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PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 | PARISALGER
30 31GRAND ENTRETIEN
financementdelaBanqueafricainededévelop-
pement, la BAD, pour 900 millions de dollars.
Toutescesressourcesontdoncétéefficacement
mobilisées. Aujourd’hui, il faut continuer de
réduirecedéficitbudgétaire,quieststructurel.
Laloidefinances2017adéjàprocédéàdesajus-
tementsimportants.Lesdépensesdefonction-
nement ont été stabilisées à 40 milliards de
dollars. Le budget de l’équipement a été réduit
depresque30%,aprèsavoirétémultipliépardix
aucoursdesquinzedernièresannées.Celaaura
unimpactnégatifsurcertainssecteursexposés,
comme le BTP, et il faut veiller à ce que la crise
sectoriellenesediffusepas.Maiscesdépenses
avaient un caractère insoutenable. Et avec
20 milliardsdedollars,lebudgetd’équipement
algérien reste parmi les plus élevés au monde
rapporté au PIB !
La consolidation budgétaire est en marche.
Toutefois, pour couvrir le déficit résiduel, il est
important de mobiliser tous les financements
possibles au niveau domestique et, de façon
secondaire,auniveauinternational,auprèsdes
grands bailleurs de fonds.
L’Algériegardeunmauvaissouvenirdel’en-
dettement extérieur…
Ilnefautpasyrecourirdemanièreindiscrimi-
née.Ilfautlefairesurdesprojetsprécis,adossés
à des investissements à long terme, dans les
infrastructuresdebaseetdanslestroisgrands
secteursproductifsàdévelopper: l’agriculture,
L’économie algérienne
À LA RECHERCHE
D’UNE IMAGE
PLUS ATTRACTIVE
Quelques réponses aux interrogations des investisseurs attirés
par l’Algérie, mais encore hésitants.
ALEXANDRE KATEB
A
lexandreKateb,40ans,estunécono-
miste qui a fait partie de la « task
force»desixmembresmiseenplace
en décembre 2015 par le Premier
ministre Abdelmalek Sellal pour aider à la mise
en place d’un nouveau modèle économique pour
l’Algérie.
Après six mois de travail, cette «task force» a
rédigé un rapport en deux volets :
• quels moyens pour assurer une consolidation
budgétairesurlapériode2016-2019,dansune
situation rendue difficile par la baisse des
recettes pétrolières ;
• quelles réformes structurelles pour diversifier
l’économiealgériennesurlapériode2020-2030
et rompre avec l’économie de rente.
AlexandreKateb,quiestdoncaucœurdel’inévi-
tabletransitionéconomiquedel’Algériedansles
années à venir, a tracé dans un entretien avec
ParisAlger les grandes lignes de cette évolution
décisive.
L’Algérieaétéfrappée depleinfouetàpartir
de l’été 2014 par la chute du prix du baril,
passéde100à50dollars.Elleabénéficiéde
plusieursamortisseursqu’elleavaitprudem-
mentpréparés,àsavoirunfondsderégula-
tion des recettes (FRR), des réserves de
change parmi les plus élevées du monde et
un endettement quasi nul grâce à des rem-
boursements réalisés pendant la période
faste.Maiscelasuffira-t-ilàjugulerlacrise
budgétaire ?
L’objectif est en effet avant tout de restaurer la
solvabilitédesfinancespubliquestrèsfortement
dégradées par la chute des prix du pétrole.
Lecreusementdudéficitbudgétaireaétéde15%
duPIBen2016.LeFRRaétéutilisépouramor-
tir l’impact du choc et assurer le bouclage du
budget les deux premières années. Il est
aujourd’hui épuisé. L’emprunt national lancé
l’année dernière a permis de collecter l’équiva-
lent de 5 milliards de dollars. S’y est ajouté un
©DR
PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 | PARISALGER
32 33GRAND ENTRETIEN GRAND ENTRETIEN
réaliserdessynergiesfinancièresetopération-
nelles.Ilyaunedispositiondanslaloidefinances
2016pourouvrirauxinvestisseursprivésnatio-
nauxlecapitaldesentreprisespubliqueséligibles
à hauteur de 66%, et jusqu’à 100 % au bout de
cinq ans.
Mais la logique aujourd’hui, ce n’est pas forcé-
ment de privatiser à 100 %. C’est d’encourager
lepartenariatpublic-privé,leprivépouvantêtre
national ou international. Il y a la volonté de
mettre à jour les schémas de joint-ventures et
departicipationycomprisinternationale,etcela
mêmedanslesecteurdel’énergie,encommen-
çant par les énergies renouvelables. C’est l’idée
du programme solaire de 4 GW lancé ce prin-
temps (Voir ParisAlger n°19).
Des secteurs nouveaux sont progressivement
ouverts à l’investissement privé, comme dans
lesactivitéportuaires.Onpeutaujourd’hui,par
exempleinvestir,danslanavigationdeplaisance.
C’est typiquement un segment à fort potentiel.
Toujoursàproposdel’investissementinter-
national,venons-enauxdeuxgrands«clas-
siques» des critiques adressées à l’Algérie :
le 51/49 et la difficulté de rapatrier les divi-
dendes…Oùenest-onetquellessontlesévo-
lutions possibles ?
