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Aux termes de son rapport spécial 19/2022, la Cour européenne des comptes, qui a examiné la
procédure de passation des contrats d’achat des vaccins anti COVID19 par la Commission
européenne, relève :
«Les éléments essentiels ont été convenus au cours des négociations préliminaires,
avant la procédure d'appel d'offres
35 Nous avons analysé la procédure d'appel d'offres pour en déterminer l'incidence
sur le contenu des contrats. Un comité d'évaluation composé de cinq à 23 personnes
au plus, de la Commission et du comité de pilotage, a établi des rapports d'évaluation
sur les dossiers soumis par les fabricants en réponse à l'appel d'offres. Nous avons
constaté que, pour les neuf premiers contrats, l'appel d'offres n'avait rien ajouté à ce
qui avait été convenu de manière informelle concernant les points cruciaux dans les
«listes de conditions».
36 Premièrement, les fabricants de candidats vaccins et l'équipe conjointe de
négociation s'étaient entendus sur des éléments essentiels des futurs contrats
(notamment les prix, les quantités et la responsabilité civile) au cours des
négociations préliminaires. Ce n'est qu'une fois ces éléments convenus que l'appel
d'offres avait été lancé, comme en atteste le peu de temps écoulé entre l'appel d'offres
et la date limite de soumission des dossiers d'offres (10 jours).
37 Deuxièmement, nous avons constaté que l'un des critères d'évaluation n'avait pas
été actualisé de manière à tenir compte de l'évolution de la situation. Le critère 1.1,
«Feuille de route pour le démarrage des essais cliniques en 2020», avait été défini à
la mi-2020 pour pouvoir juger de la fiabilité de l'intention des candidats de démarrer
les essais cliniques rapidement. Les appels d'offres lancés en décembre 2020 et en
janvier 2021 comprenaient encore ce critère en dépit du fait que les évaluateurs
jugeaient les entreprises sur leurs performances passées plutôt que sur les réalisations
escomptées.
38 Troisièmement, l'évaluation des offres ne portait pas sur les risques liés à la
chaîne d'approvisionnement et au procédé de fabrication, susceptibles de donner lieu
à des problèmes de livraison: la corrélation entre les notes données et la manière dont
la livraison s'est déroulée par la suite est faible. Environ 40 % des points qui
pouvaient être attribués aux fabricants dans le cadre de l'appel d'offres concernaient
directement leurs capacités de production (voir tableau 2). Les six entreprises ayant
signé des contrats avec la Commission en 2020 se sont vu attribuer au moins la
moitié des points pour chaque critère, et quatre d'entre elles ont obtenu le maximum
de points pour le critère concernant les capacités de production dans l'UE.
(…)
Nous n'avons reçu aucune information sur les négociations préliminaires pour le
plus important contrat de l'UE
48 À la mi-mars 2021, le comité de pilotage a convenu d'organiser une réunion
avec des conseillers scientifiques de l'Union et des États membres, consacrée aux
aspects scientifiques de la stratégie concernant les vaccins pour 2022. Une telle
réunion n'a jamais eu lieu. Au cours du mois de mars 2021, la présidente de la
Commission a mené les négociations préliminaires ayant pour objet un contrat
avec Pfizer/BioNTech. Il s'agit du seul contrat pour lequel l'équipe conjointe de
négociation n'a pas participé à cette étape des négociations, contrairement à ce
que prévoit la décision de la Commission relative à l'acquisition de vaccins
contre la COVID-19. Le 9 avril 2021, la Commission a présenté au comité de
pilotage les conditions négociées entre la présidente de la Commission et
Pfizer/BioNTech, et le comité de pilotage a convenu de lancer un appel d'offres.
Le contrat, signé le 19 mai 2021 (voir tableau 1), porte sur la livraison de 900
millions de doses de vaccins en 2022 et en 2023, avec la possibilité de
commander 900 millions de doses supplémentaires. C'est le contrat de
fourniture de vaccins contre la COVID-19 le plus important que la Commission
a signé, et il dominera le portefeuille de vaccins de l'Union jusqu'à la fin de
2023.
49 Nous avons demandé à la Commission de nous fournir des informations sur les
négociations préliminaires relatives à ce contrat (les experts scientifiques consultés et
les conseils reçus, le calendrier des négociations, les procès-verbaux des discussions
et le détail des modalités convenues). Notre requête est restée sans suite.
50 Qui plus est, la Médiatrice européenne s'est saisie, le 16 septembre 2021, de la
question distincte du refus de la Commission européenne d'accorder un accès public
à des messages SMS échangés entre la présidente de la Commission et le président
directeur général de Pfizer au moment où se tenaient les négociations préliminaires.
