montaigne dans ses ESSAIS: Quel monstre est-ce, que cette goutte de
36
37. semence de quoi nous sommes produits porte en soi les impressions, non de la forme
corporelle seulement mais des pensemens (pensées) et des inclinations de nos pères ?
Cette goutte d’eau où loge-t-elle ce nombre infini de formes?
Et comme portent-elles ces ressemblances, d’un progrès si téméraire et si
déréglé que l’arrière-fils répondra à son bisaïeul, le neveu à l’oncle ? ... J’étais né
vingt-cinq ans et plus avant sa maladie, (celle de son père : la pierre, qui fut aussi la
sienne ) et durant le cours de son meilleur état le troisième de ses enfants en rang de
naissance. Où se couvait tant de temps la propension à ce défaut ? Et, lors qu’il était
si loin du mal, cette légère pièce de sa substance de quoi il me bâtit, comment en
portait-elle pour sa part une si grande impression ? Et comment encore si couverte,
que, quarante-cinq ans après, j'ai commencé à m'en ressentir, seul jusque à cette heure
entre tant de frères et de soeurs, et tous d’une mère ? Qui m’éclaircira de ce progrès,
je le croirai d’autant d’autres miracles qu’il voudra; pourvu que, comme ils font, il ne
me donne pas en paiement une doctrine beaucoup plus difficile et fantastique que n’est
la chose même. (Livre II chapitre XXXVII)
Le poète fait plus qu’imaginer le futur, il l’invente de toutes pièces. Et très
souvent, par une sorte de mimétisme inexplicable, comme si nous portions en nous les
gènes obscurs du progrès, ce futur se met à ressembler à ce dont les hommes ont rêvé.
Comment ne pas songer à Jules Veme alors que nous avons vu, au cours de ce
vingtième siècle la réalisation d’une grande partie de ses visions futuristes ? Le poète
se souvient de l’avenir, nous dit Cocteau (Journal d’un inconnu.)
On pourrait sans doute multiplier les exemples de cette avance des poètes sur
leur temps. De cette intuition merveilleuse qui les propulse loin devant. Comment ne
pas revenir à Victor Hugo et terminer en citant un extrait de son poème sur les Mages ?
Pourquoi donc faites-vous des prêtres
Quand vous en avez parmi vous?
Les esprits conducteurs des êtres
Portent un signe sombre et doux?
Ces hommes ce sont les poètes;
Ceux dont l’aile monte et descend;
Toutes les bouches inquiètes
Qu’ouvre le verbe frémissant;
Les Virgiles, les Isaies;
Toutes les âmes envahies
Par les grandes brumes du sort;
Tous ceux en qui Dieu se concentrent;
Tous les yeux où la lumière entre,
Tous les fronts d’où le rayon sort
Les Contemplations Livre VI, XVHL
!
37
38. Internet et poésie :
deuxième épisode...
Emmanuel Hiriart
C'est sans doute la revue, parmi les manifestations imprimées de la poésie, qui a le
plus d'affinités avec le web. D'abord parce qu'une revue est un réseau : de collaborateurs
plus ou moins réguliers, d'auteurs, d'abonnés. La revue a une périodicité, ce n'est pas un
objet littéraire clos comme un recueil ; le site web, s'il veut rester vivant et attirer les
internautes, doit être régulièrement mis à jour. En terme de publication, la revue et le site
web sont pour l'auteur débutant des espaces accueillants, qui lui permettent de confronter
ses textes à ceux d'auteurs plus connus (tout ceci à nuancer selon les revues et les sites).
La revue comme beaucoup de sites web est un lieu d'information sur l'actualité poétique :
elle propose en quelque sorte des liens vers d'autres publications. Enfin les revues sont le
plus souvent l'œuvre de petites équipes de passionnés bénévoles, comme les sites
poétiques.
Compte tenu de ces affinités, on n'est pas surpris de constater une attraction
mutuelle entre cyberpoésie et monde des revues. Bien entendu le phénomène n'est pas
général : certaines revues sont hostiles à l'internet, perçu comme une menace pour la
chose imprimée, comme une sorte d'espace de zapping généralisé ; d'autres n'ont tout
simplement personne de disponible ou de compétent parmi leurs animateurs pour s'occu-
per d'un site web . Il y a aussi, parmi les poètes du web, même parfois parmi les
animateurs de quelques excellents sites, des gens qui se sentent parfaitement étrangers à
l'univers des revues. Les relations entre les revues et le Net peuvent prendre plusieurs
formes :
-De plus en plus de revues ont des sites : citons par exemple Phréatique, Friches,
Décharge, Hélices, Rivaginaire, Le nouveau recueil ou Poésie/première, qui figurent
parmi les valeurs sures des revues poétiques. Ces sites sont souvent de simples vitrines,
permettant au lecteur de découvrir quelques extraits de ces revues et des informations sur
leur actualité. Parfois ils tendent à avoir une activité propre, complémentaire de celle de
la revue papier (revue des revues de Décharge, jeux de phréatique...). Il y a même des
revues intégralement reproduites sur leurs site (Incertain Regard...)
-Certains sites offrent un contenu proche de celui des revues : Ecrits... vains, Poésie
d'hier et d'aujourd'hui, animé par Silvaine Arabo, Hache ou le Carnet interdit par
exemple... On notera d'ailleurs que les animateurs du premier de ces sites s'apprêtent à
lancer une revue « papier »: palimpseste.
