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LA PRESSE NOUVELLE
Magazine
Progressiste
Juif
PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.
N° 253 - FÉVRIER/MARS 2008 - 26e A N NÉE
L e N° 5 , 5 0 €
MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.
Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide
A vos agendas !
Assemblée générale de l’UJRE
Samedi 5 avril 2008 à 15 h.
21 FÉVRIER 1944
VINGT ET TROIS ÉTRANGERS ET
NOS FRÈRES POURTANT...
Le 21 février 1944, 23 résistants étrangers parmi lesquels plusieurs juifs membres de la M.O.I. sont fusillés au Mont-Valérien.
Que leur reproche-t-on ? D’avoir pris les armes contre l’envahisseur nazi.
Leur arrestation est le fruit de la collaboration étroite entre la
police française et les services allemands. Mais il ne suffisait pas
de les fusiller, il fallait les faire passer pour de dangereux “terroristes”. C’est cette image qu’a voulu en donner la trop fameuse Affiche Rouge. Elle inspira le célèbre poème de Louis
Aragon, mis en musique par Léo Ferré.
Dans le monde d’aujourd’hui, leur combat pour la dignité, les
droits de l’homme et un monde meilleur est toujours actuel.
Lire Sommaire en page 3
PRÉCISION
U
n lecteur nous écrit: “Si je trouve
dans l’ensemble votre magazine
intéressant et d’un niveau qui ne
laisse aucune place aux approximations, il
me semble que les éditos, bien que j’en partage souvent le contenu, soient trop centrés
sur la vie politique nationale française”...
Votre remarque, cher lecteur, nous permet
de faire une mise au point sur la ligne éditoriale à laquelle nous nous référons.
Notre journal, fondé en 1934 dans sa version yiddish (Naïè Pressè) s’inscrit dans la
continuité d’un engagement dans les luttes
antifascistes et progressistes d’avant guerre, et pendant les jours noirs de
l’Occupation et de la Résistance à laquelle
prirent courageusement part ses rédacteurs*. Depuis la création de l’UJRE unifiant en 1943, dans la clandestinité, des
groupes de combat de la résistance juive, il
en exprime le point de vue, sans concessions aux sirènes de la pensée unique, et
poursuit sa participation aux luttes pro-
COMMUNIQUÉ
Prolongeant l’action des groupes de combat SOLIDARITÉ, l’Union des Juifs pour
la Résistance et l’Entraide naît en 1943 dans la clandestinité de la lutte contre
l’occupant nazi. Elle est alors co-fondatrice du CRIF et à la Libération, à l’initiative de la
création du MRAP, par la fondation du Mouvement National Contre le Racisme (MNCR).
L’UJRE tient à exprimer son indignation concernant le projet du Président de
la République d’instituer un parrainage, par chaque élève de CM2, d’un
enfant juif disparu lors du génocide de la deuxième guerre mondiale.
C’est lors du récent diner annuel du CRIF que le Président de la République,
tout en reprenant ses conceptions contraires à la laïcité, concernant l’apport
des valeurs religieuses, a exposé ce projet à la fois invraisemblable, effarant
et dangereux, consistant à obliger les enseignants de CM2 à imposer à leurs
élèves un devoir de culpabilité au sujet des crimes antisémites.
Si ces crimes nécessitent, certainement, que les futurs citoyens soient informés, dès l’école primaire, de l’existence des camps d’extermination et des raisons historiques qui ont permis la Shoah, sans préjudice d’autres initiatives en
direction d’élèves plus âgés et d’adultes, il est inadmissible de confondre,
comme l’a fait le chef de l’Etat, émotion et mémoire. La raison en est simple :
l’émotion est à l’Histoire ce que la vengeance est à la Justice.
Se contenter de jouer sur l’émotion sans fournir la moindre clé de compréhension ne peut aboutir qu’au résultat inverse de celui recherché. En créant les
conditions les plus propices à la concurrence victimaire, on ne peut qu’attiser
les haines identitaires réciproques, alors que l’urgence serait d’agir pour les
prévenir.
Tout se passe comme si en haut lieu, on cherchait par un tel projet, non seulement à “acheter” un hypothétique vote communautaire, mais aussi à aggraver les réflexes de repli sur soi, tant il reste vrai que le maintien d’un pouvoir
manifestement impopulaire passe par la division de ceux qui ont toutes les
raisons de le combattre.
Le Bureau de l’UJRE
15 février 2008
QUI SOMMES-NOUS ?
gressistes de notre pays.
En tout premier lieu, la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et contre toutes les discriminations qui conduisent aujourd’hui à la
traque inhumaine des immigrés, et aux
actions brutales contre les sans-papiers.
Secondement, la lutte pour la Paix avec
une attention particulière pour le ProcheOrient et Israël, auquel des liens particuliers nous rattachent. Ceci suppose un
règlement politique de la question. S’il est
nécessaire de garantir le droit à la sécurité
d’Israël, les droits nationaux du peuple
palestinien à un Etat viable et souverain
doivent également être consacrés. Il faut
donc mettre un terme à l’occupation des
territoires ; il faut respecter la dignité de ce
peuple et renoncer à la politique unilatérale du fait accompli, tel le Mur de la honte,
qui ouvre la porte à toutes les violences.
Enfin, et cela répond, nous semble-t-il,
directement à votre question, nous sommes
français, juifs laïques et progressistes et
citoyens du monde.
Dans cet esprit, nous nous situons sans
équivoque aux côtés des forces de progrès
et de paix de notre pays, dont la devise, il
n’est pas inutile de le rappeler, réside dans
le triptyque “Liberté, Egalité, Fraternité”,
ce qui sous-entend de défendre aujourd’hui
la laïcité et toutes les avancées du pacte
républicain fondé sur la solidarité qui
découle de la victoire sur le fascisme et des
conquêtes sociales et démocratiques, des
luttes du peuple français.
C’est pourquoi, cher ami, notre défense bec
et ongles de ces avancées de civilisation se
retrouve dans beaucoup de nos éditoriaux.
L’équipe de rédaction de la PNM
* Voir YISKOR BUCH (Souviens-toi), édité par l’UJRE en
1946 à la mémoire de 14 écrivains juifs fusillés ou morts
en déportation : Aron Bekerman fusillé au Mont-Valérien
le 16 septembre 1941, I. S. Cendorf, Yossl Cukier, Meyer
Dzilowski, T. Elski, Ch. Kagan, H. Kowalska, David
Kutner, Mounié Nadler, fusillé à Romainville par les SS
le 11 août 1942, David Pliskin, Iankl Szpan, Oizer
Warshawski, W. Wieviorke, Baruch Winogura.
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CARNET
Décès
La PNM a appris avec chagrin la mort
de :
Suzanne KALISZ
Décédée le 30 janvier, nous l’avons
accompagnée au cimetière de Bagneux
lundi 4 février 2008. Suzanne fut permanente à la CCE en même temps que
Blanche Prager vers les années 80.
Elle fit un certain nombre de colos
comme représentante de la CCE et parfois comme directrice / économe. Puis
elle devint directrice du dispensaire
L’Aide Médicale jusqu’à sa fermeture.