Dans son rapport du 26 janvier 2022, elle estime que la manière dont la Commission
a traité la demande qui lui était faite constitue un cas de mauvaise administration, et
elle recommande à la Commission de «[…] renouveler sa recherche de SMS. »
Il en résulte que, pour ce qui concerne le troisième contrat conclu avec Pfizer/BioNTech pour
900 millions de doses initiales de vaccins et 900 millions de doses supplémentaires, c’est-à-
dire pour le contrat le plus important dans son ampleur et dans les coûts engagés pour le
compte des Etats membres,
- La Présidente de la Commission européenne n’a pas respecté la procédure de
passation des contrats spéciale fixée par le Conseil au début de la crise sanitaire,
- La Présidente de la Commission européenne a négocié seule, sans en référer au comité
de pilotage,
- La Présidente de la Commission européenne a imposé les conditions contractuelles
négociées en amont et avant l’appel d’offres
- La Présidente de la Commission n’a pas fourni à la Cour des comptes, les informations
relatives aux négociations préliminaires relatives à ce contrat,
- La Présidente de la Commission n’a pas donné accès, ni à la Médiatrice européenne,
ni à la Cour des comptes européenne, à ses échanges avec le Président de la société
Pfizer, durant les négociations préliminaires, par messages textes.
Le Parquet européen est compétent pour « rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les
auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de
l’Union qui sont prévues par la directive (UE) 2017/1371 et déterminées par le présent
règlement. À cet égard, le Parquet européen diligente des enquêtes, effectue des actes de
poursuite et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres
jusqu’à ce que l’affaire ait été définitivement jugée » par application des dispositions de
l’article 4 du Règlement de l’UE n°2017/1939.
Aux termes de la Directive 2017/1371, en son article 3 :
« Fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union
2. Aux fins de la présente directive, les éléments suivants sont considérés comme étant
une fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union:
b) en matière de dépenses relatives aux marchés publics, à tout le moins en vue,
pour son auteur ou une autre personne, de réaliser un gain illicite en causant un
préjudice aux intérêts financiers de l'Union, tout acte ou omission relatif:
i) à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux,
inexacts ou incomplets, ayant pour effet le détournement ou la rétention
indue de fonds ou d'avoirs provenant du budget de l'Union ou des budgets
gérés par l'Union ou pour son compte;
ii) à la non-communication d'une information en violation d'une obligation
spécifique, ayant le même effet; ou
iii) au détournement de tels fonds ou avoirs à des fins autres que celles pour
lesquelles ils ont été initialement accordés, qui porte atteinte aux intérêts
de l'Union; »
Les analyses, observations et constatations de la Cour des comptes européenne permettent de
soupçonner la commission d’une infraction relevant de la mission du Parquet européen et plus
particulièrement ce qui s’apparente à une possible corruption ou à un trafic d’influence.
Les conditions de la compétence matérielle, territoriale et personnelle du Parquet européen
sont, par ailleurs, remplies.
Le soupçon qui pèse sur la Présidente de la Commission européenne est d’autant plus sérieux
que la presse a révélé (Le Monde du 16 janvier 2021 à 12 h, article publié sur internet « Ce
que disent les documents sur les vaccins anti-Covid19 volés à l’Agence européenne des
médicaments » de Lise Barnéoud) :
« Le 19 novembre, un haut responsable de l’EMA évoque également une conférence
téléphonique avec la Commission européenne qui se serait tenue dans « une atmosphère
plutôt tendue, parfois même un peu désagréable, qui donne une idée de ce que à quoi
l’EMA peut s’attendre si les attentes ne sont pas satisfaites, que ces attentes soient
réalistes ou non ». Le lendemain, dans un échange avec l’Agence danoise du
médicament, le même responsable se dit surpris qu’Ursula von der Leyen, présidente de
la Commission européenne, ait « clairement identifié les deux vaccins qui pourraient
être approuvés avant la fin de l’année [Pfizer-BioNTech et Moderna]. Il y a encore des
problèmes avec les deux », souligne l’agent. »
Au regard des sommes en jeu, des anomalies, voire des fautes commises par la Présidente
dans le cadre de la mise en oeuvre de la passation du troisième contrat conclu avec la société
Pfizer, mais au regard également des liens particuliers que cette dernière entretient
indirectement avec la société Pfizer, son époux étant le dirigeant d’une filiale de l’entreprise,
une enquête apparaît absolument nécessaire pour déterminer, notamment, si le contenu des
échanges entre Madame Von der Leyen et Monsieur Burla ne révèle aucune collusion au
préjudice des intérêts financiers de l’Union.

