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réaliserdessynergiesfinancièresetopération-
nelles.Ilyaunedispositiondanslaloidefinances
2016pourouvrirauxinvestisseursprivésnatio-
nauxlecapitaldesentreprisespubliqueséligibles
à hauteur de 66%, et jusqu’à 100 % au bout de
cinq ans.
Mais la logique aujourd’hui, ce n’est pas forcé-
ment de privatiser à 100 %. C’est d’encourager
lepartenariatpublic-privé,leprivépouvantêtre
national ou international. Il y a la volonté de
mettre à jour les schémas de joint-ventures et
departicipationycomprisinternationale,etcela
mêmedanslesecteurdel’énergie,encommen-
çant par les énergies renouvelables. C’est l’idée
du programme solaire de 4 GW lancé ce prin-
temps (Voir ParisAlger n°19).
Des secteurs nouveaux sont progressivement
ouverts à l’investissement privé, comme dans
lesactivitéportuaires.Onpeutaujourd’hui,par
exempleinvestir,danslanavigationdeplaisance.
C’est typiquement un segment à fort potentiel.
Toujoursàproposdel’investissementinter-
national,venons-enauxdeuxgrands«clas-
siques» des critiques adressées à l’Algérie :
le 51/49 et la difficulté de rapatrier les divi-
dendes…Oùenest-onetquellessontlesévo-
lutions possibles ?
Il faut d’abord remonter à l’origine de ces
contraintes.Audébutdesannées2000,certaines
affairesoùl’investisseurétrangerapportaitun
minimumdecapitauxpourretirerunmaximum
de profits ont créé une sorte de traumatisme.
C’est un syndrome qui ne correspond plus à la
réalitéd’aujourd’huimaisquiresteprésentdans
les mémoires des dirigeants. Et puis il ne faut
pasoublierlecontextedelacrisede2008,avec
lesmouvementsdepaniquesurtouteslesplaces
mondiales. D’où la loi de finances 2009, avec
notammentlarègledu51/49.Elleaétémiseen
placedansuncontexteparticulier,maiselleest
trop générale. Le contexte a changé et il faut
aujourd’hui tourner la page.
C’est ce qui est fait de façon implicite. Le nou-
veaucodedel’investissementmarqueunprogrès.
Ilprévoitnotammentquelesavantagesaccordés
aux investisseurs soient octroyés de façon
automatique,etnonplusaprèsdécisiondel’ad-
ministration. C’est un tournant.
Pour les deux blocages souvent cités, il y a les
principes et l’application sur le terrain. Il faut
être précis. Pour le rapatriement des capitaux,
ilyaeudesprogrèsdepuis2007,avecunrègle-
ment de la Banque d’Algérie qui a transféré la
gestion des transferts de devises aux banques
commerciales,avecleprincipedetransfertlibre
des dividendes. Ce qui est critiqué, ce sont les
procédures.Aujourd’huiellessontnumérisées,
plusfaciles,lesbanquesontbienintégrécespro-
cess. Quand on suit les procédures, il n’y a pas
de problèmes, même s’il est vrai qu’on pourrait
encore les simplifier.
Et le 51/49 ?
Ontrouvedesdispositifsdecegenredansbeau-
coup de pays, de la Chine aux Émirats Arabes
Unis. Cette règle gêne plus les PME que les
grandesentreprises.UnePMEn’apastoujours
les moyens de trouver le bon partenaire local.
Il y a aussi des questions de propriété intellec-
tuellepourlesPMEinnovantes,quinesontpas
insolubles, mais qui compliquent les choses.
Les grandes entreprises savent trouver les
mécanismes juridiques qui garantissent leur
contrôle sur la gestion, même si elles n’ont que
49 % du capital, à travers le statut de la com-
mandite par actions, ou en faisant appel à un
actionnaire minoritaire passif, en sus du par-
tenaire stratégique.
l’industrieetletourisme,auxquelsj’ajouterais
l’économie numérique.
Unedizainedefilièresontétéidentifiées(auto-
mobile, pharmacie, électronique, etc). Il faut y
diriger l’investissement national et extérieur,
fairetoutcequipossiblepourleverlesblocages
àcesinvestissementsetlesaccroîtreenquantité
et en qualité. La question du financement peut
êtrerésolueencréantdesfondsd’investissement
quiassocieraientdescapitauxnationaux,publics
et privés, et des capitaux internationaux.
Les bailleurs de fonds internationaux (BAD,
Banquemondiale)peuventàcetégardjouerun
rôledecatalyseurenrassurantlesautresinves-
tisseurs et en procurant un effet de levier
financier.
Encequiconcernel’investissementnational,
unverroubienconnuestceluidel’économie
informelle.Commentlefairesauter?