André ROSSEL-KIRSCHEN
C’est après avoir posé beaucoup de
questions qu’il avait accepté de parrainer l'Association MRJ-MOI (Mémoire
des Résistants Juifs de la M.O.I.) :
“Notre combat est le même”. Sa famille
et ses proches ont demandé que son
souvenir soit associé à celui de ses
camarades du Procès de la Maison de la
Chimie. Ainsi sera-t-il fait*.
* Un article de Gilles Perrault lui sera
consacré dans un prochain numéro de
notre magazine.
Mémoire
Le 19 décembre 2007, notre père
Maurice Rok
décédé en 2000, aurait eu 100 ans.
Une pensée et un don à la "Naïe
Presse" qui l'a toujours accompagné.
Bien amicalement, Charles et Roger
Rok et leurs familles.
Bonjour, je m’appelle AARON
et je suis né le 1er février 2008.
Je fais la joie de mon frère ADAM,
de mes sœurs LAURA et LÉA
et de mon oncle GILLES
Mes parents
NATHALIE ET MICHAËL
BENDAVID,
mes grands-parents
PAULETTE ET ALBERT STAINBER,
MÉLANIE ET MAURICE BENDAVID,
leurs enfants et petits-enfants
sont heureux de ma venue.
Mazel tov !
AVIS DE RECHERCHE
“… fille de Raphaël LEWKOWICZ,
arrêté en mars 1943, par la police de
Vichy, lors d’une distribution de
tracts communistes, il me semble que
mon père appartenait aux groupes de
combat de l’UJRE. Je fais des recherches afin de recueillir des informations sur cette période de ma vie. En
effet, cachée dans un internat de la
ville, j’aimerais savoir qui m’avait
placée dans cette cachette, qui
payait… enfin, lever le voile sur cette
période tant occultée des juifs résistants”.
Merci d’écrire au journal Presse Nouvelle
Magazine 14 rue de Paradis 75010 Paris
Hélène AKIERMAN
Evénement au “14” Nous continuons projeté devant une salle comble
U
n grand bravo, tout d’abord au
Centre national de la cinématographie dont le service des
Archives françaises du film a admirablement restauré notre film*. La splendeur
des images le méritait. Bravo aussi au
projectionniste. C’est dans une salle comble que l’on a (re)découvert un film tourné par l’UJRE en 1946 pour témoigner de
la création par sa commission centrale de
l’enfance (CCE), de FOYERS**, maisons
d’enfants pour l’hébergement et l’éducation des enfants de fusillés et déportés,
orphelins et rescapés de la barbarie nazie,
et obtenir ainsi des soutiens financiers
(Joint, etc.).
A la tribune, Roland Wlos, Paulette
Sarcey, et le réalisateur Yves Jeuland.
Paulette, qui fut agent de liaison de la
M.O.I. et qui joue son propre rôle dans ce
film, ne l’avait jamais vu. Son émotion,
certes maîtrisée, était évidente.
Je m’attendais à voir un documentaire
destiné à montrer aux éventuels financeurs, comment l’UJRE via sa
Commission Centrale de l’Enfance s’occupait d’orphelins juifs dans ses foyers**
d’hébergement (Montreuil, Andrésy, …)
et colonies*** de vacances.
Précisons d’emblée que tout était difficile
dans l’après-guerre. Il y eut des cartes de
rationnement jusqu’en 1949 au moins, et
à l’époque, peu d’enfants partaient en
vacances ! D’emblée, j’ai eu le souffle
coupé par la beauté de l’image évoquant
à l’évidence La Lumière d’été de
Grémillon et parfois l’empâtement, la
richesse d’Eisenstein. Pas de secret :
Deux des cinéastes s’étaient formés au
Bauhaus. Pour nombre de non-yiddishophones, le film fut perçu comme muet,
mais n’avons pas eu, à tort peut-être,
l’impression de manquer quelque chose.
Attendons la copie sous-titrée... Pour
moi, le message du film est contenu dans
sa beauté. L’équipe des réalisateurs aurait
pu rappeler l’horreur du génocide, la
détresses des orphelins : on ne gomme
pas la souffrance. Elle a choisi de montrer
des enfants beaux, sains, rieurs : gais
comme le sont tous les enfants du monde
quand l’intensité du jeu leur fait tout
oublier, le temps du jeu.
Il était vital d’enseigner à ces enfants que
le soleil existe et que vivre peut être beau.
Il a été rappelé que l’encadrement, les
moniteurs, étaient pour beaucoup d’anciens résistants. Les visages sont
empreints d’une grande détermination.
On devine à les voir qu’ils sont solides et
qu’on peut s’appuyer sur eux. Les leçons
de Janusz Korczak et de Makarenko se
sont révélées utiles, pour essayer de
conduire ces enfants sur les Chemins de
la Liberté.
Après la projection, le débat s’est ouvert.
Difficilement. Nous avions tous la gorge
serrée. C’est bien la seule fois que j’ai
pleuré au cinéma, exception faite de
Mourir à Madrid et d’un film sur l’apartheid. Décidément, le fascisme ne passe
pas. C’est peut-être pourquoi nous aussi,
nous continuons… Et c’est pourquoi
sans doute je ne puis parler de ce film
REPÈRES
* NOUS CONTINUONS, film produit par
qu’à la première personne.
l’UJRE en 1946 (Equipe de réalisation :
L’émotion me submerge
Moshe Bahelfer, O. Fessler, A.
encore. Nombre d’anciens
Hamza, Ilya Holodenko, Jean
des foyers ont évoqué leurs
Weinfeld, prises de vue : Agaï,
souvenirs, toujours précieux,
Defassiaux)
et rafraîchi les nôtres. Il n’y
** Neuf foyers d’enfants de fusillés et
avait pas à l’époque de cellu- De gauche à droite :
les de soutien psychologique, Roland Wlos, Paulette déportés furent ouverts : Aix-lesa observé Paulette, et pour- Sarcey, Yves Jeuland Bains, Andrésy (Manoir de
Denouval), Arcueil, Le Raincy (Allée des
tant, aucun de ces enfants n’avait mal
Côteaux), Le Raincy (Le Platau), Livrytourné, ils sont tous devenus ce que leurs
Gargan, Montreuil I (rue Dombasle),
parents avaient souhaité en faire en arriMontreuil II (rue François Debergue),
vant en France : de bons citoyens, des
Sainte-Maxime. Ils accueillirent des enfants
mentsch !
orphelins juifs de père et mère ou de l’un des
A propos de l’aide apportée par une
deux, ou encore dont le parent survivant ne
organisation américaine, le JOINT, l’un
pouvait assurer pour des raisons diverses,
des participants s’est souvenu que sa
et notamment économiques, l’éducation. Le
mère faisait du porte à porte à Paris, et
premier fut ouvert en février 1945. Ils foncqu’elle n’était pas la seule, afin de
tionnèrent jusqu’en 1958 comme des “répucollecter des fonds pour les orphelins.
bliques d’enfants”. Environ 750 enfants y
La CCE tenait à ne pas vivre que de
ont passé quelques semaines et plus de 400
charité, pour employer un vilain mot.
sont restés plus d’un an. En novembre 1945,
Elle organisait pour financer ses
350 enfants et jeunes demeuraient dans les
foyers des kermesses, dont à Paris,
foyers. (1)
celle de l’Hôtel Moderne, ce dont un
*** De 1945 à 1988, dans plus de 40 colocertain nombre de spectateurs du film
nies de la CCE, on évalue à 30.000 le nomse souviennent encore.
bre de séjours organisés fréquentés par enviAlors, à voir et à revoir, ensemble. Et
ron 150.000 enfants (Aix-les-Bains,
oui, je, tu, il ou elle continue. Nous
Andrésy, Ancelle, Aurillac, Broc, Cannes,
continuons. Plus que jamais.
