Utilisation et apport des médias sociaux en entreprise - Marie-Béatrix Le Coz
1.
médias sociaux, une
révolution pour
l’entreprise ?
2011
Marie‐Béatrix Le Coz, mblecoz@gmail.com
Utilisation et apport des médias sociaux en entreprise
Thèse Professionnelle sous la direction de Monsieur Cédric Ghetty
pour l’obtention du titre de M.S. Marketing Management
Date de soutenance : 28 février 2011
2. 1 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
Sommaire
Résumé Managérial _________________________________________________________ 4
Remerciements_____________________________________________________________ 5
Lexique ___________________________________________________________________ 6
Introduction _______________________________________________________________ 7
1. Médias sociaux, consommateurs et stratégie marketing_______________________ 11
1.1 Les médias sociaux, qu'est‐ce ? _______________________________________________ 11
1.1.1 Définitions des médias sociaux ____________________________________________________ 11
1.1.2 Catalogue ____________________________________________________________________ 12
1.1.2.1 Réseaux sociaux ____________________________________________________________ 13
1.1.2.2 Blogs_____________________________________________________________________ 13
1.1.2.3 Microblogs ________________________________________________________________ 13
1.1.2.4 Forums ___________________________________________________________________ 14
1.1.2.5 Wikis_____________________________________________________________________ 14
1.1.2.6 Questions & Answers________________________________________________________ 14
1.1.2.7 Sites de partage de médias ___________________________________________________ 14
1.1.2.8 Sites de critiques consommateurs _____________________________________________ 15
1.1.2.9 Bookmarking social _________________________________________________________ 15
1.1.2.10 Réseaux sociaux géolocalisés ________________________________________________ 15
1.1.2.11 Jeux sociaux ______________________________________________________________ 16
1.1.2.12 Agrégateurs de médias sociaux_______________________________________________ 16
1.1.3 Une brève histoire des médias sociaux _____________________________________________ 16
1.1.4 Paysage en 2011 _______________________________________________________________ 17
1.1.4.1 En chiffres ________________________________________________________________ 17
1.1.4.2 Répartition géographique ____________________________________________________ 19
1.1.4.3 Vers un monopole de Facebook ? ______________________________________________ 21
1.2 Pratiques et usage des médias sociaux _________________________________________ 22
1.2.1 Les codes à respecter ___________________________________________________________ 22
1.2.2 La montée en puissance du web mobile ____________________________________________ 23
1.2.3 Le profil des internautes sur les médias sociaux ______________________________________ 23
1.2.4 Usages des médias sociaux _______________________________________________________ 24
1.3 Comment les entreprises développent une stratégie marketing ____________________ 28
1.3.1 Stratégie Marketing traditionnelle _________________________________________________ 28
1.3.2 Les boucles de réussite d’une stratégie orientée client ________________________________ 30
1.3.3 Online / Offline : harmoniser le parcours client _______________________________________ 32
1.3.3.1 Un parcours client devenu complexe ___________________________________________ 32
1.3.3.2 Mix Marketing _____________________________________________________________ 33
1.3.4 Aller plus loin sur le e‐business____________________________________________________ 34
1.3.4.1 Le client devient un partenaire d’affaires ________________________________________ 35
1.3.4.2 Les médias sociaux, un lieu privilégié pour les insights consommateur_________________ 36
1.3.4.3 Crowdsourcing : les « boîtes à idées » collaboratives_______________________________ 37
2. Etude de cas __________________________________________________________ 39
2.1 Méthodologie et terrain de la recherche _______________________________________ 39
3. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 2
2.2 L’approche stratégique vis‐à‐vis des médias sociaux ______________________________ 40
2.2.1 Pourquoi les entreprises s’intéressent‐elles aux médias sociaux ? ________________________ 40
2.2.2 Que cherchent‐elles à atteindre ?__________________________________________________ 41
2.2.3 Quels sont leurs choix ?__________________________________________________________ 42
2.3 Mise en œuvre opérationnelle des médias sociaux _______________________________ 43
2.3.1 Comment les médias sociaux s’intègrent‐ils dans la stratégie globale de l’entreprise ?________ 43
2.3.2 Organisation opérationnelle ______________________________________________________ 45
2.3.2.1 Comment est organisée l’équipe ? _____________________________________________ 45
2.3.2.2 Quels sont les outils et techniques mis en œuvre ? ________________________________ 47
2.3.2.3 Qui utilise les médias sociaux dans l’entreprise et dans quel but ? ____________________ 49
2.3.2.4 Comment les entreprises écoutent‐elles leurs clients sur les médias sociaux ? __________ 53
2.3.2.5 Comment sont mesurées et évaluées les actions mises en œuvre ? ___________________ 54
2.4 Le mobile, futur des médias sociaux ___________________________________________ 55
2.5 Conclusions de l’enquête ____________________________________________________ 56
3. Recommandations stratégiques __________________________________________ 59
3.3 Impliquer fortement l'ensemble de l'entreprise _________________________________ 61
3.4 Indicateurs de Performances et Retour sur Investissement ________________________ 62
3.5 Méthodologie de mise en place opérationnelle __________________________________ 65
3.6 Etre précurseur ____________________________________________________________ 66
3.7 Prendre du recul ___________________________________________________________ 67
Conclusion________________________________________________________________ 69
Annexes _________________________________________________________________ 71
A1 Typologie du français en 2010
A2 Regards croisés sur le consommateur et sa relation aux médias sociaux
A3 How increasing value to customers improve business results
A4 La valeur d’un client acquis vs la valeur d’un prospect à acquérir
A5 Map out service system interactions of a variety of entities
A6 Le parcours d’achat du nouveau consommateur
A7 Les typologies d’interaction sur les médias sociaux hors démarche d’achat
A8 The Clue Train : le manifeste des évidences
A9 Panorama de l’utilisation des médias sociaux en 2010
A10 Ten questions to ask yourself before entering social media
A11 Marketing Survey : how marketers use Social Media to grow their business
A12 Veille sur les médias sociaux : quelques conseils
A13 Liste non exhaustive d’outils de mesure
A14 De la non‐pertinence de Facebook dans un contexte d’affaires
A15 Histoire du web social
A16 Bibliographie
A17 Webographie
A18 Enquêtes
4. 3 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
5. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 4
Résumé Managérial
Il a fallu 38 ans à la radio pour toucher 50 millions d'utilisateurs, 13 ans à la télévision, 4 ans à
Internet. Facebook a conquis 100 millions de membres en moins de 9 mois et dépassé les 600
millions de comptes actifs, fin 2010, dont 20 millions en France. Face à l’émergence de ce
phénomène de masse, les entreprises s’interrogent.
L’explosion des médias sociaux modifie profondément internet et ses usages. Ces supports sont des
lieux d’interaction sociale et de création de contenu dans lesquels les internautes échangent,
s’expriment, commentent et recommandent. Les entreprises ne sont pas spontanément les
bienvenues. Pour s’intégrer, elles doivent connaître les codes et apprendre à les respecter. Le
parcours client n’est plus linéaire. Pour réussir, l’entreprise doit revenir aux fondamentaux du
marketing. Mettre le client au cœur de la stratégie d’entreprise est une nécessité qui s’impose. Les
médias sociaux sont un lieu privilégié pour cela. Les retours d’expérience, à travers les commentaires
sur les blogs ou forums ou les avis de consommateurs sont autant d’informations qualitatives utiles
pour les entreprises. La conversation est un passage nécessaire, c’est ce que recherchent avant tout
les usagers des médias sociaux.
Ce travail de recherche s’appuie sur une étude de cas. La recherche étant de nature exploratoire,
l’accent a été mis sur la diversité de l’échantillonnage, le but étant de rencontrer des entreprises, des
cabinets conseil et des agences qui ont différentes approches des médias sociaux. La méthode de
recueil des données se base sur des entretiens semi‐directifs, afin de laisser aux interlocuteurs la
liberté de s’exprimer. Cette étude révèle que la réussite sur les médias sociaux reste liée à l’ADN de
la marque, ses choix stratégiques globaux, les moyens qu’elle souhaite mettre en œuvre et sa vision
à court, moyen ou long terme.
Les médias sociaux sont dans l’ère du temps, mais ils ne sont pas nécessairement un passage obligé.
C’est pour cela qu’un diagnostic préalable est incontournable. Il permet de voir en quoi l’entreprise a
dans son ADN, sa culture et son écosystème des affinités avec les médias sociaux. Une fois ce
diagnostic établi, l’entreprise doit définir des objectifs indépendamment des outils, choisir des
indicateurs de performance en lien avec ces objectifs, impliquer fortement l’ensemble de l’entreprise
et être rigoureuse dans la mise en place opérationnelle de ses actions. Toutes les décisions
stratégiques doivent être prises dans une posture « customer‐centric » et leur mise en œuvre doit
être suivie quotidiennement.
