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POÉSIE

                                     N°11 - Hiver 2000/2001

                    Yves                     Bonnefoy
                               DE NATURA RERUM


                     Lucrèce le savait :
                     Ouvre le coffre,
                     Tu verras, il est plein de neige
                     Qui tourbillonne.


                     Et parfois deux flocons
                     Se rencontrent, s’unissent,
                     Ou bien l’un se détourne, gracieusement
                     Dans son peu de mort.


                     D’où vient qu’il fasse clair
                     Dans quelques mots
                     Quand l’un n’est que la nuit,
                     L’autre, qu’un rêve?


                     D’où viennent ces deux ombres
                     Qui vont, riant,
                     Et l’une emmitouflée
                     D’une laine rouge?


                                               in Début et fin de la neige © le Mercure de France


De la résistance au monde                                         À la confrontation à soi
INCERTAIN REGARD
                                                        BP 146
                                               78515.RAMBOUILLET CEDEX

HIVER 2000/2001                            Email :incertainregard@chez.com
                                      Site : http: //www.chez.com/incertainregard/
Sommaire :                           Responsable de la publication : Hervé Martin
                                      Parution semestrielle : ÉTÉ & HIVER
                                                Numéro ISSN 1292 -5934
-Editorial
Un chemin en partage                 Vos envois peuvent nous parvenir à l’adresse
-Un poète                             mentionnée ci-dessus. Les textes ne sont pas
Yves Bonnefoy &                     conservés après lecture ou parution. Merci de
                                    joindre une enveloppe dûment affranchie pour
    Début et Fin de la Neige
                                                tout retour des textes.
-Poèmes
Rémi Faye                             La reproduction des textes n’est pas autorisé
Elmys Garcia Rodriguez               sans l’autorisation des auteurs et / ou de la
Michel Gerbal                       revue.Toute demande de reproduction doit être
                                     envoyée à Incertain Regard qui       transmet-
Bernard Grasset
                                                         tra.
Maurice
Louis Marie Roussiès
-Un peintre
Üzeyir Lokman ÇAYCI
-Chroniques
-Existe-t-il une poésie féminine?
          Lydia Padelec             Pour recevoir un numéro d’Incertain Regard il
-Le poète, figure de proue.         suffit de faire parvenir une enveloppe A5,
           Louis Delorme            affranchie à 4,20 frs et libellée au nom et
-Internet et poésie                 adresse du destinataire.Ceci dans la mesure
-L’Apatride                         des disponibilités.
          Emmanuel Hiriart
-Notes de lectures                  Les numéros suivants sont disponibles:
L Delorme
E Hiriart                                   Numéro 10   : Paul-Louis Rossi
H Martin                                    Numéro 9    : Atelier
L Padelec                                   Numéro 8    : Guy Goffette
-Revues                                     Numéro 7    : Patrice Delbourg
H Martin


                                        2
Un chemin en partage                                         Hervé Martin
    Comment écrire quand je songe à la somme accumulée d’écrits depuis deux millénaires?
Accumulation de signes, de lettres, de mots, de phrases. Manifestation de traces, de signifiants,
de sens : une traduction du sensible. Comment puis-je écrire aujourd’hui lorsque tant fut écrit ?
Avec sincérité, rage ou plus doctement, par des écrivains, des poètes, des philosophes ou des
scientifiques ?
    Comment lire et comment écrire, alors que la vitesse à laquelle nous contraint la société ne
laisse que trop peu de temps au déchiffrement de ce qui se précipite sur nous ? Si les
connaissances actuelles élargissent des espaces nouveaux, chargés d’espoir parfois dans le
domaine des sciences , elles ne sont pas, comme toutes choses, sans contenir en elles un revers:
ces craintes, sur des conséquences irrémédiables qu'elles peuvent entraîner , qui nous alertent.
Plus que la valeur intrinsèque des connaissances, c'est sans doute la faculté d'en user qui importe,
avec la conscience d’une responsabilité et dans un élan qui ne soit pas uniquement motivé par
la "rentabilité immédiate". Si seulement il nous était donné le temps de réfléchir aux
implications que ces connaissances induisent et aux choix, qu'une prudence à leur égard devrait
nous inciter à faire. Mais cette vitesse, excessive, endigue nos possibilités de réaction et nous
engloutit dans sa précipitation. C'est le temps de penser qu'il nous faut préserver. Mais le
pouvons-nous encore, quand celui-ci nécessite bien plus de temps que ne mettent les nouvelles
données technologiques et scientifiques à surgir dans notre société pour en modifier
continûment le paysage ? Alors, nous déchiffrons à la hâte ! Nous semblons revenir à une ère
d'icônes et d'images, portée en triomphe par cette société de l'argent roi. Valeur en elle-même
elle ne peut - seule - contenir toutes les autres. C’est de "Valeurs" dont nous avons besoin, qui
soient de vrais repères pour conduire notre vie.
    Alors, constatant cela, plutôt que détourner les yeux pour avancer : se retourner "en Soi". Et
mieux appréhender ce qui est "Hors de Soi" : la vie. Et commencer... Tenter d'écrire ! Comment
? Où débuter, inscrire la première lettre, le premier mot...

   “Comment écrire encore avec cette utopie de renaître à soi sous d’autres yeux possibles
   ? Comment écrire simplement soi, dans ce temps qui s’écoule en nos veines ? Comment
   face à ce temps qui avance sur nous, comme une eau, marée infinissante infiniment
   montante ? Simplement et rien d’autre, témoin de ces battements, ces palpitations, ces
   suées, ces humeurs, ces pliures, "ces marbrures du corps". Simplement et sans arrière-
   pensées, face à soi, dans le miroir froid, impassible de sa finitude. La fin de soi. La mort
   nommée du corps entier. Sa mort propre.
   Ecrire, tout contre soi avec ce miroir glissé au fond de son carnet. N’écrire jamais sans
   s’y mirer la face absente, la mort à considérer. Savoir que l’on ne va ni partir, ni dormir,
   ni s’évader mais mourir. Le corps se dessécher. Le corps se décomposer, se délabrer,
   s’affaisser les os. Se disjoindre. S'égrener en poussière. Savoir cela avec une conscience
   vive, pour vivre aujourd’hui simplement dans le flux de nos veines, l’acuité de nos sens et
   avec ce sentiment de n’être rien et tout à la fois dans l’instant. Cet état au faîte de vivre, -
   Etre - entre les bornes - Naître et Mourir -
   Alors écrire ! En n’oubliant pas ce que nous sommes. Ces vivants temporaires, ces passants
goûtants et jouissants des saveurs, aigres ou douces, que procure la vie. Puis en tirer la pulpe et
sans altération, en extraire le suc.
   La poésie peut être ce chemin que nous ouvre l'écriture, ce chemin, intime, offert en partage.


                                                  3
LES FLAMBEAUX




Neige
Qui as cessé de donner, qui n’es plus
Celle qui vient mais celle qui attend
En silence, ayant apporté mais sans qu’encore
On ait pris, et pourtant, toute la nuit,
Nous avons aperçu, dans l’embuement
Des vitres parfois même ruisselantes,
Ton étincellement sur la grande table.

Neige, notre chemin,
Immaculé encore, pour aller prendre
Sous les branches courbées et comme attentives
Ces flambeaux, ce qui est, qui ont paru
Un à un, et brûlé, mais semblent s’éteindre
Comme aux yeux du désir quand il accède
Aux biens dont il rêvait (car c’est souvent
Quand tout se dénouerait peut-être, que s’efface
En nous de salle en salle le reflet
Du ciel, dans les miroirs), ô neige, touche




                    4
Encore ces flambeaux, renflamme-les
Dans le froid de cette aube; et qu’à l’exemple
De tes flocons qui déjà les assaillent
De leur insouciance, feu plus clair,
Et malgré tant de fièvre dans la parole
Et tant de nostalgie dans le souvenir,
Nos mots ne cherchent plus les autres mots mais les
  avoisinent,
Passent auprès d’eux, simplement,
Et si l’un en a frôlé un, et s’ils s’unissent,
Ce ne sera qu’encore ta lumière,
Notre brièveté qui se dissémine,
L’écriture qui se dissipe, sa tâche faite.

(Et tel flocon s’attarde, on le suit des yeux,
On aimerait le regarder toujours,
Tel autre s’est posé sur la main offerte.

Et tel plus lent et comme égaré s’éloigne
Et tournoie, puis revient. Et n’est-ce dire
Qu’un mot, un autre mot encore, à inventer,
Rédimerait le monde ? Mais on ne sait
Si on entend ce mot ou si on le rêve).




                                    in Début et fin de la neige © le Mercure de France




                         5
LA CHARRUE




    Cinq heures. La neige encore. J’entends des voix
    À l’avant du monde.

    Une charrue
    Comme une lune au troisième quartier
    Brille, mais la recouvre
    La nuit d’un pli de la neige.

    Et cet enfant
    A toute la maison pour lui, désormais. Il va
    D’une fenêtre à l’autre. Il presse
    Ses doigts contre la vitre. Il voit
    Des gouttes se former là où il cesse
    D’en pousser la buée vers le ciel qui tombe.




                                  in Début et fin de la neige © le Mercure de France



C
                          6
DÉBUT ET FIN
                            DE LA NEIGE
       Suivi de                          LÀ OÙ RETOMBE LA FLÈCHE


    Éditions du MERCVRE DE FRANCE                      Yves Bonnefoy

      L'ouvrage est suivi de Là où retombe la flèche. Seul ici , Début et fin
      de la neige, sera l’objet de cette lecture approfondie.
      Le livre est composé de cinq parties. L'ensemble La Grande Neige
      comporte 15 poèmes et débute le livre. Les autres ensembles forment
      eux-mêmes des poèmes à strophes - Les Flambeaux - et - Hopkins
      Forest - ou, sont composés de poèmes numérotés -Le tout le rien - et -
      La seule rose -
      Je remercie Yves Bonnefoy et les éditions du Mercure de France qui ont
      autorisé la parution de trois poèmes de Début et Fin de la Neige.
                                                       Hervé Martin

omment lire ?          "Début              et fin de la neige"
 ou
  "Début et fin                De la neige" ?
Dès le titre et tout au long des vers jusqu'aux derniers poèmes, c'est le
processus d'une métamorphose qui opère sous et sur notre regard. La
transformation.   - d'une vision réelle - vers ce qu’elle suggère en nous.

Un mouvement : une transformation ?
D’abord, se remémorer la neige...
“Neige : eau congelée dans les hautes régions de l'atmosphère, et qui tombe en
flocons blancs et légers.”           précise le dictionnaire.
Quotidienne aux populations des pays nordiques, commune l’hiver aux
montagnards, la neige est l’un des états de l’Eau. Cet élément premier,
indispensable à la vie qui complète l'ensemble Air , Feu , Terre.
La neige est cet état intermédiaire de l’eau dans son passage de l’état liquide
à l’état solide. De l’eau à la glace. De l'a-morphisme à la forme. De la limpidité
à l’immobilité. L'eau dans ces transformations définit un mouvement.
Comment alors ne pas y voir une allégorie du processus poétique ? De ce qui
est senti vers ce qui s’exprime et s’épanouit sur la page. Cette alchimie
poétique, cette transformation qui opère non sous l’influence de la température,
                                         7
mais sous celle d’un état singulier à l’être. La poésie est une transmutation de
l’éthéré en vers, verbes, mots, rythmes, sons,...
L’art poétique se déroule dans ce «faire ». Ce processus de création est
“mouvement.”
Plus près de l’image, comment ne pas imaginer la neige, immense champ blanc
au matin, comme un avenir probable de l’enfant ou comme une page,
non-écrite encore, du poète? Comment ne pas voir dans ce drap de lumière,
étendue sous les pieds, l'espérance dressée contre ce ciel gris acier dont la
neige est issue?
Qui n’a tenté ce geste de mettre un pied dans la neige fraîchement tombée de
la nuit ? Et constatant sa trace, vérifier par ce signe la réalité de sa présence.
Vivant ! Oui laisser une trace qu'une neige nouvelle à son tour recouvrira
ou que la température changeante - gel ou redoux - pétrifiera comme ces
glaciers du pôle conservant en eux la mémoire du temps ou effacera dans
la déliquescence. Appréhender ce livre avec en sa mémoire cette inconstance
intrinsèque à la neige. Cet état d’équilibre précaire ou ce qui est immanent
est toujours la désagrégation.

Circonscrire le temps.
La neige - la grande - porte à la méditation, rappelle les souvenirs, exerce la
mémoire :
                          » en moi l’étoffe du songe »
À la lecture des poèmes le lecteur franchit les barrières qui séparent (mais
où précisément ?) la réalité de l’intime du poète.
  "Puis vers le soir, / Le fléau de la lumière s’immobilise./ Les ombres et les
                            rêves ont le même poids "
La neige est ici prétexte - pré-texte ? - Par sa lumière, cette méditation
qu’elle suscite, la neige a pouvoir d’éclaircir ce sombre en nous. Cet
incompris, le mystère du monde auquel chaque être est confronté.
                     « qui s’intéresse à nous dans la mémoire »
Sa vision seule a pouvoir d’interroger la mémoire, chercher sens à
l’existence, éprouver le temps qui passe, qui est passé.
« Cinq heures. La neige encore. J’entends des voix / A l’avant du monde. «
Ce temps, Yves Bonnefoy tente de le saisir , de l'immobiliser, de le
circonscrire.
" De mon passé, de ces jours d’à présent, / Un instant simplement : cet instant-
                                ci, sans bornes. /"
Cette préoccupation de la matérialisation du temps habite d’autres vers encore.
Mais comment saisir et matérialiser le temps ?
                                         8
"A ce flocon / Qui sur ma main se pose, j’ai désir / D’assurer l’éternel / "
Peut-être par un changement d'état, un signe ? Si le vieillissement illustre cette
matérialisation à l'échelle d'une vie, à celle plus macroscopique de l'instant, c'est
la neige qui œuvre par son changement d'état sous l'influence des températures.
 " Il voit / Des gouttes se former là où il cesse / d’en pousser la buée vers un
                                 ciel qui tombe / "
La buée du souffle sur le froid du verre se change en eau ; Sous la chaleur de la
peau, le flocon devient gouttes d'eau ; Et ce souffle dans l'air ?
                        " Brume des corps qui vont dans la neige."
Respirations des corps ? Ils nous consument mais nous vivons par eux.
C'est un mouvement incessant qui naît dans ces poèmes. De la neige vers
l'eau mais aussi de la réalité au songe, du présent aux souvenirs, de la vision
au     rêve.   Les lecteurs que nous sommes sont transportés par ces
mouvements, ces déplacements qui franchissent les frontières des sens.
La grande neige est peut être cette vie possible. Cette espérance vive, ce lieu
vierge du lendemain où chacun pourrait tracer le chemin rêvé des ses pas.

Flambeaux, mots, flocons ou comment nommer le désir.
Si la neige, tapis vierge à nos pieds révèle toutes les espérances, la joie dans les
yeux de l’enfant, la neige peut aussi être
                                 « celle qui attend. «
Qui nous attend ? Celle qui nous appelle vers les flambeaux qui réchauffent
ces flocons, effaçant avec eux tout ce qui fut possible? Flocons qui tissèrent
cette étendue vierge, - Avenir - ouvrant ses espaces infinis aux jeunes gens.
Les - flambeaux espérances - : Désir(s) ? qui nous tirent, nous entraînent dans
la vie. La neige seule, paradoxalement, semble pouvoir les ranimer et les
entretenir :
             « ô neige, touche / Encore ces flambeaux, renflamme-les »
Mais peut aussi les éteindre :
                     « de tes flocons qui déjà les assaillent »
lit-on deux vers plus loin.
Ici, tout paraît s’entremêler : le feu du flambeau, le froid de la neige, les mots
des vers qui sont ici flocons :
»Nos mots ne cherchent plus les autres mots mais les avoisinent / Passent auprès
d’eux simplement, / Et si un en a frôlé un, et s’ils s’unissent / Ce ne sera
qu ’encore ta lumière, / Notre brièveté qui se dissémine, / L’écriture qui se
dissipe, sa tâche faite. »
Comment ne pas rapprocher ces vers de ceux du poème DE NATURA RERUM ?
 « Et parfois deux flocons / se rencontrent, s’unissent / Ou bien l’un se détourne,
                                          9
gracieusement / Dans son peu de mort «
Et si tout paraît mêlé c’est que le désir qui nous anime est bien confus
aussi, constitué de tant d’agrégats dont nous ne connaissons la nature exacte.
Confus car atteint, l'objet du désir s'efface dans l'instant. L'espoir, ne résidant
désormais que dans le report - Ailleurs - de cet objet. La confusion, se love
dans ce schisme, car la quintessence du désir ne réside pas dans l'objet qui
l'illustre, mais bien dans le mouvement initié pour l'atteindre. La poésie
jouerait-elle ce rôle ?

Hopkins Forest ou le désir renaissant.
Du ciel au livre, du signe aux lettres, du signifiant à la neige, du songe à la
réalité ou du mystère à la révélation : c’est la métamorphose qui dans ce poème
est à l’œuvre. Changements de registre du sens, cheminement et pérégrination
de la pensée : Hopkins Forest, vaste territoire naturel situé en Nouvelle-
Angleterre et réputé pour ses espaces enneigés l’hiver est désigné comme le lieu
de “passage” :
                          « du visible pour l’invisible » ;
de notre réalité vers :        « Tout l’autre ciel ».
Ce lieu, espace de cette grande neige pourrait dès lors réunifier ce qui est par
nature inconciliable. Ce passage serait-il en - l'état poétique - ? . Cette ferveur
d’incarner par des mots l'éther de nos désirs.

Le Tout, le Rien.
"Te soit la grande neige le tout, le rien "
Une saison passe. Un cycle s'achève. Une métamorphose est à nouveau à
l'œuvre. Et le travail de la neige, - l'écriture ? -, - la parole poétique?- ,va faire
place à une saison plus claire. L'éclaircissement par la parole :
   "Puisque, hier, ce n'était encore que des tâches / de couleur, plaisirs brefs,
               craintes, chagrins / Inconsistants, faute de la parole./
Cette parole qui transforme l'inquiétude et la peur en un cri clair de joie. Un rire
"méditable". Vivre ! Oui. Pas uniquement dans le - désir - de vivre, mais - Etre-,
simplement dans chaque instant qui s'écoule. Tenter d'abroger le désir pour
vivre un présent immédiat.
    " …Une façon de prendre, qui serait / De cesser d'être soi dans l'acte de
                                    prendre, …/ "
              "…Sinon tu ne dénommerais qu'au prix de perdre. …/"
                " Mais écrire n'est pas avoir, ce n'est pas être, /…"
Ces trois vers extraits du poème - LE TOUT LE RIEN - illustrent , à mes
yeux , l'achoppement du poète à lui-même, au désir qui le guide.
                                          10
La seule rose : la vie seule ?
Dans cette dernière partie du livre la neige à nouveau envahit. Les souvenirs
réapparaissent. L'enfance… une ville imaginaire aux rues vides… où apparaît,
avec ses figures de la renaissance italienne, Alberti , San Gallo, Brunelleschi :
l'Architecture. L’art éblouissant de ces artistes qui
            ".. ,ont approché / De cette perfection, de cette absence. / "
La beauté est alors sans nom. Elle transcende l'apparence. Elle polarise en elle
tous les désirs mêlés dans un état de confusion des sens et du plaisir :
  "Et soudain c'est le pré de mes dix ans, /Les abeilles bourdonnent, / Ce que j'ai
   dans mes mains, ces fleurs, ces ombres, / Est-ce presque du miel, est-ce de la
                                     neige ? ../ "
Un état poétique au faîte de sa plénitude d'où le poète s'extirpe pour adresser
les derniers vers de ce poème à ceux, dont la perfection en leur art, a guidé les
pas et la vision du poète.
  "...Ô mes amis, / Alberti, Brunelleschi, San Gallo, / Palladio qui fais signe de
l'autre rive, / Je ne vous trahis pas, cependant, j'avance, / La forme la plus pure
reste celle / Qu'a pénétrée la brume qui s'efface, / La neige piétinée est la seule
                                       rose. / "
Vivre : une contemplation active.
Qui, voyant voleter les flocons de neige dans un ciel d’hiver, n’a pas été
plongé un instant par cette vision dans un état de contemplation ? Pour s’en
sortir brusquement, quelques instants plus tard happé à nouveau par les
occupations de la vie quotidienne. Le poète, plus que de s’en défaire
entretient ce moment. Il le maintient en lui et tente d’en extraire la sève. Le
miel ? Ainsi une vision bien réelle de notre monde l’élève à un état poétique
qui le conduit plus loin encore, à cette traduction qu’il nous en donne avec
des vers et des poèmes. Porté par ces poèmes le lecteur passe de la réalité
au souvenir, du souvenir à l’espérance, du passé au présent. Au delà de la
métaphore, c’est la métamorphose qui est au cœur de cette poésie.
Mais la poésie, n'est-ce pas cela ? Cette traduction permanente de soi-même et
du monde, dans un mouvement continuel de la transformation.




