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Éditeur : IDÉES-AFRIQUE
71A-, Strathyre, Lasalle (QC)
H8R 3P8, Canada
info@idees-afrique.ca
Comité éditorial
Nordin LAZREG, Ph.D. (IRIPI, Montréal)
Flore DONGMO, Ph.D. (IDÉES-AFRIQUE)
Raoul TAMEKOU TSOWA, Ph.D. (IDÉES-AFRIQUE, Montréal)
Jean Roger ABESSOLO NGUÉMA, Ph.D. (Université de Douala/IDÉES-AFRIQUE)
Avertissement : les opinions exprimées dans cette revue sont celles des auteurs et ne
doivent pas être considérées comme des positions offcielles ddIDÉES-AFRIQUE.
ISSN: ISSN 2564-100X
LE MOT DU DIRECTEUR
DOSSIER THÉMATIQUE
Sophonie KOBOUDE
Afrique : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique
Thierry YOGO
Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique
Thierry BARBAUT
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive
Alphonse Bernard AMOUGOU MBARGA
De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au
Cameroun
ENTRETIENS
Entretien avec Nelly Chatue-Diop
Entretien avec Naully Nicolas
RECENSIONS
3
5
5
10
14
21
27
27
33
40
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.............................................................................................
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LE MOT DU DIRECTEUR
Raoul TAMEKOU TSOWA, Ph.D.
Directeur IDÉES-AFRIQUE
3
Le mot du directeur
Ce numéro inaugural paraît dans un double contexte qui justifie de fait le choix du thème
dudossier.Premièrement,le17maidernierétaitlacommémorationdelajournéemondiale
des télécommunications et de la société de ldinformation. À la table des célébrations, sans
prétendre aux premières loges, ldAfrique avait un accès légitime aux festivités. En effet,
au cours de la dernière décennie, le continent, à ldinstar ddautres régions du monde, a
connu un « déferlement » numérique qui a modifié en profondeur les pratiques dans de
nombreux secteurs dont ceux, en prime, de ldinformation et de la communication. La
nouvelle révolution industrielle esquisse un visage concret en Afrique avec pour points de
saillancelatéléphoniemobile,lesplateformesnumériques;etpourdomainesddapplication
la finance, la santé, ldagriculture, le service aux entreprises, le commerce. De même,
des progrès considérables ont été enregistrés en Afrique en matière dde-gouvernement.
Malgré ldécart important qui demeure avec le reste du monde, le continent affche la plus
forte progression régionale en termes ddindice de qualité. Toutefois, ce dynamisme fait
face à ddimportants obstacles : déficit infrastructurel; absence de culture et de capacités
de gestion de ldinformation; analphabétisme numérique des populations; coût et qualité
de la connexion; volonté politique; asymétrie des rapports de force dans la gouvernance
mondiale de ldinformation. La fracture numérique demeure un défi immense pour les
sociétés et les décideurs africains. Les solutions et voies ddaction se révèlent ddautant plus
pressantes dans le contexte pandémique de la Covid-19, qui a un effet accélérateur sur
la dématérialisation des processus organisationnels, et ldimposition de ldoption numérique
comme cadre nécessaire de la régulation des sociétés modernes.
Ce numéro, et les numéros qui vont suivre, invitent des experts à réfléchir aux défis de
ldaction publique en Afrique. Néanmoins, ldambition de la revue Notes politiques : des
solutions pour l’action publiques est modeste, mais spécifique. Il ne sdagit ni de penser
ldaction publique en contextes africains, ni ddélucider les schèmes, mécanismes, et
catégories de ldÉtat en action à partir de cadres théoriques de la littérature des politiques
publiques. Ldobjectif est plus direct : informer, éclairer, proposer. Autour ddun enjeu défini,
des experts et spécialistes sont invités à une mise en contexte sectorielle et nationale, à en
analyser, de manière succincte les problèmes majeurs, puis à fournir des solutions et des
recommandations aux décideurs publics. À cet égard, si la communauté académique y
trouve un intérêt quelconque, ldaudience visée par la revue est la communauté pratique :
analystes, décideurs politiques, cadres supérieurs ddadministrations publiques.
Le mot du directeur
4
Ce choix éditorial guide le format et le style des textes présentés.
Dans ce numéro, la thématique du développement numérique en Afrique est
explorée à travers six textes, dont quatre articles et deux entretiens. Dans leurs articles,
Sophonie Jed et Thierry Yogo analysent les enjeux généraux du numérique en Afrique,
et formulent des recommandations convergentes. Dans son texte, Thierry Barbaut
se penche sur différentes questions liées à la transformation numérique en Afrique :
rôle des algorithmes, internet des objets, plateformes numériques. Ldauteur y avance
quelques réflexions intéressantes, notamment celle sur la place de ldhumain dans la
matrice de la numérisation. Cette interrogation est ddautant plus importante que
le défi du développement numérique, en Afrique comme ailleurs, est très souvent
posé en termes ddobligations, rarement de responsabilités. En outre, à la
différence des perspectives générales des trois premiers auteurs, Amougou
Mbarga, lui, se concentre sur le secteur spécifique de ldadministration fiscale au
Cameroun. Après un état des lieux de cette administration, ldauteur analyse les
retombées positives de la numérisation des processus du secteur, puis fournit des
recommandations à cet effet. Enfin, dans leurs entretiens, Nelly Chatue-Diop et
Naully Nicolas apportent un éclairage pénétrant, souvent technique, sur
différents aspects du développement numérique. Sdil est une leçon à retenir de
ces échanges, cdest ddune part ldinvitation faite aux Africains de retourner à leur
avantage leur position de « late comer » dans la modernité technologique, et de
capitaliser sur les acquis historiques des sociétés plus matures. Ddautre part, il en
ressort que les stratégies de développement numérique doivent sdinscrire dans une
démarche transversale de conception du développement économique et humain.
Pour finir, deux recensions critiques de livres récents sur les politiques publiques en
Afrique complètent ldoffre éditoriale.
Ce numéro de lancement marque un jalon décisif de la mission de ldInstitut
ddétudes des dynamiques contemporaines de ldÉtat et des sociétés en Afrique.
Abordant de manière ciblée, et assumée, le lien entre usages et politiques, la
revue positionne IDÉES-AFRIQUE dans le marché de ldexpertise de pointe en
matière de prise de décision et des politiques publiques. Mais, plus encore,
Notes politiques se veut un espace ddinnovation critique, de synthèse analytique, et
de proposition éclairée pour les décideurs et managers publics africains en
charge de la tâche fastidieuse du travail étatique.
DOSSIER THÉMATIQUE
AFRIQUE : Accélérer le développement
de l’entrepreneuriat numérique
Sophonie KOBOUDE
Chargé d’études au sein du think tank L’Afrique des Idées
Résumé : En 2050, ldAfrique va doubler
sa population et sera le continent le
plus peuplé avec près de 2,5 milliards
ddhabitants. En 2100, la population
africaine sera de 4,5 miliards ddhabitants.
La population ddAfrique subsaharienne
augmente de 2,7% par an et elle va
continuer ddaugmenter encore plusieurs
décennies à un rythme supérieur à 2%.
Cette forte croissance de la poplation
africaineouvreunefenêtreddopportunités
notamment dans le domaine du
numérique. La digitalisation des
économies africaines est portée par une
dynamique entrepreneuriale très forte.
Lesstartupsnumériquessemultiplientsurle
continent ainsi que les hubs ddinnovation.
Mais, les entrepreneurs numériques
sont face à un double problème : un
problème de financement couplé à une
rareté de main-ddœuvre qualifiée. Ce
papier démontre que les deux leviers
importants pour redynamiser ldactivité
entrepreneuriale dans le numérique en
Afriquesont:lefinancementetlaformtion.
Mots-clés : Afrique, Entrepreneuriat
numérique, Développement
économique, Économie numérique.
Abstract : In 2050, Africa will double its
population and will be the most populous
continent with nearly 2.5 billion people. In
2100, Africads population will be 4.5 billion.
The population of sub-Saharan Africa is
growingby2.7%peryearandwillcontinue
to increase for several decades at a rate
of more than 2%. This strong growth of the
African population opens a window of
opportunity,particularlyinthedigitalfield.
The digitalization of African economies
is driven by an extraordinarily strong
entrepreneurial dynamic. Digital startups
are multiplying on the continent as well as
innovation hubs. But digital entrepreneurs
are facing a double problem: a problem
of financing coupled with a scarcity of
qualified labour. This paper shows that
the two important levers to revitalize
entrepreneurial activity in digital in Africa
are: funding and training.
Keywords:Africa,Digitalentrepreneurship,
Economicdevelopment,Digitaleconomy
AFRIQUE : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique 5
Introduction : Un continent
engagé dans la révolution
digitale
Les technologies numériques se sont
répandues sur le continent africain à
un rythme inexorable. En 2020, plus
ddun milliard de personnes en Afrique
possèdent un téléphone portable. Le
taux de pénétration ddInternet est en
constante progression. Plus de 450 millions
ddafricains ont accès à Internet en 2020.
Les innovations numériques, adaptées
aux réalités locales, se multiplient sur le
continent africain. Il sdagit par exemple
de réaliser des transactions financières
sans compte bancaire ni carte de crédit
ou de développer des solutions de
commerce en ligne pour des personnes
sans adresse postale. Ces innovations
ont contribué à changer les lignes
ddhorizon des villes africaines et ont servi
de sources ddinspiration pour les articles
et les rapports intitulés « Africa rising »,
« Lions on the move » et « Aspiring Africa »
(V. Mahajan 2008), (McKinsey Global
Institute 2010), (The Economist 2013).
Bien que la révolution digitale du
continent africain soit en cours,
il y a encore du chemin à faire.
Dans le classement The IT Industry
Competitiveness Index 2020 qui mesure
la capacité des pays à soutenir un
secteur informatique robuste, il ndy a
aucun pays africain dans le top 40.
LdAfrique du Sud est le seul pays africain
à figurer dans le top 50 en étant 47ème.
En termes de rapidité de la connexion
internet, il ndy a aucun pays africain dans
le top 50 du classement fait par le cabinet
américain Akamai Technologies. Dans le
même temps, il y a cinq pays africains
dans le top 10 des pays ayant le coût de
la connexion internet le plus élevé.
La largeur de bande ddInternet sur
ldensemble du continent africain est de
12 térabits par seconde (Tbps), inférieure
à la moitié de celle de la Chine (36 Tbps)
ou de Singapour (37 Tbps).
Le développement de
l’entrepreneuriat numérique
en demi-teinte
Malgré une transformation digitale
africaine en demi-teinte, certaines
entreprises tentent de faire bouger les
lignes. Ldentrepreneuriat numérique
(digital entrepreneurship) a commencé à
êtreconsidérécommeunpuissantmoteur
puissantdeldinnovationlocale,etdoncde
la transformation et du développement
(B. Ndemo & T. Weiss, 2016). Il peut être
défini comme ldensemble des activités
entrepreneuriales visant la production et
la distribution de logiciels ou de solutions
numériques. Il est clair que ldAfrique
connaît un boom de ldentrepreneuriat
numérique (J. Bright & A. Hruby, 2015).
Les hubs ddinnovation ont proliféré
rapidement sur le continent africain :
selon la méthode de comptage, en 2016,
il y avait entre 173 et 314 hubs sur le sol
africain. En 2017, les startups africaines
ont réussi à lever 560 millions de dollars US,
révélant un bouillonnement de ldactivité
entrepreneuriale dans les économies
numériquesafricaines(S.Koboude,2021).
Mais, les investissements tendent à
se concentrer sur quelques zones
géographiques à savoir ldEgypte, le
Ghana, le Kenya, le Maroc, le Nigeria et
ldAfrique du Sud, ce qui témoigne ddune
répartition inégale sur le continent. Le
secteur privé en général est peu financé.
Le crédit intérieur fourni au secteur privé
est de 107% du PIB en France, près de
200% du PIB aux USA, plus de 160% du PIB
en Chine, plus de 170% du PIB au Japon
AFRIQUE : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique
6
1
Rapport Digital 2020 rédigé par We Are Social et Hootsuite.
2
http://globalindex11.bsa.org/country-table/.
3
https://www.atlasandboots.com/remote-work/countries-with-the-cheapest-internet-world/.
mais il ndest que ddenviron 45% du PIB
en Afrique subsaharienne (Banque
mondiale). Par exemple, seulement 4%
des startups africaines réussissent leur
tentative de levée de fonds. De plus, il y
a environ sept cent mille développeurs
informatiquessurldensembleducontinent
dont la moitié est concentrée sur cinq
pays (Afrique du Sud, Égypte, Maroc,
Nigeria, Kenya) ; ce qui est relativement
peu en regard du milliard de personnes
vivant sur le continent. Les entrepreneurs
numériques sont face à un double
problème : un problème de financement
couplé à une rareté de main-ddœuvre
qualifiée. Pour penser les solutions afin
ddaccélérer ldentrepreneuriat numérique
en Afrique, il nous faut comprendre
ldéconomie engendrée par la révolution
digitale.
Comprendre la spécificité de
l’économie numérique pour
penser des solutions
La compréhension de ldéconomie
numérique part ddune conséquence
majeure de ldintégration du digital dans
les processus de production : les tâches
répétitives sont automatisées. De ce
fait, qui peut sembler banal par ailleurs,
découle une myriade de conséquences
dont deux essentielles.
Ldéconomienumériqueestuneéconomie
àcoûtmarginalnul.Ditautrement,lecoût
marginal de la production est insignifiant
par rapport à ldinvestissement initial. Que
le lecteur mdautorise cet exemple - par
souci de clarté.
Il y a deux ans, en collaboration avec un
ami,jdaicrééuneentreprisepourproposer
une solution digitale de gestion des
notes des élèves dans les établissements
scolaires au Bénin.
Pour le développement de la première
version du logiciel, nous avons dépensé
quasiment tout notre capital financier
initial (achat de licences informatiques,
recrutement de développeurs
informatiques, etc.). Une fois le logiciel
mis au point, il peut être déployé dans
ndimporte quel établissement scolaire à
coût nul. Concrètement, il y a un coût
de distribution (les frais de transport
pour aller sur le site de nos clients). Mais,
il est très faible en regard du coût de
développement du logiciel. Le coût de
production est quasiment indépendant
de la quantité produite ; cdest une
spécificité de ldéconomie numérique.
Le coût marginal de la production est
insignifiant par rapport à ldinvestissement
initial : le rendement ddéchelle est
croissant. Ldéconomie numérique est une
économieàcoûtfixe.Parconséquent,les
sunk cost (les coûts irrécupérables) sont
une des caractéristiques principales des
entreprises de ldéconomie numérique.
Quand une boulangerie tombe en
faillite, ldon a la possibilité de vendre le
four à pain, ldarmoire à levain, le pétrin
mélangeur, la trancheuse de pain ou tout
autre équipement. En revanche, quand
uneentreprisedelogicieléchoue,ellenda
plus rien à vendre. Le code du logiciel nda
très probablement plus aucune valeur.
Ldinvestissement initial est complètement
perdu. Comme la production dans
ldéconomie numérique est à coût
marginal nul, ldessentiel des dépenses de
ldentrepreneur est concentré sur la phase
de création. Ddoù ldon peut tirer deux
conclusions en matière de financement
de ldentreprenariat numérique : la dette
estunmauvaisinstrumentdefinancement
de ldéconomie numérique, le capital-
investissement est le bon instrument.
AFRIQUE : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique 7
« L’économie numérique est une
économie de la compétence »
Par ailleurs, ldéconomie numérique est
une économie de la compétence. Elle
redéfinit les attributs des êtres humains
et appelle de nouvelles compétences.
Des ingénieurs en microélectronique,
des développeurs informatiques, des
ingénieurs ddaffaires, des responsables
de service après-vente, des directeurs
de systèmes ddinformation, des analystes
de données, etc… tant de compétences
nécessaires à ldinformatisation des
sociétés africaines. Ces compétences
représentent un savoir-faire ; ce qui pose
la question de la nécessité de réformer le
système éducatif en Afrique. Le système
éducatif africain, hérité essentiellement
de la colonisation, est celui qui produit
des concepts théoriques, éduque à
ldabstraction et la logique. Il a permis
de former ddéminents hommes ddÉtat,
chefs ddentreprises et dirigeants jusqudà
la fin du 20ème siècle. Mais, il doit être
réformé car il ne sdagit plus de remplir
des cerveaux mais de produire des
connaissances orientées vers ldaction,
la production. Autrement dit, l’Afrique a
besoin d’un système éducatif qui produit
des compétences et pas seulement des
connaissances. Il y a environ sept cent
mille développeurs informatiques sur
ldensemble du continent dont la moitié
est concentrée sur cinq pays (Afrique
du Sud, Égypte, Maroc, Nigeria, Kenya)
; ce qui est relativement peu en regard
du milliard de personnes vivant sur le
continent.
Conclusion et recommandations
Pour améliorer ldécosystème
entrepreneurial du numérique en Afrique,
il faut jouer sur deux leviers : le levier du
financement et celui de la formation.
A propos du financement des entreprises,
ldAfrique a beaucoup tâtonné.
Initialement, les bailleurs de fonds se
sont reposés sur ldintermédiation des
banques de développement nationales.
Ce fut un échec en raison de la
dépendance envers les gouvernements.
Puis, les banques de développement
multilatérales (BAD, BOAD, BDEAC, etc.),
à ldinstar des bailleurs internationaux,
ndétaient pas dimensionnées pour le
financementetlesuividesprojetsdepetite
taille. Les institutions de microfinance ont
contribué au financement de projets,
mais la taille et le potentiel des projets
concernés relevaient davantage de
la survie individuelle ddune famille
ou ddune microentreprise que ddune
véritable stratégie de développement
économique. Les sociétés financières
multilatérales (SFI) ou bilatérales
(PROPARCO en France, DEG en
Allemagne, CDC en Grande Bretagne,
FMO au Pays Bas, etc.) ont certes financé
des investissements privés, mais une
certaine lourdeur ddinstruction chez ces
institutions ndest pas non plus compatible
avec des projets ddinnovation. Ce qu’il
fautencourager,c’estledéveloppement
des fonds de capital-investissement.
« L’économie numérique est une économie de la compétence »
8
Ldinvestissement en capital est ldoutil
financier le mieux adapté à ldéconomie
numérique. En Afrique, il y a eu une
multiplication des fonds de capital-
investissement actifs ces quinze dernières
années (selon Harvard Business Review).
Entre 2014 et 2019, les fonds de capital-
risque ont conclu des deals ddun montant
total de 3,9 milliards de dollars US en
Afrique (selon Partech Partners). Quand
onregardelesdealsdescapital-risqueurs,
ces 10 dernières années, seulement 5%
du montant total des deals est consacré
au Seed financing (à ldamorçage) ;
ldessentiel étant en série B et C. Il faut donc
améliorer le financement à ldamorçage.
LdAfrique a des arguments à faire valoir
pour attirer les investisseurs. Elle a une
démographie favorable, une économie
avec des équilibres macroéconomiques
encourageants. Entre 2006 et 2011,
ldAfrique a enregistré le taux le plus élevé
de rendement des investissements directs
étrangers, soit 14 %, à comparer aux taux
de 9,1 % en Asie, 8,9 % dans la région
Amérique latine et Caraïbes, le taux à
ldéchelle mondiale étant de 7,1 %.
Ldautre levier à employer pour dynamiser
ldentrepreneuriat numérique, cdest la
formation. Il a été démontré ci-dessus
que ldéconomie numérique est une
économie de la compétence. Un logiciel
est un corpus ddinstructions donné à une
machine informatique afin de réaliser
un ou plusieurs traitements. Ldaptitude
ddun pays à concevoir des logiciels
est intimement liée à sa compétitivité
scientifique.Dansl’économienumérique,
le cerveau humain est la première
ressource naturelle. Dans son rapport
2017 sur ldindice de développement
des technologies ddinformation et de la
communication, ldUnion Internationale
des Télécommunications (UIT)
mentionnait que ldAfrique est la dernière
région du monde avec un niveau de
compétences dans le digital en dessous
de la moyenne mondiale. Il faut donc
améliorer le système éducatif avec la
mise en place de circuits de formations
spécifiques et adaptés aux besoins des
entreprises numériques. Il faut créer des
incitations à ldendroit des personnes
formées à investir dans la création
de leurs entreprises avec des réseaux
ddaccompagnement. La combinaison
technologie-main ddœuvre est la clé de
la compétitivité future.
En plus des deux leviers évoqués, il y a
des fondamentaux qudil faut consolider. Il
est nécessaire de diminuer les risques liés
à la corruption et à ldinstabilité politique
qui sont des facteurs limitants de la prise
ddinitiative. Il faut également diminuer le
poidsfiscalsurlesentreprisesdunumérique
en créant des « zones franches » par
exemple.
En conclusion, ldentrepreneuriat
numérique en Afrique ne demande qudà
être valorisé et encouragé. La volonté
entrepreneuriale existe. Aux dirigeants et
décideurs de lever les freins décrits dans
ce papier afin de faire de ldAfrique une
terre ddinnovation.
Références
Economist, T. 2013. Africa Rising – A hopeful continent. Aspiring
Africa. The Economist. Retrieved from
https://www.economist.com/weeklyedition/2013-03-02
Hruby, J. B. 2015. The Next Africa: An Emerging Continent
Becomes a Global Powerhouse. New York:
Thomas Dunne Books.
Institute, M. G. 2010. Lions on the move: The progress and
potential of African economies. . New York.
Koboude, S. 2021. Le digital au secours de l'Afrique. Paris:
Anovi Editions.
Mahajan, V. 2008. Africa Rising: How 900 million African
consumers offer more than you think. New
Jersey: Pearson Education.
Weiss, N. B. 2016. Digital Kenya: An Entrepreneurial Revolution in
the Making. Basingstoke, UK:
Palgrave Macmillan.
« L’économie numérique est une économie de la compétence » 9
Les Enjeux du Développement
Numérique en Afrique
Thierry YOGO
Résumé : Le développement ddune
économie numérique prend encore
plus ddimportance alors que le monde
est en proie à une crise sanitaire sans
précédentetquelesleviersddintervention
sont contraints par la nécessité de
respecter les mesures de distanciation
sociale. Dans ce contexte les solutions
numériques ont contribué à assurer la
continuité des activités aussi bien dans la
sphère publique que privée, et permis un
développement rapide, flexible et inclusif
ddune réponse appropriée pour limiter
ldimpact de la crise sur les pauvres et les
plus vulnérables. Capitaliser pleinement
le potentiel du numérique en Afrique
requiert de relever trois défis essentiels :
(i) Combler le gap infrastructurel ; (ii)
former aux métiers du numérique ; et (iii)
développer ldentreprenariat numérique
et accélérer la digitalisation des services
financiers.