NM
Celles-sur-Plaine, Château-Gontier, Chatel,
Compiègne, Entremont, Haut-Seyssins,
Hossegor, La Féclaz, La Motte Saint[NDLR] : Des copier-coller incongrus ont
Martin, La Salcée, Le Roc, Les Sciernes
rendu le mot du Président de l’UJRE publié
d’Albeuve, Les Giettes, Leysin, Mercy le
dans la PNM de janvier incompréhensible.
Haut, Mimizan Plage, Mont-sous-Vaudray,
Que les lecteurs de la PNM et surtout son
Nice, Praz sur Arly, Pornichet, Saint-Jean de
auteur trouvent ici nos excuses. Nous resLuz, Saint-Paul sur Save, Saint-Pierre
tituons ci-dessous le texte dans le vrai de
d’Irube, Sainte-Maxime, Savennes, Saxel,
son message :
Soumensac, Stella Plage, Tarnos, Uriage,
“En ce début de l'an 2008, je tiens à adresVérossaz... (1)
ser aux lecteurs et amis de la PNM et de
l’UJRE un message différent de celui des
(1) Cf. L’ALBUM LA C.C.E. 40 ANS DE SOUannées précédentes. Mon état de santé m'a
VENIRS par LES AMIS DE LA C.C.E,
cloué loin de l’UJRE et de la PNM. Un an
ISBN : 2-9510865-1-2
d'absence, c'est beaucoup. Trop. LE
MOMENT EST VENU DE PASSER LA MAIN. Sauf
erreur, je suis le premier Président de
l’UJRE à passer la main de son vivant.
Pendant les derniers douze mois, la PNM
et l’UJRE ont continué. L'équipe qui a pris
en main l'existence du journal et de l’UJRE
a fait ses preuves. En mon âme et conscience, je souhaite que ...* voudra bien
continuer à la présidence de l’UJRE et de
la PNM. Je connais, vous connaissez, sa
modestie. Je désire que …* passe outre sa
propre modestie et continue à diriger les
deux organismes, comme depuis un an.
Pour ma part, je continuerai à écrire dans
la PNM, en toute liberté. J'aimerais aussi
continuer la coopération au Crif. Mais
c'est aux organes de direction de l’UJRE et
de la PNM de décider. A bientôt 82 ans, je
laisse la place à des amis et camarades
“plus jeunes”. Je suis prêt à continuer au
sein de l’UJRE et de la PNM. A vous de
décider. D'ores et déjà, je vous confie un
article sur un personnage hors du commun, John Rabe, le nazi qui a sauvé la vie
à des dizaines de milliers de chinois, lors
de la guerre sino-japonaise. Bon courage,
allez de l'avant ! mon action, avec et parmi
vous, m'a rempli de joie et d'espoir.
Lucien Steinberg”
* À la demande de la personne, son
nom a été effacé.
Courrier
des lecteurs
C
hers lecteurs, votre magazine envisage d’adapter prochainement sa
formule éditoriale. Cela pourrait passer
par tant de paramètres ! le format du
journal, le papier utilisé, le nombre de
pages, la taille des articles, les illustrations, etc. Alors, pour toujours mieux
répondre à vos attentes, dites-nous ce que
vous en pensez ? Le journal actuel est
parfait ? Il répond à vos souhaits ? Il peut
évoluer ? Comment ? Ne vous limitez
pas, toutes vos remarques nous intéressent, qu’elles concernent le contenu (des
rubriques à suggérer ?) ou le format du
journal ... et merci d’avance de nous
aider à faire progresser le journal, notre
journal, nous poursuivons l’ambition
d’éditer un “magazine progressiste juif”
pas comme les autres, qui réponde toujours mieux à vos aspirations.
L’équipe de rédaction de la PNM
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L’Etat d’Israël est-il un Etat juif ?
par Patrick Farbiaz
Après la Conférence de Paix d’Annapolis du 27 novembre 2007, la PNM poursuit sa consultation des responsables politiques
français. Ce mois-ci : Patrick FARBIAZ, responsable des relations internationales et de l’altermondialisation des Verts.
L
a question posée par le premier Ministre Olmert aux
dirigeants palestiniens à
l’occasion
de
la
réunion
d’Annapolis est en soi une question piégée. Elle somme les palestiniens de mettre fin à leur exigence du droit au retour, d’accepter de
fait que les arabes palestiniens de
l’Etat d’Israël soient considérés
comme des citoyens de seconde
zone (ce qu’ils sont déjà dans la
réalité politique actuelle de l’Etat
d’Israël).
Mais elle contient une idée encore
plus grave. Si les Palestiniens et la
communauté internationale entérinent l’idée d’un Etat ethniquement
pur au Moyen Orient, ils cautionnent l’idée-même d’Etat confessionnel, dans toute la région.
Le modèle du Liban, créé sous
mandat français, est déjà devenu
peu ou prou celui de l’Irak. De partition en partition, d’épuration ethnique en négation de l’idée-même
de citoyenneté et de laïcité, on en
vient à une situation où l’Arabie
Saoudite wahhabite, modèle théocratique par excellence, est érigé en
référence obligée de tout système
politique au Moyen-Orient.
Bien sûr nous savons que les
conditions particulières de la naissance du sionisme politique ont
engendré une situation complexe.
L’affaire Dreyfus et les pogroms
ont permis l’émergence de la théorie de Herzl. Les héritiers du Bund,
partisans d’une autonomie des
diasporas dans la lutte du mouvement ouvrier, comme les tenants de
l’assimilation ont disparu dans les
décombres de la Shoah.
Mais, depuis 1967, nous assistons
à une nouvelle phase du sionisme
qui divise profondément la population israélienne. L’émergence du
sionisme religieux, qui jusqu’à
cette date refusait le concept même
de sionisme, a déclenché un double
phénomène : La colonisation des
terres palestiniennes au nom du
Grand Israël, d’une part ; et la
colonisation intérieure par la marginalisation et l’expulsion à terme
des arabes israéliens.
Devant cet apartheid qui ne dit pas
son nom, l’idée de séparation, renforcée ces dernières années par la
construction du Mur, illégitime et
illégal aux yeux de la communauté
internationale, a grandi et nourri
une sorte de fuite en avant, non
seulement des dirigeants de l’Etat
d’Israël, mais aussi, ce qui est
beaucoup plus préoccupant, d’une
grande partie de la société israélienne.