Oui, cette économie informelle se manifeste à
deux niveaux : dans l’activité économique elle-
même, avec des entreprises qui échappent aux
réglementations, et dans le financement, avec
des ressources qui échappent au secteur ban-
caireenétantdivertiesverslesmarchésparal-
lèles de devises ou l’immobilier.
Une solution a été cherchée avec la mise en
conformité fiscale établie en 2016 et prolongée
en 2017. Ce n’est pas une réelle amnistie mais
les personnes qui réinjectent leur argent dans
lescircuitsbancairespeuventlefaireenpayant
unimpôtforfaitairede7%quisoldelescomptes.
Iln’yadoncpasdepoursuitessaufencasdefonds
liés à la criminalité.
Ce mécanisme n’a pas encore donné tous les
résultats escomptés. Pour que cela fonctionne,
il faut ramener la confiance entre l’État et les
agents économiques.
Oui, mais par quels moyens ?
Un premier moyen est de proposer des produits
d’épargnediteparticipative,àtoutecettecatégo-
ried’épargnantsqui,pourdesraisonsculturelles,
ne souhaite pas investir dans les produits ban-
cairesconventionnels.Deuxbanquesislamiques
opèrent déjà en Algérie. Il est possible d’élargir
l’offre de ces produits en y intéressant d’autres
banques.L’Étatpourraitstimulercedéveloppe-
mentenémettantdessukuksouverains.
Par ailleurs, il faut proposer des produits
d’épargne avec une rentabilité attractive, à des
taux de rémunération supérieurs à l’inflation,
qui est aujourd’hui de 6% - 8%, en offrant par
exempledestitresdeparticipationdansdesfonds
d’investissements, qui investissent dans des
projetsindustrielsoutouristiques,enmutuali-
sant les risques.
Lachancedel’Algériec’estquelademandeinté-
rieure y est forte. Il y a des tendances lourdes
comme l’essor démographique, l’urbanisation
etl’éducationquisoutiennentlaconsommation
etoffrentdesdébouchésauxproduitlocaux.Mais
il faut passer d’un modèle fondé sur la dépense
publique et les importations qui couvrent
aujourd’hui70%delademandeintérieure,àun
modèle plus équilibré, dans lequel c’est l’inves-
tissementproductifhorshydrocarburesquitire
la croissance et l’emploi.
L’investissement massif que vous appelez
devosvœuxest-ilcompatibleavecuneéco-
nomie encore largement dirigée, avec un
secteur public dominant ?
Réduirelepoidsrelatifdusecteurpublicestune
volontéconstantedepuisdesannées.Lesentre-
prises publiques ont été organisées en groupe-
ments pour améliorer leur management et
« DES SECTEURS NOUVE AUX
SONT OUVERTS
À L’INVESTISSEMENT PRIVÉ »
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évoquée. Les entreprises algériennes peuvent
souscertainesconditionssortirdesdevisespour
investir à l’international. À terme, la solution
passe par la mise en place d’un marché des
devises.Lesbanquesdevraientpouvoirs’échan-
ger librement des devises entre-elles, ou avec
leursclients,àdescoursrépondantàl’offreetà
lademande,avecdeslimitesdefluctuationfixées
parlabanquecentrale.Celaimpliqueunerefonte
complète de la politique monétaire. La conver-
tibilité du dinar est l’aboutissement de ce pro-
cessus de refonte. Cela doit se faire sur cinq à
dixans.Nosvoisinsmarocainsontinitiécepro-
cessus,maisavecunestructuredesexportations
beaucoupplusdiversifiéequelanotre,etunsys-
tème bancaire et financier plus sophistiqué.
L’Algérie souhaite développer ses expor-
tations. Quels sont les secteurs les plus
prometteurs ?
Horshydrocarbures,lepremiersecteurauquel
onpenseestceluidel’agricultureetdel’agro-in-
dustrie.C’estlapremièrefilièreindustrielle,qui
pèse5ou6milliardsdedollars,sansdoute10si
on ajoute l’informel. Le potentiel est là, en
matière de produits bruts et transformés : pro-
duits frais, pâtes alimentaires, conserves, etc.
Ces produits sont déjà exportés, souvent de
manière informelle, vers les pays voisins.
La pharmacie est un autre grand secteur. Les
besoins sont couverts à 50 % par la production
locale, l’objectif est d’aller à 70 %. Cela n’exclut
pasd’exporterlessurplusexistantssurcertains
produits.LesgrandslaboratoirescommeSaidal
ouBiopharmsesontengagésdanscettevoie.On
peutaussipenseràl’électroménager,oùdegrands
groupes comme Condor et Cevital à travers sa
filialeFagor-Brandt,exportentdéjà.Maisaussi
àl’ameublement,auxmatériauxdeconstruction,
etdemainàl’automobile,lorsqu’unécosystème
de fournisseurs et d’équipementiers locaux se
sera développé. Il y a enfin les services comme
letransportaérienetletourisme.Jecroisbeau-
coupaudéveloppementdel’éco-tourisme,dans
le Grand Sud notamment. Il faut investir dans
les infrastructures, la formation du personnel,
etchangerlesmentalités.Celaprendradutemps,
mais le potentiel est important.