L’essor du mobile et des tablettes offre de nombreuses possibilités de développement aux stratégies
marketing et commerciale des entreprises. Par ailleurs, le pouvoir de la recommandation peut se
transformer rapidement en dénigrement. C’est pourquoi il est indispensable pour une entreprise de
mettre en place des consignes internes expliquant la posture à adopter sur les médias sociaux.
S’assurer les services d’un cabinet externe spécialisé dans l’e‐réputation est un garde‐fou en cas de
dérapage sur les médias sociaux.
6. 5 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
Remerciements
Un cycle de formation s’achève et ce travail en est l’aboutissement.
J’ai rencontré, tout au long de cette formation et de ce travail de recherche, des personnes de
qualité, impliquées dans ce qu’elles font, entières.
Je souhaite rendre un hommage particulier à Ayse Onculer, Michèle Paulin, Bernard Kaminker, Joël
Le Bon et Eric Chaffray. Leurs enseignements ont fait écho à ce qui me motive le plus : l’humain et
l’ordonnancement de tout ce qui va avec, notamment en marketing. Le contenu de leurs cours n’est
certainement pas étranger à l’angle choisi pour réaliser cette thèse.
Je remercie Danielle Viens d’avoir toujours eu la porte ouverte tout au long de ce cycle, y compris
dans l’orientation initiale de ce travail et dans sa réalisation lorsque des questions méthodologiques
jaillissaient.
Je remercie également Cédric Ghetty, mon Directeur de Thèse, qui a su m’emmener loin dans ce
voyage, tout en insufflant une grande exigence bienveillante… et des encouragements quand le
doute émergeait !
Je remercie Grégory Pouy, qui m’a donné les clés pour orienter ce travail dès le début, en mettant
tout de suite le doigt sur le cœur des problématiques liées aux médias sociaux : l’humain, les
relations…
Je remercie chacune des personnes que j’ai rencontrées dans le cadre de cette recherche et qui
m’ont donné de leur temps généreusement, tout en partageant leur expérience sans censure. Cela a
été un vrai bonheur d’échanger avec chacun.
Je remercie aussi Pierre Bordeaux et Régis Bergot qui ont échangé de façon informelle sur leur
perception des médias sociaux. Marie Lhuissier et Xavier Rouland, pour m’avoir mise en contact avec
des personnes de grande qualité. Et aussi Delphine, Thérèse, Marie‐Lorraine, Hélène, Samuel, Eric et
Alexandre.
Et enfin mes proches, avec une mention spéciale pour Christine, Emmanuel, Clémence, Anne et
Camille.
Je suis heureuse de ce travail, de tout ce qu’il a initié et des perspectives qu’il ouvre, tant au niveau
de la recherche que de l’orientation professionnelle. J’espère que vous aurez autant de plaisir à le lire
que j’en ai eu à le réaliser.
7. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 6
Lexique
API : Interface fournie par un programme informatique qui permet l’interaction des programmes les
uns avec les autres, de manière analogue à une interface homme‐machine.
Buzz : Contenu ayant été ébruité sur le net, au point d’avoir été vu par beaucoup de gens en un
temps très court. Un « bad buzz » génère un bouche‐à‐oreille négatif.
Check in : Action qui permet de montrer à son réseau, via internet ou mobile, le lieu où l’on est.
Display : Désigne l’achat d’espace publicitaire sur internet, par opposition aux campagnes de liens
sponsorisés (ou commerciaux) et l’affiliation (prescription par un site marchand ou à vocation
commerciale, moyennant rétribution en fonction des liens émanant de ce site).
Flux RSS : Fil d’information permettant de suivre les mises à jour d’un site web. Il est
particulièrement bien adapté aux sites d’informations et aux blogs.
Géolocalisation : Procédé qui permet de positionner un objet sur un plan ou une carte à l'aide de ses
coordonnées géographiques.
Insight : Le terme d'insight consommateur (consumer insight) qualifie une idée d'un consommateur
qui peut être porteuse en termes de développement d'activité pour l'entreprise qui choisira de
l'exploiter et d'y répondre par la création ou l’amélioration d’un produit ou service.
Influenceur : Sur le web, l'influenceur utilise différents espaces d'expression (ex : blogs, réseaux
sociaux, forums de discussions) pour diffuser des contenus capables de modifier le comportement
d'une communauté de lecteurs ou de "suiveurs". Cette force d'impact est liée à la fois au potentiel
d'influence de l'influenceur (son audience) et à sa catégorie d'appartenance.
Mobiquité : Ce terme est né de la fusion des mots mobilité et ubiquité. Il décrit la capacité d'un
usager en situation de mobilité à se connecter à un réseau sans contrainte de temps, de localisation,
ou de terminal.
Open Source : Désignation qui s’applique aux logiciels dont la licence respecte les critères de libre
redistribution, d’accès au code source et de travaux dérivés.
NFC (Near Field Communication) : Technologie de communication sans‐fil à courte portée et haute
fréquence, permettant l'échange d'informations entre des périphériques jusqu'à une distance
d'environ 10 cm. Elle offre des perspectives pour le paiement sur mobiles.
QR Code (Quick Response Code) : Code‐barres en deux dimensions constitué de modules noirs
disposés dans un carré à fond blanc. Destiné à être lu par un téléphone mobile ou un Smartphone, il
a l'avantage de pouvoir stocker plus d'informations qu'un code barre classique.
Tag : Le tag ou marqueur est un mot‐clé associé à de l‘information. Il permet une classification des
messages postés et des commentaires.
Web Social : Cette désignation fait référence à une vision d’internet considéré comme un lieu dont
l’une des fonctions principales est de faire interagir les utilisateurs entre eux afin d’assurer une
production continuelle de contenu, et non plus uniquement la distribution de documents. Il est
considéré comme un aspect très important du web 2.0.
8. 7 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
Introduction
2010 a vu l’avènement du web social. L’un des faits les plus marquants : un film sur la naissance de
Facebook, le réseau social né en 2004 et devenu incontournable en 2010. Que faut‐il voir par cet
événement ? Une jeune entreprise est consacrée par la sortie d’un film : c’est une grande première
dans l’histoire du cinéma. Cela cristallise‐t‐il une révolution irrémédiable ? Facebook a véritablement
révolutionné les usages en matière de web. Cette révolution propre aux internautes va‐t‐elle et
même doit‐elle se propager aux entreprises ? Lorsque l’on regarde ce qui se passe depuis deux ans
au Super Bowl et, notamment ce qui s’est passé cette année, on serait tentés de le croire. En effet, la
finale de la saison de football américain est généralement suivie par une centaine de millions de
téléspectateurs : il y a une soixantaine de spots publicitaires, négociés trois millions de dollars les
trente secondes chacun. Les publicités diffusées sont traditionnellement une institution, chacune
rivalise de créativité pour marquer les esprits. L’année dernière, une agence de communication a
réussi à convaincre Pepsi de se désengager en partie du Super Bowl (33 millions de dollars, donc 15
uniquement pour la marque 1 l’année précédente) pour initier « The Pepsi Refresh Project », un
projet social et communautaire sur les médias sociaux, où chaque américain est invité à proposer
une idée pour améliorer la vie sociale. Les idées sont soumises au vote des internautes et, en
septembre 2010, la démarche avait collecté des dizaines de millions de votes. Cette année, à des
degrés divers, les annonceurs du Super Bowl testent l’interactivité sur les médias sociaux. L’objectif :
permettre aux téléspectateurs de vivre une expérience qui se prolonge sur des supports tels que
Facebook, Twitter, YouTube, qui soit interactive, multicanal et multi‐plateformes. Ainsi, des
annonceurs comme Budweiser initient un jeu concours sur Facebook. D’autres marques, comme
Pepsi, ont demandé aux internautes de créer leur publicité et leur a consacré une chaîne YouTube et
un espace internet sur lequel ceux qui le souhaitent votent pour la publicité qu’ils préfèrent, celle
ayant remporté le plus de votes sera retenue pour être diffusée lors du Super Bowl. Volkswagen a,
plus modestement, posté la vidéo de son spot publicitaire quelques jours avant l’événement
seulement… Cette vidéo a totalisé en quelques jours près de six millions de vues. Par ailleurs,
Foursquare a annoncé 200.000 check‐ins de par le monde au cours des quatre heures de la finale2.