                                        11
Yves Bonnefoy
 Principaux livres de poésie :

Du mouvement et de l’immobilité de Douve   1953, Mercure de France
Hier régnant désert                        1958, Mercure de France
Anti-Platon                                1962, Galerie Maeght
Pierre écrite                              1964, Mercure de France
Dans le leurre du seuil                    1975, Mercure de France
Poèmes (1947-1975)                         1978, (coll. Poèsie/ Gallimard,1982)
                                                         Mercure de France
L’Origine du langage                       1980, Monument Press
Par où la terre finit                      1985, Marchant Ducel
Sur de grands cercles de pierre            1986, Thierry Bouchard
Pierre écrite,                             1965, Mercure de France
Dans le leurre du seuil                    1975, Mercure de France
Ce qui fut sans lumière                    1987, Mercure de France
Les Raisins de Zeuxis                      1987, Monument Press
Là où retombe la flèche                    1988, Mercure de France
Encore les raisins de Zeuxis               1990 Monument Press
Début et fin de la neige                   1991, Mercure de France
La vie errante                             1993 Mercure de France
La pluie d’été                             1999 La Sétérée
Keats et Leopardi                          Avril 2000 , Mercure de France



                                           12
Rémi Faye



             alors naître     comme d’un trait le fleuve
             naître d’oubli d’infinis avec mon corps létal
             la lampe fait l’arbre   entre moi et la nuit
             dans l’angle mort     tous ces gestes
             qui se perdent plus lents        et nos vies
             ont cette douce patience d’hiver




  toujours naître     dans tes gestes        dans ce corps à la limite
  de la nuit    ce corps qui est la nuit      naître avec cette lenteur
  mêlée de souffle et de voix         avec ces gestes patients     ces
  gestes de femme qui coulent comme des huiles           naître comme
  on apprend le corps le fruit ouvert et l’oubli avec cette patience
  du fleuve et de l’hiver     naître    d’avoir enfreint la mort




Poèmes                                      13
Rémi Faye


                              ce serait
                  comme une rue déserte

          ces mots de dernière minute
                 sur les pas des portes
          tous ces bruits de transistors

         ces mots que tu dis      c’est
            comme un hiver tranquille
                    un soir de village
                         après la pluie

                     encore un instant
              arrêté comme un dessin

                    le vent     inerte
          juste l’empreinte du vertige




Poèmes       14
Rémi Faye


        je vous demande tant d’heures
        tant de mots et de fêtes
        de chemins de serpents dans les collines

        comme si le sommeil
        venait dans nos voix
        avec ses chiens de fusées

        comme si toutes les nuits
        tombaient d’un seul coup

        comme si mes jours
        pliaient sous le poids
        de la pluie

        et tout ce silence qui monte
        jusqu'à nos yeux




   Le prix Max-Pol Fouchet 2000 a été attribué à Rémi Faye pour
   son livre “Fièvre blanche” édité au Castor Astral. Il nous offre
   ici trois poèmes inédits, extraits d’un recueil en cours d’écri-




Poèmes                           15
Elmys Garcia Rodriguez

     Conversation avec Vallejo

     Vallejo,
     je sais que tu n'es pas comme ces poètes
     qui s'installent
     dans un hôtel “ cinq étoiles ”
     tu m'invites
     dans le quartier le plus latin de Paris
     tes petits gestes
     me font me sentir importante
     ce matin où je me suis levée
     avec l'envie de mourir
     en voyant la pluie pénétrer
     par le toit de ma chambre.
     Dis moi peux-tu
     me promener à ton bras
     sur les Champs élysées
     pour découvrir Notre Dame de Paris
     Dis-moi si tu viens
     me combler de questions.
     Tu m'invites à prendre un café
     n'oublie pas
     Paul Eluard doit être en train d'attendre
     ponctuel comme tous les jeudis,
     il y a quelque chose que je dois te dire
     j'ai déjeuné tôt, nous resterons une demie-heure
     je sortirai dans la rue
     pour chercher un lys à ta mémoire.
     Ce sont tes petits gestes Vallejo
     qui me font me sentir différente.




Poèmes                      16
Elmys Garcia Rodriguez

   Conversacion con Vallejo

   Vallejo,
   sé que no eres como aquellos poetas
   que se hospedan
   en un hotel " Cinco Estrellas "
   tù me invitas
   al barrio mas latino de Paris,
   estas cosas tuyas
   me hacen sentir importante
   este dia que amaneci
   con ganas de morirme,
   al ver la lluvia penetrar
   por el techo de mi cuarto.
   Avisame si puedes
   llevarme de tu brazo
   por la Avenida de los Campos Elíseos
   a conocer nuestra Senora de Paris,
   avisame si vienes
   a llenarme de preguntas.
   Me invitas a un café
   ten presente
   Paul Eluard debe estar esperando
   puntual como cada jueves,
   hay algo que debo decirte
   desayuné temprano, estaremos media hora en la tertulia
   saldré a la calle
   a buscar un lirio para tu recuerdo.
   Son estas cosas tuyas Vallejo,
   las que me hacen sentir diferente.




Poèmes                           17
Elmys Garcia Rodriguez
         La ville,
         les paroles, le vers qui te nomme


         Ma mère
         tricote l'urgence de ses jours
         mon cri de guerre c'est t'attendre
         attendre tes mains
         qui piègent mes désirs,
         en regardant mon corps étendu
         comme une carte au milieu de la nuit,
         dans mon Journal de bord
         j'ai noté la date de ton retour,
         je me propose
         de te libérer des questions
         il n'y a pas de pire exil
         que celui que nous portons en nous,
         mon univers
         c'est le lit où je dors,
         je ne respecte pas assez les coutumes.
         Si cette ville
         pouvait se changer en Buenos aires
         assurément à présent je serai
         avec l'homme qui rêve de dessiner mes hanches,
         les paroles,
         le vers qui te nomme.
         Ma ville n'a rien
         à envier à la tienne,
         c'est comme ça les jours
         ne cessent d'être interminables,




Poèmes                     18
Elmys Garcia Rodriguez

         tu me demandes un peu plus de poésie
         pour alléger mes plaintes.
         On entend les cris de ma mère,
         le petit déjeuner m'attend,
         le petit déjeuner froid qu'elle m'offre
         tous les jours
         de la semaine et du mois,
         ma mère veut nous mener
         à sa folie sans cœur, hystérique
         je ne sais comment mon père peut la supporter
         quand sa voix résonne dans toute la maison.
         Elle tricote toujours
         l'urgence de ses jours,
         je prépare les chambres
         pour ton retour.




                 Elmys Garcia Rodriguez est Cubaine. Ces poèmes
                 , dont une version bilingue est proposée , ont été
                 traduits par Emmanuel Hiriart.



Poèmes                       19
Michel Gerbal



A Grand-Champs, Morbihan,
je me jette sur un lit trop épais
la fille vient s'accoucher près de moi
je roule une heure et deux et demi avec ses seins de poire sur ma poitrine
ses hanches dedans mes mains comme des pirogues
on se suçote baisote tout c'qui fait hic et tout ce qui fait hoc de même
on s'aspire se suçonne se mastique se malaxe se pinçotte
on se gymnastique d'ahan et devers darrière et davant
on se tripote et se dépote et barbotte barbouille et débarbouille
on se tire les bouts et bouche les trous
on s'visse on s'dévisse on s'revisse on s'
niche et on s'déniche on s'mouche la chandelle
on s'souffle on s'gonfle on s'pèse on s'ridérire
on s'phonème on s'bégaye on s'aphasit on s'aplatit on se berce
dans le lit de sa grand-mère à Grand-champs qui est morte là
ce pour quoi la fille après le discours ne veut pas y rester
et j'y reste seul avec l'odeur de ses organes à plaisir
comme unique chanson et seul souvenir
objet transitionnel des jeunes de bonne famille




Poèmes                               20
Michel Gerbal


Et un matin entre les champs de pommes et les vignes ah! combien ai-je couru
portant la charge d'un surprenant orgueil
un désespoir merveilleux et privé courrait à mon côté
j'ai rempli son sourire torve de pommes ramassées
et nous les avons lentement mangées en chemin
laissant autour du trognon beaucoup de viande rouge
que nous semions sur le chemin du retour à
ailleurs
pour amicalement les partager avec les oiseaux et les fourmis
et pour manifester notre plénitude et notre joie de vivre
et les vents de la mer
poussaient à Courson mon cortège de péniches
la procession des visages pèlerins entre les draps errants




Poèmes                              21
Michel Gerbal



    Et c'était, en allant, en chantant, enrouté par la campagne,
    lorsque j'ai demandé mon chemin,
    juste pour demander mon chemin,
    et non parce que réellement je cherchais
    quelque chose qui fût mon chemin.

    Le ciel était délayé,
    répandu, profond, sans volume.

    Quelque part près de Courson.
     (j'ai oublié les noms de ces villages,
    et même je n'ai jamais connu les noms de ces hommes et de ces femmes:
    puisqu'aucune cruauté, je crois, aucune jalousie ne nous a jamais uni,
    peut-être ils sont morts, et peut-être c'est moi,
    et peut-être ça n'a aucune importance
    pour cette sorte de poème-là.)
    ( le ciel bleu et blanc, c'est important. )




 Ces trois poèmes sont extraits de l’ensemble Eldorado




Poèmes                             22
Bernard Grasset



    La lune revêt les oliviers
    Au-dessus du lac endormi
    Que traversent des barques
    Halant l’impossible.
    Le temps n’est pas encore
    Aux cantilènes, à la pluie
    L’âcre blessure
    N’a pas livré son aurore.
    Sur l’île un anneau
    D’embrun et d’étoiles
    Forgé par le vent
    Souligne le sable.




Poèmes                           23
Bernard Grasset



    Le soleil sur la terrasse,
    Des enfants qui accourent
    Criant le long des ruelles,
    Un livre s’ouvre, se referme.
    A l’établi, inaperçu,
    Le menuisier travaillera.
    Un appel des collines,
    L’herbe et le rocher,
    Le vent transmue les palmes
    En refrain étranger.




Poèmes                            24
Bernard Grasset



    Une flûte éveille les coteaux
    Où l’hirondelle passe,
    Des hommes se serrent la main
    Avant de disparaître.
    Voix douloureuses
    Comme cep de vigne,
    Voix cristallines
    Qui chantez sur le seuil.
    Les peupliers ondulent
    Sous les nuages,
    Tout devient possible
    A l’aune éternelle.

                   (J.-S. Bach)




    Les poèmes sont extraits des ensembles “ La porte du jour 3”
    et “ Récits 3 “



Poèmes                          25
Maurice
                         HLM BLUES


   C'était un soir de brume, un soir fantôme, et face à moi,
   Seul au bout du parking, je cherchais des yeux cet immeuble,
   Et face à moi en un instant se dresse à travers l'ombre
   Un grand rectangle à carreaux partout bleu pâle et rouge ocre,
   Un quadrillage étrange en vain tendu droit sur le vide,
   Tenant en vain lieu de beauté.
                                    C'était au même instant,
   C'était en moi la toujours là, c'était, éclatant toute,
   Infini gouffre où tout ce qui est vu devient vision,
   Devient présence à reconnaître et formuler sous peine
   De folie ou de mort, tout-puissamment c'était l'angoisse,
   Il me fallait, sur ce damier vertical, face à moi,
   Sur cette image, et vite, il me fallait mettre des mots,
   Parler, c'est tout, parler n'importe, il me fallait d'urgence
   Exorciser la solitude en moi épouvantée,
   Tout n'est-il pas toujours signe pour nous, jamais vers nous ?

   Et c'est aussi au même instant, là-haut, qu'une fenêtre
   En grand s'est ouverte, a surgi une ombre aux cheveux clairs,
   En robe orange, et la voilà qui tousse et tousse et puis
   Qui tend les bras : plus rien, délire, effroi, en moi plus rien,
   Plus rien soudain de cet immense avortement d'extase,
   Tout n'était plus en moi que paix soudaine et que silence,
   Et sous mes yeux, bloc droit dans l'ombre, étage après étage,
   Intérieurs éclairés, stores baissés un peu partout,
   On y mange, on y bouge, on y vit, beauté toute humaine,
   Oui, cet immeuble que je cherche, il est là, face à moi.

   Et c'est ainsi pour toi que j'aurai écrit ce poème,
   Pour toi en robe orange, aux cheveux clairs, soudain surgie
   Presque tout en haut de ton H L M, toi te penchant
   A ta fenêtre ouverte et toussant fort, les bras tendus,
   Toi plus que simplement qui m'as sauvé de ma panique,
   Un soir de brume, un soir fantôme, en battant tes pantoufles.




Poèmes
                                            in HLM BLUES © Editions Dumerchez


                                26
Maurice

           - Mais si tu savais pourquoi j'ai crié,
           O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
                   Mais si tu savais, j'ai crié !

       - C'était un étang, mon fils, et rien d'autre,
          O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
              Un étang, mon fils, et rien d'autre.

          - Mère, mère, mère, il était tout rouge,
           O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
               Rouge, rouge, il était tout rouge !

          - Un jardin sur l'eau, pivoines ou roses,
           O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
                 Ou pivoines sur l'eau ou roses.

         - J'avais soif, si soif, j'ai tendu la bouche,
           O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
                 Et j'ai hurlé, la bouche en sang !

     - Mon fils, mon fils, rien n'était rien, sois sage,
         O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
              Rien n'était rien, dors et sois sage.

       - Comment dormir, mère, le corps me tire,
         O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
            Comment dormir, le corps me tire !




Poèmes                      27
Maurice

           - C'est la nuit des temps, mon fils, dors encore,
                O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
                    C'est la nuit des temps, dors encore.

            - L'ogre au fond de l'eau, dis-lui de se taire,
               O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
                    Au fond de l'eau, dis de se taire !

            - Dors, mon assoiffé, mon étang, mon ogre,
               O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,
                  Dors, tais-toi, dors, mon ogre, dors.



                                         in HLM BLUES © Editions Dumerchez




 HML BLUES, extrait de L B L B L , ouvrage à paraître en Février
 2001 aux éditions Bernard Dumerchez




Poèmes                            28
Louis-Marie Roussiès

                 LUMIERE SUR LE SABLE

   En cette fin d’été
   le soleil généreux inonde la plage.
   Les estivants offrent leur peau dorée aux doux rayons.
   Assis sur un rocher, les pieds dans l’eau
   le bruit d’un clapotis se transforme en un chant.
   La lumière chauffe le rivage.
   La vie fonctionne toute seule, belle et sublime
   comme l’immensité de la mer colorée.
   L’île au loin offre un pied à terre.
   Les oiseaux se lâchent dans l’air pour une farandole subtile .
   Les enfants hurlent leur joie près du rivage
   tandis que l’amoureuse sent encore plus près
   le corps de son amant.
   La lumière est là tranquille comme à son premier jour.
   Chacun a pris son rêve, ses pensées familières ou bien a tout offert.
   Le sable doré est donné comme un grand lit.
   En moi, j’entends un bruit, tel un murmure de mots.
   Quel est ce trait léger qui vient sous la clarté
   et qui nous suffira, pour continuer d’aimer
   sur l’océan du monde où baignent nos pensées?




Poèmes                         29
Louis-Marie Roussiès


                         Temps - présent


     Le temps-présent m’accueille en marchant.

     Avec lui je regarde le chemin de terre,

     le champ verdi par le blé naissant

     et le bois qui se prépare au printemps.

     Le pré de mon enfance vient me toucher.

     Les pas sous mon corps

             se succèdent sans efforts.


     TOUT EST MAINTENANT!




Poèmes                      30
Louis-Marie Roussiès


                          TEMPÊTE



    L’emprise brutale du vent

    roule l’eau

    sur la mer en furie

    La vague gronde et se relève

    éclaboussant l’air et le rocher

    de violentes gerbes étincellées

    Les éléments humides et forts

    occupent l’immense espace obscur

    comme un début de monde.




Poèmes                          31
Louis-Marie Roussiès

     Petit matin

     Un épais silence
     habite les quelques bruits naissants.
     Les formes se découvrent peu à peu
     de leurs habits de nuit.
     Tout se regarde.
     Quelques feuilles se laissent bouger
     tandis que l’oiseau étouffe son
     premier cri.
     La rose retrouve sa couleur.
     Le monde hésite entre l’ombre et
     l’innocence
     et puis tout recommence dans la
     lumière...




Poèmes                          32
Üzeyir Lokman ÇAYCI est peintre et poète . Né à Bor en
Turquie , il vit actuellement à Mantes La Ville dans les Yve-
lines. Il nous présente, ici et aux pages suivantes, trois
dessins à la plume.

                            33
Existe-t-il une poésie féminine?

                                                                   Lydia Padellec

" Quand sera brisé l'infini servage de la femme,
  quand elle vivra pour elle, et par elle, l ‘homme,
  jusque' ici abominable, — lui ayant donné son renvoi,
  elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l‘inconnu!
 - Ses mondes d‘idées différeront-ils des nôtres ?-…"             Arthur RIMBAUD




         Parler de poésie féminine, c’est poser le problème du genre : or, nous savons
  tous que le masculin n’est pas uniquement le masculin, mais aussi le général. Il y
  aurait donc le général et le féminin. Une particularité. La poésie féminine serait en
  quelque sorte “marginalisée”, davantage considérée comme un instrument de combat
  pour une “cause féminine”. Il faut dire que les poétesses ont été peu nombreuses
  dans l’histoire de la poésie française : Marie de France, Louise Labé, Marceline
  Desbordes-Valmore, Anna de Noailles, - pour ne citer que les plus connues c’est-à-
  dire celles que l’on étudie à l’école -; peu nombreuses aussi dans les anthologies. Les
  poètes-femmes (que l’on préfère au terme vieilli de poétesse”) seraient-elles donc
  des écrivains minoritaires ? Ce sont pourtant elles qui écrivent et lisent le plus de
  poésie, mais qui sont les moins publiées par les grandes maisons d’édition; peu de
  femmes dirigent des collections de poésie, des revues, tiennent une rubrique de
  poésie, ou encore se trouvent à la tête d’une maison d’édition.
                                                                                1
         Dans l’anthologie Poésies en France depuis 1960 - 29 Femmes Liliane
  Giraudon et Henri Deluy constatent une émergence de nombreuses femmes dans
  l’écriture poétique depuis les années 60. Mais c’est surtout depuis une ou deux
  décennies que les femmes s’expriment de plus en plus. En effet, les mentalités et la
  société en général ont évolué : les femmes ne se contentent plus d’être des épouses,
  des amantes ou des mères; elles ont un métier et davantage de responsabilités, elles
  ont leur mot à dire. Certaines sont professeurs, universitaires (Esther Tellermann,
  Marie-Claire Bancquart, Jacqueline Risset), d’autres sont encore préfètes, pilotes,
  chefs d’entreprise, médecins, avocates (Jacqueline Frédérie Frié).
       Par ailleurs, y a -t-il des sujets poétiques spécifiquement féminin ? Jean Orizet,
dans l’introduction au dossier consacré aux “femmes et la poésie” de la revue Poésie 1
                2
Vagabondage remarque que le veuvage (" chanté” par Christine de Pisan au XIVè
siècle), ainsi que le bonheur et le malheur conjugal étaient “affaires” de femmes jusqu’à
la fin du XIXè siècle ! Bien sûr, l’expérience de la maternité reste, avec l’amour
maternel, un thème qui perdure de siècle en siècle. Mais tout comme la femme, la poésie
                                                  34
féminine connaît de nombreuses mutations : les sujets rejoignent dorénavant les mêmes
préoccupations que les poètes-hommes, avec prises de positions intellectuelles ou / et
philosophiques: la femme, comme l’homme, redoute la fuite du temps et la mort, et
éprouve de façon aiguë la difficulté d’être (Vénus Khoury-Ghata, Gabrielle Althen). Elle
s’intéresse également à la “forme-poésie”( Ilse Garnier, créatrice de la poésie spatiale), le
“poème-récit ”, le “poème en prose”, le “poème-reportage ”, et met davantage l’accent
sur la vie quotidienne (Nathalie Quintane). D’un autre côté, les femmes-poètes peuvent
avoir aussi le goût pour la nature, le merveilleux, l’imaginaire et l’humour (Odile
Caradec, Isabelle Pinçon) ; et d’une manière plus traditionnelle pour l’amour et la
sensualité (Claude de Burine, Anne-Marie Derèse).
       Alors, existe-t-il une poésie féminine ? Pour certains, non, car cela équivaudrait à
la marginaliser, pour d’autres, elle serait en devenir. Mais l’important, sans doute,
comme le dit Jean Orizet, est que la poésie “aide les femmes et les hommes à exister
mieux, plus haut et plus loin”.
                                                        !
1 ) Giraudon, L et Deluy, H, Poésies en France depuis 1960 - 29 femmes, éd. Stock coll. “Versus”,1994.
2) Poésie1 Vagabondage, revue trimestrielle publiée au cherche-midi éditeur, n°23 (Sept).