Il faut d’abord remonter à l’origine de ces
contraintes.Audébutdesannées2000,certaines
affairesoùl’investisseurétrangerapportaitun
minimumdecapitauxpourretirerunmaximum
de profits ont créé une sorte de traumatisme.
C’est un syndrome qui ne correspond plus à la
réalitéd’aujourd’huimaisquiresteprésentdans
les mémoires des dirigeants. Et puis il ne faut
pasoublierlecontextedelacrisede2008,avec
lesmouvementsdepaniquesurtouteslesplaces
mondiales. D’où la loi de finances 2009, avec
notammentlarègledu51/49.Elleaétémiseen
placedansuncontexteparticulier,maiselleest
trop générale. Le contexte a changé et il faut
aujourd’hui tourner la page.
C’est ce qui est fait de façon implicite. Le nou-
veaucodedel’investissementmarqueunprogrès.
Ilprévoitnotammentquelesavantagesaccordés
aux investisseurs soient octroyés de façon
automatique,etnonplusaprèsdécisiondel’ad-
ministration. C’est un tournant.
Pour les deux blocages souvent cités, il y a les
principes et l’application sur le terrain. Il faut
être précis. Pour le rapatriement des capitaux,
ilyaeudesprogrèsdepuis2007,avecunrègle-
ment de la Banque d’Algérie qui a transféré la
gestion des transferts de devises aux banques
commerciales,avecleprincipedetransfertlibre
des dividendes. Ce qui est critiqué, ce sont les
procédures.Aujourd’huiellessontnumérisées,
plusfaciles,lesbanquesontbienintégrécespro-
cess. Quand on suit les procédures, il n’y a pas
de problèmes, même s’il est vrai qu’on pourrait
encore les simplifier.
Et le 51/49 ?
Ontrouvedesdispositifsdecegenredansbeau-
coup de pays, de la Chine aux Émirats Arabes
Unis. Cette règle gêne plus les PME que les
grandesentreprises.UnePMEn’apastoujours
les moyens de trouver le bon partenaire local.
Il y a aussi des questions de propriété intellec-
tuellepourlesPMEinnovantes,quinesontpas
insolubles, mais qui compliquent les choses.
Les grandes entreprises savent trouver les
mécanismes juridiques qui garantissent leur
contrôle sur la gestion, même si elles n’ont que
49 % du capital, à travers le statut de la com-
mandite par actions, ou en faisant appel à un
actionnaire minoritaire passif, en sus du par-
tenaire stratégique.
l’industrieetletourisme,auxquelsj’ajouterais
l’économie numérique.
Unedizainedefilièresontétéidentifiées(auto-
mobile, pharmacie, électronique, etc). Il faut y
diriger l’investissement national et extérieur,
fairetoutcequipossiblepourleverlesblocages
àcesinvestissementsetlesaccroîtreenquantité
et en qualité. La question du financement peut
êtrerésolueencréantdesfondsd’investissement
quiassocieraientdescapitauxnationaux,publics
et privés, et des capitaux internationaux.
Les bailleurs de fonds internationaux (BAD,
Banquemondiale)peuventàcetégardjouerun
rôledecatalyseurenrassurantlesautresinves-
tisseurs et en procurant un effet de levier
financier.
Encequiconcernel’investissementnational,
unverroubienconnuestceluidel’économie
informelle.Commentlefairesauter?
Oui, cette économie informelle se manifeste à
deux niveaux : dans l’activité économique elle-
même, avec des entreprises qui échappent aux
réglementations, et dans le financement, avec
des ressources qui échappent au secteur ban-
caireenétantdivertiesverslesmarchésparal-
lèles de devises ou l’immobilier.
Une solution a été cherchée avec la mise en
conformité fiscale établie en 2016 et prolongée
en 2017. Ce n’est pas une réelle amnistie mais
les personnes qui réinjectent leur argent dans
lescircuitsbancairespeuventlefaireenpayant
unimpôtforfaitairede7%quisoldelescomptes.
Iln’yadoncpasdepoursuitessaufencasdefonds
liés à la criminalité.
Ce mécanisme n’a pas encore donné tous les
résultats escomptés. Pour que cela fonctionne,
il faut ramener la confiance entre l’État et les
agents économiques.
Oui, mais par quels moyens ?
Un premier moyen est de proposer des produits
d’épargnediteparticipative,àtoutecettecatégo-
ried’épargnantsqui,pourdesraisonsculturelles,
ne souhaite pas investir dans les produits ban-
cairesconventionnels.Deuxbanquesislamiques
opèrent déjà en Algérie. Il est possible d’élargir
l’offre de ces produits en y intéressant d’autres
banques.L’Étatpourraitstimulercedéveloppe-
mentenémettantdessukuksouverains.
Par ailleurs, il faut proposer des produits
d’épargne avec une rentabilité attractive, à des
taux de rémunération supérieurs à l’inflation,
qui est aujourd’hui de 6% - 8%, en offrant par
exempledestitresdeparticipationdansdesfonds
d’investissements, qui investissent dans des
projetsindustrielsoutouristiques,enmutuali-
sant les risques.