L’idée de l’égalité des droits, de
citoyenneté détachée de la religion
ou de l’appartenance à une composante ethnique a reculé. La “guerre
de civilisation” alimentée par Al
Qaïda et par Bush a renforcé ce
sentiment de fossé entre non pas
deux, mais trois identités en Israëlmême : d’un côté les juifs religieux
orthodoxes de tendance conservatrice, pour qui l’identité d’Israël ne
peut être que fondée sur la religion
et son respect le plus strict et donc
un Etat théocratique au sens premier du terme. D’autre part l’ensemble des juifs laïques, libéraux,
des druzes, des russes ayant utilisé
le droit au retour pour s’installer en
Israël et même des immigrants
économiques non juifs qui viennent pour remplacer les travailleurs palestiniens de Gaza et de
Cisjordanie. La troisième composante, les arabes d’Israël représentant 20 % des citoyens israéliens
sont par nature suspectés de délit
de “cinquième colonne”. Ils se
retrouvent de fait exclus dans leur
propre pays.
La définition dans ce cas de l’Etat
juif se fait par la négative. Qui
n’est pas juif ? Celui qui est arabe.
Il est clair que nous ne pourrons
sortir de cette impasse mortifère
que par un double mouvement : la
fin de la colonisation de la
Cisjordanie et la création d’un Etat
Palestinien viable reliant Gaza et la
Cisjordanie avec comme capitale
Jérusalem Est, mais aussi le choix
entre la constitution d’un Etat
théocratique et l’Etat multiculturel
et multiethnique à caractère démocratique en Israël-même, qui en
rompant avec l’idée illusoire d’être
la tête de pont de l’Occident dans
le monde arabe prendrait toute sa
place dans la construction d’EtatsUnis du Moyen Orient.
C’est évidemment une utopie, mais
pas plus que celle de Théodore
Herzl à la fin du XIXème siècle.
Cette utopie-là coûterait en tout
cas moins de souffrances et permettrait d’aller vers une paix juste
et durable dans la région. Il n’y
aura pas en effet d’émancipation
politique des juifs sans émancipation parallèle des peuples arabes.
Penser Israël contre le monde
arabe relève non seulement du
court-termisme, mais constitue
aussi une utopie dangereuse.
Sortir de la communautarisation
juive de l’Etat d’Israël est la seule
manière de sortir de la gouvernance de “la peur démographique”.
L’heure du choix pour Israël
approche inexorablement car la
mondialisation, si elle renforce
dans un premier temps les réflexes
identitaires, les particularismes
religieux et ethniques, brasse les
populations et dilue les souverainetés nationales. De l’Afrique du
Sud à la grande Serbie, les illusions nationalistes ont sombré.
L’avenir d’Israël n’est pas dans
l’exclusion ni dans le repli sur
l’Etat des seuls juifs, c’est d’être
un Etat en paix avec ses voisins, un
Etat de tout ses citoyens, libres et
égaux en droits comme en devoirs.
Proche-Orient
Bruits de guerre
J.Dimet p. 4
L’Etat d’Israël est-il un Etat juif ?
P. Ferbiaz p. 3
SOCIÉTÉ
Non à l’instrumentalisation...
A. Krakowski p. 4-6
Une France pour les juifs
H.Levart p. 5
EUROPE
Forfaiture
R. Wlos
p. 5
MÉMOIRE
Nous continuons...
N.Mokobodzki p. 2
Le Judéo-Espagnol à Washington
entretien avec D. Vidal p. 6
CULTURE
Le juif selon Stendhal
G-G. Lemaire p. 7
Confrontation linguistique et
idéologique en Palestine
R. Cohen p. 8
Louise Michel
Contre l’antisémitisme
L
ors de l’inauguration du
SQUARE LOUISE-MICHEL dans
le 18ème arrondissement de Paris,
sous la présidence de Bertrand
Delanoë, hommage fut rendu à la
figure légendaire du mouvement
ouvrier français. En modifiant la
dénomination de ces jardins bien
connus des parisiens et des touristes, qui de la place Saint-Pierre
montent vers le Sacré-Cœur, la
décision du Conseil de Paris mettait fin à une situation aberrante.
En effet, depuis 1930, ce lieu
s’appelait SQUARE WILLETTE, du
nom du sieur Adolphe Willette,
illustrateur montmartrois, fils
d’un colonel fidèle du Maréchal
Bazaine, fidèle jusque dans sa prison où celui-ci fut détenu pour
trahison. Le fils, pour sa part, fit
parler de lui comme propagandiste actif de l’antisémitisme.
Dès 1886, par ses tableaux et ses
écrits, il se prête aux pires insultes. Il sera l’un des principaux
collaborateurs
d’Edouard
Drumont, qui dirige la revue La
Libre Parole illustrée et publie La
France juive, brûlot antisémite
très connu de l’époque.
Enfin, en 1889, en pleine affaire
Dreyfus, Willette se porte candidat
aux élections législatives dans le 9ème
arrondissement, sous l’étiquette
“candidat antisémite”, et mène
campagne de façon haineuse et
ordurière contre les juifs responsables de tous les maux* ... ; mais il
recueillit un très faible nombre de
voix. L’antisémitisme à l’époque ne
payait pas non plus.
Aujourd’hui, en rendant hommage
à Louise-Michel, l’institutrice des
enfants pauvres de Montmartre,
celle qui appela le peuple à sauvegarder les canons de la Butte en
1871, celle qui pendant sa déportation en Nouvelle Calédonie à la
suite de la Commune de Paris, s’éleva contre le colonialisme et le
racisme, l’une des premières féministes, la Butte Montmartre reprend
ses vraies couleurs.
Jean Wlos
Ancien conseiller de Paris
* Sur l’une de ses affiches électorales,
on pouvait lire : “Les juifs sont grands
parce que nous sommes à genoux” - “Ils
sont 50.000 à bénéficier seuls du travail
acharné et sans espérance de 30
millions de Français devenus leurs
esclaves tremblants” - “Le juif est d’une
race différente et ennemie de la nôtre”...
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NON À ...
(suite de la page 5)
réflexion sur les conditions de la mise en
œuvre et sur les garde-fous à placer.
Gilles Moindrot, secrétaire général du
SNIUPP-FSU Cette annonce nous met mal
à l'aise. Il y a le risque que l'enfant, soit
s'identifie, soit rejette cette identification,
ou encore qu'il ait un sentiment de culpabilité ou de responsabilité pour le destin
d'un élève duquel il n'est aucunement
responsable.
SE-UNSA, deuxième syndicat dans le primaire : Le SE-UNSA est particulièrement
choqué de cette initiative du président de
la République, qui ignore tout de la
façon dont un jeune se construit.
Eduquer ne saurait être qu'affaire d'émotion.
Jean-Jacques Hazan, secrétaire général
de la FCPE L'histoire n'est pas une succession d'émotions. Et le devoir de
mémoire n'est pas individuel. Il ne se fait
pas d'un enfant vivant, ou d'une classe, à
un enfant mort. Pourquoi leur faire porter ce poids ? Faut-il s'identifier à un
phénomène pour le comprendre ? Se
jumeler à un mort, c'est psychologiquement lourd. Ca peut être traumatisant.
Pour travailler sérieusement sur la
mémoire, aidons les associations qui
interviennent dans les écoles pour expliquer cet épisode historique.
Ce mouvement d'opinion a porté ses
fruits. Monsieur Sarkozy, comme sur
d'autres dossiers, manœuvre en recul.
Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du Président, explique que de possibles aménagements sont envisageables.