                                                          35
Le Poète , figure de proue
                                                                       Louis Delorme

       L’intuition, chez un scientifique est capitale, on le sait.
       On le sait depuis qu’Archimède, se sentant plus léger dans son bain et s’écriant
Eurêka ! a imaginé le moyen de savoir si la couronne de Hiéron II, roi de Syracuse était
en or massif ou en alliage, et découvert du même coup le principe qui porte son nom,
qui veut que tout corps plongé dans un liquide reçoive de celui-ci une poussée
verticale dirigée de bas en haut etc., etc. Nous avons tous récité cela par coeur.
       On le sait depuis que Newton, en voyant tomber une pomme d’un arbre,
échafaude la théorie de la gravitation universelle. On le sait depuis que Louis Pasteur a
deviné que c’étaient les vers de terre qui remontaient les bacilles du charbon en surface
et qu’ainsi les moutons s’infestaient à partir des cadavres que l’on avait pourtant
enterrés profondément.

       L’intuition chez le Poète est encore plus développée parce qu’il explore et qu’il
imagine beaucoup plus en amont de la réalité que le savant. Et qu’il n’est pas tenu à
une obligation de résultat.
                                                 0
       Dans son excellent article, (Agora n il juillet-août-septembre 2000) Lucie
MAILLET nous parle de Victor Hugo, à propos des tables tournantes de Jersey, et elle
nous apprend que le poète avait la connaissance intuitive du rayonnement radioactif. Il
faudra pourtant attendre 1896 (onze ans après la mort de celui-ci) pour que Henri
Becquerel remarque que les sels d’uranium émettaient d’une façon continue, un faible
rayonnement qui impressionnait les pellicules photographiques et provoquait l’ionisa-
tion des gaz. Le mot de radioactivité sera proposé plus tard par Marie Curie.
       Dans un tout autre domaine, - O combien palpitant ! aussi palpitant que l’ère
des machines volantes dont Léonard de Vinci avait eu le premier l’idée, allant jusqu ‘à
les dessiner - des savants de diverses nationalités sont en train de dresser la carte du
génome humain et on nous dit qu’elle sera terminée beaucoup plus tôt que prévu.
Durant l’été 2000, pour être précis, alors qu’initialement, les scientifiques ne pensaient
pas en avoir terminé avant 2005. On sait aussi que l’homme ne possède pas cent
cinquante mille gènes comme on avait cru d’abord mais seulement trente ou trente-
cinq mille. (Cf SCIENCE ET VIE de juin).
       Il avait fallu attendre le frère Grégoire Mendel et ses fameuses découvertes pour
que les premières lois sur la génétique soient identifiées, pour que les notions
d’hérédité, d’hybride, de caractère dominant ou récessif soient clairement établies.
       Et pourtant, là encore, la pensée du poète avait précédé celle du savant. Voici ce
qu’écrivait Montaigne dans ses ESSAIS: Quel monstre est-ce, que cette goutte de
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semence de quoi nous sommes produits porte en soi les impressions, non de la forme
corporelle seulement mais des pensemens (pensées) et des inclinations de nos pères ?
Cette goutte d’eau où loge-t-elle ce nombre infini de formes?
       Et comme portent-elles ces ressemblances, d’un progrès si téméraire et si
déréglé que l’arrière-fils répondra à son bisaïeul, le neveu à l’oncle ? ... J’étais né
vingt-cinq ans et plus avant sa maladie, (celle de son père : la pierre, qui fut aussi la
sienne ) et durant le cours de son meilleur état le troisième de ses enfants en rang de
naissance. Où se couvait tant de temps la propension à ce défaut ? Et, lors qu’il était
si loin du mal, cette légère pièce de sa substance de quoi il me bâtit, comment en
portait-elle pour sa part une si grande impression ? Et comment encore si couverte,
que, quarante-cinq ans après, j'ai commencé à m'en ressentir, seul jusque à cette heure
entre tant de frères et de soeurs, et tous d’une mère ? Qui m’éclaircira de ce progrès,
je le croirai d’autant d’autres miracles qu’il voudra; pourvu que, comme ils font, il ne
me donne pas en paiement une doctrine beaucoup plus difficile et fantastique que n’est
la chose même. (Livre II chapitre XXXVII)
       Le poète fait plus qu’imaginer le futur, il l’invente de toutes pièces. Et très
souvent, par une sorte de mimétisme inexplicable, comme si nous portions en nous les
gènes obscurs du progrès, ce futur se met à ressembler à ce dont les hommes ont rêvé.
Comment ne pas songer à Jules Veme alors que nous avons vu, au cours de ce
vingtième siècle la réalisation d’une grande partie de ses visions futuristes ? Le poète
se souvient de l’avenir, nous dit Cocteau (Journal d’un inconnu.)
       On pourrait sans doute multiplier les exemples de cette avance des poètes sur
leur temps. De cette intuition merveilleuse qui les propulse loin devant. Comment ne
pas revenir à Victor Hugo et terminer en citant un extrait de son poème sur les Mages ?

                        Pourquoi donc faites-vous des prêtres
                        Quand vous en avez parmi vous?
                        Les esprits conducteurs des êtres
                        Portent un signe sombre et doux?

                        Ces hommes ce sont les poètes;
                        Ceux dont l’aile monte et descend;
                        Toutes les bouches inquiètes
                        Qu’ouvre le verbe frémissant;
                        Les Virgiles, les Isaies;
                        Toutes les âmes envahies
                        Par les grandes brumes du sort;
                        Tous ceux en qui Dieu se concentrent;
                        Tous les yeux où la lumière entre,
                        Tous les fronts d’où le rayon sort
                                                Les Contemplations Livre VI, XVHL

                        !

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Internet et poésie :
                                      deuxième épisode...
                                                                 Emmanuel Hiriart

       C'est sans doute la revue, parmi les manifestations imprimées de la poésie, qui a le
plus d'affinités avec le web. D'abord parce qu'une revue est un réseau : de collaborateurs
plus ou moins réguliers, d'auteurs, d'abonnés. La revue a une périodicité, ce n'est pas un
objet littéraire clos comme un recueil ; le site web, s'il veut rester vivant et attirer les
internautes, doit être régulièrement mis à jour. En terme de publication, la revue et le site
web sont pour l'auteur débutant des espaces accueillants, qui lui permettent de confronter
ses textes à ceux d'auteurs plus connus (tout ceci à nuancer selon les revues et les sites).
La revue comme beaucoup de sites web est un lieu d'information sur l'actualité poétique :
elle propose en quelque sorte des liens vers d'autres publications. Enfin les revues sont le
plus souvent l'œuvre de petites équipes de passionnés bénévoles, comme les sites
poétiques.
       Compte tenu de ces affinités, on n'est pas surpris de constater une attraction
mutuelle entre cyberpoésie et monde des revues. Bien entendu le phénomène n'est pas
général : certaines revues sont hostiles à l'internet, perçu comme une menace pour la
chose imprimée, comme une sorte d'espace de zapping généralisé ; d'autres n'ont tout
simplement personne de disponible ou de compétent parmi leurs animateurs pour s'occu-
per d'un site web . Il y a aussi, parmi les poètes du web, même parfois parmi les
animateurs de quelques excellents sites, des gens qui se sentent parfaitement étrangers à
l'univers des revues. Les relations entre les revues et le Net peuvent prendre plusieurs
formes :
-De plus en plus de revues ont des sites : citons par exemple Phréatique, Friches,
Décharge, Hélices, Rivaginaire, Le nouveau recueil ou Poésie/première, qui figurent
parmi les valeurs sures des revues poétiques. Ces sites sont souvent de simples vitrines,
permettant au lecteur de découvrir quelques extraits de ces revues et des informations sur
leur actualité. Parfois ils tendent à avoir une activité propre, complémentaire de celle de
la revue papier (revue des revues de Décharge, jeux de phréatique...). Il y a même des
revues intégralement reproduites sur leurs site (Incertain Regard...)
-Certains sites offrent un contenu proche de celui des revues : Ecrits... vains, Poésie
d'hier et d'aujourd'hui, animé par Silvaine Arabo, Hache ou le Carnet interdit par
exemple... On notera d'ailleurs que les animateurs du premier de ces sites s'apprêtent à
lancer une revue « papier »: palimpseste.
-plusieurs sites proposent des « revues des revues » : Ecrits vains ? (le plus riche de ce
point de vue), Muse, Décharge, Poésie d'hier et d'aujourd'hui, Ombrages...
-les revues parlent moins des sites internet, mais le font quand même de plus en plus
souvent : Paul Van Melle dans inédit nouveau cite régulièrement écrits...vains ? et le
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site de Silvaine Arabo, Michel Lavaur a consacré un numéro de Traces (le 133) à la
poésie sur internet, Jointure vient d'inaugurer une rubrique astrol@be et sext@nt,
consacré à l'internet, Comme en poésie a une page « comme sur internet » (où l'on
découvre surtout que Jean-Pierre Lesieur n'a pas encore parfaitement maîtrisé cette
nouvelle technologie...), Poésie/première cite régulièrement les « bonnes adresses du
web ».
Je crois qu'il y a là une interactivité amenée à se développer, qui devrait aider le petit
monde quasi clandestin des revues à rencontrer un public dont les webmestres expéri-
mentent chaque jour qu'il est potentiellement plus large que celui qu'elles touchent
actuellement.

                                        !
Sites en rapport avec cet article :




                         site                                     adresse
  friches                                     http://www.multimania.com/friches/
  Hache                                       http://www.dtext.com/hache/
  Muse                                        http://muse.base.free.fr/
  zazieweb                                    http://www.zazieweb.com/annuaire.html
  Silvaine Arabo                              http://www.multimania.com/mirra/
  Carnet interdit                             http://perso.infonie.fr/isanou
  Ecrits...vains ?                            http://ecrits-vains.com/
  Décharge                                    http://www.multimania.com/decharge/
  phréatique                                  http://www.multimania.com/phreatiq/
  Poésie/première                             http://poesiepremiere.free.fr
  nouveau recueil                             http://www.ifrance.com/NRecueil/
  incertain regard                            http://www.chez.com/incertainregard/
  ombrages                                    http://users.swing.be/ombrages/
  docks                                       http://www.sitec.fr/users/akenatondocks/
  Hélices                                     http://helices.poesie.free.fr/
  Courant d’ombres                            http://perso.wanadoo.fr/patrick.kremer/
  Matricule des anges                         http://www.lmda.net
  ralentir travaux                            http://perso.club-internet.fr/annecav/
  Rivaginaires                                http://kerys.free.fr/poetes/rivaginaires
  orage-lagune-express                        http://www.orage-lagune-express.com/
  Traces                                      http://perso.wanadoo.fr/emmanuel.hiriart/JeuLa-
                                              vaur.html




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L’apatride
          ...Errance entre les lignes de quelques livres de Maria Mailat


                                                                 Emmanuel Hiriart

         La première fois que j’ai rencontré Maria Mailat (que je n’ai jamais rencontrée
autrement que dans ses écrits), c’était dans un drôle de petit livre avec un drôle de titre,
cailles en sarcophages, et un drôle d’œil qui me fixait au centre de la couverture. On y
rencontrait de drôles de personnages comme ce cambrioleur saisi dans une bibliothèque
         « La voisine affirme qu’un voleur s’est fait prendre
         ébahi par tant d’ouvrages inconnus
         Les policiers l’ont trouvé lisant des poèmes
         Menottes aux poignets, il lit toujours ».
Ou Fitz Roy le chat :
         « Son deuxième chat s ‘appelle Fitz Roy
         il loge sur le lit de préférence,
         il est l’incarnation d’un maître d’échecs,
         Colette, son écrivain de chevet, l’aurait affirmé aussi
         la mort en personne a dû faire face à la bête »
Tout un petit monde vivait dans ces pages, un peu en marge de la société. Les héros de
Maria Mailat sont toujours comme ce « clochard licencié en lettres classiques » : sans
lieu où s’enraciner, jamais dans le camp des vainqueurs et des gouvernants, construisant
une culture de l’errance.

       L’auteure est l’une de ses personnages. Née en Transylvanie Maria Mailat avait
deux langues maternelles, le hongrois et le roumain, et en a très tôt appris une troisième,
le français. C’est peut-être de son père, qui avait abandonné les bibliothèques pour
redevenir paysan, qu’elle a hérité le goût des livres et de la liberté. Elle a d’abord écrit
et publié en Roumanie, mais la censure a interdit ses publications. C’est pourquoi elle
s’est installée en France en 1986, comme réfugiée politique. Depuis 1990, le français est
devenu sa langue d’écriture. Elle publie des recueils de poèmes et des romans.
       Parmi ces derniers, Sainte Perpétuité raconte l’histoire d’une jeune juive
roumaine persécutée, Léa Leviath, et de sa grand-mère Esther, rescapée des camps de
concentration, qui lui apprend à survivre dans le cadre hostile de nos modernes Babel.
Esther comme son homonyme biblique sait épouser l’ennemi (Leviathan) pour mieux
lui échapper. Klothô (du nom de la parque) peut-être considéré comme le pendant
poétique de ce roman. C’est le livre de la survie, de la volonté de vivre malgré les
oppressions (mais sans leur opposer le combat frontal qui les reproduirait sous

                                            40
d’autres masques) :
         « Klothô
         le serpent de l’arbre
                         c’est moi, la rescapée
         je rampe sur ton sein gauche,
         j’arrache le fruit
                            le fends
         et de ses pépins
         je plante
         un troisième œil
         sur tes lèvres »
Comme elle le fait souvent, Maria Mailat reprend ici une des grandes figures de la
femme léguée par la tradition, et en fait un de ses masques, retournant la valeur négative
que la culture dominante lui assigne. Elle utilise aussi, après Esther et avant Antigone,
une grande héroïne tragique :
         « Moi, Médée, je jure sur la tête de mes enfants
         de dire la vérité de celle qui naît à contre-courant,
         de celle qui traverse la vie en ennemi ».
Pour traverser la vie Maria Mailat traverse les langues : elle dit au passage sa fraternité
avec Luca et Voronca, autres poètes roumains devenus francophones.
         Graine d’Antigone, son dernier recueil, dit une nouvelle fois son combat pour
écrire et vivre sans se conformer aux contraintes sociales et politiques qu’elle refuse.
Elle dit cette fois la difficulté d’être femme et poète, plus généralement femme et sujet.
De nouvelles figures mythiques et littéraires l’accompagnent : Antigone d’abord, celle
qui préfère la raison du cœur à la déraison d’Etat ; le petit chaperon rouge
         « la fille qui porte son nom au masculin »
et qui
         « […] refuse la place qu’on lui donne avec force »
         « […]crève le ventre qu’on lui désigne[…] » ;
Et surtout Sylvia Plath. Maria Mailat lui écrit des poèmes, à lire aussi comme des
réponses aux Birthdday letters de Ted Hughues.
       « Te souviens-tu
       de mon premier amour »
lui demande-t-elle
         « Je t’invite dans ma cuisine d’antan
         à la frontière de l’histoire
         avec Akhmatova et Mandelstam.
         Il y a vingt ans
         Un poème avait échoué
         Entre le couteau et le grattoir »
Il passe dans ces pages un courant de sympathie qui contraste avec la distance parfois
glaçante de l’ancien époux de Sylvia Plath (grand poète par ailleurs). Pourtant une
différence fondamentale sépare les deux femmes : Sylvia Plath a cédé à la tentation du

                                             41
suicide alors que Maria Mailat choisit et dessine un chemin de vie :
        « nue
               je me réveille
               comblée d’une paix apatride ».

                               !




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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦      Le Verbe Haut                 Georges Solovieff                      Éditions Pierran

Ce nouveau recueil de Georges Solovieff se laisse dévorer tout d’une traite mais on le reprend
aussitôt pour en savourer les moments les plus forts. Déjà, le plan de cet ouvrage est une grande
réussite: un chapitre sur les Je, (le poète lui-même), les Tu, (la femme) etc... une trouvaille !
Vraiment ! D’entrée de jeu, avec Slave, le poème qui situe l’auteur, suivi de Chemin, qui rappelle
ses engagements, séduisent le lecteur par la précision, la fluidité du Verbe, la pertinence des
images. Le poète chevauche sur les sommets. Avec Je pars, cela continue de plus belle; il
s’inscrit dans la lignée des testaments poétiques. Le chapitre des Tu n’est pas moins riche, pas
moins émouvant. Mais c’est avec Elle qu’il touche le lecteur au plus profond, au plus humain, au
plus pathétique.
D’une manière générale, on sent, tout au long du livre, l’auteur imprégné d’Aragon qu’il célèbre
plus précisément dans Myosotis. Mais dans le chapitre, consacré à Elle, (l’enfant disparue) les
accents hugoliens, qu’on retrouve plus loin dans le Cheval fourbu, se font jour et me font songer
certes aux Contemplations, mais comptent pour moi parmi les plus beaux textes qu’il m’a été
donné de lire depuis bien longtemps. Je tiens à souligner encore le plan du livre qui est vraiment
séduisant et qui fait qu’on adhère à cette construction qui, finalement, englobe toute une vie ou
presque. Construction qui s’achève par Ils, les absents, ceux qui nous ont quittés, (Louis et Elsa
sont de ceux-là,) puis ET LES AUTRES... dans lequel l’auteur signe une dernière pièce sur les
pendus de Tulle.
J’ai aussi été très heureux de retrouver les pages que le poète m’avait confiées, en avant-
première, en filigrane pour Soif de Mots et de les voir replacées dans leur contexte.
Ce recueil est illustré avec beaucoup de talent par Christiane BLOT-PFIFFER.                    LD



♦      Musica        Patricia Coulange                         Les Presses Littéraires
“C’est une véritable gageure que de vouloir faire un poème à partir de chaque terme dévolu à la
musique. C’est ce que fait Patricia COULANGE dans son recueil Musica. On voit se profiler
successivement la lyre, la tessiture, les notes, la portée, les clefs, les silences, la gamme, le
métronome, etc... Les instruments, parfois personnifiés, sont présentés tour à tour. Le pari est
gagné grâce à une parfaite connaissance du langage propre à la musique. On regrettera que cela
soit parfois un peu trop technique bien que les textes soient émaillés de belles images. Que l’âme
humaine, par-delà la musique ne soit pas suffisamment exaltée :cela dans la première partie qui
reste assez abstraite et un peu froide.
Patricia Coulange se surpasse vraiment dans la seconde partie de l’ouvrage, quand elle aborde
les instruments solitaires et les musiques des quatre coins du monde. C’est que, dans ces
dernières pages de la partition, l’homme est présent avec sa condition, ses paysages, sa destinée.
Quel plaisir de voyager avec le banjo, la balalaïka, la flûte des Andes, la cornemuse, etc... ! Mais
aussi que de sensibilité, de résonances dans notre âme, soulevées par le clairon, le tambour, les
cloches, le carillon et le glas! Là se situe la grande poésie.”
                                                                                               LD

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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦      Une adolescence             Raymond Guilhem                                    Les Presses
       Littéraires

Dans ce livre de souvenirs, Raymond Guilhem nous fait part de ses rencontres avec le poète Joe
Bousquet disparu prématurément à l’âge de cinquante ans, par suite de blessures récoltées à la
guerre de 14 et qui aurait eu cent ans cette année. L’adolescent qu’était alors l’auteur, dans ces
années d’occupation, a été très impressionné, par ce grand esprit qui ne quittait plus la chambre
mais rayonnait sur les lettres, dans sa bonne ville de Carcassonne, au point que les plus grands
auteurs venaient le rencontrer ou correspondaient avec lui : Breton, Éluard, Aragon, Gide,
Valéry, Simone Weil... Mais aussi les grands peintres : Ernst, Dali, Magritte, Tanguy...
Dans la seconde partie du livre, Raymond Guilhem nous confie la correspondance qu’il a
entretenu avec François-Paul Alibert, autre écrivain de Carcassonne. Pas moins de dix lettres
merveilleuses qui constituent toute une série de conseils à un jeune poète. J’en extrais quelques
uns :
... En matière d’art, il ne s’agit ni d’encourager ni de décourager, il faut laisser faire et que
chacun aille comme il l’entend et suive sa vocation.
...L’instinct poétique tient à la faculté qui consiste à ressentir des émotions, et l’instinct du
rythme à cette musique intérieure qui ordonne et dirige ces émotions selon une méthode qui a ses
règles et ses lois. (Lettre 1)
...C’est l’accord entre le sentiment et la forme qui est l’essence de toute poésie.
...La poésie est un ensemble de convenances et de concordances qui doivent former un tout bien
lié et où rien ne détone. (Lettre V)
Je n’en dis pas plus. Découvrez ce livre passionnant, admirablement illustré par les encres de
Dantec. Vous découvrirez la passion de Joe Bousquet pour l’Androgyne, sa bienveillante
attention à l’égard de notre jeune poète, qui lui confiait ses premiers vers ; et la gentillesse d’un
François-Paul Alibert qui nous fait nous demander, si, de nos jours, un auteur un peu en vue
donnerait encore de son temps pour aider un jeune adolescent à
                                                                         Louis Delorme
♦       Ici, là,       Alain Boudet                               Froissart
                               29p (supplément au numéro 93 de la revue Froissart)

Ce bref recueil commence d’un pas tranquille, comme une prose aimable
« j’aime venir ici / aux heures de broussailles /et de friches ».
nous suivons Alain Boudet sur son aimable chemin pour apprendre à
« trouver dans le monde / le centre de soi-même ».
Le sentier de mots révèle des harmonies inattendues
« L’escadrille des vagues / aux couleurs de musique /
donne aux rochers aveugles / les reflets d’une aubade »
au retour de la ballade il nous reste
« […] le rêve d’un peintre ou les mots d’un poète »,
le monde doucement éclairé par un souffle rythmé, qui l’embellit

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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦      inconnues saisons          Tahar Bekri                             L’harmattan
                                                                 145 p
Ce livre présente un choix de poèmes de l’écrivain tunisien Tahar Bekri. Il regroupe des textes
tirés de ses différents recueils francophones, et laisse de côté les poèmes en arabe de cet auteur
bilingue. Une traduction anglaise de qualité (due à quatre poètes anglophones) figure en vis à vis
de chaque texte français, sans doute dans l’espoir de donner une audience plus large à ces
«selected poems ».
Les poèmes de Tahar Bekri sont en général des textes courts, mais qui ne prennent toute leur
valeur qu’au sein d’une série. Plutôt qu’un choix de textes isolés, les saisons inconnues sont donc,
logiquement, une sélection de «suites ». On peut mesurer ici tout ce qui fait l’unité de l’œuvre :
goût pour l’image juste, formulée de manière énigmatique, qui demande à être creusée

        « Baigneuse
        Barque frileuse o mère du jour endormi
        Le prince d’insolation meurt dans tes bras
        Les marins quittent tes cheveux cinéraires
        Nuit     Mer éplorée »
Attention portée au tissu verbal des allitérations et des assonances
        « Le sabre sombre a tendu ses filets ensorceleurs
        Orphelin je suis au milieu de la clameur »
Chantournement quasi mallarméen de la phrase, goût des rapprochements de mots inattendus.
       Chaque recueil a cependant une identité originale, par sa thématique et aussi par la forme
des poèmes.
Tahar Bekri revendique un enracinement multiple :

        « Son enfance barbier et figues noires
        Colonnes romaines et fontaines bruyantes,
        Tablettes coraniques et triques en l’air
        Les jours si courts ravivaient nos étoiles »

Aussi sa poésie francophone mêle-t-elle l’héritage arabe, présent dans la forme du roi errant, dans
les thèmes (évocation du roi errant al-malik ad dillil, de l’exilé Ibn Hazm), dans le choix des
sonorités privilégiées (au royaume de sable, / le roi errant chante sa douleur) à l’héritage
occidental (Hamlet) ou au monde antillais (Proximité de Glissant). Elle dit la difficulté de tenir
poème ouvert face au discours identitaire clos qui ravagea le pays d’enfance (et tant d’autres)

         « La main de l’homme à la barbe barbare
         Elle devait détruire ta splendeur
         Dans la nuit aveugle de sanie »
Et l’émerveillement d’être au monde librement, libre de la grande liberté métaphysique de qui sait
tendre les images et s’y construire une langue, en «oiseau d’étincelle fertile ».