Lachancedel’Algériec’estquelademandeinté-
rieure y est forte. Il y a des tendances lourdes
comme l’essor démographique, l’urbanisation
etl’éducationquisoutiennentlaconsommation
etoffrentdesdébouchésauxproduitlocaux.Mais
il faut passer d’un modèle fondé sur la dépense
publique et les importations qui couvrent
aujourd’hui70%delademandeintérieure,àun
modèle plus équilibré, dans lequel c’est l’inves-
tissementproductifhorshydrocarburesquitire
la croissance et l’emploi.
L’investissement massif que vous appelez
devosvœuxest-ilcompatibleavecuneéco-
nomie encore largement dirigée, avec un
secteur public dominant ?
Réduirelepoidsrelatifdusecteurpublicestune
volontéconstantedepuisdesannées.Lesentre-
prises publiques ont été organisées en groupe-
ments pour améliorer leur management et
« DES SECTEURS NOUVE AUX
SONT OUVERTS
À L’INVESTISSEMENT PRIVÉ »
PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 | PARISALGER
34 35GRAND ENTRETIEN GRAND ENTRETIEN
évoquée. Les entreprises algériennes peuvent
souscertainesconditionssortirdesdevisespour
investir à l’international. À terme, la solution
passe par la mise en place d’un marché des
devises.Lesbanquesdevraientpouvoirs’échan-
ger librement des devises entre-elles, ou avec
leursclients,àdescoursrépondantàl’offreetà
lademande,avecdeslimitesdefluctuationfixées
parlabanquecentrale.Celaimpliqueunerefonte
complète de la politique monétaire. La conver-
tibilité du dinar est l’aboutissement de ce pro-
cessus de refonte. Cela doit se faire sur cinq à
dixans.Nosvoisinsmarocainsontinitiécepro-
cessus,maisavecunestructuredesexportations
beaucoupplusdiversifiéequelanotre,etunsys-
tème bancaire et financier plus sophistiqué.
L’Algérie souhaite développer ses expor-
tations. Quels sont les secteurs les plus
prometteurs ?
Horshydrocarbures,lepremiersecteurauquel
onpenseestceluidel’agricultureetdel’agro-in-
dustrie.C’estlapremièrefilièreindustrielle,qui
pèse5ou6milliardsdedollars,sansdoute10si
on ajoute l’informel. Le potentiel est là, en
matière de produits bruts et transformés : pro-
duits frais, pâtes alimentaires, conserves, etc.
Ces produits sont déjà exportés, souvent de
manière informelle, vers les pays voisins.
La pharmacie est un autre grand secteur. Les
besoins sont couverts à 50 % par la production
locale, l’objectif est d’aller à 70 %. Cela n’exclut
pasd’exporterlessurplusexistantssurcertains
produits.LesgrandslaboratoirescommeSaidal
ouBiopharmsesontengagésdanscettevoie.On
peutaussipenseràl’électroménager,oùdegrands
groupes comme Condor et Cevital à travers sa
filialeFagor-Brandt,exportentdéjà.Maisaussi
àl’ameublement,auxmatériauxdeconstruction,
etdemainàl’automobile,lorsqu’unécosystème
de fournisseurs et d’équipementiers locaux se
sera développé. Il y a enfin les services comme
letransportaérienetletourisme.Jecroisbeau-
coupaudéveloppementdel’éco-tourisme,dans
le Grand Sud notamment. Il faut investir dans
les infrastructures, la formation du personnel,
etchangerlesmentalités.Celaprendradutemps,
mais le potentiel est important.
Faut-ildévelopperl’exportationverslesmar-
chés africains ?
Oui, mais pas seulement. Il faut sortir de l’idée
reçue qu’il est plus facile d’exporter vers
l’Afriquequeversl’Europe.C’estavanttoutune
question de coûts de transport et de coûts de
certification des produits. Si on est dans les
normes des pays partenaires, c’est plus facile
d’exporterversl’Europequeverscertainspays
africains où les coûts logistiques sont élevés.
Et qui peut le plus peut le moins. Il vaut mieux
se mettre au niveau des normes européennes,
même si cela demande un investissement ini-
tial, qui peut être soutenu par l’État. L’accord
d’associationavecl’Unioneuropéennedoitêtre
utilisé pour accélérer la mise aux normes et la
convergenceréglementaireverslesstandards
Le51/49auninconvénientpourl’Algérie,celui
dufinancementdesprojets.Pourlesgrandspro-
jets,ilfauttrouverdespartenairesalgériensavec
lesreinsassezsolidespourfinancerleurapport
en fonds propres. Pour un projet de plusieurs
milliardsdedollars,celacommenceàfairebeau-
coup…Lasolutionestdeleverdesfondsparappel
public à l’épargne, ou de faire financer le projet
parlepartenaireétrangerenéchanged’unpar-
tage des profits adéquat.
Pourquoi ne pas alléger ou supprimer car-
rément cette contrainte ?
Le 51/49 a été mis dans la loi de finances 2009.
Une autre loi de finances peut le modifier. Les
législateursonteulasagessedenepasl’inclure
dans le nouveau code de l’investissement.