Les médias sociaux sont‐ils le nouvel eldorado des entreprises ? Sont‐ils une réelle révolution ou une
mode passagère ? A voir des entreprises comme Pepsi, Dell ou Starbucks, qui rentrent de plus en plus
dans la participation et l’engagement avec leurs partenaires virtuels que sont les clients, prospects,
visiteurs, fournisseurs, peut‐on considérer les médias sociaux comme un nouvel outil au service du
développement commercial d’une entreprise ?
L’explosion des médias sociaux modifie profondément Internet et ses usages. De nouvelles habitudes
naissent, se propagent et disparaissent parfois aussitôt. Le public est passé de l’état de
consommateur à celui de partenaire, créant, partageant, diffusant, ce qui renforce ainsi son pouvoir.
En parallèle, les entreprises voient leur cote de confiance au plus bas : les consommateurs ne croient
plus dans les discours publicitaires, cherchent des informations, demandent l’avis de leurs proches
ou de professionnels indépendants avant de décider d’un achat. Sur internet, devant l’offre
1
http://www.lejoursanspub.fr/blog/index.php?2010/01/15/161‐pepsi‐boude‐le‐super‐bowl‐2010
2
http://pro.clubic.com/blog‐forum‐reseaux‐sociaux/actualite‐395316‐foursquare‐tester‐placements‐pub‐superbowl.html
et http://techcrunch.com/2011/02/10/foursquare‐super‐bowl/
9. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 8
pléthorique qui leur est proposée, les utilisateurs ne sont plus à un clic d’acheter, mais à un clic
d’acheter ailleurs, ce qui se fait rarement en magasin. Les entreprises doivent trouver de nouveaux
moyens de convaincre, de nouveaux canaux pour diffuser leurs messages, atteindre les
consommateurs, générer de la valeur : le modèle traditionnel semble révolu. Comment développer
une stratégie marketing adaptée aux médias sociaux, qui concilie l’engagement et l’écoute du
consommateur et le développement commercial de l’entreprise ? Est‐ce antinomique ? Les
entreprises doivent‐elles se préoccuper de cette lame de fond qui s’empare du net ou n’est‐ce qu’un
feu de paille qui s’éteindra aussi vite qu’il s’est embrasé ? Ont‐elles vocation à faire comme Pepsi, se
lancer dans le « social » ? Si oui, dans quelle mesure, jusqu’à quel point ? Quelle doit être leur
posture face à cette réalité qui semble s’imposer ? L’individu demande à prendre la parole, la prend
de toute façon, détourne son attention si on ne lui accorde pas d’égard : il ne se contente plus d’être
passif face aux messages assenés par les entreprises. Jusqu’où les entreprises doivent‐elles tenir
compte de ce nouveau comportement ? Les médias sociaux doivent‐ils être pensés comme un canal
à part ou, pour dévoiler toute leur puissance, doivent‐ils nécessairement être intégrés à la stratégie
globale de l’entreprise ? Les différents canaux à disposition de l’entreprise sont‐ils liés ?
S’influencent‐ils les uns les autres ? Doivent‐ils s’articuler entre eux ? En poussant plus loin le champ
d’investigation, les médias sociaux sont‐ils les lieux les plus adaptés pour retrouver la confiance des
consommateurs et assurer, ainsi, la pérennité du développement commercial de l’entreprise ?
La formulation de la problématique reste très mercantile ; parler du consommateur au lieu de
l’utilisateur, c’est considérer que prendre en compte les aspirations de l’internaute n’a d’autre
finalité que de le faire consommer plus ou mieux. N’est‐ce pas rester dans la posture traditionnelle
du développement commercial, posture qui semble ne plus être aussi efficace qu’avant et ne plus
fonctionner avec les médias sociaux ? Il est nécessaire de dépasser cela, puisque l’individu,
désormais, demande de l’attention, de l’authenticité, un véritable engagement et de la valeur
ajoutée pour lui‐même, sous peine de passer son chemin. Partant du postulat que les médias sociaux
sont des outils, le terme « utilisateur » ou « usager » des médias sociaux est moins réducteur que le
terme « consommateur » et remet la personne en perspective, pour une meilleure appropriation de
ces nouveaux outils. Le terme « consommateur » sera néanmoins conservé quand il sera directement
lié à l’entreprise.
A l’heure où les personnes sont de plus en plus connectées et interconnectées, les entreprises
semblent avoir perdu la confiance de leurs partenaires au sens large : clients, prospects,
prescripteurs, salariés et fournisseurs sont à un clic de détourner leur attention. Dans un contexte
économique tendu, salariés et fournisseurs ne sont pas forcément la priorité à considérer.
L’important à très court terme est de considérer les consommateurs, qu’ils soient clients, prospects,
simples visiteurs ou prescripteurs et voir comment regagner leur confiance, susciter de nouveau leur
adhésion, réengager le contact, les fidéliser. Derrière le bruit lié à l’effervescence qui règne autour
des médias sociaux, l’objectif de ce travail est d’extraire les usages actuels que les entreprises
peuvent faire des médias sociaux pour créer de la valeur et générer du business en intégrant le point
de vue des utilisateurs de ces outils. En d’autres termes, les entreprises doivent‐elles être sociales, le
peuvent‐elles seulement ? Si oui, que doivent‐elles mettre en œuvre pour générer du business tout
en tenant compte du consommateur sans qui, désormais, rien ne semble pouvoir se faire ? En
première partie, sera défini le cadre des médias sociaux, des stratégies marketing et des relations
entre les deux, dans une orientation consommateurs. La deuxième partie focalisera sur des études
10. 9 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
de cas, au travers d’interviews et d’analyses. La troisième partie extraira la substantifique moelle des
interviews et analyses. Elle proposera les étapes clés par lesquelles une entreprise doit passer avant
d’organiser ou non une présence sur les médias sociaux, ainsi qu’une stratégie pouvant servir de
« guideline » dans l’élaboration de sa présence online. Elle tentera aussi de répondre à une question
très attendue par les entreprises : les médias sociaux peuvent‐ils générer du ROI ?
Les médias sociaux sont utilisés par un nombre croissant d’internautes. Ces utilisateurs sont des
dirigeants d’entreprise, des fournisseurs, des salariés, des clients, des prospects, des chercheurs, des
inventeurs, ou de simples visiteurs. Cela signifie que, potentiellement, ils n’impactent pas seulement
les services communication et marketing des entreprises, mais peuvent concerner ou, du moins,
influencer tous les services, à la différence des supports traditionnels de communication, ou des
canaux de distribution offline et online. Afin de creuser ce qui se joue avec tout cela, il a été
nécessaire de rencontrer un panel varié de praticiens, en entreprise, en agence ou en cabinet conseil,
tout en rencontrant des enseignants‐chercheurs, professeur et sociologue, et des utilisateurs à titre
personnel des médias sociaux, entreprises ou consultants, réfléchissant à l’éventuelle nécessité de
les intégrer dans leur stratégie ou celle de leurs clients. Le panel initial de l’enquête qualitative était
fixé à dix personnes. Il s’est élargi car la situation semblait beaucoup plus complexe qu’il n’y
paraissait. Par exemple, à la question « définissez‐moi les médias sociaux », beaucoup répondaient
« réseaux sociaux ». Ou bien, certains disaient utiliser les médias sociaux « pour faire comme tout le
monde » avec une page Facebook ou un compte Twitter, ou un compte LinkedIn, sans une réelle
stratégie pensée derrière ; pour d’autres encore, les médias sociaux étaient des outils d’aide au
référencement et, Google indexant désormais les conversations en ligne, c’est‐à‐dire les échanges
sur ces supports, les entretiens tournaient essentiellement autour de cela. Pouvait‐on réduire les
médias sociaux à ces quelques usages ? Et la place du consommateur dans tout cela ? Derrière le
bruit ambiant qui vente les mérites de Facebook et de Twitter et les définit comme les lieux où il faut
être impérativement, qu’on soit une petite, moyenne ou grande entreprise, peu importe le secteur
d’activité, et la course effrénée à un meilleur référencement, y a‐t‐il une réalité plus simple ou plus
complexe que celle‐là ? C’est ainsi que le panel a été élargi à vingt personnes, chacune ayant une
posture différente vis‐à‐vis des médias sociaux. Cette orientation qualitative frottée à plusieurs mois
de recherches et de lectures a permis d’extraire des visions convergentes, établies ou en devenir,
dont les entreprises pourront s’inspirer pour initier une réflexion qui leur est spécifique vis‐à‐vis des
médias sociaux et des pistes de réflexion quant à un développement pérenne de leurs activités, dans
un ressourcement et un renouvellement en profondeur parfois nécessaire de leur culture
d’entreprise.