-plusieurs sites proposent des « revues des revues » : Ecrits vains ? (le plus riche de ce
point de vue), Muse, Décharge, Poésie d'hier et d'aujourd'hui, Ombrages...
-les revues parlent moins des sites internet, mais le font quand même de plus en plus
souvent : Paul Van Melle dans inédit nouveau cite régulièrement écrits...vains ? et le
38
39. site de Silvaine Arabo, Michel Lavaur a consacré un numéro de Traces (le 133) à la
poésie sur internet, Jointure vient d'inaugurer une rubrique astrol@be et sext@nt,
consacré à l'internet, Comme en poésie a une page « comme sur internet » (où l'on
découvre surtout que Jean-Pierre Lesieur n'a pas encore parfaitement maîtrisé cette
nouvelle technologie...), Poésie/première cite régulièrement les « bonnes adresses du
web ».
Je crois qu'il y a là une interactivité amenée à se développer, qui devrait aider le petit
monde quasi clandestin des revues à rencontrer un public dont les webmestres expéri-
mentent chaque jour qu'il est potentiellement plus large que celui qu'elles touchent
actuellement.
!
Sites en rapport avec cet article :
site adresse
friches http://www.multimania.com/friches/
Hache http://www.dtext.com/hache/
Muse http://muse.base.free.fr/
zazieweb http://www.zazieweb.com/annuaire.html
Silvaine Arabo http://www.multimania.com/mirra/
Carnet interdit http://perso.infonie.fr/isanou
Ecrits...vains ? http://ecrits-vains.com/
Décharge http://www.multimania.com/decharge/
phréatique http://www.multimania.com/phreatiq/
Poésie/première http://poesiepremiere.free.fr
nouveau recueil http://www.ifrance.com/NRecueil/
incertain regard http://www.chez.com/incertainregard/
ombrages http://users.swing.be/ombrages/
docks http://www.sitec.fr/users/akenatondocks/
Hélices http://helices.poesie.free.fr/
Courant d’ombres http://perso.wanadoo.fr/patrick.kremer/
Matricule des anges http://www.lmda.net
ralentir travaux http://perso.club-internet.fr/annecav/
Rivaginaires http://kerys.free.fr/poetes/rivaginaires
orage-lagune-express http://www.orage-lagune-express.com/
Traces http://perso.wanadoo.fr/emmanuel.hiriart/JeuLa-
vaur.html
39
40. L’apatride
...Errance entre les lignes de quelques livres de Maria Mailat
Emmanuel Hiriart
La première fois que j’ai rencontré Maria Mailat (que je n’ai jamais rencontrée
autrement que dans ses écrits), c’était dans un drôle de petit livre avec un drôle de titre,
cailles en sarcophages, et un drôle d’œil qui me fixait au centre de la couverture. On y
rencontrait de drôles de personnages comme ce cambrioleur saisi dans une bibliothèque
« La voisine affirme qu’un voleur s’est fait prendre
ébahi par tant d’ouvrages inconnus
Les policiers l’ont trouvé lisant des poèmes
Menottes aux poignets, il lit toujours ».
Ou Fitz Roy le chat :
« Son deuxième chat s ‘appelle Fitz Roy
il loge sur le lit de préférence,
il est l’incarnation d’un maître d’échecs,
Colette, son écrivain de chevet, l’aurait affirmé aussi
la mort en personne a dû faire face à la bête »
Tout un petit monde vivait dans ces pages, un peu en marge de la société. Les héros de
Maria Mailat sont toujours comme ce « clochard licencié en lettres classiques » : sans
lieu où s’enraciner, jamais dans le camp des vainqueurs et des gouvernants, construisant
une culture de l’errance.
L’auteure est l’une de ses personnages. Née en Transylvanie Maria Mailat avait
deux langues maternelles, le hongrois et le roumain, et en a très tôt appris une troisième,
le français. C’est peut-être de son père, qui avait abandonné les bibliothèques pour
redevenir paysan, qu’elle a hérité le goût des livres et de la liberté. Elle a d’abord écrit
et publié en Roumanie, mais la censure a interdit ses publications. C’est pourquoi elle
s’est installée en France en 1986, comme réfugiée politique. Depuis 1990, le français est
devenu sa langue d’écriture. Elle publie des recueils de poèmes et des romans.
Parmi ces derniers, Sainte Perpétuité raconte l’histoire d’une jeune juive
roumaine persécutée, Léa Leviath, et de sa grand-mère Esther, rescapée des camps de
concentration, qui lui apprend à survivre dans le cadre hostile de nos modernes Babel.
Esther comme son homonyme biblique sait épouser l’ennemi (Leviathan) pour mieux
lui échapper. Klothô (du nom de la parque) peut-être considéré comme le pendant
poétique de ce roman. C’est le livre de la survie, de la volonté de vivre malgré les
oppressions (mais sans leur opposer le combat frontal qui les reproduirait sous
40
41. d’autres masques) :
« Klothô
le serpent de l’arbre
c’est moi, la rescapée
je rampe sur ton sein gauche,
j’arrache le fruit
le fends
et de ses pépins
je plante
un troisième œil
sur tes lèvres »
Comme elle le fait souvent, Maria Mailat reprend ici une des grandes figures de la
femme léguée par la tradition, et en fait un de ses masques, retournant la valeur négative
que la culture dominante lui assigne. Elle utilise aussi, après Esther et avant Antigone,
une grande héroïne tragique :
« Moi, Médée, je jure sur la tête de mes enfants
de dire la vérité de celle qui naît à contre-courant,
de celle qui traverse la vie en ennemi ».