Ilseraitlogiqued’allégerlarègledanslesfilières
où il y a un fort besoin de compétences et de
transfertdetechnologie.Celapeutd’ailleursdéjà
se négocier au cas par cas mais il faudrait plus
detransparence.Dansleprojetdeloidefinances
2017,ilavaitétéenvisagéd’enexcluredeuxsec-
teursimportants:lesbanquesetlesentreprises
dunumérique.Maiscelan’afinalementpasété
adopté par le parlement.
Demêmelesentreprisesquinebénéficientpas
des avantages prévus par le code des investis-
sements pourraient détenir 100 % du capital.
Enfin, les Algériens non résidents devraient
bénéficierd’untraitementspécial,etnepasêtre
soumis à ces restrictions, à partir du moment
oùilsinvestissentlocalement.Lepotentield’in-
vestissementdeladiasporaestconsidérableet
encore largement sous-exploité !
Cecontextequiparaîts’améliorerpeut-ilatti-
rerlesgrandsfondsd’investissements?
Ces fonds visent un retour sur investissement
sur sept à dix ans, en se basant sur le potentiel
decroissanceàmoyen-longtermedelademande
intérieure, et sur les avantages comparatifs du
pays.Ilsontsurtoutbesoindestabilitépolitique
etjuridiqueetpeuvents’adapteraucontexteins-
titutionnel local. Néanmoins, à potentiel égal,
cesfondsvontbienentenduprivilégierlespays
qui ont une gouvernance plus transparente, et
un meilleur climat des affaires. L’Algérie peut
devenir encore plus attractive en s’améliorant
sur ces points.
Lanon-convertibilitédudinaretladifficulté
des transactions financières ne sont-elles
pas un obstacle rédhibitoire ?
C’estunsujetcomplexe.Onpeuttransférerdes
capitauxlibrementdanslecasdesimportations
ou des produits du capital. La question se pose
quand il s’agit de sortir des devises qui ne sont
pasadosséesàdestransactionscommerciales.
Lesoucidel’Étataétédeluttercontrel’évasion
des capitaux dans le cadre d’une économie
mono-exportatrice.
Lestextesdeloiexistentdepuislesannées1990,
mais dans la pratique ils ne sont pas appliqués.
Il y a un seul grand exportateur, la Sonatrach.
LesdevisesdelaSonatrachsontrapatriéesdirec-
tementauprèsdelaBanqued’Algérie.Lesquelques
entreprisesquiexportent–horshydrocarbures –
doiventrapatrierleursrevenusdansles360jours,
endéposant50%desdevisesàlaBanqued’Algé-
rie,etenplaçantlerestesuruncompteendevises
ouvertauprèsd’unebanquelocale.
La question commence cependant à être
« L A RÈGLE DU 51/49 :
LE CONTE X TE A CHANGÉ,
IL FAUT TOURNER L A PAGE »
« LE TOURISME A UN FORT
POTENTIEL, NOTAMMENT
DANS LE GR AND SUD »
PUB
PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017
36 GRAND ENTRETIEN
de ce marché de 500 millions de consomma-
teursàfortpouvoird’achat.Lesmarchéseuro-
péen et africain, mais aussi les marchés du
monde arabe doivent tous être considérés.
Ensuite, cela dépend de la compétitivité de la
production nationale pour chaque produit.
Onalesentimentquelesentreprisesétran-
gères ne choisissent guère l’Algérie comme
base pour exporter sur d’autres marchés.
Elles préfèrent le Maroc manifestement…
Une entreprise étrangère peut exporter, au
même titre qu’une entreprise algérienne, mais
elle ne bénéficie pas d’avantages particuliers.
Ilfaudraitpourcelarelancerleprojetdeszones
franches,quiétaitpressentidès2006,avecune
ordonnance prise alors. Puis il y a eu un revi-
rement avant même la loi de finances 2009.
Legouvernementnevoulaitpascréerdeuxpoids
deuxmesuresauniveaufiscaletréglementaire.
Mais la question peut se poser à nouveau avec
le développement des ports, comme celui de
Cherchell,oudehubsdecommunicationaérien
et routier, comme pourrait l’être demain
Tamanrasset, le long de la route transsaha-
rienne. C’est en discussion.
Le port de Cherchell et la route transsaha-
rienne sont-ils de grands leviers ?
Oui, les nouvelles installations portuaires
peuvent changer la donne. La construction et
l‘exploitation ont été confiés à des partenaires
chinoisenassociantavecdesgroupesalgériens,
donc cela se fera, car on sait l’attention que la
Chineporteauxroutescommercialesmondiales,
notammentdanslecadredesongrandprojetde
Nouvellesroutesdelasoie.LeportdeCherchell
seraitalorsl’undespointsd’entréedecetteambi-
tieux projet sur le continent africain.
Laroutetranssahariennereposesurledévelop-
pement des régions du Sud et des villes qui
doivent assurer différents points d’étapes,
commeTamanrassetetInSalah.Lesinvestis-
sementsdoiventêtreaccrus.Ilyaussilesques-
tionsdelasécurité,auMali,auNiger,auNigeria.
Mais à moyen terme, c’est très prometteur. Ce
seraitàlafoisunmoyenpourl’Algériederééqui-
librer son développement territorial, en valori-
santsonimmenseterritoire,etdeseprojetersur
le continent africain.
