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Entretien. Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre
« Je vois trois grandes
préoccupations pour l’Ordre »
Un principe fondamental guidera le nouveau président : le métier de vétérinaire
est une profession de santé (animale et publique), pas de boutiquiers.
La Semaine Vétérinaire : Quels seront les grands chantiers
du nouveau président ? Quelle orientation souhaitez-vous
donner à l’Ordre, quelle place dans l’échiquier politique
vétérinaire ?
Michel Baussier : Je préfère parler des grands chan-
tiers de l’Ordre, fort de ses seize mille membres,
plutôt que de ceux du président. Cela dit, je
n’élude pas la question. Comme le squelette de
l’acte vétérinaire est écrit et que la transposition
de la directive “services” n’en est plus qu’à quel-
ques derniers soubresauts et avatars, je vois trois
grandes préoccupations pour l’Ordre : la promo-
tion de la compétence spécifique du vétérinaire
dans la délivrance au détail du médicament vété-
rinaire, dans le cadre d’un système à trois ayants
droit ; le renforcement de la certification vétéri-
naire, privée et publique ; la réforme de l’orga-
nisation professionnelle vétérinaire.
Un principe fondamental guidera nos pas : le
« Les confrères sont fâchés
avec tout formalisme,
ils n’ont pas rompu
avec l’artiste vétérinaire
qui hante leur subconscient,
ils ne sont pas tous imprégnés
des bonnes pratiques
de délivrance du médicament,
voire de la nécessité
d’une traçabilité. »
métier de vétérinaire est une profession de santé
(animale et publique) qui s’inscrit dans le schéma
One health. Gare à ceux qui voudraient la lais-
ser dériver vers une profession de boutiquiers !
© Michel Bertrou
La Semaine Vétérinaire - N°1433 - 14 janvier 2011
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La place de l’Ordre dans l’univers professionnel S. V. : Lors de la table ronde organisée en décembre dernier
est d’abord celle que lui fixent les lois et les règle- par les éditions du Point Vétérinaire sur le médicament,
ments. De façon générale, elle est celle réservée tous les participants ont considéré que la perte de la
aux Ordres professionnels en France, aux délivrance n’était pas pour demain. Adhérez-vous à cet
organismes statutaires d’habilitation à l’exer- optimisme ?
cice dans le monde. M. B. : J’y adhère, mais je reste prudent et j’adop-
terai l’attitude des généraux qui pensent que,
S. V. : Avocats, médecins ou pharmaciens, les autres Ordrespour préserver la paix, il faut préparer la
professionnels ont des positions assez marquées dans leurs guerre. Sur le champ de bataille de l’Europe,
d’abord. En même temps, la guerre contre nous-
secteurs. Le fait qu’il n’y ait qu’un syndicat n’est-il pas la
cause d’un projet ordinal principalement orienté vers le mêmes ! Les confrères ont une bonne connais-
respect de l’éthique ? Ces dernières années, le Conseil sance du médicament vétérinaire et une grande
supérieur de l’Ordre (CSO) a tenté de communiquer avec compétence que l’on pourrait illustrer de
multiples façons. Un seul exemple : d’où viennent
la profession et auprès du grand public : les résultats répon-
les déclarations de phar maco -
© Michel Bertrou
vigilance ? Cependant, ils sont
fâchés avec tout Michel Baussier succède
« Au-delà de 2050, il y aura toujours formalisme, ils n’ont pas rompu à Christian Rondeau.
un praticien préoccupé de sciences avec l’artiste vétérinaire qui
hante leur subconscient, ils ne tion animale, mais surtout de santé publique !
vétérinaires, de santé et de protection sont pas encore tous imprégnés
des bonnes prati ques de déli - S. V. : La profession (donc l’Ordre) n’estime-t-elle pas aujour-
animales, de santé publique vrance, voire de la nécessité d’une d’hui que les vétérinaires évoluent dans un environne-
traçabilité. Ils n’ont pas examiné ment plus que jamais composé de divers acteurs écono-
et encore plus d’environnement. » lucidement leur rela tion avec miques, qui fluctuent de plus en plus rapidement et sont
l’industrie pharmaceutique soumis aux exigences de marché ? Comment voyez-vous
quand d’autres, peu nombreux, le praticien de 2050 ?