Pour traverser la vie Maria Mailat traverse les langues : elle dit au passage sa fraternité
avec Luca et Voronca, autres poètes roumains devenus francophones.
Graine d’Antigone, son dernier recueil, dit une nouvelle fois son combat pour
écrire et vivre sans se conformer aux contraintes sociales et politiques qu’elle refuse.
Elle dit cette fois la difficulté d’être femme et poète, plus généralement femme et sujet.
De nouvelles figures mythiques et littéraires l’accompagnent : Antigone d’abord, celle
qui préfère la raison du cœur à la déraison d’Etat ; le petit chaperon rouge
« la fille qui porte son nom au masculin »
et qui
« […] refuse la place qu’on lui donne avec force »
« […]crève le ventre qu’on lui désigne[…] » ;
Et surtout Sylvia Plath. Maria Mailat lui écrit des poèmes, à lire aussi comme des
réponses aux Birthdday letters de Ted Hughues.
« Te souviens-tu
de mon premier amour »
lui demande-t-elle
« Je t’invite dans ma cuisine d’antan
à la frontière de l’histoire
avec Akhmatova et Mandelstam.
Il y a vingt ans
Un poème avait échoué
Entre le couteau et le grattoir »
Il passe dans ces pages un courant de sympathie qui contraste avec la distance parfois
glaçante de l’ancien époux de Sylvia Plath (grand poète par ailleurs). Pourtant une
différence fondamentale sépare les deux femmes : Sylvia Plath a cédé à la tentation du
41
42. suicide alors que Maria Mailat choisit et dessine un chemin de vie :
« nue
je me réveille
comblée d’une paix apatride ».
!
42
43. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦ Le Verbe Haut Georges Solovieff Éditions Pierran
Ce nouveau recueil de Georges Solovieff se laisse dévorer tout d’une traite mais on le reprend
aussitôt pour en savourer les moments les plus forts. Déjà, le plan de cet ouvrage est une grande
réussite: un chapitre sur les Je, (le poète lui-même), les Tu, (la femme) etc... une trouvaille !
Vraiment ! D’entrée de jeu, avec Slave, le poème qui situe l’auteur, suivi de Chemin, qui rappelle
ses engagements, séduisent le lecteur par la précision, la fluidité du Verbe, la pertinence des
images. Le poète chevauche sur les sommets. Avec Je pars, cela continue de plus belle; il
s’inscrit dans la lignée des testaments poétiques. Le chapitre des Tu n’est pas moins riche, pas
moins émouvant. Mais c’est avec Elle qu’il touche le lecteur au plus profond, au plus humain, au
plus pathétique.
D’une manière générale, on sent, tout au long du livre, l’auteur imprégné d’Aragon qu’il célèbre
plus précisément dans Myosotis. Mais dans le chapitre, consacré à Elle, (l’enfant disparue) les
accents hugoliens, qu’on retrouve plus loin dans le Cheval fourbu, se font jour et me font songer
certes aux Contemplations, mais comptent pour moi parmi les plus beaux textes qu’il m’a été
donné de lire depuis bien longtemps. Je tiens à souligner encore le plan du livre qui est vraiment
séduisant et qui fait qu’on adhère à cette construction qui, finalement, englobe toute une vie ou
presque. Construction qui s’achève par Ils, les absents, ceux qui nous ont quittés, (Louis et Elsa
sont de ceux-là,) puis ET LES AUTRES... dans lequel l’auteur signe une dernière pièce sur les
pendus de Tulle.
J’ai aussi été très heureux de retrouver les pages que le poète m’avait confiées, en avant-
première, en filigrane pour Soif de Mots et de les voir replacées dans leur contexte.
Ce recueil est illustré avec beaucoup de talent par Christiane BLOT-PFIFFER. LD
♦ Musica Patricia Coulange Les Presses Littéraires
“C’est une véritable gageure que de vouloir faire un poème à partir de chaque terme dévolu à la
musique. C’est ce que fait Patricia COULANGE dans son recueil Musica. On voit se profiler
successivement la lyre, la tessiture, les notes, la portée, les clefs, les silences, la gamme, le
métronome, etc... Les instruments, parfois personnifiés, sont présentés tour à tour. Le pari est
gagné grâce à une parfaite connaissance du langage propre à la musique. On regrettera que cela
soit parfois un peu trop technique bien que les textes soient émaillés de belles images. Que l’âme
humaine, par-delà la musique ne soit pas suffisamment exaltée :cela dans la première partie qui
reste assez abstraite et un peu froide.
Patricia Coulange se surpasse vraiment dans la seconde partie de l’ouvrage, quand elle aborde
les instruments solitaires et les musiques des quatre coins du monde. C’est que, dans ces
dernières pages de la partition, l’homme est présent avec sa condition, ses paysages, sa destinée.