                                                                Emmanuel Hiriart
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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦       Pangéia                                                           Flammarion, 1996
           79 Frs                                                     Esther Tellermann

Recueil en trois parties, composé de poèmes courts. Brefs et fugaces comme la tombée du jour.
Il s’agit d’une quête, celle d’une fusion entre lumière et ombre: clair-obscur. Tout d’abord, on
“imagine le monde comme un train sans paysages ", partir pour “tracer d’autres airs” (partie 1).
Vient ensuite la tentation (partie 2), celle de se mesurer à l’immuable “Ne dites pas: / ‘le ciel
nous couvre' / Nous sommes immortels"; celle qui nous “brûle” de l’intérieur. Pangéia (partie 3)
...qui est-ce ou qu’est-ce? Une amie d’un autre monde que le poète "repousserait dans la
légende “, ou le nom d’un pays polaire où “la lumière devient son “et où “les oiseaux se cognent
au gel” ? Récit énigmatique d’un voyage dans la perpétuelle nuit du monde, le jour fragile étant
la parole inscrite.

                                                                         Lydia Padelec
♦      Journal alternatif Charles Dobzynski      Collection Double Hache
       95 frs                               Bernard Dumerchez éditeur
Cent cinq poèmes de quatorze vers répartis en onze ensembles forment ce livre.
Les quatre premiers ensembles ainsi que le dernier ont trouvé en moi un véritable écho.Peut-on
parler d’élégie pour ces poèmes, ce chant qui court , pénètre le lecteur , avec ce rythme lent que
rend la voix.? L’ouvrage délivre dans ce voyage, intime et de vie, la beauté entière du chant, cette
incantation sourde de l’être, ce constat fait de face. Dans le troisième ensemble “Le présent
déplié” , les poèmes diffusent la plénitude du chant . Nombreux poèmes débutant ces
ensembles sont accompagnés à leurs fins d’une date - souvent éloignée - et d’un nom de lieu. De
Août 39 à 1991/1999; de Aden à la rue Amelot; de Alain Bosquet à Bernard Vargaftig; de la
Salpetrière à Colombo :le livre est un périple , la pérégrination du poète. La vie est revisitée
aux lueurs du passé et du vers , à l’aune du miroir limite. Cette limite du corps , cette chair,
véritable métamorphose vivante du temps sur les os. Ce livre ,bilan déposé aux archives du
vivre, nous entraîne avec lui , voguant à vue , comme ” le rêveur à l’estime invente son
cabotage”




                              Toi qui viens de la mer
                                               Poèmes

         Le dernier livre d’Emmanuel Hiriart est paru aux                      éditions
         Editinter
                                 BP 15    91450 SOISY-SUR SEINE


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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures
♦        Membre fantôme                Guy Valensol            Editions du Typograph
                                           6, rue de Beaurepaire 85500 Les Herbiers

C’est l’enfance seule peut-être, ce fantôme, qui ne pouvait qu’hanter un lieu si joliment nommé -
Beaurepaire, Les herbiers - Lieu du livre où réapparaît, jamais capitulant , l’enfant en nous. Guy
Valensol partage ici des souvenirs, parfois ” remugle de la mémoire” ou “sieste” pour “
s’anéantir sans angoisse”. La langue est simple, vraie. Nous la suivons “sur les chemins
luisants de la mémoire”, traversant des champs, des paysages où demeurent encore ,des gestes
de faux, des coups de fourches, et des musiques ... de scies circulaires.
                                                                                               HM

♦      Le nom des fleuves                Eric Sautou                          Le Dé Bleu
      75 frs

Dans un saisissement progressif, une avancée à pas comptés, c’est un appel qui est lancé au
néant. Attendant un écho , une réponse hypothétique, le vers, dans ces courts poèmes progresse
par petites avancées dans un espace de soi que le poète interroge. ON et ILS sont les sujets les
plus fréquemment employés. Qui sont-ils? Peut-être, parcequ’un guide “IL” accompagne et
tient fermement la main, “ON”, est au minimum un double, voire la communauté de tous les
hommes recherchant dans l’épaisse brume de la vie , des éclaircies, des rivages ensoleillés, des
haltes dans un pays de l’enfance retrouvé.                                                    HM

♦      Mise à jour             Françoise Han                         Editions en Forêt
        Edition trilingue fra/all/                               Doenning 6 D93485 Rimbach

Que sont donc ces “Mises à Jour ” ? Une actualisation susceptible de corriger dans le cerveau
humain la vision que nous avons de notre système terrestre et de son équilibre ? Peut-être plus
probablement une tentative d’éclaircissement de l’histoire de l’homme et de son univers. Et
cela, dès la naissance des hommes dans cette vie, cette “Baraque Foraine”, titre de ce poème
écrit dans un salut à la dixième Elégie de Duino de Rilke. Et où les hommes dans la destinée des
astres vivent comme “ silhouettes, cibles / un instant épargnés.” .C’est parmi les pierres, à
partir de ce monde primitif , que des êtres vivants sont devenus des - Hommes - en accumulant
ces matières premières pour les tailler, les sculpter et y inscrire - comme en un dédoublement - ce
fruit d’une vie intérieure. Françoise Hàn avec ce livre dit la fragilité de la vie. Elle semble
préciser sa mesure devenue si ténue face aux “constellations” (qui) “changent l’équilibre”. Le
poète , nourri d’une scientifique, avec ces quelques poèmes, ces “mises à jour” nous alerte sur
l’inversement des forces en jeu sur la planète, notre terre. De la gravure des pierres, à la fonte de
ces montagnes de glaces aux pôles, notre réflexion sur la pérennité de notre civilisation
humaine doit vivement s’actualiser. En témoigne ce poème -visionnaire?-             “ Haute Epoque
“ où “ L’oeil capable de fixer / le film entier sur sa rétine / lit intensément / les signes de la
catastrophe / “

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En Bref...En Bref...En Bref...En Bref...En Bref...
•      Suivi de “La vie promise”, “Éloge pour une cuisine de province” de Guy Goffette
       auquel un numéro d’I.R fut consacré est paru l’automne dernier dans la collection
       Poésie/Gallimard.
•      L’hiver est une main précise, de Georges Guillain vient de paraître aux éditions
       Écrit(s) du Nord, 49, chemin des Plantis 62180 Verton.
•      Co-fondateur de feue la revue Le Matin déboutonné ,Christophe Forgeot propose
       avec L’entretien Imaginaire son quatrième livre de poésie. Editions HELICES BP 146
       ,94733 Nogent sur Marne Cedex
•      Thérèse Mercier vous invite à “L’Artisan de Saveurs” 72, rue du Cherche-Midi
       Paris VIième pour des lectures qu’elle donne le premier jeudi de chaque mois. TEL:
       01 42 22 46 64
•      “Quelque part ils ont tué le peuple” et “Un remous plus fort que le fleuve” les deux
       derniers livres de Gérard Lemaire sont disponibles chez “ Daniel Martinez, 8 ave-
       nue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière.” Editions Les Deux -Siciles.
•      Michelle Caussat, dans la collection SAJAT présente deux opuscules Une histoire
       de Fée et Dérive d’automne, une suite de haïkus. Michèle Caussat 27, rue des Per-
       venches 31700 Blagnac
•      A Force De Mentir Au Temps de Philippe A. Boiry paraît aux éditions Nouvelle
       Pleiade Paris, accompagné d’illustrations de Michel François Lavaur.
•      Le dimanche matin dès 7 Heures vous pouvez écouter, sur France Culture, l'émission
       de Mathieu Bénézet, “Entre-revues” consacrée à la vie des revues de poésie.




RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
Verrières N°4
Gratuite (16 frs - chèque pour frais d’envoi)                           2, avenue Goulard
Christophe Fourvel                                                      25000 Besançon

Verrières est une revue de création du centre régional du livre de Franche-Comté. En souhaitant
rendre compte de l'activité littéraire de Franche-Conté, elle fait naturellement bien plus: la
littérature et la poésie n’ayant pour territoire que leur propre langue . Papier ocre, texte aéré, la
revue d’une belle facture, propose dans ses rubriques, des informations, des notes de lectures, des
adresses de lieux concernant principalement la région de Franche -Conté. Dans ce numéro Alain
Jouffroy, Mathieu Messagier, Christophe Fiat et Pierre Perrin , dont le compte rendu d’entretien
m’a très vivement intéressé.



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RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
Contre-allées Eté 2000 / Automne 2000 N°7 et N°8                      3, rue Saint- Austremoine
                                                                       63000 Clermont-Ferrand
Trimestrielle / 20 frs A Marembert / R Fustier             contre-allees_poetik@worldonline.fr

N°7 - Quelque chose de léger...comme une bouffée d’air frais , c’est l’éditorial de Romain Fustier
qui débute ce numéro dont Franck Venaille est l’invité. Parmi les poèmes de ceux qui
l’accompagnent, une composante d’écriture semble se détacher: un ancrage à la réalité et à la
présence des / du corps. Alain Guillard, Eric Dejaeger, Jean Monod entre autres. Demain n’est
pas à craindre!
N°8 - Invité de ce numéro automne , André Velter nous offre à lire plusieurs poèmes d’ ”Herbe
Folle” “ l’autre monde est de ce monde / il n’y a pas de retour”.Le chant , la voix seule comme
calligraphie. Dans les poèmes qui composent ce numéro , le jeu avec la forme me semble dans son
rôle , celui d’ouvrir le regard intérieur vers le monde . Je suis happé par ces textes qui se jouent
de moi. Suis-je berné ? En moi le plaisir du lecteur. Mathilde Dargnat, Emmanuel Flory, Fabrice
Fossé, Matthieu Gosztola, Marie Laroche. La lecture me convainc ! Quelque chose se passe ici...



   Le Nouveau Recueil N°56                               Editions Champs Vallon
  90 frs / 285 frs abt J-M Maulpoix                               01420 Seyssel

Comment rendre compte d’une telle revue -192 pages - ? Sinon, en parlant du plaisir du texte
lors de la lecture de Joë Bousquet ou de Jacques Chessex. Ces pensées , ce plaisir qui
m’assaille...Soudain j’y suis ! A ce lieu , ce “dit” au plus cœur de sa source. Poursuivre. Relever,
souligner, entourer des mots, des vers , ... Cela suffira-t-il? “c’est par les mots, si pauvre chose,
que nous sommes restés debout” écrit ici Joël Vernet; puis s’arrêter à ces relevés méticuleux de
Corinne Vitali, ces impressions ressenties aux encoignures du quotidien qu’une présence
traverse et qu’une forme soutient ; se tenir droit, bouche close en lisant le poème de Véronique
Breyer intitulé “viol” ; s’interroger devant le texte de Benoit Conort. Et pour quelle raison
capte-t-il mon intérêt? Cette désespérance qui suinte, cette désolation et ce creux dans la chair...?
Prendre respiration, cette vie est la nôtre.


  La Petite revue de l’indiscipline N°72 et N°76                           BP 1066
55,75 frs les 10 numéros         Christian Mancel                         69202 Lyon Cedex

Bien nommée , son ton peu conventionnel est fait pour me séduire. Le verbe est sans ambages,
comme cette lettre ouverte à Jean L’Anselme à propos de multi-diffusion...Une liberté de ton et
d’humour. Dans ce numéro pas de poèmes - hélas...- mais des chroniques. Nombreuses.
Le numéro 72 est presque entièrement consacré à Péssoa à propos de la nouvelle édition du Livre
de l’Intranquilité. À découvrir.



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RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
   Florilège N°100                                           BP 65 21021 Dijon Cedex
   Trimestrielle / 50 frs          J-M Lévenard

Des textes en prose, des poèmes, dont ceux de Francine Guréghian Salomé, Franck Galléa, avec
“Variations”, une poésie en quête d’une forme...précèdent un “mémorial du 20 ième siècle” ..26
poètes, parmi lesquels Micheline Debailleul, Stephen Blanchard, Philippe A. Boiry,...pour
célébrer à leur manière le siècle qui s’achève. Chroniques et informations. La revue dans une belle
pagination, propose tout au long des ses 130 pages des compositions graphiques - Collages - de
André Prone.

   Friches N°70                                                   Le Gravier de Glandon
   Trimestriel / 45 frs            J-P Thuillat                      87500       St Yrieix

Deux poèmes inédits de Guy Goffette ouvrent ce numéro et précèdent, un long compte rendu des
- Rencontres de St Yrieix - où il fut invité en compagnie de Bernard Noël. De larges extraits d’un
débat -Rencontre avec les deux poètes - sont proposés. Un texte de Nimrod, deux poèmes de J-P
Thuillat dédiés à ses invités, d’autres encore , de Pierre Maubé, Nathalie Beyrand, Mathieu
Husson, Francine Guréghian-Salomé, Michel Gabet composent cette livraison de printemps.Une
lettre ouverte de Roland Nadaus à Louis Dubost; un passage en revue de “ Comme ça et autrement
“; et des notes de lectures, complètent ce numéro.

   Petite N°8                                                45, rue Lacroix Paris 75017
   3 n°/An 60 frs /150 frs /abt           Thierry Trani / Florence Pazzottu

Une revue, qui se présente comme le livre d’une collection d’un éditeur. Dans ses pages, pas de
chroniques, de notes de lectures ou de dossiers mais des poèmes , des textes. La volonté
démontrée ici est celle de donner à lire “ des poèmes , des pensées, des petites proses - inédits-
“. Un rythme, une écriture dans ces poèmes de Annie Maraudin: je retiens! Eric Sautou interroge
des noms ? Des artistes ? Des existences ? Que cherche-t-il ? Nommer ne suffit plus , que faut-il
réveiller ou révéler ? Suivent des poèmes et des textes de Jean Lalou, Frédérique Guétat-Liviani,
Olivier Verneau, Ariane Dreyfus,...

   Soif de Mots      N°7                                     133, rue d’Angerville
                       L Delorme                         91410 Les Granges Le Roi

Dans ce numéro et avec une formule qui caractérise cette revue, Louis Delorme rassemble
principalement des poèmes. Ce sont six voix que l’on pourra découvrir dans ces nombreux
poèmes: Théo Crassas, Jean-Pierre Desthuilliers, Pierre Guérande, Jean-Charles Michel, Anne-
Marie Vergnes, Paul Bensoussan pour ce numéro 7.




                                               50
RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
  Comme en poésie N°3 et N°4                                     2149, avenue du tour du Lac
  Trimestriel 20 frs/ abt 70 frs J-P Lesieur                               40150 Hossegor

Un éditorial alerte et vivant. Parmi les poèmes qui nous sont proposés, je retiends particulière-
ment ceux d’Alain Vexler “La brique” et de Michel Héroult “ Où allez-vous frêles enfants de la
nuit ...”. Dans le numéro 4, après la lecture de Jean Chatard, Odile Caradec, Gérard Lemaire,
Emmanuel Hiriart ou Catherine Mafaraud, je médite l’art Poétique de J-M Bongiraud, dont la
proposition 11 agrège mon adhésion: le sang , la chair,les os ... le poème.

 Action Poétique N° 159                   3, rue Pierre Guignois 94200 Ivry-sur-Seine
 Trimestrielle / 90 frs             H Deluy

Avec pour titre ce poème “26 Août 2000:actualités” c’est Henry Deluy qui débute ce numéro et
se joint à Bruno Cany - une étude - et Michèle Grangaud - une traduction - pour célébrer
l’anniversaire de la mort de Nietzche. Suivent des poèmes de Claude Minière, Véronique
Vassiliou, Claude Fäin, Jean-Francois Bory, Annie Zadek, François Vert .J’ai particulièrement
aimé ce long et beau poème ” Il était une fois...” de Serge Gavronski soutenu par un rythme, une
prosodie. Dans le dossier “Messageries Cubaines” on peut lire des poèmes , des textes, des lettres
de Jorge Yglesias, José Lezama Lima, Pedro Marquès de Armas,... traduits et complétés d’un bref
journal, de H Deluy.


 Poésie Première N°15 et N°16             Editinter Bp15             91450. Soisy-sur-Seine
 Triannuelle / 60 Frs           R Dadillon
      editinter@littérature.net

Un dossier sur la poésie albanophone d’aujourd’hui. ouvre ce numéro. Les regards de Daniel
Leuwers,Olivier Houbert et de Chantal Dagron sur le poète Adonis; Une présentation de
Jean-Claude Martin dont on découvrira des poèmes en prose;La lecture en version bilingue de la
poète portugaise Amelia Vieira: cette revue, dense, nous offre un panorama très diversifié de la
poésie française et étrangère , contemporaine ou immédiatement contemporaine. De nombreuses


 Traces N °139 Automne 2000                                     Sanguèze      44330 Le Pallet
 Trimestrielle / 30 frs                   M-F Lavaur

Je ne résiste pas à lire d’emblée les (écho)commentaires toniques de MFL. Deux poèmes de
Jean Chatard , avec des dessins de Claudine Goux en début de ce numéro, précèdent pas moins
d’une soixantaine de voix dont Jacques Canut, Martine Morillon-Carreau, René Cailletaud,
Claude Cailleau... Un long extrait de “La Dame Blanche”, une suite de textes inspirés à MLF par
la Bretagne, est donné à lire. Notes de lectures de Jean Chatard et de Marc Bernelas.