Mots-clés : développement numérique;
enjeux ; Afrique
Abstract : The development of a digital
economy is becoming even more
important as the world is in the grip of
an unprecedented health crisis and the
levers of intervention are constrained by
the need to respect social distancing
measures. In this context, digital solutions
have helped to ensure business continuity
inboththepublicandprivatespheres,and
enabled the rapid, flexible, and inclusive
development of an appropriate response
to limit the impact of the crisis on the poor
and most vulnerable. To fully capitalize
on the potential of digital technology
in Africa, three key challenges must be
addressed: (i) Bridging the infrastructure
gap; (ii) training in digital professions; and
(iii) developing digital entrepreneurship
and accelerating the digitization of
financial services.
Keywords : digital development; main
issues; Africa
Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique
10
Chercheur associé au Centre ddÉtudes et de Recherche en
Économie et Gestion de ldUniversité de Yaoundé 2
Économiste Principal, Banque Mondiale.
La COVID-19 a mis un frein à la croissance
économique des pays africains et
exacerbé des contraintes structurelles qui
entravent la croissance et la réduction de
la pauvreté. Les besoins de ldAfrique en
matière de réduction de la pauvreté sont
ddune acuité particulière. La plupart des
pauvres du monde résident dans cette
région, et sans action drastique, cette
part augmentera de façon spectaculaire
dans les années à venir. Les technologies
du numérique offrent une chance de
débloquer de nouveaux sentiers de
croissance, ddinnovation, de création
ddemplois et ddaccès aux services sur
le continent. Selon des estimations du
Groupe de la Banque Mondiale, un
accès universel et abordable à Internet
augmentera de 2 points de pourcentage
par an la croissance du PIB en Afrique
et stimulerait ldoffre ddemploi, quel que
soit le niveau ddéducation, entre 6,9 % et
13%. Les progrès du numérique peuvent
égalementsouteniretaccélérerlamiseen
œuvre des objectifs de développement
durable. Mais les technologies du
numérique peuvent aussi menacer la vie
privée, éroder la sécurité et alimenter les
inégalités. Elles ont des répercussions sur
les droits de ldhomme et ldaction humaine.
Le développement ddune économie
numérique prend encore plus
ddimportance alors que le monde est en
proie à une crise sanitaire sans précédent
et que les leviers ddintervention sont
contraints par la nécessité de respecter
les mesures de distanciation sociale. Dans
ce contexte les solutions numériques ont
contribué à assurer la continuité des
activitésaussibiendanslasphèrepublique
que privée, et permis un développement
rapide, flexible et inclusif ddune réponse
appropriée pour limiter ldimpact de la
crise sur les pauvres et les plus vulnérables.
La croissance en plein essor de
ldéconomie numérique a été rapide,
mais inégale à ldéchelle mondiale. En
2016, ldéconomie numérique mondiale
valait 11,5 milliards de dollars, soit 15,5 %
du produit intérieur brut (PIB) mondial.
Il devrait atteindre 25 % en moins ddune
décennie,dépassantdeloinlacroissance
de ldéconomie « traditionnelle ». Cette
révolution numérique tient la promesse
de transformer les économies et les vies
en créant de nouvelles opportunités
ddinclusion et de progrès. Au cours des
deux dernières décennies, ldinternet a
fourni une plateforme pour ldinnovation.
Il a permis aux startups, aux institutions
et aux gouvernements, de développer
et de mettre sur le marché de nombreux
produits et services. Il a non seulement
été propice à la création ddapplications
innovantes, mais a également transformé
les activités quotidiennes, notamment la
nature du travail, les décisions en matière
detravailetdeloisirs,lescommunications,
les réseaux sociaux, les achats, les
opérations bancaires et les relations avec
les pouvoirs publics.
Toutefois, la fracture numérique entre
le continent et le reste du monde reste
significative. Selon les données de ldUnion
Internationale des Télécommunications,
le nombre ddabonnements au haut débit
fixe (pour 1000 habitants) en Afrique
sdest accru significativement, passant de
0,5 à 3,4 entre 2007 et 2017. Toutefois, le
continent part ddun niveau extrêmement
bas puisque le taux de pénétration du
haut débit y est cent fois moins élevé
que dans les pays avancés et trente-cinq
fois moins élevé que dans les pays en
développement (Afrique Exclue). Le haut
débit mobile a connu une croissance tout
aussi remarquable.
Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique 11
Le nombre ddabonnements en haut
débit mobile est passé de 6 (pour 1000
habitants) en 2007 à 304 en 2017, mais ne
représente qudun tiers des abonnements
dans les pays développés et la moitié
du reste des pays en développement.
Capitaliser pleinement le potentiel du
numérique en Afrique requiert de relever
trois défis essentiels : (i) Combler le gap
infrastructurel ; (ii) former aux métiers
du numérique ; et (iii) développer
ldentreprenariat numérique et accélérer
la digitalisation des services financiers.
Le développement des
infrastructures du numérique
Ldinfrastructure numérique permet aux
ménages, aux entreprises
et aux administrations de se connecter
et de se relier aux services numériques
locaux et mondiaux. La réduction de la
fracture numérique (entre les pays et à
ldintérieur des pays) demande un meilleur
accès à ldinfrastructure numérique, à une
connectivité abordable et à des services
tels que les identifiants numériques ou les
comptes de transaction. Ldinfrastructure
numérique (y compris les services
du haut débit) est particulièrement
importante pour ldentrepreneuriat
numérique. Ldutilisation et ldadoption
du haut débit soutient la création de
nouvelles entreprises, notamment dans le
commerce électronique et le marketing
en ligne.
Combler le manque infrastructurel passe
par ldaugmentation des investissements
dans le développement du réseau haut
débit afin ddaméliorer sa couverture et sa
fiabilité ; améliorer la qualité des services
et baisser les prix.
La formation aux métiers du
numérique
LdAfrique a besoin ddune main-ddœuvre
compétente en matière de numérique
pour mettre en place des économies
numériques solides et des marchés
compétitifs.
Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique
12
Le capital humain requis renvoie aussi
bien à des compétences technologiques
qudà des compétences commerciales
permettant de créer ou de gérer
des startups, contribuer à étendre
ldapplication des outils et des pro cessus
numériques dans une grande variété de
secteurs,ycomprisldagriculture,ldénergie,
le transport ; la santé et ldéducation. Le
développement du capital humain
numérique passe par une intégration des
formations aux outils et aux métiers du
numérique à tous les niveaux du système
éducatif.
Le développement
de l’entrepreneuriat
numérique et l’accélération de
la digitalisation des services
financiers
Le développement ddune économie
numérique passe par ldexpansion de
ldentreprenariat numérique au travers de
la formation, ldaccompagnement des
start-ups et la création des opportunités
de marché. Cela suppose également
un soutien aux start-ups via la formation,
ldappui financier et le développement
des opportunités de marché. Ldaccès
à des services financiers numériques
abordablesestessentielàlaparticipation
des particuliers et des entreprises à
ldéconomie numérique. Les comptes de
transaction permettent aux ménages
et aux entreprises ddeffectuer des
transactions en ligne et ouvrent la voie
à une variété de services financiers
numériques tels le crédit, ldépargne et
ldassurance. Les entreprises peuvent tirer
parti des services financiers numériques
pour effectuer plus facilement des
transactions avec leurs clients et leurs
fournisseurs, ainsi que pour se constituer
un historique de crédit numérique et
rechercher des financements.
Les gouvernements peuvent utiliser les
services financiers numériques pour
accroître
ldeffcacité et ldeffcience dans la
fournituredesservicespublicsetlesrendre
plus proche des citoyens. Ldusage du
numériquepourraitégalementpermettre
de réduire la fraude et la corruption. Les
paiements numériques sont souvent le
point ddentrée des services financiers
numériques et fournissent ldinfrastructure
grâce à laquelle ddautres produits
peuvent être développés, comme le
montre ldévolution de M-PESA au Kenya.
En plus des trois principaux défis relevés
plus haut, il est indispensable de créer
un écosystème favorable à ldinnovation
et renforcer cadre légal de lutte contre
la cybercriminalité et la protection des
données personnelles. Ceci suppose
outre la volonté politique et la coopéra-
tion internationale, le renforcement des
moyens juridiques, organisationnels, pro-
céduraux, techniques et humains, ainsi
que des partenariats entre les secteurs
public et privé.
Références
Africa’s Pulse. Analysis of Issues Shaping Africa’s Economic
Future. No. 19 (April). World Bank, Washington, DC. Doi:
10.1596/978-1-4648-1421-1.
Banque mondiale. 2020. Rapport sur la Situation Écono-
mique du Togo : Dynamiser l’Investissement Privé pour plus
de croissance et d’emploi. © Banque Mondiale, Washington,
DC.
Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique 13
Algorithmes et plateformes en synergie
pour une économie inclusive
Thierry BARBAUT
Directeur des écosystèmes innovants chez TACTIS
Résumé : Humains, environnement et
technologies doivent mieux coexister.
Il est évident que le numérique et la
science vont être de précieux alliés
pour mieux travailler ensemble dans cet
écosystème mondialisé et globalisé qui
va nous mettre à rude épreuve avec en
toile de fond la pandémie mondiale du
coronavirus. Les pays classés par ldOCD
comme “en voie de développement”
étantsystématiquementlesplusimpactés
parcesdéfis,ilssontaussiceuxquidoivent
le plus en profiter pour transformer cette
situation à leur avantage. Ldanalyse fine,
aussi par les algorithmes, va permettre
aux citoyens de manifester leur intérêt
pour différentes solutions. Cdest innovant,
numérique et basé sur ldhumain. Une
démarche à développer un écosystème
ddacteurs à labelliser.
Mots-clés : algorithmes ; plateformes ;
développement numérique ;
opportunités
Abstract : Humans, environment and
technologies must better coexist. It is
obvious that digital and science will be
precious allies to better work together
in this globalized ecosystem that will
challenge us against the backdrop of
the worldwide coronavirus pandemic.
The countries classified by the OCD as
«developing» being systematically the
most impacted by these challenges, they
arealsotheoneswhoshouldtakethemost
advantage of this situation to transform
it to their advantage. Fine analysis, also
through algorithms, will allow citizens to
express their interest in different solutions.
Itds innovative, digital and human-based.
An approach to develop an ecosystem of
actors to label.
Keywords : algorithms; platforms; digital
development; opportunities
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive
14
Afin de se saisir des opportunités qudoffre
la quatrième révolution industrielle, il est
impératif de développer et animer de
nouvelles plateformes numériques 4.0
qui allient algorithmes, mais aussi réalité
augmentée et intelligence artificielle.
Plus que jamais, et dans ce contexte de
crise mondiale qui rend nos rapports et
notre économie fébriles, les technologies
peuvent être nos alliées pour les trente
prochaines années. Les grandes dates
suivantes et leurs indicateurs pour les
prochaines décennies peuvent être
retenus :
- 2030avecldatteintepartielleounon
desObjectifsdeDéveloppementDurables
(17 ODD et plus de 200 indicateurs).
- 2050 avec un accroissement de la
populationafricainede50%soit2milliards
ddhabitants et plus de 30 millions dans les
grandes villes comme Lagos, Le Caire ou
Kinshasa.
- 2063 avec ldagenda de ldUnion
Africaine sur le recours au numérique
pour la croissance économique.
Aveclesalgorithmesilestdésormaispossible
de permettre à une structure porteuse
ddun projet, que ce soit une entreprise,
une fondation, une association, un
bailleurdefonds,ddaccéderpardifférents
critères aux contenus les plus adaptés :
trois principaux accès sont déterminants
: la zone géographique qui peut être le
continent, le pays et la/les régions; Les
thématiques (en rapport avec les ODD
ou ddautres indicateurs) qui peuvent
être la santé, ldagriculture, ldénergie,
ldurbanisme, la mobilité, ldeau, le social ou
ldentrepreneuriat; Et les structures : tailles,
CA, type, nombre ddactifs, personnel,
métiers, actions menées, etc…
Ces trois principaux critères qui sont la
zone géographique, les thématiques
et les types de structures porteuses de
projets permettent déjà de séquencer
les contenus et donc ddallier les différents
acteurs sur des socles communs : un
cap prépondérant est déjà franchi.
Dans la technicité des algorithmes il
faut discerner ce qui vient en miroir de
ce que ldhumain propose. Que ce soit le
miroir humain ou algorithmique et donc
ce que reflètent nos développements
ou celui de la “machine” il est
nécessaire de comprendre que sur
celui de ldinformatique il ne peut être
que “apprenant” (implicite) ou “non
apprenant” (explicite). Cela permet de
juger de leur pertinence. Finalement plus
nous allons être en capacité ddanalyser
ce miroir mieux nous pourrons juger du
monde virtuel. Une meilleure analyse
de ce miroir nous permettra de juger au
mieux le monde virtuel et non ldimposer.
Cdest expliqué par Aurélie Jean dans
son livre “De ldautre côté de la machine,
voyage ddune scientifique au pays des
algorithmes”.
Le développement avec les
plateformes
Le Développement cdest un immense
secteurddactivitéquioffreavecsesmilliers
de personnes engagés des perspectives
collaboratives pour redessiner les
contours ddun monde durable. Il implique
ldensemble des acteurs économiques des
différents continents aussi bien ceux des
pays dit “riches” que des pays “pauvres”
communément appelés du Sud et du
Nord. Ce secteur octroie des centaines
de milliards ddeuros investis chaque
année, sous forme de prêts, de garanties,
ddinvestissements ou de subventions.
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 15
Des fonds indispensables aux actions
menées pour les pays et finalement pour
ldensembledesacteursquisanscesleviers
financiers ne pourraient jamais mettre en
place leurs actions locales.
Le développement cdest donc du
financement avec des opérateurs et
avec les acteurs incontournables : états,
entreprises, fonds ddinvestissements,
fondations, banques de développement
et bien sur la société civile qui participe
activement au développement
économique et souvent de manière
inclusive.
Le développement cdest aussi du
partenariat avec des entreprises et des
structures diverses, mais surtout avec des
opérateurs et des acteurs engagés dans
le développement de la société. Cet
engagement se fait de plus en plus avec
des indicateurs et des outils numériques
maisparfoisdefaçonanarchiqueetisolée
sans prise en compte des indicateurs
pourtant bien présents, les fameux 17
ODD…Lesétudesetlesdonnéessontbien
présentes mais les données numériques
pas assez démocratisées.
Ddexcellentes initiatives voient le
jour comme la plateforme Edflex de
ldAgence française de développement
qui partage en ligne des centaines de
ressources accessibles gratuitement
en ligne. Ou ldONG La Guilde avec son
Portail Solidaire qui permet pour une
associationdedéposerenligneundossier
et ddêtre financé par plusieurs bailleurs.
Ldoptimisation en ligne ddun cycle de vie
projet couplé à une plateforme en ligne
permet ddaccompagner plus de 500
initiatives tout au long de ldannée, plus
ddune centaine de projets sont financés
chaque année.
Le numérique 4.0 en
accélérateur
Cesmilliersddacteurs,dansdifférentspays,
parlant différentes langues et avec leurs
propres moyens et systèmes proposent
leurs services, travaillent et collaborent sur
différents projets qui touchent des millions
de bénéficiaires.
Ces réseaux sont complexes et non
unifiés, ils reproduisent parfois les mêmes
processus ou actions et sans savoir qui fait
quoi.
La capitalisation, les bonnes pratiques et
les analyses ne sont pas assez partagées
et cdest une perte colossale en termes
de visibilité pour les actions collectives
et finalement pour le rendement
des différents opérateurs.Comme
ldindique justement Gilles Babinet
dans son livre “Transformation digitale,
ldavènement des plateformes” ce sont les
plateformes collaboratives de services
qui remplissent désormais un nouveau
rôle dans ldéconomie mondiale et le
développement. Elles sont animées par
des milliers ddActeurs du Développement.
Avec la pandémie du coronavirus il
est possible de soutenir les initiatives
portées par des centaines ddacteurs du
développement en Afrique. Ils agissent
déjàsurles«HealthTech»lestechnologies
delasantédepuisdenombreusesannées
avecunsuccèsprouvéparlesinnovations
accessibles localement comme les
nouveaux centres de télémédecine,
les applications ddanalyses oculaires,
les dépistages par smartphones ou les
analysesdedéplacementsdepandémies
par géo tracking sur smartphones.
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive
16
Ushahidi par exemple permet même de
cartographier la pandémie en au Kenya
maisaussienEspagneouenItalie:https://
kenyacovid19.ushahidi.io/views/map.
Exemples de plateforme : Carte de Briter
Bridges sur les Health Tech en Afrique
Ces plateformes permettent de
développer ldaccessibilité aux
services comme le financement et
les cofinancements, les ressources
téléchargeables ou consultables (fiches
de conseils, analyses, schémas, POC, cas
ddétudes),lerecensementdesactionsdes
différentsacteurs,etc…Cequitransforme
radicalement le développement
de ces plateformes cdest ldutilisation
ddalgorithmes de réalité augmentée et
bientôt ddintelligence artificielle.
Proposer des contenus en mode
plateformes et y coupler des
développements techniques puissant
permet déjà aux acteurs locaux de
sdemparer du savoir et de monter en
compétences.
Ldéconomie informelle en Afrique se
formalise ainsi, petit à petit et de manière
contrastée selon les régions et les pays.
Les projets se structurent avec de plus en
plus de données et ddalgorithme rendant
les actions plus précises et plus effcientes.
Briter Bridges propose une carte ddAfrique
regroupant des structures agissant dans
la santé avec les nouvelles technologies.
Cdest avec ces outils que les plateformes
changent de dimensions, elles sont
désormais limitées uniquement par notre
capacité à les imaginer, les entreprendre,
les rendre accessibles et évolutives selon
les contextes de ce monde mouvant ou
ldhomme et la nature sont confronté à
ddimmenses défis.
Réalité augmentée,
intelligence artificielle, drone
vont travailler ensemble…
Avec ces plateformes de services qui
collectent, avec respect de la RGPD,
les données des acteurs qui justement
profitent de ces services il devient possible
de proposer des services plus innovants
: cartographie interactive (Banque
Mondiale) avec de ldopen data qui offre
donclapossibilitéparexempleddyajouter
de la réalité augmentée pour superposer
uncontextelocalgrâceàdesapplications
sursmartphones.UnopérateurdduneONG
en Afrique peut superposer des calques
et interagir avec les acteurs ou superposer
les actions ddautres organisations.
Ldintelligence artificielle qui permet
ddanalyser un contexte (avec des
capacités surpuissantes) ou le
déploiement ddun programme selon
la probabilité ddéchec ou issue de
ldanalyse des actions passée de prévoir
un meilleur cadre logique ddintervention.
Ldusage des drones avec le couplage de
la cartographie, de la réalité augmentée
et des données permettant là aussi un
travail de capitalisation inestimable sur
des projets ddinfrastructures comme dans
ldhydroélectrique ou ldenvironnement.
L’Internet des Objets
LdIoT, ldInternet des objets ou IdO en
français, joue déjà un rôle majeur. Les
usages sont inimaginables tellement ils
sontvastes.Desmillionsddentreprisesetde
consommateurs les utilisent sans le savoir.
Ldentreprise Sigfox par exemple permet
de tracer les rhinocéros et ainsi de les tenir
éloignés des braconniers.
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 17
Avec les technologies et une coalition
multi-pays nous pourrions faire de ces
défis des opportunités économiques
et sociales tout en préservant
ldenvironnement et ainsi notre avenir.
Des communautés ddacteurs engagés,
de nouveaux modèles économiques
Un des aspects vertueux et inestimable
des plateformes 4.0 cdest la productivité
des communautés qui se fédèrent et
opèrent ensemble sur les thématiques,
régions, ou plans économiques locaux. Ils
seconnectent,seregroupent,partagent,
analysent et déploient de nouveaux
savoir-faire adaptés aux marchés avec
des actions innovantes. Cdest un fait,
les communautés des plateformes sont
plus agiles, plus rapides, plus effcientes
et plus proactives dans leurs démarches.
Un des cas concrets dans ce sens est la
plateforme portée par la BPI (Banque
Publique ddInvestissement) EuroQuity
qui permet aux startups ddaccéder aux
investisseurs en quelques clics.
EuroQuity met en relation les
entrepreneurs de ldinnovation et du
numérique avec les acteurs du Capital
Risque (VC) ou Private Equity. Ldimpact
est énorme avec des dizaines de milliers
ddacteurs qui convergent pour financer
ou cofinancer des structures qui sans
cette plateforme peinerait à se faire
connaître ! Ldeffet démultiplicateur
est énorme et les impacts sur les
bénéficiaires colossaux sans même
parler de ldaccélération temporelle
qudoffrent ces mises en relations.
Dans cet écosystème de réseau, de
connexion et de mise en relation à
différents niveaux les réseaux sociaux
avec les nouveaux outils ddassistants
virtuels vont jouer un rôle majeur.
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive
18
Les animaux sont équipés de capteurs
de 30 dollars insérés dans leurs cornes qui
permettent de géo localiser en temps
réel les animaux qui ne sont plus que
29 000 dans le monde. Cdest un projet
relativement simple techniquement mais
qui permet ddimaginer ddinnombrables
développements. Les antennes Sigfox
permettent ddémettre des ondes sur plus
de50kilomètressansSIMouabonnements.
Le seul défi est que les données soient
assez légères pour être transmises sur
des ondes basses fréquences, là est le
savoir-faire de ce fleuron français de ldIoT.
Imaginons donc les objets connectés
dans le développement : capteurs
ddeau, de débit ddénergie, contrôles
ddinfrastructures, non seulement le
business model mais aussi les économies
que cela peut engendrer… Les pertes de
courants ou “délestages” sont fréquents
en Afrique. Ils peuvent représenter plus de
150 jours par an si on prend ldexemple de
la partie Sud du Sénégal. Les pertes sur
le continent représentent un marché de
plus de 5 milliards de dollars par an selon
la banque mondiale. Avec des objets
connectés en contrôle des débits cela
pourrait bientôt ndêtre plus qudun vieux et
pénible souvenir.
Le marché de ldIoT ou IdO offre clairement
une superbe perspective de croissance
pour les marchés africains.
Transformer les défis en
opportunités
Des outils qui sont développés par des
humains pour des humains mais dans un
but collectif, celui de mieux relever les
défis que nous rencontrons et qui vont
sdaccroître de manière exponentielle
dans les prochaines années. Spéculation
ou guerre de ldeau, migrations, conflits,
pénuries alimentaires.