Quel plaisir de voyager avec le banjo, la balalaïka, la flûte des Andes, la cornemuse, etc... ! Mais
aussi que de sensibilité, de résonances dans notre âme, soulevées par le clairon, le tambour, les
cloches, le carillon et le glas! Là se situe la grande poésie.”
LD
43
44. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦ Une adolescence Raymond Guilhem Les Presses
Littéraires
Dans ce livre de souvenirs, Raymond Guilhem nous fait part de ses rencontres avec le poète Joe
Bousquet disparu prématurément à l’âge de cinquante ans, par suite de blessures récoltées à la
guerre de 14 et qui aurait eu cent ans cette année. L’adolescent qu’était alors l’auteur, dans ces
années d’occupation, a été très impressionné, par ce grand esprit qui ne quittait plus la chambre
mais rayonnait sur les lettres, dans sa bonne ville de Carcassonne, au point que les plus grands
auteurs venaient le rencontrer ou correspondaient avec lui : Breton, Éluard, Aragon, Gide,
Valéry, Simone Weil... Mais aussi les grands peintres : Ernst, Dali, Magritte, Tanguy...
Dans la seconde partie du livre, Raymond Guilhem nous confie la correspondance qu’il a
entretenu avec François-Paul Alibert, autre écrivain de Carcassonne. Pas moins de dix lettres
merveilleuses qui constituent toute une série de conseils à un jeune poète. J’en extrais quelques
uns :
... En matière d’art, il ne s’agit ni d’encourager ni de décourager, il faut laisser faire et que
chacun aille comme il l’entend et suive sa vocation.
...L’instinct poétique tient à la faculté qui consiste à ressentir des émotions, et l’instinct du
rythme à cette musique intérieure qui ordonne et dirige ces émotions selon une méthode qui a ses
règles et ses lois. (Lettre 1)
...C’est l’accord entre le sentiment et la forme qui est l’essence de toute poésie.
...La poésie est un ensemble de convenances et de concordances qui doivent former un tout bien
lié et où rien ne détone. (Lettre V)
Je n’en dis pas plus. Découvrez ce livre passionnant, admirablement illustré par les encres de
Dantec. Vous découvrirez la passion de Joe Bousquet pour l’Androgyne, sa bienveillante
attention à l’égard de notre jeune poète, qui lui confiait ses premiers vers ; et la gentillesse d’un
François-Paul Alibert qui nous fait nous demander, si, de nos jours, un auteur un peu en vue
donnerait encore de son temps pour aider un jeune adolescent à
Louis Delorme
♦ Ici, là, Alain Boudet Froissart
29p (supplément au numéro 93 de la revue Froissart)
Ce bref recueil commence d’un pas tranquille, comme une prose aimable
« j’aime venir ici / aux heures de broussailles /et de friches ».
nous suivons Alain Boudet sur son aimable chemin pour apprendre à
« trouver dans le monde / le centre de soi-même ».
Le sentier de mots révèle des harmonies inattendues
« L’escadrille des vagues / aux couleurs de musique /
donne aux rochers aveugles / les reflets d’une aubade »
au retour de la ballade il nous reste
« […] le rêve d’un peintre ou les mots d’un poète »,
le monde doucement éclairé par un souffle rythmé, qui l’embellit
44
45. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦ inconnues saisons Tahar Bekri L’harmattan
145 p
Ce livre présente un choix de poèmes de l’écrivain tunisien Tahar Bekri. Il regroupe des textes
tirés de ses différents recueils francophones, et laisse de côté les poèmes en arabe de cet auteur
bilingue. Une traduction anglaise de qualité (due à quatre poètes anglophones) figure en vis à vis
de chaque texte français, sans doute dans l’espoir de donner une audience plus large à ces
«selected poems ».
Les poèmes de Tahar Bekri sont en général des textes courts, mais qui ne prennent toute leur
valeur qu’au sein d’une série. Plutôt qu’un choix de textes isolés, les saisons inconnues sont donc,
logiquement, une sélection de «suites ». On peut mesurer ici tout ce qui fait l’unité de l’œuvre :
goût pour l’image juste, formulée de manière énigmatique, qui demande à être creusée
« Baigneuse
Barque frileuse o mère du jour endormi
Le prince d’insolation meurt dans tes bras
Les marins quittent tes cheveux cinéraires
Nuit Mer éplorée »
Attention portée au tissu verbal des allitérations et des assonances
« Le sabre sombre a tendu ses filets ensorceleurs
Orphelin je suis au milieu de la clameur »
Chantournement quasi mallarméen de la phrase, goût des rapprochements de mots inattendus.
Chaque recueil a cependant une identité originale, par sa thématique et aussi par la forme
des poèmes.
Tahar Bekri revendique un enracinement multiple :
« Son enfance barbier et figues noires
Colonnes romaines et fontaines bruyantes,
Tablettes coraniques et triques en l’air
Les jours si courts ravivaient nos étoiles »
Aussi sa poésie francophone mêle-t-elle l’héritage arabe, présent dans la forme du roi errant, dans
les thèmes (évocation du roi errant al-malik ad dillil, de l’exilé Ibn Hazm), dans le choix des
sonorités privilégiées (au royaume de sable, / le roi errant chante sa douleur) à l’héritage
occidental (Hamlet) ou au monde antillais (Proximité de Glissant). Elle dit la difficulté de tenir
poème ouvert face au discours identitaire clos qui ravagea le pays d’enfance (et tant d’autres)
« La main de l’homme à la barbe barbare
Elle devait détruire ta splendeur
Dans la nuit aveugle de sanie »
Et l’émerveillement d’être au monde librement, libre de la grande liberté métaphysique de qui sait
tendre les images et s’y construire une langue, en «oiseau d’étincelle fertile ».
