À l'aube de l'éclatement de la bulle technologique, l'IDATE publiait, en 2001, son
premier DigiWorld Yearbook. 2010 : dixième édition de cet atlas du monde
numérique, au sortir également d'une crise, non plus sectorielle cette fois, mais qui
a touché et secoue encore presque tous les secteurs économiques.
L’impact de la conjoncture, plus ou moins sensible selon les secteurs et les marchés de l’industrie numérique, n’a pas pour autant figé l’effervescence qui les caractérise.
Le DigiWorld Yearbook reste un outil irremplaçable pour
qui veut trouver sous une
forme synthétique et accessible
un rappel des principaux
évènements de l’année, les
derniers chiffres sur les marchés
et leurs acteurs, et les
grandes tendances au niveau
international vues par les
experts de l’IDATE.
1. telecom • internet • media
DigiWorld
Yearbook 2010 e
10èm
édition
Les enjeux
du monde numérique
w w w. i d a t e . o rg
2. DigiWorld
Yearbook 2010
Que retenir de 2009
pour parler du futur
l'aube de l'éclatement de la bulle technologique, l'IDATE publiait, en 2001, son
À premier DigiWorld Yearbook. 2010 : dixième édition de cet atlas du monde
numérique, au sortir également d'une crise, non plus sectorielle cette fois, mais qui
a touché et secoue encore presque tous les secteurs économiques. L’impact de la
conjoncture, plus ou moins sensible selon les secteurs et les marchés de l’indus-
trie numérique, n’a pas pour autant figé l’effervescence qui les caractérise.
Le DigiWorld Yearbook reste
un outil irremplaçable pour
qui veut trouver sous une
forme synthétique et accessi-
ble un rappel des principaux
évènements de l’année, les
derniers chiffres sur les mar-
chés et leurs acteurs, et les
grandes tendances au niveau
international vues par les
experts de l’IDATE.
3. Préface Francis LORENTZ, Président, IDATE
L
a bulle financière et la prospérité artifi- Twitter, nous basculons d’un monde de la cau-
cielle qui l’a accompagnée ont masqué salité à celui des corrélations statistiques, d’un
l’efficacité déclinante de nos économies monde analytique vers un monde oral, tactile
occidentales. Le vieillissement de la popula- et émotionnel, d’un monde séquentiel vers un
tion, un certain “hédonisme“, la prise en monde de l’instantanéité, d’un monde hiérar-
compte progressive des enjeux écologiques, chisé à un monde tribalisé.
le principe de précaution, les complexités Sans doute ne mesurons-nous pas encore
bureaucratiques en sont sans doute pleinement la portée des changements intro-
quelques-unes des causes. duits par ce développement de l’ubiquité
Par ailleurs, les règles du jeu qui gouvernent nos informationnelle et ce retour en force du cer-
marchés et nos égoïsmes collectifs nous ont veau droit par rapport au cerveau gauche.
poussés à préférer le court terme à la prépara- Mais les générations d’“Internet-natives“ et
tion de l’avenir, et à privilégier, trop souvent, la de “i-Phone-natives“ sauront tirer parti de
protection des situations acquises au détriment ce bouleversement de nos “Operating
de l’innovation et des remises en cause qui l’ac- Systems“ collectifs et individuels.
compagnent. En témoignent la décroissance Dès à présent les règles qui gouvernent la
des investissements industriels, le retard pris création de richesse ne cessent de se diversi-
dans les mutations de l’enseignement supérieur fier. C’est l’agilité qui semble l’emporter sur la
ou encore l’incapacité de l’Europe à atteindre taille si l’on en juge par la rapidité avec
les objectifs qu’elle s’était fixés il y a dix ans à laquelle les innovateurs de l’Internet ont su
Lisbonne en matière de société de l’informa- s’imposer dans l’espace nouveau du commer-
tion. En contrepoint de cette évolution, le dyna- ce électronique. Et pourtant, à l’inverse, les
misme des économies dites émergentes a exigences des régies publicitaires conduisent
amorcé un déplacement du centre de gravité de à privilégier la recherche d’audience, c’est-à-
la création de richesse réelle. dire la taille exprimée en nombre de visiteurs
Préface
Face à ce constat, l’innovation s’impose uniques d’un site. C’est la gratuité qui est
comme une priorité absolue. C’est par l’inno- devenue la référence car tout ce qui est numé-
vation et par l’invention de nouveaux modèles risé ne coûte rien à reproduire. Pour financer
de croissance que nous pourrons échapper à les investissements – technologie, infrastruc-
un lent glissement vers le statut de réserves tures, contenu – qui sont sous-jacents à la
3
touristiques. C’est par elles que nous pourrons dynamique numérique, les meilleurs de
www.idate.org
nous différencier, créer de la richesse, mieux l’Internet imaginent des modèles différents de
maîtriser notre consommation d’énergie ou rémunération qui prennent en compte l’appé-
notre relation à l’environnement. Or ce sont les tence pour la gratuité : financement par la
réseaux, l’Internet et, plus généralement, les publicité, référencement payant, freemium...
technologies de l’information qui sont au Dans cet espace numérique, les consomma-
cœur, d’une manière ou d’une autre, du foison- teurs ont pris une dimension nouvelle. Ils
nement d’idées, de produits, de services ou de sont non seulement dotés des moyens de
modèles économiques auquel nous assistons. comparer instantanément toutes les offres
La combinatoire de l’Internet mobile, du Cloud du marché, mais peuvent aussi entrer dans
Computing, de l’Internet des objets, constitue des systèmes d’échanges directs voire de
une étape décisive de l’évolution vers l’écono- troc avec leurs semblables. L’analyse indivi-
mie de l’immatériel et la société de l’informa- dualisée de leurs profils et de leurs compor-
tion. Avec Google, l’iPhone, Facebook et tements permet à la fois de mieux les servir
4. et de mieux les contrôler. De consommateurs facilite l’émergence d’innombrables vocations
passifs ils se transforment souvent en de jeunes entrepreneurs.
acteurs, collaborateurs des fournisseurs ou Les leaders de l’industrie, de leur côté, ont
créateurs de contenus. compris le parti à tirer de cette dynamique
La saturation d’informations et de sollicita- créative. Au-delà du mouvement, déjà ancien,
tions confère une importance croissante aux d’acquisition systématique de start-up pour
médiations et intermédiations de toutes alimenter leur portefeuille de technologies et
natures. Moteurs de recherche, guides d’innovations, ils apprennent à coopérer avec
d’achat, réseaux sociaux ne cessent d’évo- les libertaires des systèmes ouverts ou des
luer pour aider à trouver l’information perti- communautés d’internautes pour faire évo-
nente, rassurer et guider au milieu de la luer leurs offres. Ils ne cessent d’investir dans
confusion, organiser la manière dont nous la constitution d’écosystèmes qui assurent
percevons la réalité, faciliter la constitution l’enrichissement de leurs offres grâce à la col-
de nouvelles formes de tissu social. laboration en réseau.