Les médias sociaux ont pris leur envol auprès du grand public en 2005, avec l’émergence des blogs,
de l’Open Source et l’évolution de la technologie. Ce changement a donné beaucoup de pouvoir et
de liberté aux utilisateurs puisque, désormais, ils ne sont plus obligés de maîtriser le langage
technique d’internet pour créer et s’exprimer. Aux Etats‐Unis, ça commence à être implanté dans les
mœurs. En France, le niveau de maturité n’est pas le même et il n’est pas dit que les médias sociaux
puissent être adoptés par toutes les entreprises. C’est un vrai sujet de recherche qui nécessite de se
tenir en permanence à l’écoute des évolutions technologiques. Entre le début de ce travail de
recherche et mi‐février 2011, date de remise de la thèse, il y a eu beaucoup d’évolutions. Par
exemple, début 2010, on parlait peu du potentiel marketing et commercial du mobile : certains
commençaient à évoquer le paiement sur mobile, mais c’était en gestation. Entre temps, l’iPad a été
11. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 10
lancé, des concurrents d’Apple se sont positionnés sur les Smartphones qui viennent directement
concurrencer l’iPhone, la géolocalisation rentre peu à peu dans les mœurs, et, depuis quelques mois,
on commence à parler de réalité augmentée et de réalité diminuée, pour enrichir les expériences
clients via les mobiles. En un an, le nombre des utilisateurs de Twitter a été multiplié par 400,
Facebook a dépassé les 600 millions d’utilisateurs, et MySpace, l’un des précurseurs encore bien
implanté aux Etats‐Unis en février 2010 est maintenant officiellement à vendre, après avoir eu un
taux de fréquentation divisé par deux en à peine douze mois. A date, l’étude a tout son sens :
intégrer le client et ses nouveaux usages dans la réflexion des entreprises est d’actualité, au cœur de
la problématique de toutes les entreprises. Lorsque la problématique a été définie il y a 8 mois, tout
un chacun se préoccupait surtout de la façon d’utiliser Facebook ou Twitter comme supports de
communication, peu de personnes communiquaient déjà sur la nécessité d’intégrer le
consommateur, ses usages et ses envies au cœur des problématiques d’entreprise. En juillet dernier,
une parution de Paul Adams3, Senior User Experience Researcher chez Google, sur le fait que le
consommateur avait changé et que les comportements sur internet n’étaient pas les mêmes que
dans la vie réelle a été pour l’auteur un déclic : quel est ce consommateur, comment se comporte‐t‐
il, que recherche‐t‐il ? L’entreprise doit‐elle s’en préoccuper pour initier de nouvelles boucles de
réussite ? Il y a de grandes chances pour que, dans quelques mois, lorsque ces usages seront intégrés
comme des évidences dans les réflexions stratégiques et commerciales des entreprises, la
problématique telle que définie devienne obsolète. Tant mieux, car si une entreprise peut continuer
à vivre, c’est par une combinaison de facteurs internes et externes dont, le principal, avec la qualité
de travail des salariés, reste le consommateur. Comme le rappelle Joël Lebon lors de la session de
formation e‐business délivrée à l’Essec, dans le cadre du cursus MS Marketing Management 2010,
« le client est celui qui a l’actif pécunier de l’entreprise dans sa poche ». Il faut donc en prendre soin.
3
The Real Life Social Network http://www.slideshare.net/padday/bridging‐the‐gap‐between‐our‐online‐and‐offline‐social‐
network
12. 11 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
1. Médias sociaux, consommateurs et stratégie marketing
Qu’entend‐on par « médias sociaux » ? Le terme « médias » désigne les technologies du Web qui
permettent aux internautes de créer de l’information, participer, commenter et diffuser en temps
réel. Les outils sont notamment les blogs, les wikis, les plateformes de partage de photos, de partage
de vidéos, les réseaux sociaux, les flux RSS et autres outils de syndication Web.
Le terme « sociaux » désigne des interactions sociales, c’est‐à‐dire des liens d’échange et d’influence
réciproque. En sociologie, ce terme désigne un ensemble d’individus qui partagent des normes, des
valeurs, un code de conduite et une culture.
1.1 Les médias sociaux, qu'estce ?
1.1.1 Définitions des médias sociaux
Selon l’encyclopédie collaborative Wikipedia, l'expression « médias sociaux » recouvre les différentes
activités qui intègrent la technologie, l'interaction sociale et la création de contenu. Andreas Kaplan
et Michael Haenlein définissent les médias sociaux comme « un groupe d’applications en ligne qui se
fondent sur l’idéologie et la technologie du Web 2.0 et permettent la création et l’échange du contenu
généré par les utilisateurs ».
Pour Tara Hunt4, c’est une démarche de marketing et de management, dont l’objectif est de changer
fondamentalement et radicalement sa façon de communiquer, mais également de motiver ses
employés pour les impliquer dans le projet.
Brian Solis5 apporte une mise au point importante concernant les médias sociaux : « Social Media is
about sociology and psychology more than technology ».
Pour Frédéric Cavazza, spécialiste français des médias sociaux, « les médias sociaux désignent un
ensemble de services permettant de développer des conversations et des interactions sociales sur
internet ou en situation de mobilité »6.
Anthony J. Bradley, VP chez Gartner Research, précise ce qui différencie les médias sociaux d'autres
formes de communication :
4
« The Whuffie Factor », 2009
5
Brian Solis, spécialiste de renommée mondiale du Marketing digital, est par ailleurs fondateur du Social Media Club
6
http://www.mediassociaux.fr/2009/06/29/une‐definition‐des‐medias‐sociaux/
13. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 12
« Six core principles underlie the value of social‐media solutions, and, in combination, serve as the
defining characteristics that set social media apart from other forms of communication and
collaboration : participation, collective, transparency, independence, persistence, emergence »7.
En synthèse, les médias sociaux peuvent être définis comme les vecteurs online d’une démarche de
toute l’entreprise vers la conversation et l’interaction avec le client. En les opposant aux médias dits
traditionnels, « Social Media is the democratization of information, transforming people from content
readers into publishers. It is the shift from a broadcast mechanism, one‐to‐many, to a many‐to‐many
model, rooted in conversations between authors, people, and peers »8.
1.1.2 Catalogue
L’infographie ci‐dessous, non exhaustive du Web 2.0 réalisée par Ludwig Gatzke 9, illustre la diversité
de la scène du web 2.0 en général et des médias sociaux en particulier. Après avoir défini les médias
sociaux de manière conceptuelle, il est intéressant de les appréhender de manière pratique et
d’essayer de les énumérer et hiérarchiser.
7
http://blogs.gartner.com/anthony_bradley/2010/01/07/a‐new‐definition‐of‐social‐media/
8
http://briansolis.com/2010/01/defining‐social‐media‐the‐saga‐continues/
9
http://www.flickr.com/photos/stabilo‐boss/sets/72057594060779001/
14. 13 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
1.1.2.1 Réseaux sociaux
Les sites de réseaux sociaux sont l’essence même du web social et permettent de reproduire sur le
web les structures sociales et relations entre individus. Cela se concrétise par des sites avec un accès
restreint où chaque utilisateur possède un profil, les membres étant liés de manière directe ou à
travers des groupes. Ces plateformes proposent des services de messagerie, de partage et de
publication.
Exemples : Facebook, LinkedIn, Friendster, MySpace, Plaxo, Orkut, Copains d'avant, Viadeo
1.1.2.2 Blogs
Les blogs sont un outil de publication constitué de billets agglomérés. Les articles apparaissent par
ordre chronologique inversé, des tags permettant de les classifier. Le blog accueille des
commentaires externes nécessitant une modération. La publication des articles sur flux RSS est très
courante car elle est particulièrement bien adaptée au format du blog.
Exemples de plateformes de blog : Blogger, Wordpress.com, TypePad, Skyblog
Sur la blogosphère française et même européenne, le classement Wikio fait office de référence ‐
même si cela est parfois controversé ‐ pour mesurer la notoriété et l'influence des blogs10. Créé en
2006 par Pierre Chappaz11, Wikio est un portail et un service d'information dédié aux médias sociaux
et aux blogs. La spécificité du portail est de rechercher l'information dans les blogs, les sites
marchands et les sites de critique de consommateurs, en plus des sites web traditionnels.
On retrouve les poids lourds des blogs français : Journal d'un avocat de Maitre Eolas, Le Journal du
Geek, Technologies du Langage de Jean Véronis, Partageons mon avis, Presse‐citron, The Trendy
Girl, etc.
