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Université Paris Dauphine
Magistère de Sciences de Gestion
Mémoire de Recherche
BLOCKCHAIN ET FINANCEMENT
DES ŒUVRES DE FICTION
Dans quelle mesure la Blockchain est-elle une solution de
financement pour les œuvres de fiction d’initiative française ?
Mots clés : BLOCKCHAIN, AUDIOVISUEL, FINANCEMENT
Mémoire réalisé par Iris Prigent
Maître d’apprentissage : Ludovic Bottallo
Avocat au sein de la structure Scope Avocats
Agent d’artistes au sein de l’entreprise Time Art
Tutrice : Catherine Petithory
Enseignante à l’Université Paris Dauphine
Juin 2020
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
2
Les informations, les idées et les avis ayant trait à ce mémoire ne sont que le seul reflet de la
pensée de l’auteur et en aucun cas ne peuvent être considérées comme étant partagées par
l’Université Paris-Dauphine et par l’entreprise Time Art.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
3
Remerciements
Je souhaite avant tout remercier ma tutrice de mémoire Catherine Petithory pour le temps
qu’elle a consacré à m’apporter les outils indispensables à la conduite de cette recherche et à
la rédaction de ce mémoire. Son exigence et ses motivations m’ont grandement stimulée.
Je remercie aussi Ludovic Bottallo, mon maître d’apprentissage, qui m’a accompagnée tout au
long de mes recherches. La transmission de son expertise de l’industrie audiovisuelle m’ont
permis d’approfondir mon analyse et d’apporter la précision indispensable à ce mémoire.
Je souhaite aussi remercier l’ensemble des personnes que j’ai interviewées et notamment
Christophe Gauthier (French-ICO) et Henry Chan (ancien Product Manager de WeiFund) qui
m’ont permis de nourrir ma réflexion grâce à leur expérience de la technologie Blockchain.
J’adresse aussi mes remerciements à Victor Errotaberea (IFCIC), Stéphane Roche (Syndicat des
Producteurs Indépendants) et Mathieu Reynouard (Providz) qui m’ont permis de prendre
connaissance de certains aspects spécifiques à leur activité et à l’industrie audiovisuelle.
Je suis également reconnaissante envers les 165 personnes qui ont eu la gentillesse de
répondre à mon étude sur le financement de l’audiovisuel. Leur intervention a permis
d’émettre d’importantes hypothèses quant à la transformation des cinéphiles en crypto-
investisseurs.
Enfin, j’aimerais exprimer ma gratitude au Magistère de Sciences de Gestion de l’Université
Paris Dauphine pour la qualité d’enseignement dispensé, notamment par l’enseignante Diana
Carrondo dont les cours ont nourri la compréhension de cette nouvelle technologie.
Un grand merci à tous,
Iris Prigent
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
4
Sommaire
Introduction 7
Avant-propos : Présentation de la technologie Blockchain 11
1. L’idéologie Blockchain 11
1.1. Brève histoire de la monnaie et des transactions 11
1.2. La notion de confiance 12
1.3. La philosophie anarchiste de la Blockchain 13
2. Définition de la Blockchain 14
2.1. Approche conceptuelle 14
2.2. Approche pratique 15
2.2.1. Les crypto-monnaies et les tokens 15
2.2.2. Les types de Blockchain : publiques, permissionnées et privées 16
2.2.3. Les Smart Contracts et les oracles 17
2.2.4. Les DApps 19
2.2.5. Les DAO 19
2.2.6. Les ICO : Initial Coin Offering 20
2.2.7. Les STO : Security Tokens Offering 21
3. Avantages et potentialités de la technologie Blockchain 23
3.1. Un réseau distribué, sécurisé et stable 23
3.2. Un réseau sans tiers de confiance 23
3.3. L’application grandissante de la technologie à notre société 24
3.4. La création de crypto-actifs innovants et l’émergence de nouveaux business models 25
4. Les inconvénients et difficultés encore à résoudre au sein de la
Blockchain 26
4.1. Une technologie encore méconnue 26
4.2. La fin des tiers de confiance ou un simple déplacement de ces derniers ? 26
4.3. Une technologie à ses prémices : sécurité versus efficacité. 27
4.4. Le besoin en stockage nécessaire à son développement 28
I. État des lieux du financement des œuvres audiovisuelles en France 30
A. Comment se finance une œuvre audiovisuelle aujourd’hui ? 30
B. Les acteurs du financement 31
i. Le(s) producteur(s) de l’œuvre audiovisuelle 31
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
5
ii. Les distributeurs et les diffuseurs 32
1. Les distributeurs 32
2. Les diffuseurs 33
3. Le préachat d’une œuvre audiovisuelle 33
iii. Les aides régionales, nationales et européennes 35
1. Le CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) 35
2. Le crédit d’impôt 36
3. Les aides régionales 37
4. Les aides européennes 37
iv. Les SOFICA (Société pour le financement de l’industrie cinématographique et
audiovisuelle) 38
v. Les banques et l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries
culturelles) 39
vi. D’autres méthodes de financement développées ces dernières années 39
1. Le placement de produit 39
2. Le Crowdfunding 40
C. Une industrie de plus en plus dépendante des financements publics stricto sensu. 41
i. Des chiffres rassurants qui reposent sur un système particulièrement régulé 41
ii. Une stabilité des investissements dans la production avec une baisse très significative des
financements privés 42
iii. Dépendance à l’argent public : quel avenir ? 44
D. D’autres difficultés au sein de l’industrie audiovisuelle qui suscitent de nouveaux
besoins 45
i. Une industrie pas comme les autres : l’art vs. l’économie. 45
ii. Changement des habitudes des consommateurs avec l’ère du digital 46
iii. Dépendance des porteurs de projet face aux distributeurs et aux diffuseurs 48
II. Les solutions apportées par la Blockchain 51
A. Le film Braid : les prémices du lien entre Blockchain et audiovisuel 51
i. Présentation du projet de financement du film Braid 51
ii. L’élaboration du projet de financement du film Braid 52
iii. Les difficultés rencontrées par l’équipe de WeiFund 53
iv. Pourquoi lever des fonds via une STO ? 55
B. Les ICO, une application pour l’industrie audiovisuelle ? 56
i. Présentation de French-ICO : l’ICO « Made in France » 56
ii. Comment se passe une levée de fonds via une ICO ? 57
1. Définition de la valeur du token 57
2. Les critères pour tous les projets via French-ICO 58
3. Réussir une ICO : critères d’appréciation 60
4. Les coûts de la mise en place d’une ICO 62
iii. Les ICO et l’industrie audiovisuelle 65
1. Des jetons rattachés à un projet de fiction 65
2. Des jetons rattachés à une structure de production 68
3. Le futur des ICO pour l’audiovisuel 69
C. BlockFilm : une solution qui englobe l’ensemble de la chaîne de valeur 71
i. Présentation de l’entreprise 71
ii. Comment fonctionne BlockFilm ? 73
iii. En quoi BlockFilm est une solution pour l’ensemble de la chaîne de valeur ? 75
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
6
1. Une opportunité pour les porteurs de projet 75
2. Une opportunité pour les investisseurs 77
iv. BlockFilm, une solution au financement seulement ? 78
1. Une solution qui ne répond pas seulement aux besoins de financement de l’industrie
audiovisuelle 78
2. Une plateforme immature, mais avec de grandes ambitions 78
III. Les facteurs de succès sont-ils réunis pour fusionner Blockchain et
industrie audiovisuelle ? 81
A. Étude des actuels et futurs crypto-investisseurs 81
i. Une population de crypto-investisseurs croissante, mais une population mondiale encore
réticente 81
ii. Les cinéphiles sont prêts à devenir crypto-investisseurs 83
B. La législation française souhaite accueillir ces nouveaux moyens de financement 87
i. Les PSAN (Prestataires de Services sur Actifs Numériques) 87
ii. Les ICO (Initial Coin Offering) 88
iii. Les STO (Security Tokens Offering) 89
C. Des projets Blockchain déjà aboutis au sein de l’industrie audiovisuelle 90
Conclusion 93
Bibliographie 96
Abréviations 104
Annexe 1 : Approche technique de la Blockchain 105
Annexe 2 : Synopsis du film Braid 110
Annexe 3 : Présentations des sociétés WeiFund et ConsensSys 111
Annexe 4 : Transcription de la rencontre avec Henry Chan, ancien Product Manager de
WeiFund 112
Annexe 5 : Étude exploratrice de l’intérêt des cinéphiles à investir et préacheter des
services/produits en lien avec une œuvre audiovisuelle 116
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
7
Introduction
« I was facing either seeing my creative freedom taken away and having to compromise
on the story, or not having enough money to make it. », c’est ainsi que s’exprimait Mitzi Peirone,
auteur-réalisatrice de Braid, première œuvre audiovisuelle financée grâce à la technologie
Blockchain en 2018.1
Comme le soulignait Mitzi Peirone en 2018, les auteurs-réalisateurs font souvent face à
un choix : privilégier la créativité de leurs œuvres ou être financés. Quand bien même nous ne
pouvons constater la totale disparition des œuvres dites « d’auteurs » de nos cinémas et de
nos écrans, leur nombre a significativement chuté et les producteurs font confiance à peu
d’auteurs-réalisateurs pour créer ces œuvres. Ce n’est toutefois pas un phénomène nouveau.