Ce monde structuré par les réseaux et C’est cet exceptionnel potentiel d’innovation
l’Internet foisonne d’opportunités pour ceux autour des réseaux, de l’Internet, des techno-
qui veulent et qui savent en exploiter les res- logies de l’information en général, qui consti-
sources, pour ceux qui ont compris que l’in- tue sans doute la meilleure opportunité d’une
novation permanente, au cœur du processus sortie de crise qui ne soit pas un simple retour
de création de valeur, obéit de moins en aux modèles du passé. Nous avons les moyens
moins aux logiques traditionnelles. d’inventer un avenir différent. Saurons-nous,
Les innovations de toute nature, ne correspon- en Europe, saisir cette opportunité ?
dent plus, pour une large part, aux résultats de Le bilan des dix dernières années apparaît, à
travaux de recherche secrètement mûris dans cet égard, plutôt contrasté. Les Européens
les laboratoires de quelques grands groupes. ont certes su s’imposer dans la bataille mon-
La hiérarchie s’est inversée : l’innovation est diale de l’innovation grâce à leur accord his-
désormais tirée par les consommateurs. C’est torique autour du GSM. Nos pays ont pris
Préface
leur besoin de mobilité, leur préférence pour une place plus qu’honorable dans la mise en
l’image et le toucher, leur besoin de lien social, œuvre du haut débit fixe. C’est un Européen,
qui font le succès d’Apple, de YouTube ou de Linus Thorvald, qui a lancé Linux. Il y a bien
Meetic. Ce sont des consommateurs, devenus d’autres exemples de notre capacité à
4 actifs, qui participent à l’évolution des grands prendre la tête du mouvement. Mais aucun
sites de commerce électronique ou contri- des leaders mondiaux de l’Internet, aucune
DigiWorld 2010
buent à l’enrichissement de Wikipedia. des plateformes mondiales d’intermédiation
Dans le même temps, l’accès à l’innovation, numérisée ne sont européens.
qu’elle soit technologique, marketing ou écono- Alors, comment transformer cette sortie de
mique, s’est considérablement banalisée. crise en rebond et inventer de nouveaux res-
Internet diffuse et mutualise instantanément sorts et de nouveaux modèles de croissance ?
l’innovation. Il permet à chacun de puiser dans Il n’y a, bien sûr, pas de réponse simple, mais
une bibliothèque universelle de connaissances, quelques priorités me paraissent s’imposer.
d’expériences et d’idées. Il favorise la constitu- Au premier rang de celles-ci, le décloisonne-
tion de réseaux de compétence indépendants ment et la collaboration, que ce soit entre
des structures économiques ou administratives. grandes entreprises et start-up, entre entre-
Allant plus loin, le partage de l’intelligence peut prises et universités, entre secteur public et
conduire à ce chaos organisé qu’illustre le phé- secteur privé, entre industriels et financiers. La
nomène de l’Open Source. Dans tous les cas, il diversité, la rapidité, la complexité actuelle de
5. l’innovation, imposent des modèles nou- garantir la qualité de service requise par des
veaux ; les initiatives prises en ce sens en usages professionnels et domestiques de plus
France avec les pôles de compétitivité sont en plus exigeants, comme la vidéo haute défini-
exemplaires. Encore faudrait-il concentrer au tion ou la santé. S’y ajoutera l’impact du déve-
maximum les ressources publiques de toute loppement de programmes destinés à rendre
nature sur les meilleurs de ces pôles. Mais ce “intelligentes“ les grandes infrastructures. Tout
décloisonnement bien sûr, en raison de la cela impose des investissements considérables
taille des marchés, n’a de sens qu’à l’échelle qui n’iront pas sans partenariats entre collectivi-
de l’Europe. Pourquoi ne pas élargir cette tés publiques et opérateurs et, peut-être, sans
démarche en identifiant et organisant des une approche nouvelle des modalités d’utilisa-
pôles européens à vocation transnationale ? tion et de tarification des réseaux.
Deuxième priorité, les jeunes pousses ou Cinquième priorité, le renforcement des perfor-
gazelles : ce sont elles qui, par leur créativité mances de l’enseignement supérieur. La capaci-
et leur agilité, ont le plus de chance de té à créer de la valeur par l’innovation dépend
conquérir les nouveaux espaces technolo- largement de la qualité et de la quantité des
giques et économiques. Leur financement diplômés de quelques filières de l’enseigne-
risque de souffrir du durcissement des règles ment supérieur. Même si le classement des uni-
prudentielles du système financier, d’une remi- versités établi par l’Université de Shanghai est
se en cause, imposée par la situation budgé- très discutable, il n’en reste pas moins significa-
taire, des avantages fiscaux dont elles ont pu tif (révélateur ?) d’un retard européen dans ce
bénéficier et, de manière générale, de la plus domaine. Des mesures courageuses ont été
grande difficulté d’obtenir, en Europe, une prises, en France, au cours de ces deux dernières
rémunération de la prise de risque compétiti- années. Mais l’effort financier, culturel et poli-
ve (comparable ?) avec celle que l’on peut tique à réaliser pour que nous figurions dans le
espérer aux États-Unis. peloton de tête mondial, est considérable.
Troisième priorité, faire de l’Internet le système Enfin, il est évident que les programmes de
nerveux des grandes infrastructures qui déter- recherche constituent une des clés de l’avenir
Préface
minent notre cadre de vie et notre niveau de à moyen/long terme. Et cela vaut notamment
performance économique : santé, transports, pour l’Internet lui-même, dont l’évolution
protection de l’environnement, gestion de incrémentale ne suffira bientôt plus à répondre
l’énergie. Ces infrastructures peuvent être ren- aux besoins. Complexité d’une architecture
dues intelligentes, c’est-à-dire beaucoup plus conçue il y a plus de trente ans et qui a évolué 5
performantes, par la re-conception totale de leur par additions successives, exigences de qualité
www.idate.org
fonctionnement et de leur optimisation autour de service supérieures au “best effort“ actuel,
de l’Internet et de son environnement applicatif. niveaux de confiance et de sécurité, autant de
C’est sans doute là un domaine privilégié d’ini- sujets critiques qui sont déterminants pour
tiative pour les pouvoirs publics, et particulière- l’avenir du Web et de son rôle de système ner-
ment à l’échelle européenne. Car dans la phase veux de nos sociétés. C’est un enjeu majeur,
actuelle, ce sont, répétons-le, les usages qui qui devrait devenir l’objet d’une grande ambi-
tirent l’innovation et c’est à travers eux que l’in- tion européenne, inscrite bien sûr dans un
tervention publique et la coopération européen- réseau de partenariats mondiaux.
ne peuvent se révéler les plus efficaces. La sortie de crise peut sembler hésitante. À
Quatrième priorité, les infrastructures de télé- nous de la confirmer et de l’accélérer en
communications. Nous sommes confrontés à la exploitant toutes les opportunités créées par
fois à la croissance exponentielle du recours à l’accélération du cycle d’innovation autour des
l’Internet fixe ou mobile et à la nécessité de technologies et services de l’information.
9. L
’année 2009 aura naturellement com- En particulier, les grandes tendances que
mencé sous le signe de la crise, les deux nous avions développées dans notre intro-
premiers trimestres faisant ressortir, à duction du DigiWorld Yearbook 2009 se sont
peu près partout dans le monde et dans poursuivies. En caricaturant, on pourrait dire
presque tous les secteurs du DigiWorld, une que le consommateur occidental a continué
détérioration plus ou moins brutale des de voter pour l’iPhone et son App Store, pour
ventes. Le troisième trimestre et surtout le la vidéo sur le Web et le moteur de recherche
quatrième ont fait apparaître les signes d’un de Google, et pour les réseaux sociaux à
premier rétablissement, notamment à tra- commencer par Facebook. Dans les pays
vers les investissements publicitaires et les émergents, la croissance des mobiles s’est
terminaux mobiles, deux secteurs qui avaient poursuivie à un rythme soutenu, faisant
été très tôt sensibles à la dégradation de la croître les enjeux autour de certains groupes.
conjoncture. C’est donc dans le déroulement de ces ten-
Par-delà cet environnement, on ne gardera dances que nous commenterons l’année pas-
en mémoire de l’année écoulée que peu de sée et que nous esquisserons les enjeux
grands événements ou d’annonces spectacu- de 2010.