Le projet pourrait concerner une classe
entière. Mais le chef de l'Etat a la volonté très nette de ne pas céder sur cet enseignement.
Et Madame Simone Veil serait pressentie
pour animer une commission de
réflexion sur cet enseignement, alors
même que Xavier Darcos réduirait la
part de l'horaire consacré à l'histoire-géographie dans le primaire ! Où l'hypocrisie, le machiavélisme, la démagogie sont
érigés en règles de bonne gouvernance...
Quelles pistes envisager ?
Continuer à approfondir le travail sur la
mémoire de la Shoah entrepris depuis
des années avec les enseignants, les
parents, les témoins, les historiens, diverses associations …
Rappelons les initiatives émouvantes et
très fortes prises lors de l'inauguration
dans les établissements scolaires des
plaques commémoratives des enfants
juifs déportés, notamment avec l'AMEJD
(Association pour la mémoire des enfants
juifs déportés).
Avec Michel Sparagano, on pourrait,
par exemple, commencer par demander
aux écoliers de parrainer leurs petits
camarades que monsieur Hortefeux, le
“ministre de la chasse aux enfants”,
rafle aux abords des écoles pour les
expédier vers des pays qu'ils ne connaissent pas, parce que leurs parents n'ont
pas les bons papiers….
En tout état de cause, le projet inique de
Mr. Sarkozy, même “aménagé”, doit être
retiré. Tant de coups tordus sont à craindre… de “ces gens-là”.
La vigilance active de tous s'impose.
Annette KRAKOWSKI
Enfant juive
cachée pendant la guerre
20/02/2008
Mémoire
Judéo-espagnol à
Wa s h i n g t o n
Le professeur Haïm Vidal Sephiha a été reçu durant une semaine au Musée-Mémorial
de l’Holocauste, à Washington, auquel il a fait donation de sa bibliothèque linguistique.
Trois questions de la PNM à son fils, Dominique Vidal Sephiha, qui l’accompagnait :
P NM : Quelles
sont la nature et
la raison de cette
donation ?
D.V-S. : Survivant
d’Auschwitz, mon
père Haïm Vidal
Sephiha, chimiste de
formation, a décidé,
à l’âge de 30 ans, de
“réveiller” la langue
de son enfance : le
judéo-espagnol. Il
s’est donc lancé dans
un long programme De gauche à droite :
d’études, portant à la Paul Shapiro, directeur du Centre de recherches, Ingeborg et Haïm Sephiha,
Sarah J. Bloomfield, directrice du Mémorial, et Dominique Vidal-Sephiha
fois sur l’espagnol,
l’hébreu, les autres
“Bibliothèque judéo-espagnole de
langues sémitiques, l’histoire des juifs
Haïm Vidal Sephiha” - c’est son nom
sépharades, etc. Après avoir passé sa
officiel - y sera présentée sur le site
thèse d’Etat, il a été, jusqu’à sa retraite
Internet et accessible au public (avec
(officielle), titulaire de la chaire de
un ex-libris dans chaque volume), mais
judéo-espagnol à l’INALCO - à l’édes bourses aideront des chercheurs à
poque, c’était la seule au monde !
venir l’étudier.
Au fil de ces trente-cinq années de
recherches et d’enseignement, il a
constitué une bibliothèque linguistique
unique, comportant des milliers de
livres souvent rares, de documents, de
thèses et autres mémoires qu’il a suivis, de revues et de journaux, de photographies, de cassettes audio et vidéo,
etc. Beaucoup d’ouvrages concernent
évidemment le génocide nazi.
A 85 ans, Haïm a décidé de léguer ce
“trésor” à une institution capable de le
rendre accessible aux étudiants et aux
chercheurs, qui le feront fructifier. Les
institutions juives françaises n’étant pas
en mesure de le faire, nous avons
répondu positivement à une proposition
du Mémorial-Musée de l’Holocauste à
Washington - United States
(Holocaust Memorial Museum -USHMM).
PNM : Pourquoi ce choix ?
D.V-S. : C’est un lieu de mémoire
vivante remarquable. Son exposition
permanente permet chaque année à
plus de deux millions de visiteurs, jeunes notamment, de découvrir en profondeur ce que furent le génocide nazi
et ses victimes - les millions de juifs
exterminés bien sûr, mais aussi les
résistants, les prisonniers soviétiques,
les malades mentaux, les homosexuels,
les Témoins de Jéhovah...
Le Mémorial-Musée comporte aussi
un Centre de recherches qui multiplie
les colloques avec la participation
d’experts du monde entier et publie de
nombreux livres.
Il est enfin doté d’une très riche bibliothèque et photothèque, liée à celle du
Congrès américain - la plus grande de
la planète. Non seulement la
PNM : Comment expliquez-vous l’intérêt de cette bibliothèque pour les
livres de votre père ?
D.V-S. : Aux Etats-Unis, le judaïsme
est pour l’essentiel ashkénaze, ce que
la bibliothèque du Musée reflétait.
C’est pourquoi ses responsables ont
manifesté autant d’intérêt pour la collection de Haïm : à leurs yeux, il s’agissait d’ouvrir leur bibliothèque et, du
même coup, celle du Congrès à la
réalité passée et présente de la culture
judéo-espagnole.
Nous l’avons bien senti pendant cette
semaine passée à Washington : la
Présidente du Musée qui a accueilli
Haïm, le Directeur du Centre d’études
qui s’est longuement entretenu avec lui,
les chercheurs avec lesquels il a débattu
entendaient honorer à la fois une vie
dédiée à la langue judéo-espagnole et à
ces juifs originaires d’Espagne et souvent ignorés du judaïsme institutionnel,
en Israël et ailleurs.
Même à Auschwitz !
En 2000, mon père retourne pour la
première fois dans le camp où il a souffert pendant un an et demi. Et que
découvre-t-il ? Des plaques célèbrent
le million de victimes dans toutes les
langues, sauf… en judéo-espagnol,
que parlaient pourtant plus de 160.000
d’entre elles. Il faudra des mois et des
mois de mobilisation, avec l’association “Judéo-espagnol à AUSCHWITZ”
fondée par Haïm, pour qu’enfin cette
plaque soit installée, en 2003…
* Dans cet esprit, ce Mémorial-Musée a
signé une convention avec le Parti
Communiste Français pour le traitement
de ses archives concernant cette période.
Point de vue
Tous
victimes ?
U
n passage de l’interview du Père
Desbois dans PNM* m’avait
échappé. Or, il est très révélateur : “Les
Allemands sont en train de ré-ensevelir
leurs morts de la seconde guerre mondiale, y compris les SS, dans de magnifiques cimetières militaires, à travers
toute l’Ukraine. Je n’ai rien a priori
contre de tels cimetières. Mais, il serait
inacceptable que pendant ce temps, les
restes des victimes s’enfoncent dans
une boue anonyme”.
Lui ne trouve rien à redire. Libre à lui.
Mais n’est-ce pas une illustration flagrante de ce “respect mutuel” qu’on
nous préconise en haut lieu ? (voir
Rencontres internationales sur la
mémoire partagée**). Côte à côte, “les
magnifiques cimetières” des bourreaux
et de leurs complices, et le million
d’hommes, femmes et enfants, leurs
victimes …
Tous “victimes de guerre” ?