En 2007, Benoît Jacquot exprimait déjà, au journal Le Monde, son inquiétude concernant les
« normes de spectacle » imposées par les producteurs, les distributeurs et les diffuseurs, ainsi
que concernant l’économie restreinte à laquelle faisaient face l’industrie audiovisuelle2
.
Les producteurs, les distributeurs et les diffuseurs ne sont pas obligatoirement à blâmer.
Le marché de l’audiovisuel fait face à de nombreuses modifications cette dernière
décennie. Les avancées technologiques ont fait évoluer les usages des consommateurs :
consommation de contenus dématérialisés, téléchargement illégal, arrivée de la Vidéo à la
demande (VoD) et de plateformes internationales comme Netflix3
. Producteurs, distributeurs
et diffuseurs se voient donc contraints de modifier le modèle économique ainsi que leurs
exigences artistiques, avec une baisse des coûts associée à une moindre prise de risque. Toutes
les parties prenantes du secteur font face à une radicale évolution qui ne repose plus sur les
mêmes fondamentaux.
Il a aussi été constaté ces dernières années que, malgré un niveau de financement
stable, l’industrie audiovisuelle est de plus en plus dépendante des financements publics stricto
sensu. Les financements privés sont eux aussi en baisse, ce qui représente une potentielle
1
SOLSMAN Joan E. « Will cryptocurrency fund the next indie film hit? ». Cnet.
2
MANDELBAUM Jacques et SOTINEL Thomas. « Quatre réalisateurs disent les défis et les difficultés du cinéma
d'auteur ». Le Monde.
3
TOUNSI Chaïma, PALLARUELO Olivier et CUSSEAU Clément. « Netflix, piratage, réseaux sociaux... Comment les
usages du numérique ont évolué en 10 ans ? ». Allociné News.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
8
menace pour l’industrie audiovisuelle. Au vu de la situation actuelle des financements de l’État,
il semble que la découverte de nouveaux moyens de financements permettrait à l’industrie de
conserver ses qualités, ses ambitions et ses parts de marché à l’international.
D’autres fondamentaux ont aussi été bouleversés cette dernière décennie, et plus
précisément fin 2008, avec la publication du livre blanc de Satoshi Nakamoto4
. Ce livre blanc
introduisait une nouvelle technologie : la Blockchain. D’abord présentée comme un système de
paiement avec le réseau Bitcoin, la technologie Blockchain est un système
permettant d’effectuer des transferts d’actifs via une monnaie digitale, de manière sécurisée,
sans dépendre d’un organe central de contrôle qui valide ou non les transactions. Son objectif
est de permettre à des entités d’un écosystème d’intérêts divergents de partager une même
vérité sur leurs transactions, malgré l’absence d’un tiers de confiance. Aujourd’hui, il est estimé
que cette technologie peut être adaptée à tous les secteurs et organismes : l’État, l’Assurance,
le Retail5
, le Luxe, l’Énergie et bien entendu les Médias6
. En 2018, la Blockchain, par le réseau
Ethereum, a permis de financer le film Braid, de Mitzi Peirone. En seulement deux semaines,
les cinéastes ont atteint leur objectif de 1,4 million de dollars de levée de fonds, en échange de
30% des bénéfices futurs du film pour les investisseurs7
. Cet événement fait-il de la Blockchain,
une nouvelle solution de financement pour l’industrie audiovisuelle ?
Pour mémoire, d’après le code de la propriété intellectuelle8
, « sont considérées
notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent, les œuvres cinématographiques et
autres œuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non,
dénommées ensembles œuvres audiovisuelles ». Cette définition regroupe donc l’ensemble des
programmes audiovisuels pouvant faire l’objet de droits de propriété intellectuelle. Pour
autant, toutes « les séquences animées d’images » ne sont pas automatiquement protégées
4
Satoshi Nakamoto est le pseudonyme utilisé par la ou les personne(s) qui ont développé la première
Blockchain : la Blockchain Bitcoin.
5
Le Retail est un terme anglais qui désigne l'activité du « commerce de détail » qui est une activité de revente
de biens à destination du consommateur final.
6
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.190
7
SOLSMAN Joan E. « Will cryptocurrency fund the next indie film hit? ». Cnet.
8
FRANCE, Code de la propriété intellectuelle, Chapitre II : Œuvres protégées, Article L 112-2.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
9
par le droit de la propriété intellectuelle. Elles doivent être qualifiées d’« originales », c’est-à-
dire découler d’une création intellectuelle reflétant la personnalité de l’auteur. Il existe
différents types d’œuvres audiovisuelles en fonction de leurs modes de diffusion :
- L’œuvre cinématographique dont la première exploitation est en salle ;
- L’œuvre télévisuelle dont la première exploitation est effectuée au sein d’un service de
télévision ;
- L’œuvre vidéographique dont la première exploitation est faite sur un support vidéo.
Ces précisions apportées et pour la suite de l’analyse, nous essayerons d’apporter une vision
globale de la situation de financement des œuvres audiovisuelles sans tenir compte de leur
moyen de diffusion, tout en privilégiant l’analyse des œuvres fictions. Une œuvre de fiction est
un « produit de l’imagination qui n’a pas de modèle complet dans la réalité.9
» Nous utiliserons
donc indifféremment des termes tels qu’œuvres de fiction, œuvres audiovisuelles, films et
séries. L’étude de l’état actuel du financement des œuvres audiovisuelles fera aussi référence
à l’industrie cinématographique qui représente une importante partie de l’industrie des
œuvres de fiction.
Au cours de ce mémoire, nous envisagerons la Blockchain comme solution de
financement pour les œuvres de fiction : nous nous demanderons si cette technologie pourrait
correspondre davantage aux nouvelles contraintes du modèle économique de l’industrie
audiovisuelle française. Pour ce faire, nous répondrons à la problématique suivante : dans
quelle mesure la Blockchain est-elle une solution de financement pour les œuvres de fiction
d’initiative française ?
Afin de répondre à cette problématique, un avant-propos a été élaboré pour présenter
la Blockchain et ses potentialités. La délimitation des informations à y apporter a constitué un
arbitrage difficile du fait de l’hétérogénéité des connaissances de chacun sur cette technologie.
Il a finalement été décidé de considérer que le lecteur n’était pas encore familiarisé avec elle.
Par conséquent, cet avant-propos présentera la Blockchain de façon globale en revenant sur sa
philosophie, la technologie sur laquelle elle repose et enfin ses avantages et ses inconvénients
actuels.
9
Dictionnaire numérique LA LANGUE FRANÇAISE, Définition du mot « fiction » [consulté le 30 mars 2020]
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
10
Ensuite et dans un premier temps, nous ferons un état des lieux du financement des
œuvres audiovisuelles en France et déterminerons les éventuelles autres difficultés de
l’industrie. Dans un deuxième temps, nous étudierons trois modèles de financement
Blockchain appliqués à l’industrie audiovisuelle : le financement du film Braid, le modèle de la
société French-ICO et le modèle de la plateforme BlockFilm. L’objectif de ces études de cas sera
de déterminer les bénéfices et les difficultés d’utilisation de la technologie Blockchain pour
financer des œuvres de fiction et d’entrevoir dans quelle mesure cette utilisation serait
bénéfique pour l’industrie audiovisuelle. Enfin, nous essayerons de déterminer la présence ou
non des facteurs essentiels à l’établissement de ces solutions de financement en France.
Ce mémoire a une portée exploratoire : il a pour but de déterminer si l’utilisation de la
Blockchain est possible et envisageable pour l’industrie audiovisuelle française. Les recherches
ont principalement été effectuées à travers des entretiens auprès de professionnels afin de
récolter des données dites qualitatives. Une étude quantitative a toutefois été réalisée auprès
de 165 cinéphiles, afin de déterminer si cette population est encline à financer des œuvres
audiovisuelles par la technologie Blockchain. Privilégier les recherches qualitatives a permis de
faire émerger de nombreuses solutions de financement ainsi que des problématiques sous-
jacentes au présent travail de recherche.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
11
Avant-propos : Présentation de la technologie Blockchain
La Blockchain est une technologie qui permet à des acteurs d’un écosystème d’intérêts
divergents de partager une même vérité sur leurs transactions, malgré l’absence d’un tiers de
confiance. Ceci est rendu possible grâce à l’utilisation d’un réseau distribué, sécurisé et
décentralisé qui assure le processus de validation et de sécurisation des transactions.
1. L’idéologie Blockchain
1.1. Brève histoire de la monnaie et des transactions
Pour comprendre la technologie Blockchain, il est important d’expliquer l’histoire de
nos moyens de transactions et de la monnaie. Il faut comprendre que la forme actuelle de nos
transactions financières est « le fruit de milliers d’années d’histoire »10
.
Tout d’abord, à la Préhistoire, l’Homme a échangé des biens et des services contre des
pots en céramique, puis différentes formes en argile qui avaient chacune une valeur ; ensuite
s’est démocratisée une monnaie faite de boules d’argile avec des inscriptions que l’on cassait
à la fin de la transaction.
Durant la Grèce Antique, les pièces de monnaie métalliques ont fait leur apparition.
Véritable affirmation du pouvoir du gouvernement qui contrôlait leur distribution, elles avaient
d’abord leur équivalent en « pesant d’or » ; puis petit à petit chaque pièce métallique avait une
valeur « symbolique ». En effet, les gouvernements de l’époque ont fini par ne plus se
préoccuper de l’équivalent de la monnaie en or. La confiance de l’Homme en ce moyen de
transaction l’a poussé à accepter sa valeur intrinsèque et symbolique.