dent-ils à vos attentes ? Quel projet associatif comptez- s’adonnent à un commerce banal et décrédibi- M. B. : Vouloir ignorer ou nier que les vétérinai-
vous donner au CSO ? Que devra-t-il être dans dix ou vingt lisant du médicament. Je compte donc entre- res, aux commandes de leurs établissements de
ans ? prendre un tour de la France vétérinaire, aller soins, évoluent en interaction avec différents
M. B. : Je croyais que l’on avait reproché à l’Ordre au-devant de chacun pour dire : « Pourquoi veux- acteurs économiques serait faire preuve d’un
des vétérinaires de trop en faire… Pour moi, il tu, cher confrère, tout faire dans ton quotidien manque évident de réalisme et de pragmatisme.
doit accomplir ses missions, toutes ses missions, professionnel pour qu’on te retire la distribu- D’ailleurs, sur ce point, de par notre approche
rien que ses missions. Elles sont déjà bien larges. tion du médicament vétérinaire, produit que tu économique de la santé, nous avons une longueur
Bien qu’il ait à s’assurer en premier lieu de la connais bien et qui te procure, de surcroît, une d’avance sur les médecins et les autres pro-
compétence des vétérinaires, il n’a pas de compé- partie substantielle de ton revenu ? » fessions de santé. Ils finiront bien par admettre
tence technique et médicale propre. que la santé, si elle n’a pas de prix, a un coût…
Il n’a surtout pas d’autorité syndicale : la défense S. V. : Directive “services”, communication au sein des L’éthique ne règle pas tout. Pour autant, vis-à-
des intérêts matériels de la profession et de ceux cliniques, délégation d’actes étaient des dossiers tabous il vis des professions de santé, parmi lesquelles celle
de chaque vétérinaire n’est aucunement dans ses y a peu. Tout semble se débrider aujourd’hui. Quelles sont des vétérinaires, le marché, s’il a certes une
attributions. Il ne se retrouve avec les syndicats les limites, les frontières à ne pas dépasser ? influence, ne saurait non plus avoir des exigences.
que sur le terrain de la défense des intérêts M. B. : La fameuse directive “services” généraliste Je ne suis pas devin, mais je suis certain que lors-
moraux : en quelque sorte le soutien et la promo- n’a que peu ajouté à nos directives “services” que nous célébrerons le trois centième anniversaire
tion de la bonne image. L’Ordre a intérêt à ce propres. Je veux parler des directives sectorielles de notre fantastique profession, donc au-delà
qu’il y ait, au sein de la profession, un syndicat de 1978. En effet, pour nous vétérinaires,
fort et combatif. Cela évite à l’instance ordinale l’essentiel, à savoir le libre établissement
de se laisser entraîner par certains confrères, non et la libre prestation de services, était déjà
syndiqués notamment, sur un terrain qui n’est transposé depuis 1982… Il reste toute-
« La communication sera
pas le sien et qui ne doit jamais l’être. Les deux fois des questions à régler, dont celle des modernisée, pas spécialement
missions sont totalement incompatibles. Effecti- capitaux exté rieurs, notamment des
vement, certains autres Ordres, dans un échiquier indésirables, qui n’est pas la moins en application de la directive
professionnel différent du nôtre, ont pu mélan- importante… La communication sera
ger les genres. modernisée, mais pas spécialement en “services”, mais d’abord parce
Quant à la communication, elle ne constitue pas application de la directive “services”, qui
une fin en soi. Il s’agit seulement d’un déploie- aurait pu permettre en réalité le statu quo que c’est la volonté de l’Ordre. »
ment de moyens. Ce qui compte, c’est la nature pour les vétérinaires de France. Elle le
du message. Les résultats d’une communication sera d’abord parce que telle est la volonté
institutionnelle sont toujours difficiles à appré- de l’Ordre, à laquelle souscrit notre administra- de 2050, il y aura toujours un praticien préoc-
cier… Par ailleurs, on ne peut pas parler de projet tion ! cupé de sciences vétérinaires, de santé et de protec-
associatif pour un Ordre. Dans dix ou vingt ans, Quant à la délégation, peu d’actes seront stricto tion animales, de santé publique et encore plus
voire avant, l’Ordre aura “absorbé” les ensei- sensu délégués en application de la prochaine d’environnement !
gnants des écoles vétérinaires, en premier lieu vague législative et réglementaire. Il y aura plu- Propos recueillis par Marine Neveux
les enseignants cliniciens, il n’y a pas d’alterna- tôt des actes dérogatoires sur des listes positives.
tive. En outre, le CSO comportera nécessaire- Dans tous les cas évoqués, la frontière à ne pas
ment des confrères salariés. dépasser est fixée par les considérations de protec-
La Semaine Vétérinaire - N°1433 - 14 janvier 2011