1.1.2.3 Microblogs
La concision est la valeur première des sites de microblogging. Ces services permettent la publication
de messages très courts, en 140 caractères maximum pour Twitter par exemple. La consultation est
ouverte à tous, sans nécessité de posséder un profil. Un système d'abonnements et d'abonnés
permet la création d'un véritable réseau social.
Exemples : Twitter, Google Buzz, Jaiku, Tumblr
10
www.wikio.fr/blogs/top
11
Ancien centralien, fondateur de Kelkoo et Pdg de Wikio
15. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 14
1.1.2.4 Forums
Les forums sont des espaces de discussion publics, dont la consultation est libre mais fréquemment
soumise à une inscription obligatoire pour y contribuer. Une modération active y est le plus souvent
indispensable. Le tout premier forum, le réseau Usenet, a ainsi donné naissance à la très fameuse loi
de Godwin énoncée dès 1990 : « As a Usenet discussion grows longer, the probability of a
comparison involving Nazis or Hitler approaches one » 12. Le juriste Mike Godwin avait déjà bien saisi
et résumé tous les excès passés et à venir sur les forums.
Exemples : Gaia Online, 4chan, MacRumors, Doctissimo
1.1.2.5 Wikis
Les wikis sont des bases de connaissance en ligne où les internautes rédigent et corrigent eux‐mêmes
le contenu : c'est l'essence même du web collaboratif. La modération est organisée de manière
pyramidale, avec différents niveaux d'autorité.
Exemples : Wikipedia, Wikia
1.1.2.6 Questions & Answers
Ces sites d'entraides sont proches du wiki sur leur approche collaborative. Le principe est légèrement
différent, puisqu’il s'agit de répondre à une question très précise et souvent technique plutôt que de
disserter sur un sujet de manière exhaustive.
Exemples : Stack Overflow, Yahoo Answer, Comment Ca Marche
1.1.2.7 Sites de partage de médias
Ces services en lignes permettent aux internautes de publier différents types de médias ou des liens
et liste de lectures vers des médias du site. Certains de ces sites offrent la possibilité de créer des
chaînes et des groupes.
Exemples vidéos : Youtube, Dailymotion, Vimeo
Images : Flickr, Picassa, Slideshare
Musiques : Deezer, Pandora, Last.fm
12
http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Godwin
16. 15 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
1.1.2.8 Sites de critiques consommateurs
A l’origine simples sites ou sections de sites où les consommateurs pouvaient exprimer et expliquer
les avantages et inconvénients d'un produit, les sites de critiques ont vu leur influence grandir. La
pertinence et la puissance croissante des moteurs de recherches ont permis aux internautes
d’accéder facilement à des critiques de quasiment n’importe quel produit ou service. Au fil du temps,
la recherche d’avis de consommateurs est devenue un réflexe et un préalable aux décisions d’achat
pour un nombre croissant d’internautes.
Exemples : Epinions, Customer Lobby, MouthShut.com, Looneo, Amazon, eBay
Ces sites représentent un secteur extrêmement intéressant et prometteur pour les entreprises
souhaitant utiliser les médias sociaux pour augmenter leur chiffre d’affaires sur Internet. La société
BazaarVoice ne s'y est pas trompée et s'est positionnée sur ce créneau dès 2005. Elle propose aux
entreprises des outils performants permettant de capturer, afficher et analyser les avis et critiques
consommateurs. C’est un acteur prometteur du secteur, peut‐être un acteur majeur d'ici quelques
années.
1.1.2.9 Bookmarking social
Le bookmarking social consiste à créer et partager des raccourcis vers les sites web. Cela peut être vu
comme l'évolution sociale des marques‐pages privés et locaux sur les browsers internet. Certains
sites comme Digg et Reddit sont spécialisés sur le bookmarking de l'actualité.
Exemples : Delicious, Google Reader, StumbleUpon, Digg, Reddit
1.1.2.10 Réseaux sociaux géolocalisés
Les réseaux sociaux géolocalisés tirent profit, d’une part, de la montée en puissance du web mobile
et, d’autre part, de la possibilité technique de localiser géographiquement les utilisateurs, par GPS
notamment. Les internautes étant de plus en plus sensibles au respect de la vie privée, il faut
interagir en bonne intelligence avec eux, sans être trop intrusif. Une offre promotionnelle de
proximité peut être perçue négativement comme procédant d’une surveillance toujours plus
importante que subissent les citoyens au quotidien.
La géolocalisation permet aux entreprises de jouer sur la proximité physique des internautes, ce qui
est une notion totalement révolutionnaire dans le monde du web. Jusqu’à présent, le web est peut‐
être l’incarnation la plus frappante de la globalisation. Les sites web peuvent être hébergés n’importe
où dans le monde, l’accès le plus rapide à un site n’emprunte pas forcément le chemin le plus court
du point de vue de la distance. Certes, les sites web ont cherché à personnaliser leur contenu en
fonction de la langue ou du pays, mais pas en fonction de la position géographique précise de
17. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 16
l’internaute. La géolocalisation sur le web mobile est certainement l’un des bouleversements
majeurs déjà en marche sur Internet.
Exemples : Foursquare, Facebook Places, Gowalla, Google Latitude
1.1.2.11 Jeux sociaux
Les jeux sociaux représentent un secteur en très forte croissance. Ces jeux reposent sur des
plateformes web et sont donc par nature online. Ils sont techniquement moins évolués que leurs
homologues sur console ou sur PC. Cette simplicité est aussi un atout. Loin des stéréotypes habituels
concernant les gamers, ces jeux sociaux séduisent de nouvelles populations, en particulier les
femmes13 . Début 2010, 23% des internautes français déclaraient avoir joué au moins une fois dans le
mois à un jeu social. De nombreux acteurs indépendants existent sur la scène du jeu social, on assiste
en revanche à une concentration de l’hébergement de ces jeux sur Facebook.
Exemples : Habbo Hôtel, FarmVille, Mafia Wars, Pet Society
1.1.2.12 Agrégateurs de médias sociaux
L'internaute possède couramment des comptes sur plusieurs médias sociaux. Au regard du nombre
de sites disponibles, on comprend le casse‐tête pour gérer sa vie sociale au quotidien. Des
agrégateurs de médias sociaux ont vu le jour pour faciliter la tâche des internautes. Un seul point
d’accès permet de se connecter et de publier sur plusieurs médias simultanément.
Exemples : Yoono, FriendBinder, FriendFeed
Ces supports, généralement gratuits, accueillent de manière privilégiée toutes formes de publicité,
bandeaux, affiliation, pop‐ups… c’est un eldorado à utiliser avec parcimonie et intelligence, pour que
l’entreprise ne soit pas vue comme intrusive et que sa façon de communiquer ou faire de la publicité
ne soit pas assimilée à du spam.
1.1.3 Une brève histoire des médias sociaux
Quelques précurseurs sur le web apparaissent à la fin des années 1990, dont quelques‐uns sont
toujours actifs (Epinions, Blogger). En l'occurrence, on peut considérer Six Degrees comme étant le
premier site moderne de réseau social en 2001, avec la création de profils et la possibilité de créer un
13
http://www.lightspeedresearch.com/press‐releases/jeux‐sociaux‐les‐femmes‐en‐raffolent/
18. 17 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
réseau entre utilisateurs. Wikipedia est le premier média qui fait appel à la contribution des
internautes pour alimenter son contenu, il naît aussi en 2001. En 2002, apparaissent Friendster et
Skyblog.
Le véritable envol des médias sociaux date des années 2003‐2006 qui correspondent au rebond de
l'économie après l'éclatement de la bulle internet. C'est à cette époque qu’il y a une véritable
explosion des médias sociaux, avec l’apparition notamment d’acteurs majeurs comme LinkedIn,
MySpace, Facebook, YouTube, Twitter, Flickr, et la démocratisation de l’usage des blogs.
La fin des années 2000 marque une concentration du secteur. YouTube est racheté par Google en
2006, MySpace décline et est mis en vente début 2011, Google et Facebook sont en concurrence
pour racheter Twitter en 2011.
1.1.4 Paysage en 2011
1.1.4.1 En chiffres
Le nombre d’utilisateurs de médias sociaux donne le vertige. L’infographie ci‐contre est significative
du phénomène de masse que sont les médias sociaux au niveau planétaire14 et permet de visualiser
chaque média social selon son nombre d’utilisateurs en 2010. Ainsi, en 2010, on parle de plus de 500
millions d’utilisateurs de Facebook, de plus de 100 millions d’utilisateurs de Twitter, Orkut et
Friendster dans le monde.