Placer les citoyens au cœur des nouvelles
technologies
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 19
Facebook avec son redoutable
Whatsapp, mais aussi Slack ou LinkedIn
couplés de plus en plus à des outils de
monnaie virtuelle eux aussi couplés
à du commerce électronique ou du
service comme le « pay as you go »
révolutionnent et révolutionneront de
plus en plus les 20 prochaines années.
Particulièrement dans les pays en forte
croissance, ces fameux pays du Sud.
Ldénergie, de plus en plus durable car
renouvelable, devient accessible par le
compte en banque de son téléphone.
Cela nécessite en Afrique de redessiner
les modèles économiques locaux avec
ldensemble des entreprises et états
concernés. Ces cas ddusages vont
aussi de fait redéfinir les pratiques des
pays développés comme en Europe
ou nous allons pouvoir consommer une
énergie “à la demande” et non plus par
abonnement.
Humains, environnement et technologies
doivent mieux coexister. Il est évident
que le numérique et la science vont
être de précieux alliés pour mieux
travailler ensemble dans cet écosystème
mondialisé et globalisé qui va nous mettre
à rude épreuve avec en toile de fond
la pandémie mondiale du coronavirus.
Les pays classés par ldOCD comme
“en voie de développement” étant
systématiquement les plus impactés par
ces défis, ils sont aussi ceux qui doivent
le plus en profiter pour transformer cette
situation à leur avantage.
LdIRD (Institut de Recherche pour le
Développement) indique dans une
étude menée pour les Nations Unies que
le numérique et la science pourraient
être les meilleurs outils nous permettant
ddapprocher les 200 indicateurs qui
coexistent dans les 30 Objectifs du
Développement (ODD). Au-delà de
ldhumain cdest bien sûr la planète avec la
faune et la flore qui est déjà mise à rude
épreuve. Nous épuisons les ressources
et développons une industrialisation à
marche forcée sans logique commune
et sans analyse des contextes.
20
Le défi est immense mais les technologies
et cette nouvelle révolution industrielle
nous offrent une occasion immense qui
ne se reproduira peut-être jamais.
Il faut bien sûr faire passer ldhumain avant
les technologies. Comme la société
française Tactis qui, dans son projet de
développement de ville durable pour
Kigali, développé en partenariat avec
les autorités locales, a mis en place un
vaste programme de réflexion et de
transition pour le réaménagement de la
ville : infrastructures, transports, mobilité,
services numériques… Ce vaste plan est
basé sur une consultation citoyenne et
non le fait ddimposer des choix politiques
pensés par les élites.
Ldanalyse fine, aussi par les algorithmes,
va permettre aux citoyens de manifester
leur intérêt pour différentes solutions.
Cdest innovant, numérique et basé sur
ldhumain. Une démarche à développer
un écosystème ddacteurs à labelliser.
Que nous le voulions ou non il faut intégrer
les nouvelles technologies pour mieux
maîtriser notre impact sur le monde et
une des clés est et sera de développer
des technologies accessibles pour tous
dans un monde de plus en plus connecté.
Le défi est ddautant plus complexe que
ces technologies seront aussi évolutives
qudénergivores, ce pourquoi nous allons
devoir inventer de nouveaux modèles.
Il reste à savoir si nous souhaitons faire ce
pas de géant en accélérant notre travail
de réflexion collective ou si nous allons,
comme souvent, freiner les réformes
qui nous permettraient ddintégrer le
numérique avec ldhumain au cœur de
notre vision ddavenir.
Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive
De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 21
De l’exigence de la numérisation de
l’administration fiscale au Cameroun
Alphonse Bernard AMOUGOU MBARGA
Université de Douala, Cameroun
Résumé
Au cœur ddune économie à plus
de 70% informelle, les recettes de
ldEtat ne peuvent que connaître un
amenuisement. La pandémie du
covid19 porte un coup aux stratégies
institutionnelles de financement de
ldéconomie. La sécurisation des recettes
devient un devoir régalien impérieux.
Le recours à la digitalisation et au
numérique pourraient ainsi permettre à
ldadministration fiscale camerounaise de
sdinscrire dans la modernité. Dans cette
optique, ldamélioration des recettes
doit trouver une place au cœur ddune
administration à travers laquelle le
numérique devient un outil essentiel de
la fiscalité au moment où le Cameroun
tend à mettre en place sa Stratégie
Nationale de développement (SND
2020-2030).
Mots-clés : Cameroun, administration
fiscale, numérique
Abstract
At the heart of an economy that is more
than 70% informal, state revenues are
bound to decline. The covid19 pandemic
is a blow to institutional strategies for
financing the economy. Securing
state incomes becomes an imperative
sovereign duty. The use of digitization
and digital technology could thus allow
the Cameroonian tax administration to
become modern. From this perspective,
the improvement of revenues must find a
place at the heart of an administration
through which digital technology
becomes an essential tool of taxation at
a time when Cameroon tends to put in
place its National Development Strategy
(SND 2020-2030).
Keywords: Cameroon, Tax administration,
digital
La pandémie du Covid19 a
complètementdéstructuréleséconomies
des Etats africains et singulièrement
celle du Cameroun. À une baisse des
exportations déjà liée à ldincapacité
de certains produits de respecter les
normes internationales, sdest ajoutée une
diffculté à recouvrer les recettes internes
à cause du ralentissement des activités
économiques. Au cœur ddune économie
à plus de 70% informelle, les recettes
de ldEtat ne peuvent que connaître un
amenuisement. Le président Paul Biya
avait ddailleurs, en mars 2020, modifié
par ordonnance le budget de ldEtat du
Cameroun pour prendre en compte les
impacts possibles de la pandémie du
Covid19. Une telle modification a obligé
le Ministère des Finances (MINFI) à revoir
les modalités de production des recettes
et de financement de ldéconomie
au moment où le pays annonçait sa
Stratégie Nationale de Développement
(SND 2020-2030). Dans cette optique,
ldamélioration des recettes doit trouver
une place au cœur ddune administration
à travers laquelle le numérique devient
un outil essentiel de la fiscalité.
De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun
22
État des lieux de
l’administration fiscale au
Cameroun
Conformément au décret N° 2013/066
du 28 février 2013 qui ldorganise, le
ministère des finances est doté de quatre
directions générales et de nombreuses
directions, divisions, cellules et services.
Bras séculier de ldÉtat, des Collectivités
Territoriales Décentralisées (CTD) et des
Établissements Publics en matière de
collecte de ressources, le Ministère des
Finances (MINFI) du Cameroun se veut
uneadministrationopérationnelle.Encore
faut-il signaler qudà côté du Ministère
des Finances se trouve un Ministère de
ldEconomie, de la Planification et de
ldAménagement du Territoire (MINEPAT).
Cette organisation institutionnelle tend
à une clarification des rôles entre la
question financière stricto sensu et les
politiques de développement.
En novembre 2020, pour permettre au
ministère des finances de faire face à ses
missions régaliennes, le gouvernement a
doté la Direction Générale des Impôts
(DGI) ddun bâtiment futuriste en plein
cœur de Yaoundé, la capitale politique.
La réalité qui sdimpose à tout observateur
averti est celle de savoir en quoi une
telle infrastructure peut être utile à
ldadministration fiscale.
La mobilisation des recettes, au regard
des contraintes budgétaires imposées
par les institutions de Bretton Wood
a contraint les autorités politiques
du Cameroun a ramené la Direction
Générale des Douanes (DGD) à
Yaoundé. Il convient de signaler que
cette direction était toujours installée à
Douala, porte ddentrée du Cameroun,
capitale économique avec son port et
les grandes entreprises du pays. Un tel
changement topographique appelle
aussi la mise en place ddun système de
prélèvement et de gestion des taxes
douanières qui soit automatisée afin de
permettre aux agents économiques de
travailler en toute sérénité. En effet, les
transactions douanières dans un Etat
ndont pas besoin que le contribuable
se déplace pour effectuer de manière
manuelle sa déclaration. Déjà, en avril
2012, afin de simplifier les procédures
et de sécuriser les recettes ddEtat, le
ministère de finances camerounais et
ldAssociation des établissements de crédit
du Cameroun signaient un accord pour
que les guichets de douane puissent
encaisser les droits grâce au paiement
électronique.
Pour ldexercice budgétaire 2021, le
gouvernement camerounais table sur
des recettes internes et des dons ddun
montant de 3456,6 milliards de FCFA.
Elles se déclinent comme suit : 393
milliards pour les recettes pétrolières et
gazières; 2743,1 milliards de recettes
fiscales et douanières; 213,5 milliards de
recettes non fiscales et 106,9 milliards
pour les dons ; le budget global de ldEtat
étant équilibré à 4865,2 milliards de FCFA.
La mobilisation des recettes fiscales et
douanières qui représentent 56% des
recettes de ldEtat nécessite un système
adéquat de recouvrement à ldaune de
la pandémie du covid19 et de la rareté
des ressources.
Au-delà de leurs missions, ldorganisation
territoriale de la DGI, de la DGD et des
autres directions du MINFI ndobéissent
pas au découpage administratif
de la République. Tandis les autres
administrations sont organisées en
délégationsrégionales,départementales
et inspections ddarrondissement, le MINFI
De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 23
est territorialement divisée en secteurs et
pôles de recettes. Une telle organisation
a pour objectif ddassurer un meilleur
recouvrement de ldimpôt tout en
augmentant la pression fiscale sur les
contribuables.
La place démesurée du secteur informel
dans ldéconomie camerounaise pose
un sérieux problème à la mobilisation
de ldimpôt. Le déficit ddinsertion
dans le tissu industriel, commercial et
marchand formel lié à des problèmes
de gouvernance et à des politiques
économiques désarticulés oblige de
nombreuses personnes à se réfugier
dans le secteur informel. En raison de la
tolérance administrative dont il bénéficie,
le secteur informel constitue un espace
ddévasion fiscale.
Économiquement, le secteur informel
représente pour ldÉtat un manque à
gagner en impôts et en taxes diverses.
De nombreux pans de ldéconomie se
retrouvent ainsi défiscalisés, réduisant
ldassiette fiscale et obligeant ldÉtat à
opérer des ponctions de plus en plus
importantes sur le secteur structuré et
visible. Ldinjustice fiscale découlant de
la faible fiscalisation du secteur informel
décourage les investisseurs formels déjà
en place et les pousse à la dissimulation
et parfois à ldévasion fiscale. Ldinformel
fait le lit des pratiques de commerce
illicite (contrebande, contrefaçon,
fraude). La recherche de nouvelles
sources de recettes a ainsi obligé le
ministère du commerce a engagé une
vaste opération de lutte contre la fraude
et les contrefaçons. Cette opération
a permis de démanteler des réseaux
de siphonage du gaz domestique, des
productions de boissons et liqueurs
frelatés, des huiles domestiques et même
de ldeau minérale ; produits frelatés
ou issus du commerce illicite circulent
mettant en péril la santé des populations
et de ldéconomie (Cameroon Tribune 26
avril 2021).
L’administration fiscale dans
la production des richesses au
Cameroun
Le Cameroun étant tributaire des apports
extérieurs à travers ldendettement
et ldexportation des matières, une
mobilisation accrue des recettes fiscales
serait source de stabilité économique.
Ldimpôt comme source de recettes
intérieures permet de dégager des
revenus stables et ddêtre moins assujetti
au service de la dette. Une telle réalité
suppose une économie stable et une
administration fiscale qui fonctionne.
La fiscalité accroit ldincitation à la
participation du public au processus
politiqueetrenforceldobligationderendre
compte. Il convient de rappeler que le
consentement à ldimpôt est la première
règle qui fonde ldassujettissement des
individus à ldEtat (Moore 2004). En droit
fiscal camerounais, le contribuable
est défini comme toute personne
physique ou morale assujettie aux
champs ddapplication ddun prélèvement
obligatoireet qui supportedirectementla
chargedescontributions,impôts,droitsou
taxes dont le recouvrement est autorisé
par la loi (Bilounga 2018). La relation
entre ldadministration fiscale et les
contribuables doit par conséquent se
construire sur la confiance afin non pas
seulement de rendre ldimpôt acceptable
(nul ndaimerait payer des impôts si cela
était possible) mais surtout ddamener
les citoyens à comprendre le sens de la
fiscalité.
De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun
24
Comme le rappelle Thierry Lambert,
« les sentiments du citoyen-contribuable
se confondent : il est, ddune façon
générale, contre ldimpôt et contre les
administrations chargées de ldasseoir et
de le percevoir.
Ce rejet latent peut prendre des formes
et un contenu politiques quand il se
développe sur un terrain économique
et social particulièrement propice »
(Lambert 1985).
Pour ldexercice 2021, la sécurité reste la
priorité du gouvernement camerounais.
La lutte contre les exactions de la secte
islamique Boko Haram a, de manière
considérable, affecté les capacités de
ldEtat et la protection des personnes et
des biens dans la partie septentrionale.
À cela sdajoute depuis 2016, la crise dans
les régions anglophones du Nord-Ouest
et du Sud-Ouest. Il y a également la
criminalité transfrontalière dans la région
de ldEst et de ldAdamaoua. Ces conflits qui
plongent les populations dans ldinsécurité
alimentaire ont des conséquences
économiques désastreuses pour le pays
à travers une désarticulation du tissu
industriel et commercial. Une entreprise
comme la Cameroon Development
Corporation (CDC) a connu une baisse
de 60% de son chiffre ddaffaires, ce
qui représente un manque à gagner
considérable. La Société Nationale de
Raffnage (SONARA) située également
dans la Région du Sud-Ouest est
complètement en arrêt. Après ldincendie
du 31 mai 2019, ldentreprise nécessite
700 milliards ddinvestissement pour
la modernisation et ldextension de
ses installations avant toute reprise
ddactivités. Un tel ralentissement
de ldéconomie affecte de manière
significative les recettes de ldEtat du
Cameroun, ce ddautant plus qudil faut
trouver des sources de revenus pour
financer ldéconomie.
A ldinstar ddautres pays, le Cameroun fait
face à la pandémie du coronavirus ; aussi
la question sanitaire occupe une place
dans les priorités gouvernementales.
Dès le mois de mars 2020, une stratégie
gouvernementale de riposte et de
résilience économique et sociale a
été mise en œuvre, pour limiter la
propagation de ce virus et atténuer ses
effets au Cameroun.
De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 25
Depuis avril 2020, le scandale financier
lié à la gestion des fonds contre cette
pandémie pose un autre problème aux
ressources de ldEtat surtout que le pays
a dû sdendetter auprès du FMI pour faire
face à la crise sanitaire.
La relance économique constitue le
pilier de ldaction gouvernementale
dans la logique de reconstruction ddune
économie post-Covid19. En effet, la
pandémie de la COVID-19 a affaibli
les finances publiques camerounaises,
déjà éprouvées par la conjoncture
économique et financière que traversent
les Etats de la sous-région Afrique
centrale.
Le numérique comme
valorisation de
l’administration fiscale au
Cameroun
La numérisation de ldadministration qui ne
saurait être confondue avec ldéconomie
du numérique pourrait constituer un
véritablelevierpourunefiscalitémoderne
et un meilleur moyen ddaccroissement
des recettes de ldEtat. Ldéconomie
numérique est plus qudun sous-domaine
de ldéconomie industrielle (Bourreau et
Pénard 2016). Le contribuable pourrait
désormais y trouver une modernisation
des prestations fiscales à travers un
traitement méthodique de ldinformation
et ldusage approprié des NTIC pour
rendre ldadministration effcace.
Un effort de modernisation et de
simplification des règles et des
procédures en matière fiscale sdavère
donc nécessaire. Depuis quelques
années au Cameroun, ldadministration
fiscale met en œuvre une importante
action de communication, afin de
rendre ldinformation fiscale accessible et
disponible pour les contribuables.
Dans le cadre de ldexécution du budget
2021, le gouvernement du Cameroun
a prescrit « ldinterdiction du paiement
des impôts et taxes en espèces auprès
du réseau fiscal et la généralisation
aux centres divisionnaires des impôts
informatisés des modalités de paiement
par virement bancaire ou par voie
électronique ». Afin de lutter contre
les fraudes diverses, la circulaire sur
ldexécution du budget consacre
la délivrance et la notification des
quittances électroniques. Le paiement
en espèces reste toutefois exceptionnel
au niveau des guichets de banque.
Dans la dynamique de la modernisation
de son système de gestion,
ldadministration des douanes a entrepris
des mutations qui ne se sont pas toujours
avérées effcaces (Cantens, 2007).
Ldinformatisation des procédures vise à
réduire le processus de dédouanement,
de sécuriser les recettes en suivant les
marchandises ddun bout à ldautre de la
chaîne à savoir de ldentrée au port à la
sortie.
Repenser l’administration
fiscale au Cameroun à l’ère du
numérique
Le numérique comme espace de civilité
fiscale au Cameroun vise à rendre
ldimpôt acceptable et son recouvrement
effcient. Le civisme fiscal sdentend
comme le respect des obligations
déclaratives et des obligations de
paiement se traduisant par le dépôt
dans les délais des déclarations par les
contribuables et le paiement spontané
de ldimpôt dû (Abanda Atangana, 2011).
La notion du civisme fiscal recouvre
ldensemble des perceptions et attitudes
des contribuables qui se traduisent par
le consentement à ldimpôt ou par des
pratiques de fraude. Ldintégrité revêt
26
une importance fondamentale en
matière fiscale : indispensable aux
relationsdeconfianceentrecontribuables
et administrations publiques, elle est
un prérequis sans lequel le civisme
fiscal sdérode. Les travaux de ldOCDE
sur la morale fiscale confirment que le
consentement à ldimpôt dépend du
niveau de confiance des contribuables
envers les institutions, de la perception de
lacorruptionetdelasatisfactionàldégard
les services publics. Les pays disposent
ddun large éventail ddinstruments et
ddapproches pour promouvoir le civisme
fiscal en remportant la bataille de
ldintégrité. Ils peuvent notamment
déployer les nouvelles technologies
dans leurs administrations ; recourir aux
sciences comportementales et pratiquer
une communication dite «
ddencouragement » auprès des
contribuables ; affecter les recettes
générées par certains impôts à
des dépenses spécifiques ; ou
encore consolider ldéducation des
contribuables, et prendre appui sur les
initiatives émanant de la société civile
pour contrôler et renforcer ldintégrité
dans la gestion des finances publiques.
La numérisation de ldadministration
fiscale ne signifie pas seulement équiper
les services publics en ordinateurs. En
effet, les ordinateurs existent dans les
administrations camerounaises depuis les
années 1980. Il sdagit en réalité de faire
de ldordinateur un véritable outil ddaide et
ddaccompagnement à la décision. Une
telle révolution administrative suppose
avant tout une révolution mentale. Elle
peut se décliner en quelques termes :
- la formation ddun personnel compétent
à ldusage de ldoutil informatique ;
- la mise en place de système informatisé
adéquat qui passe par des logiciels de
traitement des données fiscales ;
- la capacité à assurer le suivi-évaluation
ddun tel système ;
- la mise en place ddune bande passante
de haut débit pour un traitement rapide
des données ;
- ldinterconnexion des administrations.
En effet, il est curieux de constater que
chaque direction du Ministère des
Finances dispose de son propre site
internet avec des informations qui ne
sont pas toujours mises à jour.
Une telle réforme aurait pour résultat
une tenue régulière du fichier des
contribuables et une
meilleure sécurisation des recettes.
Ldinscription de ldadministration fiscale
camerounaise dans la logique du
numérique ne relève pas seulement
ddune stratégie de survie mais doit
sdinscrire dans une perspective à long
terme de modernité. Le numérique ndest
pas un luxe pour faire sens. Il doit se
comprendre comme la voie idoine de
la sécurisation des recettes, de la lutte
contre la corruption et de la construction
de la confiance avec les usagers/
partenaires de ldadministration fiscale.
Bibliographie
Abanda Atangana A., 2011, L’administration fiscale et
contribuables au Cameroun, Paris : LdHarmattan
Bilounga S. T., 2018, « Les droits du contribuable au
Cameroun », Gestion et Finances
Publiques, (1)1 : 109-118
Bourreau M. et Pénard T., « Introduction. Ldéconomie
numérique en question », Revue d’économie
industrielle [En ligne], 156 | 4e trimestre 2016, mis en
ligne le 31 décembre 2018, consulté le 09 octobre
2020. URL : http://journals.openedition.org/rei/6437 ;
DOI : https://doi.org/10.4000/rei. 6437
Cameroon Tribune du 26 avril 2021
Cantens T., 2007, « La réforme de la douane
camerounaise à ldaide ddun logiciel des Nations- Unies
ou ldappropriation ddun outil de finances publiques »,
Afrique Contemporaine, 223-224(3-4) : 289-307
Lambert T., 1985, « Le contribuable face à
ldadministration fiscale », Dans Psychologie et Science
administrative (collectif), Paris : Puf, 102-121
Moore M, 2004, “Revenues, State Formation, and the
Quality of Governance in Developing Countriesdd
International Political Science Review, (25)3: 297–319
De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun
Entretiens 27
ENTRETIENS
Nelly Chatue-Diop est CEO et cofondatrice ddEJARA, application mobile
ddinvestissement basée sur la Blockchain. De formation ingénieur en informatique et
alumni ddHEC Paris et de la London Business School, elle cumule une expérience unique
en Tech, Finance traditionnelle et Wb 3.0 (IA, Blockchain). Elle a été classée en 2020
dans le Top 100 mondial des visionnaires data par Hottopics.ht.
IDÉES-AFRIQUE : Malgré le dynamisme et
l’innovation qui caractérisent les secteurs
des télécommunications, à travers
la téléphonie mobile, et l’économie
des plateformes numériques, l’Afrique
demeure peu avancée dans le processus
de modernisation digitale.
Quels sont, selon vous, les principaux
obstacles au développement numérique
sur le continent africain?
Nelly Chatue-Diop : les premiers
obstacles sont les plus manifestes : vous
ne pouvez pas devenir une puissance
dans le monde de la technologie si
vous ne résolvez pas le problème de
la pénétration de ldinternet. Même si
la Chine est un contre-exemple, cdest
le plus grand pays du monde et, par
économie ddéchelle, une petite fraction
de personnes connectées représente
des millions de personnes. Ldinternet est
également très cher en Afrique, et les
gens ne peuvent pas passer des heures
à sdinformer sur les technologies sdils
nden ont pas les moyens. La deuxième
problématique est celle de ldéducation.
Nousdevonscomprendrequeleslogiciels
sont en train de dévorer le monde et que
sans un vaste programme ddéducation
numérique commençant dès le plus
jeune âge, nous ne pourrons pas battre
nos homologues américains, européens
et asiatiques.