laires. Contrairement à l’année 2008 qui Enfin, dix ans après la publication par l’IDATE
avait vu le lancement de l’App Store et du premier DigiWorld Yearbook, nous termi-
d’Android. Contrairement aussi aux pre- nerons en rappelant l’extraordinaire trans-
mières semaines de 2010 qui ont été l’occa- formation du paysage auquel nous avons
sion de voir le premier mobile Google, la pré- assisté au cours de la décennie passée.
sentation de l’iPad par Steve Jobs, ou encore
l’annonce du succès à venir de la 3D avec la L’Internet mobile devient dominant dans
sortie d’Avatar. le trafic géré sur les réseaux mobiles
Toutefois, malgré la conjoncture très dépri- Ce n’est pas le premier Yearbook où nous
mée à travers le monde, l’effervescence tech- évoquons l’Internet mobile. Ainsi nous
Introduction
nologique, industrielle et sociale qui caracté- avions clairement identifié l’année dernière
rise l’économie numérique ne s’est pas figée. dans le succès de l’iPhone un changement
Croissance du trafic mobile en Europe
9
www.idate.org
Source Vodafone (HY results presentation, Nov. 2009)
10. radical des pratiques des consommateurs compagner des interrogations sur l’externali-
dans l’usage de leur mobile. Malgré la crise, sation d’une partie des infrastructures aux
les smartphones ont poursuivi leur croissan- équipementiers, sur la négociation d’accords
ce au sein du parc des abonnés mobiles sur de mutualisation avec un concurrent quand
les marchés occidentaux. L’iPhone et le ce n’est pas sur l’opportunité de fusionner
BlackBerry en ont été les principaux bénéfi- comme on l’a vu récemment avec les joint-
ciaires. Mais Google a vu tous les autres ventures opérées à l’initiative d’Orange en
fournisseurs de terminaux, à l’exception de Suisse et au Royaume-Uni.
Nokia, réagir en utilisant son OS Android. Sur un autre plan, l’équation économique
À ce jour, cela ne suffit pas à assurer un suc- des opérateurs pour conserver leur capacité
cès. D’où probablement la tentative de de croissance et leur marge se complique. On
Google d’aller plus loin en concevant sa ne sait pas encore très bien si les aménage-
propre interface usager sur Android. En ments pour faire face à l’explosion des trafics
attendant, l’iPhone a considérablement ren- passent par une augmentation significative
forcé son pouvoir auprès des développeurs de leur effort d’investissement. L’accent a été
avec plus de 3 milliards de téléchargements mis ces derniers mois sur les solutions de
sur l’App Store et 150 000 applications dis- continuité qu’offraient les fournisseurs pour
ponibles. passer progressivement de la 3G+ au LTE,
Ce qui a franchement changé en 2009, c’est le dans un environnement où l’impact des équi-
fait que pour beaucoup d’opérateurs occiden- pementiers chinois contribue à faire baisser
taux, le trafic données est devenu dominant les prix. Il est néanmoins probable qu’il y ait
sur leurs réseaux au point de générer des pro- là matière à une différenciation des opéra-
blèmes de congestion dans certaines grandes teurs fondée sur les caractéristiques de leurs
agglomérations. Longtemps restés plutôt fri- réseaux et leur pouvoir de négociation. En
leux vis-à-vis des perspectives d’un Internet sus des efforts supplémentaires en Capex qui
mobile, les opérateurs ont constaté que l’en- pourraient être consentis, les opérateurs
Introduction
gouement des consommateurs pour l’iPhone, européens sont confrontés à une baisse ou
combiné avec des forfaits ad hoc, générait au mieux à une stagnation de leur chiffre
une dynamique irrésistible. Ils se retrouvent d’affaires et de leur marge sous l’effet de la
d’une certaine façon en terrain connu avec saturation du marché de la téléphonie mobi-
pour challenge de faire face à la croissance du le et des dispositions réglementaires. Par
10 trafic et aux besoins de débit. Les bons ailleurs, si aujourd’hui et pour l’essentiel, la
réglages sont complexes. Il leur faut profiter voix sur IP ne les concurrence qu’à travers les
des dernières générations des équipements accès fixes, la pression devrait se renforcer
DigiWorld 2010
HSPA+, renforcer leurs réseaux de backhau- avec l’Internet mobile. On ne sait pas encore
ling, tester les premières solutions LTE1 avant aujourd’hui si les solutions des telcos de VoIP
de décider de leur mise en œuvre, définir des sur mobile du type IMS vont jouer un rôle
architectures mixtes assurant la continuité de dominant (à l’instar d’une certaine façon des
couverture à moyen débit et l’offre de hots- solutions voix sur large bande fournies par
pots à haut et très haut débit, compter avec les boîtiers ADSL des opérateurs fixes) ou si
les options hybrides de type Wifi ou femto- le LTE s’accompagnera de quelques stan-
cell… Beaucoup vont devoir se déterminer dards de VoIP extérieurs aux opérateurs.
dans l’acquisition de nouvelles fréquences Dans tous les cas, face à l’effritement des
résultant du “dividende numérique“, des recettes du modèle économique historique
bandes réservées en 2,6 GHz, ou de la redis- du secteur – la facturation de la voix à la
tribution des fréquences GSM (900 MHz et minute – et pour conserver leurs revenus, les
1 800 MHz). Tous ces choix doivent aussi s’ac- opérateurs doivent convaincre la majorité de
11. leurs clients de passer rapidement à des soutenir la croissance du trafic de l’Internet
offres données. À cette équation de base mobile, une seconde préoccupation majeure
s’ajoutent d’autres éléments largement réside dans l’émergence dans les mois à
débattus au cours de l’année 2009. D’abord venir d’une véritable concurrence face à
la question tarifaire : comment élargir la l’iPhone et à son App Store.
clientèle des internautes mobiles en propo- Apple et RIM, qui sont restés en 2009 les
sant des forfaits simples et rassurants, tout vraies références, peuvent en effet s’attendre
en segmentant de façon efficace le marché à rencontrer une résistance plus vive en
pour tenir compte des différences de pra- 2010. D’abord on devrait voir augmenter la
tiques, de perception et de pouvoir d’achat, part de marché des terminaux Android,
et tout en se préservant des phénomènes de désormais supportés – à titre exclusif ou non
congestion du réseau à certaines heures ? – par un grand nombre de fournisseurs. On
Déjà, Vodafone a permis à sa filiale espagno- pourra aussi analyser en fin d’année les
le d’expérimenter pour les abonnés profes- conséquences du Nexus One de Google. On
sionnels une offre leur donnant la priorité devrait aussi pouvoir commencer à se faire
dans les ressources partagées des stations une petite idée sur les annonces faites en
radio. On imagine les liens qui ne manque- début d’année 2010 : la toute nouvelle pla-
ront pas d’être faits avec le débat sur la teforme Windows Mobile 7, l’alliance de
“Net neutralité“. Nokia avec Intel, le nouvel OS avec lequel
Ce sujet n’est pas sans relation non plus avec Samsung va équiper certains de ses smart-
les perspectives que gardent les opérateurs phones.
de disposer de ressources complémentaires Il reste aussi à voir si les alliances entre opé-
provenant des applications consommées. rateurs sauront établir un rapport de force
Entre le modèle de l’App Store d’un côté et débouchant sur une certaine standardisation
celui de Google privilégiant son moteur de d’une plateforme offerte aux développeurs
recherche et ses propres applications de indépendamment des terminaux du marché.