BIO EXPRESS
Diplômé de l’École Centrale Paris
et de Sciences Po Paris, Alexandre Kateb
a occupé des postes d’encadrement
au sein d’institutions financières dont
la Banque de France, avant de créer
en 2010 son propre cabinet de conseil
stratégique et financier. Parallèlement,
il a enseigné l’économie et la finance
à Sciences Po et il a publié un ouvrage
de référence sur les grands
pays émergents, les BRICS.
©DR

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Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRIC changent le monde.
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Article Macro stress bancaires Alexandre Kateb Revue Banque février 2011
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La diplomatie économique des nouvelles puissances
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Optimal investment strategies for Sovereign Wealth Funds
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Grand entretien dans le magazine Paris Alger N°20 été 2017

  • 1. PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 | PARISALGER 30 31GRAND ENTRETIEN financementdelaBanqueafricainededévelop- pement, la BAD, pour 900 millions de dollars. Toutescesressourcesontdoncétéefficacement mobilisées. Aujourd’hui, il faut continuer de réduirecedéficitbudgétaire,quieststructurel. Laloidefinances2017adéjàprocédéàdesajus- tementsimportants.Lesdépensesdefonction- nement ont été stabilisées à 40 milliards de dollars. Le budget de l’équipement a été réduit depresque30%,aprèsavoirétémultipliépardix aucoursdesquinzedernièresannées.Celaaura unimpactnégatifsurcertainssecteursexposés, comme le BTP, et il faut veiller à ce que la crise sectoriellenesediffusepas.Maiscesdépenses avaient un caractère insoutenable. Et avec 20 milliardsdedollars,lebudgetd’équipement algérien reste parmi les plus élevés au monde rapporté au PIB ! La consolidation budgétaire est en marche. Toutefois, pour couvrir le déficit résiduel, il est important de mobiliser tous les financements possibles au niveau domestique et, de façon secondaire,auniveauinternational,auprèsdes grands bailleurs de fonds. L’Algériegardeunmauvaissouvenirdel’en- dettement extérieur… Ilnefautpasyrecourirdemanièreindiscrimi- née.Ilfautlefairesurdesprojetsprécis,adossés à des investissements à long terme, dans les infrastructuresdebaseetdanslestroisgrands secteursproductifsàdévelopper: l’agriculture, L’économie algérienne À LA RECHERCHE D’UNE IMAGE PLUS ATTRACTIVE Quelques réponses aux interrogations des investisseurs attirés par l’Algérie, mais encore hésitants. ALEXANDRE KATEB A lexandreKateb,40ans,estunécono- miste qui a fait partie de la « task force»desixmembresmiseenplace en décembre 2015 par le Premier ministre Abdelmalek Sellal pour aider à la mise en place d’un nouveau modèle économique pour l’Algérie. Après six mois de travail, cette «task force» a rédigé un rapport en deux volets : • quels moyens pour assurer une consolidation budgétairesurlapériode2016-2019,dansune situation rendue difficile par la baisse des recettes pétrolières ; • quelles réformes structurelles pour diversifier l’économiealgériennesurlapériode2020-2030 et rompre avec l’économie de rente. AlexandreKateb,quiestdoncaucœurdel’inévi- tabletransitionéconomiquedel’Algériedansles années à venir, a tracé dans un entretien avec ParisAlger les grandes lignes de cette évolution décisive. L’Algérieaétéfrappée depleinfouetàpartir de l’été 2014 par la chute du prix du baril, passéde100à50dollars.Elleabénéficiéde plusieursamortisseursqu’elleavaitprudem- mentpréparés,àsavoirunfondsderégula- tion des recettes (FRR), des réserves de change parmi les plus élevées du monde et un endettement quasi nul grâce à des rem- boursements réalisés pendant la période faste.Maiscelasuffira-t-ilàjugulerlacrise budgétaire ? L’objectif est en effet avant tout de restaurer la solvabilitédesfinancespubliquestrèsfortement dégradées par la chute des prix du pétrole. Lecreusementdudéficitbudgétaireaétéde15% duPIBen2016.LeFRRaétéutilisépouramor- tir l’impact du choc et assurer le bouclage du budget les deux premières années. Il est aujourd’hui épuisé. L’emprunt national lancé l’année dernière a permis de collecter l’équiva- lent de 5 milliards de dollars. S’y est ajouté un ©DR