La barrière de la langue est également
un problème majeur, en particulier pour
ldAfrique francophone. La plupart des
contenus produits sur Internet sont en
anglais. Si nous ne sommes pas en mesure
de comprendre 90 % des informations
du monde, il sera diffcile de déjouer
les obstacles. Cdest pourquoi des pays
comme le Nigeria, ldAfrique du Sud et le
Kenya ont une meilleure culture Internet
que les pays ddAfrique francophone.
ENTRETIEN AVEC NELLY CHATUE-DIOP
Entretiens
28
Ldesprit ddentreprise et le capital-risque
ont permis aux États-Unis de devenir la
force motrice qudils sont aujourddhui. Des
pays comme le Nigeria ldont compris
et sont en train de devenir la nouvelle
Silicon Valley de ldAfrique, en accueillant
des investisseurs locaux et internationaux.
Nous avons besoin de plus de fonds
locaux qui investissent plus ddargent dans
nos entrepreneurs.
Dans votre parcours entrepreneurial,
quelles sont les principales difficultés
auxquelles vous avez été confrontée, et
comment les avez-vous surmontées?
En tant qudentrepreneur, votre parcours
est semé ddobstacles et votre rôle est
ddéviter les plus importants. Au cours de
mon parcours, ldune des plus grandes
diffcultés a été ddavoir une excellente
équipe autour de moi, des conseillers aux
collaborateurs. Sans une équipe ddélite,
les affaires ralentissent et il est diffcile de
voir la lumière au bout du tunnel. Jdai eu
la chance ddavoir un réseau solide et
de rencontrer des talents incroyables à
travers ldAfrique qui voulaient travailler sur
Ejara.
Une autre diffculté consiste à passer
du monde de ldentreprise à celui
de ldentrepreneuriat. Vous devez
désapprendre tout ce qui vous a permis
de réussir dans le monde de ldentreprise
et comprendre, à partir des principes de
base, ce que vous devez faire pour réussir
dans ldentrepreneuriat. Cdest pourquoi il
est important ddavoir une bonne équipe.
Enfin,êtreunefemmendestpasunetâche
facile et vous devez prouver chaque jour
que vous pouvez faire le travail.
Ndoubliez pas que les entreprises dirigées
par des femmes reçoivent moins de 3 %
du total des fonds déployés par les fonds
de capital-risque. Cela se passe de
commentaires. Il faut être impitoyable
et remporter des victoires rapides pour
lutter contre ces préjugés.
Blockchain, Cloud Computing,
Intelligence Artificielle, Internet des
Objets, cybersécurité : quels sont selon
vous les chantiers les plus avancés de
la transformation numérique dans le
secteur privé en Afrique?
Malheureusement, je viens juste de
revenir en Afrique après avoir travaillé
pendant des années en Europe et en
Amérique. Cependant, nous voyons
certaines tendances autour de ldIOT et
de ldIntelligence Artificielle, notamment
dans ldindustrie agricole. De mon côté,
je vois beaucoup ddentrepreneurs
qui essaient ddutiliser la technologie
blockchain pour les applications
financières décentralisées, la traçabilité
des fonds, la propriété immobilière et les
questions de cadastre, etc.
Lequel de ces chantiers a-t-il de chances
de se développer en Afrique, et quelle
en est la principale raison?
Le fait qudil ydait moins ddinfrastructures
en Afrique est en soit un avantage pour
les entrepreneurs et grands groupes:
tout ndest pas à refaire ! En Europe et
Amérique du Nord, de nombreuses
entreprises dépendent de systèmes
ou architectures anciens, ainsi, le
changement ddinfrastructure est onéreux
et chronophage.
Entretiens 29
En Afrique cdest tout ldinverse. Le
peu ddinfrastructure nous permet de
pouvoir capitaliser sur les nouvelles
technologies les plus innovantes sans
avoir à drastiquement changer nos
infrastructures réseaux. Le lancement de
ldindustrie du mobile money en est une
preuve.
Ainsi, toute nouvelle technologie allant
de la blockchain à ldIA a toutes ses
chances de se développer en Afrique.
Pourriez-vous nous parler de votre
expérience concernant un des chantiers
précités ?
Mon intérêt pour ldIA a atteint son
sommet lorsque jdai travaillé sur le pricing
chez Franprix en France. Jdai réalisé que
ldIA pouvait être très utile pour évaluer
combien le client était prêt à payer,
ou quel était le meilleur prix pour un
produit, avec une meilleure précision
que les statistiques traditionnelles. Jdai
décidé de suivre une formation et de
maîtriser le sujet. Ensuite, en arrivant chez
Betclic, jdai pu travailler en tant que Chief
Data Offcer avec une équipe de data
science et utiliser ldIA pour la détection
des fraudes, les cotes des jeux, etc.
Concernant la Blockchain, jdai
commencé à mdy intéresser en 2015 :
Jdai fait les premières ICO, lu les livres
blancs techniques, commencé à miner
quelques crypto, à faire de la promotion
en Afrique en créant des communautés
et en organisant des meetups jusqudà
aujourddhui où jdai lancé Ejara.
Dans la majorité des pays africains, la
force de travail est très jeune, comprise
entre 15-25 ans. L’économie numérique
représente une opportunité énorme
en termes de création d’emplois, de
renouvellement des pratiques et des
postes de travail. Quelles seraient les
stratégies et politiques à mettre en place
pour aider la jeunesse africaine à mieux
saisir ces opportunités?
Je ne cherche pas à dicter ce que les
politiciens devraient ou ne devraient
pas faire, mais pour aider les jeunes,
nous devons trouver des solutions pour
financer plus ddentrepreneurs afin qudils
puissent commencer à recruter plus de
talents. Pour les entreprises, la création
de programmes économiques dans le
cadre desquels les sociétés locales et
étrangères sont incitées à construire en
Afrique et à tenter leur chance avec les
jeunes est un autre moyen ddaider ces
jeunes de 20 ans à trouver un emploi et à
acquérir de ldexpérience.
Mais nous avons aussi besoin que nos
jeunes soient bien équipés pour travailler
au sein de ces entreprises et de ces start-
ups et pour cela, il faut des programmes
ddéducation qui commencent dès le
plus jeune âge autour du numérique,
afin ddavoir une génération de gourous
de ldinternet qui savent coder mais qui
connaissent aussi le business. Nous serons
inarrêtables.
Enfin, il faut que la société civile aussi se
sente concernée dans son ensemble par
cette mission. Chacun de nous ayant une
expérience ou expertise quelconque
dans le numérique doit se donner la
responsabilité de former 2 ou 3 jeunes
autour de lui. Nous formerons ainsi une
chaîne inarrêtable.
Entretiens
30
Qu’est-ce qu’est EJARA? Pourriez-vous
nous en présenter la genèse? Quelles
en sont les applications concrètes? Les
opportunités pour la jeunesse africaine?
Ejaraestuneapplicationddinvestissement
sécurisée permettant à ndimporte qui
ddinvestir dans des actifs (cryptos, actions
fractionnées...) à partir de 5000 FCFA.
La genèse vient de plusieurs constats:
Aujourddhui en Afrique, nous utilisons
de nombreuses applications et outils
(Facebook, iPhone...) toutefois, il est
quasiment impossible pour nous de
pouvoir profiter de la croissance de ces
entreprises. Pourquoi ne pas permettre
aux clients africains de devenir
investisseurs ?
Le deuxième constat provient du fait
que la crypto-monnaie est le plus grand
événement technologique des années
2010. Le parcours client pour les Africains
qui souhaitent se procurer ou vendre des
cryptomonnaies relève du parcours du
combattant, sans parler du risque de
sécurité personnel. Nous avons souhaité
créer une application mobile afin de
permettre à tout le monde de pouvoir
se procurer de la crypto-monnaie depuis
soncanapé.Ledernierconstatémanedu
fait que ldextrême majorité des entreprises
centralisent les données. Ceci les rend
très vulnérables à des cyber-attaques,
ou tout simplement un entrepreneur qui
peut récupérer les fonds de ses clients
et disparaître. Avec Ejara, nous avons
décidé que ldargent des clients est
leur propriété. Nos clients sont les seuls
détenteurs de leurs actifs. Nous ndavons
jamais accès à leur compte. Si demain
Ejara venait à fermer, ils pourraient utiliser
leurs adresses cryptographiques sur une
autre plateforme.
Cette décentralisation nous rend
également plus résistant à des cyber-
attaques et des hacks, déplaçant le
point de défaillance unique à un réseau
décentralisé.
Concernant les applications, nous
permettons à chacun ddéchanger des
actions contre des Franc CFA sans avoir à
passer par une myriade ddintermédiaires.
En ce qui concerne les applications, elles
sont multiples : investir afin de préparer
sa retraite, utiliser la cryptomonnaie afin
de trader à le commerce international
sans avoir à payer des frais exorbitants,
pouvoir se faire payer un salaire par
une entreprise internationale en crypto
monnaie et ldéchanger contre des franc
CFA, créer des tontines sécurisées etc.
Enfin, Ejara se veut une application
pour les africains où qudils se trouvent
physiquement. De fait, nous sommes
disponibles aussi bien en Afrique
francophone quden Europe, Canada,
Etats-Unis et même en Asie.
PS: les actions sont en cours d’intégration dans
notre application et seulement en beta test pour
le moment. Ce sera ouvert au public au cours de
cette année 2021
Quels sont les défis actuels de l’industrie
des startups dans le domaine tech en
Afrique?
Cdest un peu redondant avec ce que jdai
dit précédemment : nous avons besoin
de plus de fonds, de plus de talents
(ce qui signifie plus de programmes
éducatifs qui peuvent les aider à être
mieux équipés pour travailler dans la
technologie mais aussi des universités qui
collaborent avec des incubateurs et des
fonds ddinvestissement),
Entretiens 31
nous avons besoin ddinvestissements
étrangers (donc de programmes
ddincitations économiques) et ddune
compréhension de ce qui se passe
dans le monde anglophone (apprendre
ldanglais dès le plus jeune âge). Ce
cocktail formera ce qui deviendra une
culture de startup tech, et permettra
la création de meilleures entreprises en
Afrique.
Comment envisagez-vous l’avenir de
ladite industrie?
Je pense que de plus en plus de gens
commencent à comprendre que
ldAfrique est en train de devenir ldun des
terrains les plus fertiles pour lancer une
startup à succès.
Cependant, si nous ne disposons pas
ddun écosystème ddacteurs soutenant
ce sentiment comme au Nigeria ou au
Kenya, nous verrons certains pays rester
au même endroit qudil y a dix ans, tandis
que ddautres prendront des mesures
progressives massives vers une croissance
exponentielle. Ils attireront les entreprises,
les capitaux et les talents étrangers et
deviendront plus riches que de nombreux
pays européens. Malheureusement, pour
les pays qui ne font pas ce pas (et qui
misent probablement sur la découverte
de pétrole pendant que les logiciels
dévorent le monde), ils pourront déverser
autant de dollars qudils le souhaitent, ils ne
seront pas aussi attractifs que les leaders
établis de la technologie en Afrique.
Nous sommes encore en phase
ddéquilibre mais dans 5/10 ans, tout sera
réglé.
Entretiens
32
PLACE DES FEMMES DANS LE NUMÉRIQUE
EN AFRIQUE
Pour conclure, quelles recommandations
faites-vous aux décideurs publics
africains,relativementaudéveloppement
numérique en Afrique?
Investissez dans les infrastructures
(incubateurs, programmes ddincitation
économiques, fonds ddinvestissements,
accès à internet à bas prix) et dans
jeunesse, qudil sdagisse ddidées
(financement en participations) ou de
compétences (apprendre à coder dès
le plus jeune âge, apprendre ldanglais
dès le plus jeune âge, partenariats
fonds ddinvestissements/universités,
mis à disposition de chercheurs pour
entrepreneurs...)
On voit de plus en plus de femmes
se lancer et se démarquer dans le
numérique en Afrique. Évidemment
comme partout dans le monde, nous
sommes encore peu nombreuses. Mais
à la différence du reste du monde,
les femmes africaines ont une culture
entrepreneuriale exacerbée, il sufft de
voir nos mamans dans les marchés. Il
faudrait donc mettre en avant des rôles
modèles du numérique auprès des jeunes
filles dès leur plus jeune âge, structurer un
écosystème local qui accompagne et
financelesentrepreneusesdunumérique,
rendre nos entreprises accueillantes pour
ldépanouissement des carrières dans la
tech pour les femmes afin que ldAfrique
réinvente un numérique plus juste, plus
représentatif de la diversité et donc plus
créatif et performant.
Entretiens 33
ENTRETIEN AVEC NAULLY NICOLAS
Naully Nicolas est un atypique. Souvent décrit comme inclassable, il explore le
nouveau monde qui émerge avec les nouvelles technologies avec un regard original,
décoiffant et sans langue de bois. En mélangeant, analyse économique, concepts
philosophiques, faits historiques, Il aide les dirigeants à évoluer grâce à la transformation
numérique et à élaborer des stratégies en cultivant des expériences exceptionnelles,
en se concentrant sur la nature humaine et ldintégrité.
Pendant plus de 15 ans, il a travaillé dans le domaine de ldinformatique pour un certain
nombre ddentreprises de classe mondiale telles que Thomson Reuters, Alpiq. Du support
bureautique à la conception de sites web en passant par le marketing numérique, il a
tout fait, et grâce à cela il a appris les tenants et aboutissants du logiciel, du matériel
et du monde numérique. Son objectif est de sdimmerger dans votre organisation,
ddapprécier les tendances commerciales existantes et de voir comment il peut vous
amener au prochain niveau de croissance à travers ldoptique du marché.
IDÉES-AFRIQUE : La transformation
numériqueapparait,aujourd’hui,comme
le canon sacré de la modernisation des
organisations publiques et privées à
travers le monde. Quelles en sont, selon
vous, les principales caractéristiques ?
Naully Nicolas : En soi, la transformation
numérique est le changement culturel,
organisationnel et opérationnel
ddune organisation, ddun secteur ou
ddun écosystème par une intégration
intelligente des technologies, des
processus et des compétences
numériques à tous les niveaux et
dans toutes les fonctions, de manière
progressive et stratégique.
Si elle est principalement utilisée dans le
contextedesentreprises,elleaégalement
un impact sur ddautres organisations telles
que les gouvernements, les organismes
du secteur public et les organisations qui
sdefforcent de relever les défis sociétaux
tels que la pollution et le vieillissement
des populations en tirant parti ddune ou
plusieurs de ces technologies existantes
et émergentes.
Dans certains pays, comme le Japon, la
transformation numérique vise même à
avoir un impact sur tous les aspects de la
vie avec ldinitiative Société 5.0 du pays.
Entretiens
34
Quelles sont certaines des
caractéristiques de la transformation
numérique ?
Enexaminantlemondedelanumérisation,
qui évolue rapidement, certaines
caractéristiques de la transformation
numérique sont apparues.
- Un hyper-focus sur l’expérience
client. Les entreprises commencent
généralement la transformation
numérique en développant une
compréhension complète du client.
Qui sont les clients ? Quelles sont les
caractéristiques démographiques des
clients?Commentlesclientsinteragissent-
ils avec ldentreprise ? Ldamélioration
continue de ldexpérience client est le
facteur de « réussite ou ddéchec « de la
transformation numérique.
- Les processus opérationnels sont
bien définis, rationalisés et transparents.
Il est essentiel de disposer de processus
opérationnels clairement définis pour
réussir la transformation numérique. Non
seulement ces processus produisent
les données nécessaires à la prise de
décision, mais ils permettent également
à ldorganisation de devenir plus agile et
plus réactive aux besoins en constante
évolution des clients, tout en facilitant la
bonne circulation des connaissances au
sein de ldorganisation.
- Une intégration claire entre les
données et les processus. Alors que
cela devrait être le cas dans toute
organisation (mais ce ndest souvent pas
le cas !), dans ldorganisation transformée
par le numérique, les décisions sont prises
sur la base de faits - les données produites
par les processus. En fait, les données
sont utilisées pour modifier le mode de
fonctionnement de ldentreprise. Et utiliser
les données résultantes pour corriger
le tir ou prendre ddautres décisions
stratégiques.
- Pensez «valeur» et non «activités».
La transformation numérique ndest pas
seulement un système de commerce
électronique sous stéroïdes, mais une
toute nouvelle façon de penser à la
manière dont une organisation apporte
de la valeur àtravers un écosystème
ddactivités. La transformation numérique
se traduit par une culture qui remet
en question le statu quo et recherche
activement les possibilités de créer de
la valeur par des moyens nouveaux et
innovants, voire de créer de nouveaux
modèles économiques.
En quoi cette évolution représente-t-elle
une disruption ?
La raison en est simple. La transformation
numérique ne consiste pas en un
simple changement de technologie. Il
sdagit plutôt ddun changement radical
dans la façon dont nous produisons et
traitons les données, tout en déformant
le traditionnel «équilibre des forces» en
matière ddaccessibilité aux données
entre les organisations et les individus.
Donnons un exemple. Refuser un
passager pour cause de surréservation
aurait été un problème mineur de
service à la clientèle il y a une vingtaine
ddannées. Aujourddhui, il peut se
transformer en une tempête sur les
réseaux sociaux en quelques minutes,
sapant la crédibilité de ldentreprise et sa
valeur en bourse. La vitesse à laquelle
ces événements se produisent (et des
cas sont signalés chaque semaine) est
un signe de la véritable signification de
la transformation numérique.
Entretiens 35
Que devraient apprendre les leaders du
numérique ddun général prussien des
années1800àproposdelatransformation
numérique ? Etonnamment, plus que
vous ne le pensez. En première ligne, Carl
von Clausewitz était irrité par :
- Manque de conseils utiles et
commandes contradictoires, en
particulier sous pression.
- La lenteur de la prise de décision
tactique et organisationnelle.
- Le décalage entre ldarmée, le
gouvernement et la population civile.
- Les retards réguliers ndétaient pas
pertinents pour la tâche à accomplir.
Aussi, il est important de se remettre dans
le contexte historique de ldépoque.
Clausewitz a vécu la tourmente sociale et
politique sans précédent de la Révolution
française et le déclenchement des
guerres napoléoniennes en Europe.
À la fin du XVIIIe siècle, les armées
européennes avaient atteint un haut
degré de symétrie en imitant le système
ddentraînement et ddemploi mis au
point par Frédéric le Grand. Les nations
privilégient une armée permanente très
entraînée, soutenue par un système
logistique de forts et de magasins. La
bataille de Leuthen, en 1757, est la
victoire par excellence de Frédéric,
qui lda emporté malgré une infériorité
numérique de deux contre un. Peu
après, presque toutes les monarchies
ddEurope ont étudié et copié le système
de Frédéric dans ses moindres détails.
Les méthodes de guerre européennes
sdétaient normalisées et étaient stables
au début de la Révolution française. Alors
que la Révolution prenait de ldampleur,
les monarchies et les armées ddEurope
ne voyaient pas la nécessité de changer
leurs systèmes militaires. La France était
ldexception.
Le bouleversement (ou disruption)
social de la Révolution a imposé des
changements importants au système
militaire français. Certains changements
étaient pragmatiques et nécessaires,
tandis que ddautres découlaient des
idéaux (et du chaos) de la Révolution.
Le mérite et ldinitiative déterminent la
promotion plutôt que la richesse ou le
statut social, ce qui permet ddaccéder
à un potentiel de leadership jusque-
là inexploité. Des changements
organisationnels ont balayé ldarmée,
avec la conscription de masse dans le
cadre de la levée-en-masse et ldutilisation
de ldordre mixte pour amalgamer les
réguliers et les conscrits.
Dans votre dernier livre, vous faites le lien,
peu habituel, entre Clausewitz, théoricien
de l’art de la guerre, et la transformation
numérique. En quoi son œuvre nous
aide-t-elle dans la compréhension et la
pratique de la transformation numérique
?
Entretiens
36
Aucun de ces changements nda à lui seul
fourni une force suffsante pour rompre
ldéquilibre de ldenvironnement militaire.
Cependant, à mesure que la guerre
visant à contenir la France révolutionnaire
se prolongeait, ces innovations se sont
combinées pour former une disruption
inédite dans la guerre du XVIIIe siècle.
Vous préconisez aux dirigeants
d’organisations d’avoir une doctrine de
la transformation numérique. Pourriez-
vous nous indiquer les fondements de
cette doctrine ?
En effet, je suggère que les organisations
doivent mettre en place un DN (Doctrine
Numérique). Sans cela, les entreprises
peuvent ne pas avoir une idée cohérente
des raisons pour lesquelles elles font la
transition,etlerôledelatransformationest
joue en les aidant à réussir effcacement
pour atteindre leurs objectifs globaux.
Je citerai une citation de Frédéric le
Grand :
«Laguerren’estpasuneaffairedehasard.
Il faut beaucoup de connaissances,
d’études et de méditation pour bien la
mener ». - Frederick le Grand
De manière plus pratique, quelles en
sont les applications ?
Les technologies numériques non
seulement améliorent et élargissent
les processus et les modèles existants,
mais elles ouvrent également les portes
à toutes sortes de nouvelles idées, de
nouveaux rivaux, de nouveaux processus
commerciaux, de nouvelles stratégies
et même de nouvelles industries. Les
DN doivent être capables de les guider
avec succès à travers ces changements
importants et rapides.
Le DN ddune entreprise contrôlera
toutes ses politiques, leur mode de
fonctionnement et les méthodes qudelles
utilisent pour se concurrencer les unes
les autres. Grâce à mes recherches, je
constate que la plupart des entreprises
connaissent une transformation
numérique, mais peu ddentre elles ont
établi une doctrine pour les guider
sur cette voie de la transformation
numérique.
Un exemple parfait ddune DN: «Garantir
des avantages concurrentiels sur vos
marchés établis grâce à la supériorité
des connaissances et à l’utilisation de
systèmes supérieurs de collecte de
données, d’analyse et de logistique
de l’information qui fournissent une
connaissance complète de la situation,
soutiennent la prise de décision
basée sur les données, les algorithmes
automatisés et permettent la fourniture
d’informations contextuelles pertinentes
et une numérisation personnalisée en
temps réel. »
Les organisations publiques et privées
des pays africains font face à des défis
particuliersdansleurtransitionnumérique
(stockage et gestion de l’information,
déficit infrastructurel, connectivité, etc.).
Quelles recommandations spécifiques
pourriez-vous donner aux décideurs
publics et aux entreprises privées en
Afrique pour assurer la réussite de la
transformation numérique de leurs
organisations ?
A mon sens, ldAfrique offre une multitude
ddopportunités économiques dans
pratiquement tous les secteurs. Dans un
premier temps, le continent possède une
population jeune qui représente une
énorme opportunité à ldère du
numérique.