Emmanuel Hiriart
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46. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦ Pangéia Flammarion, 1996
79 Frs Esther Tellermann
Recueil en trois parties, composé de poèmes courts. Brefs et fugaces comme la tombée du jour.
Il s’agit d’une quête, celle d’une fusion entre lumière et ombre: clair-obscur. Tout d’abord, on
“imagine le monde comme un train sans paysages ", partir pour “tracer d’autres airs” (partie 1).
Vient ensuite la tentation (partie 2), celle de se mesurer à l’immuable “Ne dites pas: / ‘le ciel
nous couvre' / Nous sommes immortels"; celle qui nous “brûle” de l’intérieur. Pangéia (partie 3)
...qui est-ce ou qu’est-ce? Une amie d’un autre monde que le poète "repousserait dans la
légende “, ou le nom d’un pays polaire où “la lumière devient son “et où “les oiseaux se cognent
au gel” ? Récit énigmatique d’un voyage dans la perpétuelle nuit du monde, le jour fragile étant
la parole inscrite.
Lydia Padelec
♦ Journal alternatif Charles Dobzynski Collection Double Hache
95 frs Bernard Dumerchez éditeur
Cent cinq poèmes de quatorze vers répartis en onze ensembles forment ce livre.
Les quatre premiers ensembles ainsi que le dernier ont trouvé en moi un véritable écho.Peut-on
parler d’élégie pour ces poèmes, ce chant qui court , pénètre le lecteur , avec ce rythme lent que
rend la voix.? L’ouvrage délivre dans ce voyage, intime et de vie, la beauté entière du chant, cette
incantation sourde de l’être, ce constat fait de face. Dans le troisième ensemble “Le présent
déplié” , les poèmes diffusent la plénitude du chant . Nombreux poèmes débutant ces
ensembles sont accompagnés à leurs fins d’une date - souvent éloignée - et d’un nom de lieu. De
Août 39 à 1991/1999; de Aden à la rue Amelot; de Alain Bosquet à Bernard Vargaftig; de la
Salpetrière à Colombo :le livre est un périple , la pérégrination du poète. La vie est revisitée
aux lueurs du passé et du vers , à l’aune du miroir limite. Cette limite du corps , cette chair,
véritable métamorphose vivante du temps sur les os. Ce livre ,bilan déposé aux archives du
vivre, nous entraîne avec lui , voguant à vue , comme ” le rêveur à l’estime invente son
cabotage”
Toi qui viens de la mer
Poèmes
Le dernier livre d’Emmanuel Hiriart est paru aux éditions
Editinter
BP 15 91450 SOISY-SUR SEINE
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47. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦ Membre fantôme Guy Valensol Editions du Typograph
6, rue de Beaurepaire 85500 Les Herbiers
C’est l’enfance seule peut-être, ce fantôme, qui ne pouvait qu’hanter un lieu si joliment nommé -
Beaurepaire, Les herbiers - Lieu du livre où réapparaît, jamais capitulant , l’enfant en nous. Guy
Valensol partage ici des souvenirs, parfois ” remugle de la mémoire” ou “sieste” pour “
s’anéantir sans angoisse”. La langue est simple, vraie. Nous la suivons “sur les chemins
luisants de la mémoire”, traversant des champs, des paysages où demeurent encore ,des gestes
de faux, des coups de fourches, et des musiques ... de scies circulaires.
HM
♦ Le nom des fleuves Eric Sautou Le Dé Bleu
75 frs
Dans un saisissement progressif, une avancée à pas comptés, c’est un appel qui est lancé au
néant. Attendant un écho , une réponse hypothétique, le vers, dans ces courts poèmes progresse
par petites avancées dans un espace de soi que le poète interroge. ON et ILS sont les sujets les
plus fréquemment employés. Qui sont-ils? Peut-être, parcequ’un guide “IL” accompagne et
tient fermement la main, “ON”, est au minimum un double, voire la communauté de tous les
hommes recherchant dans l’épaisse brume de la vie , des éclaircies, des rivages ensoleillés, des
haltes dans un pays de l’enfance retrouvé. HM
♦ Mise à jour Françoise Han Editions en Forêt
Edition trilingue fra/all/ Doenning 6 D93485 Rimbach
Que sont donc ces “Mises à Jour ” ? Une actualisation susceptible de corriger dans le cerveau
humain la vision que nous avons de notre système terrestre et de son équilibre ? Peut-être plus
probablement une tentative d’éclaircissement de l’histoire de l’homme et de son univers. Et
cela, dès la naissance des hommes dans cette vie, cette “Baraque Foraine”, titre de ce poème
écrit dans un salut à la dixième Elégie de Duino de Rilke. Et où les hommes dans la destinée des
astres vivent comme “ silhouettes, cibles / un instant épargnés.” .C’est parmi les pierres, à
partir de ce monde primitif , que des êtres vivants sont devenus des - Hommes - en accumulant
ces matières premières pour les tailler, les sculpter et y inscrire - comme en un dédoublement - ce
fruit d’une vie intérieure. Françoise Hàn avec ce livre dit la fragilité de la vie. Elle semble
préciser sa mesure devenue si ténue face aux “constellations” (qui) “changent l’équilibre”. Le
poète , nourri d’une scientifique, avec ces quelques poèmes, ces “mises à jour” nous alerte sur
l’inversement des forces en jeu sur la planète, notre terre. De la gravure des pierres, à la fonte de
ces montagnes de glaces aux pôles, notre réflexion sur la pérennité de notre civilisation
humaine doit vivement s’actualiser. En témoigne ce poème -visionnaire?- “ Haute Epoque
“ où “ L’oeil capable de fixer / le film entier sur sa rétine / lit intensément / les signes de la