                                                 51
RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues
    Aujourd’hui Poème N° 14 et N° 15                 105, Bd Haussmann          75008 Paris
    Mensuelle / 20frs      A Parinaud

Avec un numéro par semestre, j’ai des difficultés à rendre compte de cette revue mensuelle qui
propose des poèmes , des notes de lectures , des articles, des entretiens et dont je rappelle qu’on
la trouve -chez son marchand de journaux- à l’instar de la revue Poésie1-Vagabondages.
De Charles Reznikoff vers un poème de Bernard Vargaftig et la parution de ses deux derniers
livres “ Craquement d’ombre” et “Un même silence”; d’André Du Bouchet au bel hommage de
Claude Adelen à l’éditeur Pierre Jean Oswald qui vient de mourir; d’un “adieu à Valente”,
hommage de Jacques Ancet, vers un entretien avec Louis Dubost : Comment choisir ? Peut-être
ce titre un peu provocateur de Jacques Darras à propos de son entretien avec Jean-Jacques
Brochier du Magazine Littéraire :” Le critique poétique est une espèce en voie de disparition .” (
hommes et femmes de revues poétiques, détendez vous!)... ou cette idée répandue “ si les autres
poètes lisaient les autres poètes, l’édition de poésie serait la chose la plus rentable du monde”. Si
cette condition me paraît juste au point de vue d’une cohérence, elle me semble, et insuffisante et
inadéquate, à l’augmentation des lecteurs de poésie. Les poètes sont quand même minoritaires
parmi un lectorat potentiel de 60 millions d’âmes! Sans doute cette condition avérée, résoudrait
alors un dilemme qui se pose aux éditeurs: l’art / l’équilibre des comptes. Mais si nous
reformulons cette condition à propos des romanciers, des cinéastes, des peintres et autres artistes,
constatons que la proposition n’est pas juste et cherchons ailleurs la résolution de cet état de fait:
la poésie est peu lue.

    Autre Sud N°10              Jacques Lovichi               97, avenue de La Gouffonne
    Trimestriel 85 frs / 250 frs-abt                                 13009 Marseille

La revue consacre le numéro à Pierre Dhainaut. De très Nombreuses collaborations présentent
l’oeuvre du poète. Lire notamment un intéressant entretien de Jean-Marc Tessier avec Pierre
Dhainaut. Poursuivre par la lecture des poèmes inédits et des notes sur la poésie , au coeur de ce
dossier. Au fil des pages on lira dans ce numéro des poèmes de Carla Rugger, Serge Bec,
Eugenio Padorno, Willem M. Roggemman, Joëlle Gardes Tamine, Jean-Pierre Vidal, Jacques
Lovichi,..Des chroniques et notes de lectures de D Leuwers, J.M Tixier,J.C Villain,..