Entretiens 37
Il ne faut surtout pas oublier que le
développement socio-économique
par le numérique doit faire partie de
la doctrine numérique Afrique. Le
numérique doit être une force motrice
pour une croissance innovante, inclusive
et durable. Pour être plus précis, les
innovations et la numérisation doivent
stimuler la création ddemplois et
contribuer à lutter contre la pauvreté, à
réduire les inégalités, à faciliter la livraison
des biens et des services.
En outre, ldAfrique a moins de défis à
relever en matière ddhéritage par rapport
aux pays occidentaux, ce qui permet
un accès plus rapide à des solutions
numériques. Par nécessité, pour ne pas
rester dans un statut de « tier monde
numérisé », le moment présent offre à
ldAfrique une occasion de faire un bond
en avant.
Pour autant, il ne faut pas oublier que
ddaprès la Doctoresse Amani Abou-
Zeid, qui est la commissaire chargé
des infrastructures et de ldénergie à la
Commission de ldUnion africaine (CUA)
souligne que « près de 300 millions
d’Africains vivent à plus de 50 kilomètres
d’une connexion haut débit par fibre ou
parcâble,d’oùl’absencededisponibilité
généralisée de l’internet haut débit qui
reste un obstacle important pour que
l’Afrique exploite pleinement le potentiel
de la transformation numérique. »
Mes 5 recommandations pour une
transformation numérique réussie dans le
secteur privé et public.
1. Définissez vos objectifs de
transformation numérique
Une source commune ddéchec de la
transformation numérique est ldabsence
ddobjectifs bien définis. De nombreuses
organisations choisissent simplement une
poignée de technologies parce qudelles
sont populaires, à la mode, ou qudelles
satisfont un avantage isolé - et non parce
qudelles peuvent atteindre les objectifs
clairement définis ddune stratégie de
transformation numérique cohérente.
Celapeutconduireàlamiseenœuvrede
technologies qui (1) ne sont pas utilisées
par les membres de ldéquipe, (2) ne
sdintègrent pas au reste de ldinfrastructure
informatique, (3) ne soutiennent pas des
objectifs commerciaux plus larges, (4)
entraînent plus ddineffcacités et de coûts
que ddavantages, ou (5) ne parviennent
pas à équilibrer les besoins concurrents
de différents départements comme le
marketing et ldinformatique.
À cet égard, il est important de
rechercher et de planifier vos objectifs
de transformation - et les tâches,
technologies et processus qui permettent
de les atteindre. Que vous souhaitiez
redéfinir votre modèle économique,
renforcer ldeffcacité de vos opérations
ou mettre en place une infrastructure
adaptée au travail à distance, répondre
aux questions suivantes est un excellent
point de départ pour définir vos objectifs
de transformation numérique :
Dans quel but ?
Quelles sont les priorités ?
Que comptez-vous faire
Quelle est la stratégie de mise en
œuvre ?
Quels sont les critères de réussite ?
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  • 1.
  • 2. Éditeur : IDÉES-AFRIQUE 71A-, Strathyre, Lasalle (QC) H8R 3P8, Canada info@idees-afrique.ca Comité éditorial Nordin LAZREG, Ph.D. (IRIPI, Montréal) Flore DONGMO, Ph.D. (IDÉES-AFRIQUE) Raoul TAMEKOU TSOWA, Ph.D. (IDÉES-AFRIQUE, Montréal) Jean Roger ABESSOLO NGUÉMA, Ph.D. (Université de Douala/IDÉES-AFRIQUE) Avertissement : les opinions exprimées dans cette revue sont celles des auteurs et ne doivent pas être considérées comme des positions offcielles ddIDÉES-AFRIQUE. ISSN: ISSN 2564-100X
  • 3. LE MOT DU DIRECTEUR DOSSIER THÉMATIQUE Sophonie KOBOUDE Afrique : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique Thierry YOGO Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique Thierry BARBAUT Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive Alphonse Bernard AMOUGOU MBARGA De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun ENTRETIENS Entretien avec Nelly Chatue-Diop Entretien avec Naully Nicolas RECENSIONS 3 5 5 10 14 21 27 27 33 40 ............................................................................................................................ ............................................................................................. ..................................................................................... ................................................................................................................................... .......................... .............. .......................................... ............. ................................................................................................................ ..............................................................................................................
  • 4. LE MOT DU DIRECTEUR Raoul TAMEKOU TSOWA, Ph.D. Directeur IDÉES-AFRIQUE 3 Le mot du directeur Ce numéro inaugural paraît dans un double contexte qui justifie de fait le choix du thème dudossier.Premièrement,le17maidernierétaitlacommémorationdelajournéemondiale des télécommunications et de la société de ldinformation. À la table des célébrations, sans prétendre aux premières loges, ldAfrique avait un accès légitime aux festivités. En effet, au cours de la dernière décennie, le continent, à ldinstar ddautres régions du monde, a connu un « déferlement » numérique qui a modifié en profondeur les pratiques dans de nombreux secteurs dont ceux, en prime, de ldinformation et de la communication. La nouvelle révolution industrielle esquisse un visage concret en Afrique avec pour points de saillancelatéléphoniemobile,lesplateformesnumériques;etpourdomainesddapplication la finance, la santé, ldagriculture, le service aux entreprises, le commerce. De même, des progrès considérables ont été enregistrés en Afrique en matière dde-gouvernement. Malgré ldécart important qui demeure avec le reste du monde, le continent affche la plus forte progression régionale en termes ddindice de qualité. Toutefois, ce dynamisme fait face à ddimportants obstacles : déficit infrastructurel; absence de culture et de capacités de gestion de ldinformation; analphabétisme numérique des populations; coût et qualité de la connexion; volonté politique; asymétrie des rapports de force dans la gouvernance mondiale de ldinformation. La fracture numérique demeure un défi immense pour les sociétés et les décideurs africains. Les solutions et voies ddaction se révèlent ddautant plus pressantes dans le contexte pandémique de la Covid-19, qui a un effet accélérateur sur la dématérialisation des processus organisationnels, et ldimposition de ldoption numérique comme cadre nécessaire de la régulation des sociétés modernes. Ce numéro, et les numéros qui vont suivre, invitent des experts à réfléchir aux défis de ldaction publique en Afrique. Néanmoins, ldambition de la revue Notes politiques : des solutions pour l’action publiques est modeste, mais spécifique. Il ne sdagit ni de penser ldaction publique en contextes africains, ni ddélucider les schèmes, mécanismes, et catégories de ldÉtat en action à partir de cadres théoriques de la littérature des politiques publiques. Ldobjectif est plus direct : informer, éclairer, proposer. Autour ddun enjeu défini, des experts et spécialistes sont invités à une mise en contexte sectorielle et nationale, à en analyser, de manière succincte les problèmes majeurs, puis à fournir des solutions et des recommandations aux décideurs publics. À cet égard, si la communauté académique y trouve un intérêt quelconque, ldaudience visée par la revue est la communauté pratique : analystes, décideurs politiques, cadres supérieurs ddadministrations publiques.
  • 5. Le mot du directeur 4 Ce choix éditorial guide le format et le style des textes présentés. Dans ce numéro, la thématique du développement numérique en Afrique est explorée à travers six textes, dont quatre articles et deux entretiens. Dans leurs articles, Sophonie Jed et Thierry Yogo analysent les enjeux généraux du numérique en Afrique, et formulent des recommandations convergentes. Dans son texte, Thierry Barbaut se penche sur différentes questions liées à la transformation numérique en Afrique : rôle des algorithmes, internet des objets, plateformes numériques. Ldauteur y avance quelques réflexions intéressantes, notamment celle sur la place de ldhumain dans la matrice de la numérisation. Cette interrogation est ddautant plus importante que le défi du développement numérique, en Afrique comme ailleurs, est très souvent posé en termes ddobligations, rarement de responsabilités. En outre, à la différence des perspectives générales des trois premiers auteurs, Amougou Mbarga, lui, se concentre sur le secteur spécifique de ldadministration fiscale au Cameroun. Après un état des lieux de cette administration, ldauteur analyse les retombées positives de la numérisation des processus du secteur, puis fournit des recommandations à cet effet. Enfin, dans leurs entretiens, Nelly Chatue-Diop et Naully Nicolas apportent un éclairage pénétrant, souvent technique, sur différents aspects du développement numérique. Sdil est une leçon à retenir de ces échanges, cdest ddune part ldinvitation faite aux Africains de retourner à leur avantage leur position de « late comer » dans la modernité technologique, et de capitaliser sur les acquis historiques des sociétés plus matures. Ddautre part, il en ressort que les stratégies de développement numérique doivent sdinscrire dans une démarche transversale de conception du développement économique et humain. Pour finir, deux recensions critiques de livres récents sur les politiques publiques en Afrique complètent ldoffre éditoriale. Ce numéro de lancement marque un jalon décisif de la mission de ldInstitut ddétudes des dynamiques contemporaines de ldÉtat et des sociétés en Afrique. Abordant de manière ciblée, et assumée, le lien entre usages et politiques, la revue positionne IDÉES-AFRIQUE dans le marché de ldexpertise de pointe en matière de prise de décision et des politiques publiques. Mais, plus encore, Notes politiques se veut un espace ddinnovation critique, de synthèse analytique, et de proposition éclairée pour les décideurs et managers publics africains en charge de la tâche fastidieuse du travail étatique.
  • 6. DOSSIER THÉMATIQUE AFRIQUE : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique Sophonie KOBOUDE Chargé d’études au sein du think tank L’Afrique des Idées Résumé : En 2050, ldAfrique va doubler sa population et sera le continent le plus peuplé avec près de 2,5 milliards ddhabitants. En 2100, la population africaine sera de 4,5 miliards ddhabitants. La population ddAfrique subsaharienne augmente de 2,7% par an et elle va continuer ddaugmenter encore plusieurs décennies à un rythme supérieur à 2%. Cette forte croissance de la poplation africaineouvreunefenêtreddopportunités notamment dans le domaine du numérique. La digitalisation des économies africaines est portée par une dynamique entrepreneuriale très forte. Lesstartupsnumériquessemultiplientsurle continent ainsi que les hubs ddinnovation. Mais, les entrepreneurs numériques sont face à un double problème : un problème de financement couplé à une rareté de main-ddœuvre qualifiée. Ce papier démontre que les deux leviers importants pour redynamiser ldactivité entrepreneuriale dans le numérique en Afriquesont:lefinancementetlaformtion. Mots-clés : Afrique, Entrepreneuriat numérique, Développement économique, Économie numérique. Abstract : In 2050, Africa will double its population and will be the most populous continent with nearly 2.5 billion people. In 2100, Africads population will be 4.5 billion. The population of sub-Saharan Africa is growingby2.7%peryearandwillcontinue to increase for several decades at a rate of more than 2%. This strong growth of the African population opens a window of opportunity,particularlyinthedigitalfield. The digitalization of African economies is driven by an extraordinarily strong entrepreneurial dynamic. Digital startups are multiplying on the continent as well as innovation hubs. But digital entrepreneurs are facing a double problem: a problem of financing coupled with a scarcity of qualified labour. This paper shows that the two important levers to revitalize entrepreneurial activity in digital in Africa are: funding and training. Keywords:Africa,Digitalentrepreneurship, Economicdevelopment,Digitaleconomy AFRIQUE : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique 5
  • 7. Introduction : Un continent engagé dans la révolution digitale Les technologies numériques se sont répandues sur le continent africain à un rythme inexorable. En 2020, plus ddun milliard de personnes en Afrique possèdent un téléphone portable. Le taux de pénétration ddInternet est en constante progression. Plus de 450 millions ddafricains ont accès à Internet en 2020. Les innovations numériques, adaptées aux réalités locales, se multiplient sur le continent africain. Il sdagit par exemple de réaliser des transactions financières sans compte bancaire ni carte de crédit ou de développer des solutions de commerce en ligne pour des personnes sans adresse postale. Ces innovations ont contribué à changer les lignes ddhorizon des villes africaines et ont servi de sources ddinspiration pour les articles et les rapports intitulés « Africa rising », « Lions on the move » et « Aspiring Africa » (V. Mahajan 2008), (McKinsey Global Institute 2010), (The Economist 2013). Bien que la révolution digitale du continent africain soit en cours, il y a encore du chemin à faire. Dans le classement The IT Industry Competitiveness Index 2020 qui mesure la capacité des pays à soutenir un secteur informatique robuste, il ndy a aucun pays africain dans le top 40. LdAfrique du Sud est le seul pays africain à figurer dans le top 50 en étant 47ème. En termes de rapidité de la connexion internet, il ndy a aucun pays africain dans le top 50 du classement fait par le cabinet américain Akamai Technologies. Dans le même temps, il y a cinq pays africains dans le top 10 des pays ayant le coût de la connexion internet le plus élevé. La largeur de bande ddInternet sur ldensemble du continent africain est de 12 térabits par seconde (Tbps), inférieure à la moitié de celle de la Chine (36 Tbps) ou de Singapour (37 Tbps). Le développement de l’entrepreneuriat numérique en demi-teinte Malgré une transformation digitale africaine en demi-teinte, certaines entreprises tentent de faire bouger les lignes. Ldentrepreneuriat numérique (digital entrepreneurship) a commencé à êtreconsidérécommeunpuissantmoteur puissantdeldinnovationlocale,etdoncde la transformation et du développement (B. Ndemo & T. Weiss, 2016). Il peut être défini comme ldensemble des activités entrepreneuriales visant la production et la distribution de logiciels ou de solutions numériques. Il est clair que ldAfrique connaît un boom de ldentrepreneuriat numérique (J. Bright & A. Hruby, 2015). Les hubs ddinnovation ont proliféré rapidement sur le continent africain : selon la méthode de comptage, en 2016, il y avait entre 173 et 314 hubs sur le sol africain. En 2017, les startups africaines ont réussi à lever 560 millions de dollars US, révélant un bouillonnement de ldactivité entrepreneuriale dans les économies numériquesafricaines(S.Koboude,2021). Mais, les investissements tendent à se concentrer sur quelques zones géographiques à savoir ldEgypte, le Ghana, le Kenya, le Maroc, le Nigeria et ldAfrique du Sud, ce qui témoigne ddune répartition inégale sur le continent. Le secteur privé en général est peu financé. Le crédit intérieur fourni au secteur privé est de 107% du PIB en France, près de 200% du PIB aux USA, plus de 160% du PIB en Chine, plus de 170% du PIB au Japon AFRIQUE : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique 6 1 Rapport Digital 2020 rédigé par We Are Social et Hootsuite. 2 http://globalindex11.bsa.org/country-table/. 3 https://www.atlasandboots.com/remote-work/countries-with-the-cheapest-internet-world/.
  • 8. mais il ndest que ddenviron 45% du PIB en Afrique subsaharienne (Banque mondiale). Par exemple, seulement 4% des startups africaines réussissent leur tentative de levée de fonds. De plus, il y a environ sept cent mille développeurs informatiquessurldensembleducontinent dont la moitié est concentrée sur cinq pays (Afrique du Sud, Égypte, Maroc, Nigeria, Kenya) ; ce qui est relativement peu en regard du milliard de personnes vivant sur le continent. Les entrepreneurs numériques sont face à un double problème : un problème de financement couplé à une rareté de main-ddœuvre qualifiée. Pour penser les solutions afin ddaccélérer ldentrepreneuriat numérique en Afrique, il nous faut comprendre ldéconomie engendrée par la révolution digitale. Comprendre la spécificité de l’économie numérique pour penser des solutions La compréhension de ldéconomie numérique part ddune conséquence majeure de ldintégration du digital dans les processus de production : les tâches répétitives sont automatisées. De ce fait, qui peut sembler banal par ailleurs, découle une myriade de conséquences dont deux essentielles. Ldéconomienumériqueestuneéconomie àcoûtmarginalnul.Ditautrement,lecoût marginal de la production est insignifiant par rapport à ldinvestissement initial. Que le lecteur mdautorise cet exemple - par souci de clarté. Il y a deux ans, en collaboration avec un ami,jdaicrééuneentreprisepourproposer une solution digitale de gestion des notes des élèves dans les établissements scolaires au Bénin. Pour le développement de la première version du logiciel, nous avons dépensé quasiment tout notre capital financier initial (achat de licences informatiques, recrutement de développeurs informatiques, etc.). Une fois le logiciel mis au point, il peut être déployé dans ndimporte quel établissement scolaire à coût nul. Concrètement, il y a un coût de distribution (les frais de transport pour aller sur le site de nos clients). Mais, il est très faible en regard du coût de développement du logiciel. Le coût de production est quasiment indépendant de la quantité produite ; cdest une spécificité de ldéconomie numérique. Le coût marginal de la production est insignifiant par rapport à ldinvestissement initial : le rendement ddéchelle est croissant. Ldéconomie numérique est une économieàcoûtfixe.Parconséquent,les sunk cost (les coûts irrécupérables) sont une des caractéristiques principales des entreprises de ldéconomie numérique. Quand une boulangerie tombe en faillite, ldon a la possibilité de vendre le four à pain, ldarmoire à levain, le pétrin mélangeur, la trancheuse de pain ou tout autre équipement. En revanche, quand uneentreprisedelogicieléchoue,ellenda plus rien à vendre. Le code du logiciel nda très probablement plus aucune valeur. Ldinvestissement initial est complètement perdu. Comme la production dans ldéconomie numérique est à coût marginal nul, ldessentiel des dépenses de ldentrepreneur est concentré sur la phase de création. Ddoù ldon peut tirer deux conclusions en matière de financement de ldentreprenariat numérique : la dette estunmauvaisinstrumentdefinancement de ldéconomie numérique, le capital- investissement est le bon instrument. AFRIQUE : Accélérer le développement de l’entrepreneuriat numérique 7
  • 9. « L’économie numérique est une économie de la compétence » Par ailleurs, ldéconomie numérique est une économie de la compétence. Elle redéfinit les attributs des êtres humains et appelle de nouvelles compétences. Des ingénieurs en microélectronique, des développeurs informatiques, des ingénieurs ddaffaires, des responsables de service après-vente, des directeurs de systèmes ddinformation, des analystes de données, etc… tant de compétences nécessaires à ldinformatisation des sociétés africaines. Ces compétences représentent un savoir-faire ; ce qui pose la question de la nécessité de réformer le système éducatif en Afrique. Le système éducatif africain, hérité essentiellement de la colonisation, est celui qui produit des concepts théoriques, éduque à ldabstraction et la logique. Il a permis de former ddéminents hommes ddÉtat, chefs ddentreprises et dirigeants jusqudà la fin du 20ème siècle. Mais, il doit être réformé car il ne sdagit plus de remplir des cerveaux mais de produire des connaissances orientées vers ldaction, la production. Autrement dit, l’Afrique a besoin d’un système éducatif qui produit des compétences et pas seulement des connaissances. Il y a environ sept cent mille développeurs informatiques sur ldensemble du continent dont la moitié est concentrée sur cinq pays (Afrique du Sud, Égypte, Maroc, Nigeria, Kenya) ; ce qui est relativement peu en regard du milliard de personnes vivant sur le continent. Conclusion et recommandations Pour améliorer ldécosystème entrepreneurial du numérique en Afrique, il faut jouer sur deux leviers : le levier du financement et celui de la formation. A propos du financement des entreprises, ldAfrique a beaucoup tâtonné. Initialement, les bailleurs de fonds se sont reposés sur ldintermédiation des banques de développement nationales. Ce fut un échec en raison de la dépendance envers les gouvernements. Puis, les banques de développement multilatérales (BAD, BOAD, BDEAC, etc.), à ldinstar des bailleurs internationaux, ndétaient pas dimensionnées pour le financementetlesuividesprojetsdepetite taille. Les institutions de microfinance ont contribué au financement de projets, mais la taille et le potentiel des projets concernés relevaient davantage de la survie individuelle ddune famille ou ddune microentreprise que ddune véritable stratégie de développement économique. Les sociétés financières multilatérales (SFI) ou bilatérales (PROPARCO en France, DEG en Allemagne, CDC en Grande Bretagne, FMO au Pays Bas, etc.) ont certes financé des investissements privés, mais une certaine lourdeur ddinstruction chez ces institutions ndest pas non plus compatible avec des projets ddinnovation. Ce qu’il fautencourager,c’estledéveloppement des fonds de capital-investissement. « L’économie numérique est une économie de la compétence » 8
  • 10. Ldinvestissement en capital est ldoutil financier le mieux adapté à ldéconomie numérique. En Afrique, il y a eu une multiplication des fonds de capital- investissement actifs ces quinze dernières années (selon Harvard Business Review). Entre 2014 et 2019, les fonds de capital- risque ont conclu des deals ddun montant total de 3,9 milliards de dollars US en Afrique (selon Partech Partners). Quand onregardelesdealsdescapital-risqueurs, ces 10 dernières années, seulement 5% du montant total des deals est consacré au Seed financing (à ldamorçage) ; ldessentiel étant en série B et C. Il faut donc améliorer le financement à ldamorçage. LdAfrique a des arguments à faire valoir pour attirer les investisseurs. Elle a une démographie favorable, une économie avec des équilibres macroéconomiques encourageants. Entre 2006 et 2011, ldAfrique a enregistré le taux le plus élevé de rendement des investissements directs étrangers, soit 14 %, à comparer aux taux de 9,1 % en Asie, 8,9 % dans la région Amérique latine et Caraïbes, le taux à ldéchelle mondiale étant de 7,1 %. Ldautre levier à employer pour dynamiser ldentrepreneuriat numérique, cdest la formation. Il a été démontré ci-dessus que ldéconomie numérique est une économie de la compétence. Un logiciel est un corpus ddinstructions donné à une machine informatique afin de réaliser un ou plusieurs traitements. Ldaptitude ddun pays à concevoir des logiciels est intimement liée à sa compétitivité scientifique.Dansl’économienumérique, le cerveau humain est la première ressource naturelle. Dans son rapport 2017 sur ldindice de développement des technologies ddinformation et de la communication, ldUnion Internationale des Télécommunications (UIT) mentionnait que ldAfrique est la dernière région du monde avec un niveau de compétences dans le digital en dessous de la moyenne mondiale. Il faut donc améliorer le système éducatif avec la mise en place de circuits de formations spécifiques et adaptés aux besoins des entreprises numériques. Il faut créer des incitations à ldendroit des personnes formées à investir dans la création de leurs entreprises avec des réseaux ddaccompagnement. La combinaison technologie-main ddœuvre est la clé de la compétitivité future. En plus des deux leviers évoqués, il y a des fondamentaux qudil faut consolider. Il est nécessaire de diminuer les risques liés à la corruption et à ldinstabilité politique qui sont des facteurs limitants de la prise ddinitiative. Il faut également diminuer le poidsfiscalsurlesentreprisesdunumérique en créant des « zones franches » par exemple. En conclusion, ldentrepreneuriat numérique en Afrique ne demande qudà être valorisé et encouragé. La volonté entrepreneuriale existe. Aux dirigeants et décideurs de lever les freins décrits dans ce papier afin de faire de ldAfrique une terre ddinnovation. Références Economist, T. 2013. Africa Rising – A hopeful continent. Aspiring Africa. The Economist. Retrieved from https://www.economist.com/weeklyedition/2013-03-02 Hruby, J. B. 2015. The Next Africa: An Emerging Continent Becomes a Global Powerhouse. New York: Thomas Dunne Books. Institute, M. G. 2010. Lions on the move: The progress and potential of African economies. . New York. Koboude, S. 2021. Le digital au secours de l'Afrique. Paris: Anovi Editions. Mahajan, V. 2008. Africa Rising: How 900 million African consumers offer more than you think. New Jersey: Pearson Education. Weiss, N. B. 2016. Digital Kenya: An Entrepreneurial Revolution in the Making. Basingstoke, UK: Palgrave Macmillan. « L’économie numérique est une économie de la compétence » 9
  • 11. Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique Thierry YOGO Résumé : Le développement ddune économie numérique prend encore plus ddimportance alors que le monde est en proie à une crise sanitaire sans précédentetquelesleviersddintervention sont contraints par la nécessité de respecter les mesures de distanciation sociale. Dans ce contexte les solutions numériques ont contribué à assurer la continuité des activités aussi bien dans la sphère publique que privée, et permis un développement rapide, flexible et inclusif ddune réponse appropriée pour limiter ldimpact de la crise sur les pauvres et les plus vulnérables. Capitaliser pleinement le potentiel du numérique en Afrique requiert de relever trois défis essentiels : (i) Combler le gap infrastructurel ; (ii) former aux métiers du numérique ; et (iii) développer ldentreprenariat numérique et accélérer la digitalisation des services financiers. Mots-clés : développement numérique; enjeux ; Afrique Abstract : The development of a digital economy is becoming even more important as the world is in the grip of an unprecedented health crisis and the levers of intervention are constrained by the need to respect social distancing measures. In this context, digital solutions have helped to ensure business continuity inboththepublicandprivatespheres,and enabled the rapid, flexible, and inclusive development of an appropriate response to limit the impact of the crisis on the poor and most vulnerable. To fully capitalize on the potential of digital technology in Africa, three key challenges must be addressed: (i) Bridging the infrastructure gap; (ii) training in digital professions; and (iii) developing digital entrepreneurship and accelerating the digitization of financial services. Keywords : digital development; main issues; Africa Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique 10 Chercheur associé au Centre ddÉtudes et de Recherche en Économie et Gestion de ldUniversité de Yaoundé 2 Économiste Principal, Banque Mondiale.