Maurice CLING
Co-président de la FNDIRP
* Michel Gurfinkiel, Interview du Père
Desbois in PNM n° 247 de Juin 2007
** Rencontres organisées à l’UNESCO par
le gouvernement français les 26 et 27 oct.
2006, cf. Actes des premières rencontres
internationales sur la mémoire partagée,
Ed. La Documentation Française, Paris
2007, 10 €
LA PRESSE NOUVELLE
Magazine Progressiste Juif
édité par l’U.J.R.E.
Comité de rédaction :
Jacques Dimet, Bernard Frédérick,
Nicole Mokobodzki,T.R. Staroswiecki,
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Roland Wlos, Solange Zoldan
N° paritaire 64825
(en cours de renouvellement)
C.C.P. Paris 5 701 33 R
Directeur de la Publication :
Lucien STEINBERG
Rédaction - Administration :
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7
C
LE
JUIF SELON
U
L
T
U
R
E
PALESTINIEN EN ISRAËL, DRÔLE DE VIE ...
STENDHAL
par Jacques LEWKOWICZ
par Gérard-George LEMAIRE
L
a récente publication du second
volume de la nouvelle édition des
Œuvres romanesques complètes de
Stendhal dans la collection de la
Pléiade (Gallimard) comprend des
textes que l’auteur du Rouge et le
noir n’a jamais publiés de son
vivant. L’un d’eux a retenu mon
attention
:
il
s’intitule
Le Juif. Il semblerait que l’idée de
ce récit (on ne sait pas s’il voulait en
faire un roman ou une nouvelle,
même si la seconde hypothèse paraît
la plus probable) lui vint lors d’un court
séjour à Fiume (rebaptisée aujourd’hui
Rijeka) en 1831, lorsqu’il était consul à
Trieste. Il y aurait croisé un homme juif
qui l’aurait fort impressionné sans
qu’on en sache la raison. Quoiqu’il en
soit, il en conserve un souvenir assez
fort pour l’évoquer en marge de Lucien
Leuwen où il est question de ce “juif de
Fiume”. L’histoire relate les mésaventures d’un jeune juif vénitien d’une
beauté rare, mais affecté d’une passion
exclusive et néfaste : le goût de l’argent.
Sa famille tout entière est frappée par le
même mal. L’avidité de la mère n’a d’égal que le sens du lucre de sa sœur. Le
décor est planté. La véritable religion de
ce petit monde n’est autre que l’argent.
Quand notre héros songe à se marier, sa
belle-famille lui subtilise tous ses meubles et ses économies alors que sa mère
et sa sœur en profitent pour le dépouiller
du reste. Commencent alors les tribulations de notre héros qui se rend en
France en 1814 où il fait des affaires
fructueuses avec les Alliés jusqu’au jour
où son associé tue deux soldats. Il se
réfugie à Valence et tombe alors amoureux d’une jeune femme. Quand les
occupants quittent la France, il doit se
hâter de partir, abandonnant la belle
Catherine qu’il avait épousée alors qu’il
n’avait pas encore divorcé. Se souvenant alors qu’il avait une première
épouse en Italie, il songe à la rejoindre.
Mais le sort s’acharne et le malheur le
frappe sans répit. On ignore comment
l’affaire devait se terminer. Il est toutefois évident que Le Juif de Stendhal ne
se trouvait pas dans une situation enviable. La raison en est d’abord sa cupidité, mais aussi son absence de sens
moral. La beauté physique du Juif ne
traduit pas une beauté intérieure.
Ces pages assez médiocres étonnent
quand on pense à Stendhal qui s’est
révélé un grand styliste. Elles ont tout
de même été saluées par un intellectuel
de la Collaboration en la personne de
Maurice Bardèche. Cet ami de Robert
Brasillach, qui a échappé à l’épuration,
n’a jamais renié ses idées. Il a écrit un
Stendhal romancier où il s’émerveille
de ce brouillon, le considérant un témoignage recueilli “sous la dictée”. Pour
lui, c’est un “document humain, d’une
fidélité et d’une naïveté délicieuse”. Les
responsables de cette nouvelle édition
de La Pléiade le citent sans le moindre
commentaire, et même avec complaisance.
Il ne faudrait pas pour autant accuser
Stendhal d’antijudaïsme. Son
œuvre entière ne laisse rien filtrer d’un pareil sentiment. Il n’a
pas, comme Voltaire, le souci de
démontrer l’ineptie religieuse,
historique et éthique de la Bible
et, cela s’entend, des Hébreux
qui en ont été les auteurs, et de
leurs descendants qui en restent
les gardiens. Il ne serait pas non
plus acceptable de mettre ces propos sur
le compte d’un esprit de l’époque.
D’autant plus que Henri Beyle a été un
fidèle de Napoléon, qui a créé le
Consistoire, consolidant les droits
accordés aux Juifs par la Révolution en
1791. Il faudrait peut-être en rechercher
la cause dans un tout autre registre.
En 1825, Stendhal publie un petit pamphlet : D’un nouveau complot contre
les industriels. Le prétexte de cet opuscule est le lancement d’un nouveau
journal, Le Producteur, d’inspiration
Saint-Simonienne.
Stendhal y attaque les principes de
Saint-Simon, s’insurge contre le pouvoir
accordé aux industriels et fustige la
banque. L’argent se trouve au cœur du
problème tout comme l’immoralisme
qu’il suppose. Sa dénonciation du système bancaire est virulente. Il condamne
le “libéralisme” qui laisse libre cours
aux agissements des hommes d’affaires.
Il souligne : “Les banquiers, les marchands d’argent ont besoin d’un certain
degré de liberté. Un baron Rothschild
était impossible sous Bonaparte, qui eût
peut-être envoyé à Sainte-Pélagie un
prêteur récalcitrant.” Le nom de
Rothschild n’est pas introduit par hasard
quand il s’agit de “marchands d’argent”. Il représente à ses yeux le comble
des mauvais comportements qu’il
dénonce. L’argent étant son Dieu, il
incarne le mal moderne. Tout comme le
pitoyable Juif de Venise de sa fiction.
* STENDHAL, Œuvres romanesques complètes, Ed. Gallimard Paris Bibliothèque de la
Pléiade - 2005: Tome I 1248 p. 50 € - 2007:
Tome II : 1488 p. 52,50 €
La PNM a
reçu ...
- L’annonce de la sortie du dernier
livre de Max KOHN : Vitsn, mots
d’esprit yiddish et inconscient,
Ed. Lambert-Lucas 4 rue d’Isly
Limoges 2008 - 180 p. 25 €
Lauréat du Prix Max Cukierman en 2006,
Max Kohn, né à Paris en 1951, est psychanalyste, maître de conférences HDR à
Paris Diderot, membre de l’unité rattachée au CNRS « Psychanalyse et pratiques sociales » et psychanalyste à la
Maison de la mère et de l’enfant à Paris
(Fondation Albert-Hartmann, Société
Philanthropique).
S
i le conflit israélopalestinien a plus
d’une fois défrayé la
chronique, la présence
de palestiniens citoyens
israéliens a peu attiré
l’attention. Et pourtant,
ils existent. L’un d’entre
eux, Sayed KASHUA, a
Sayed KASHUA
même fait une percée
médiatique qui devrait faire réfléchir,
notamment les responsables israéliens,
sur l’absurdité de la poursuite de leur
actuelle politique de dénégation des
droits des palestiniens.
