Recueil de poésies Pierre st Vincent Pour mes amis présents et passés.
Souvenirs de jeunesse Pierre ST Vincent la couturière.
1. Souvenirs,
Maman, ma couturière, tu étais parfaite !
En ce temps là j’avais… quelques années de moins et toi la
beauté de ta jeunesse, ta tendresse, ton amour, tes tempêtes.
Je revois ce petit espace aménagé près de la cuisine. La
visiteuse en entrant, selon l’heure de la journée, partageait les
senteurs d’avant cuisson, ou les résidus d’odeurs acres de
fritures…
Toutes ses senteurs étaient là pour faire engager la
conversation, qui par la suite ne s’arrêtait plus…
En ce temps là le marketing villageois n’existait pas… Pas de
magasin, juste un réduit où tu oeuvrais.
D’abord il y avait cette fameuse vieille Singer sur laquelle tu
avais installé un moteur pour soulager les jointures de tes
pieds ou les pouces de tes mains habiles… Sur la droite, ce
petit meuble dans lequel se trouvait aussi des trésors de ta
mère : vieux boutons dorés, nacrés, avec leurs anses de
fixation où leurs deux ou quatre petits trous, où se glissait avec
agilité la fameuse aiguille qui ne pouvait être substituée à la
percée mécanique de la grosse Singer…
Ces boutons partageaient l’espace dans ces tiroirs aux
multiples compartiments avec les bobines de fils Thiriez et
Cartier et Bresson, les dès à coudre en laitons, les canettes…
les aiguilles, les épingles de toutes sortes…
Je ne sais pourquoi, ou plutôt je le savais, mais je me le
cachais… J’aimais vraiment la voir travailler, tracer à la craie
« le patron » du modèle choisi sur « modes et travaux »ou
« Manufrance » …
Ensuite elle se mettait à genoux aux pieds de sa cliente. Des
pelotes d’épingles plantées dans une pelote hémisphérique
2. posée sur la machine, se retrouvaient par miracle aux
commissures de ses lèvres…
J’adorais l’entendre parler, (quasi comme une ventriloque sans
desserrer les lèvres) à sa cliente à qui elle demandait de lever
les bras, de tourner lentement, de s’arrêter…
Telle un picador elle plantait les épingles avec maestria. A
chaque banderille la cliente faisait une grimace d’angoisse…
A cet instant j’attendais sa phrase préférée…
« Ne craignez rien Simone, je pourrais le faire les yeux
fermées… »
La cliente réagissait par un :
« Oh mais je vous fait confiance ! »
Tout le monde souriait, moi y compris.
Je regardais tout ce que je devinais derrière ce rempart de
tissu. De temps en temps comme un trophée je voyais une
bretelle de soutien gorge Lejaby, un espace entre deux seins,
une jarretière… Alors je sentais monter en moi un émoi
étrange qui m’incitait à bouger.
Devinant ma présence, la cliente alors se retournait vers moi le
regard accusateur.
Ma mère prise dans son travail devinait que sa cliente était
dérangée : alors elle me regardait, zozotait une injonction
qu’elle accompagnait d’un mouvement de la main significatif
m’incitant à dégager.
Finie l’observation indiscrète… Aujourd’hui le cours était
terminé… Je ne serai jamais couturier… J’aimais trop les
femmes que je voulais voir nue !