1. Vins du Nouveau Monde
Les vins du Nouveau Monde sont trop variés et hétérogènes pour être classés dans une
seule catégorie. La production de vin à base de raisin est une activité ancienne dans
plusieurs anciennes colonies de pays occidentaux (Espagne, France, Empire britannique),
comme le Mexique, les États-Unis, le Québec, l'Argentine, l'Afrique du Sud ou l'Australie.
Les premières expériences viticoles et vinicoles remontent souvent à plus de deux-cents
ans. Depuis les années 1950, d'énormes progrès ont été réalisés dans de nombreux
domaines et entreprises du Nouveau Monde, notamment en Californie, au Chili et en
Australie. Certains domaines se tournent vers la qualité, les faibles rendements, un usage
plus important du potentiel de chaque terroir.
Les producteurs, négociants et agents commerciaux californiens donnent naissance entre
les années 1950 et les années 1970 à la catégorie des « vins de cépage ». L'historien et
sociologue Julien Lefour a étudié ce changement économique et culturel, les résultats ont
été publiés dans un article universitaire45. D'autres spécialistes du vin comme le
géographe Jean-Robert Pitte, la sociologue Marie-France Garcia-Parpet, les critiques et
journalistes anglais Hugh Johnson, allemand André Dominé ou américain Frank
Schoonmaker étudient depuis longtemps ce changement et ses conséquences
économiques, culturelles ou gustatives.
Ces vins paraissent nouveaux aux consommateurs français, dont le marché a tardé à
s'ouvrir, mais ne le sont pas pour ceux du reste du monde. Les vins du Chili, d'Argentine et
d'Afrique du Sud étaient consommés dans de nombreux pays du continent européen
depuis très longtemps, notamment en Suisse ou au Royaume-Uni.
Autrefois en France, le vin acquérait en général sa personnalité des cépages utilisés, des
terroirs sur lesquels les vignes poussaient, des microclimats dont ils profitaient, du savoirfaire du vigneron qui le cultivait, le vinifiait et l'élevait, et même de la qualité de la cave ou
celle des tonneaux de chêne. Entre le xviiie siècle et le milieu du xxe siècle, le vin a été
l'objet de nombreuses fraudes et trafics. Plus tardivement que la bière (1780-1880), il
devint aussi une boisson industrielle, obéissant à des processus techniques, scientifiques
et économiques rationalisés et contrôlés. Les volumes de production furent augmentés,
notamment dans le Sud-Est de la France, en Espagne, en Italie et en Algérie, afin de
satisfaire les besoins de la population européenne des années 1950 aux années 1970.
À partir des années 1980, des crises de surproduction se multiplient, mettant en danger la
stabilité de la viticulture européenne, surtout française, mal organisée, mal adaptée, voire
passéiste, par rapport aux viticultures dynamiques des nouveaux pays producteurs
(Californie, Australie, Chili), tournés plutôt vers leurs marchés intérieurs (Californie,
Argentine) ou plutôt vers l'exportation (Chili, Australie)45.
Aujourd'hui, le vin s'ouvre à de nouveaux territoires à travers le monde et conquiert de
nouveaux consommateurs (Japon, Chine, Inde, Russie, Pologne, Brésil, Venezuela). Pour
plaire et rassurer, une partie de ces nouveaux vins doivent être, quelle que soit la
bouteille, assez identiques d'apparence et de goût, être reconnus et surtout ne pas créer
de surprise aux consommateurs. Les vignerons qui suivent cette logique cherchent à
obtenir un produit standardisé dans lequel tous les composants se fondent dans un goût
plaisant et neutre. La mode étant au goût de bois neuf, certains vont même jusqu'à
rajouter des copeaux de chêne dans leur cuves. André Tchernia, en tant qu'historien du vin
et des différentes façons dont il a été vinifié à travers les âges, souligne :
« D'ailleurs, les vins actuels - quoiqu'on le dise rarement sous cette forme - sont pour la
plupart aromatisés au bois de chêne grâce à leur séjour en tonneaux. Certains vignerons
se sont même mis, depuis quelque temps à y faire tremper des copeaux de bois afin
d'accélérer le processus et cette pratique trouve des défenseurs. »
2. De plus, tous les vins d'une même appellation sont vinifiés ensemble. Les caractères
particuliers doivent être cassés et les différences abolies pour que le vin corresponde au
goût défini à l'avance. On passe alors d'une identité de terroir à une identité collective et,
pour simplifier le processus, le nouveau vin n'est souvent produit, dans un premier temps,
qu'avec un seul cépage. Ceci n'empêche pas certains vins du monde d'être d'une
excellente qualité, qui n'a fait que croître ces dernières années, et ils peuvent réellement
refléter un terroir, comme les syrahs australiens de la Barossa Valley ou les malbecs
argentins. Mais la plus importante réaction à cette uniformisation vient des États-Unis où
d'importantes wineries ont redécouvert l'importance du terroir et vinifient en assemblage
syrah, mourvèdre, grenache et zinfandel.