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  • 1. Aux termes de son rapport spécial 19/2022, la Cour européenne des comptes, qui a examiné la procédure de passation des contrats d’achat des vaccins anti COVID19 par la Commission européenne, relève : «Les éléments essentiels ont été convenus au cours des négociations préliminaires, avant la procédure d'appel d'offres 35 Nous avons analysé la procédure d'appel d'offres pour en déterminer l'incidence sur le contenu des contrats. Un comité d'évaluation composé de cinq à 23 personnes au plus, de la Commission et du comité de pilotage, a établi des rapports d'évaluation sur les dossiers soumis par les fabricants en réponse à l'appel d'offres. Nous avons constaté que, pour les neuf premiers contrats, l'appel d'offres n'avait rien ajouté à ce qui avait été convenu de manière informelle concernant les points cruciaux dans les «listes de conditions». 36 Premièrement, les fabricants de candidats vaccins et l'équipe conjointe de négociation s'étaient entendus sur des éléments essentiels des futurs contrats (notamment les prix, les quantités et la responsabilité civile) au cours des négociations préliminaires. Ce n'est qu'une fois ces éléments convenus que l'appel d'offres avait été lancé, comme en atteste le peu de temps écoulé entre l'appel d'offres et la date limite de soumission des dossiers d'offres (10 jours). 37 Deuxièmement, nous avons constaté que l'un des critères d'évaluation n'avait pas été actualisé de manière à tenir compte de l'évolution de la situation. Le critère 1.1, «Feuille de route pour le démarrage des essais cliniques en 2020», avait été défini à la mi-2020 pour pouvoir juger de la fiabilité de l'intention des candidats de démarrer les essais cliniques rapidement. Les appels d'offres lancés en décembre 2020 et en janvier 2021 comprenaient encore ce critère en dépit du fait que les évaluateurs jugeaient les entreprises sur leurs performances passées plutôt que sur les réalisations escomptées. 38 Troisièmement, l'évaluation des offres ne portait pas sur les risques liés à la chaîne d'approvisionnement et au procédé de fabrication, susceptibles de donner lieu à des problèmes de livraison: la corrélation entre les notes données et la manière dont la livraison s'est déroulée par la suite est faible. Environ 40 % des points qui pouvaient être attribués aux fabricants dans le cadre de l'appel d'offres concernaient directement leurs capacités de production (voir tableau 2). Les six entreprises ayant signé des contrats avec la Commission en 2020 se sont vu attribuer au moins la moitié des points pour chaque critère, et quatre d'entre elles ont obtenu le maximum de points pour le critère concernant les capacités de production dans l'UE. (…) Nous n'avons reçu aucune information sur les négociations préliminaires pour le plus important contrat de l'UE 48 À la mi-mars 2021, le comité de pilotage a convenu d'organiser une réunion avec des conseillers scientifiques de l'Union et des États membres, consacrée aux aspects scientifiques de la stratégie concernant les vaccins pour 2022. Une telle réunion n'a jamais eu lieu. Au cours du mois de mars 2021, la présidente de la
  • 2. Commission a mené les négociations préliminaires ayant pour objet un contrat avec Pfizer/BioNTech. Il s'agit du seul contrat pour lequel l'équipe conjointe de négociation n'a pas participé à cette étape des négociations, contrairement à ce que prévoit la décision de la Commission relative à l'acquisition de vaccins contre la COVID-19. Le 9 avril 2021, la Commission a présenté au comité de pilotage les conditions négociées entre la présidente de la Commission et Pfizer/BioNTech, et le comité de pilotage a convenu de lancer un appel d'offres. Le contrat, signé le 19 mai 2021 (voir tableau 1), porte sur la livraison de 900 millions de doses de vaccins en 2022 et en 2023, avec la possibilité de commander 900 millions de doses supplémentaires. C'est le contrat de fourniture de vaccins contre la COVID-19 le plus important que la Commission a signé, et il dominera le portefeuille de vaccins de l'Union jusqu'à la fin de 2023. 49 Nous avons demandé à la Commission de nous fournir des informations sur les négociations préliminaires relatives à ce contrat (les experts scientifiques consultés et les conseils reçus, le calendrier des négociations, les procès-verbaux des discussions et le détail des modalités convenues). Notre requête est restée sans suite. 