Introduction
l’autre, ces perspectives ne sont pas évi- Car dans cette bataille, il y au moins deux
dentes. Au-delà des différences de focalisa- enjeux, conformément aux caractéristiques
tion et de métier, les opérateurs doivent de marché biface (“2-sided market“) de
composer avec leurs présences géogra- l’Internet mobile. Le premier est au niveau
phiques souvent restreintes, tandis que les des développeurs qui ont massivement
grands acteurs du Net peuvent être à l’initia- adhéré à l’App Store d’Apple et que les 11
tive sur tous les marchés de la planète. Il autres plateformes doivent absolument
www.idate.org
paraît néanmoins probable que les opéra- séduire. Le deuxième réside dans l’interface
teurs pourront trouver des marges d’initia- utilisateur dont la référence est l’approche
tives et faire valoir leur rôle de distributeurs “verticalisée“ et fermée de l’iPhone et du
en valorisant la relation contractuelle qu’ils BlackBerry. C’est cette voie que semble
conservent avec leurs clients, les données sur suivre Microsoft tandis que Google, qui avait
leurs comportements, et la qualité des accès fait le pari d’une plateforme ouverte aux
dont peuvent bénéficier les applications. développements des interfaces usagers des
Cela leur sera d’autant plus facile qu’il y aura fabricants de terminaux Android, paraît
une certaine diversité dans les plateformes aujourd’hui hésiter.
d’agrégation de contenus et une réelle Mais, imbriquées dans ces enjeux industriels,
concurrence sur le marché des terminaux. des questions plus fondamentales concer-
Si 2010 devrait nous permettre de mieux nent la taille du marché des applications de
appréhender la capacité des opérateurs à l’Internet mobile ainsi que les modèles
12. économiques qui le sous-tendront. Parallè- papier), de la santé (à quand la généralisa-
lement à une extension des couvertures 3G, tion d’applications de contrôle à distance et
on peut s’attendre à une certaine “démocra- d’autodiagnostic ?)...
tisation“ des terminaux mobiles multimé- D’autre part, comme sur le Web mais avec
dias. Cela devrait favoriser un élargissement des atouts particuliers (notamment liés à la
rapide du marché de l’Internet mobile à la localisation), la publicité sous différentes
majorité des consommateurs dans les pays formes devrait aussi jouer un rôle croissant.
occidentaux. Cela devrait aussi créer un nou- Tous les acteurs s’y préparent. On aura ainsi
veau marché dans les pays émergents, qui vu en 2009 Google et Apple acquérir deux
ont manifesté leur appétit pour l’Internet et spécialistes de ce marché, respectivement
les applications innovantes. C’est plus diffici- AdMob et Quattro Wireless.
le de faire des hypothèses fermes sur le bud- Quelles que soient les incertitudes sur la
get que le consommateur est prêt à consa- vitesse de généralisation de l’Internet mobi-
crer aux différentes applications qui lui le, sur l’organisation de sa chaîne de valeur
seront offertes, après s’être acquitté de son et sur ses grands gagnants, il y a là une com-
abonnement d’accès. Face aux limites de posante essentielle de l’Internet du futur et
l’extension du budget des consommateurs, il de l’industrie numérique. On nous permettra
faut intégrer le phénomène de destruction de regretter ici que l’Europe, qui avait su
créatrice propre à l’Internet et imaginer les avoir un rôle de leader en téléphonie mobile
revenus alimentés pour partie par transfert : avec le GSM, ne soit pas apparue en 2009
des jeux vidéo, comme on le voit dans les plus à l’initiative des transformations que
“success stories“ sur l’App Store, des ser- nous avons rapidement décrites.
vices financiers, de la musique et de la vidéo,
de la distribution (les transactions depuis un De plus en plus de vidéo sur l’Internet
mobile ont triplé sur eBay en 2009), de la Encore largement dominé par le flux des
presse et de l’édition (Amazon a vendu à accès fixes, l’Internet voit son trafic pour-
Introduction
Noël dernier plus de livres en version élec- suivre sa croissance spectaculaire : entre 40
tronique pour son Kindle que de livres et 60 % par an selon les études. Cette crois-
Perspectives d’évolution du trafic Internet dans le monde
12
DigiWorld 2010
Source Cisco
13. sance, soutenue par l’extension continue de numérique. Toutefois la pression n’est pas
la population des internautes, trouve un fac- prête à se relâcher. Les chaînes vont devoir
teur d’accélération par la présence de plus défendre leurs audiences, leurs programmes,
en plus importante de la vidéo dans les leurs marques et leurs recettes, dans un
usages du Net. Cisco, qui y voit depuis plu- contexte où la consommation est de plus en
sieurs années le phénomène majeur de plus “délinéarisée“, personnelle et éclatée
transformation de l’Internet, annonce une sur de multiples écrans fixes et mobiles. Face
part de 90 % du trafic à l’horizon 2013. à des agrégateurs puissants, la maîtrise des
Chaque jour en 2009, un milliard de vidéos droits sur les programmes est devenue un
ont été visionnées sur YouTube. Le phénomè- élément stratégique. À cet égard, il sera inté-
ne de la vidéo sur le Net ne se réduit pas à ressant de suivre dans les mois qui viennent
une consommation de curiosité, limitée aux la stratégie vidéo qu’Apple va associer à la
vidéos du buzz ou au contraire aux produits sortie de son iPad ou la nature des accords
rares de la “long tail“. Elle intègre pour une passés par les fabricants des téléviseurs
part significative le téléchargement ou la connectés.
consommation en streaming des grandes Le Net doit aussi supporter la généralisation
séries télévisuelles. Cela se fait souvent dans de la vidéo sur les sites, sur les plateformes
l’ignorance des droits associés à ces produc- d’échanges que constituent les réseaux
tions. Cela se fait aussi de façon croissante à sociaux, les applications de vidéoconférence
travers les sites “légaux“ des grands studios et les échanges interpersonnels (plus du tiers
comme Hulu (plusieurs centaines de millions des communications téléphoniques de Skype
de vidéos par mois), ou à travers les services seraient accompagnées d’un échange vidéo).
de catch-up TV des réseaux câblés, des opé- Dans ce contexte, on a prédit déjà depuis de
rateurs d’IPTV ou des chaînes de télévision. nombreuses années l’écroulement de
Jusqu’alors l’audience des grandes chaînes a l’Internet. Heureusement à tort. En fait, les
été moins bouleversée par ces phénomènes capacités mises à la disposition des inter-
Introduction
que par la multiplication des chaînes asso- nautes n’ont cessé d’augmenter en profitant
ciée aux nouveaux paysages de la diffusion des progrès des technologies optoélectro-
Les principaux opérateurs de backbone (“Tier 1“)
13
www.idate.org
Source Atlas, Internet Observatory 2009 annual report, University of Michigan, Arbor Networks, Merit;
based on anonymous ASN (origin/transit) data
14. niques. Plus profondément, l’Internet a tralité“. Un débat souvent confus mais parti-
considérablement évolué dans son fonction- culièrement significatif des tensions qui
nement. Face aux limites d’un fonctionne- accompagnent la transformation de
ment en “best effort“, des prestataires spé- l’Internet. En début d’année et conformé-
cialisés (CDN2) proposent aux fournisseurs ment aux promesses de campagne des
de contenus vidéo des optimisations de démocrates, le nouveau président de la FCC
route, des procédures de répartition de a relancé le débat en ajoutant les principes
charges, et des infrastructures de serveurs de transparence et de non-discrimination, et
répartis à proximité des usagers afin d’assu- en insistant sur le fait qu’ils devaient s’appli-
rer une certaine qualité de service3. D’autre quer aux réseaux fixes comme aux réseaux
part, les grands agrégateurs de contenus et mobiles. L’analyse dominante des régula-
ceux qui génèrent une partie croissante du teurs est que les opérateurs peuvent mettre
trafic ont cherché à s’affranchir des opéra- en œuvre des mesures qui les préservent des
teurs traditionnels des backbones de phénomènes de congestion, mais ils doivent
l’Internet en déployant leurs propres infra- clairement démontrer leur justification et
structures de réseaux et serveurs. On a vu informer au préalable les consommateurs. Il
ainsi en quelques années aux États-Unis sera intéressant sur ce point de prendre
entrer dans le “Tier 1“ de nouveaux acteurs connaissance de l’arrêt en appel de la Cour
tels Comcast ou Google. sur l’affaire Comcast, attendu dans les pro-
Toutes ces évolutions vont s’accélérer. Elles chaines semaines. Par ailleurs, ils ne doivent
incluent naturellement les stratégies des pas discriminer en privilégiant l’accès de
grands acteurs de l’informatique (matériels, leurs abonnés à leurs propres services ou à
logiciels et services) dans le déploiement des ceux de leurs affiliés. Nous n’entrerons pas
architectures de Cloud Computing dont la dans le détail, mais on conçoit aisément les
lecture reste encore difficile. Elles suscitent multiples cas de figure et les problèmes d’in-
aussi une interrogation majeure sur la contri- terprétation. Déjà en 2005, l’administration
Introduction
bution des telcos au nouveau paysage de nord-américaine, qui avait imposé ses prin-
l’infrastructure de l’Internet. cipes de “Net neutralité“ comme condition à
C’est aussi dans ce contexte que s’est géné- la fusion de SBC-AT&T et Verizon-MCI, avait
ralisé en 2009 le débat engagé depuis plu- dû gérer comme une exception l’offre de ser-
sieurs années aux États-Unis sur la “Net neu- vices IPTV et de services aux entreprises de
14 type IPVN.