catastrophe / “
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Hervé Martin
48. En Bref...En Bref...En Bref...En Bref...En Bref...
• Suivi de “La vie promise”, “Éloge pour une cuisine de province” de Guy Goffette
auquel un numéro d’I.R fut consacré est paru l’automne dernier dans la collection
Poésie/Gallimard.
• L’hiver est une main précise, de Georges Guillain vient de paraître aux éditions
Écrit(s) du Nord, 49, chemin des Plantis 62180 Verton.
• Co-fondateur de feue la revue Le Matin déboutonné ,Christophe Forgeot propose
avec L’entretien Imaginaire son quatrième livre de poésie. Editions HELICES BP 146
,94733 Nogent sur Marne Cedex
• Thérèse Mercier vous invite à “L’Artisan de Saveurs” 72, rue du Cherche-Midi
Paris VIième pour des lectures qu’elle donne le premier jeudi de chaque mois. TEL:
01 42 22 46 64
• “Quelque part ils ont tué le peuple” et “Un remous plus fort que le fleuve” les deux
derniers livres de Gérard Lemaire sont disponibles chez “ Daniel Martinez, 8 ave-
nue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière.” Editions Les Deux -Siciles.
• Michelle Caussat, dans la collection SAJAT présente deux opuscules Une histoire
de Fée et Dérive d’automne, une suite de haïkus. Michèle Caussat 27, rue des Per-
venches 31700 Blagnac
• A Force De Mentir Au Temps de Philippe A. Boiry paraît aux éditions Nouvelle
Pleiade Paris, accompagné d’illustrations de Michel François Lavaur.
• Le dimanche matin dès 7 Heures vous pouvez écouter, sur France Culture, l'émission
de Mathieu Bénézet, “Entre-revues” consacrée à la vie des revues de poésie.
RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
Verrières N°4
Gratuite (16 frs - chèque pour frais d’envoi) 2, avenue Goulard
Christophe Fourvel 25000 Besançon
Verrières est une revue de création du centre régional du livre de Franche-Comté. En souhaitant
rendre compte de l'activité littéraire de Franche-Conté, elle fait naturellement bien plus: la
littérature et la poésie n’ayant pour territoire que leur propre langue . Papier ocre, texte aéré, la
revue d’une belle facture, propose dans ses rubriques, des informations, des notes de lectures, des
adresses de lieux concernant principalement la région de Franche -Conté. Dans ce numéro Alain
Jouffroy, Mathieu Messagier, Christophe Fiat et Pierre Perrin , dont le compte rendu d’entretien
m’a très vivement intéressé.
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49. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
Contre-allées Eté 2000 / Automne 2000 N°7 et N°8 3, rue Saint- Austremoine
63000 Clermont-Ferrand
Trimestrielle / 20 frs A Marembert / R Fustier contre-allees_poetik@worldonline.fr
N°7 - Quelque chose de léger...comme une bouffée d’air frais , c’est l’éditorial de Romain Fustier
qui débute ce numéro dont Franck Venaille est l’invité. Parmi les poèmes de ceux qui
l’accompagnent, une composante d’écriture semble se détacher: un ancrage à la réalité et à la
présence des / du corps. Alain Guillard, Eric Dejaeger, Jean Monod entre autres. Demain n’est
pas à craindre!
N°8 - Invité de ce numéro automne , André Velter nous offre à lire plusieurs poèmes d’ ”Herbe
Folle” “ l’autre monde est de ce monde / il n’y a pas de retour”.Le chant , la voix seule comme
calligraphie. Dans les poèmes qui composent ce numéro , le jeu avec la forme me semble dans son
rôle , celui d’ouvrir le regard intérieur vers le monde . Je suis happé par ces textes qui se jouent
de moi. Suis-je berné ? En moi le plaisir du lecteur. Mathilde Dargnat, Emmanuel Flory, Fabrice
Fossé, Matthieu Gosztola, Marie Laroche. La lecture me convainc ! Quelque chose se passe ici...
Le Nouveau Recueil N°56 Editions Champs Vallon
90 frs / 285 frs abt J-M Maulpoix 01420 Seyssel
Comment rendre compte d’une telle revue -192 pages - ? Sinon, en parlant du plaisir du texte
lors de la lecture de Joë Bousquet ou de Jacques Chessex. Ces pensées , ce plaisir qui
m’assaille...Soudain j’y suis ! A ce lieu , ce “dit” au plus cœur de sa source. Poursuivre. Relever,
souligner, entourer des mots, des vers , ... Cela suffira-t-il? “c’est par les mots, si pauvre chose,
que nous sommes restés debout” écrit ici Joël Vernet; puis s’arrêter à ces relevés méticuleux de
Corinne Vitali, ces impressions ressenties aux encoignures du quotidien qu’une présence
traverse et qu’une forme soutient ; se tenir droit, bouche close en lisant le poème de Véronique
Breyer intitulé “viol” ; s’interroger devant le texte de Benoit Conort. Et pour quelle raison
capte-t-il mon intérêt? Cette désespérance qui suinte, cette désolation et ce creux dans la chair...?