50 Qui plus est, la Médiatrice européenne s'est saisie, le 16 septembre 2021, de la question distincte du refus de la Commission européenne d'accorder un accès public à des messages SMS échangés entre la présidente de la Commission et le président directeur général de Pfizer au moment où se tenaient les négociations préliminaires. Dans son rapport du 26 janvier 2022, elle estime que la manière dont la Commission a traité la demande qui lui était faite constitue un cas de mauvaise administration, et elle recommande à la Commission de «[…] renouveler sa recherche de SMS. » Il en résulte que, pour ce qui concerne le troisième contrat conclu avec Pfizer/BioNTech pour 900 millions de doses initiales de vaccins et 900 millions de doses supplémentaires, c’est-à- dire pour le contrat le plus important dans son ampleur et dans les coûts engagés pour le compte des Etats membres, - La Présidente de la Commission européenne n’a pas respecté la procédure de passation des contrats spéciale fixée par le Conseil au début de la crise sanitaire, - La Présidente de la Commission européenne a négocié seule, sans en référer au comité de pilotage, - La Présidente de la Commission européenne a imposé les conditions contractuelles négociées en amont et avant l’appel d’offres - La Présidente de la Commission n’a pas fourni à la Cour des comptes, les informations relatives aux négociations préliminaires relatives à ce contrat, - La Présidente de la Commission n’a pas donné accès, ni à la Médiatrice européenne, ni à la Cour des comptes européenne, à ses échanges avec le Président de la société Pfizer, durant les négociations préliminaires, par messages textes. Le Parquet européen est compétent pour « rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union qui sont prévues par la directive (UE) 2017/1371 et déterminées par le présent règlement. À cet égard, le Parquet européen diligente des enquêtes, effectue des actes de poursuite et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres
  • 3. jusqu’à ce que l’affaire ait été définitivement jugée » par application des dispositions de l’article 4 du Règlement de l’UE n°2017/1939. Aux termes de la Directive 2017/1371, en son article 3 : « Fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union 2. Aux fins de la présente directive, les éléments suivants sont considérés comme étant une fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union: b) en matière de dépenses relatives aux marchés publics, à tout le moins en vue, pour son auteur ou une autre personne, de réaliser un gain illicite en causant un préjudice aux intérêts financiers de l'Union, tout acte ou omission relatif: i) à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet le détournement ou la rétention indue de fonds ou d'avoirs provenant du budget de l'Union ou des budgets gérés par l'Union ou pour son compte; ii) à la non-communication d'une information en violation d'une obligation spécifique, ayant le même effet; ou iii) au détournement de tels fonds ou avoirs à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été initialement accordés, qui porte atteinte aux intérêts de l'Union; » Les analyses, observations et constatations de la Cour des comptes européenne permettent de soupçonner la commission d’une infraction relevant de la mission du Parquet européen et plus particulièrement ce qui s’apparente à une possible corruption ou à un trafic d’influence. Les conditions de la compétence matérielle, territoriale et personnelle du Parquet européen sont, par ailleurs, remplies. Le soupçon qui pèse sur la Présidente de la Commission européenne est d’autant plus sérieux que la presse a révélé (Le Monde du 16 janvier 2021 à 12 h, article publié sur internet « Ce que disent les documents sur les vaccins anti-Covid19 volés à l’Agence européenne des médicaments » de Lise Barnéoud) : « Le 19 novembre, un haut responsable de l’EMA évoque également une conférence téléphonique avec la Commission européenne qui se serait tenue dans « une atmosphère plutôt tendue, parfois même un peu désagréable, qui donne une idée de ce que à quoi l’EMA peut s’attendre si les attentes ne sont pas satisfaites, que ces attentes soient réalistes ou non ». Le lendemain, dans un échange avec l’Agence danoise du médicament, le même responsable se dit surpris qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ait « clairement identifié les deux vaccins qui pourraient être approuvés avant la fin de l’année [Pfizer-BioNTech et Moderna]. Il y a encore des problèmes avec les deux », souligne l’agent. » Au regard des sommes en jeu, des anomalies, voire des fautes commises par la Présidente dans le cadre de la mise en oeuvre de la passation du troisième contrat conclu avec la société Pfizer, mais au regard également des liens particuliers que cette dernière entretient indirectement avec la société Pfizer, son époux étant le dirigeant d’une filiale de l’entreprise, une enquête apparaît absolument nécessaire pour déterminer, notamment, si le contenu des
  • 4. échanges entre Madame Von der Leyen et Monsieur Burla ne révèle aucune collusion au préjudice des intérêts financiers de l’Union.