Utilisateurs actifs de Facebook L’existence d’une politique active de concur-
DigiWorld 2010
rence dans l’accès haut débit en Europe a
sans doute retardé l’introduction du débat.
Toutefois, en prenant finalement des disposi-
tions explicites concernant la “Net neutrali-
té“ dans le nouveau ‘’Paquet Télécom’’ adop-
té en décembre dernier, l’Union européenne
va devoir mesurer les risques réels en jeu,
sans oublier celui de freiner les investisse-
ments dans les infrastructures de nouvelle
génération d’accès.
Nous avons évoqué le caractère crucial des
augmentations de capacité et de débit pour
Source Facebook soutenir l’Internet mobile. Il est évident que
15. le déploiement des accès à très haut débit en fait, aujourd’hui, très diverses quant aux
fibre optique demeure en début d’année options techniques, au poids des finance-
2010 au moins tout aussi préoccupant, sin- ments publics ou parapublics mobilisés et à
gulièrement en Europe. Contrairement aux la stabilité du dispositif réglementaire rete-
opérateurs nord-américains (Verizon, AT&T) nu. C’est là pour la Commission et le BEREC4
qui peuvent compter mordre sur le marché une occasion5 importante de reprendre l’ini-
des grands réseaux câblés pour justifier le tiative pour progresser dans la voie du mar-
risque de développement de nouveaux ché unique.
réseaux d’accès, les opérateurs européens
Google, Apple et… Facebook
ont un marché de la télévision payante beau-
coup plus modeste. Les villes et l’habitat Aujourd’hui Google vaut 180 milliards USD,
européens se distinguent aussi des mégalo- dégage 6,5 milliards USD de profits pour un
poles du Japon, de la Corée du Sud ou de la chiffre d’affaires de 23,6 milliards USD. Il a
Chine où le déploiement des réseaux est renforcé sa domination sur son cœur de
beaucoup moins coûteux. L’année 2009 métier, le moteur de recherche.
n’aura cependant pas été une “année Méthodiquement, il utilise les profits des
blanche“ pour le développement des accès à liens sponsorisés pour couvrir tous les élé-
très haut débit en Europe. ments du puzzle. Il a acquis le contrôle de
Au-delà de ces conditions plus ou moins YouTube, a imposé ses applications Gmail,
favorables, les investissements sont sen- Google Maps et Google Earth. Ces derniers
sibles aux options réglementaires. Le succès mois, il a lancé un navigateur, un service de
du haut débit en Europe est, pour une part téléphonie et a ajouté son propre smartpho-
significative, assis sur la relative clarté et ne à sa plateforme mobile. Il se prépare à
l’homogénéité d’un modèle dominé par attaquer directement Microsoft et le modèle
l’ADSL et une concurrence basée sur le du PC avec un OS et un ensemble de logiciels
dégroupage. La longueur du processus de applicatifs fonctionnant en ligne. Il se propo-
Introduction
révision du cadre réglementaire européen a se de construire dans une ville nord-améri-
laissé les pays membres trouver par eux- caine un réseau de 50 000 prises offrant des
mêmes les premiers principes qui devaient débits jusqu’à 1 Gbps. Il multiplie les accords
s’appliquer. Les situations du très haut débit pour numériser les fonds des bibliothèques
sur les différents marchés de l’Union sont de et les catalogues des éditeurs…
Pour autant, Apple n’est pas le seul à pouvoir 15
Accès FTTH/B dans le monde lui ravir la vedette sur certains créneaux.
www.idate.org
Google doit reconnaître être largement dis-
tancé par Facebook sur les réseaux sociaux.
Parmi les records de croissance de l’année
2009, on peut certainement retenir celui du
nombre d’internautes inscrits sur Facebook,
passés de 130 millions en décembre 2008 à
plus de 350 millions en fin d’année 2009. Il
est probable que l’on dénombrera plus de
500 millions d’inscrits fin 2010.
Cette croissance ne se concentre pas sur la
classe d’âge des 15-25 ans mais touche pro-
gressivement toute la population, ainsi qu’un
Source IDATE nombre croissant d’entreprises. D’autres
16. réseaux sociaux ont également poursuivi leur gies d’agrégation, Facebook, comme les
croissance comme LinkedIn sur le marché autres leaders du Net, peut valoriser son
professionnel ou Twitter (dont les 60 millions attractivité pour disséminer sa présence sur
d’utilisateurs généreraient 50 millions de des plateformes extérieures à travers des API.
“tweets“ par jour). Mais Facebook, qui a Finalement, le principal risque pour
annoncé en cours d’année ne plus consom- Facebook résulterait de la succession d’inci-
mer de cash, semble bien avoir creusé l’écart dents relatifs aux atteintes à la vie privée,
avec ses rivaux, à commencer par MySpace. résultant de ses propres pratiques ou de
Ses recettes publicitaires, de quelques cen- celles des éditeurs qu’il accueille.
taines de millions USD, sont sans commune On observera aussi en 2010 les capacités de
mesure avec celles des liens sponsorisés. Google, à travers les fonctionnalités nou-
Elles ont toutefois progressé malgré la réces- velles qu’il introduit dans ses services (Gmail
sion en 2009, et devraient croître à un rythme notamment), à rivaliser avec Facebook
accéléré compte tenu de son audience et du et Twitter.
pouvoir de prescription des usagers de
Facebook. En outre, un second modèle éco- Ten years after
nomique est en route. Le réseau social, qui Il y a dix ans paraissait le premier DigiWorld
représente pour les internautes l’environne- Yearbook. Il y avait alors moins d’internautes
ment privilégié d’échange et de consomma- dans le monde qu’il y a aujourd’hui d’inscrits
tion sur le Web, offre à son opérateur une sur Facebook. Ce dernier n’existait pas.
occasion exceptionnelle de mettre en œuvre Google faisait ses premiers pas. Amazon,
une stratégie de plateforme en diversifiant eBay et Yahoo! étaient déjà cotés. AOL valait
ses propres applications et en ouvrant aux 200 milliards USD et, pressentant sans doute
développeurs tiers son audience et le cas l’éclatement de la bulle, allait prendre le
échéant des fonctionnalités telles que le contrôle de Time Warner dans une opération
micropaiement. D’ores et déjà, le marché des de 166 milliards USD. Il faudra attendre
Introduction
jeux sur Facebook représenterait plus d’un presque dix ans pour que Time Warner retrou-
milliard USD. En complément de ses straté- ve son indépendance. On parlait donc déjà de
Les 10 premiers telcos mondiaux
16
DigiWorld 2010
Source IDATE
17. la crise6. Elle allait en quelques mois faire les grandes tendances et les principaux
vaciller les valeurs des premières stars de enjeux de l’industrie numérique. N’hésitez
l’Internet. La bulle télécom allait mettre pas à nous faire part de vos critiques et à
quelques mois de plus pour exploser sous nous faire des suggestions pour la prochaine
l’effet des fusions aux valorisations gigan- édition du rapport.
tesques telles que la prise de contrôle de Merci enfin aux nombreuses entreprises
Mannesmann par Vodafone en novembre adhérentes du DigiWorld Programme sans
1999 pour 180 milliards USD. Worldcom allait qui ce projet ne pourrait se concrétiser.
créer la plus grosse faillite de tous les temps.