Faut-ildévelopperl’exportationverslesmar-
chés africains ?
Oui, mais pas seulement. Il faut sortir de l’idée
reçue qu’il est plus facile d’exporter vers
l’Afriquequeversl’Europe.C’estavanttoutune
question de coûts de transport et de coûts de
certification des produits. Si on est dans les
normes des pays partenaires, c’est plus facile
d’exporterversl’Europequeverscertainspays
africains où les coûts logistiques sont élevés.
Et qui peut le plus peut le moins. Il vaut mieux
se mettre au niveau des normes européennes,
même si cela demande un investissement ini-
tial, qui peut être soutenu par l’État. L’accord
d’associationavecl’Unioneuropéennedoitêtre
utilisé pour accélérer la mise aux normes et la
convergenceréglementaireverslesstandards
Le51/49auninconvénientpourl’Algérie,celui
dufinancementdesprojets.Pourlesgrandspro-
jets,ilfauttrouverdespartenairesalgériensavec
lesreinsassezsolidespourfinancerleurapport
en fonds propres. Pour un projet de plusieurs
milliardsdedollars,celacommenceàfairebeau-
coup…Lasolutionestdeleverdesfondsparappel
public à l’épargne, ou de faire financer le projet
parlepartenaireétrangerenéchanged’unpar-
tage des profits adéquat.
Pourquoi ne pas alléger ou supprimer car-
rément cette contrainte ?
Le 51/49 a été mis dans la loi de finances 2009.
Une autre loi de finances peut le modifier. Les
législateursonteulasagessedenepasl’inclure
dans le nouveau code de l’investissement.
Ilseraitlogiqued’allégerlarègledanslesfilières
où il y a un fort besoin de compétences et de
transfertdetechnologie.Celapeutd’ailleursdéjà
se négocier au cas par cas mais il faudrait plus
detransparence.Dansleprojetdeloidefinances
2017,ilavaitétéenvisagéd’enexcluredeuxsec-
teursimportants:lesbanquesetlesentreprises
dunumérique.Maiscelan’afinalementpasété
adopté par le parlement.
Demêmelesentreprisesquinebénéficientpas
des avantages prévus par le code des investis-
sements pourraient détenir 100 % du capital.
Enfin, les Algériens non résidents devraient
bénéficierd’untraitementspécial,etnepasêtre
soumis à ces restrictions, à partir du moment
oùilsinvestissentlocalement.Lepotentield’in-
vestissementdeladiasporaestconsidérableet
encore largement sous-exploité !
Cecontextequiparaîts’améliorerpeut-ilatti-
rerlesgrandsfondsd’investissements?
Ces fonds visent un retour sur investissement
sur sept à dix ans, en se basant sur le potentiel
decroissanceàmoyen-longtermedelademande
intérieure, et sur les avantages comparatifs du
pays.Ilsontsurtoutbesoindestabilitépolitique
etjuridiqueetpeuvents’adapteraucontexteins-
titutionnel local. Néanmoins, à potentiel égal,
cesfondsvontbienentenduprivilégierlespays
qui ont une gouvernance plus transparente, et
un meilleur climat des affaires. L’Algérie peut
devenir encore plus attractive en s’améliorant
sur ces points.
Lanon-convertibilitédudinaretladifficulté
des transactions financières ne sont-elles
pas un obstacle rédhibitoire ?
C’estunsujetcomplexe.Onpeuttransférerdes
capitauxlibrementdanslecasdesimportations
ou des produits du capital. La question se pose
quand il s’agit de sortir des devises qui ne sont
pasadosséesàdestransactionscommerciales.
Lesoucidel’Étataétédeluttercontrel’évasion
des capitaux dans le cadre d’une économie
mono-exportatrice.
Lestextesdeloiexistentdepuislesannées1990,
mais dans la pratique ils ne sont pas appliqués.
Il y a un seul grand exportateur, la Sonatrach.
LesdevisesdelaSonatrachsontrapatriéesdirec-
tementauprèsdelaBanqued’Algérie.Lesquelques
entreprisesquiexportent–horshydrocarbures –
doiventrapatrierleursrevenusdansles360jours,
endéposant50%desdevisesàlaBanqued’Algé-
rie,etenplaçantlerestesuruncompteendevises
ouvertauprèsd’unebanquelocale.
La question commence cependant à être
« L A RÈGLE DU 51/49 :
LE CONTE X TE A CHANGÉ,
IL FAUT TOURNER L A PAGE »
« LE TOURISME A UN FORT
POTENTIEL, NOTAMMENT
DANS LE GR AND SUD »