    Hervé Martin                                          Eternels passagers de nous-mêmes, il n’est
                                                          pas d’autres paysages que ce que nous
INCERTAIN REGARD                                          sommes. Nous ne possédons rien, car nous
BP 146                                                    ne nous possédons pas nous-mêmes. Nous
78515.RAMBOUILLET CEDEX                                   n’avons rien parce que nous ne sommes
                                                          rien. Quelles mains pourrai-je tendre, et
Responsable de publication: Hervé Martin                  vers quel univers? Car l’univers n’est pas à
Parution Semestrielle
                                                          moi : c’est moi qui suis l’univers.
N° ISSN 1292 -5934 / éd Février 2001
dépôt légal 02 - 2001                                                                Fernando Péssoa
édition photocopiée.130 ex                                          Le livre de l’intranquilité
Email : incertainregard@chez.com                          Christian Bourgois Editeur
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  • 1. POÉSIE N°11 - Hiver 2000/2001 Yves Bonnefoy DE NATURA RERUM Lucrèce le savait : Ouvre le coffre, Tu verras, il est plein de neige Qui tourbillonne. Et parfois deux flocons Se rencontrent, s’unissent, Ou bien l’un se détourne, gracieusement Dans son peu de mort. D’où vient qu’il fasse clair Dans quelques mots Quand l’un n’est que la nuit, L’autre, qu’un rêve? D’où viennent ces deux ombres Qui vont, riant, Et l’une emmitouflée D’une laine rouge? in Début et fin de la neige © le Mercure de France De la résistance au monde À la confrontation à soi
  • 2. INCERTAIN REGARD BP 146 78515.RAMBOUILLET CEDEX HIVER 2000/2001 Email :incertainregard@chez.com Site : http: //www.chez.com/incertainregard/ Sommaire : Responsable de la publication : Hervé Martin Parution semestrielle : ÉTÉ & HIVER Numéro ISSN 1292 -5934 -Editorial Un chemin en partage Vos envois peuvent nous parvenir à l’adresse -Un poète mentionnée ci-dessus. Les textes ne sont pas Yves Bonnefoy & conservés après lecture ou parution. Merci de joindre une enveloppe dûment affranchie pour Début et Fin de la Neige tout retour des textes. -Poèmes Rémi Faye La reproduction des textes n’est pas autorisé Elmys Garcia Rodriguez sans l’autorisation des auteurs et / ou de la Michel Gerbal revue.Toute demande de reproduction doit être envoyée à Incertain Regard qui transmet- Bernard Grasset tra. Maurice Louis Marie Roussiès -Un peintre Üzeyir Lokman ÇAYCI -Chroniques -Existe-t-il une poésie féminine? Lydia Padelec Pour recevoir un numéro d’Incertain Regard il -Le poète, figure de proue. suffit de faire parvenir une enveloppe A5, Louis Delorme affranchie à 4,20 frs et libellée au nom et -Internet et poésie adresse du destinataire.Ceci dans la mesure -L’Apatride des disponibilités. Emmanuel Hiriart -Notes de lectures Les numéros suivants sont disponibles: L Delorme E Hiriart Numéro 10 : Paul-Louis Rossi H Martin Numéro 9 : Atelier L Padelec Numéro 8 : Guy Goffette -Revues Numéro 7 : Patrice Delbourg H Martin 2
  • 3. Un chemin en partage Hervé Martin Comment écrire quand je songe à la somme accumulée d’écrits depuis deux millénaires? Accumulation de signes, de lettres, de mots, de phrases. Manifestation de traces, de signifiants, de sens : une traduction du sensible. Comment puis-je écrire aujourd’hui lorsque tant fut écrit ? Avec sincérité, rage ou plus doctement, par des écrivains, des poètes, des philosophes ou des scientifiques ? Comment lire et comment écrire, alors que la vitesse à laquelle nous contraint la société ne laisse que trop peu de temps au déchiffrement de ce qui se précipite sur nous ? Si les connaissances actuelles élargissent des espaces nouveaux, chargés d’espoir parfois dans le domaine des sciences , elles ne sont pas, comme toutes choses, sans contenir en elles un revers: ces craintes, sur des conséquences irrémédiables qu'elles peuvent entraîner , qui nous alertent. Plus que la valeur intrinsèque des connaissances, c'est sans doute la faculté d'en user qui importe, avec la conscience d’une responsabilité et dans un élan qui ne soit pas uniquement motivé par la "rentabilité immédiate". Si seulement il nous était donné le temps de réfléchir aux implications que ces connaissances induisent et aux choix, qu'une prudence à leur égard devrait nous inciter à faire. Mais cette vitesse, excessive, endigue nos possibilités de réaction et nous engloutit dans sa précipitation. C'est le temps de penser qu'il nous faut préserver. Mais le pouvons-nous encore, quand celui-ci nécessite bien plus de temps que ne mettent les nouvelles données technologiques et scientifiques à surgir dans notre société pour en modifier continûment le paysage ? Alors, nous déchiffrons à la hâte ! Nous semblons revenir à une ère d'icônes et d'images, portée en triomphe par cette société de l'argent roi. Valeur en elle-même elle ne peut - seule - contenir toutes les autres. C’est de "Valeurs" dont nous avons besoin, qui soient de vrais repères pour conduire notre vie. Alors, constatant cela, plutôt que détourner les yeux pour avancer : se retourner "en Soi". Et mieux appréhender ce qui est "Hors de Soi" : la vie. Et commencer... Tenter d'écrire ! Comment ? Où débuter, inscrire la première lettre, le premier mot... “Comment écrire encore avec cette utopie de renaître à soi sous d’autres yeux possibles ? Comment écrire simplement soi, dans ce temps qui s’écoule en nos veines ? Comment face à ce temps qui avance sur nous, comme une eau, marée infinissante infiniment montante ? Simplement et rien d’autre, témoin de ces battements, ces palpitations, ces suées, ces humeurs, ces pliures, "ces marbrures du corps". Simplement et sans arrière- pensées, face à soi, dans le miroir froid, impassible de sa finitude. La fin de soi. La mort nommée du corps entier. Sa mort propre. Ecrire, tout contre soi avec ce miroir glissé au fond de son carnet. N’écrire jamais sans s’y mirer la face absente, la mort à considérer. Savoir que l’on ne va ni partir, ni dormir, ni s’évader mais mourir. Le corps se dessécher. Le corps se décomposer, se délabrer, s’affaisser les os. Se disjoindre. S'égrener en poussière. Savoir cela avec une conscience vive, pour vivre aujourd’hui simplement dans le flux de nos veines, l’acuité de nos sens et avec ce sentiment de n’être rien et tout à la fois dans l’instant. Cet état au faîte de vivre, - Etre - entre les bornes - Naître et Mourir - Alors écrire ! En n’oubliant pas ce que nous sommes. Ces vivants temporaires, ces passants goûtants et jouissants des saveurs, aigres ou douces, que procure la vie. Puis en tirer la pulpe et sans altération, en extraire le suc. La poésie peut être ce chemin que nous ouvre l'écriture, ce chemin, intime, offert en partage. 3
  • 4. LES FLAMBEAUX Neige Qui as cessé de donner, qui n’es plus Celle qui vient mais celle qui attend En silence, ayant apporté mais sans qu’encore On ait pris, et pourtant, toute la nuit, Nous avons aperçu, dans l’embuement Des vitres parfois même ruisselantes, Ton étincellement sur la grande table. Neige, notre chemin, Immaculé encore, pour aller prendre Sous les branches courbées et comme attentives Ces flambeaux, ce qui est, qui ont paru Un à un, et brûlé, mais semblent s’éteindre Comme aux yeux du désir quand il accède Aux biens dont il rêvait (car c’est souvent Quand tout se dénouerait peut-être, que s’efface En nous de salle en salle le reflet Du ciel, dans les miroirs), ô neige, touche 4
  • 5. Encore ces flambeaux, renflamme-les Dans le froid de cette aube; et qu’à l’exemple De tes flocons qui déjà les assaillent De leur insouciance, feu plus clair, Et malgré tant de fièvre dans la parole Et tant de nostalgie dans le souvenir, Nos mots ne cherchent plus les autres mots mais les avoisinent, Passent auprès d’eux, simplement, Et si l’un en a frôlé un, et s’ils s’unissent, Ce ne sera qu’encore ta lumière, Notre brièveté qui se dissémine, L’écriture qui se dissipe, sa tâche faite. (Et tel flocon s’attarde, on le suit des yeux, On aimerait le regarder toujours, Tel autre s’est posé sur la main offerte. Et tel plus lent et comme égaré s’éloigne Et tournoie, puis revient. Et n’est-ce dire Qu’un mot, un autre mot encore, à inventer, Rédimerait le monde ? Mais on ne sait Si on entend ce mot ou si on le rêve). in Début et fin de la neige © le Mercure de France 5
  • 6. LA CHARRUE Cinq heures. La neige encore. J’entends des voix À l’avant du monde. Une charrue Comme une lune au troisième quartier Brille, mais la recouvre La nuit d’un pli de la neige. Et cet enfant A toute la maison pour lui, désormais. Il va D’une fenêtre à l’autre. Il presse Ses doigts contre la vitre. Il voit Des gouttes se former là où il cesse D’en pousser la buée vers le ciel qui tombe. in Début et fin de la neige © le Mercure de France C 6
  • 7. DÉBUT ET FIN DE LA NEIGE Suivi de LÀ OÙ RETOMBE LA FLÈCHE Éditions du MERCVRE DE FRANCE Yves Bonnefoy L'ouvrage est suivi de Là où retombe la flèche. Seul ici , Début et fin de la neige, sera l’objet de cette lecture approfondie. Le livre est composé de cinq parties. L'ensemble La Grande Neige comporte 15 poèmes et débute le livre. Les autres ensembles forment eux-mêmes des poèmes à strophes - Les Flambeaux - et - Hopkins Forest - ou, sont composés de poèmes numérotés -Le tout le rien - et - La seule rose - Je remercie Yves Bonnefoy et les éditions du Mercure de France qui ont autorisé la parution de trois poèmes de Début et Fin de la Neige. Hervé Martin omment lire ? "Début et fin de la neige" ou "Début et fin De la neige" ? Dès le titre et tout au long des vers jusqu'aux derniers poèmes, c'est le processus d'une métamorphose qui opère sous et sur notre regard. La transformation. - d'une vision réelle - vers ce qu’elle suggère en nous. Un mouvement : une transformation ? D’abord, se remémorer la neige... “Neige : eau congelée dans les hautes régions de l'atmosphère, et qui tombe en flocons blancs et légers.” précise le dictionnaire. Quotidienne aux populations des pays nordiques, commune l’hiver aux montagnards, la neige est l’un des états de l’Eau. Cet élément premier, indispensable à la vie qui complète l'ensemble Air , Feu , Terre. La neige est cet état intermédiaire de l’eau dans son passage de l’état liquide à l’état solide. De l’eau à la glace. De l'a-morphisme à la forme. De la limpidité à l’immobilité. L'eau dans ces transformations définit un mouvement. Comment alors ne pas y voir une allégorie du processus poétique ? De ce qui est senti vers ce qui s’exprime et s’épanouit sur la page. Cette alchimie poétique, cette transformation qui opère non sous l’influence de la température, 7
  • 8. mais sous celle d’un état singulier à l’être. La poésie est une transmutation de l’éthéré en vers, verbes, mots, rythmes, sons,... L’art poétique se déroule dans ce «faire ». Ce processus de création est “mouvement.” Plus près de l’image, comment ne pas imaginer la neige, immense champ blanc au matin, comme un avenir probable de l’enfant ou comme une page, non-écrite encore, du poète? Comment ne pas voir dans ce drap de lumière, étendue sous les pieds, l'espérance dressée contre ce ciel gris acier dont la neige est issue? Qui n’a tenté ce geste de mettre un pied dans la neige fraîchement tombée de la nuit ? Et constatant sa trace, vérifier par ce signe la réalité de sa présence. Vivant ! Oui laisser une trace qu'une neige nouvelle à son tour recouvrira ou que la température changeante - gel ou redoux - pétrifiera comme ces glaciers du pôle conservant en eux la mémoire du temps ou effacera dans la déliquescence. Appréhender ce livre avec en sa mémoire cette inconstance intrinsèque à la neige. Cet état d’équilibre précaire ou ce qui est immanent est toujours la désagrégation. Circonscrire le temps. La neige - la grande - porte à la méditation, rappelle les souvenirs, exerce la mémoire : » en moi l’étoffe du songe » À la lecture des poèmes le lecteur franchit les barrières qui séparent (mais où précisément ?) la réalité de l’intime du poète. "Puis vers le soir, / Le fléau de la lumière s’immobilise./ Les ombres et les rêves ont le même poids " La neige est ici prétexte - pré-texte ? - Par sa lumière, cette méditation qu’elle suscite, la neige a pouvoir d’éclaircir ce sombre en nous. Cet incompris, le mystère du monde auquel chaque être est confronté. « qui s’intéresse à nous dans la mémoire » Sa vision seule a pouvoir d’interroger la mémoire, chercher sens à l’existence, éprouver le temps qui passe, qui est passé. « Cinq heures. La neige encore. J’entends des voix / A l’avant du monde. « Ce temps, Yves Bonnefoy tente de le saisir , de l'immobiliser, de le circonscrire. " De mon passé, de ces jours d’à présent, / Un instant simplement : cet instant- ci, sans bornes. /" Cette préoccupation de la matérialisation du temps habite d’autres vers encore. Mais comment saisir et matérialiser le temps ? 8
  • 9. "A ce flocon / Qui sur ma main se pose, j’ai désir / D’assurer l’éternel / " Peut-être par un changement d'état, un signe ? Si le vieillissement illustre cette matérialisation à l'échelle d'une vie, à celle plus macroscopique de l'instant, c'est la neige qui œuvre par son changement d'état sous l'influence des températures. " Il voit / Des gouttes se former là où il cesse / d’en pousser la buée vers un ciel qui tombe / " La buée du souffle sur le froid du verre se change en eau ; Sous la chaleur de la peau, le flocon devient gouttes d'eau ; Et ce souffle dans l'air ? " Brume des corps qui vont dans la neige." Respirations des corps ? Ils nous consument mais nous vivons par eux. C'est un mouvement incessant qui naît dans ces poèmes. De la neige vers l'eau mais aussi de la réalité au songe, du présent aux souvenirs, de la vision au rêve. Les lecteurs que nous sommes sont transportés par ces mouvements, ces déplacements qui franchissent les frontières des sens. La grande neige est peut être cette vie possible. Cette espérance vive, ce lieu vierge du lendemain où chacun pourrait tracer le chemin rêvé des ses pas. Flambeaux, mots, flocons ou comment nommer le désir. Si la neige, tapis vierge à nos pieds révèle toutes les espérances, la joie dans les yeux de l’enfant, la neige peut aussi être « celle qui attend. « Qui nous attend ? Celle qui nous appelle vers les flambeaux qui réchauffent ces flocons, effaçant avec eux tout ce qui fut possible? Flocons qui tissèrent cette étendue vierge, - Avenir - ouvrant ses espaces infinis aux jeunes gens. Les - flambeaux espérances - : Désir(s) ? qui nous tirent, nous entraînent dans la vie. La neige seule, paradoxalement, semble pouvoir les ranimer et les entretenir : « ô neige, touche / Encore ces flambeaux, renflamme-les » Mais peut aussi les éteindre : « de tes flocons qui déjà les assaillent » lit-on deux vers plus loin. Ici, tout paraît s’entremêler : le feu du flambeau, le froid de la neige, les mots des vers qui sont ici flocons : »Nos mots ne cherchent plus les autres mots mais les avoisinent / Passent auprès d’eux simplement, / Et si un en a frôlé un, et s’ils s’unissent / Ce ne sera qu ’encore ta lumière, / Notre brièveté qui se dissémine, / L’écriture qui se dissipe, sa tâche faite. » Comment ne pas rapprocher ces vers de ceux du poème DE NATURA RERUM ? « Et parfois deux flocons / se rencontrent, s’unissent / Ou bien l’un se détourne, 9
  • 10. gracieusement / Dans son peu de mort « Et si tout paraît mêlé c’est que le désir qui nous anime est bien confus aussi, constitué de tant d’agrégats dont nous ne connaissons la nature exacte. Confus car atteint, l'objet du désir s'efface dans l'instant. L'espoir, ne résidant désormais que dans le report - Ailleurs - de cet objet. La confusion, se love dans ce schisme, car la quintessence du désir ne réside pas dans l'objet qui l'illustre, mais bien dans le mouvement initié pour l'atteindre. La poésie jouerait-elle ce rôle ? Hopkins Forest ou le désir renaissant. Du ciel au livre, du signe aux lettres, du signifiant à la neige, du songe à la réalité ou du mystère à la révélation : c’est la métamorphose qui dans ce poème est à l’œuvre. Changements de registre du sens, cheminement et pérégrination de la pensée : Hopkins Forest, vaste territoire naturel situé en Nouvelle- Angleterre et réputé pour ses espaces enneigés l’hiver est désigné comme le lieu de “passage” : « du visible pour l’invisible » ; de notre réalité vers : « Tout l’autre ciel ». Ce lieu, espace de cette grande neige pourrait dès lors réunifier ce qui est par nature inconciliable. Ce passage serait-il en - l'état poétique - ? . Cette ferveur d’incarner par des mots l'éther de nos désirs. Le Tout, le Rien. "Te soit la grande neige le tout, le rien " Une saison passe. Un cycle s'achève. Une métamorphose est à nouveau à l'œuvre. Et le travail de la neige, - l'écriture ? -, - la parole poétique?- ,va faire place à une saison plus claire. L'éclaircissement par la parole : "Puisque, hier, ce n'était encore que des tâches / de couleur, plaisirs brefs, craintes, chagrins / Inconsistants, faute de la parole./ Cette parole qui transforme l'inquiétude et la peur en un cri clair de joie. Un rire "méditable". Vivre ! Oui. Pas uniquement dans le - désir - de vivre, mais - Etre-, simplement dans chaque instant qui s'écoule. Tenter d'abroger le désir pour vivre un présent immédiat. " …Une façon de prendre, qui serait / De cesser d'être soi dans l'acte de prendre, …/ " "…Sinon tu ne dénommerais qu'au prix de perdre. …/" " Mais écrire n'est pas avoir, ce n'est pas être, /…" Ces trois vers extraits du poème - LE TOUT LE RIEN - illustrent , à mes yeux , l'achoppement du poète à lui-même, au désir qui le guide. 10
  • 11. La seule rose : la vie seule ? Dans cette dernière partie du livre la neige à nouveau envahit. Les souvenirs réapparaissent. L'enfance… une ville imaginaire aux rues vides… où apparaît, avec ses figures de la renaissance italienne, Alberti , San Gallo, Brunelleschi : l'Architecture. L’art éblouissant de ces artistes qui ".. ,ont approché / De cette perfection, de cette absence. / " La beauté est alors sans nom. Elle transcende l'apparence. Elle polarise en elle tous les désirs mêlés dans un état de confusion des sens et du plaisir : "Et soudain c'est le pré de mes dix ans, /Les abeilles bourdonnent, / Ce que j'ai dans mes mains, ces fleurs, ces ombres, / Est-ce presque du miel, est-ce de la neige ? ../ " Un état poétique au faîte de sa plénitude d'où le poète s'extirpe pour adresser les derniers vers de ce poème à ceux, dont la perfection en leur art, a guidé les pas et la vision du poète. "...Ô mes amis, / Alberti, Brunelleschi, San Gallo, / Palladio qui fais signe de l'autre rive, / Je ne vous trahis pas, cependant, j'avance, / La forme la plus pure reste celle / Qu'a pénétrée la brume qui s'efface, / La neige piétinée est la seule rose. / " Vivre : une contemplation active. Qui, voyant voleter les flocons de neige dans un ciel d’hiver, n’a pas été plongé un instant par cette vision dans un état de contemplation ? Pour s’en sortir brusquement, quelques instants plus tard happé à nouveau par les occupations de la vie quotidienne. Le poète, plus que de s’en défaire entretient ce moment. Il le maintient en lui et tente d’en extraire la sève. Le miel ? Ainsi une vision bien réelle de notre monde l’élève à un état poétique qui le conduit plus loin encore, à cette traduction qu’il nous en donne avec des vers et des poèmes. Porté par ces poèmes le lecteur passe de la réalité au souvenir, du souvenir à l’espérance, du passé au présent. Au delà de la métaphore, c’est la métamorphose qui est au cœur de cette poésie. Mais la poésie, n'est-ce pas cela ? Cette traduction permanente de soi-même et du monde, dans un mouvement continuel de la transformation. 11
  • 12. Yves Bonnefoy Principaux livres de poésie : Du mouvement et de l’immobilité de Douve 1953, Mercure de France Hier régnant désert 1958, Mercure de France Anti-Platon 1962, Galerie Maeght Pierre écrite 1964, Mercure de France Dans le leurre du seuil 1975, Mercure de France Poèmes (1947-1975) 1978, (coll. Poèsie/ Gallimard,1982) Mercure de France L’Origine du langage 1980, Monument Press Par où la terre finit 1985, Marchant Ducel Sur de grands cercles de pierre 1986, Thierry Bouchard Pierre écrite, 1965, Mercure de France Dans le leurre du seuil 1975, Mercure de France Ce qui fut sans lumière 1987, Mercure de France Les Raisins de Zeuxis 1987, Monument Press Là où retombe la flèche 1988, Mercure de France Encore les raisins de Zeuxis 1990 Monument Press Début et fin de la neige 1991, Mercure de France La vie errante 1993 Mercure de France La pluie d’été 1999 La Sétérée Keats et Leopardi Avril 2000 , Mercure de France 12
  • 13. Rémi Faye alors naître comme d’un trait le fleuve naître d’oubli d’infinis avec mon corps létal la lampe fait l’arbre entre moi et la nuit dans l’angle mort tous ces gestes qui se perdent plus lents et nos vies ont cette douce patience d’hiver toujours naître dans tes gestes dans ce corps à la limite de la nuit ce corps qui est la nuit naître avec cette lenteur mêlée de souffle et de voix avec ces gestes patients ces gestes de femme qui coulent comme des huiles naître comme on apprend le corps le fruit ouvert et l’oubli avec cette patience du fleuve et de l’hiver naître d’avoir enfreint la mort Poèmes 13
  • 14. Rémi Faye ce serait comme une rue déserte ces mots de dernière minute sur les pas des portes tous ces bruits de transistors ces mots que tu dis c’est comme un hiver tranquille un soir de village après la pluie encore un instant arrêté comme un dessin le vent inerte juste l’empreinte du vertige Poèmes 14
  • 15. Rémi Faye je vous demande tant d’heures tant de mots et de fêtes de chemins de serpents dans les collines comme si le sommeil venait dans nos voix avec ses chiens de fusées comme si toutes les nuits tombaient d’un seul coup comme si mes jours pliaient sous le poids de la pluie et tout ce silence qui monte jusqu'à nos yeux Le prix Max-Pol Fouchet 2000 a été attribué à Rémi Faye pour son livre “Fièvre blanche” édité au Castor Astral. Il nous offre ici trois poèmes inédits, extraits d’un recueil en cours d’écri- Poèmes 15
  • 16. Elmys Garcia Rodriguez Conversation avec Vallejo Vallejo, je sais que tu n'es pas comme ces poètes qui s'installent dans un hôtel “ cinq étoiles ” tu m'invites dans le quartier le plus latin de Paris tes petits gestes me font me sentir importante ce matin où je me suis levée avec l'envie de mourir en voyant la pluie pénétrer par le toit de ma chambre. Dis moi peux-tu me promener à ton bras sur les Champs élysées pour découvrir Notre Dame de Paris Dis-moi si tu viens me combler de questions. Tu m'invites à prendre un café n'oublie pas Paul Eluard doit être en train d'attendre ponctuel comme tous les jeudis, il y a quelque chose que je dois te dire j'ai déjeuné tôt, nous resterons une demie-heure je sortirai dans la rue pour chercher un lys à ta mémoire. Ce sont tes petits gestes Vallejo qui me font me sentir différente. Poèmes 16
  • 17. Elmys Garcia Rodriguez Conversacion con Vallejo Vallejo, sé que no eres como aquellos poetas que se hospedan en un hotel " Cinco Estrellas " tù me invitas al barrio mas latino de Paris, estas cosas tuyas me hacen sentir importante este dia que amaneci con ganas de morirme, al ver la lluvia penetrar por el techo de mi cuarto. Avisame si puedes llevarme de tu brazo por la Avenida de los Campos Elíseos a conocer nuestra Senora de Paris, avisame si vienes a llenarme de preguntas. Me invitas a un café ten presente Paul Eluard debe estar esperando puntual como cada jueves, hay algo que debo decirte desayuné temprano, estaremos media hora en la tertulia saldré a la calle a buscar un lirio para tu recuerdo. Son estas cosas tuyas Vallejo, las que me hacen sentir diferente. Poèmes 17
  • 18. Elmys Garcia Rodriguez La ville, les paroles, le vers qui te nomme Ma mère tricote l'urgence de ses jours mon cri de guerre c'est t'attendre attendre tes mains qui piègent mes désirs, en regardant mon corps étendu comme une carte au milieu de la nuit, dans mon Journal de bord j'ai noté la date de ton retour, je me propose de te libérer des questions il n'y a pas de pire exil que celui que nous portons en nous, mon univers c'est le lit où je dors, je ne respecte pas assez les coutumes. Si cette ville pouvait se changer en Buenos aires assurément à présent je serai avec l'homme qui rêve de dessiner mes hanches, les paroles, le vers qui te nomme. Ma ville n'a rien à envier à la tienne, c'est comme ça les jours ne cessent d'être interminables, Poèmes 18
  • 19. Elmys Garcia Rodriguez tu me demandes un peu plus de poésie pour alléger mes plaintes. On entend les cris de ma mère, le petit déjeuner m'attend, le petit déjeuner froid qu'elle m'offre tous les jours de la semaine et du mois, ma mère veut nous mener à sa folie sans cœur, hystérique je ne sais comment mon père peut la supporter quand sa voix résonne dans toute la maison. Elle tricote toujours l'urgence de ses jours, je prépare les chambres pour ton retour. Elmys Garcia Rodriguez est Cubaine. Ces poèmes , dont une version bilingue est proposée , ont été traduits par Emmanuel Hiriart. Poèmes 19
  • 20. Michel Gerbal A Grand-Champs, Morbihan, je me jette sur un lit trop épais la fille vient s'accoucher près de moi je roule une heure et deux et demi avec ses seins de poire sur ma poitrine ses hanches dedans mes mains comme des pirogues on se suçote baisote tout c'qui fait hic et tout ce qui fait hoc de même on s'aspire se suçonne se mastique se malaxe se pinçotte on se gymnastique d'ahan et devers darrière et davant on se tripote et se dépote et barbotte barbouille et débarbouille on se tire les bouts et bouche les trous on s'visse on s'dévisse on s'revisse on s' niche et on s'déniche on s'mouche la chandelle on s'souffle on s'gonfle on s'pèse on s'ridérire on s'phonème on s'bégaye on s'aphasit on s'aplatit on se berce dans le lit de sa grand-mère à Grand-champs qui est morte là ce pour quoi la fille après le discours ne veut pas y rester et j'y reste seul avec l'odeur de ses organes à plaisir comme unique chanson et seul souvenir objet transitionnel des jeunes de bonne famille Poèmes 20