En Europe, le marché des mobiles explosait
avec des taux de croissance de 30 à 50 %.
Dans ce contexte et dès 1999, les enchères
pour l’attribution des licences mobiles UMTS Yves GASSOT
(3G) atteignaient 37,5 milliards EUR au Directeur Général, IDATE
Royaume-Uni et 50 milliards EUR en
Allemagne. Quelques mois après sous l’effet
des endettements et des survaleurs antici- 1. Long Term Evolution (3,9G). Les premiers déploiements sont
pant de façon irrationnelle une explosion de engagés dans le nord de l’Europe et par Verizon.
2. Content Delivery Network
l’internet mobile, les capitalisations de BT, 3. On peut se demander pourquoi ce marché du CDN n’a pas été
Deutsche Telekom, France Telecom… allaient préempté par les opérateurs, qui auraient vu là une occasion de
faire payer les fournisseurs de contenus. Le marché est sans
être divisées par 2, 3, voire plus. doute encore trop petit, nécessite des compétences pointues,
Il aura fallu 10 ans pour que le nombre d’in- des capacités aussi pour arbitrer entre différents opérateurs à
travers le monde. Il était naturel que les opérateurs ces
ternautes dans le monde passe de 360 mil- dernières années se soient principalement mobilisés sur leurs
réseaux d’accès et sur les offres de TV managée de type IPTV
lions à 1.7 milliard, pour que le nombre (qui n’utilisent pas à proprement parler l’infrastructure générale
d’abonnés haut débit passe de quelques mil- de l’Internet).
4. Body of European Regulators for Electronic Communications.
lions à 475 millions, pour que le nombre de
Introduction
Mis en place dans le cadre du nouveau “Paquet Télécom”, cet
clients mobiles passe de 480 millions à organisme représente un pas en avant dans l’harmonisation des
règles qui s’appliquent aux marchés des services de
4,5 milliards. télécommunications des pays membres, sans représenter pour
*** autant une agence communautaire de régulation sectorielle.
5. Au-delà de la “Net neutralité“ et des accès à très haut débit
Vous trouverez dans les différents chapitres (Next Gen Access), les thématiques majeures de Bruxelles en
2010 devraient porter sur la révision de la directive sur le
de ce rapport les données et les analyses Service Universel, les choix partagés faits en matière de
17
publiées par les équipes de consultants de politique du spectre, et naturellement du nouvel “agenda
numérique“.
l’IDATE tout le long de l’année. Notre objec-
www.idate.org
6. En 2009, Time Warner s’est successivement séparé de sa
tif est de fournir à travers ce rapport les élé- filiale câble et d’AOL. La capitalisation d’AOL plafonne à
2,7 milliards USD tandis que celle de Time Warner est de l’ordre
ments de référence permettant d’identifier de 35 milliards USD.
19. I Le DigiWorld
dans l’économie
19
www.idate.org
20. DigiWorld 2010 Le DigiWorld dans l’économie
20
1
générale
l’économie
Les TIC dans
21. n 2009, les marchés du DigiWorld ont tisfaits dans une grande partie du monde, en
E baissé de 1,6 % en valeur, à 2 629 mil-
liards EUR : un recul historique puisque,
l’occurrence la majorité encore des popula-
tions des pays émergents. On a beaucoup
même à l’éclatement de la bulle technolo- insisté ces dernières années, et à juste raison
gique, les marchés des TIC – qui avaient été sans doute, sur la dynamique exceptionnelle
prioritairement et fortement affectés – d’équipement des deux marchés géants que
avaient malgré tout réussi à conserver une constituent d’abord la Chine ensuite l’Inde,
dynamique positive, qui plus est non négli- notamment en matière de mobiles. Mais
geable (+4 % en 2002). Le segment qui avait même dans ces pays, les niveaux atteints
alors le plus souffert était celui des équipe- aujourd’hui laissent des marges de progrès
ments de télécommunications (-10 %), mais considérables : avec 750 millions de clients
tous les autres avaient continué de progres- en Chine et un peu plus de 500 millions en
ser ou, au pire, étaient restés stables (équi- Inde fin 2009 (voir chapitre 4), la montée à
pements informatiques). L’an passé au 75 % de pénétration mobile dans l’un et
contraire, tous les segments ont régressé à l’autre, qui ne semble pas aberrante compte
l’exception des services de télécommunica- tenu des niveaux beaucoup plus élevés enre-
tions (voir chapitre 2). Que s’est-il passé gistrés aujourd’hui dans tous les pays indus-
entre ces deux épisodes ? triels, représente un potentiel de plus de
725 millions de nouveaux clients pour les
Une crise inédite
deux pays. On ne parle ici que de la partie des
À l’aube des années 2000, la société de l’in- marchés des TIC sans doute la plus avancée
formation émergeait tout juste. Si l’équipe- dans ces pays. Et l’on ne parle que de deux
ment en téléphonie – fixe – était déjà bien pays, certes les plus peuplés (on pourrait
avancé voire saturé dans les pays industriels, aussi parler de l’Amérique latine, qui a large-
si les réseaux et les matériels informatiques ment engagé sa mutation). Mais, à côté, de
étaient déjà largement implantés dans les nombreux autres pays émergents voire des
Introduction
entreprises, si les appareils d’électronique sous-régions entières, à l’instar de l’Afrique
grand public irriguaient déjà la majeure par- subsaharienne, sont encore (très) loin de ces
tie des foyers occidentaux, les besoins res- niveaux. Il y a donc là aussi des réserves de
taient gigantesques. Le déploiement de nou- croissance exceptionnelles. Alors, posons la
veaux supports (réseaux mobiles, accès haut question de manière plus directe : pourquoi
débit, ordinateurs personnels, matériels EGP les marchés du DigiWorld n’arrivent-ils pas,
numériques…) transformait immédiatement n’arrivent-ils plus, à profiter de ces dyna-
21
ces besoins, non plus en potentiel, mais en miques pour créer de la valeur ?
www.idate.org
facteurs effectifs de croissance.