  • 12. La COVID-19 a mis un frein à la croissance économique des pays africains et exacerbé des contraintes structurelles qui entravent la croissance et la réduction de la pauvreté. Les besoins de ldAfrique en matière de réduction de la pauvreté sont ddune acuité particulière. La plupart des pauvres du monde résident dans cette région, et sans action drastique, cette part augmentera de façon spectaculaire dans les années à venir. Les technologies du numérique offrent une chance de débloquer de nouveaux sentiers de croissance, ddinnovation, de création ddemplois et ddaccès aux services sur le continent. Selon des estimations du Groupe de la Banque Mondiale, un accès universel et abordable à Internet augmentera de 2 points de pourcentage par an la croissance du PIB en Afrique et stimulerait ldoffre ddemploi, quel que soit le niveau ddéducation, entre 6,9 % et 13%. Les progrès du numérique peuvent égalementsouteniretaccélérerlamiseen œuvre des objectifs de développement durable. Mais les technologies du numérique peuvent aussi menacer la vie privée, éroder la sécurité et alimenter les inégalités. Elles ont des répercussions sur les droits de ldhomme et ldaction humaine. Le développement ddune économie numérique prend encore plus ddimportance alors que le monde est en proie à une crise sanitaire sans précédent et que les leviers ddintervention sont contraints par la nécessité de respecter les mesures de distanciation sociale. Dans ce contexte les solutions numériques ont contribué à assurer la continuité des activitésaussibiendanslasphèrepublique que privée, et permis un développement rapide, flexible et inclusif ddune réponse appropriée pour limiter ldimpact de la crise sur les pauvres et les plus vulnérables. La croissance en plein essor de ldéconomie numérique a été rapide, mais inégale à ldéchelle mondiale. En 2016, ldéconomie numérique mondiale valait 11,5 milliards de dollars, soit 15,5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Il devrait atteindre 25 % en moins ddune décennie,dépassantdeloinlacroissance de ldéconomie « traditionnelle ». Cette révolution numérique tient la promesse de transformer les économies et les vies en créant de nouvelles opportunités ddinclusion et de progrès. Au cours des deux dernières décennies, ldinternet a fourni une plateforme pour ldinnovation. Il a permis aux startups, aux institutions et aux gouvernements, de développer et de mettre sur le marché de nombreux produits et services. Il a non seulement été propice à la création ddapplications innovantes, mais a également transformé les activités quotidiennes, notamment la nature du travail, les décisions en matière detravailetdeloisirs,lescommunications, les réseaux sociaux, les achats, les opérations bancaires et les relations avec les pouvoirs publics. Toutefois, la fracture numérique entre le continent et le reste du monde reste significative. Selon les données de ldUnion Internationale des Télécommunications, le nombre ddabonnements au haut débit fixe (pour 1000 habitants) en Afrique sdest accru significativement, passant de 0,5 à 3,4 entre 2007 et 2017. Toutefois, le continent part ddun niveau extrêmement bas puisque le taux de pénétration du haut débit y est cent fois moins élevé que dans les pays avancés et trente-cinq fois moins élevé que dans les pays en développement (Afrique Exclue). Le haut débit mobile a connu une croissance tout aussi remarquable. Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique 11
  • 13. Le nombre ddabonnements en haut débit mobile est passé de 6 (pour 1000 habitants) en 2007 à 304 en 2017, mais ne représente qudun tiers des abonnements dans les pays développés et la moitié du reste des pays en développement. Capitaliser pleinement le potentiel du numérique en Afrique requiert de relever trois défis essentiels : (i) Combler le gap infrastructurel ; (ii) former aux métiers du numérique ; et (iii) développer ldentreprenariat numérique et accélérer la digitalisation des services financiers. Le développement des infrastructures du numérique Ldinfrastructure numérique permet aux ménages, aux entreprises et aux administrations de se connecter et de se relier aux services numériques locaux et mondiaux. La réduction de la fracture numérique (entre les pays et à ldintérieur des pays) demande un meilleur accès à ldinfrastructure numérique, à une connectivité abordable et à des services tels que les identifiants numériques ou les comptes de transaction. Ldinfrastructure numérique (y compris les services du haut débit) est particulièrement importante pour ldentrepreneuriat numérique. Ldutilisation et ldadoption du haut débit soutient la création de nouvelles entreprises, notamment dans le commerce électronique et le marketing en ligne. Combler le manque infrastructurel passe par ldaugmentation des investissements dans le développement du réseau haut débit afin ddaméliorer sa couverture et sa fiabilité ; améliorer la qualité des services et baisser les prix. La formation aux métiers du numérique LdAfrique a besoin ddune main-ddœuvre compétente en matière de numérique pour mettre en place des économies numériques solides et des marchés compétitifs. Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique 12
  • 14. Le capital humain requis renvoie aussi bien à des compétences technologiques qudà des compétences commerciales permettant de créer ou de gérer des startups, contribuer à étendre ldapplication des outils et des pro cessus numériques dans une grande variété de secteurs,ycomprisldagriculture,ldénergie, le transport ; la santé et ldéducation. Le développement du capital humain numérique passe par une intégration des formations aux outils et aux métiers du numérique à tous les niveaux du système éducatif. Le développement de l’entrepreneuriat numérique et l’accélération de la digitalisation des services financiers Le développement ddune économie numérique passe par ldexpansion de ldentreprenariat numérique au travers de la formation, ldaccompagnement des start-ups et la création des opportunités de marché. Cela suppose également un soutien aux start-ups via la formation, ldappui financier et le développement des opportunités de marché. Ldaccès à des services financiers numériques abordablesestessentielàlaparticipation des particuliers et des entreprises à ldéconomie numérique. Les comptes de transaction permettent aux ménages et aux entreprises ddeffectuer des transactions en ligne et ouvrent la voie à une variété de services financiers numériques tels le crédit, ldépargne et ldassurance. Les entreprises peuvent tirer parti des services financiers numériques pour effectuer plus facilement des transactions avec leurs clients et leurs fournisseurs, ainsi que pour se constituer un historique de crédit numérique et rechercher des financements. Les gouvernements peuvent utiliser les services financiers numériques pour accroître ldeffcacité et ldeffcience dans la fournituredesservicespublicsetlesrendre plus proche des citoyens. Ldusage du numériquepourraitégalementpermettre de réduire la fraude et la corruption. Les paiements numériques sont souvent le point ddentrée des services financiers numériques et fournissent ldinfrastructure grâce à laquelle ddautres produits peuvent être développés, comme le montre ldévolution de M-PESA au Kenya. En plus des trois principaux défis relevés plus haut, il est indispensable de créer un écosystème favorable à ldinnovation et renforcer cadre légal de lutte contre la cybercriminalité et la protection des données personnelles. Ceci suppose outre la volonté politique et la coopéra- tion internationale, le renforcement des moyens juridiques, organisationnels, pro- céduraux, techniques et humains, ainsi que des partenariats entre les secteurs public et privé. Références Africa’s Pulse. Analysis of Issues Shaping Africa’s Economic Future. No. 19 (April). World Bank, Washington, DC. Doi: 10.1596/978-1-4648-1421-1. Banque mondiale. 2020. Rapport sur la Situation Écono- mique du Togo : Dynamiser l’Investissement Privé pour plus de croissance et d’emploi. © Banque Mondiale, Washington, DC. Les Enjeux du Développement Numérique en Afrique 13
  • 15. Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive Thierry BARBAUT Directeur des écosystèmes innovants chez TACTIS Résumé : Humains, environnement et technologies doivent mieux coexister. Il est évident que le numérique et la science vont être de précieux alliés pour mieux travailler ensemble dans cet écosystème mondialisé et globalisé qui va nous mettre à rude épreuve avec en toile de fond la pandémie mondiale du coronavirus. Les pays classés par ldOCD comme “en voie de développement” étantsystématiquementlesplusimpactés parcesdéfis,ilssontaussiceuxquidoivent le plus en profiter pour transformer cette situation à leur avantage. Ldanalyse fine, aussi par les algorithmes, va permettre aux citoyens de manifester leur intérêt pour différentes solutions. Cdest innovant, numérique et basé sur ldhumain. Une démarche à développer un écosystème ddacteurs à labelliser. Mots-clés : algorithmes ; plateformes ; développement numérique ; opportunités Abstract : Humans, environment and technologies must better coexist. It is obvious that digital and science will be precious allies to better work together in this globalized ecosystem that will challenge us against the backdrop of the worldwide coronavirus pandemic. The countries classified by the OCD as «developing» being systematically the most impacted by these challenges, they arealsotheoneswhoshouldtakethemost advantage of this situation to transform it to their advantage. Fine analysis, also through algorithms, will allow citizens to express their interest in different solutions. Itds innovative, digital and human-based. An approach to develop an ecosystem of actors to label. Keywords : algorithms; platforms; digital development; opportunities Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 14
  • 16. Afin de se saisir des opportunités qudoffre la quatrième révolution industrielle, il est impératif de développer et animer de nouvelles plateformes numériques 4.0 qui allient algorithmes, mais aussi réalité augmentée et intelligence artificielle. Plus que jamais, et dans ce contexte de crise mondiale qui rend nos rapports et notre économie fébriles, les technologies peuvent être nos alliées pour les trente prochaines années. Les grandes dates suivantes et leurs indicateurs pour les prochaines décennies peuvent être retenus : - 2030avecldatteintepartielleounon desObjectifsdeDéveloppementDurables (17 ODD et plus de 200 indicateurs). - 2050 avec un accroissement de la populationafricainede50%soit2milliards ddhabitants et plus de 30 millions dans les grandes villes comme Lagos, Le Caire ou Kinshasa. - 2063 avec ldagenda de ldUnion Africaine sur le recours au numérique pour la croissance économique. Aveclesalgorithmesilestdésormaispossible de permettre à une structure porteuse ddun projet, que ce soit une entreprise, une fondation, une association, un bailleurdefonds,ddaccéderpardifférents critères aux contenus les plus adaptés : trois principaux accès sont déterminants : la zone géographique qui peut être le continent, le pays et la/les régions; Les thématiques (en rapport avec les ODD ou ddautres indicateurs) qui peuvent être la santé, ldagriculture, ldénergie, ldurbanisme, la mobilité, ldeau, le social ou ldentrepreneuriat; Et les structures : tailles, CA, type, nombre ddactifs, personnel, métiers, actions menées, etc… Ces trois principaux critères qui sont la zone géographique, les thématiques et les types de structures porteuses de projets permettent déjà de séquencer les contenus et donc ddallier les différents acteurs sur des socles communs : un cap prépondérant est déjà franchi. Dans la technicité des algorithmes il faut discerner ce qui vient en miroir de ce que ldhumain propose. Que ce soit le miroir humain ou algorithmique et donc ce que reflètent nos développements ou celui de la “machine” il est nécessaire de comprendre que sur celui de ldinformatique il ne peut être que “apprenant” (implicite) ou “non apprenant” (explicite). Cela permet de juger de leur pertinence. Finalement plus nous allons être en capacité ddanalyser ce miroir mieux nous pourrons juger du monde virtuel. Une meilleure analyse de ce miroir nous permettra de juger au mieux le monde virtuel et non ldimposer. Cdest expliqué par Aurélie Jean dans son livre “De ldautre côté de la machine, voyage ddune scientifique au pays des algorithmes”. Le développement avec les plateformes Le Développement cdest un immense secteurddactivitéquioffreavecsesmilliers de personnes engagés des perspectives collaboratives pour redessiner les contours ddun monde durable. Il implique ldensemble des acteurs économiques des différents continents aussi bien ceux des pays dit “riches” que des pays “pauvres” communément appelés du Sud et du Nord. Ce secteur octroie des centaines de milliards ddeuros investis chaque année, sous forme de prêts, de garanties, ddinvestissements ou de subventions. Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 15
  • 17. Des fonds indispensables aux actions menées pour les pays et finalement pour ldensembledesacteursquisanscesleviers financiers ne pourraient jamais mettre en place leurs actions locales. Le développement cdest donc du financement avec des opérateurs et avec les acteurs incontournables : états, entreprises, fonds ddinvestissements, fondations, banques de développement et bien sur la société civile qui participe activement au développement économique et souvent de manière inclusive. Le développement cdest aussi du partenariat avec des entreprises et des structures diverses, mais surtout avec des opérateurs et des acteurs engagés dans le développement de la société. Cet engagement se fait de plus en plus avec des indicateurs et des outils numériques maisparfoisdefaçonanarchiqueetisolée sans prise en compte des indicateurs pourtant bien présents, les fameux 17 ODD…Lesétudesetlesdonnéessontbien présentes mais les données numériques pas assez démocratisées. Ddexcellentes initiatives voient le jour comme la plateforme Edflex de ldAgence française de développement qui partage en ligne des centaines de ressources accessibles gratuitement en ligne. Ou ldONG La Guilde avec son Portail Solidaire qui permet pour une associationdedéposerenligneundossier et ddêtre financé par plusieurs bailleurs. Ldoptimisation en ligne ddun cycle de vie projet couplé à une plateforme en ligne permet ddaccompagner plus de 500 initiatives tout au long de ldannée, plus ddune centaine de projets sont financés chaque année. Le numérique 4.0 en accélérateur Cesmilliersddacteurs,dansdifférentspays, parlant différentes langues et avec leurs propres moyens et systèmes proposent leurs services, travaillent et collaborent sur différents projets qui touchent des millions de bénéficiaires. Ces réseaux sont complexes et non unifiés, ils reproduisent parfois les mêmes processus ou actions et sans savoir qui fait quoi. La capitalisation, les bonnes pratiques et les analyses ne sont pas assez partagées et cdest une perte colossale en termes de visibilité pour les actions collectives et finalement pour le rendement des différents opérateurs.Comme ldindique justement Gilles Babinet dans son livre “Transformation digitale, ldavènement des plateformes” ce sont les plateformes collaboratives de services qui remplissent désormais un nouveau rôle dans ldéconomie mondiale et le développement. Elles sont animées par des milliers ddActeurs du Développement. Avec la pandémie du coronavirus il est possible de soutenir les initiatives portées par des centaines ddacteurs du développement en Afrique. Ils agissent déjàsurles«HealthTech»lestechnologies delasantédepuisdenombreusesannées avecunsuccèsprouvéparlesinnovations accessibles localement comme les nouveaux centres de télémédecine, les applications ddanalyses oculaires, les dépistages par smartphones ou les analysesdedéplacementsdepandémies par géo tracking sur smartphones. Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 16
  • 18. Ushahidi par exemple permet même de cartographier la pandémie en au Kenya maisaussienEspagneouenItalie:https:// kenyacovid19.ushahidi.io/views/map. Exemples de plateforme : Carte de Briter Bridges sur les Health Tech en Afrique Ces plateformes permettent de développer ldaccessibilité aux services comme le financement et les cofinancements, les ressources téléchargeables ou consultables (fiches de conseils, analyses, schémas, POC, cas ddétudes),lerecensementdesactionsdes différentsacteurs,etc…Cequitransforme radicalement le développement de ces plateformes cdest ldutilisation ddalgorithmes de réalité augmentée et bientôt ddintelligence artificielle. Proposer des contenus en mode plateformes et y coupler des développements techniques puissant permet déjà aux acteurs locaux de sdemparer du savoir et de monter en compétences. Ldéconomie informelle en Afrique se formalise ainsi, petit à petit et de manière contrastée selon les régions et les pays. Les projets se structurent avec de plus en plus de données et ddalgorithme rendant les actions plus précises et plus effcientes. Briter Bridges propose une carte ddAfrique regroupant des structures agissant dans la santé avec les nouvelles technologies. Cdest avec ces outils que les plateformes changent de dimensions, elles sont désormais limitées uniquement par notre capacité à les imaginer, les entreprendre, les rendre accessibles et évolutives selon les contextes de ce monde mouvant ou ldhomme et la nature sont confronté à ddimmenses défis. Réalité augmentée, intelligence artificielle, drone vont travailler ensemble… Avec ces plateformes de services qui collectent, avec respect de la RGPD, les données des acteurs qui justement profitent de ces services il devient possible de proposer des services plus innovants : cartographie interactive (Banque Mondiale) avec de ldopen data qui offre donclapossibilitéparexempleddyajouter de la réalité augmentée pour superposer uncontextelocalgrâceàdesapplications sursmartphones.UnopérateurdduneONG en Afrique peut superposer des calques et interagir avec les acteurs ou superposer les actions ddautres organisations. Ldintelligence artificielle qui permet ddanalyser un contexte (avec des capacités surpuissantes) ou le déploiement ddun programme selon la probabilité ddéchec ou issue de ldanalyse des actions passée de prévoir un meilleur cadre logique ddintervention. Ldusage des drones avec le couplage de la cartographie, de la réalité augmentée et des données permettant là aussi un travail de capitalisation inestimable sur des projets ddinfrastructures comme dans ldhydroélectrique ou ldenvironnement. L’Internet des Objets LdIoT, ldInternet des objets ou IdO en français, joue déjà un rôle majeur. Les usages sont inimaginables tellement ils sontvastes.Desmillionsddentreprisesetde consommateurs les utilisent sans le savoir. Ldentreprise Sigfox par exemple permet de tracer les rhinocéros et ainsi de les tenir éloignés des braconniers. Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 17
  • 19. Avec les technologies et une coalition multi-pays nous pourrions faire de ces défis des opportunités économiques et sociales tout en préservant ldenvironnement et ainsi notre avenir. Des communautés ddacteurs engagés, de nouveaux modèles économiques Un des aspects vertueux et inestimable des plateformes 4.0 cdest la productivité des communautés qui se fédèrent et opèrent ensemble sur les thématiques, régions, ou plans économiques locaux. Ils seconnectent,seregroupent,partagent, analysent et déploient de nouveaux savoir-faire adaptés aux marchés avec des actions innovantes. Cdest un fait, les communautés des plateformes sont plus agiles, plus rapides, plus effcientes et plus proactives dans leurs démarches. Un des cas concrets dans ce sens est la plateforme portée par la BPI (Banque Publique ddInvestissement) EuroQuity qui permet aux startups ddaccéder aux investisseurs en quelques clics. EuroQuity met en relation les entrepreneurs de ldinnovation et du numérique avec les acteurs du Capital Risque (VC) ou Private Equity. Ldimpact est énorme avec des dizaines de milliers ddacteurs qui convergent pour financer ou cofinancer des structures qui sans cette plateforme peinerait à se faire connaître ! Ldeffet démultiplicateur est énorme et les impacts sur les bénéficiaires colossaux sans même parler de ldaccélération temporelle qudoffrent ces mises en relations. Dans cet écosystème de réseau, de connexion et de mise en relation à différents niveaux les réseaux sociaux avec les nouveaux outils ddassistants virtuels vont jouer un rôle majeur. Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 18 Les animaux sont équipés de capteurs de 30 dollars insérés dans leurs cornes qui permettent de géo localiser en temps réel les animaux qui ne sont plus que 29 000 dans le monde. Cdest un projet relativement simple techniquement mais qui permet ddimaginer ddinnombrables développements. Les antennes Sigfox permettent ddémettre des ondes sur plus de50kilomètressansSIMouabonnements. Le seul défi est que les données soient assez légères pour être transmises sur des ondes basses fréquences, là est le savoir-faire de ce fleuron français de ldIoT. Imaginons donc les objets connectés dans le développement : capteurs ddeau, de débit ddénergie, contrôles ddinfrastructures, non seulement le business model mais aussi les économies que cela peut engendrer… Les pertes de courants ou “délestages” sont fréquents en Afrique. Ils peuvent représenter plus de 150 jours par an si on prend ldexemple de la partie Sud du Sénégal. Les pertes sur le continent représentent un marché de plus de 5 milliards de dollars par an selon la banque mondiale. Avec des objets connectés en contrôle des débits cela pourrait bientôt ndêtre plus qudun vieux et pénible souvenir. Le marché de ldIoT ou IdO offre clairement une superbe perspective de croissance pour les marchés africains. Transformer les défis en opportunités Des outils qui sont développés par des humains pour des humains mais dans un but collectif, celui de mieux relever les défis que nous rencontrons et qui vont sdaccroître de manière exponentielle dans les prochaines années. Spéculation ou guerre de ldeau, migrations, conflits, pénuries alimentaires.