A l’époque des Croisades, d’autres considérations se sont ajoutées à nos habitudes de
paiement. Les chevaliers, incapable d’emporter avec eux tout leur or, partirent en croisade avec
des lettres prouvant leur richesse : c’est le début des lettres de crédit.
A l’Époque Moderne, en Angleterre, afin de mettre à l’abri son or, il était possible de le
déposer chez un orfèvre, qui le gardait en sécurité contre un certificat. La confiance grandissant
10
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.17
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
12
entre tous les acteurs, les orfèvres se mirent à émettre des certificats contre des titres de
dettes, ce qui décupla la masse monétaire en circulation. L’État perdit son pouvoir sur la
monnaie et son économie, et décida donc de créer des banques centrales, seules habilitées à
gérer la création monétaire.
A l’apparition des banques centrales, la monnaie avait son équivalent en or. Puis en
1971, sous Nixon, il a été décidé que la monnaie serait calculée sur la base d’un « change
flottant »11
. Cela signifie que l’appréciation ou la dépréciation d’une monnaie dépendait de la
quantité d’offre et de demande.
L’Homme a perpétuellement évolué dans sa manière de réaliser des transactions. Petit
à petit, de nouveaux usages ont été ou se sont imposés à lui afin que celui-ci puisse continuer
à réaliser des transactions. La Blockchain est, elle aussi, une nouvelle manière de réaliser cela.
Par rapport aux évolutions historiques des méthodes de transaction, pouvons-nous réellement
affirmer que la Blockchain constitue un réel bouleversement pour l’Homme ? Ces nouveaux
modes de transaction s’inscrivent finalement davantage comme une continuité de notre
histoire qui a connu des évolutions similaires.
1.2. La notion de confiance
La notion de confiance est cruciale dans l’histoire des transactions et de la monnaie. La
confiance est définie par l’idée que l’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Vous
pouvez avoir confiance en un individu, en un système ou encore en une compétence donnée.
D’après l’économiste Michel Aglietta, « la déconnexion de la valeur nominale des pièces
par rapport au poids et à la quantité du métal qui en est le support physique rend possible l’acte
souverain consistant à modifier ce rapport, tant que la monnaie demeure dokima, c’est-à-dire
unanimement acceptée par les utilisateurs. On voit que, dès l’origine, l’art de la politique
monétaire est celui de la confiance12
». Dans son analyse, Michel Aglietta souligne le rôle de la
confiance par rapport à la monnaie que nous utilisons. Nous l’utilisons car nous croyons en sa
valeur. Comme il le souligne, les organismes étatiques ont le pouvoir de modifier la valeur d’une
11
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.31
12
AGLIETTA, Michel. La Monnaie. Entre dettes et souverainetés. Odile Jacob, 2016. p.103-104.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
13
monnaie. La confiance en une monnaie réside donc dans la confiance accordée à la puissance
politique, à la croyance en la souveraineté politique. C’est donc en l’État que nous avons
confiance et sans cette confiance nous n’utiliserions pas ce système de transaction.
1.3. La philosophie anarchiste de la Blockchain
Qu’en est-il donc de la confiance que nous pouvons accorder à une nouvelle technologie
telle que la Blockchain ?
Tout d’abord, il faut comprendre que la Blockchain est une technologie qui a été créée
dans le but de déplacer les dépositaires de confiance. La Blockchain a pour but de remplacer
l’incarnation de l’autorité, car, selon ses créateurs, aucune entité n’est plus légitime qu’une
autre pour garantir la validité d’une action13
. Son fonctionnement permettrait de convertir le
système d’autorité vertical vers un système d’autorité horizontal. Technologiquement, ce sont
des « nœuds » que nous pouvons définir comme des « validateurs » qui permettraient de
contrôler la véracité des informations présentes dans le système Blockchain.
Avec cette philosophie anarchiste réside une véritable remise en cause de notre
système de confiance. Avoir confiance en l’État c’est n’avoir confiance qu’en l’Homme ; c’est
donc accepter que celui-ci puisse être défaillant et utiliser le système à son avantage. Avec la
création de la Blockchain, la confiance ne résiderait plus en l’Homme, elle reposerait sur la
technologie.
Aujourd’hui, nous utilisons une multitude de technologies avec la volonté de réduire
l’erreur humaine. La Blockchain est simplement une conséquence de cette volonté proposant
un système global de transactions, dont la confiance est basée sur la technologie. Affirmer que
cette dernière ne peut jamais être défaillante serait un mensonge. Elle peut toutefois réduire
considérablement les erreurs et les conséquences de la malveillance. Celle-ci étant dénuée de
conscience et n’ayant aucun avantage à tirer du système, elle ne fera, par définition, aucune
erreur volontaire.
13
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.31
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
14
2. Définition de la Blockchain
2.1. Approche conceptuelle
La technologie Blockchain est un système permettant d’effectuer des transferts d’actifs
via une monnaie digitale, de manière sécurisée, sans dépendre d’un organe central de contrôle
qui valide ou non les transactions. Ces dernières sont « contrôlées » grâce à un réseau
décentralisé qui assure le processus de validation et de sécurisation des transactions14
.
L’objectif de cette technologie est de permettre à des acteurs d’un écosystème d’intérêts
divergents de partager une même vérité sur leurs transactions, malgré l’absence d’un tiers de
confiance.
Concrètement, cette technologie peut être définie comme « un grand livre de comptes
distribué enregistrant à intervalles de temps réguliers, l’ensemble des transactions du système.
Ce registre distribué (…) s’appuie sur une chaîne de blocs d’informations venant s’imbriquer les
uns aux autres. Chaque nouvelle transaction est enregistrée dans un nouveau bloc
d’informations qui vient s’agréger aux blocs précédents afin de mettre à jour le registre de
transactions »15
.
Le caractère astucieux de cette technologie est que lorsqu’un bloc d’informations est
créé, celui-ci ne pourra pas être modifié sans qu’il soit nécessaire d’ajouter un nouveau bloc
d’informations. L’historique de la transmission d’informations et des modifications des
transactions est donc accessible et l’erreur peut être corrigée mais ne pourra jamais être
cachée.
La Blockchain est aussi une technologie particulièrement sécurisée. Son caractère
infaillible est rendu possible grâce à trois processus distincts : la fonction Hash, le réseau pair-
à-pair et les preuves de travail ou preuves de participation. La présentation de ces processus
est disponible en Annexe 1.
14
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.15
15
Ibid. p.73
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
15
2.2. Approche pratique
Afin de comprendre l’étendue des applications de la Blockchain et de ses potentialités,
nous allons maintenant envisager les différents outils Blockchain.
2.2.1. Les crypto-monnaies et les tokens
Beaucoup d’abus de langage sont faits quand nous parlons de la Blockchain, notamment
autour des termes de crypto-monnaies, coin, token ou encore jeton.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’une crypto-monnaie ? D’après le journal Les Echos, une
crypto-monnaie, aussi appelée coin ou jeton fongible, « est une monnaie dont la sécurisation
et le fonctionnement sont basés sur la cryptographie, c’est donc avant toute chose une
monnaie »16
. Comme toutes les monnaies, celle-ci est une unité de compte permettant aux
utilisateurs d’effectuer des transactions. C’est aussi une « réserve de valeur » par la confiance
que les utilisateurs placent en elle. Il existe aujourd’hui de nombreuses crypto-monnaies dont
les principales sont le bitcoin et l’ether17
. Les crypto-monnaies ne doivent pas être confondues
avec les « digital currencies »18
ou monnaie digitale, qui fonctionnent au travers du système
semi-décentralisé qu’est le Web. On parle donc de crypto-monnaies dans le cas d’un réseau
pair-à-pair dit décentralisé. Au sein de l’environnement Blockchain, les crypto-monnaies
servent à acheter des « tokens non-fongibles ».
Le token, aussi appelé token non-fongible, jeton, ou encore crypto-actif, est « une
valeur digitale, représentant des droits ou des actifs de toute nature, stockés dans un registre,
échangeable »19
entre les utilisateurs de la Blockchain. C’est un « actif numérique » auquel vous
pouvez attribuer un droit de vote, une action, une obligation ou encore l’accès à un produit ou
un service d’une société20
. Cette liste n’est pas limitative car un token peut être n’importe quel
actif, droit ou service que vous déciderez de lui attribuer et sa valeur sera définie en crypto-
16
BOURGUIGNON, Sébastien. « Token, altcoin, cryptomonnaie, quelles différences ? ». Les Echos Solutions.
17
CHABAL, Audrey. « Classement Des 10 Crypto-Monnaies Dans Le Monde ». Forbes.
18
CARRONDO, Diana. « Data and Information systems » Course. Magistère de Gestion de l’Université Paris
Dauphine.
19
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.109
20
CARRONDO, Diana. « Data and Information systems » Course. Magistère de Gestion de l’Université Paris
Dauphine.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
16
monnaie. Un token n’est donc pas une crypto-monnaie mais il reste un média d’échange au
sein de n’importe quelle Blockchain, du fait de sa liquidité.
2.2.2. Les types de Blockchain : publiques, permissionnées et privées
Il existe aujourd’hui trois types de Blockchain : les Blockchains publiques, les Blockchains
permissionnées et les Blockchains privées. Ces types de Blockchain se distinguent par la
capacité des utilisateurs à :
- Devenir membre du réseau ;
- Consulter, écrire et modifier les informations contenues dans la Blockchain.