Destruction créatrice
Aujourd’hui ces marchés, au moins dans les
pays industriels, sont arrivés à maturité. Ce Les réponses sont multiples. L’une des pre-
qui ne signifie pas que le DigiWorld est en mières consiste d’ailleurs à préciser que les
panne de croissance, bien au contraire. marchés du DigiWorld continuent en fait à
L’innovation continue de faire progresser en créer de la valeur, mais de moins en moins
permanence les réseaux ; les équipements, pour leur propre secteur et de plus en plus
les contenus, le trafic de données augmen- pour l’économie générale : à travers la diffu-
tent à un rythme exponentiel et, sous la pres- sion, l’usage, la généralisation d’outils de
sion de ces phénomènes, les approches mar- plus en plus efficaces (aussi bien pour les
keting et les “business models“ des acteurs entreprises et administrations que pour les
sont revisités régulièrement. Par ailleurs, des particuliers) et souvent de moins en moins
besoins plus basiques continuent d’être insa- chers, en tout cas avec un rapport utilité/prix
22. 1
qui augmente très fortement. C’est ce qu’on couches aval, de plus en plus en interaction
appelle la destruction créatrice de valeur. Un directe avec les clients finaux. Pour ces deux
des ingrédients en est la pression sur les prix, “métiers“, le client devient même un acteur
à tous niveaux, par le jeu de la concurrence, à part entière dès lors qu’il peut organiser
des innovations techniques et marketing, et lui-même ses options et séquences de
des réglementations dans certains cas… consommation (programmation individuali-
Cette pression, loin de se résorber, s’est lar- sée) et qu’il produit lui-même une partie des
gement poursuivie et s’est accompagnée contenus diffusés (“user created content“).
d’un souci accru de rationalisation des Ces transformations se traduisent par des
dépenses par les consommateurs eux- croissances de revenus de plus en plus
mêmes, leur permettant de disposer – à bud- faibles et des marges de plus en plus
get constant voire réduit – de capacités tou- contraintes pour les équipementiers et les
jours croissantes : débits d’accès, tailles de opérateurs, tandis que les fournisseurs de
mémoire, qualités d’image… De ce point de contenus et plus encore les intermédiaires
vue, 2009 n’a pas dérogé à la règle : l’évolu- sortiraient gagnants au titre d’un transfert
tion des marchés en valeur est inférieure à de valeur. Si, pour ce dernier groupe du
celle des marchés en volume. Concrètement, moins, les performances affichées en particu-
alors que les marchés ont baissé en valeur lier par les acteurs de l’Internet sur le marché
dans presque tous les domaines, les volumes financier semblent accréditer cette thèse, il
sont restés en croissance, plus ou moins convient de rester prudent sur le devenir et
Le DigiWorld dans l’économie
ralentie, presque partout également. Même l’organisation à moyen - long terme de la
dans les sous-segments où les deux poin- chaîne de valeur. D’une part, si l’on descend
teurs ont reculé, comme dans les terminaux d’un cran dans l’analyse micro-sectorielle,
mobiles et ce, en dépit de la confirmation du tous les acteurs à l’intérieur d’une même
succès des smartphones, la baisse en valeur catégorie ne sont pas égaux : pour prendre
est plus forte. Même chose quand les deux un exemple dans la couche la plus embléma-
pointeurs ont continué au contraire de pro- tique ici, celle dans laquelle se trouvent les
gresser : ainsi, dans les services mobiles, le acteurs de l’Internet, les performances d’un
niveau de croissance en valeur est très en Google (180 milliards USD de capitalisation
deçà du niveau d’augmentation des parcs à mi-mars 2010 pour un chiffre d’affaires
clients et plus encore de celui des volumes 2009 de 23,7 milliards USD) restent aty-
de communications.
22 piques au regard d’un Amazon (valeur de
59 milliards USD pour des revenus de
Réorganisation de la chaîne de valeur
24,5 milliards USD) ou encore d’un Yahoo!
DigiWorld 2010
Une autre réponse consiste à rappeler que (capitalisation de 23 milliards USD pour un
tous les acteurs des secteurs des TIC ne sont chiffre d’affaires de 6,5 milliards USD). Au-
pas égaux face à cette destruction et/ou delà du gigantisme et de la dynamique des
création de valeur. Des travaux récents1 ont revenus (sur ces deux points, Amazon est
rappelé que la chaîne de valeur des TIC était mieux placé que Google en 2009), c’est la
constituée de segments aux performances réussite pour le moment d’une “machine à
très contrastées, pour ne pas dire opposées cash“ que le marché salue : le résultat net de
dans certains cas. Ainsi, dans une structure Google est plus de 7 fois supérieur à celui
schématisée en quatre couches (équipe- d’Amazon et plus de 10 fois supérieur à celui
ments, exploitation de réseaux, intermédia- de Yahoo!, avec un taux de profit de près de
tion, contenus), les deux couches les plus en 28 %. Est-il besoin de rappeler encore que
amont sont plus particulièrement pressées Google a un niveau de Capex extrêmement
par les “contraintes“ imposées par les deux bas (tout juste quelques % de son chiffre
23. d’affaires mais là, il s’agit d’une caractéris- résister plutôt bien à une détérioration de
tique qu’il partage avec nombre des autres l’environnement économique. On a même,
acteurs de l’Internet) quand les opérateurs dans le cas présent, des marchés des TIC qui
investissent bon an mal an dans les réseaux se remettent à évoluer au même rythme que
l’équivalent de 15 et 20 % de leurs revenus ! l’économie générale après des années de
décrochage : du début des années 2008 jus-
Une dépendance au contexte global qu’en 2009, la croissance des marchés du
D’autre part, les débats actuels sur la “Net DigiWorld a été régulièrement inférieure à
neutralité“ et plus globalement sur tout l’en- celle du PIB mondial en valeur courante. Il
cadrement réglementaire d’activités en plein n’empêche, le résultat de la crise en 2009 est
devenir, que ce soit dans les relations entre bel et bien, en dépit de cette remise à niveau
acteurs eux-mêmes (régulation sectorielle, relative, un recul – encore une fois historique
droit de la concurrence) ou dans leurs rela- – des marchés du DigiWorld.
tions avec les consommateurs (protection
des données privées par exemple), peuvent,
***
selon les réponses qui seront apportées, faire
encore assez largement bouger les frontières Comme dans les éditions précédentes, ce
et les stratégies industrielles. premier chapitre n’est pas sectorialisé. Il pro-
pose une approche transversale du
Enfin, le contexte général est aussi un élé- DigiWorld et de sa position par rapport à
ment qui influe sur l’évolution des marchés l’économie générale.
des TIC, même si – et ce qui s’est passé au
cours des dix-huit derniers mois le montre 1. Voir par exemple les travaux de Coe-Rexecode “Les opé-
rateurs de réseaux dans l’économie numérique : lignes de force,
assez bien – ces marchés sont capables de enjeux et dynamiques“
Introduction
23
www.idate.org
24. 1.1
Dynamiques comparées
Des rythmes convergents
Qu’est-ce que le DigiWorld ? que celui de l’économie générale (-2 %). Il s’est au
On définit ici le DigiWorld comme recouvrant tous les contraire résorbé en Europe (-3,3 % pour chaque) et
secteurs qui sont déjà basés – ou en voie de l’être – sur amélioré dans la région Asie/Pacifique (+1,1 % pour les
les technologies numériques : marchés du DigiWorld contre -1,6 % pour l’économie
• services de télécommunications : téléphonie fixe et générale). Au sein de cette dernière zone, l’amélioration
mobile, transmission de données et d’images ; dépasse les frontières habituelles Asie développée/pays
• équipements de télécommunications : équipements de émergents, même si les points de départ ne sont évi-
réseaux publics, systèmes privés, terminaux, logiciels demment pas comparables, selon que l’on considère le
et services associés ; Japon d’un côté, la Chine ou plus encore l’Inde de
• logiciels et services informatiques : traitement de l’in- l’autre : mais au Japon par exemple en 2009, la baisse
formation ; des marchés des TIC a été “contenue“ à -4,7 % quand
• matériel informatique : “mainframes“, PC et périphé- l’économie reculait de -6,7 %.
riques, équipements de transmission de données ;
Verre à moitié vide ou verre à moitié plein
• services de télévision ;
Il y a ainsi deux interprétations, plus complémentaires
• électronique grand public : équipements audio
qu’opposées, à la situation actuelle dans le secteur des
et vidéo.