  • 20. Placer les citoyens au cœur des nouvelles technologies Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive 19 Facebook avec son redoutable Whatsapp, mais aussi Slack ou LinkedIn couplés de plus en plus à des outils de monnaie virtuelle eux aussi couplés à du commerce électronique ou du service comme le « pay as you go » révolutionnent et révolutionneront de plus en plus les 20 prochaines années. Particulièrement dans les pays en forte croissance, ces fameux pays du Sud. Ldénergie, de plus en plus durable car renouvelable, devient accessible par le compte en banque de son téléphone. Cela nécessite en Afrique de redessiner les modèles économiques locaux avec ldensemble des entreprises et états concernés. Ces cas ddusages vont aussi de fait redéfinir les pratiques des pays développés comme en Europe ou nous allons pouvoir consommer une énergie “à la demande” et non plus par abonnement. Humains, environnement et technologies doivent mieux coexister. Il est évident que le numérique et la science vont être de précieux alliés pour mieux travailler ensemble dans cet écosystème mondialisé et globalisé qui va nous mettre à rude épreuve avec en toile de fond la pandémie mondiale du coronavirus. Les pays classés par ldOCD comme “en voie de développement” étant systématiquement les plus impactés par ces défis, ils sont aussi ceux qui doivent le plus en profiter pour transformer cette situation à leur avantage. LdIRD (Institut de Recherche pour le Développement) indique dans une étude menée pour les Nations Unies que le numérique et la science pourraient être les meilleurs outils nous permettant ddapprocher les 200 indicateurs qui coexistent dans les 30 Objectifs du Développement (ODD). Au-delà de ldhumain cdest bien sûr la planète avec la faune et la flore qui est déjà mise à rude épreuve. Nous épuisons les ressources et développons une industrialisation à marche forcée sans logique commune et sans analyse des contextes.
  • 21. 20 Le défi est immense mais les technologies et cette nouvelle révolution industrielle nous offrent une occasion immense qui ne se reproduira peut-être jamais. Il faut bien sûr faire passer ldhumain avant les technologies. Comme la société française Tactis qui, dans son projet de développement de ville durable pour Kigali, développé en partenariat avec les autorités locales, a mis en place un vaste programme de réflexion et de transition pour le réaménagement de la ville : infrastructures, transports, mobilité, services numériques… Ce vaste plan est basé sur une consultation citoyenne et non le fait ddimposer des choix politiques pensés par les élites. Ldanalyse fine, aussi par les algorithmes, va permettre aux citoyens de manifester leur intérêt pour différentes solutions. Cdest innovant, numérique et basé sur ldhumain. Une démarche à développer un écosystème ddacteurs à labelliser. Que nous le voulions ou non il faut intégrer les nouvelles technologies pour mieux maîtriser notre impact sur le monde et une des clés est et sera de développer des technologies accessibles pour tous dans un monde de plus en plus connecté. Le défi est ddautant plus complexe que ces technologies seront aussi évolutives qudénergivores, ce pourquoi nous allons devoir inventer de nouveaux modèles. Il reste à savoir si nous souhaitons faire ce pas de géant en accélérant notre travail de réflexion collective ou si nous allons, comme souvent, freiner les réformes qui nous permettraient ddintégrer le numérique avec ldhumain au cœur de notre vision ddavenir. Algorithmes et plateformes en synergie pour une économie inclusive
  • 22. De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 21 De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun Alphonse Bernard AMOUGOU MBARGA Université de Douala, Cameroun Résumé Au cœur ddune économie à plus de 70% informelle, les recettes de ldEtat ne peuvent que connaître un amenuisement. La pandémie du covid19 porte un coup aux stratégies institutionnelles de financement de ldéconomie. La sécurisation des recettes devient un devoir régalien impérieux. Le recours à la digitalisation et au numérique pourraient ainsi permettre à ldadministration fiscale camerounaise de sdinscrire dans la modernité. Dans cette optique, ldamélioration des recettes doit trouver une place au cœur ddune administration à travers laquelle le numérique devient un outil essentiel de la fiscalité au moment où le Cameroun tend à mettre en place sa Stratégie Nationale de développement (SND 2020-2030). Mots-clés : Cameroun, administration fiscale, numérique Abstract At the heart of an economy that is more than 70% informal, state revenues are bound to decline. The covid19 pandemic is a blow to institutional strategies for financing the economy. Securing state incomes becomes an imperative sovereign duty. The use of digitization and digital technology could thus allow the Cameroonian tax administration to become modern. From this perspective, the improvement of revenues must find a place at the heart of an administration through which digital technology becomes an essential tool of taxation at a time when Cameroon tends to put in place its National Development Strategy (SND 2020-2030). Keywords: Cameroon, Tax administration, digital La pandémie du Covid19 a complètementdéstructuréleséconomies des Etats africains et singulièrement celle du Cameroun. À une baisse des exportations déjà liée à ldincapacité de certains produits de respecter les normes internationales, sdest ajoutée une diffculté à recouvrer les recettes internes à cause du ralentissement des activités économiques. Au cœur ddune économie à plus de 70% informelle, les recettes de ldEtat ne peuvent que connaître un amenuisement. Le président Paul Biya avait ddailleurs, en mars 2020, modifié par ordonnance le budget de ldEtat du Cameroun pour prendre en compte les impacts possibles de la pandémie du Covid19. Une telle modification a obligé le Ministère des Finances (MINFI) à revoir les modalités de production des recettes et de financement de ldéconomie au moment où le pays annonçait sa Stratégie Nationale de Développement (SND 2020-2030). Dans cette optique, ldamélioration des recettes doit trouver une place au cœur ddune administration à travers laquelle le numérique devient un outil essentiel de la fiscalité.
  • 23. De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 22 État des lieux de l’administration fiscale au Cameroun Conformément au décret N° 2013/066 du 28 février 2013 qui ldorganise, le ministère des finances est doté de quatre directions générales et de nombreuses directions, divisions, cellules et services. Bras séculier de ldÉtat, des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) et des Établissements Publics en matière de collecte de ressources, le Ministère des Finances (MINFI) du Cameroun se veut uneadministrationopérationnelle.Encore faut-il signaler qudà côté du Ministère des Finances se trouve un Ministère de ldEconomie, de la Planification et de ldAménagement du Territoire (MINEPAT). Cette organisation institutionnelle tend à une clarification des rôles entre la question financière stricto sensu et les politiques de développement. En novembre 2020, pour permettre au ministère des finances de faire face à ses missions régaliennes, le gouvernement a doté la Direction Générale des Impôts (DGI) ddun bâtiment futuriste en plein cœur de Yaoundé, la capitale politique. La réalité qui sdimpose à tout observateur averti est celle de savoir en quoi une telle infrastructure peut être utile à ldadministration fiscale. La mobilisation des recettes, au regard des contraintes budgétaires imposées par les institutions de Bretton Wood a contraint les autorités politiques du Cameroun a ramené la Direction Générale des Douanes (DGD) à Yaoundé. Il convient de signaler que cette direction était toujours installée à Douala, porte ddentrée du Cameroun, capitale économique avec son port et les grandes entreprises du pays. Un tel changement topographique appelle aussi la mise en place ddun système de prélèvement et de gestion des taxes douanières qui soit automatisée afin de permettre aux agents économiques de travailler en toute sérénité. En effet, les transactions douanières dans un Etat ndont pas besoin que le contribuable se déplace pour effectuer de manière manuelle sa déclaration. Déjà, en avril 2012, afin de simplifier les procédures et de sécuriser les recettes ddEtat, le ministère de finances camerounais et ldAssociation des établissements de crédit du Cameroun signaient un accord pour que les guichets de douane puissent encaisser les droits grâce au paiement électronique. Pour ldexercice budgétaire 2021, le gouvernement camerounais table sur des recettes internes et des dons ddun montant de 3456,6 milliards de FCFA. Elles se déclinent comme suit : 393 milliards pour les recettes pétrolières et gazières; 2743,1 milliards de recettes fiscales et douanières; 213,5 milliards de recettes non fiscales et 106,9 milliards pour les dons ; le budget global de ldEtat étant équilibré à 4865,2 milliards de FCFA. La mobilisation des recettes fiscales et douanières qui représentent 56% des recettes de ldEtat nécessite un système adéquat de recouvrement à ldaune de la pandémie du covid19 et de la rareté des ressources. Au-delà de leurs missions, ldorganisation territoriale de la DGI, de la DGD et des autres directions du MINFI ndobéissent pas au découpage administratif de la République. Tandis les autres administrations sont organisées en délégationsrégionales,départementales et inspections ddarrondissement, le MINFI
  • 24. De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 23 est territorialement divisée en secteurs et pôles de recettes. Une telle organisation a pour objectif ddassurer un meilleur recouvrement de ldimpôt tout en augmentant la pression fiscale sur les contribuables. La place démesurée du secteur informel dans ldéconomie camerounaise pose un sérieux problème à la mobilisation de ldimpôt. Le déficit ddinsertion dans le tissu industriel, commercial et marchand formel lié à des problèmes de gouvernance et à des politiques économiques désarticulés oblige de nombreuses personnes à se réfugier dans le secteur informel. En raison de la tolérance administrative dont il bénéficie, le secteur informel constitue un espace ddévasion fiscale. Économiquement, le secteur informel représente pour ldÉtat un manque à gagner en impôts et en taxes diverses. De nombreux pans de ldéconomie se retrouvent ainsi défiscalisés, réduisant ldassiette fiscale et obligeant ldÉtat à opérer des ponctions de plus en plus importantes sur le secteur structuré et visible. Ldinjustice fiscale découlant de la faible fiscalisation du secteur informel décourage les investisseurs formels déjà en place et les pousse à la dissimulation et parfois à ldévasion fiscale. Ldinformel fait le lit des pratiques de commerce illicite (contrebande, contrefaçon, fraude). La recherche de nouvelles sources de recettes a ainsi obligé le ministère du commerce a engagé une vaste opération de lutte contre la fraude et les contrefaçons. Cette opération a permis de démanteler des réseaux de siphonage du gaz domestique, des productions de boissons et liqueurs frelatés, des huiles domestiques et même de ldeau minérale ; produits frelatés ou issus du commerce illicite circulent mettant en péril la santé des populations et de ldéconomie (Cameroon Tribune 26 avril 2021). L’administration fiscale dans la production des richesses au Cameroun Le Cameroun étant tributaire des apports extérieurs à travers ldendettement et ldexportation des matières, une mobilisation accrue des recettes fiscales serait source de stabilité économique. Ldimpôt comme source de recettes intérieures permet de dégager des revenus stables et ddêtre moins assujetti au service de la dette. Une telle réalité suppose une économie stable et une administration fiscale qui fonctionne. La fiscalité accroit ldincitation à la participation du public au processus politiqueetrenforceldobligationderendre compte. Il convient de rappeler que le consentement à ldimpôt est la première règle qui fonde ldassujettissement des individus à ldEtat (Moore 2004). En droit fiscal camerounais, le contribuable est défini comme toute personne physique ou morale assujettie aux champs ddapplication ddun prélèvement obligatoireet qui supportedirectementla chargedescontributions,impôts,droitsou taxes dont le recouvrement est autorisé par la loi (Bilounga 2018). La relation entre ldadministration fiscale et les contribuables doit par conséquent se construire sur la confiance afin non pas seulement de rendre ldimpôt acceptable (nul ndaimerait payer des impôts si cela était possible) mais surtout ddamener les citoyens à comprendre le sens de la fiscalité.
  • 25. De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 24 Comme le rappelle Thierry Lambert, « les sentiments du citoyen-contribuable se confondent : il est, ddune façon générale, contre ldimpôt et contre les administrations chargées de ldasseoir et de le percevoir. Ce rejet latent peut prendre des formes et un contenu politiques quand il se développe sur un terrain économique et social particulièrement propice » (Lambert 1985). Pour ldexercice 2021, la sécurité reste la priorité du gouvernement camerounais. La lutte contre les exactions de la secte islamique Boko Haram a, de manière considérable, affecté les capacités de ldEtat et la protection des personnes et des biens dans la partie septentrionale. À cela sdajoute depuis 2016, la crise dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il y a également la criminalité transfrontalière dans la région de ldEst et de ldAdamaoua. Ces conflits qui plongent les populations dans ldinsécurité alimentaire ont des conséquences économiques désastreuses pour le pays à travers une désarticulation du tissu industriel et commercial. Une entreprise comme la Cameroon Development Corporation (CDC) a connu une baisse de 60% de son chiffre ddaffaires, ce qui représente un manque à gagner considérable. La Société Nationale de Raffnage (SONARA) située également dans la Région du Sud-Ouest est complètement en arrêt. Après ldincendie du 31 mai 2019, ldentreprise nécessite 700 milliards ddinvestissement pour la modernisation et ldextension de ses installations avant toute reprise ddactivités. Un tel ralentissement de ldéconomie affecte de manière significative les recettes de ldEtat du Cameroun, ce ddautant plus qudil faut trouver des sources de revenus pour financer ldéconomie. A ldinstar ddautres pays, le Cameroun fait face à la pandémie du coronavirus ; aussi la question sanitaire occupe une place dans les priorités gouvernementales. Dès le mois de mars 2020, une stratégie gouvernementale de riposte et de résilience économique et sociale a été mise en œuvre, pour limiter la propagation de ce virus et atténuer ses effets au Cameroun.
  • 26. De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun 25 Depuis avril 2020, le scandale financier lié à la gestion des fonds contre cette pandémie pose un autre problème aux ressources de ldEtat surtout que le pays a dû sdendetter auprès du FMI pour faire face à la crise sanitaire. La relance économique constitue le pilier de ldaction gouvernementale dans la logique de reconstruction ddune économie post-Covid19. En effet, la pandémie de la COVID-19 a affaibli les finances publiques camerounaises, déjà éprouvées par la conjoncture économique et financière que traversent les Etats de la sous-région Afrique centrale. Le numérique comme valorisation de l’administration fiscale au Cameroun La numérisation de ldadministration qui ne saurait être confondue avec ldéconomie du numérique pourrait constituer un véritablelevierpourunefiscalitémoderne et un meilleur moyen ddaccroissement des recettes de ldEtat. Ldéconomie numérique est plus qudun sous-domaine de ldéconomie industrielle (Bourreau et Pénard 2016). Le contribuable pourrait désormais y trouver une modernisation des prestations fiscales à travers un traitement méthodique de ldinformation et ldusage approprié des NTIC pour rendre ldadministration effcace. Un effort de modernisation et de simplification des règles et des procédures en matière fiscale sdavère donc nécessaire. Depuis quelques années au Cameroun, ldadministration fiscale met en œuvre une importante action de communication, afin de rendre ldinformation fiscale accessible et disponible pour les contribuables. Dans le cadre de ldexécution du budget 2021, le gouvernement du Cameroun a prescrit « ldinterdiction du paiement des impôts et taxes en espèces auprès du réseau fiscal et la généralisation aux centres divisionnaires des impôts informatisés des modalités de paiement par virement bancaire ou par voie électronique ». Afin de lutter contre les fraudes diverses, la circulaire sur ldexécution du budget consacre la délivrance et la notification des quittances électroniques. Le paiement en espèces reste toutefois exceptionnel au niveau des guichets de banque. Dans la dynamique de la modernisation de son système de gestion, ldadministration des douanes a entrepris des mutations qui ne se sont pas toujours avérées effcaces (Cantens, 2007). Ldinformatisation des procédures vise à réduire le processus de dédouanement, de sécuriser les recettes en suivant les marchandises ddun bout à ldautre de la chaîne à savoir de ldentrée au port à la sortie. Repenser l’administration fiscale au Cameroun à l’ère du numérique Le numérique comme espace de civilité fiscale au Cameroun vise à rendre ldimpôt acceptable et son recouvrement effcient. Le civisme fiscal sdentend comme le respect des obligations déclaratives et des obligations de paiement se traduisant par le dépôt dans les délais des déclarations par les contribuables et le paiement spontané de ldimpôt dû (Abanda Atangana, 2011). La notion du civisme fiscal recouvre ldensemble des perceptions et attitudes des contribuables qui se traduisent par le consentement à ldimpôt ou par des pratiques de fraude. Ldintégrité revêt
  • 27. 26 une importance fondamentale en matière fiscale : indispensable aux relationsdeconfianceentrecontribuables et administrations publiques, elle est un prérequis sans lequel le civisme fiscal sdérode. Les travaux de ldOCDE sur la morale fiscale confirment que le consentement à ldimpôt dépend du niveau de confiance des contribuables envers les institutions, de la perception de lacorruptionetdelasatisfactionàldégard les services publics. Les pays disposent ddun large éventail ddinstruments et ddapproches pour promouvoir le civisme fiscal en remportant la bataille de ldintégrité. Ils peuvent notamment déployer les nouvelles technologies dans leurs administrations ; recourir aux sciences comportementales et pratiquer une communication dite « ddencouragement » auprès des contribuables ; affecter les recettes générées par certains impôts à des dépenses spécifiques ; ou encore consolider ldéducation des contribuables, et prendre appui sur les initiatives émanant de la société civile pour contrôler et renforcer ldintégrité dans la gestion des finances publiques. La numérisation de ldadministration fiscale ne signifie pas seulement équiper les services publics en ordinateurs. En effet, les ordinateurs existent dans les administrations camerounaises depuis les années 1980. Il sdagit en réalité de faire de ldordinateur un véritable outil ddaide et ddaccompagnement à la décision. Une telle révolution administrative suppose avant tout une révolution mentale. Elle peut se décliner en quelques termes : - la formation ddun personnel compétent à ldusage de ldoutil informatique ; - la mise en place de système informatisé adéquat qui passe par des logiciels de traitement des données fiscales ; - la capacité à assurer le suivi-évaluation ddun tel système ; - la mise en place ddune bande passante de haut débit pour un traitement rapide des données ; - ldinterconnexion des administrations. En effet, il est curieux de constater que chaque direction du Ministère des Finances dispose de son propre site internet avec des informations qui ne sont pas toujours mises à jour. Une telle réforme aurait pour résultat une tenue régulière du fichier des contribuables et une meilleure sécurisation des recettes. Ldinscription de ldadministration fiscale camerounaise dans la logique du numérique ne relève pas seulement ddune stratégie de survie mais doit sdinscrire dans une perspective à long terme de modernité. Le numérique ndest pas un luxe pour faire sens. Il doit se comprendre comme la voie idoine de la sécurisation des recettes, de la lutte contre la corruption et de la construction de la confiance avec les usagers/ partenaires de ldadministration fiscale. Bibliographie Abanda Atangana A., 2011, L’administration fiscale et contribuables au Cameroun, Paris : LdHarmattan Bilounga S. T., 2018, « Les droits du contribuable au Cameroun », Gestion et Finances Publiques, (1)1 : 109-118 Bourreau M. et Pénard T., « Introduction. Ldéconomie numérique en question », Revue d’économie industrielle [En ligne], 156 | 4e trimestre 2016, mis en ligne le 31 décembre 2018, consulté le 09 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/rei/6437 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rei. 6437 Cameroon Tribune du 26 avril 2021 Cantens T., 2007, « La réforme de la douane camerounaise à ldaide ddun logiciel des Nations- Unies ou ldappropriation ddun outil de finances publiques », Afrique Contemporaine, 223-224(3-4) : 289-307 Lambert T., 1985, « Le contribuable face à ldadministration fiscale », Dans Psychologie et Science administrative (collectif), Paris : Puf, 102-121 Moore M, 2004, “Revenues, State Formation, and the Quality of Governance in Developing Countriesdd International Political Science Review, (25)3: 297–319 De l’exigence de la numérisation de l’administration fiscale au Cameroun
  • 28. Entretiens 27 ENTRETIENS Nelly Chatue-Diop est CEO et cofondatrice ddEJARA, application mobile ddinvestissement basée sur la Blockchain. De formation ingénieur en informatique et alumni ddHEC Paris et de la London Business School, elle cumule une expérience unique en Tech, Finance traditionnelle et Wb 3.0 (IA, Blockchain). Elle a été classée en 2020 dans le Top 100 mondial des visionnaires data par Hottopics.ht. IDÉES-AFRIQUE : Malgré le dynamisme et l’innovation qui caractérisent les secteurs des télécommunications, à travers la téléphonie mobile, et l’économie des plateformes numériques, l’Afrique demeure peu avancée dans le processus de modernisation digitale. Quels sont, selon vous, les principaux obstacles au développement numérique sur le continent africain? Nelly Chatue-Diop : les premiers obstacles sont les plus manifestes : vous ne pouvez pas devenir une puissance dans le monde de la technologie si vous ne résolvez pas le problème de la pénétration de ldinternet. Même si la Chine est un contre-exemple, cdest le plus grand pays du monde et, par économie ddéchelle, une petite fraction de personnes connectées représente des millions de personnes. Ldinternet est également très cher en Afrique, et les gens ne peuvent pas passer des heures à sdinformer sur les technologies sdils nden ont pas les moyens. La deuxième problématique est celle de ldéducation. Nousdevonscomprendrequeleslogiciels sont en train de dévorer le monde et que sans un vaste programme ddéducation numérique commençant dès le plus jeune âge, nous ne pourrons pas battre nos homologues américains, européens et asiatiques. La barrière de la langue est également un problème majeur, en particulier pour ldAfrique francophone. La plupart des contenus produits sur Internet sont en anglais. Si nous ne sommes pas en mesure de comprendre 90 % des informations du monde, il sera diffcile de déjouer les obstacles. Cdest pourquoi des pays comme le Nigeria, ldAfrique du Sud et le Kenya ont une meilleure culture Internet que les pays ddAfrique francophone. ENTRETIEN AVEC NELLY CHATUE-DIOP
  • 29. Entretiens 28 Ldesprit ddentreprise et le capital-risque ont permis aux États-Unis de devenir la force motrice qudils sont aujourddhui. Des pays comme le Nigeria ldont compris et sont en train de devenir la nouvelle Silicon Valley de ldAfrique, en accueillant des investisseurs locaux et internationaux. Nous avons besoin de plus de fonds locaux qui investissent plus ddargent dans nos entrepreneurs. Dans votre parcours entrepreneurial, quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez été confrontée, et comment les avez-vous surmontées? En tant qudentrepreneur, votre parcours est semé ddobstacles et votre rôle est ddéviter les plus importants. Au cours de mon parcours, ldune des plus grandes diffcultés a été ddavoir une excellente équipe autour de moi, des conseillers aux collaborateurs. Sans une équipe ddélite, les affaires ralentissent et il est diffcile de voir la lumière au bout du tunnel. Jdai eu la chance ddavoir un réseau solide et de rencontrer des talents incroyables à travers ldAfrique qui voulaient travailler sur Ejara. Une autre diffculté consiste à passer du monde de ldentreprise à celui de ldentrepreneuriat. Vous devez désapprendre tout ce qui vous a permis de réussir dans le monde de ldentreprise et comprendre, à partir des principes de base, ce que vous devez faire pour réussir dans ldentrepreneuriat. Cdest pourquoi il est important ddavoir une bonne équipe. Enfin,êtreunefemmendestpasunetâche facile et vous devez prouver chaque jour que vous pouvez faire le travail. Ndoubliez pas que les entreprises dirigées par des femmes reçoivent moins de 3 % du total des fonds déployés par les fonds de capital-risque. Cela se passe de commentaires. Il faut être impitoyable et remporter des victoires rapides pour lutter contre ces préjugés. Blockchain, Cloud Computing, Intelligence Artificielle, Internet des Objets, cybersécurité : quels sont selon vous les chantiers les plus avancés de la transformation numérique dans le secteur privé en Afrique? Malheureusement, je viens juste de revenir en Afrique après avoir travaillé pendant des années en Europe et en Amérique. Cependant, nous voyons certaines tendances autour de ldIOT et de ldIntelligence Artificielle, notamment dans ldindustrie agricole. De mon côté, je vois beaucoup ddentrepreneurs qui essaient ddutiliser la technologie blockchain pour les applications financières décentralisées, la traçabilité des fonds, la propriété immobilière et les questions de cadastre, etc. Lequel de ces chantiers a-t-il de chances de se développer en Afrique, et quelle en est la principale raison? Le fait qudil ydait moins ddinfrastructures en Afrique est en soit un avantage pour les entrepreneurs et grands groupes: tout ndest pas à refaire ! En Europe et Amérique du Nord, de nombreuses entreprises dépendent de systèmes ou architectures anciens, ainsi, le changement ddinfrastructure est onéreux et chronophage.