Sur la zone française, selon l’Observatoire des Usages Internet (OUI) d’août 2010 de Médiamétrie,
20,3 millions d’internautes sont inscrits sur un site communautaire et 8 millions déclarent s’y rendre
quotidiennement. Près de 8 internautes sur 10 (79,9%) déclarent vouloir rester en contact avec leurs
amis et 76,2% disent vouloir reprendre contact avec d’anciennes connaissances. Ces motivations,
identiques à celles de 2009, montrent que c’est le lien social qui fait le succès des médias sociaux.
Autre point important, le pouvoir de la recommandation sur ces nouveaux espaces, puisque plus de
la moitié des usagers (54,4%) lisent l’avis des internautes pour préparer leurs achats, 6,9 millions
déclarent acheter un produit suite aux recommandations des internautes et 7,5 millions affirment
pouvoir y renoncer suite à des avis négatifs d’autres personnes inscrites.
Le chiffre d’affaires du e‐business français représente à peine la moitié de celui réalisé au Royaume‐
Uni (25 milliards contre 56). Tout cela montre les marges de progression que les entreprises
françaises peuvent réaliser sur le e‐business, sans parler des médias sociaux. L’importance de ces
marges de progression laisse supposer que peu d’entreprises encore sont prêtes à franchir le pas du
numérique. Vont‐elles cependant se laisser séduire par les médias sociaux et les opportunités qu’ils
ouvrent ?
14
http://www.flowtown.com/blog/the‐2010‐social‐networking‐map
20. 19 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
1.1.4.2 Répartition géographique
Vincenzo Cosenza réalise tous les six mois depuis juin 2009 une cartographie des réseaux sociaux par
zone géographique15. Les données utilisées proviennent de Google Trends et d’Alexa. La dernière
cartographie date de décembre 2010. Comme on peut le voir ci‐contre, l’évolution entre juin 2009 et
décembre 2010 nous montre que Facebook a continué à étendre son hégémonie sur l’ensemble du
globe. On note aussi qu’il y a eu un phénomène de concentration des réseaux sociaux. Alors qu’il y
avait 17 réseaux sociaux différents à être leaders dans au moins un pays en 2009, ce nombre est
tombé à 11, fin 2010. Les multiples acteurs qui font la diversité du web ont diminué non pas en
nombre mais en influence sur cette période.
Facebook ne doit cependant pas être l’arbre qui cache la forêt. Deux réseaux sociaux progressent
très fortement en 2010, Twitter, le site de micro‐blogging, qui devient le deuxième réseau social au
monde, suivi de LinkedIn, réseau professionnel. Le tableur ci‐dessous nous fait aussi apparaître des
spécificités locales, notamment Skyblog qui représente le deuxième média social en France.
Concernant la répartition géographique hétérogène, l’un des facteurs les plus importants est la
langue dans laquelle les sites sont disponibles. Twitter ne proposait que trois langues jusqu’à début
2010, l’anglais, l’espagnol et le japonais16. Ceci explique pourquoi le démarrage de Twitter a été tardif
en France. Au Brésil, Orkut a été proposé en brésilien très tôt et est devenu le réseau social leader.
On retrouve le même phénomène en Russie et en Chine, avec un réseau spécifique à chaque pays.
15
http://www.vincos.it/world‐map‐of‐social‐networks/
16
http://blog.twitter.com/2009/10/coming‐soon‐twitter‐in‐more‐languages.html
22. 21 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
1.1.4.3 Vers un monopole de Facebook ?
2010 aura marqué l’avènement de Facebook avec plus de 600 millions d’utilisateurs désormais. La
sortie d’un film sur l’histoire de Facebook est d’ailleurs significative : Facebook fait désormais
tellement partie intégrante du paysage que l’on peut en faire une biographie. Le passage du statut
d’outsider à celui de leader a été fulgurant.
Il est à noter que tous les sites de médias sociaux n’ont pas connu le même essor. MySpace, le plus
grand réseau social en 2005, est sur le déclin. A tel point que News Corporation, le groupe de médias
de Rupert Murdoch, a confirmé début février 2011, qu'il était à la recherche d'un nouveau
propriétaire pour le réseau social MySpace. Delicious, site de social bookmarking très prometteur, a
vu sa fermeture annoncée sur Tech Crunch en décembre 201017. S’oriente‐t‐on vers une situation
monopolistique sur les réseaux sociaux par Facebook ? La décennie 2010‐2020 verra peut‐être la
consécration de cette société. Et l’on ne peut d’empêcher de faire un rapprochement avec Microsoft
dans les années 1990‐2000, puis Google dans les années 2000‐2010.
Sir Timothy John Berners‐Lee, considéré comme étant le créateur du World Wide Web, porte un
regard très critique sur les réseaux sociaux et y voit un danger pour le futur de l’internet :
« The web evolved into a powerful, ubiquitous tool because it was built on egalitarian principles. The
web as we know it, however, is being threatened in different ways. Some of its most successful
inhabitants have begun to chip away at its principles. The more you enter, the more you become
locked in. Your social networking site becomes a central platform – a closed silo of content, and one
that does not give you full control over your information in it. The more this kind of architecture gains
widespread use, the more the web becomes fragmented, and the less we enjoy a single, universal
information space. » 18
La critique porte sur le contrôle des informations liées à la vie privée, mais surtout sur le fait que
Facebook pourrait devenir à lui seul une portion autonome du web, avec un effet de concentration
encore plus important que Google. En effet, Google ne fait qu’indiquer où se trouve l’information
alors que Facebook héberge, voire possède l’information. Sir Timothy John Berners‐Lee craint que le
web, par sa propagation, devienne un lieu de silos, dans lequel chaque plateforme est indépendante,
et non plus interdépendante.
17
http://techcrunch.com/2010/12/16/is‐yahoo‐shutting‐down‐del‐icio‐us/
18
http://www.guardian.co.uk/technology/2010/nov/22/tim‐berners‐lee‐facebook
23. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 22
1.2 Pratiques et usage des médias sociaux
1.2.1 Les codes à respecter
Le monde du web 2.0 se veut libertaire. Chaque internaute peut donner son avis et être écouté :
c’est l’avènement des anonymes et des « petites gens » qui peuvent rivaliser avec les grandes
machines commerciales. Les entreprises, même si elles sont dominantes sur Internet, ne sont pas
spontanément les bienvenues et sont facilement sujettes à des sentiments de rejets. Le phénomène
« United breaks guitars » l’illustre parfaitement. Une des guitares de Dave Caroll, chanteur peu
connu de country music, a ainsi été victime de mauvais traitement de la part de la compagnie United
Airlines lors d’un vol entre Halifax et Chicago en 2008. Devant la mauvaise volonté de la compagnie à
rembourser les dommages, Dave Caroll compose trois chansons humoristiques relatant l’épisode et
les poste sur YouTube19. C’est un buzz absolu, les vidéos sont visionnées plus d’un million de fois.
L’image d’United Airlines en pâtit fortement et certains vont même jusqu’à quantifier l’impact de ce
buzz sur le cours de l’action.
De même que Tim O’Reilly a proposé un code de conduite pour les blogueurs en 2007 20 , les
entreprises ont un code de conduite bien spécifique à respecter sur les médias sociaux.
Parmi les incontournables :
‐ Etre généreux : l’entreprise doit apporter une plus‐value aux internautes, en partageant et
rendant service.
‐ Rester humble et authentique : la conversation via les médias sociaux est compliquée car moins
contrôlable.
‐ Avoir une approche transversale : les médias sociaux sont aujourd’hui interconnectés et rentrent
dans le cadre d’une stratégie d’entreprise globale.
‐ Susciter la conversation, en demandant des avis à la communauté et en écoutant honnêtement
les réponses.
‐ Etre dans le temps‐réel : il s’agit de tenir à jour en permanence sa présence et de répondre
rapidement pour créer une véritable conversation.
‐ Penser long‐terme : les médias sociaux sont un processus.
A éviter :
‐ Mentir ou tricher : de faux interlocuteurs ou fausses conversations sont rapidement démasqués,
ce qui implique une perte de confiance immédiate, pour ne pas dire définitive.
‐ Etre ennuyeux : la concurrence est ardue et la somme d’informations est énorme sur le web
social, le message doit donc être percutant pour sortir du lot.
‐ Etre centré sur son produit et son offre uniquement : il faut proscrire l’information descendante
et la publication de communiqués « one shot ».
‐ Avoir une démarche commerciale agressive. L’entreprise doit d’abord se faire accepter et
respecter, avant de proposer ses produits, si elle veut une relation pérenne avec ses
consommateurs sur les médias sociaux.