Prendre respiration, cette vie est la nôtre.
La Petite revue de l’indiscipline N°72 et N°76 BP 1066
55,75 frs les 10 numéros Christian Mancel 69202 Lyon Cedex
Bien nommée , son ton peu conventionnel est fait pour me séduire. Le verbe est sans ambages,
comme cette lettre ouverte à Jean L’Anselme à propos de multi-diffusion...Une liberté de ton et
d’humour. Dans ce numéro pas de poèmes - hélas...- mais des chroniques. Nombreuses.
Le numéro 72 est presque entièrement consacré à Péssoa à propos de la nouvelle édition du Livre
de l’Intranquilité. À découvrir.
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50. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
Florilège N°100 BP 65 21021 Dijon Cedex
Trimestrielle / 50 frs J-M Lévenard
Des textes en prose, des poèmes, dont ceux de Francine Guréghian Salomé, Franck Galléa, avec
“Variations”, une poésie en quête d’une forme...précèdent un “mémorial du 20 ième siècle” ..26
poètes, parmi lesquels Micheline Debailleul, Stephen Blanchard, Philippe A. Boiry,...pour
célébrer à leur manière le siècle qui s’achève. Chroniques et informations. La revue dans une belle
pagination, propose tout au long des ses 130 pages des compositions graphiques - Collages - de
André Prone.
Friches N°70 Le Gravier de Glandon
Trimestriel / 45 frs J-P Thuillat 87500 St Yrieix
Deux poèmes inédits de Guy Goffette ouvrent ce numéro et précèdent, un long compte rendu des
- Rencontres de St Yrieix - où il fut invité en compagnie de Bernard Noël. De larges extraits d’un
débat -Rencontre avec les deux poètes - sont proposés. Un texte de Nimrod, deux poèmes de J-P
Thuillat dédiés à ses invités, d’autres encore , de Pierre Maubé, Nathalie Beyrand, Mathieu
Husson, Francine Guréghian-Salomé, Michel Gabet composent cette livraison de printemps.Une
lettre ouverte de Roland Nadaus à Louis Dubost; un passage en revue de “ Comme ça et autrement
“; et des notes de lectures, complètent ce numéro.
Petite N°8 45, rue Lacroix Paris 75017
3 n°/An 60 frs /150 frs /abt Thierry Trani / Florence Pazzottu
Une revue, qui se présente comme le livre d’une collection d’un éditeur. Dans ses pages, pas de
chroniques, de notes de lectures ou de dossiers mais des poèmes , des textes. La volonté
démontrée ici est celle de donner à lire “ des poèmes , des pensées, des petites proses - inédits-
“. Un rythme, une écriture dans ces poèmes de Annie Maraudin: je retiens! Eric Sautou interroge
des noms ? Des artistes ? Des existences ? Que cherche-t-il ? Nommer ne suffit plus , que faut-il
réveiller ou révéler ? Suivent des poèmes et des textes de Jean Lalou, Frédérique Guétat-Liviani,
Olivier Verneau, Ariane Dreyfus,...
Soif de Mots N°7 133, rue d’Angerville
L Delorme 91410 Les Granges Le Roi
Dans ce numéro et avec une formule qui caractérise cette revue, Louis Delorme rassemble
principalement des poèmes. Ce sont six voix que l’on pourra découvrir dans ces nombreux
poèmes: Théo Crassas, Jean-Pierre Desthuilliers, Pierre Guérande, Jean-Charles Michel, Anne-
Marie Vergnes, Paul Bensoussan pour ce numéro 7.
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51. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
Comme en poésie N°3 et N°4 2149, avenue du tour du Lac
Trimestriel 20 frs/ abt 70 frs J-P Lesieur 40150 Hossegor
Un éditorial alerte et vivant. Parmi les poèmes qui nous sont proposés, je retiends particulière-
ment ceux d’Alain Vexler “La brique” et de Michel Héroult “ Où allez-vous frêles enfants de la
nuit ...”. Dans le numéro 4, après la lecture de Jean Chatard, Odile Caradec, Gérard Lemaire,
Emmanuel Hiriart ou Catherine Mafaraud, je médite l’art Poétique de J-M Bongiraud, dont la
proposition 11 agrège mon adhésion: le sang , la chair,les os ... le poème.
Action Poétique N° 159 3, rue Pierre Guignois 94200 Ivry-sur-Seine
Trimestrielle / 90 frs H Deluy
Avec pour titre ce poème “26 Août 2000:actualités” c’est Henry Deluy qui débute ce numéro et
se joint à Bruno Cany - une étude - et Michèle Grangaud - une traduction - pour célébrer
l’anniversaire de la mort de Nietzche. Suivent des poèmes de Claude Minière, Véronique
Vassiliou, Claude Fäin, Jean-Francois Bory, Annie Zadek, François Vert .J’ai particulièrement
aimé ce long et beau poème ” Il était une fois...” de Serge Gavronski soutenu par un rythme, une
prosodie. Dans le dossier “Messageries Cubaines” on peut lire des poèmes , des textes, des lettres
de Jorge Yglesias, José Lezama Lima, Pedro Marquès de Armas,... traduits et complétés d’un bref
journal, de H Deluy.