  • 30. Entretiens 29 En Afrique cdest tout ldinverse. Le peu ddinfrastructure nous permet de pouvoir capitaliser sur les nouvelles technologies les plus innovantes sans avoir à drastiquement changer nos infrastructures réseaux. Le lancement de ldindustrie du mobile money en est une preuve. Ainsi, toute nouvelle technologie allant de la blockchain à ldIA a toutes ses chances de se développer en Afrique. Pourriez-vous nous parler de votre expérience concernant un des chantiers précités ? Mon intérêt pour ldIA a atteint son sommet lorsque jdai travaillé sur le pricing chez Franprix en France. Jdai réalisé que ldIA pouvait être très utile pour évaluer combien le client était prêt à payer, ou quel était le meilleur prix pour un produit, avec une meilleure précision que les statistiques traditionnelles. Jdai décidé de suivre une formation et de maîtriser le sujet. Ensuite, en arrivant chez Betclic, jdai pu travailler en tant que Chief Data Offcer avec une équipe de data science et utiliser ldIA pour la détection des fraudes, les cotes des jeux, etc. Concernant la Blockchain, jdai commencé à mdy intéresser en 2015 : Jdai fait les premières ICO, lu les livres blancs techniques, commencé à miner quelques crypto, à faire de la promotion en Afrique en créant des communautés et en organisant des meetups jusqudà aujourddhui où jdai lancé Ejara. Dans la majorité des pays africains, la force de travail est très jeune, comprise entre 15-25 ans. L’économie numérique représente une opportunité énorme en termes de création d’emplois, de renouvellement des pratiques et des postes de travail. Quelles seraient les stratégies et politiques à mettre en place pour aider la jeunesse africaine à mieux saisir ces opportunités? Je ne cherche pas à dicter ce que les politiciens devraient ou ne devraient pas faire, mais pour aider les jeunes, nous devons trouver des solutions pour financer plus ddentrepreneurs afin qudils puissent commencer à recruter plus de talents. Pour les entreprises, la création de programmes économiques dans le cadre desquels les sociétés locales et étrangères sont incitées à construire en Afrique et à tenter leur chance avec les jeunes est un autre moyen ddaider ces jeunes de 20 ans à trouver un emploi et à acquérir de ldexpérience. Mais nous avons aussi besoin que nos jeunes soient bien équipés pour travailler au sein de ces entreprises et de ces start- ups et pour cela, il faut des programmes ddéducation qui commencent dès le plus jeune âge autour du numérique, afin ddavoir une génération de gourous de ldinternet qui savent coder mais qui connaissent aussi le business. Nous serons inarrêtables. Enfin, il faut que la société civile aussi se sente concernée dans son ensemble par cette mission. Chacun de nous ayant une expérience ou expertise quelconque dans le numérique doit se donner la responsabilité de former 2 ou 3 jeunes autour de lui. Nous formerons ainsi une chaîne inarrêtable.
  • 31. Entretiens 30 Qu’est-ce qu’est EJARA? Pourriez-vous nous en présenter la genèse? Quelles en sont les applications concrètes? Les opportunités pour la jeunesse africaine? Ejaraestuneapplicationddinvestissement sécurisée permettant à ndimporte qui ddinvestir dans des actifs (cryptos, actions fractionnées...) à partir de 5000 FCFA. La genèse vient de plusieurs constats: Aujourddhui en Afrique, nous utilisons de nombreuses applications et outils (Facebook, iPhone...) toutefois, il est quasiment impossible pour nous de pouvoir profiter de la croissance de ces entreprises. Pourquoi ne pas permettre aux clients africains de devenir investisseurs ? Le deuxième constat provient du fait que la crypto-monnaie est le plus grand événement technologique des années 2010. Le parcours client pour les Africains qui souhaitent se procurer ou vendre des cryptomonnaies relève du parcours du combattant, sans parler du risque de sécurité personnel. Nous avons souhaité créer une application mobile afin de permettre à tout le monde de pouvoir se procurer de la crypto-monnaie depuis soncanapé.Ledernierconstatémanedu fait que ldextrême majorité des entreprises centralisent les données. Ceci les rend très vulnérables à des cyber-attaques, ou tout simplement un entrepreneur qui peut récupérer les fonds de ses clients et disparaître. Avec Ejara, nous avons décidé que ldargent des clients est leur propriété. Nos clients sont les seuls détenteurs de leurs actifs. Nous ndavons jamais accès à leur compte. Si demain Ejara venait à fermer, ils pourraient utiliser leurs adresses cryptographiques sur une autre plateforme. Cette décentralisation nous rend également plus résistant à des cyber- attaques et des hacks, déplaçant le point de défaillance unique à un réseau décentralisé. Concernant les applications, nous permettons à chacun ddéchanger des actions contre des Franc CFA sans avoir à passer par une myriade ddintermédiaires. En ce qui concerne les applications, elles sont multiples : investir afin de préparer sa retraite, utiliser la cryptomonnaie afin de trader à le commerce international sans avoir à payer des frais exorbitants, pouvoir se faire payer un salaire par une entreprise internationale en crypto monnaie et ldéchanger contre des franc CFA, créer des tontines sécurisées etc. Enfin, Ejara se veut une application pour les africains où qudils se trouvent physiquement. De fait, nous sommes disponibles aussi bien en Afrique francophone quden Europe, Canada, Etats-Unis et même en Asie. PS: les actions sont en cours d’intégration dans notre application et seulement en beta test pour le moment. Ce sera ouvert au public au cours de cette année 2021 Quels sont les défis actuels de l’industrie des startups dans le domaine tech en Afrique? Cdest un peu redondant avec ce que jdai dit précédemment : nous avons besoin de plus de fonds, de plus de talents (ce qui signifie plus de programmes éducatifs qui peuvent les aider à être mieux équipés pour travailler dans la technologie mais aussi des universités qui collaborent avec des incubateurs et des fonds ddinvestissement),
  • 32. Entretiens 31 nous avons besoin ddinvestissements étrangers (donc de programmes ddincitations économiques) et ddune compréhension de ce qui se passe dans le monde anglophone (apprendre ldanglais dès le plus jeune âge). Ce cocktail formera ce qui deviendra une culture de startup tech, et permettra la création de meilleures entreprises en Afrique. Comment envisagez-vous l’avenir de ladite industrie? Je pense que de plus en plus de gens commencent à comprendre que ldAfrique est en train de devenir ldun des terrains les plus fertiles pour lancer une startup à succès. Cependant, si nous ne disposons pas ddun écosystème ddacteurs soutenant ce sentiment comme au Nigeria ou au Kenya, nous verrons certains pays rester au même endroit qudil y a dix ans, tandis que ddautres prendront des mesures progressives massives vers une croissance exponentielle. Ils attireront les entreprises, les capitaux et les talents étrangers et deviendront plus riches que de nombreux pays européens. Malheureusement, pour les pays qui ne font pas ce pas (et qui misent probablement sur la découverte de pétrole pendant que les logiciels dévorent le monde), ils pourront déverser autant de dollars qudils le souhaitent, ils ne seront pas aussi attractifs que les leaders établis de la technologie en Afrique. Nous sommes encore en phase ddéquilibre mais dans 5/10 ans, tout sera réglé.
  • 33. Entretiens 32 PLACE DES FEMMES DANS LE NUMÉRIQUE EN AFRIQUE Pour conclure, quelles recommandations faites-vous aux décideurs publics africains,relativementaudéveloppement numérique en Afrique? Investissez dans les infrastructures (incubateurs, programmes ddincitation économiques, fonds ddinvestissements, accès à internet à bas prix) et dans jeunesse, qudil sdagisse ddidées (financement en participations) ou de compétences (apprendre à coder dès le plus jeune âge, apprendre ldanglais dès le plus jeune âge, partenariats fonds ddinvestissements/universités, mis à disposition de chercheurs pour entrepreneurs...) On voit de plus en plus de femmes se lancer et se démarquer dans le numérique en Afrique. Évidemment comme partout dans le monde, nous sommes encore peu nombreuses. Mais à la différence du reste du monde, les femmes africaines ont une culture entrepreneuriale exacerbée, il sufft de voir nos mamans dans les marchés. Il faudrait donc mettre en avant des rôles modèles du numérique auprès des jeunes filles dès leur plus jeune âge, structurer un écosystème local qui accompagne et financelesentrepreneusesdunumérique, rendre nos entreprises accueillantes pour ldépanouissement des carrières dans la tech pour les femmes afin que ldAfrique réinvente un numérique plus juste, plus représentatif de la diversité et donc plus créatif et performant.
  • 34. Entretiens 33 ENTRETIEN AVEC NAULLY NICOLAS Naully Nicolas est un atypique. Souvent décrit comme inclassable, il explore le nouveau monde qui émerge avec les nouvelles technologies avec un regard original, décoiffant et sans langue de bois. En mélangeant, analyse économique, concepts philosophiques, faits historiques, Il aide les dirigeants à évoluer grâce à la transformation numérique et à élaborer des stratégies en cultivant des expériences exceptionnelles, en se concentrant sur la nature humaine et ldintégrité. Pendant plus de 15 ans, il a travaillé dans le domaine de ldinformatique pour un certain nombre ddentreprises de classe mondiale telles que Thomson Reuters, Alpiq. Du support bureautique à la conception de sites web en passant par le marketing numérique, il a tout fait, et grâce à cela il a appris les tenants et aboutissants du logiciel, du matériel et du monde numérique. Son objectif est de sdimmerger dans votre organisation, ddapprécier les tendances commerciales existantes et de voir comment il peut vous amener au prochain niveau de croissance à travers ldoptique du marché. IDÉES-AFRIQUE : La transformation numériqueapparait,aujourd’hui,comme le canon sacré de la modernisation des organisations publiques et privées à travers le monde. Quelles en sont, selon vous, les principales caractéristiques ? Naully Nicolas : En soi, la transformation numérique est le changement culturel, organisationnel et opérationnel ddune organisation, ddun secteur ou ddun écosystème par une intégration intelligente des technologies, des processus et des compétences numériques à tous les niveaux et dans toutes les fonctions, de manière progressive et stratégique. Si elle est principalement utilisée dans le contextedesentreprises,elleaégalement un impact sur ddautres organisations telles que les gouvernements, les organismes du secteur public et les organisations qui sdefforcent de relever les défis sociétaux tels que la pollution et le vieillissement des populations en tirant parti ddune ou plusieurs de ces technologies existantes et émergentes. Dans certains pays, comme le Japon, la transformation numérique vise même à avoir un impact sur tous les aspects de la vie avec ldinitiative Société 5.0 du pays.
  • 35. Entretiens 34 Quelles sont certaines des caractéristiques de la transformation numérique ? Enexaminantlemondedelanumérisation, qui évolue rapidement, certaines caractéristiques de la transformation numérique sont apparues. - Un hyper-focus sur l’expérience client. Les entreprises commencent généralement la transformation numérique en développant une compréhension complète du client. Qui sont les clients ? Quelles sont les caractéristiques démographiques des clients?Commentlesclientsinteragissent- ils avec ldentreprise ? Ldamélioration continue de ldexpérience client est le facteur de « réussite ou ddéchec « de la transformation numérique. - Les processus opérationnels sont bien définis, rationalisés et transparents. Il est essentiel de disposer de processus opérationnels clairement définis pour réussir la transformation numérique. Non seulement ces processus produisent les données nécessaires à la prise de décision, mais ils permettent également à ldorganisation de devenir plus agile et plus réactive aux besoins en constante évolution des clients, tout en facilitant la bonne circulation des connaissances au sein de ldorganisation. - Une intégration claire entre les données et les processus. Alors que cela devrait être le cas dans toute organisation (mais ce ndest souvent pas le cas !), dans ldorganisation transformée par le numérique, les décisions sont prises sur la base de faits - les données produites par les processus. En fait, les données sont utilisées pour modifier le mode de fonctionnement de ldentreprise. Et utiliser les données résultantes pour corriger le tir ou prendre ddautres décisions stratégiques. - Pensez «valeur» et non «activités». La transformation numérique ndest pas seulement un système de commerce électronique sous stéroïdes, mais une toute nouvelle façon de penser à la manière dont une organisation apporte de la valeur àtravers un écosystème ddactivités. La transformation numérique se traduit par une culture qui remet en question le statu quo et recherche activement les possibilités de créer de la valeur par des moyens nouveaux et innovants, voire de créer de nouveaux modèles économiques. En quoi cette évolution représente-t-elle une disruption ? La raison en est simple. La transformation numérique ne consiste pas en un simple changement de technologie. Il sdagit plutôt ddun changement radical dans la façon dont nous produisons et traitons les données, tout en déformant le traditionnel «équilibre des forces» en matière ddaccessibilité aux données entre les organisations et les individus. Donnons un exemple. Refuser un passager pour cause de surréservation aurait été un problème mineur de service à la clientèle il y a une vingtaine ddannées. Aujourddhui, il peut se transformer en une tempête sur les réseaux sociaux en quelques minutes, sapant la crédibilité de ldentreprise et sa valeur en bourse. La vitesse à laquelle ces événements se produisent (et des cas sont signalés chaque semaine) est un signe de la véritable signification de la transformation numérique.
  • 36. Entretiens 35 Que devraient apprendre les leaders du numérique ddun général prussien des années1800àproposdelatransformation numérique ? Etonnamment, plus que vous ne le pensez. En première ligne, Carl von Clausewitz était irrité par : - Manque de conseils utiles et commandes contradictoires, en particulier sous pression. - La lenteur de la prise de décision tactique et organisationnelle. - Le décalage entre ldarmée, le gouvernement et la population civile. - Les retards réguliers ndétaient pas pertinents pour la tâche à accomplir. Aussi, il est important de se remettre dans le contexte historique de ldépoque. Clausewitz a vécu la tourmente sociale et politique sans précédent de la Révolution française et le déclenchement des guerres napoléoniennes en Europe. À la fin du XVIIIe siècle, les armées européennes avaient atteint un haut degré de symétrie en imitant le système ddentraînement et ddemploi mis au point par Frédéric le Grand. Les nations privilégient une armée permanente très entraînée, soutenue par un système logistique de forts et de magasins. La bataille de Leuthen, en 1757, est la victoire par excellence de Frédéric, qui lda emporté malgré une infériorité numérique de deux contre un. Peu après, presque toutes les monarchies ddEurope ont étudié et copié le système de Frédéric dans ses moindres détails. Les méthodes de guerre européennes sdétaient normalisées et étaient stables au début de la Révolution française. Alors que la Révolution prenait de ldampleur, les monarchies et les armées ddEurope ne voyaient pas la nécessité de changer leurs systèmes militaires. La France était ldexception. Le bouleversement (ou disruption) social de la Révolution a imposé des changements importants au système militaire français. Certains changements étaient pragmatiques et nécessaires, tandis que ddautres découlaient des idéaux (et du chaos) de la Révolution. Le mérite et ldinitiative déterminent la promotion plutôt que la richesse ou le statut social, ce qui permet ddaccéder à un potentiel de leadership jusque- là inexploité. Des changements organisationnels ont balayé ldarmée, avec la conscription de masse dans le cadre de la levée-en-masse et ldutilisation de ldordre mixte pour amalgamer les réguliers et les conscrits. Dans votre dernier livre, vous faites le lien, peu habituel, entre Clausewitz, théoricien de l’art de la guerre, et la transformation numérique. En quoi son œuvre nous aide-t-elle dans la compréhension et la pratique de la transformation numérique ?
  • 37. Entretiens 36 Aucun de ces changements nda à lui seul fourni une force suffsante pour rompre ldéquilibre de ldenvironnement militaire. Cependant, à mesure que la guerre visant à contenir la France révolutionnaire se prolongeait, ces innovations se sont combinées pour former une disruption inédite dans la guerre du XVIIIe siècle. Vous préconisez aux dirigeants d’organisations d’avoir une doctrine de la transformation numérique. Pourriez- vous nous indiquer les fondements de cette doctrine ? En effet, je suggère que les organisations doivent mettre en place un DN (Doctrine Numérique). Sans cela, les entreprises peuvent ne pas avoir une idée cohérente des raisons pour lesquelles elles font la transition,etlerôledelatransformationest joue en les aidant à réussir effcacement pour atteindre leurs objectifs globaux. Je citerai une citation de Frédéric le Grand : «Laguerren’estpasuneaffairedehasard. Il faut beaucoup de connaissances, d’études et de méditation pour bien la mener ». - Frederick le Grand De manière plus pratique, quelles en sont les applications ? Les technologies numériques non seulement améliorent et élargissent les processus et les modèles existants, mais elles ouvrent également les portes à toutes sortes de nouvelles idées, de nouveaux rivaux, de nouveaux processus commerciaux, de nouvelles stratégies et même de nouvelles industries. Les DN doivent être capables de les guider avec succès à travers ces changements importants et rapides. Le DN ddune entreprise contrôlera toutes ses politiques, leur mode de fonctionnement et les méthodes qudelles utilisent pour se concurrencer les unes les autres. Grâce à mes recherches, je constate que la plupart des entreprises connaissent une transformation numérique, mais peu ddentre elles ont établi une doctrine pour les guider sur cette voie de la transformation numérique. Un exemple parfait ddune DN: «Garantir des avantages concurrentiels sur vos marchés établis grâce à la supériorité des connaissances et à l’utilisation de systèmes supérieurs de collecte de données, d’analyse et de logistique de l’information qui fournissent une connaissance complète de la situation, soutiennent la prise de décision basée sur les données, les algorithmes automatisés et permettent la fourniture d’informations contextuelles pertinentes et une numérisation personnalisée en temps réel. » Les organisations publiques et privées des pays africains font face à des défis particuliersdansleurtransitionnumérique (stockage et gestion de l’information, déficit infrastructurel, connectivité, etc.). Quelles recommandations spécifiques pourriez-vous donner aux décideurs publics et aux entreprises privées en Afrique pour assurer la réussite de la transformation numérique de leurs organisations ? A mon sens, ldAfrique offre une multitude ddopportunités économiques dans pratiquement tous les secteurs. Dans un premier temps, le continent possède une population jeune qui représente une énorme opportunité à ldère du numérique.
  • 38. Entretiens 37 Il ne faut surtout pas oublier que le développement socio-économique par le numérique doit faire partie de la doctrine numérique Afrique. Le numérique doit être une force motrice pour une croissance innovante, inclusive et durable. Pour être plus précis, les innovations et la numérisation doivent stimuler la création ddemplois et contribuer à lutter contre la pauvreté, à réduire les inégalités, à faciliter la livraison des biens et des services. En outre, ldAfrique a moins de défis à relever en matière ddhéritage par rapport aux pays occidentaux, ce qui permet un accès plus rapide à des solutions numériques. Par nécessité, pour ne pas rester dans un statut de « tier monde numérisé », le moment présent offre à ldAfrique une occasion de faire un bond en avant. Pour autant, il ne faut pas oublier que ddaprès la Doctoresse Amani Abou- Zeid, qui est la commissaire chargé des infrastructures et de ldénergie à la Commission de ldUnion africaine (CUA) souligne que « près de 300 millions d’Africains vivent à plus de 50 kilomètres d’une connexion haut débit par fibre ou parcâble,d’oùl’absencededisponibilité généralisée de l’internet haut débit qui reste un obstacle important pour que l’Afrique exploite pleinement le potentiel de la transformation numérique. » Mes 5 recommandations pour une transformation numérique réussie dans le secteur privé et public. 1. Définissez vos objectifs de transformation numérique Une source commune ddéchec de la transformation numérique est ldabsence ddobjectifs bien définis. De nombreuses organisations choisissent simplement une poignée de technologies parce qudelles sont populaires, à la mode, ou qudelles satisfont un avantage isolé - et non parce qudelles peuvent atteindre les objectifs clairement définis ddune stratégie de transformation numérique cohérente. Celapeutconduireàlamiseenœuvrede technologies qui (1) ne sont pas utilisées par les membres de ldéquipe, (2) ne sdintègrent pas au reste de ldinfrastructure informatique, (3) ne soutiennent pas des objectifs commerciaux plus larges, (4) entraînent plus ddineffcacités et de coûts que ddavantages, ou (5) ne parviennent pas à équilibrer les besoins concurrents de différents départements comme le marketing et ldinformatique. À cet égard, il est important de rechercher et de planifier vos objectifs de transformation - et les tâches, technologies et processus qui permettent de les atteindre. Que vous souhaitiez redéfinir votre modèle économique, renforcer ldeffcacité de vos opérations ou mettre en place une infrastructure adaptée au travail à distance, répondre aux questions suivantes est un excellent point de départ pour définir vos objectifs de transformation numérique : Dans quel but ? Quelles sont les priorités ? Que comptez-vous faire Quelle est la stratégie de mise en œuvre ? Quels sont les critères de réussite ?