  • 21. Michel Gerbal Et un matin entre les champs de pommes et les vignes ah! combien ai-je couru portant la charge d'un surprenant orgueil un désespoir merveilleux et privé courrait à mon côté j'ai rempli son sourire torve de pommes ramassées et nous les avons lentement mangées en chemin laissant autour du trognon beaucoup de viande rouge que nous semions sur le chemin du retour à ailleurs pour amicalement les partager avec les oiseaux et les fourmis et pour manifester notre plénitude et notre joie de vivre et les vents de la mer poussaient à Courson mon cortège de péniches la procession des visages pèlerins entre les draps errants Poèmes 21
  • 22. Michel Gerbal Et c'était, en allant, en chantant, enrouté par la campagne, lorsque j'ai demandé mon chemin, juste pour demander mon chemin, et non parce que réellement je cherchais quelque chose qui fût mon chemin. Le ciel était délayé, répandu, profond, sans volume. Quelque part près de Courson. (j'ai oublié les noms de ces villages, et même je n'ai jamais connu les noms de ces hommes et de ces femmes: puisqu'aucune cruauté, je crois, aucune jalousie ne nous a jamais uni, peut-être ils sont morts, et peut-être c'est moi, et peut-être ça n'a aucune importance pour cette sorte de poème-là.) ( le ciel bleu et blanc, c'est important. ) Ces trois poèmes sont extraits de l’ensemble Eldorado Poèmes 22
  • 23. Bernard Grasset La lune revêt les oliviers Au-dessus du lac endormi Que traversent des barques Halant l’impossible. Le temps n’est pas encore Aux cantilènes, à la pluie L’âcre blessure N’a pas livré son aurore. Sur l’île un anneau D’embrun et d’étoiles Forgé par le vent Souligne le sable. Poèmes 23
  • 24. Bernard Grasset Le soleil sur la terrasse, Des enfants qui accourent Criant le long des ruelles, Un livre s’ouvre, se referme. A l’établi, inaperçu, Le menuisier travaillera. Un appel des collines, L’herbe et le rocher, Le vent transmue les palmes En refrain étranger. Poèmes 24
  • 25. Bernard Grasset Une flûte éveille les coteaux Où l’hirondelle passe, Des hommes se serrent la main Avant de disparaître. Voix douloureuses Comme cep de vigne, Voix cristallines Qui chantez sur le seuil. Les peupliers ondulent Sous les nuages, Tout devient possible A l’aune éternelle. (J.-S. Bach) Les poèmes sont extraits des ensembles “ La porte du jour 3” et “ Récits 3 “ Poèmes 25
  • 26. Maurice HLM BLUES C'était un soir de brume, un soir fantôme, et face à moi, Seul au bout du parking, je cherchais des yeux cet immeuble, Et face à moi en un instant se dresse à travers l'ombre Un grand rectangle à carreaux partout bleu pâle et rouge ocre, Un quadrillage étrange en vain tendu droit sur le vide, Tenant en vain lieu de beauté. C'était au même instant, C'était en moi la toujours là, c'était, éclatant toute, Infini gouffre où tout ce qui est vu devient vision, Devient présence à reconnaître et formuler sous peine De folie ou de mort, tout-puissamment c'était l'angoisse, Il me fallait, sur ce damier vertical, face à moi, Sur cette image, et vite, il me fallait mettre des mots, Parler, c'est tout, parler n'importe, il me fallait d'urgence Exorciser la solitude en moi épouvantée, Tout n'est-il pas toujours signe pour nous, jamais vers nous ? Et c'est aussi au même instant, là-haut, qu'une fenêtre En grand s'est ouverte, a surgi une ombre aux cheveux clairs, En robe orange, et la voilà qui tousse et tousse et puis Qui tend les bras : plus rien, délire, effroi, en moi plus rien, Plus rien soudain de cet immense avortement d'extase, Tout n'était plus en moi que paix soudaine et que silence, Et sous mes yeux, bloc droit dans l'ombre, étage après étage, Intérieurs éclairés, stores baissés un peu partout, On y mange, on y bouge, on y vit, beauté toute humaine, Oui, cet immeuble que je cherche, il est là, face à moi. Et c'est ainsi pour toi que j'aurai écrit ce poème, Pour toi en robe orange, aux cheveux clairs, soudain surgie Presque tout en haut de ton H L M, toi te penchant A ta fenêtre ouverte et toussant fort, les bras tendus, Toi plus que simplement qui m'as sauvé de ma panique, Un soir de brume, un soir fantôme, en battant tes pantoufles. Poèmes in HLM BLUES © Editions Dumerchez 26
  • 27. Maurice - Mais si tu savais pourquoi j'ai crié, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Mais si tu savais, j'ai crié ! - C'était un étang, mon fils, et rien d'autre, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Un étang, mon fils, et rien d'autre. - Mère, mère, mère, il était tout rouge, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Rouge, rouge, il était tout rouge ! - Un jardin sur l'eau, pivoines ou roses, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Ou pivoines sur l'eau ou roses. - J'avais soif, si soif, j'ai tendu la bouche, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Et j'ai hurlé, la bouche en sang ! - Mon fils, mon fils, rien n'était rien, sois sage, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Rien n'était rien, dors et sois sage. - Comment dormir, mère, le corps me tire, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Comment dormir, le corps me tire ! Poèmes 27
  • 28. Maurice - C'est la nuit des temps, mon fils, dors encore, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, C'est la nuit des temps, dors encore. - L'ogre au fond de l'eau, dis-lui de se taire, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Au fond de l'eau, dis de se taire ! - Dors, mon assoiffé, mon étang, mon ogre, O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Dors, tais-toi, dors, mon ogre, dors. in HLM BLUES © Editions Dumerchez HML BLUES, extrait de L B L B L , ouvrage à paraître en Février 2001 aux éditions Bernard Dumerchez Poèmes 28
  • 29. Louis-Marie Roussiès LUMIERE SUR LE SABLE En cette fin d’été le soleil généreux inonde la plage. Les estivants offrent leur peau dorée aux doux rayons. Assis sur un rocher, les pieds dans l’eau le bruit d’un clapotis se transforme en un chant. La lumière chauffe le rivage. La vie fonctionne toute seule, belle et sublime comme l’immensité de la mer colorée. L’île au loin offre un pied à terre. Les oiseaux se lâchent dans l’air pour une farandole subtile . Les enfants hurlent leur joie près du rivage tandis que l’amoureuse sent encore plus près le corps de son amant. La lumière est là tranquille comme à son premier jour. Chacun a pris son rêve, ses pensées familières ou bien a tout offert. Le sable doré est donné comme un grand lit. En moi, j’entends un bruit, tel un murmure de mots. Quel est ce trait léger qui vient sous la clarté et qui nous suffira, pour continuer d’aimer sur l’océan du monde où baignent nos pensées? Poèmes 29
  • 30. Louis-Marie Roussiès Temps - présent Le temps-présent m’accueille en marchant. Avec lui je regarde le chemin de terre, le champ verdi par le blé naissant et le bois qui se prépare au printemps. Le pré de mon enfance vient me toucher. Les pas sous mon corps se succèdent sans efforts. TOUT EST MAINTENANT! Poèmes 30
  • 31. Louis-Marie Roussiès TEMPÊTE L’emprise brutale du vent roule l’eau sur la mer en furie La vague gronde et se relève éclaboussant l’air et le rocher de violentes gerbes étincellées Les éléments humides et forts occupent l’immense espace obscur comme un début de monde. Poèmes 31
  • 32. Louis-Marie Roussiès Petit matin Un épais silence habite les quelques bruits naissants. Les formes se découvrent peu à peu de leurs habits de nuit. Tout se regarde. Quelques feuilles se laissent bouger tandis que l’oiseau étouffe son premier cri. La rose retrouve sa couleur. Le monde hésite entre l’ombre et l’innocence et puis tout recommence dans la lumière... Poèmes 32
  • 33. Üzeyir Lokman ÇAYCI est peintre et poète . Né à Bor en Turquie , il vit actuellement à Mantes La Ville dans les Yve- lines. Il nous présente, ici et aux pages suivantes, trois dessins à la plume. 33
  • 34. Existe-t-il une poésie féminine? Lydia Padellec " Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle, et par elle, l ‘homme, jusque' ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l‘inconnu! - Ses mondes d‘idées différeront-ils des nôtres ?-…" Arthur RIMBAUD Parler de poésie féminine, c’est poser le problème du genre : or, nous savons tous que le masculin n’est pas uniquement le masculin, mais aussi le général. Il y aurait donc le général et le féminin. Une particularité. La poésie féminine serait en quelque sorte “marginalisée”, davantage considérée comme un instrument de combat pour une “cause féminine”. Il faut dire que les poétesses ont été peu nombreuses dans l’histoire de la poésie française : Marie de France, Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore, Anna de Noailles, - pour ne citer que les plus connues c’est-à- dire celles que l’on étudie à l’école -; peu nombreuses aussi dans les anthologies. Les poètes-femmes (que l’on préfère au terme vieilli de poétesse”) seraient-elles donc des écrivains minoritaires ? Ce sont pourtant elles qui écrivent et lisent le plus de poésie, mais qui sont les moins publiées par les grandes maisons d’édition; peu de femmes dirigent des collections de poésie, des revues, tiennent une rubrique de poésie, ou encore se trouvent à la tête d’une maison d’édition. 1 Dans l’anthologie Poésies en France depuis 1960 - 29 Femmes Liliane Giraudon et Henri Deluy constatent une émergence de nombreuses femmes dans l’écriture poétique depuis les années 60. Mais c’est surtout depuis une ou deux décennies que les femmes s’expriment de plus en plus. En effet, les mentalités et la société en général ont évolué : les femmes ne se contentent plus d’être des épouses, des amantes ou des mères; elles ont un métier et davantage de responsabilités, elles ont leur mot à dire. Certaines sont professeurs, universitaires (Esther Tellermann, Marie-Claire Bancquart, Jacqueline Risset), d’autres sont encore préfètes, pilotes, chefs d’entreprise, médecins, avocates (Jacqueline Frédérie Frié). Par ailleurs, y a -t-il des sujets poétiques spécifiquement féminin ? Jean Orizet, dans l’introduction au dossier consacré aux “femmes et la poésie” de la revue Poésie 1 2 Vagabondage remarque que le veuvage (" chanté” par Christine de Pisan au XIVè siècle), ainsi que le bonheur et le malheur conjugal étaient “affaires” de femmes jusqu’à la fin du XIXè siècle ! Bien sûr, l’expérience de la maternité reste, avec l’amour maternel, un thème qui perdure de siècle en siècle. Mais tout comme la femme, la poésie 34
  • 35. féminine connaît de nombreuses mutations : les sujets rejoignent dorénavant les mêmes préoccupations que les poètes-hommes, avec prises de positions intellectuelles ou / et philosophiques: la femme, comme l’homme, redoute la fuite du temps et la mort, et éprouve de façon aiguë la difficulté d’être (Vénus Khoury-Ghata, Gabrielle Althen). Elle s’intéresse également à la “forme-poésie”( Ilse Garnier, créatrice de la poésie spatiale), le “poème-récit ”, le “poème en prose”, le “poème-reportage ”, et met davantage l’accent sur la vie quotidienne (Nathalie Quintane). D’un autre côté, les femmes-poètes peuvent avoir aussi le goût pour la nature, le merveilleux, l’imaginaire et l’humour (Odile Caradec, Isabelle Pinçon) ; et d’une manière plus traditionnelle pour l’amour et la sensualité (Claude de Burine, Anne-Marie Derèse). Alors, existe-t-il une poésie féminine ? Pour certains, non, car cela équivaudrait à la marginaliser, pour d’autres, elle serait en devenir. Mais l’important, sans doute, comme le dit Jean Orizet, est que la poésie “aide les femmes et les hommes à exister mieux, plus haut et plus loin”. ! 1 ) Giraudon, L et Deluy, H, Poésies en France depuis 1960 - 29 femmes, éd. Stock coll. “Versus”,1994. 2) Poésie1 Vagabondage, revue trimestrielle publiée au cherche-midi éditeur, n°23 (Sept). 35
  • 36. Le Poète , figure de proue Louis Delorme L’intuition, chez un scientifique est capitale, on le sait. On le sait depuis qu’Archimède, se sentant plus léger dans son bain et s’écriant Eurêka ! a imaginé le moyen de savoir si la couronne de Hiéron II, roi de Syracuse était en or massif ou en alliage, et découvert du même coup le principe qui porte son nom, qui veut que tout corps plongé dans un liquide reçoive de celui-ci une poussée verticale dirigée de bas en haut etc., etc. Nous avons tous récité cela par coeur. On le sait depuis que Newton, en voyant tomber une pomme d’un arbre, échafaude la théorie de la gravitation universelle. On le sait depuis que Louis Pasteur a deviné que c’étaient les vers de terre qui remontaient les bacilles du charbon en surface et qu’ainsi les moutons s’infestaient à partir des cadavres que l’on avait pourtant enterrés profondément. L’intuition chez le Poète est encore plus développée parce qu’il explore et qu’il imagine beaucoup plus en amont de la réalité que le savant. Et qu’il n’est pas tenu à une obligation de résultat. 0 Dans son excellent article, (Agora n il juillet-août-septembre 2000) Lucie MAILLET nous parle de Victor Hugo, à propos des tables tournantes de Jersey, et elle nous apprend que le poète avait la connaissance intuitive du rayonnement radioactif. Il faudra pourtant attendre 1896 (onze ans après la mort de celui-ci) pour que Henri Becquerel remarque que les sels d’uranium émettaient d’une façon continue, un faible rayonnement qui impressionnait les pellicules photographiques et provoquait l’ionisa- tion des gaz. Le mot de radioactivité sera proposé plus tard par Marie Curie. Dans un tout autre domaine, - O combien palpitant ! aussi palpitant que l’ère des machines volantes dont Léonard de Vinci avait eu le premier l’idée, allant jusqu ‘à les dessiner - des savants de diverses nationalités sont en train de dresser la carte du génome humain et on nous dit qu’elle sera terminée beaucoup plus tôt que prévu. Durant l’été 2000, pour être précis, alors qu’initialement, les scientifiques ne pensaient pas en avoir terminé avant 2005. On sait aussi que l’homme ne possède pas cent cinquante mille gènes comme on avait cru d’abord mais seulement trente ou trente- cinq mille. (Cf SCIENCE ET VIE de juin). Il avait fallu attendre le frère Grégoire Mendel et ses fameuses découvertes pour que les premières lois sur la génétique soient identifiées, pour que les notions d’hérédité, d’hybride, de caractère dominant ou récessif soient clairement établies. Et pourtant, là encore, la pensée du poète avait précédé celle du savant. Voici ce qu’écrivait Montaigne dans ses ESSAIS: Quel monstre est-ce, que cette goutte de 36
  • 37. semence de quoi nous sommes produits porte en soi les impressions, non de la forme corporelle seulement mais des pensemens (pensées) et des inclinations de nos pères ? Cette goutte d’eau où loge-t-elle ce nombre infini de formes? Et comme portent-elles ces ressemblances, d’un progrès si téméraire et si déréglé que l’arrière-fils répondra à son bisaïeul, le neveu à l’oncle ? ... J’étais né vingt-cinq ans et plus avant sa maladie, (celle de son père : la pierre, qui fut aussi la sienne ) et durant le cours de son meilleur état le troisième de ses enfants en rang de naissance. Où se couvait tant de temps la propension à ce défaut ? Et, lors qu’il était si loin du mal, cette légère pièce de sa substance de quoi il me bâtit, comment en portait-elle pour sa part une si grande impression ? Et comment encore si couverte, que, quarante-cinq ans après, j'ai commencé à m'en ressentir, seul jusque à cette heure entre tant de frères et de soeurs, et tous d’une mère ? Qui m’éclaircira de ce progrès, je le croirai d’autant d’autres miracles qu’il voudra; pourvu que, comme ils font, il ne me donne pas en paiement une doctrine beaucoup plus difficile et fantastique que n’est la chose même. (Livre II chapitre XXXVII) Le poète fait plus qu’imaginer le futur, il l’invente de toutes pièces. Et très souvent, par une sorte de mimétisme inexplicable, comme si nous portions en nous les gènes obscurs du progrès, ce futur se met à ressembler à ce dont les hommes ont rêvé. Comment ne pas songer à Jules Veme alors que nous avons vu, au cours de ce vingtième siècle la réalisation d’une grande partie de ses visions futuristes ? Le poète se souvient de l’avenir, nous dit Cocteau (Journal d’un inconnu.) On pourrait sans doute multiplier les exemples de cette avance des poètes sur leur temps. De cette intuition merveilleuse qui les propulse loin devant. Comment ne pas revenir à Victor Hugo et terminer en citant un extrait de son poème sur les Mages ? Pourquoi donc faites-vous des prêtres Quand vous en avez parmi vous? Les esprits conducteurs des êtres Portent un signe sombre et doux? Ces hommes ce sont les poètes; Ceux dont l’aile monte et descend; Toutes les bouches inquiètes Qu’ouvre le verbe frémissant; Les Virgiles, les Isaies; Toutes les âmes envahies Par les grandes brumes du sort; Tous ceux en qui Dieu se concentrent; Tous les yeux où la lumière entre, Tous les fronts d’où le rayon sort Les Contemplations Livre VI, XVHL ! 37
  • 38. Internet et poésie : deuxième épisode... Emmanuel Hiriart C'est sans doute la revue, parmi les manifestations imprimées de la poésie, qui a le plus d'affinités avec le web. D'abord parce qu'une revue est un réseau : de collaborateurs plus ou moins réguliers, d'auteurs, d'abonnés. La revue a une périodicité, ce n'est pas un objet littéraire clos comme un recueil ; le site web, s'il veut rester vivant et attirer les internautes, doit être régulièrement mis à jour. En terme de publication, la revue et le site web sont pour l'auteur débutant des espaces accueillants, qui lui permettent de confronter ses textes à ceux d'auteurs plus connus (tout ceci à nuancer selon les revues et les sites). La revue comme beaucoup de sites web est un lieu d'information sur l'actualité poétique : elle propose en quelque sorte des liens vers d'autres publications. Enfin les revues sont le plus souvent l'œuvre de petites équipes de passionnés bénévoles, comme les sites poétiques. Compte tenu de ces affinités, on n'est pas surpris de constater une attraction mutuelle entre cyberpoésie et monde des revues. Bien entendu le phénomène n'est pas général : certaines revues sont hostiles à l'internet, perçu comme une menace pour la chose imprimée, comme une sorte d'espace de zapping généralisé ; d'autres n'ont tout simplement personne de disponible ou de compétent parmi leurs animateurs pour s'occu- per d'un site web . Il y a aussi, parmi les poètes du web, même parfois parmi les animateurs de quelques excellents sites, des gens qui se sentent parfaitement étrangers à l'univers des revues. Les relations entre les revues et le Net peuvent prendre plusieurs formes : -De plus en plus de revues ont des sites : citons par exemple Phréatique, Friches, Décharge, Hélices, Rivaginaire, Le nouveau recueil ou Poésie/première, qui figurent parmi les valeurs sures des revues poétiques. Ces sites sont souvent de simples vitrines, permettant au lecteur de découvrir quelques extraits de ces revues et des informations sur leur actualité. Parfois ils tendent à avoir une activité propre, complémentaire de celle de la revue papier (revue des revues de Décharge, jeux de phréatique...). Il y a même des revues intégralement reproduites sur leurs site (Incertain Regard...) -Certains sites offrent un contenu proche de celui des revues : Ecrits... vains, Poésie d'hier et d'aujourd'hui, animé par Silvaine Arabo, Hache ou le Carnet interdit par exemple... On notera d'ailleurs que les animateurs du premier de ces sites s'apprêtent à lancer une revue « papier »: palimpseste. -plusieurs sites proposent des « revues des revues » : Ecrits vains ? (le plus riche de ce point de vue), Muse, Décharge, Poésie d'hier et d'aujourd'hui, Ombrages... -les revues parlent moins des sites internet, mais le font quand même de plus en plus souvent : Paul Van Melle dans inédit nouveau cite régulièrement écrits...vains ? et le 38
  • 39. site de Silvaine Arabo, Michel Lavaur a consacré un numéro de Traces (le 133) à la poésie sur internet, Jointure vient d'inaugurer une rubrique astrol@be et sext@nt, consacré à l'internet, Comme en poésie a une page « comme sur internet » (où l'on découvre surtout que Jean-Pierre Lesieur n'a pas encore parfaitement maîtrisé cette nouvelle technologie...), Poésie/première cite régulièrement les « bonnes adresses du web ». Je crois qu'il y a là une interactivité amenée à se développer, qui devrait aider le petit monde quasi clandestin des revues à rencontrer un public dont les webmestres expéri- mentent chaque jour qu'il est potentiellement plus large que celui qu'elles touchent actuellement. ! Sites en rapport avec cet article : site adresse friches http://www.multimania.com/friches/ Hache http://www.dtext.com/hache/ Muse http://muse.base.free.fr/ zazieweb http://www.zazieweb.com/annuaire.html Silvaine Arabo http://www.multimania.com/mirra/ Carnet interdit http://perso.infonie.fr/isanou Ecrits...vains ? http://ecrits-vains.com/ Décharge http://www.multimania.com/decharge/ phréatique http://www.multimania.com/phreatiq/ Poésie/première http://poesiepremiere.free.fr nouveau recueil http://www.ifrance.com/NRecueil/ incertain regard http://www.chez.com/incertainregard/ ombrages http://users.swing.be/ombrages/ docks http://www.sitec.fr/users/akenatondocks/ Hélices http://helices.poesie.free.fr/ Courant d’ombres http://perso.wanadoo.fr/patrick.kremer/ Matricule des anges http://www.lmda.net ralentir travaux http://perso.club-internet.fr/annecav/ Rivaginaires http://kerys.free.fr/poetes/rivaginaires orage-lagune-express http://www.orage-lagune-express.com/ Traces http://perso.wanadoo.fr/emmanuel.hiriart/JeuLa- vaur.html 39
  • 40. L’apatride ...Errance entre les lignes de quelques livres de Maria Mailat Emmanuel Hiriart La première fois que j’ai rencontré Maria Mailat (que je n’ai jamais rencontrée autrement que dans ses écrits), c’était dans un drôle de petit livre avec un drôle de titre, cailles en sarcophages, et un drôle d’œil qui me fixait au centre de la couverture. On y rencontrait de drôles de personnages comme ce cambrioleur saisi dans une bibliothèque « La voisine affirme qu’un voleur s’est fait prendre ébahi par tant d’ouvrages inconnus Les policiers l’ont trouvé lisant des poèmes Menottes aux poignets, il lit toujours ». Ou Fitz Roy le chat : « Son deuxième chat s ‘appelle Fitz Roy il loge sur le lit de préférence, il est l’incarnation d’un maître d’échecs, Colette, son écrivain de chevet, l’aurait affirmé aussi la mort en personne a dû faire face à la bête » Tout un petit monde vivait dans ces pages, un peu en marge de la société. Les héros de Maria Mailat sont toujours comme ce « clochard licencié en lettres classiques » : sans lieu où s’enraciner, jamais dans le camp des vainqueurs et des gouvernants, construisant une culture de l’errance. L’auteure est l’une de ses personnages. Née en Transylvanie Maria Mailat avait deux langues maternelles, le hongrois et le roumain, et en a très tôt appris une troisième, le français. C’est peut-être de son père, qui avait abandonné les bibliothèques pour redevenir paysan, qu’elle a hérité le goût des livres et de la liberté. Elle a d’abord écrit et publié en Roumanie, mais la censure a interdit ses publications. C’est pourquoi elle s’est installée en France en 1986, comme réfugiée politique. Depuis 1990, le français est devenu sa langue d’écriture. Elle publie des recueils de poèmes et des romans. Parmi ces derniers, Sainte Perpétuité raconte l’histoire d’une jeune juive roumaine persécutée, Léa Leviath, et de sa grand-mère Esther, rescapée des camps de concentration, qui lui apprend à survivre dans le cadre hostile de nos modernes Babel. Esther comme son homonyme biblique sait épouser l’ennemi (Leviathan) pour mieux lui échapper. Klothô (du nom de la parque) peut-être considéré comme le pendant poétique de ce roman. C’est le livre de la survie, de la volonté de vivre malgré les oppressions (mais sans leur opposer le combat frontal qui les reproduirait sous 40
  • 41. d’autres masques) : « Klothô le serpent de l’arbre c’est moi, la rescapée je rampe sur ton sein gauche, j’arrache le fruit le fends et de ses pépins je plante un troisième œil sur tes lèvres » Comme elle le fait souvent, Maria Mailat reprend ici une des grandes figures de la femme léguée par la tradition, et en fait un de ses masques, retournant la valeur négative que la culture dominante lui assigne. Elle utilise aussi, après Esther et avant Antigone, une grande héroïne tragique : « Moi, Médée, je jure sur la tête de mes enfants de dire la vérité de celle qui naît à contre-courant, de celle qui traverse la vie en ennemi ». Pour traverser la vie Maria Mailat traverse les langues : elle dit au passage sa fraternité avec Luca et Voronca, autres poètes roumains devenus francophones. Graine d’Antigone, son dernier recueil, dit une nouvelle fois son combat pour écrire et vivre sans se conformer aux contraintes sociales et politiques qu’elle refuse. Elle dit cette fois la difficulté d’être femme et poète, plus généralement femme et sujet. De nouvelles figures mythiques et littéraires l’accompagnent : Antigone d’abord, celle qui préfère la raison du cœur à la déraison d’Etat ; le petit chaperon rouge « la fille qui porte son nom au masculin » et qui « […] refuse la place qu’on lui donne avec force » « […]crève le ventre qu’on lui désigne[…] » ; Et surtout Sylvia Plath. Maria Mailat lui écrit des poèmes, à lire aussi comme des réponses aux Birthdday letters de Ted Hughues. « Te souviens-tu de mon premier amour » lui demande-t-elle « Je t’invite dans ma cuisine d’antan à la frontière de l’histoire avec Akhmatova et Mandelstam. Il y a vingt ans Un poème avait échoué Entre le couteau et le grattoir » Il passe dans ces pages un courant de sympathie qui contraste avec la distance parfois glaçante de l’ancien époux de Sylvia Plath (grand poète par ailleurs). Pourtant une différence fondamentale sépare les deux femmes : Sylvia Plath a cédé à la tentation du 41
  • 42. suicide alors que Maria Mailat choisit et dessine un chemin de vie : « nue je me réveille comblée d’une paix apatride ». ! 42