TIC. Sur le versant pessimiste, force est de constater que,
Près de 2 % de recul en 2009 dans leur ensemble, les marchés du DigiWorld n’ont pas
Au cours des années passées et jusqu’en 2008, la crois- échappé à la crise, et que la brusque dégradation du cli-
sance des marchés du DigiWorld n’a cessé de ralentir au mat économique mondial a tiré – on pourrait même dire
point, depuis le milieu de la décennie, d’être régulière- immédiatement – les marchés des TIC vers le bas. Dans
ment en deçà de la progression de l’économie générale, les régions émergentes, où a pu subsister une croissan-
Le DigiWorld dans l’économie
mesurée sur la base du PIB courant. En 2009, la résis- ce, le ralentissement a été malgré tout très sensible :
tance particulière de certains segments des TIC face à la passage de plus de 12 % de progression en 2008 à
crise, les services de télécommunications et logiciels en 3-4 % en 2009, notamment en Amérique latine et en
particulier, et l’amélioration des marchés des équipe- Afrique/Moyen-Orient.
ments sur la deuxième partie de l’année, ont finalement Mais sur le versant positif, cette chute a été plutôt amor-
permis à ces marchés de ramener leur dynamique (si tie, comme nombre d’observateurs l’avaient d’ailleurs
l’on peut dire, s’agissant d’une “croissance“ négative !) prédit, et surtout l’effet volume a continué de jouer :
au niveau de l’économie générale : -1,6 % sur l’année c’est évident pour les accès télécoms, avec des crois-
dans un cas comme dans l’autre. sances de parcs encore très fortes (plus de 550 millions
Bien sûr, ces évolutions moyennes masquent de pro- de nouveaux clients mobiles dans le monde l’an passé
fondes disparités au sein des marchés du DigiWorld et près de 70 millions de nouveaux abonnés haut débit,
selon les segments et les régions, comme elles en un record historique pour ce dernier !), mais c’est aussi
cachent pour l’économie dans son ensemble en fonction vrai sur les volumes des ventes de nombre de termi-
également des secteurs et des zones géographiques. naux, terminaux mobiles, PC, écrans plats TV…, qui ont
24 L’écart s’est creusé en Amérique du Nord, avec un recul finalement approché sinon égalé les niveaux très élevés
des marchés du DigiWorld (-3,7 %) beaucoup plus fort de l’année précédente.
DigiWorld 2010
Les contributions du Digiword au PIB mondial
2006 2007 2008 2009
DigiWorld markets (million €) 2 388 2 552 2 670 2 629
yoy growth 6.3% 6.8% 4.6% -1.6%
Source IDATE
GDP (world) (million €) 35 371 38 092 40 438 39 793
yoy growth 7.6% 7.7% 6.2% -1.6%
DigiWorld as a % of GDP 6.8% 6.7% 6.6% 6.6%
25. Une croissance relative qui se dégrade en Amérique du Nord…
Évolution annuelle comparée du PIB courant et des marchés du DigiWorld en Amérique du Nord
Source IDATE
Dynamiques comparées
... et qui résiste en Europe
Évolution annuelle comparée du PIB courant et des marchés du DigiWorld en Europe
25
www.idate.org
Source IDATE
26. 1.2
Les investissements en TIC
Nécessité fait loi
Après une période de croissance ininterrompue entre Le haut débit comme facteur
2003 et 2008 (+7 % par an en moyenne dans les pays de développement économique
de l’OCDE, avec toutefois un ralentissement en fin de L’accès à l’Internet haut débit est en particulier considé-
période, et +9 % au niveau mondial), les dépenses en ré comme un facteur de productivité et de compétitivité
TIC ont diminué en 2009 dans la quasi-totalité des pays pour les entreprises, un outil permettant de réduire les
industriels. L’OCDE a mesuré un recul de 6 % aux coûts de transaction, d’améliorer l’organisation des
États-Unis, de 10 % au Japon, un recul également dans entreprises et la fluidité des marchés ainsi qu’un élé-
la plupart des pays européens. Les pays émergents ont ment de promotion de systèmes sociaux et éducatifs.
poursuivi leur croissance, mais à des rythmes très ralen- Des travaux récents de la Banque Mondiale ont mis en
tis par rapport aux années passées. Pour autant, les avant que la contribution du haut débit au développe-
investissements en TIC ont mieux résisté que les autres ment économique serait plus importante encore que ne
dépenses des entreprises. Aux États-Unis, il y a eu sur l’a été celle de la téléphonie et des accès bas débit :
l’année 2009 un différentiel de 15 à 20 points entre le dans les pays en développement, un gain de 10 points
rythme de décrue de l’investissement productif en biens en pénétration se traduirait par une augmentation de
d’équipement en TIC et hors TIC : en part de PIB, l’in- près de 1,4 % de PIB. Un rapport de 20082 relevait pour
vestissement en TIC est ainsi repassé assez nettement les États-Unis qu’un gain de 7 % dans la pénétration du
au-dessus de l’investissement hors TIC (voir graphique haut débit pouvait créer 2,4 millions d’emplois par an,
page suivante). avec un apport à l’économie de 134 milliards USD par
an également, soit près de 1 % de PIB. Au Royaume-Uni
Le soutien des pouvoirs publics
également, des travaux menés en 2009 par la
Conscients des enjeux autour de ces technologies, les
LSE3 Enterprise et l’ITIF4 ont mesuré que 5 milliards GBP
gouvernements leur ont souvent dédié une partie plus
Le DigiWorld dans l’économie
investis dans les infrastructures haut débit doivent per-
ou moins significative de leurs programmes de soutien
mettre de créer ou sauvegarder plus de
à l’économie (“stimulus packages“), même si cet aspect
280 000 emplois, dont un tiers dans des PME (moins de
ne retient sans doute qu’une faible partie des 3 000 mil-
250 personnes) : plus largement, 15 milliards GBP inves-
liards USD qu’une cinquantaine de pays ont prévu de
tis au total dans ces réseaux ainsi que dans des réseaux
consacrer globalement à ces programmes. L’accès à la
de transport et des réseaux d’énergie intelligents (5 mil-
société de l’information est en effet devenu crucial pour
liards dans chaque domaine) créeraient ou sauveraient
l’ensemble du tissu économique, justifiant le soutien des
700 000 emplois, tout en améliorant la productivité
pouvoirs publics au déploiement universel du haut débit
des entreprises.
(voir en particulier le “stimulus package“ de l’adminis-
tration Obama aux États-Unis) ainsi qu’au déploiement
du très haut débit (voir, au-delà même du contexte éco-
nomique conjoncturel, les options qui se dessinent en
France, le plan de grande ampleur mis en place par le
2. Connected Nation report
gouvernement australien… ou encore l’initiative récem- 3. London School of Economics & Political Science
26 ment annoncée par le gouvernement indien). 4. Information Technology & Innovation Foundation
DigiWorld 2010
Source OECD Information Technology
Les dépenses en TIC dans les grands pays/zones
(billion US $ in current prices) 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Outlook, 2010 (forthcoming)
USA 872 916 966 1008 1037 992
EU-15 714 746 802 871 914 839
Japan 304 305 305 301 328 349
Total OECD countries1 2 198 2 314 2 455 2 605 2 717 2 566
China 154 177 198 222 258 288
India 27 35 38 46 52 52
1. Luxembourg and Iceland are missing from Total OECD countries
27. Chute de l’investissement des entreprises aux États-Unis : les TIC ont mieux résisté...
Taux d’investissement productif privé en valeur aux États-Unis
Source Coe Rexecode
Les investissements en TIC
… en particulier les logiciels
Investissements informatiques des entreprises en valeur aux États-Unis
27
www.idate.org
Source Coe Rexecode