19
http://www.youtube.com/watch?v=5YGc4zOqozo
20
http://radar.oreilly.com/archives/2007/03/call‐for‐a‐blog‐1.html
24. 23 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
1.2.2 La montée en puissance du web mobile
Les réseaux sociaux tirent parti de l'importance grandissante des plateformes mobiles sur Internet, et
en particulier sur les réseaux sociaux. En janvier 2009, en moyenne 20% des accès aux réseaux
sociaux l’étaient via le mobile. En janvier 2010, ils représentaient 30%. Pour Twitter, l'accès mobile
est particulièrement adapté et représente 80% des accès. Pour Facebook, l'accès mobile pèse 30%.
La tendance mobile est bien installée et les chiffres parlent d’eux‐mêmes : de 2009 à 2010, Facebook
a doublé ses accès mobiles tandis que Twitter les a quadruplés21 !
Deux facteurs technologiques concomitants ont favorisé la croissance du web mobile. Le premier est
la démocratisation de l’accès rapide au web sur des plateformes mobiles. Les offres 3G, mêmes si
elles restent encore coûteuses, ne sont plus l’apanage d’une minorité. Il faut noter que l’accès au
web sur les plateformes 3G est encore bridé au niveau des services notamment pour des raisons
commerciales. Ainsi, Skype n’est pas autorisé par les opérateurs sur les offres 3G en France. Le
second facteur est l’offre crédible de terminaux mobiles d’un point de vue ergonomie et
performance. Même si là encore certaines technologies du web sont bridées comme par exemple le
flash sur l’iPhone, force est de constater que le couple 3G / Smartphone permet, en 2011, d’accéder
et d’utiliser toute la puissance du web. Que de chemin parcouru depuis les premières tentatives de
web mobile sur les téléphones portables avec le WAP22 !
1.2.3 Le profil des internautes sur les médias sociaux
Peut‐on comprendre les besoins du consommateur et ses motivations ? Pourquoi les gens
s’engagent‐ils sur les médias sociaux, au détriment, parfois, de la protection de leur vie privée ? Dans
leur relation aux produits et services qu’ils consomment, quelle expérience sociale recherchent‐ils
avec les marques ?
Beaucoup de sociétés d’études se penchent sur les pratiques et usages du web par les internautes.
Les chiffres peuvent différer d’une étude à l’autre, il est intéressant de prendre en compte ceux
réalisés par des sociétés spécialisées, qui observent les tendances sur un large panel depuis plusieurs
années. Même si ces chiffres sont relatifs, ils donnent quelques clés de compréhension de ce qui se
joue sur les médias sociaux. Le rapport Forrester « A global update of Social Technographics »
s’appuie sur la participation de plus de 275.000 personnes en Asie Pacifique, Europe et Amérique du
Nord pour dresser un état des lieux de l’adoption des technologies du web social depuis 2007.
21
http://www.informationweek.com/news/hardware/handheld/showArticle.jhtml?articleID=223101506
22
Décembre 1997
25. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 24
Jacqueline Anderson et Josh Bernoff, les auteurs de ce rapport, ont ainsi mis au point une échelle de
participation aux médias sociaux, qui mesure le niveau d’engagement des internautes sur ces
nouveaux espaces :
‐ Les « créateurs » : ils produisent du contenu (articles, blogs, vidéos, photos ou musiques, sites
personnels) ;
‐ Les « conversationnistes » : ils mettent leur statut à jour sur les réseaux sociaux où ils sont
inscrits ou utilisent Twitter ;
‐ Les « critiques » : ils testent des produits via des sites dédiés, publient des avis sur les sites de e‐
commerce, commentent les billets des blogs, contribuent dans des forums, ou participent à
l’enrichissement de wikis ;
‐ Les « collectionneurs » : ils ont des flux RSS, participent à des votes en ligne, ou ajoutent des
« tags » sur des pages web ou des photos ;
‐ Les « joiners » : ils ont un compte ouvert sur un réseau social, visitent des réseaux sociaux, sans
participer ;
‐ Les « spectateurs » : ils lisent des blogs, forums ou avis de consommateurs, écoutent des
podcasts, ou regardent des vidéos conçues par d’autres.
En France, trois chiffres sont à retenir : 11% sont des « créateurs » de contenus sociaux (et donc des
influenceurs). 19% sont « critiques » et 52% sont des « spectateurs », ce qui veut dire que les
internautes sont très friands de médias sociaux, mais en tant que consommateurs de contenu. Cette
échelle de participation signifie que, si une marque veut s’intégrer sereinement sur les médias
sociaux, elle doit identifier précisément où sont les influenceurs et les lieux de convergence des
discussions sur son secteur ou des thématiques qui lui sont proches, c’est‐à‐dire les lieux à forte
audience où elle peut être créatrice de valeur pour les utilisateurs, sans négliger, si son activité le
permet, de soumettre à l’avis et aux tests des consommateurs ses produits ou services. Privilégier les
plateformes existantes lui permet, dans un premier temps, de tester et adapter. A l’heure où les
internautes se regroupent de plus en plus en silos, par centres d’intérêt, cette posture lui donnera
une visibilité et une aura suffisantes pour tenter de créer peu à peu une communauté qui fédère les
« spectateurs ».
1.2.4 Usages des médias sociaux
Le bouche‐à‐oreille (recommandations, notation de produits, participation à des forums) est
important sur le net et oriente sensiblement le choix des intéressés. L’étude Nielsen « 2009 Global
online Survey » montre l’importance du bouche‐à‐oreille et de la recommandation, puisque 90% des
personnes interrogées font premièrement confiance aux recommandations de personnes connues et
70% d’entre elles font confiance aux opinions de consommateurs postées en ligne. Cette étude
montre aussi que 70% des personnes interrogées font confiance au site institutionnel d’une marque,
ce qui montre que les entreprises ne doivent pas délaisser leur site corporate au profit de nouveaux
outils tels que les blogs, les forums ou les wikis.
26. 25 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
Le Global Web Index est une cartographie réalisée sur un panel de 32000 usagers du web dans 16
pays en janvier 2010, dont la France. Selon ce panel, les motivations principales des internautes
français pour utiliser les médias sociaux sont :
‐ pour 45% garder le contact avec leurs amis et famille ;
‐ pour 36% faire des recherches sur les produits/services qu’ils souhaitent acheter ;
‐ pour 36% aussi savoir comment faire les choses et rester informés.
D’après cette étude, 4% des internautes disent avoir été contactés par une entreprise lorsqu’ils
parlent d’elle sur Twitter et 9% pensent que les entreprises ne tiennent pas compte des
commentaires laissés par les internautes. La faiblesse de ces chiffres laisse supposer que la plupart
des entreprises n’ont pas encore véritablement de stratégie de veille et d’écoute sur le web.
Paradoxalement, les internautes interrogés ont une vision plutôt positive de l’engagement des
entreprises sur les médias sociaux, puisque pour 28% d’entre eux, une marque présente sur le web
construit un espace de conversation avec ses clients. 29% pensent que les marques sont sur les
médias sociaux pour faire de la publicité ciblée, grâce à du marketing comportemental ou du
profilage. Ces chiffres révèlent que les internautes ne savent pas encore bien se positionner par
rapport aux entreprises.
Ils sont extrêmement sensibles au fait de se faire manipuler ou pas. En 2005, sous l’impulsion d’une
agence de communication traditionnelle, Vichy ouvre « Le Journal de ma peau », un blog qui essaie
de se faire passer pour le journal d’une internaute dénommée Claire. Une vingtaine de vrais
bloggeurs démasquent l’imposture. En l’absence de réponse de l’entreprise, plusieurs médias
traditionnels de renom relaient l’information (CBNews, Stratégies, Le Monde), ce qui pousse la
marque à se positionner. Delphine, la chef de produit, intervient, s’explique et s’excuse en précisant
qu’elle a compris la leçon. Elle redonne les objectifs du blog et son besoin d’échanger avec les
consommatrices de la marque23. Au bout de quelques mois, le blog ne décolle pas. Il est finalement
mis en sommeil pour devenir un site corporate un an après. Si l’on regarde le site tel qu’il existait en
2005, l’information est descendante, Vichy sollicite les échanges, mais ne donne pas suffisamment
d’éléments aux internautes pour intervenir et se sentir impliqués. Sans doute parce que la marque
n’a pas tenté de s’appuyer sur une communauté existante et a ouvert un blog « dans la nature »,
imaginant peut‐être que les internautes viendraient naturellement commenter. Partir comme cela
est un facteur‐clé d’échec, à moins d’avoir une marque ou un produit suffisamment puissants pour
susciter l’attachement et l’adhésion immédiats. Une analyse de l’écosystème de la marque et une
définition de son ADN lui aurait peut‐être permis de réaliser que le blog n’était peut‐être pas l’outil le
mieux adapté au lancement du produit Peel Abrasion, si innovant soit‐il. Clairement, l’objectif n’était
pas de fédérer une communauté autour de la marque, mais donner envie d’acheter un produit. Par
la suite, Vichy a fait le choix de mettre le produit à tester sur des sites dédiés comme beauty‐
experts24, ce qui semble plus adapté aux objectifs initiaux de la marque : faire parler d’un produit
innovant pouvant susciter des demandes d’information complémentaires. Que démontre cette
histoire ? Que la communication descendante n’a pas lieu d’être sur les médias sociaux et que les
conséquences peuvent être irrémédiables sur internet et perdurer dans le temps (six ans après, les
23 http://web.archive.org/web/20060709050740/www.journaldemapeau.fr/blog/2005_05/
24 http://www.beauty‐experts.com/htm/produit/produit.asp?id_produit=37115
27. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 26
traces de la première version du blog et du mauvais passage de 2005 sont toujours visibles sur
internet). Le blog aurait pu être une bonne idée mais il n’est pas dit que Delphine et son agence
savaient où se trouvaient les consommateurs de produits similaires, ou la communauté Vichy.