Tout d’abord, les Blockchains publiques sont des réseaux ouverts à tous, dont les
données peuvent être consultées par tous et ne peuvent être modifiées une fois que celles-ci
ont été transmises au réseau. De plus, tous les membres du réseau possèdent une copie de la
Blockchain et participent au consensus de validation.
Ensuite, les Blockchains permissionnées sont des réseaux « partiellement
décentralisés »21
car elles sont accessibles à un nombre limité d’utilisateurs. Si un utilisateur
souhaite rentrer à l’intérieur du réseau, il doit tout d’abord être validé par les nœuds, qui sont
les décisionnaires au sein du réseau. Une fois membres, les décisionnaires peuvent, s’ils le
souhaitent, donner accès à l’information du réseau au nouvel utilisateur, ainsi que lui
permettre de modifier les informations au sein du réseau. On peut dire qu’une délégation de
participation au sein de la Blockchain est délivrée par les décisionnaires du réseau.
Ce type de Blockchain est aujourd’hui principalement utilisé par les banques et les
institutions, car elle permet un meilleur contrôle du réseau et de ses transactions tout en
bénéficiant du principe de décentralisation d’une Blockchain. Les partisans de la technologie
Blockchain critiquent les Blockchains permissionnées considérant ces dernières comme
« fortement centralisées »22
.
Enfin, une Blockchain privée est un réseau possédant un seul organe central
décisionnaire qui :
21
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.104
22
Ibid. p.106
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
17
- Valide ou non les nouveaux entrants du réseau ;
- Donne accès ou non aux données du réseau ;
- Donne accès ou non à la validation des transactions.
Les Blockchains privées peuvent être assimilées à une entreprise possédant des filiales et qui a
un pouvoir sur elles23
. Ce type de Blockchain peut être utile pour partager des données
importantes et confidentielles au sein d’un groupe d’individus, mais ne repose plus sur les
fondamentaux de la philosophie Blockchain.
Les Blockchains permissionnées et privées sont assez proches les unes des autres. En
effet, dans le cas d’une Blockchain permissionnée, si les validateurs font partie d’un même
groupe et prennent les décisions ensemble, nous pouvons alors considérer qu’ils forment
ensemble un organe décisionnaire.
2.2.3. Les Smart Contracts et les oracles
D’après le Larousse, un contrat est une « convention, accord de volontés ayant pour but
d'engendrer une obligation d'une ou de plusieurs personnes envers une ou plusieurs autres »24
.
Un contrat peut s’étendre d’un simple achat à une opération plus complexe, et nécessite ou
non d’être écrit et signé par les parties prenantes, afin d’ancrer les obligations de chacun.
Afin de comprendre la notion de Smart Contract, aussi appelés contrat intelligent, il est
tout d’abord important de comprendre l’étendue de la confiance que nous accordons aux
contrats traditionnels : l’exécution de ces derniers ne dépend que du système qui les entoure
et les garantit. Sans lois, sans institutions, sans tiers de confiance qui garantissent l’exécution
des contrats, un contrat n’est qu’une feuille sur laquelle vous avez apposé votre signature.
Développés pour la première fois sur la Blockchain Ethereum, les Smart Contracts sont
une application de la notion de contrat au sein de la technologie Blockchain. Alors qu’un contrat
traditionnel définit les termes d’un accord entre plusieurs parties sur une feuille de papier, un
23
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.107
24
Dictionnaire numérique LAROUSSE, Définition du mot « contrat » [consulté le 10 mai 2020]
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
18
Smart Contract va plus loin25
: il fige les termes du contrat au sein de la Blockchain et assure le
transfert d’actifs automatiquement lorsque les termes du contrat se vérifient, sans que la
présence d’un tiers de confiance soit nécessaire.
Imaginons un contrat entre un individu A et un individu B. L’individu A devra donner à
l’individu B 100 euros, s’il fait beau demain à Paris. Les deux individus entrent ce contrat
« traditionnel » au sein de la Blockchain. S’il fait beau le lendemain, les 100 euros de l’individu
A iront directement dans le compte de l’individu B, sans qu’aucune action de la part de A ou de
B soit nécessaire. Au-delà d’une exécution automatique, un Smart Contract peut permettre de
contrôler les actions d’une entité ou d’un individu. Par exemple, certaines restrictions d’actions
d’un investisseur peuvent être nécessaires en Private Equity26
quand celui-ci ne peut récupérer
d’argent avant une certaine date. Cette fonctionnalité peut être aussi utilisée en Conformité27
afin de répondre aux réglementations en vigueur.
Mais sur quelles données se basent les Smart Contracts pour exécuter les termes d’un
contrat ? Cette question nécessite d’introduire la notion d’« oracle ». Un oracle est « une
source extérieure qui vient fournir des informations [comme la météo dans notre exemple
précédent] permettant l’exécution de certains termes d’un contrat »28
. C’est le transfert des
données de notre monde vers l’écosystème Blockchain. Afin que l’utilisation d’un oracle ne
constitue pas un simple déplacement du tiers de confiance, les oracles sont souvent multipliés
pour une même information et/ou des entreprise de services de « provable-honest »29
sont
utilisées et permettent de s’assurer de la véracité d’une information. La société Oraclize30
est
un exemple de société de « provable-honest » qui garantit la fiabilité d’une donnée par
l’utilisation de méthodes cryptographiques31
. Les informations transmises par les oracles sont
25
TROY, Sue. « Blockchain : qu’est-ce qu’un Smart Contract et à quoi ça sert ? ». LeMagIT.
26
L’activité de Private Equity, utilisée par les sociétés non cotées, désigne l'opération par laquelle un investisseur
achète une partie des titres d'une société qui cherche à lever des fonds propres.
27
Terme employé en droit et en gestion de qualité, il désigne dans notre cas le respect des dispositions
législatives et règlementaires.
28
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.97
29
Un service de « provable-honest » signifie que l’entreprise vous fournit des preuves cryptographiques afin que
vous puissiez vérifier qu’aucune modification n’a été faite entre les données brutes et les données transmises au
Smart Contract.
30
ORACLIZE, site officiel de la société.
31
POLROT, Simon. « Les Oracles, lien entre la Blockchain et le monde ». Ethereum France.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
19
publiques et consultables par tous. Les entreprises qui nourrissent les oracles n’ont donc rien
à gagner à transmettre de mauvaises informations, car leur légitimité serait alors remise en
question.
2.2.4. Les DApps
Les DApps, aussi appelées Decentralized Applications32
, sont des applications
ressemblant à toutes les applications que vous possédez sur votre smartphone, mais qui
fonctionnent avec la technologie Blockchain. D’apparence, elles ont la même interface
utilisateur, mais celles-ci fonctionnent sur un réseau décentralisé pair-à-pair qui permet
l’utilisation de tous les outils Blockchain et présente les mêmes avantages de traçabilité et de
transparence que la Blockchain33
.
Les DApps ont été créées afin de démocratiser l’utilisation de la Blockchain car elles
permettent une utilisation similaire aux applications que l’on connaît aujourd’hui. Le but est
que, comme avec le Web, ces applications soient utilisées même si l’utilisateur n’a pas une
parfaite connaissance de la technologie sous-jacente.
2.2.5. Les DAO
Une DAO (Decentralized Autonomous Organization34
) est « une organisation
décentralisée dont les règles de gouvernance sont automatisées et inscrites de façon immuable
et transparente dans une Blockchain. »35
, grâce à l’utilisation d’un Smart Contract. Le but de ce
type d’organisation est de générer un processus de décision efficace et horizontal, entre des
acteurs qui ne se connaissent pas et qui n’ont pas besoin de se faire confiance. En effet, chaque
membre de l’organisation possédant un droit de vote, ou token, pourra, partout dans le monde,
prendre une décision. Celle-ci sera exécutée automatiquement et rapidement. Le résultat des
32
Applications décentralisées
33
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.101
34
Entité autonome décentralisée
35
BLOCKCHAIN FRANCE. « Qu’est-ce qu’une DAO ? »
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
20
votes est bien entendu sécurisé car le Smart Contract, représentant les règles de gouvernance
de la société, ne peut être modifié sans que le réseau en soit informé.
Ce type d’outils Blockchain peut être utilisé dans de nombreuses entreprises et
notamment au sein des sociétés de financement. C’était l’initiative de la start-up Slock.it, avec
la structure « TheDAO », dont l’objectif était de créer un fonds afin de financer tout type de
projet. Grâce à une prise de décision collective entre les détenteurs de droits de vote, les
projets étaient financés ou non par la société et les bénéfices ou pertes étaient redistribués. Ce
projet n’a pas pu voir le jour, malgré sa levée de fonds de 150 millions d’euros, en raison de la
découverte d’une faille dans le code, suite à une attaque, qui a stoppé net son
développement36
.
2.2.6. Les ICO : Initial Coin Offering
Créées en 2013, les ICO découlent de la technologie Blockchain et ont permis le
financement au démarrage de nombreux projets dans le monde.