Sayed KASHUA, chroniqueur du quotidien israélien “Haaretz” est également
scénariste d’une série télévisée portant
sur la communauté arabe d’Israël.
Au début de sa carrière, il tente de rentrer dans le moule palestinien. Il est
reporter dans les territoires occupés,
pour “KolHaïr” le magazine de
Jérusalem. Mais le traumatisme de
l’occupation des villes cisjordaniennes par la soldatesque israélienne le
blesse au point de l’amener à se réfugier dans la critique gastronomique et
télévisée.
Puis, il est recruté par le journal israélien “Haaretz”. Refusant d’être l’alibi
palestinien d’un journal israélien, il se
lance dans l’écriture du scénario d’une
série télévisée.
Dans celle-ci, il décrit la vie quotidienne d’un arabe israélien, ses difficultés, ses efforts pour paraître “juif”
pour, à n’importe quel prix, établir les
meilleures relations possibles avec ses
voisins juifs. Il décrit le regard des
décalés, tant celui des autres palestiniens, que des israéliens qui tentent,
eux aussi, de se faire accepter par “les
arabes”. La surprise vient de ce que ce
feuilleton a conquis l’audience juive
de la chaine 2 de télévision sur laquelle il est diffusé. Les israéliens n’y sont
pourtant pas ménagés. Mais celui qui
est considéré comme le Woody Allen
palestinien a suffisamment d’adresse
pour que les israéliens qui ont suffisamment d’esprit critique pour accepter de rire d’eux-mêmes et de leurs travers soient séduits par ces récits
moqueurs. Mais ses sarcasmes n’épargnent pas non plus les arabes. Tant et
si bien que KASHUA passe pour un illuminé, un collabo ou un hérétique à
leurs yeux dans toute la mesure où il
est difficile, dans une situation de
conflit, de faire place à l’humour.
Cependant, cette réalité devrait faire
réfléchir les uns et les autres et notamment les dirigeants israéliens qui portent la lourde responsabilité d’imposer
leur force supérieure dans ce conflit.
Si un auteur palestinien est capable
d’établir un pont culturel entre les
deux communautés, ne peut-on envisager qu’une reconnaissance mutuelle du droit à l’existence, de part et
d’autre, ne permette un jour d’établir
la paix ?
* [NDLR] Sayed Kashua est journaliste et
écrivain. Premier roman : Les Arabes dansent aussi trad. de l'hébreu par Katherine
Werchowski - Éd. 10-18 Poche, Paris 2006,
251 p., 7.80 €.
Lire aussi
Et il y eut un matin trad. de l'hébreu par
Sylvie Cohen et Edna Degon - Éd. de
l'Olivier, Paris 2006, 280 p., 21 €
Israël,
invité d'honneur
“C'est la reconnaissance d’une littérature
dynamique, d’une immense richesse, à l’image d’une société multiculturelle. Une littérature qui puise dans le passé, s’affirme
dans un présent mouvementé, sans a priori,
n’esquivant aucune question, qui interroge
et analyse sans concession.”
D
ans notre prochain numéro, une
large place sera consacrée au
SALON DU LIVRE* qui reçoit cette
année 40 auteurs israéliens dans le
cadre du 60ème anniversaire de la création de l’Etat d’’Israël.
* Du 14 au 19 mars, le SALON DU LIVRE se
tient à PARIS EXPO Porte de Versailles / Hall 1
22 mars 2008 à 15h.
l’Ujre organise sa
2ème participation au
Printemps des Poètes.
Pour exprimer son désir de Paix
au Proche-Orient,
SARAH SEBBAG
nous fera le plaisir de présenter
un montage poétique.
14 rue de Paradis Paris 10° - M° Gare de l’Est
WITZN
RETROUVÉS
MOT D’ENFANT
QUAND
MESSIE ?
Un garçonnet de 6 ans demande à
son père :
- Papa, quand viendra le Messie ?
- Quand tous les gens seront bons et
honnêtes - répond le père.
- Mais si tous sont déjà bons et honnêtes,
alors que viendra faire le Messie ?
VIENDRA LE
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8
L e Yi d d i s h e t l ’ H é b r e u ,
Culture
CONFRONTATION LINGUISTIQUE ET IDEOLOGIQUE EN PALESTINE
par Rina Cohen
Après le yiddish et le judéo-espagnol, nous avons souhaité clore notre cycle des langues parlées par les juifs dans le monde* par l’hébreu. Rina COHEN, universitaire spécialisée dans la langue, l’histoire et la culture israéliennes, sollicitée, a bien voulu nous autoriser à publier son article* sur “La Palestine entre l’hébreu et le yiddish (1880-1914)”.
Nous la remercions d’offrir ainsi aux lecteurs de la PNM, sur QUATRE numéros, cette passionante évocation du contexte historique et social du renouveau de l’hébreu.
LA PALESTINE ENTRE L’HÉBREU
ET LE YIDDISH (1880-1914)
e renouveau(1) de l’hébreu et sa
transformation en langue moderne sont étroitement liés au développement de l’idée sioniste, dont le
but est de créer un Etat pour les juifs du
monde entier. Que l’hébreu ait été la
langue unificatrice semble, à première
vue, aller de soi. On pourrait en effet
penser qu’il s’agit d’un processus naturel issu de la volonté générale de transformer et de redonner vie à la langue
sacrée, qui depuis près de 1600 ans
n’était plus parlée couramment.
L’hébreu était réservé au culte religieux, aux documents ayant valeur
juridique ou contractuelle, aux correspondances d’affaires et éventuellement aux communications écrites ou
orales entre communautés ne pratiquant pas la même langue.
Le sionisme est conçu en Europe, une
aire dominée par le yiddish, une
famille d’idiomes judéo-allemands
parlés et écrits en caractères hébraïques
par les communautés russes et centreeuropéennes. L’idée de la renaissance
de l’hébreu entre donc en confrontation directe avec ce groupe linguistique. Ce qui n’est pas le cas des langues judéo-méditerranéennes. Le territoire de la province ottomane de
Palestine, l’Eretz-Israël des juifs,
deviendra quant à lui un lieu de
confrontation linguistique à partir du
moment où le projet d’y édifier un État
pour tous les juifs prend forme dans le
monde ashkénaze.
LA MUTATION DU MONDE JUIF
EN RUSSIE : LA HASKALA
La Haskala, le mouvement juif des
Lumières voit le jour en Allemagne à la
fin du XVIIIe siècle. Il appelle à l’ouverture vers le monde non-juif et à la
distinction entre le religieux et le séculier. Ce courant de pensée vise à donner
au judaïsme la place de religion débarrassée de toute aspiration nationale, un
judaïsme dans et par lequel on préserve la langue, la mémoire biblique historique et la vision messianique etc.
Cette vision du monde rend possible
l’idée de l’appartenance à la nation
allemande en formation.