Poésie Première N°15 et N°16 Editinter Bp15 91450. Soisy-sur-Seine
Triannuelle / 60 Frs R Dadillon
editinter@littérature.net
Un dossier sur la poésie albanophone d’aujourd’hui. ouvre ce numéro. Les regards de Daniel
Leuwers,Olivier Houbert et de Chantal Dagron sur le poète Adonis; Une présentation de
Jean-Claude Martin dont on découvrira des poèmes en prose;La lecture en version bilingue de la
poète portugaise Amelia Vieira: cette revue, dense, nous offre un panorama très diversifié de la
poésie française et étrangère , contemporaine ou immédiatement contemporaine. De nombreuses
Traces N °139 Automne 2000 Sanguèze 44330 Le Pallet
Trimestrielle / 30 frs M-F Lavaur
Je ne résiste pas à lire d’emblée les (écho)commentaires toniques de MFL. Deux poèmes de
Jean Chatard , avec des dessins de Claudine Goux en début de ce numéro, précèdent pas moins
d’une soixantaine de voix dont Jacques Canut, Martine Morillon-Carreau, René Cailletaud,
Claude Cailleau... Un long extrait de “La Dame Blanche”, une suite de textes inspirés à MLF par
la Bretagne, est donné à lire. Notes de lectures de Jean Chatard et de Marc Bernelas.
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52. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
Aujourd’hui Poème N° 14 et N° 15 105, Bd Haussmann 75008 Paris
Mensuelle / 20frs A Parinaud
Avec un numéro par semestre, j’ai des difficultés à rendre compte de cette revue mensuelle qui
propose des poèmes , des notes de lectures , des articles, des entretiens et dont je rappelle qu’on
la trouve -chez son marchand de journaux- à l’instar de la revue Poésie1-Vagabondages.
De Charles Reznikoff vers un poème de Bernard Vargaftig et la parution de ses deux derniers
livres “ Craquement d’ombre” et “Un même silence”; d’André Du Bouchet au bel hommage de
Claude Adelen à l’éditeur Pierre Jean Oswald qui vient de mourir; d’un “adieu à Valente”,
hommage de Jacques Ancet, vers un entretien avec Louis Dubost : Comment choisir ? Peut-être
ce titre un peu provocateur de Jacques Darras à propos de son entretien avec Jean-Jacques
Brochier du Magazine Littéraire :” Le critique poétique est une espèce en voie de disparition .” (
hommes et femmes de revues poétiques, détendez vous!)... ou cette idée répandue “ si les autres
poètes lisaient les autres poètes, l’édition de poésie serait la chose la plus rentable du monde”. Si
cette condition me paraît juste au point de vue d’une cohérence, elle me semble, et insuffisante et
inadéquate, à l’augmentation des lecteurs de poésie. Les poètes sont quand même minoritaires
parmi un lectorat potentiel de 60 millions d’âmes! Sans doute cette condition avérée, résoudrait
alors un dilemme qui se pose aux éditeurs: l’art / l’équilibre des comptes. Mais si nous
reformulons cette condition à propos des romanciers, des cinéastes, des peintres et autres artistes,
constatons que la proposition n’est pas juste et cherchons ailleurs la résolution de cet état de fait:
la poésie est peu lue.
Autre Sud N°10 Jacques Lovichi 97, avenue de La Gouffonne
Trimestriel 85 frs / 250 frs-abt 13009 Marseille
La revue consacre le numéro à Pierre Dhainaut. De très Nombreuses collaborations présentent
l’oeuvre du poète. Lire notamment un intéressant entretien de Jean-Marc Tessier avec Pierre
Dhainaut. Poursuivre par la lecture des poèmes inédits et des notes sur la poésie , au coeur de ce
dossier. Au fil des pages on lira dans ce numéro des poèmes de Carla Rugger, Serge Bec,
Eugenio Padorno, Willem M. Roggemman, Joëlle Gardes Tamine, Jean-Pierre Vidal, Jacques
Lovichi,..Des chroniques et notes de lectures de D Leuwers, J.M Tixier,J.C Villain,..
Hervé Martin Eternels passagers de nous-mêmes, il n’est
pas d’autres paysages que ce que nous
INCERTAIN REGARD sommes. Nous ne possédons rien, car nous
BP 146 ne nous possédons pas nous-mêmes. Nous
78515.RAMBOUILLET CEDEX n’avons rien parce que nous ne sommes
rien. Quelles mains pourrai-je tendre, et
Responsable de publication: Hervé Martin vers quel univers? Car l’univers n’est pas à
Parution Semestrielle
moi : c’est moi qui suis l’univers.
N° ISSN 1292 -5934 / éd Février 2001
dépôt légal 02 - 2001 Fernando Péssoa
édition photocopiée.130 ex Le livre de l’intranquilité
Email : incertainregard@chez.com Christian Bourgois Editeur
Site : http://www.chez.com/incertainregard/