Une ICO, ou Initial Coin Offering, est un outil de levée de fonds fonctionnant grâce à
l’émission de tokens, qui peuvent être acquis par n’importe qui dans le monde, contre des
crypto-monnaies. A la différence d’une IPO (Initial Public Offering), les tokens ne sont pas des
parts de l’entreprise (dans ce cas appelé STO – Security Token Offering). Au sein d’une ICO, les
tokens sont appelés « utility tokens » et représentent l’achat d’un futur service ou produit avant
la mise en place ou la production de celui-ci. Les investisseurs acquièrent des utility tokens dans
le but d’acheter par anticipation un service/produit, ou en prévision d’un gain financier
potentiel lors de la revente de ce jeton. En effet, les tokens sont des actifs numériques très
liquides car, « sous réserve d’une offre et d’une demande suffisante, la Blockchain permet de
transférer de la valeur, sans intermédiaire, à frais réduit (l’équivalent de quelques centimes
d’euros) et en quelques secondes. »37
.
Pour bien comprendre l’usage des ICO, reprenons l’exemple de Pierre Davoust, CEO de
SETL France : « une ICO revient à mettre en vente des jetons de laverie dans le but de financer
36
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.102
37
GAUTHIER, Christophe. Entretien du 17 avril 2020. Fondateur de French-ICO.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
21
sa création. Pour récolter les fonds nécessaires, je cède par anticipation un droit d’usage futur :
celui d’accéder à mes machines à laver. (…) les lessives ne seront accessibles qu’avec ce jeton,
produit en quantité limitée. »38
.
En 2018, dans le monde, les ICO ont levé près de 13 milliards de dollars. En France, deux
projets ont réussi à voir le jour grâce à des levées de fonds en ICO39
:
1. Beyond The Void – start-up de jeu vidéo – 110 000 euros
2. iEx.ec – entreprise spécialisée dans le cloud distribué – 12,5 millions de dollars (en
moins de 3 heures). Cette dernière avait la possibilité de lever 4,5 millions de dollars
grâce à un fonds d’investissement classique dont la trésorerie aurait mis un an à lui
parvenir.
Les ICO sont une véritable solution alternative au financement. Elles permettent la
démocratisation du capital-risque mais aussi, et surtout, la création de nouveaux business
models dans lesquels seuls les projets à haut potentiel sont financés, à l’avance, par les futurs
clients.
2.2.7. Les STO : Security Tokens Offering
Une STO, ou Security Tokens Offering, est une évolution des ICO classiques dans laquelle
les tokens représentent un actif financier. Les tokens, dans le cas d’une STO, sont appelés
« security tokens ». Ces derniers comportent toutes ou une partie des caractéristiques d’un
actif financier, tel qu’une action : droit de vote et/ou partage des gains éventuels de la société.
Un security token n’est donc pas nécessairement une action et offre la possibilité de repenser
et de modifier les caractéristiques des actifs financiers d’aujourd’hui40
.
Dans le cas où le security token possède exactement les caractéristiques d’une action,
quel intérêt peut avoir l’investisseur à passer par une STO plutôt que par la bourse ? En fait, les
actions classiques ont quelques inconvénients que les security tokens n’ont pas41
. Tout d’abord,
les security tokens sont plus liquides et plus accessibles au grand public car ils s’échangent entre
38
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.251
39
PERREAU, Charlie. « ICO : définition, liste, la situation en France... ». Journal du net.
40
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.255
41
JARROSSON, Gabriel. « Les security token offerings : révolution ou nouvelle arnaque ? ». Journal du net.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
22
particulier sur une simple plateforme. On parle alors de démocratisation des investissements
qui pourrait convaincre certains business angels d’investir, du fait de cette importante liquidité.
Par ailleurs, il ne faut pas forcement opposer les STO à la bourse actuelle, car la
tokenisation peut aussi être bénéfique pour les actions déjà cotées. En effet, elle permettrait
une fluidification des échanges ne reposant plus sur l’ouverture des bourses. Aussi, chaque
security token pourrait représenter un pourcentage d’une action et donc permettre une
meilleure accessibilité du marché à la population mondiale.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
23
3. Avantages et potentialités de la technologie Blockchain
3.1. Un réseau distribué, sécurisé et stable
Comme nous l’avons souligné lors de la définition de la Blockchain, le réseau pair-à-pair
permet la distribution de données de manière sécurisée. En effet, ce réseau à l’intérieur duquel
les données sont conservées est très résistant aux attaques extérieures et aux défaillances
techniques. « Chaque nœud du réseau est capable de répliquer et de stocker une copie de la
base de données. De ce fait, il n’existe aucun point de défaillance unique : un seul nœud mis hors
ligne n’affecte ni la disponibilité ni la sécurité du réseau. »42
La conservation des données au sein du réseau est aussi particulièrement stable car une
fois enregistrée, l’information est rendue publique, et ne peut être modifiée ou supprimée sans
que cette modification ou suppression ne soit enregistrée. C’est donc une technologie qui
facilite les actions d’audit et correspondrait intrinsèquement au stockage d’informations
financières.
3.2. Un réseau sans tiers de confiance
Comme nous l’avons constaté, de nos jours, la notion de confiance est propre à toutes
nos transactions car ces dernières dépendent d’un intermédiaire comme une banque ou un
prestataire de paiement. A contrario, la technologie Blockchain offre, grâce à son organisation,
un système de transactions ne nécessitant plus d’intermédiaire et permettant à des acteurs
d’un écosystème d’intérêts divergents de partager une même vérité sur leurs transactions. Ces
« acteurs n’ont pas besoin de se connaître, ni de se faire confiance »43
. La réduction des
intermédiaires, pourrait entraîner, à terme, une réduction des frais de transactions ainsi qu’une
élimination des risques de centralisation de la responsabilité.
42
BINANCE ACADEMY. « Avantages et inconvénients de la Blockchain »
43
Ibid.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
24
3.3. L’application grandissante de la technologie à notre société
La technologie Blockchain doit être considérée comme une « general purpose
technology »44
dans le sens où elle impacte et continuera potentiellement à impacter de
nombreux secteurs de notre économie traditionnelle45
. Chacun des outils présentés
précédemment représente des potentielles réponses aux problématiques de notre économie
actuelle et future.
Initialement, la Blockchain a été créée dans le but d’effectuer des transactions
indépendamment d’un organe central de contrôle. Aujourd’hui, son usage est envisagé dans
de nombreux secteurs économiques46
:
- L’Assurance : Au sein du secteur de l’Assurance, le technologie Blockchain est envisagée
dans le but d’automatiser les transactions grâce aux Smart contracts qui permettent de
réduire les frais de structure des assureurs47
.
- L’État : Afin d’augmenter la fluidité et la traçabilité des données des citoyens, des pays,
comme l’Estonie, sont en train d’envisager l’utilisation de la Blockchain. Ceci
permettrait aussi la standardisation des données au sein même des différentes entités
d’État et de donner accès ou non à certaines informations au sein de ces organismes48
.
- Le Retail et le Luxe : Confrontés à des problématiques de traçabilité, autant en amont
de la production qu’en aval, la Blockchain pourrait permettre d’établir des certifications
pour chaque produit et favoriser l’optimisation des actions de productions49
.
- Les Médias : Au niveau mondial, la digitalisation des médias a donné lieu à de nouveaux
défis et notamment à la gestion des droits d’auteur et à la traçabilité de l’information.
La Blockchain pourrait rendre possible la création d’une base de données mondiale
accessible partout dans le monde ce qui permettrait de fluidifier les transactions de
contenu50
.
44
Technologie d’application générale.
45
DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur.
Éditions EYROLLES, 2019. p.187
46
Ibid. p.190
47
Brandvoice. « Les assurances et la Blockchain : qu’est-ce que cela peut donner ? »
48
PERREAU, Charlie. « Comment l'Estonie décentralise son administration avec la Blockchain ». Journal du net.
49
BOUBLIL Frédéric et SAVARD Antoine. « Blockchain et Retail : quels usages, quelles perspectives ». Stanwell
Insight.
50
BLOCKCHAIN PARTNER. « [Blockchain Business Cases] La Blockchain utilisée par l’industrie du cinéma
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
25
3.4. La création de crypto-actifs innovants et l’émergence de
nouveaux business models
Aurions-nous pensé, il y a dix ans, qu’une personne achèterait « un usage potentiel
futur d’un produit » comme au sein des ICO aujourd’hui ? Aurions-nous pensé pouvoir nous
passer des banques pour financer un projet ? La création de ces nouveau crypto-actifs
innovants nous permet d’entrevoir toutes les potentialités économiques et commerciales de la
Blockchain. De nouveaux business models émergent.
Slock.it51
est une entreprise qui combine les objets connectés de notre quotidien à la
Blockchain. « Avec un smart contract et une serrure connectée, plus besoin d'Airbnb : le
locataire passe son smartphone devant le verrou pour entrer dans l'appartement. A la fin de la
période de location, les portes se reverrouillent automatiquement » (Stephan Tual, cofondateur
de la start-up)52
. Grâce à cette technologie, la commission de 15% habituellement prise par
Airbnb passe à 1% grâce à cette solution.
Certaines économies sont en train de se transformer et utilisent la Blockchain du fait de
son réseau distribué, sécurisé et stable. Maintenant, l’appréhension, l’adaptation et l’évolution
de nos standards économiques, financiers, réglementaires et juridiques vont être
déterminants, car comme toute innovation, la technologie Blockchain n’est pas encore parfaite
et de nombreuses difficultés restent encore en suspens.
51
SLOCK.IT, site officiel de la société.