  • 2. PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 | PARISALGER 32 33GRAND ENTRETIEN GRAND ENTRETIEN réaliserdessynergiesfinancièresetopération- nelles.Ilyaunedispositiondanslaloidefinances 2016pourouvrirauxinvestisseursprivésnatio- nauxlecapitaldesentreprisespubliqueséligibles à hauteur de 66%, et jusqu’à 100 % au bout de cinq ans. Mais la logique aujourd’hui, ce n’est pas forcé- ment de privatiser à 100 %. C’est d’encourager lepartenariatpublic-privé,leprivépouvantêtre national ou international. Il y a la volonté de mettre à jour les schémas de joint-ventures et departicipationycomprisinternationale,etcela mêmedanslesecteurdel’énergie,encommen- çant par les énergies renouvelables. C’est l’idée du programme solaire de 4 GW lancé ce prin- temps (Voir ParisAlger n°19). Des secteurs nouveaux sont progressivement ouverts à l’investissement privé, comme dans lesactivitéportuaires.Onpeutaujourd’hui,par exempleinvestir,danslanavigationdeplaisance. C’est typiquement un segment à fort potentiel. Toujoursàproposdel’investissementinter- national,venons-enauxdeuxgrands«clas- siques» des critiques adressées à l’Algérie : le 51/49 et la difficulté de rapatrier les divi- dendes…Oùenest-onetquellessontlesévo- lutions possibles ? Il faut d’abord remonter à l’origine de ces contraintes.Audébutdesannées2000,certaines affairesoùl’investisseurétrangerapportaitun minimumdecapitauxpourretirerunmaximum de profits ont créé une sorte de traumatisme. C’est un syndrome qui ne correspond plus à la réalitéd’aujourd’huimaisquiresteprésentdans les mémoires des dirigeants. Et puis il ne faut pasoublierlecontextedelacrisede2008,avec lesmouvementsdepaniquesurtouteslesplaces mondiales. D’où la loi de finances 2009, avec notammentlarègledu51/49.Elleaétémiseen placedansuncontexteparticulier,maiselleest trop générale. Le contexte a changé et il faut aujourd’hui tourner la page. C’est ce qui est fait de façon implicite. Le nou- veaucodedel’investissementmarqueunprogrès. Ilprévoitnotammentquelesavantagesaccordés aux investisseurs soient octroyés de façon automatique,etnonplusaprèsdécisiondel’ad- ministration. C’est un tournant. Pour les deux blocages souvent cités, il y a les principes et l’application sur le terrain. Il faut être précis. Pour le rapatriement des capitaux, ilyaeudesprogrèsdepuis2007,avecunrègle- ment de la Banque d’Algérie qui a transféré la gestion des transferts de devises aux banques commerciales,avecleprincipedetransfertlibre des dividendes. Ce qui est critiqué, ce sont les procédures.Aujourd’huiellessontnumérisées, plusfaciles,lesbanquesontbienintégrécespro- cess. Quand on suit les procédures, il n’y a pas de problèmes, même s’il est vrai qu’on pourrait encore les simplifier. Et le 51/49 ? Ontrouvedesdispositifsdecegenredansbeau- coup de pays, de la Chine aux Émirats Arabes Unis. Cette règle gêne plus les PME que les grandesentreprises.UnePMEn’apastoujours les moyens de trouver le bon partenaire local. Il y a aussi des questions de propriété intellec- tuellepourlesPMEinnovantes,quinesontpas insolubles, mais qui compliquent les choses. Les grandes entreprises savent trouver les mécanismes juridiques qui garantissent leur contrôle sur la gestion, même si elles n’ont que 49 % du capital, à travers le statut de la com- mandite par actions, ou en faisant appel à un actionnaire minoritaire passif, en sus du par- tenaire stratégique. l’industrieetletourisme,auxquelsj’ajouterais l’économie numérique. Unedizainedefilièresontétéidentifiées(auto- mobile, pharmacie, électronique, etc). Il faut y diriger l’investissement national et extérieur, fairetoutcequipossiblepourleverlesblocages àcesinvestissementsetlesaccroîtreenquantité et en qualité. La question du financement peut êtrerésolueencréantdesfondsd’investissement quiassocieraientdescapitauxnationaux,publics et privés, et des capitaux internationaux. Les bailleurs de fonds internationaux (BAD, Banquemondiale)peuventàcetégardjouerun rôledecatalyseurenrassurantlesautresinves- tisseurs et en procurant un effet de levier financier. Encequiconcernel’investissementnational, unverroubienconnuestceluidel’économie informelle.Commentlefairesauter? Oui, cette économie informelle se manifeste à deux niveaux : dans l’activité économique elle- même, avec des entreprises qui échappent aux réglementations, et dans le financement, avec des ressources qui échappent au secteur ban- caireenétantdivertiesverslesmarchésparal- lèles de devises ou l’immobilier. Une solution a été cherchée avec la mise en conformité fiscale établie en 2016 et prolongée en 2017. Ce n’est pas une réelle amnistie mais les personnes qui réinjectent leur argent dans lescircuitsbancairespeuventlefaireenpayant unimpôtforfaitairede7%quisoldelescomptes. Iln’yadoncpasdepoursuitessaufencasdefonds liés à la criminalité. Ce mécanisme n’a pas encore donné tous les résultats escomptés. Pour que cela fonctionne, il faut ramener la confiance entre l’État et les agents économiques. Oui, mais par quels moyens ? Un premier moyen est de proposer des produits d’épargnediteparticipative,àtoutecettecatégo- ried’épargnantsqui,pourdesraisonsculturelles, ne souhaite pas investir dans les produits ban- cairesconventionnels.Deuxbanquesislamiques opèrent déjà en Algérie. Il est possible d’élargir l’offre de ces produits en y intéressant d’autres banques.L’Étatpourraitstimulercedéveloppe- mentenémettantdessukuksouverains. Par ailleurs, il faut proposer des produits