Un exemple récent de moindre envergure mais tout aussi révélateur du manque de prise en compte
des clients pour eux‐mêmes par les entreprises est celui de l’ardoise tactile. En novembre 2010, il y a
eu un teasing pendant plusieurs jours sur une ardoise tactile, avec création d’un site web, vidéos de
démonstration et interviews à l’appui. La promesse de la révélation faisait rêver : ton décalé, micros‐
trottoirs filmés, site conçu comme un site de promotion de produit. Quelle ne fut pas la déception
des internautes, lors de la chute : « Notre fabuleux produit qui change la vie ne nous semble plus si
révolutionnaire que ça… Nous vous conseillons plutôt de vivre une vraie expérience avec le premier
SmartIpad selon Samsung ». Certes, c’était une merveilleuse façon d’annoncer le lancement du
Galaxy Tab de Samsung, créative et humoristique, mais la révélation était en totale rupture avec le
teasing. Et les marketeurs n’ont pas réagi aux déceptions, ils ont laissé la page Facebook vacante
après la révélation du teasing, dès que les critiques ont jailli. Effet raté d’autant plus déconcertant
qu’une nouvelle page a été créée qui reste « ardoise tactile », mais qui vante les mérites du Galaxy
Tab. La page initiale a été séparée de celle‐ci, mais reste accessible en lien.25 C’est un défaut de
communication de Samsung qui s’est peut‐être privé d’une nouvelle clientèle, fan du ton décalé de
sa campagne de teasing et qui, très certainement aurait généré un bouche‐à‐oreille positif,
permettant ainsi de démultiplier les ventes et toucher une clientèle nouvelle.
Un autre aspect des usages des médias sociaux est l’utilisation croissante des plateformes mobiles. Il
est intéressant de constater que la croissance du web mobile s’est effectuée au profit des médias
sociaux. Une étude publiée par l’agence Ruder Finn en février 2010 confirme bien la préférence des
utilisateurs pour les terminaux mobiles quand il s’agit de « socialiser »26. Cette agence a par ailleurs
réalisé un travail remarquable en définissant et mesurant le Ruder Finn’s Mobile Intent Index. Les
motivations et les raisons pour lesquelles les gens utilisent leur mobile sont expliquées : c’est le
caractère instantané de ce média qui est le plus important. Les utilisateurs peuvent à tout moment
se connecter immédiatement et ce, avec une perspective de très court terme principalement pour
s’informer, socialiser ou se divertir, c’est le « Super Fresh Web ». A contrario, l’étude montre que
l’utilisation de terminaux traditionnels immobiles est privilégiée pour l’apprentissage avec une
perspective de plus long terme27 :
25
http://www.ardoisetactile.com/, http://www.youtube.com/user/ArdoiseTactile
26
http://www.prnewswire.com/news‐releases/new‐study‐shows‐intent‐behind‐mobile‐internet‐use‐84016487.html
27
http://www.intentindex.com/mobile et http://www.intentindex.com/
28. 27 médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ?
Les usages des médias sociaux sont nombreux et complexes, cela n’a plus rien à voir avec ce que les
clients faisaient offline ou sur un site internet. Là, les interactions sont nombreuses et il n’y a plus de
profil type du consommateur. Internet est devenu la caisse de résonance de l’expression du
consommateur. Et si les entreprises doivent en comprendre les mécanismes avant de se lancer dans
l’aventure, elles ne doivent cependant pas abandonner l’existant (le site corporate notamment) pour
ne se concentrer que sur les médias sociaux.
Enfin, surfer sur les forums ou les blogs, ou même les pages Facebook, révèle que, au final, ce sont
plus ou moins toujours les mêmes personnes qui commentent et créent du contenu, malgré un
nombre important de visites par jour. Cette réalité complexifie la tâche des entreprises. En effet, à
moins d’être une marque forte qui sollicite spontanément l’adhésion de ses fans, à la manière
d’Apple ou de Harley Davidson, une entreprise doit susciter l’intérêt. Face au nombre croissant de
contenu disponible sur internet, l’entreprise doit réinventer sa relation avec ses clients. Ceux‐ci ne
croient plus dans les publicités (14% seulement y croient selon Eric Qualman, auteur de
Socialnomics). Comment les entreprises font‐elles pour développer une stratégie marketing efficace,
adaptée aux médias sociaux, qui prenne en compte les attentes du consommateur ? Doivent‐elles
penser deux stratégies différentes ? Quels sont les points communs entre une stratégie marketing
traditionnelle et une stratégie qui serait dédiée aux médias sociaux ? Peut‐on les séparer l’une de
l’autre ?
29. médias sociaux, une révolution pour l’entreprise ? 28
1.3 Comment les entreprises développent une stratégie marketing
Le rôle du marketing est de créer de la valeur, si possible supérieure à celle des concurrents. Il y a
quelques années, Philip Kotler, l’un des spécialistes les plus réputés du marketing, notait : « Le père
du marketing, c’est l’économie. La mère, c’est les sciences sociales. Le grand‐père, c’est les
mathématiques et la grand‐mère, la philosophie. » Le marketing n’est donc pas une science figée
pour atteindre ses objectifs et servir la stratégie de l’entreprise, il doit s’adapter à la réalité
économique et intégrer des éléments de sociologie pour arriver à proposer l’équation la mieux
adaptée entre la réalité de l’entreprise d’une part et la réalité du marché d’autre part. Cela lui
permet d’être percutant tout en gardant la rigueur des méthodologies et indicateurs de
performance.
1.3.1 Stratégie Marketing traditionnelle
La stratégie marketing est le champ d’application dans lequel vont être définies les actions qui vont
conduire l’entreprise à faire connaître ses produits et services, et donc générer du profit, créer de la
valeur. Elle peut se décliner en trois niveaux : groupe, domaine d’activité, niveau fonctionnel. En
préalable, l’entreprise réalise des études qualitatives ou quantitatives, analyse les retours clients en
termes d’image, de notoriété, ou de qualité de service clients. Ces études sont essentielles pour
adapter l’offre de l’entreprise aux attentes du marché. Theodore Levitt28 disait : « Le marketing est
une conception de la politique commerciale qui part du principe que la fonction fondamentale des
entreprises consiste à créer une clientèle et à la conserver, ce qui permet aux entreprises d’exploiter
au maximum toutes les ressources dont elles disposent. »
Traditionnellement, la stratégie marketing s’articule en quatre phases : analyse stratégique,
détermination des objectifs, mise en place du marketing opérationnel par l’élaboration du mix
marketing, et enfin plan d’action.
En phase un, c’est l’analyse stratégique. Cette phase de diagnostic commence par une analyse
interne et externe de l’entreprise et des études consommateurs. L’entreprise fait le bilan des actions
passées et recense son capital en termes de moyens humains et financiers, image de marque telle
que définie par l’entreprise et telle qu’elle est perçue par les salariés et les consommateurs,
notoriété. Selon des techniques précises, l’entreprise analyse aussi la force de la concurrence, la
législation en vigueur et ses éventuelles évolutions, les ressources acquises et la rentabilité de
chaque segment. Par une matrice SWOT par exemple, l’entreprise va fixer les grandes orientations
de sa stratégie, après avoir fait le bilan des actions passées.
En phase deux, la déclinaison de cette stratégie se fait par la définition d’objectifs clairs, qualitatifs et
quantitatifs, une segmentation du marché si possible homogène, ainsi qu’une définition des priorités,
de l’image de marque et du positionnement.
28
Economiste américain, professeur à la Harvard Business School. A popularisé le terme « globalisation ».