52
LE CLUB DU BITCOIN. « Comment la Blockchain va créer de nouveaux business ». Capital.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
26
4. Les inconvénients et difficultés encore à résoudre au sein
de la Blockchain
4.1. Une technologie encore méconnue
Tout d’abord, même si la Blockchain a été créée en 2008, elle reste encore méconnue
du grand public53
. Créée pour être utilisée à grande échelle, les utilisateurs finaux ne sont pas
encore au fait des capacités de cette nouvelle technologie et ne saisissent pas encore son
utilité. Sont-ils réticents aux nouvelles technologies en général ? Ont-ils besoin de temps pour
appréhender les notions ? Ont-ils eu l’impression d’avoir à faire au nouveau « buzz word » ?
Peu importe. Faire comprendre les applications potentiellement révolutionnaires de la
Blockchain reste un défi pour sa communauté, afin de démocratiser son utilisation.
4.2. La fin des tiers de confiance ou un simple déplacement de
ces derniers ?
L’application de la Blockchain à notre société sera un véritable défi. Cette technologie
qui se veut sans tiers de confiance, va devoir répondre de son activité aux organes
décisionnaires de tous les pays. Si elle ne le fait pas, les organes décisionnaires n’auront aucun
intérêt à lui apporter leur soutien. De plus, les intermédiaires actuels, comme les banques,
n’ont pas de réel intérêt à ce que cette technologie voie le jour54
. Du fait du fort pouvoir des
banques sur les organes décisionnaires, certains pensent même que le secteur financier
pourrait essayer de réduire l’utilisation de la Blockchain, sa disponibilité ou même essayer de
l’interdire. Deux choix s’offrent donc à la communauté Blockchain :
- Coopérer avec les organes décisionnaires de tous les pays afin que celle-ci puisse être
à terme démocratisée ; mais cela signifie que son idéologie anarchiste devra être
modifiée afin d’accepter des organes d’autorité.
- Garder sa philosophie anarchiste avec l’impossibilité donc de rendre cette innovation
accessible à tous.
53
FORBES. « Blockchain : les 5 inconvénients de cette technologie ».
54
Ibid.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
27
4.3. Une technologie à ses prémices : sécurité versus
efficacité.
Comme toute innovation, la technologie Blockchain n’est pas encore parfaite et certains
s’interrogent sur sa capacité à faire face aux attaques. Même si la sécurité au sein des systèmes
Blockchain est très importante, un sujet fait débat au sein de la communauté Blockchain « les
attaques à 51% ». « Une telle attaque peut se produire si une entité parvient à contrôler plus de
50% de la puissance de hachage du réseau, ce qui permettrait éventuellement de perturber le
réseau en excluant ou en modifiant intentionnellement l'ordre des transactions »55
. Ces
attaques ne pourraient modifier que pendant un court moment les transactions récentes. Les
blocs étant liés par des preuves de travail, modifier une information ancienne nécessiterait une
puissance de calcul quasi-impensable. Ces attaques sont aujourd’hui envisageables au vu de la
taille de certains réseaux car « une fois qu'une Blockchain est devenue suffisamment grande, la
possibilité qu'une seule personne ou un groupe obtienne une puissance de calcul suffisante pour
submerger tous les autres participants atteint rapidement des niveaux invraisemblables »56
. Un
risque d’attaque existe donc, et la communauté cherche aujourd’hui des solutions pour
empêcher qu’elles se produisent.
Aujourd’hui, l’une des solutions utilisées pour sécuriser davantage le réseau et
empêcher ces attaques est la complexification des calculs de validation ou preuve de travail. Le
problème est que cette complexification entraîne une baisse d’efficacité du réseau de la
Blockchain :
1. Les nœuds sont à nouveau à la recherche d’une forte puissance de calculs et utilisent
de grande quantité d’énergie pour y arriver.
2. La validation d’une transaction, qui se voulait rapide, est parfois plus lente que les
systèmes de paiement traditionnels.57
D’autres solutions technologiques sont donc à trouver afin que les réseaux Blockchain n’aient
pas à choisir entre la sécurité et l’efficacité.
55
BINANCE ACADEMY. « Avantages et inconvénients de la Blockchain »
56
BINANCE ACADEMY. « Qu’est-ce qu’une Attaque à 51% ? ».
57
FORBES. « Blockchain : les 5 inconvénients de cette technologie ».
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
28
4.4. Le besoin en stockage nécessaire à son développement
La démocratisation de la Blockchain inquiète du fait de son important besoin en espace
de stockage. « La Blockchain Bitcoin nécessite actuellement environ 200 Go de stockage » 58
et
« la croissance actuelle de la taille de la Blockchain semble dépasser celle des disques durs ». Le
développement de la Blockchain pourrait donc se voir ralenti du fait que certains utilisateurs
ne puissent se fournir en espace de stockage nécessaire. La communauté Blockchain doit donc
faire face à ce problème, afin que tous les nœuds du réseau soient capables de stocker le
registre59
, pour que cette technologie puisse être démocratisée.
58
BINANCE ACADEMY. « Avantages et inconvénients de la Blockchain »
59
Ibid.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
29
Pour conclure, la technologie Blockchain découle de l’évolution des formes de
transactions depuis des milliers d’années et s’explique grâce à l’histoire de notre monnaie et
de nos moyens de transactions. La confiance en une monnaie réside dans la confiance accordée
à la puissance politique qui la contrôle, et c’est donc grâce à cette confiance en l’État que nous
utilisons ou pas un système de transactions.
Derrière la philosophie Blockchain apparentée à une idéologie anarchiste, réside une
véritable remise en cause de notre système de confiance. Avec la création de la Blockchain, la
confiance ne résiderait plus en l’Homme mais au sein de la technologie. La Blockchain est
simplement une conséquence de la volonté de réduire l’erreur humaine, en proposant un
système global de transactions, dont la confiance est basée sur la technologie.
La Blockchain est un système permettant d’effectuer des transferts d’actifs via une
monnaie digitale, de manière sécurisée, sans dépendre d’un organe central de contrôle qui
valide ou non les transactions. L’utilisation d’un réseau décentralisé assure le processus de
validation et de sécurisation des transactions, grâce aux innovations technologiques telles que
la fonction Hash et le réseau pair-à-pair. Cela fait de la Blockchain un réseau distribué, sécurisé
et stable, qui ne nécessite pas de confiance entre les utilisateurs et qui élimine les risques liés
à la centralisation de la responsabilité.
Plusieurs outils découlent de la création de la technologie Blockchain : les crypto-
monnaies, les tokens, les différents types de Blockchain (publiques, permissionnées, et privées)
les Smarts contracts, les oracles, les DApps, les DAO (Decentralized Autonomous Organisation),
les ICO (Initial Coin Offering) et les STO (Security Token Offering). Tous ces outils permettent
de répondre aux difficultés actuelles de plusieurs secteurs économiques de notre société, tels
que l’Assurance, l’État, le Retail, le Luxe, les Médias. Ils permettent aussi la création de crypto-
actifs innovants et l’émergence de nombreux business models.
Malgré ses nombreux avantages, la technologie Blockchain reste une innovation
récente, encore méconnue du grand public, qui doit régler plusieurs conflits au sein de sa
communauté. La Blockchain doit aussi s’intégrer au sein des législations afin de pouvoir être
accessible au plus grand nombre.
Ces inconvénients ne remettent pas en cause la Blockchain. Même si le chemin vers une
adoption par le grand public paraît encore long, l’attirance de certains secteurs pour cette
technologie est très prometteuse.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
30
I. État des lieux du financement des œuvres audiovisuelles
en France
Afin de comprendre pourquoi l’industrie audiovisuelle française aurait besoin de
nouvelles solutions de financement, nous ferons, dans cette prochaine partie, un état des lieux
du financement des œuvres audiovisuelles en France. Il sera aussi question d’identifier d’autres
besoins liés à ces actuelles méthodes de financement.
A. Comment se finance une œuvre audiovisuelle
aujourd’hui ?
Pour l’élaboration d’une œuvre audiovisuelle, plusieurs étapes sont nécessaires. Tout
d’abord, il y a l’émergence d’une idée puis le développement du scénario. Sauf dans le cas
d’une commande par un producteur, l’auteur ne perçoit pas de rémunération immédiate. C’est
lors de l’aboutissement du scénario ou selon l’avancement des différentes versions de ce
dernier, que celui-ci sera mis sur le marché et potentiellement cédé au producteur contre
rémunération.
Par la suite, le producteur va commencer à construire le projet. C’est la phase de pré-
production. Cette dernière consiste en la recherche d’un réalisateur, de financements,
l’élaboration du casting, des décors et la planification du tournage. Ensuite, le projet entre en
phase de production : c’est à ce moment que le tournage a lieu. Pour finir, le producteur doit
rassembler les éléments pour le montage : c’est la phase dite de post-production.
Tout au long de ces trois phases, le producteur est amené à embaucher les équipes
artistique et technique mais aussi des prestataires de services. C’est à cause de ce besoin
permanent de trésorerie que le producteur doit élaborer en amont une stratégie de
financement, pour que chaque étape puisse se dérouler de manière optimale. Le besoin en
financement est donc présent tout au long du processus d’élaboration d’une œuvre
audiovisuelle.