d’épargne avec une rentabilité attractive, à des taux de rémunération supérieurs à l’inflation, qui est aujourd’hui de 6% - 8%, en offrant par exempledestitresdeparticipationdansdesfonds d’investissements, qui investissent dans des projetsindustrielsoutouristiques,enmutuali- sant les risques. Lachancedel’Algériec’estquelademandeinté- rieure y est forte. Il y a des tendances lourdes comme l’essor démographique, l’urbanisation etl’éducationquisoutiennentlaconsommation etoffrentdesdébouchésauxproduitlocaux.Mais il faut passer d’un modèle fondé sur la dépense publique et les importations qui couvrent aujourd’hui70%delademandeintérieure,àun modèle plus équilibré, dans lequel c’est l’inves- tissementproductifhorshydrocarburesquitire la croissance et l’emploi. L’investissement massif que vous appelez devosvœuxest-ilcompatibleavecuneéco- nomie encore largement dirigée, avec un secteur public dominant ? Réduirelepoidsrelatifdusecteurpublicestune volontéconstantedepuisdesannées.Lesentre- prises publiques ont été organisées en groupe- ments pour améliorer leur management et « DES SECTEURS NOUVE AUX SONT OUVERTS À L’INVESTISSEMENT PRIVÉ »
  • 3. PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 | PARISALGER 34 35GRAND ENTRETIEN GRAND ENTRETIEN évoquée. Les entreprises algériennes peuvent souscertainesconditionssortirdesdevisespour investir à l’international. À terme, la solution passe par la mise en place d’un marché des devises.Lesbanquesdevraientpouvoirs’échan- ger librement des devises entre-elles, ou avec leursclients,àdescoursrépondantàl’offreetà lademande,avecdeslimitesdefluctuationfixées parlabanquecentrale.Celaimpliqueunerefonte complète de la politique monétaire. La conver- tibilité du dinar est l’aboutissement de ce pro- cessus de refonte. Cela doit se faire sur cinq à dixans.Nosvoisinsmarocainsontinitiécepro- cessus,maisavecunestructuredesexportations beaucoupplusdiversifiéequelanotre,etunsys- tème bancaire et financier plus sophistiqué. L’Algérie souhaite développer ses expor- tations. Quels sont les secteurs les plus prometteurs ? Horshydrocarbures,lepremiersecteurauquel onpenseestceluidel’agricultureetdel’agro-in- dustrie.C’estlapremièrefilièreindustrielle,qui pèse5ou6milliardsdedollars,sansdoute10si on ajoute l’informel. Le potentiel est là, en matière de produits bruts et transformés : pro- duits frais, pâtes alimentaires, conserves, etc. Ces produits sont déjà exportés, souvent de manière informelle, vers les pays voisins. La pharmacie est un autre grand secteur. Les besoins sont couverts à 50 % par la production locale, l’objectif est d’aller à 70 %. Cela n’exclut pasd’exporterlessurplusexistantssurcertains produits.LesgrandslaboratoirescommeSaidal ouBiopharmsesontengagésdanscettevoie.On peutaussipenseràl’électroménager,oùdegrands groupes comme Condor et Cevital à travers sa filialeFagor-Brandt,exportentdéjà.Maisaussi àl’ameublement,auxmatériauxdeconstruction, etdemainàl’automobile,lorsqu’unécosystème de fournisseurs et d’équipementiers locaux se sera développé. Il y a enfin les services comme letransportaérienetletourisme.Jecroisbeau- coupaudéveloppementdel’éco-tourisme,dans le Grand Sud notamment. Il faut investir dans les infrastructures, la formation du personnel, etchangerlesmentalités.Celaprendradutemps, mais le potentiel est important. Faut-ildévelopperl’exportationverslesmar- chés africains ? Oui, mais pas seulement. Il faut sortir de l’idée reçue qu’il est plus facile d’exporter vers l’Afriquequeversl’Europe.C’estavanttoutune question de coûts de transport et de coûts de certification des produits. Si on est dans les normes des pays partenaires, c’est plus facile d’exporterversl’Europequeverscertainspays africains où les coûts logistiques sont élevés. Et qui peut le plus peut le moins. Il vaut mieux se mettre au niveau des normes européennes, même si cela demande un investissement ini- tial, qui peut être soutenu par l’État. L’accord d’associationavecl’Unioneuropéennedoitêtre utilisé pour accélérer la mise aux normes et la convergenceréglementaireverslesstandards Le51/49auninconvénientpourl’Algérie,celui dufinancementdesprojets.Pourlesgrandspro- jets,ilfauttrouverdespartenairesalgériensavec lesreinsassezsolidespourfinancerleurapport en fonds propres. Pour un projet de plusieurs milliardsdedollars,celacommenceàfairebeau- coup…Lasolutionestdeleverdesfondsparappel public à l’épargne, ou de faire financer le projet parlepartenaireétrangerenéchanged’unpar- tage des profits adéquat. Pourquoi ne pas alléger ou supprimer car- rément cette contrainte ? Le 51/49 a été mis dans la loi de finances 2009. Une autre loi de finances peut le modifier. Les législateursonteulasagessedenepasl’inclure dans le nouveau code de l’investissement. Ilseraitlogiqued’allégerlarègledanslesfilières où il y a un fort besoin de compétences et de