Trois quarts de siècle plus tard, la
“Société pour la propagation de la
Haskala parmi les juifs”(2) voit le jour
à Saint-Pétersbourg. Son objectif est de
répandre l’usage de la langue russe
parmi les juifs qui sont exclusivement
yiddishophones, en vue de leur intégration dans la société russe.(3)
Le courant de la Haskala entraîne un
bouleversement du mode de vie des
communautés juives traditionnelles.
Un phénomène renforcé par un processus d’émancipation mis en œuvre dans
le domaine politico-économique.
L’égalité devant la loi, le droit d’exer-
L
cer l’artisanat et le commerce en
dehors de la zone de résidence encouragent la population juive, largement
sans qualification, à apprendre des
métiers ou à les exercer ailleurs que
dans la communauté. Il s’agit donc
d’un appel à transformer radicalement
le mode de vie des communautés.
Ce mouvement n’est pas un calque du
Isaac Baer Levinsohn - 1788-1860
Un des grands représentants de la Haskalah,
appelé aussi le “Mendelssohn” russe
modèle allemand mais s’en inspire.
Les maskilim (le nom que se donnent
les militants russes de la Haskala)
rejettent aussi bien l’assimilation que
l’orthodoxie conservatrice de culture
yiddish. Tout en prônant la pratique de
la langue russe comme moyen d’intégration et l’abandon du yiddish qualifié
de jargon, ils aspirent à la création
d’une culture en langue hébraïque. En
traduisant en hébreu des ouvrages
écrits en russe, ils espèrent familiariser
leurs coreligionnaires à la société dans
laquelle ils sont appelés à vivre. Pour
les juifs “éclairés”, le russe devient la
langue de la vie courante. Dans le
même temps, des traductions en hébreu d’œuvres littéraires européennes
sont réalisées et des ouvrages en hébreu sont publiés. Les maskilim militent
pour une presse en hébreu(4) et, à la différence de leurs homologues allemands, ils défendent un nationalisme
juif russe permettant l’intégration dans
la société russe tout en édifiant une
identité spécifique rénovée et dégagée
des conceptions uniquement religieuses. Il s’agit d’un courant véritablement révolutionnaire qui, à terme, doit
mener les communautés juives repliées
sur elles-mêmes à une participation
active dans le devenir de la société
russe.
Au cours des vingt années de l’essor de
la Haskala russe, la condition des communautés juives connaît de sérieuses
améliorations dans un contexte de
modernisation de l’Etat voulu par le
tsar : des écoles et des universités sont
ouvertes aux juifs, l’obligation de résidence dans les shtetls est parfois levée.
Les juifs modernistes russes et
d’Europe orientale et centrale veulent
s’adapter aux temps qui changent en
parlant la langue du pays, et non plus le
yiddish. Ils commencent à se percevoir
comme des citoyens égaux dans leurs
patries respectives. Pour eux, le judaïsme est une confession et non plus la
caractéristique d’une nation. Le judaïsme, ainsi transformé, devient compatible avec l’appartenance aux nations
respectives. Certains vont jusqu’à rejeter complètement ce judaïsme en estimant que la religion est une idée dépassée(5).
C’est dans cette effervescence intellectuelle et idéologique que, paradoxalement, va naître le nationalisme juif
avec ses penseurs, les premiers “sionistes russes”, les Amants de Sion qui en
posent les premiers jalons.
Dans le même temps, le processus de
russification des juifs se traduit par un
processus de sécularisation de ces
populations. Ainsi, nombreux sont
aussi les juifs qui vont adhérer au mouvement révolutionnaire russe.
Les pogroms de 1880-1882, émeutes
anti-juives perpétrées par des populations russes orthodoxes rurales les plus
misérables victimes des féodaux, mettent brutalement fin à la propagation
des idées des maskilim, juifs urbains
éduqués, russifiés et hébraïsants.
L’ascension sociale de cette couche est
freinée, ce qui provoque un fort sentiment d’injustice. Deux pôles se font
jour. Si une partie des maskilim poursuit la recherche de l’épanouissement
de l’identité nationale juive en tant que
telle, d’autres choisissent en outre de
rejoindre la mouvance révolutionnaire
russe.
LES INTERNATIONALISTES
SOCIALISTES
Les premiers socialistes juifs affirment
que les juifs doivent constituer une
entité indépendante dans la lutte des
classes. Rejetant le judaïsme en tant
que religion archaïque et la vie juive
dominée par l”esprit boutiquier”, ils
oscillent entre la crainte que le socialisme internationaliste conduise à l’assimilation et l’idée que l’utopie socialiste est un mouvement d’hommes nouveaux luttant contre les pesanteurs du
passé et vivant déjà dans l’avenir. Un
avenir qui serait celui d’un monde nouveau dans lequel les particularités ethniques deviendront obsolètes. Leur
apprentissage culturel commun est le
résultat d’une conjonction entre le prophétisme tiré de l’étude des textes
sacrés et apocalyptiques juifs et l’utopisme des idéologues socialistes de leur
époque.
Dans le même temps ils se situent dans
la mouvance de la Haskala militant
pour la fréquentation des écoles russes
et l’apprentissage de l’hébreu “pour
apprendre à aimer son peuple” par
opposition au yiddish “la langue ashkénaze”, celle de l’ignorance et du
repli sur soi.
C’est dans cet esprit qu’ils diffusent
des textes bilingues, hébreu-yiddish en
un premier temps, puis hébreu-russe
auprès des juifs russes émigrés en
Occident.
La difficulté de concilier appartenance
juive et internationalisme restera un
objet de débat au sein du mouvement
socialiste juif tout au long de son histoire.(6) .../...
(la suite au prochain numéro)
Pogromes en Russie (Carte d’Emile Patesson)
Source : Elisée Reclus, L’homme et la terre, Paris,
Librairie Universelle, 1905, vol. V, p. 469.
* Rina Cohen, La Palestine entre l’hébreu et
le yiddish (1880-1914), in Tsafon - revue d’études juives du Nord, consacré au dossier
"Langues et cultures d’exil", n°49, printemps
-été 2005, p.13-28.
1 Les linguistes israéliens débattent le phénomène de “l’hébreu moderne”. S’agit-il d’une
"renaissance", "renouveau", "retour" ou
même "résurrection" ? (...)
2 Shimon Dubnow, L’Histoire du peuple
éternel, Tel-Aviv, Devir, (6e édition) 1966,
p.636-637 (en hébreu). Les fondateurs expliquent leur engagement : “Nous avons toujours été confrontés au reproche que les juifs
rejettent la Russie. De tout bord l’on nous
promet que dans le séparatisme les conditions de vie de nos frères vont s’améliorer et
nous deviendrons tous des citoyens égaux en
droits. Nous avons donc décidé de fonder une
association d’intellectuels qui devrait œuvrer
pour éradiquer les défauts mentionnés, par la
diffusion de la langue russe et du savoir utile
parmi les juifs. Le but est le savoir au service
de l’acquisition de l’égalité”.
3 Parmi les membres on compte Y. L Gordon
ainsi que L. Pinsker.
4 A cette époque sont créés les premiers titres
de la presse hébraïque : ?????? (hatsfira 1862), ????? (hamelits - 1860), ????? (hashahar)
5 Jonathan Frankel, Prophète et politique,
Tel-Aviv, Am-Oved, 1989, p.11 (en hébreu)
6 Ibid, p.54