Plusieurs acteurs du financement existent et nous allons les étudier dans cette
prochaine partie.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
31
B. Les acteurs du financement
Il existe aujourd’hui de nombreux acteurs du financement d’œuvres audiovisuelles,
nous essayerons dans cette partie de présenter les principaux.
i. Le(s) producteur(s) de l’œuvre audiovisuelle
Le producteur de l’œuvre audiovisuelle, aussi appelé producteur délégué, est
responsable du bon déroulement de la production de l’œuvre de fiction. Il garantit
l’aboutissement du projet auprès de ses partenaires et assume les responsabilités financières
et juridiques. Financièrement, il est l’un des principaux financiers du film et apporte 1/4 à 1/3
du budget.60
Différence entre producteur délégué et producteur exécutif
D’après l’Article 132-23 du code de la propriété intellectuelle, « le producteur de l’œuvre
audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de
la réalisation de l’œuvre. »61
Ce dernier ne doit pas être confondu avec le producteur exécutif,
qui ne détient pas des droits sur l’œuvre. Il est choisi par le producteur délégué « pour
encadrer une partie ou l’ensemble de la production. (…) Il est présent sur le terrain pour
préparer le film (réunir tous les moyens techniques et humains), gérer les contrats, pendant
le tournage (tenue du calendrier, suivi de l’avancement) et jusqu’à la post-production. »62
Comme il ne peut fournir l’ensemble des besoins financiers, le producteur va établir un plan de
financement. « Ce plan va présenter son apport personnel, les apports des différents diffuseurs,
les éventuelles sociétés en coproduction, ainsi que les aides publiques et les autres soutiens tels
que les SOFICAs. »63
60
BNP PARIBAS. « Cinéma : quels sont les acteurs du financement d'un long métrage ? »
61
FRANCE, Code de la propriété intellectuelle, Article L132-23.
62
PAUME, Florian. « Les différents types de producteurs ». Retour vers le cinéma.
63
Apprendre le cinéma. « Le producteur du film ou le producteur délégué »
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
32
Le(s) co-producteur(s)
Les co-producteurs sont des personnes physiques ou morales qui apportent, elles aussi, des
fonds au projet, en contrepartie d’une partie des droits de propriété sur l’œuvre. Cette
contrepartie leur permettra, comme au producteur, de toucher un pourcentage sur les
recettes de l’œuvre.
ii. Les distributeurs et les diffuseurs
Deux types de sociétés se chargent de faire connaître l’œuvre au public :
- Les distributeurs
- Les diffuseurs
1. Les distributeurs
Les distributeurs sont responsables :
- De commercialiser une œuvre de fiction (achat des droits, duplication des copies,
négociations avec les diffuseurs, festivals, vente internationale de l’œuvre à des
distributeurs internationaux…)
- D’en faire la publicité (établissement d’un plan-média et de partenariats, relation-
presse…)
Par ailleurs, les distributeurs sont souvent en charge de la gestion des droits des œuvres de
fiction qu’ils distribuent (durée de la cession de droits, limite géographique ou linguistique de
la cession de droits, chronologie des médias64
…). Comme nous l’avons vu, le producteur est
l’ayant-droit ultime, mais il confie au distributeur un certain nombre de droits et fait de lui son
mandataire. En échange, les profits générés (recettes en salle, ventes en vidéo…) seront
répartis entre le distributeur et le producteur.
64 Chronologie des médias : règle définissant l'ordre et les délais dans lesquels les diverses exploitations d'une œuvre
peuvent intervenir. Ce n'est qu'après une durée déterminée en salles que les autres exploitations (vidéo, télévision...) sont
autorisées.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
33
2. Les diffuseurs
Les diffuseurs sont les dernières sociétés qui permettent au public de pouvoir regarder
l’œuvre de fiction : salles de cinéma, détaillants (Dvd, Blu-ray…), télévision, plateforme de
distribution (VoD), etc. En fonction du public qu’elle souhaite toucher, une œuvre de fiction
peut bénéficier successivement de plusieurs moyens de diffusion. Pour un long-métrage par
exemple, ce dernier sortira en salle, sous forme de Dvd, sur une chaîne de télévision et sur des
plateformes de VoD. Les recettes de l’œuvre de fiction seront réparties entre le diffuseur, le
distributeur et le producteur.
3. Le préachat d’une œuvre audiovisuelle
Le schéma ci-dessous, de Jérôme Pons, présente la chaîne de transmission d’une œuvre
audiovisuelle65
.
En fonction du diffuseur qu’il souhaite atteindre, le producteur va passer par différents
distributeurs ou n’en choisir aucun. Pour atteindre les salles de cinéma, un producteur devra
65
PONS, Jérôme. « La mise en œuvre de la Blockchain et des smart contracts par les industries culturelles »
(Août 2017).
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
34
établir un contrat de distribution avec un distributeur également exploitant de nombreuses
salles de cinéma (exemples : Gaumont, Pathé, etc.). Pour atteindre les détaillants, les
plateformes ainsi que la télévision, le producteur devra se diriger vers un distributeur de
physique ou de numérique (exemple : StudioCanal). Enfin, lorsqu’un producteur réalisera une
œuvre de fiction pour la télévision, il contactera directement une chaîne de télévision.
Avant d’engager la production d’une œuvre de fiction, le producteur va essayer de céder en
amont les droits d’exploitation de l’œuvre à des distributeurs et à des diffuseurs (dans le cas
d’une œuvre télévisuelle). On parle ici de contrats de préachat : ce sont des accords conclus et
exécutés avant que l’œuvre ne soit produite. Ils sont fondés sur la viabilité du projet ainsi que
sur sa force artistique et son marketing. Ce type d’accord permet :
- Soit de souscrire un prêt bancaire en utilisant l’accord comme garantie ;
- Soit de recevoir à l’avance un paiement du distributeur, à un tarif réduit, appelé
minimum garanti (MG).
Un minimum garanti « constitue une avance financière sur les recettes futures du film, avance
payée par le ou les mandataire(s) (distributeurs salles, exportateurs, éditeurs vidéo, etc.) au
producteur délégué, en contrepartie d’une cession de droits d’exploitation du film. Un MG peut
correspondre à un ou plusieurs marchés d’exploitation du film. »66
« On distingue 3 types de MG
en fonction du support d'exploitation concerné :
• MG Salles : avance sur les recettes des salles de cinéma en France,
• MG Vidéo : avance sur les recettes d'exploitation DVD, Blu-Ray et VoD en France,
• MG International (ou Étranger) : avance sur les ventes à l’international. »67
Dans le cas précis des chaînes de télévision, ces dernières ont pour obligation de « consacrer
une part de leur chiffre d’affaires à la production »68
. Elles assument souvent un rôle de co-
producteur ou bien leur obligation prend « la forme de préachat de droits d'une ou de plusieurs
diffusions du film sur leur antenne sur une période donnée ».
66
CNC. Etude du CNC : « L’économie des films français ». Décembre 2013.
67
MOVIES ANGELS. « Quelques notions de financement de la production ». 2015.
68
Ibid.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
35
iii. Les aides régionales, nationales et européennes
1. Le CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée)
Le système de soutien financier de l’industrie audiovisuelle française est unique au
monde. Il est basé sur le principe que « toute personne qui tire profit de la diffusion d'œuvres
cinématographiques et audiovisuelles doit contribuer à la création de ces œuvres »69
Cela
signifie que l’audiovisuel est d’abord financé en interne par les acteurs du secteur : salles de
cinéma et chaînes de télévision principalement. Les contributions de ces acteurs sont collectées
sous forme de taxes et gérées par le CNC70
dans le but d’aider trois économies distinctes : celle
du cinéma, celle de l’audiovisuel et celle du multimédia.
Bien que le CNC ait diverses ressources pour financer ses soutiens, les taxes
représentent plus de 75% de son budget. Il y existe trois taxes spécifiques :
• La TSA (taxe spéciale additionnelle) : elle est prélevée sur les recettes de la billetterie
des salles de cinéma et représente 10,72% du prix de l’entrée en salle de spectacles
cinématographiques.
• La TST (taxe sur les services de télévision) : elle concerne toutes les sociétés ayant une
activité d’éditeur et/ou de distributeur de services de télévision et est calculée sur le
chiffre d’affaires des sociétés. En 2015, elle représentait 76% du total des taxes perçues
par le CNC71
.
• La « taxe sur les éditeurs vidéo » (ventes et locations de vidéo physique ou
dématérialisée) : elle représente 2% du prix de vente d'une vidéo. Au vu de l’évolution
du marché de la vente et de la location de vidéos, cette taxe a dû être adaptée aux
nouvelles habitudes de consommation. Aujourd’hui, « toutes les plateformes de vidéos,
payantes ou gratuites, qu'elles soient établies en France ou à l'étranger, seront soumises
aux mêmes règles fiscales. »72
69
ASM BOURDON, Léa. « Le rôle du CNC dans le financement du cinéma en France ». MEDIAPART. 2016.
70
Centre National du Cinéma et de l'image animée - établissement public administratif créé en 1946 et rattaché
au Ministère de la culture depuis 1959
71
ASM BOURDON, Léa. « Le rôle du CNC dans le financement du cinéma en France ». MEDIAPART. 2016.