  • 43. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures ♦ Le Verbe Haut Georges Solovieff Éditions Pierran Ce nouveau recueil de Georges Solovieff se laisse dévorer tout d’une traite mais on le reprend aussitôt pour en savourer les moments les plus forts. Déjà, le plan de cet ouvrage est une grande réussite: un chapitre sur les Je, (le poète lui-même), les Tu, (la femme) etc... une trouvaille ! Vraiment ! D’entrée de jeu, avec Slave, le poème qui situe l’auteur, suivi de Chemin, qui rappelle ses engagements, séduisent le lecteur par la précision, la fluidité du Verbe, la pertinence des images. Le poète chevauche sur les sommets. Avec Je pars, cela continue de plus belle; il s’inscrit dans la lignée des testaments poétiques. Le chapitre des Tu n’est pas moins riche, pas moins émouvant. Mais c’est avec Elle qu’il touche le lecteur au plus profond, au plus humain, au plus pathétique. D’une manière générale, on sent, tout au long du livre, l’auteur imprégné d’Aragon qu’il célèbre plus précisément dans Myosotis. Mais dans le chapitre, consacré à Elle, (l’enfant disparue) les accents hugoliens, qu’on retrouve plus loin dans le Cheval fourbu, se font jour et me font songer certes aux Contemplations, mais comptent pour moi parmi les plus beaux textes qu’il m’a été donné de lire depuis bien longtemps. Je tiens à souligner encore le plan du livre qui est vraiment séduisant et qui fait qu’on adhère à cette construction qui, finalement, englobe toute une vie ou presque. Construction qui s’achève par Ils, les absents, ceux qui nous ont quittés, (Louis et Elsa sont de ceux-là,) puis ET LES AUTRES... dans lequel l’auteur signe une dernière pièce sur les pendus de Tulle. J’ai aussi été très heureux de retrouver les pages que le poète m’avait confiées, en avant- première, en filigrane pour Soif de Mots et de les voir replacées dans leur contexte. Ce recueil est illustré avec beaucoup de talent par Christiane BLOT-PFIFFER. LD ♦ Musica Patricia Coulange Les Presses Littéraires “C’est une véritable gageure que de vouloir faire un poème à partir de chaque terme dévolu à la musique. C’est ce que fait Patricia COULANGE dans son recueil Musica. On voit se profiler successivement la lyre, la tessiture, les notes, la portée, les clefs, les silences, la gamme, le métronome, etc... Les instruments, parfois personnifiés, sont présentés tour à tour. Le pari est gagné grâce à une parfaite connaissance du langage propre à la musique. On regrettera que cela soit parfois un peu trop technique bien que les textes soient émaillés de belles images. Que l’âme humaine, par-delà la musique ne soit pas suffisamment exaltée :cela dans la première partie qui reste assez abstraite et un peu froide. Patricia Coulange se surpasse vraiment dans la seconde partie de l’ouvrage, quand elle aborde les instruments solitaires et les musiques des quatre coins du monde. C’est que, dans ces dernières pages de la partition, l’homme est présent avec sa condition, ses paysages, sa destinée. Quel plaisir de voyager avec le banjo, la balalaïka, la flûte des Andes, la cornemuse, etc... ! Mais aussi que de sensibilité, de résonances dans notre âme, soulevées par le clairon, le tambour, les cloches, le carillon et le glas! Là se situe la grande poésie.” LD 43
  • 44. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures ♦ Une adolescence Raymond Guilhem Les Presses Littéraires Dans ce livre de souvenirs, Raymond Guilhem nous fait part de ses rencontres avec le poète Joe Bousquet disparu prématurément à l’âge de cinquante ans, par suite de blessures récoltées à la guerre de 14 et qui aurait eu cent ans cette année. L’adolescent qu’était alors l’auteur, dans ces années d’occupation, a été très impressionné, par ce grand esprit qui ne quittait plus la chambre mais rayonnait sur les lettres, dans sa bonne ville de Carcassonne, au point que les plus grands auteurs venaient le rencontrer ou correspondaient avec lui : Breton, Éluard, Aragon, Gide, Valéry, Simone Weil... Mais aussi les grands peintres : Ernst, Dali, Magritte, Tanguy... Dans la seconde partie du livre, Raymond Guilhem nous confie la correspondance qu’il a entretenu avec François-Paul Alibert, autre écrivain de Carcassonne. Pas moins de dix lettres merveilleuses qui constituent toute une série de conseils à un jeune poète. J’en extrais quelques uns : ... En matière d’art, il ne s’agit ni d’encourager ni de décourager, il faut laisser faire et que chacun aille comme il l’entend et suive sa vocation. ...L’instinct poétique tient à la faculté qui consiste à ressentir des émotions, et l’instinct du rythme à cette musique intérieure qui ordonne et dirige ces émotions selon une méthode qui a ses règles et ses lois. (Lettre 1) ...C’est l’accord entre le sentiment et la forme qui est l’essence de toute poésie. ...La poésie est un ensemble de convenances et de concordances qui doivent former un tout bien lié et où rien ne détone. (Lettre V) Je n’en dis pas plus. Découvrez ce livre passionnant, admirablement illustré par les encres de Dantec. Vous découvrirez la passion de Joe Bousquet pour l’Androgyne, sa bienveillante attention à l’égard de notre jeune poète, qui lui confiait ses premiers vers ; et la gentillesse d’un François-Paul Alibert qui nous fait nous demander, si, de nos jours, un auteur un peu en vue donnerait encore de son temps pour aider un jeune adolescent à Louis Delorme ♦ Ici, là, Alain Boudet Froissart 29p (supplément au numéro 93 de la revue Froissart) Ce bref recueil commence d’un pas tranquille, comme une prose aimable « j’aime venir ici / aux heures de broussailles /et de friches ». nous suivons Alain Boudet sur son aimable chemin pour apprendre à « trouver dans le monde / le centre de soi-même ». Le sentier de mots révèle des harmonies inattendues « L’escadrille des vagues / aux couleurs de musique / donne aux rochers aveugles / les reflets d’une aubade » au retour de la ballade il nous reste « […] le rêve d’un peintre ou les mots d’un poète », le monde doucement éclairé par un souffle rythmé, qui l’embellit 44
  • 45. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures ♦ inconnues saisons Tahar Bekri L’harmattan 145 p Ce livre présente un choix de poèmes de l’écrivain tunisien Tahar Bekri. Il regroupe des textes tirés de ses différents recueils francophones, et laisse de côté les poèmes en arabe de cet auteur bilingue. Une traduction anglaise de qualité (due à quatre poètes anglophones) figure en vis à vis de chaque texte français, sans doute dans l’espoir de donner une audience plus large à ces «selected poems ». Les poèmes de Tahar Bekri sont en général des textes courts, mais qui ne prennent toute leur valeur qu’au sein d’une série. Plutôt qu’un choix de textes isolés, les saisons inconnues sont donc, logiquement, une sélection de «suites ». On peut mesurer ici tout ce qui fait l’unité de l’œuvre : goût pour l’image juste, formulée de manière énigmatique, qui demande à être creusée « Baigneuse Barque frileuse o mère du jour endormi Le prince d’insolation meurt dans tes bras Les marins quittent tes cheveux cinéraires Nuit Mer éplorée » Attention portée au tissu verbal des allitérations et des assonances « Le sabre sombre a tendu ses filets ensorceleurs Orphelin je suis au milieu de la clameur » Chantournement quasi mallarméen de la phrase, goût des rapprochements de mots inattendus. Chaque recueil a cependant une identité originale, par sa thématique et aussi par la forme des poèmes. Tahar Bekri revendique un enracinement multiple : « Son enfance barbier et figues noires Colonnes romaines et fontaines bruyantes, Tablettes coraniques et triques en l’air Les jours si courts ravivaient nos étoiles » Aussi sa poésie francophone mêle-t-elle l’héritage arabe, présent dans la forme du roi errant, dans les thèmes (évocation du roi errant al-malik ad dillil, de l’exilé Ibn Hazm), dans le choix des sonorités privilégiées (au royaume de sable, / le roi errant chante sa douleur) à l’héritage occidental (Hamlet) ou au monde antillais (Proximité de Glissant). Elle dit la difficulté de tenir poème ouvert face au discours identitaire clos qui ravagea le pays d’enfance (et tant d’autres) « La main de l’homme à la barbe barbare Elle devait détruire ta splendeur Dans la nuit aveugle de sanie » Et l’émerveillement d’être au monde librement, libre de la grande liberté métaphysique de qui sait tendre les images et s’y construire une langue, en «oiseau d’étincelle fertile ». Emmanuel Hiriart 45
  • 46. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures ♦ Pangéia Flammarion, 1996 79 Frs Esther Tellermann Recueil en trois parties, composé de poèmes courts. Brefs et fugaces comme la tombée du jour. Il s’agit d’une quête, celle d’une fusion entre lumière et ombre: clair-obscur. Tout d’abord, on “imagine le monde comme un train sans paysages ", partir pour “tracer d’autres airs” (partie 1). Vient ensuite la tentation (partie 2), celle de se mesurer à l’immuable “Ne dites pas: / ‘le ciel nous couvre' / Nous sommes immortels"; celle qui nous “brûle” de l’intérieur. Pangéia (partie 3) ...qui est-ce ou qu’est-ce? Une amie d’un autre monde que le poète "repousserait dans la légende “, ou le nom d’un pays polaire où “la lumière devient son “et où “les oiseaux se cognent au gel” ? Récit énigmatique d’un voyage dans la perpétuelle nuit du monde, le jour fragile étant la parole inscrite. Lydia Padelec ♦ Journal alternatif Charles Dobzynski Collection Double Hache 95 frs Bernard Dumerchez éditeur Cent cinq poèmes de quatorze vers répartis en onze ensembles forment ce livre. Les quatre premiers ensembles ainsi que le dernier ont trouvé en moi un véritable écho.Peut-on parler d’élégie pour ces poèmes, ce chant qui court , pénètre le lecteur , avec ce rythme lent que rend la voix.? L’ouvrage délivre dans ce voyage, intime et de vie, la beauté entière du chant, cette incantation sourde de l’être, ce constat fait de face. Dans le troisième ensemble “Le présent déplié” , les poèmes diffusent la plénitude du chant . Nombreux poèmes débutant ces ensembles sont accompagnés à leurs fins d’une date - souvent éloignée - et d’un nom de lieu. De Août 39 à 1991/1999; de Aden à la rue Amelot; de Alain Bosquet à Bernard Vargaftig; de la Salpetrière à Colombo :le livre est un périple , la pérégrination du poète. La vie est revisitée aux lueurs du passé et du vers , à l’aune du miroir limite. Cette limite du corps , cette chair, véritable métamorphose vivante du temps sur les os. Ce livre ,bilan déposé aux archives du vivre, nous entraîne avec lui , voguant à vue , comme ” le rêveur à l’estime invente son cabotage” Toi qui viens de la mer Poèmes Le dernier livre d’Emmanuel Hiriart est paru aux éditions Editinter BP 15 91450 SOISY-SUR SEINE 46
  • 47. Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures ♦ Membre fantôme Guy Valensol Editions du Typograph 6, rue de Beaurepaire 85500 Les Herbiers C’est l’enfance seule peut-être, ce fantôme, qui ne pouvait qu’hanter un lieu si joliment nommé - Beaurepaire, Les herbiers - Lieu du livre où réapparaît, jamais capitulant , l’enfant en nous. Guy Valensol partage ici des souvenirs, parfois ” remugle de la mémoire” ou “sieste” pour “ s’anéantir sans angoisse”. La langue est simple, vraie. Nous la suivons “sur les chemins luisants de la mémoire”, traversant des champs, des paysages où demeurent encore ,des gestes de faux, des coups de fourches, et des musiques ... de scies circulaires. HM ♦ Le nom des fleuves Eric Sautou Le Dé Bleu 75 frs Dans un saisissement progressif, une avancée à pas comptés, c’est un appel qui est lancé au néant. Attendant un écho , une réponse hypothétique, le vers, dans ces courts poèmes progresse par petites avancées dans un espace de soi que le poète interroge. ON et ILS sont les sujets les plus fréquemment employés. Qui sont-ils? Peut-être, parcequ’un guide “IL” accompagne et tient fermement la main, “ON”, est au minimum un double, voire la communauté de tous les hommes recherchant dans l’épaisse brume de la vie , des éclaircies, des rivages ensoleillés, des haltes dans un pays de l’enfance retrouvé. HM ♦ Mise à jour Françoise Han Editions en Forêt Edition trilingue fra/all/ Doenning 6 D93485 Rimbach Que sont donc ces “Mises à Jour ” ? Une actualisation susceptible de corriger dans le cerveau humain la vision que nous avons de notre système terrestre et de son équilibre ? Peut-être plus probablement une tentative d’éclaircissement de l’histoire de l’homme et de son univers. Et cela, dès la naissance des hommes dans cette vie, cette “Baraque Foraine”, titre de ce poème écrit dans un salut à la dixième Elégie de Duino de Rilke. Et où les hommes dans la destinée des astres vivent comme “ silhouettes, cibles / un instant épargnés.” .C’est parmi les pierres, à partir de ce monde primitif , que des êtres vivants sont devenus des - Hommes - en accumulant ces matières premières pour les tailler, les sculpter et y inscrire - comme en un dédoublement - ce fruit d’une vie intérieure. Françoise Hàn avec ce livre dit la fragilité de la vie. Elle semble préciser sa mesure devenue si ténue face aux “constellations” (qui) “changent l’équilibre”. Le poète , nourri d’une scientifique, avec ces quelques poèmes, ces “mises à jour” nous alerte sur l’inversement des forces en jeu sur la planète, notre terre. De la gravure des pierres, à la fonte de ces montagnes de glaces aux pôles, notre réflexion sur la pérennité de notre civilisation humaine doit vivement s’actualiser. En témoigne ce poème -visionnaire?- “ Haute Epoque “ où “ L’oeil capable de fixer / le film entier sur sa rétine / lit intensément / les signes de la catastrophe / “ 47 Hervé Martin
  • 48. En Bref...En Bref...En Bref...En Bref...En Bref... • Suivi de “La vie promise”, “Éloge pour une cuisine de province” de Guy Goffette auquel un numéro d’I.R fut consacré est paru l’automne dernier dans la collection Poésie/Gallimard. • L’hiver est une main précise, de Georges Guillain vient de paraître aux éditions Écrit(s) du Nord, 49, chemin des Plantis 62180 Verton. • Co-fondateur de feue la revue Le Matin déboutonné ,Christophe Forgeot propose avec L’entretien Imaginaire son quatrième livre de poésie. Editions HELICES BP 146 ,94733 Nogent sur Marne Cedex • Thérèse Mercier vous invite à “L’Artisan de Saveurs” 72, rue du Cherche-Midi Paris VIième pour des lectures qu’elle donne le premier jeudi de chaque mois. TEL: 01 42 22 46 64 • “Quelque part ils ont tué le peuple” et “Un remous plus fort que le fleuve” les deux derniers livres de Gérard Lemaire sont disponibles chez “ Daniel Martinez, 8 ave- nue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière.” Editions Les Deux -Siciles. • Michelle Caussat, dans la collection SAJAT présente deux opuscules Une histoire de Fée et Dérive d’automne, une suite de haïkus. Michèle Caussat 27, rue des Per- venches 31700 Blagnac • A Force De Mentir Au Temps de Philippe A. Boiry paraît aux éditions Nouvelle Pleiade Paris, accompagné d’illustrations de Michel François Lavaur. • Le dimanche matin dès 7 Heures vous pouvez écouter, sur France Culture, l'émission de Mathieu Bénézet, “Entre-revues” consacrée à la vie des revues de poésie. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues Verrières N°4 Gratuite (16 frs - chèque pour frais d’envoi) 2, avenue Goulard Christophe Fourvel 25000 Besançon Verrières est une revue de création du centre régional du livre de Franche-Comté. En souhaitant rendre compte de l'activité littéraire de Franche-Conté, elle fait naturellement bien plus: la littérature et la poésie n’ayant pour territoire que leur propre langue . Papier ocre, texte aéré, la revue d’une belle facture, propose dans ses rubriques, des informations, des notes de lectures, des adresses de lieux concernant principalement la région de Franche -Conté. Dans ce numéro Alain Jouffroy, Mathieu Messagier, Christophe Fiat et Pierre Perrin , dont le compte rendu d’entretien m’a très vivement intéressé. 48
  • 49. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues Contre-allées Eté 2000 / Automne 2000 N°7 et N°8 3, rue Saint- Austremoine 63000 Clermont-Ferrand Trimestrielle / 20 frs A Marembert / R Fustier contre-allees_poetik@worldonline.fr N°7 - Quelque chose de léger...comme une bouffée d’air frais , c’est l’éditorial de Romain Fustier qui débute ce numéro dont Franck Venaille est l’invité. Parmi les poèmes de ceux qui l’accompagnent, une composante d’écriture semble se détacher: un ancrage à la réalité et à la présence des / du corps. Alain Guillard, Eric Dejaeger, Jean Monod entre autres. Demain n’est pas à craindre! N°8 - Invité de ce numéro automne , André Velter nous offre à lire plusieurs poèmes d’ ”Herbe Folle” “ l’autre monde est de ce monde / il n’y a pas de retour”.Le chant , la voix seule comme calligraphie. Dans les poèmes qui composent ce numéro , le jeu avec la forme me semble dans son rôle , celui d’ouvrir le regard intérieur vers le monde . Je suis happé par ces textes qui se jouent de moi. Suis-je berné ? En moi le plaisir du lecteur. Mathilde Dargnat, Emmanuel Flory, Fabrice Fossé, Matthieu Gosztola, Marie Laroche. La lecture me convainc ! Quelque chose se passe ici... Le Nouveau Recueil N°56 Editions Champs Vallon 90 frs / 285 frs abt J-M Maulpoix 01420 Seyssel Comment rendre compte d’une telle revue -192 pages - ? Sinon, en parlant du plaisir du texte lors de la lecture de Joë Bousquet ou de Jacques Chessex. Ces pensées , ce plaisir qui m’assaille...Soudain j’y suis ! A ce lieu , ce “dit” au plus cœur de sa source. Poursuivre. Relever, souligner, entourer des mots, des vers , ... Cela suffira-t-il? “c’est par les mots, si pauvre chose, que nous sommes restés debout” écrit ici Joël Vernet; puis s’arrêter à ces relevés méticuleux de Corinne Vitali, ces impressions ressenties aux encoignures du quotidien qu’une présence traverse et qu’une forme soutient ; se tenir droit, bouche close en lisant le poème de Véronique Breyer intitulé “viol” ; s’interroger devant le texte de Benoit Conort. Et pour quelle raison capte-t-il mon intérêt? Cette désespérance qui suinte, cette désolation et ce creux dans la chair...? Prendre respiration, cette vie est la nôtre. La Petite revue de l’indiscipline N°72 et N°76 BP 1066 55,75 frs les 10 numéros Christian Mancel 69202 Lyon Cedex Bien nommée , son ton peu conventionnel est fait pour me séduire. Le verbe est sans ambages, comme cette lettre ouverte à Jean L’Anselme à propos de multi-diffusion...Une liberté de ton et d’humour. Dans ce numéro pas de poèmes - hélas...- mais des chroniques. Nombreuses. Le numéro 72 est presque entièrement consacré à Péssoa à propos de la nouvelle édition du Livre de l’Intranquilité. À découvrir. 49
  • 50. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues Florilège N°100 BP 65 21021 Dijon Cedex Trimestrielle / 50 frs J-M Lévenard Des textes en prose, des poèmes, dont ceux de Francine Guréghian Salomé, Franck Galléa, avec “Variations”, une poésie en quête d’une forme...précèdent un “mémorial du 20 ième siècle” ..26 poètes, parmi lesquels Micheline Debailleul, Stephen Blanchard, Philippe A. Boiry,...pour célébrer à leur manière le siècle qui s’achève. Chroniques et informations. La revue dans une belle pagination, propose tout au long des ses 130 pages des compositions graphiques - Collages - de André Prone. Friches N°70 Le Gravier de Glandon Trimestriel / 45 frs J-P Thuillat 87500 St Yrieix Deux poèmes inédits de Guy Goffette ouvrent ce numéro et précèdent, un long compte rendu des - Rencontres de St Yrieix - où il fut invité en compagnie de Bernard Noël. De larges extraits d’un débat -Rencontre avec les deux poètes - sont proposés. Un texte de Nimrod, deux poèmes de J-P Thuillat dédiés à ses invités, d’autres encore , de Pierre Maubé, Nathalie Beyrand, Mathieu Husson, Francine Guréghian-Salomé, Michel Gabet composent cette livraison de printemps.Une lettre ouverte de Roland Nadaus à Louis Dubost; un passage en revue de “ Comme ça et autrement “; et des notes de lectures, complètent ce numéro. Petite N°8 45, rue Lacroix Paris 75017 3 n°/An 60 frs /150 frs /abt Thierry Trani / Florence Pazzottu Une revue, qui se présente comme le livre d’une collection d’un éditeur. Dans ses pages, pas de chroniques, de notes de lectures ou de dossiers mais des poèmes , des textes. La volonté démontrée ici est celle de donner à lire “ des poèmes , des pensées, des petites proses - inédits- “. Un rythme, une écriture dans ces poèmes de Annie Maraudin: je retiens! Eric Sautou interroge des noms ? Des artistes ? Des existences ? Que cherche-t-il ? Nommer ne suffit plus , que faut-il réveiller ou révéler ? Suivent des poèmes et des textes de Jean Lalou, Frédérique Guétat-Liviani, Olivier Verneau, Ariane Dreyfus,... Soif de Mots N°7 133, rue d’Angerville L Delorme 91410 Les Granges Le Roi Dans ce numéro et avec une formule qui caractérise cette revue, Louis Delorme rassemble principalement des poèmes. Ce sont six voix que l’on pourra découvrir dans ces nombreux poèmes: Théo Crassas, Jean-Pierre Desthuilliers, Pierre Guérande, Jean-Charles Michel, Anne- Marie Vergnes, Paul Bensoussan pour ce numéro 7. 50
  • 51. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues Comme en poésie N°3 et N°4 2149, avenue du tour du Lac Trimestriel 20 frs/ abt 70 frs J-P Lesieur 40150 Hossegor Un éditorial alerte et vivant. Parmi les poèmes qui nous sont proposés, je retiends particulière- ment ceux d’Alain Vexler “La brique” et de Michel Héroult “ Où allez-vous frêles enfants de la nuit ...”. Dans le numéro 4, après la lecture de Jean Chatard, Odile Caradec, Gérard Lemaire, Emmanuel Hiriart ou Catherine Mafaraud, je médite l’art Poétique de J-M Bongiraud, dont la proposition 11 agrège mon adhésion: le sang , la chair,les os ... le poème. Action Poétique N° 159 3, rue Pierre Guignois 94200 Ivry-sur-Seine Trimestrielle / 90 frs H Deluy Avec pour titre ce poème “26 Août 2000:actualités” c’est Henry Deluy qui débute ce numéro et se joint à Bruno Cany - une étude - et Michèle Grangaud - une traduction - pour célébrer l’anniversaire de la mort de Nietzche. Suivent des poèmes de Claude Minière, Véronique Vassiliou, Claude Fäin, Jean-Francois Bory, Annie Zadek, François Vert .J’ai particulièrement aimé ce long et beau poème ” Il était une fois...” de Serge Gavronski soutenu par un rythme, une prosodie. Dans le dossier “Messageries Cubaines” on peut lire des poèmes , des textes, des lettres de Jorge Yglesias, José Lezama Lima, Pedro Marquès de Armas,... traduits et complétés d’un bref journal, de H Deluy. Poésie Première N°15 et N°16 Editinter Bp15 91450. Soisy-sur-Seine Triannuelle / 60 Frs R Dadillon editinter@littérature.net Un dossier sur la poésie albanophone d’aujourd’hui. ouvre ce numéro. Les regards de Daniel Leuwers,Olivier Houbert et de Chantal Dagron sur le poète Adonis; Une présentation de Jean-Claude Martin dont on découvrira des poèmes en prose;La lecture en version bilingue de la poète portugaise Amelia Vieira: cette revue, dense, nous offre un panorama très diversifié de la poésie française et étrangère , contemporaine ou immédiatement contemporaine. De nombreuses Traces N °139 Automne 2000 Sanguèze 44330 Le Pallet Trimestrielle / 30 frs M-F Lavaur Je ne résiste pas à lire d’emblée les (écho)commentaires toniques de MFL. Deux poèmes de Jean Chatard , avec des dessins de Claudine Goux en début de ce numéro, précèdent pas moins d’une soixantaine de voix dont Jacques Canut, Martine Morillon-Carreau, René Cailletaud, Claude Cailleau... Un long extrait de “La Dame Blanche”, une suite de textes inspirés à MLF par la Bretagne, est donné à lire. Notes de lectures de Jean Chatard et de Marc Bernelas. 51
  • 52. RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues Aujourd’hui Poème N° 14 et N° 15 105, Bd Haussmann 75008 Paris Mensuelle / 20frs A Parinaud Avec un numéro par semestre, j’ai des difficultés à rendre compte de cette revue mensuelle qui propose des poèmes , des notes de lectures , des articles, des entretiens et dont je rappelle qu’on la trouve -chez son marchand de journaux- à l’instar de la revue Poésie1-Vagabondages. De Charles Reznikoff vers un poème de Bernard Vargaftig et la parution de ses deux derniers livres “ Craquement d’ombre” et “Un même silence”; d’André Du Bouchet au bel hommage de Claude Adelen à l’éditeur Pierre Jean Oswald qui vient de mourir; d’un “adieu à Valente”, hommage de Jacques Ancet, vers un entretien avec Louis Dubost : Comment choisir ? Peut-être ce titre un peu provocateur de Jacques Darras à propos de son entretien avec Jean-Jacques Brochier du Magazine Littéraire :” Le critique poétique est une espèce en voie de disparition .” ( hommes et femmes de revues poétiques, détendez vous!)... ou cette idée répandue “ si les autres poètes lisaient les autres poètes, l’édition de poésie serait la chose la plus rentable du monde”. Si cette condition me paraît juste au point de vue d’une cohérence, elle me semble, et insuffisante et inadéquate, à l’augmentation des lecteurs de poésie. Les poètes sont quand même minoritaires parmi un lectorat potentiel de 60 millions d’âmes! Sans doute cette condition avérée, résoudrait alors un dilemme qui se pose aux éditeurs: l’art / l’équilibre des comptes. Mais si nous reformulons cette condition à propos des romanciers, des cinéastes, des peintres et autres artistes, constatons que la proposition n’est pas juste et cherchons ailleurs la résolution de cet état de fait: la poésie est peu lue. Autre Sud N°10 Jacques Lovichi 97, avenue de La Gouffonne Trimestriel 85 frs / 250 frs-abt 13009 Marseille La revue consacre le numéro à Pierre Dhainaut. De très Nombreuses collaborations présentent l’oeuvre du poète. Lire notamment un intéressant entretien de Jean-Marc Tessier avec Pierre Dhainaut. Poursuivre par la lecture des poèmes inédits et des notes sur la poésie , au coeur de ce dossier. Au fil des pages on lira dans ce numéro des poèmes de Carla Rugger, Serge Bec, Eugenio Padorno, Willem M. Roggemman, Joëlle Gardes Tamine, Jean-Pierre Vidal, Jacques Lovichi,..Des chroniques et notes de lectures de D Leuwers, J.M Tixier,J.C Villain,.. Hervé Martin Eternels passagers de nous-mêmes, il n’est pas d’autres paysages que ce que nous INCERTAIN REGARD sommes. Nous ne possédons rien, car nous BP 146 ne nous possédons pas nous-mêmes. Nous 78515.RAMBOUILLET CEDEX n’avons rien parce que nous ne sommes rien. Quelles mains pourrai-je tendre, et Responsable de publication: Hervé Martin vers quel univers? Car l’univers n’est pas à Parution Semestrielle moi : c’est moi qui suis l’univers. N° ISSN 1292 -5934 / éd Février 2001 dépôt légal 02 - 2001 Fernando Péssoa édition photocopiée.130 ex Le livre de l’intranquilité Email : incertainregard@chez.com Christian Bourgois Editeur Site : http://www.chez.com/incertainregard/