transfertdetechnologie.Celapeutd’ailleursdéjà se négocier au cas par cas mais il faudrait plus detransparence.Dansleprojetdeloidefinances 2017,ilavaitétéenvisagéd’enexcluredeuxsec- teursimportants:lesbanquesetlesentreprises dunumérique.Maiscelan’afinalementpasété adopté par le parlement. Demêmelesentreprisesquinebénéficientpas des avantages prévus par le code des investis- sements pourraient détenir 100 % du capital. Enfin, les Algériens non résidents devraient bénéficierd’untraitementspécial,etnepasêtre soumis à ces restrictions, à partir du moment oùilsinvestissentlocalement.Lepotentield’in- vestissementdeladiasporaestconsidérableet encore largement sous-exploité ! Cecontextequiparaîts’améliorerpeut-ilatti- rerlesgrandsfondsd’investissements? Ces fonds visent un retour sur investissement sur sept à dix ans, en se basant sur le potentiel decroissanceàmoyen-longtermedelademande intérieure, et sur les avantages comparatifs du pays.Ilsontsurtoutbesoindestabilitépolitique etjuridiqueetpeuvents’adapteraucontexteins- titutionnel local. Néanmoins, à potentiel égal, cesfondsvontbienentenduprivilégierlespays qui ont une gouvernance plus transparente, et un meilleur climat des affaires. L’Algérie peut devenir encore plus attractive en s’améliorant sur ces points. Lanon-convertibilitédudinaretladifficulté des transactions financières ne sont-elles pas un obstacle rédhibitoire ? C’estunsujetcomplexe.Onpeuttransférerdes capitauxlibrementdanslecasdesimportations ou des produits du capital. La question se pose quand il s’agit de sortir des devises qui ne sont pasadosséesàdestransactionscommerciales. Lesoucidel’Étataétédeluttercontrel’évasion des capitaux dans le cadre d’une économie mono-exportatrice. Lestextesdeloiexistentdepuislesannées1990, mais dans la pratique ils ne sont pas appliqués. Il y a un seul grand exportateur, la Sonatrach. LesdevisesdelaSonatrachsontrapatriéesdirec- tementauprèsdelaBanqued’Algérie.Lesquelques entreprisesquiexportent–horshydrocarbures – doiventrapatrierleursrevenusdansles360jours, endéposant50%desdevisesàlaBanqued’Algé- rie,etenplaçantlerestesuruncompteendevises ouvertauprèsd’unebanquelocale. La question commence cependant à être « L A RÈGLE DU 51/49 : LE CONTE X TE A CHANGÉ, IL FAUT TOURNER L A PAGE » « LE TOURISME A UN FORT POTENTIEL, NOTAMMENT DANS LE GR AND SUD »
  • 4. PUB PARISALGER | JUILLET|AOÛT|SEPTEMBRE 2017 36 GRAND ENTRETIEN de ce marché de 500 millions de consomma- teursàfortpouvoird’achat.Lesmarchéseuro- péen et africain, mais aussi les marchés du monde arabe doivent tous être considérés. Ensuite, cela dépend de la compétitivité de la production nationale pour chaque produit. Onalesentimentquelesentreprisesétran- gères ne choisissent guère l’Algérie comme base pour exporter sur d’autres marchés. Elles préfèrent le Maroc manifestement… Une entreprise étrangère peut exporter, au même titre qu’une entreprise algérienne, mais elle ne bénéficie pas d’avantages particuliers. Ilfaudraitpourcelarelancerleprojetdeszones franches,quiétaitpressentidès2006,avecune ordonnance prise alors. Puis il y a eu un revi- rement avant même la loi de finances 2009. Legouvernementnevoulaitpascréerdeuxpoids deuxmesuresauniveaufiscaletréglementaire. Mais la question peut se poser à nouveau avec le développement des ports, comme celui de Cherchell,oudehubsdecommunicationaérien et routier, comme pourrait l’être demain Tamanrasset, le long de la route transsaha- rienne. C’est en discussion. Le port de Cherchell et la route transsaha- rienne sont-ils de grands leviers ? Oui, les nouvelles installations portuaires peuvent changer la donne. La construction et l‘exploitation ont été confiés à des partenaires chinoisenassociantavecdesgroupesalgériens, donc cela se fera, car on sait l’attention que la Chineporteauxroutescommercialesmondiales, notammentdanslecadredesongrandprojetde Nouvellesroutesdelasoie.LeportdeCherchell seraitalorsl’undespointsd’entréedecetteambi- tieux projet sur le continent africain. Laroutetranssahariennereposesurledévelop- pement des régions du Sud et des villes qui doivent assurer différents points d’étapes, commeTamanrassetetInSalah.Lesinvestis- sementsdoiventêtreaccrus.Ilyaussilesques- tionsdelasécurité,auMali,auNiger,auNigeria. Mais à moyen terme, c’est très prometteur. Ce seraitàlafoisunmoyenpourl’Algériederééqui- librer son développement territorial, en valori- santsonimmenseterritoire,etdeseprojetersur le continent africain. BIO EXPRESS Diplômé de l’École Centrale Paris et de Sciences Po Paris, Alexandre Kateb a occupé des postes d’encadrement au sein d’institutions financières dont la Banque de France, avant de créer en 2010 son propre cabinet de conseil stratégique et financier. Parallèlement, il a enseigné l’économie et la finance à Sciences Po et il a publié un ouvrage de référence sur les grands pays émergents, les BRICS. ©DR