72
CNC. « Une grande victoire pour l’exception culturelle » (21 Septembre 2017)
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
36
En 2018, le CNC a pu soutenir les filières du
cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia à
hauteur de 803,5 millions d’euros73
dont 358,5
millions d’euros pour le cinéma et 305,9
millions d’euros pour l’audiovisuel. « Le
produit brut des taxes affectées au fonds de
soutien s’est élevé à 674,8 M€, stable par
rapport à 2017 (675,0 M€). »74
2. Le crédit d’impôt
Même s’il existe beaucoup de dispositifs transversaux, il paraît important de présenter
un dispositif en particulier : le crédit d’impôt. Créé en 2004, le crédit d’impôt a pour objectif
d’inciter la localisation de tournages de films en France. Il permet à une société de production
de déduire de son imposition une partie des dépenses liées à l’œuvre. Il existe aujourd’hui trois
crédits d’impôt pour les œuvres audiovisuelles75
:
- Le crédit d’impôt cinéma (142 films représentant 804 millions d’euros de dépenses en
France en 2017)
- Le crédit d’impôt audiovisuel (1 554 heures de programmes représentant 995 millions
d’euros de dépenses en France en 2017)
- Le crédit d’impôt international (52 projets représentant 222 millions d’euros de
dépenses éligibles en France en 2017)
D’après le CNC, le crédit d’impôt a permis une relocalisation massive des tournages en France.
En 2015, la délocalisation des tournages était de 27% contre 12% en 2017.
73
CNC. Bilan 2018.
74
Ibid.
75
CNC. « Crédits d’impôt : + 600 M€ d’activité supplémentaires en 2017 » (15 Février 2018)
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
37
3. Les aides régionales
Les régions soutiennent elles aussi l’audiovisuel et le cinéma grâce à la collaboration
« CNC/État/Région ». Généralement, le soutien est réalisé par des subventions régionales
accordées à la suite de l’étude du dossier par un comité. Ces subventions ne sont pas
remboursables : en contrepartie, le producteur s’engage à réaliser une partie des dépenses
dans la région. En 2019, au travers du dispositif CNC/État/Région, 2125 aides ont été accordées
par l'ensemble des collectivités territoriales, soit plus de 83 millions d’euros de crédits76
.
4. Les aides européennes
Au niveau européen, il existe deux principaux programmes d’aide pour l’industrie du
cinéma et de l’audiovisuel.
Tout d’abord, le programme MEDIA fait partie du programme Europe Créative
développé par l’Union Européenne. Il est destiné aux secteurs culturels et créatifs. Au sein du
volet MEDIA, environ 20 dispositifs de soutiens financiers sont proposés aux producteurs,
distributeurs, organismes de formations… 77
. De 2014 à 2018, le programme a investi dans les
structures françaises 115 millions d’euros, soit 21% de son budget. Ces fonds ont permis de
soutenir 440 projets français. Ce programme soutient aussi la mobilité des œuvres
audiovisuelles : « En 2017, 124 films français ont bénéficié d’un soutien à la distribution en salle
dans 29 pays européens et 85 films de 22 pays européens aidés pour leur sortie en France. »78
Ces aides sont particulièrement demandées, ce qui pousse les candidats à faire du lobbying
auprès des décisionnaires et à construire leur plan de financement en fonction des règles et
régulations de ce programme79
.
Un autre programme existe au niveau européen : Eurimages. C’est un Fonds du Conseil
de l'Europe qui encourage la coopération entre professionnels issus de différents pays
européens (coproduction, distribution, exploitation d'œuvres cinématographiques
européennes). « Eurimages dispose d’un budget annuel de 26 millions d’euros. Cette enveloppe
76
Ciclic Centre-Val de Loire. « Les tendances de l’année 2019 »
77
CNC. « Ressources auteurs : aides financières : les aides régionales, nationales et européennes » (21 Juillet
2010)
78
RELAIS CULTURE EUROPE. « Europe Créative MEDIA et l’audiovisuel français » (Mai 2018)
79
GAUBERTI, Annabelle. « Financement de films | Comment financer la production de votre film ? » (2016)
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
38
budgétaire se compose essentiellement de la contribution de chacun des États membres et du
remboursement des soutiens accordés. »80
Le soutien d’Eurimages est :
- Soit une avance sur recettes (pour les co-productions qui remboursent ce soutien grâce
aux recettes générées par le projet)
- Soit une subvention (pour la distribution en salles et l’exploitation)
iv. Les SOFICA (Société pour le financement de l’industrie
cinématographique et audiovisuelle)
Les SOFICA81
sont des « sociétés d’investissement destinées à la collecte de fonds privés
consacrés exclusivement au financement de la production cinématographique et
audiovisuelle. » Elles collectent des fonds auprès des particuliers qui, grâce à la souscription à
des parts de SOFICA, peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu allant jusqu’à
48 % du montant souscrit82
. Chaque année, des SOFICA sont agréées pour l’investissement en
N+1. En 2019, 12 SOFICA ont été agréées pour un total de 63 070 000 d’euros83
.
L’intervention des SOFICA est un soutien essentiel pour les producteurs indépendants,
mais ne représentent qu’une petite partie des devis (en moyenne 7 % en 2017). De plus, les
SOFICA concernent principalement l’industrie cinématographique et ne consacrent que 14%
de leur budget au secteur de l’audiovisuel. Le secteur de l’animation est lui aussi peu
représenté avec seulement 9%. Les SOFICA sont donc complémentaires d’autres sources de
financement privés et sont des partenaires précieux car elles permettent « le bouclage du plan
de financement de l’œuvre et apporte leur contribution très tôt, sans qu’il soit besoin de solliciter
des avances auprès des banques, à l’inverse des préventes télévisuelles ou des à-valoir
distributeurs. »84
80
CONSEIL DE L’EUROPE. « EURIMAGES - Fonds de Soutien au Cinéma Européen »
81
Créés par la loi du 11 juillet 1985
82
CNC. « Les SOFICA : Un dispositif original de financement du cinéma et de l’audiovisuel »
83
CNC. « Les SOFICA agréées en 2019 pour les investissements en 2020 »
84
CNC. « Les SOFICA : Un dispositif original de financement du cinéma et de l’audiovisuel »
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
39
v. Les banques et l’IFCIC (Institut pour le financement du
cinéma et des industries culturelles)
Les banques sont un des moyens de financement d’une œuvre audiovisuelle.
Généralement, elles permettent de boucler le plan financement avec des prêts. Du fait de la
spécificité des plans de financement au sein de l’industrie audiovisuelle, l’IFCIC a été créé en
1983 avec la mission d’intérêt général de « faciliter l'accès au crédit bancaire des entreprises
des secteurs culturels et créatifs. »85
Cette mission est remplie par l’IFCIC qui apporte des
garanties de crédits et une participation au risque, avec une profonde analyse du financement
du projet culturel. « L’institut peut garantir, avec l’aide du CNC, du ministre de la Culture et de
la Banque de France, un montant total annuel de crédits de l’ordre de 720 millions d’euros »86
.
L’IFCIC ne s’adresse pas qu’au
secteur de l’audiovisuel et du cinéma
mais aussi à la musique, au spectacle
vivant, à la mode, aux livres, à la presse,
etc. 87
; mais ces deux secteurs restent
les plus concernés par l’activité de
l’IFCIC.
vi. D’autres méthodes de financement développées ces
dernières années
1. Le placement de produit
Le placement de produit consiste à rendre visible un produit à l’écran. Ce type de
publicité est parfois moins cher pour les marques qu’une publicité classique à la télévision ou
sur papier. En échange de cette mise en avant à l’écran, les marques rémunèrent le producteur.
85
IFCIC. « Présentation de l’IFCIC »
86
DOURNEAU, Martin. « Les aides publiques au cinéma français : indispensables mais complexe ». La revue des
médias. (Octobre 2015)
87
IFCIC. « Rapport d’activité 2018 »
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
40
En termes de financement des œuvres audiovisuelles, le placement de produit représente une
part croissante des financements88
. Les œuvres audiovisuelles bénéficiant de ce type de
financements sont nombreuses mais doivent correspondre à une « marketabilité » forte, et la
marque peut avoir des exigences sur la réalisation de l’œuvre. Un exemple connu de placement
de produit a été réalisé par la marque Heineken. Il s’agissait moyennent 150 millions de dollars,
que dans le James Bond Skyfall, le héros soit un buveur de bière.
2. Le Crowdfunding
Le crowdfunding est une méthode de lever de fonds par internet qui récolte des
contributions auprès de particuliers. Les particuliers peuvent faire de simples dons - on parle
alors de Crowdfunding caritatif - ou être rémunérés :
- Soit en nature (œuvre dédicacée, affiches, rencontre avec l’équipe artistique) : on parle
alors de Reward-based Crowdfunding.
- Soit avec des intérêts : on parle alors de Lending Crowdfunding
- Soit avec des droits à recette sur les bénéfices espérés : on parle alors d’Equity-based
Crowdfunding
Il existe aujourd’hui de nombreuses plateformes qui permettent à des porteurs de projet de
lever des fonds selon les modalités citées ci-dessus.
Ce type de financement est en perpétuelle croissance en France avec 336 millions
d’euros levés en 2017. Concernant l’audiovisuel, cette méthode est de plus en plus utilisée par
les productions pour boucler le budget. Par exemple, d’après le site de We Love Cinema by BNP
Paribas, « la comédienne Michèle Laroque a ainsi récolté 400 000 euros pour son film Jeux
dangereux (2013). De même, Polisse (2011) de Maïwenn, ou le premier film d’Audrey
Dana, Sous les jupes des filles (2014), ont également fait appel à la générosité des
internautes. »89
88
GAUBERTI, Annabelle. « Financement de films | Comment financer la production de votre film ? » (2016)
89
WE LOVE CINEMA by BNP PARIBAS. « Le crowdfunding au cinéma : financez les films et séries dont vous
rêvez »
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
41
C. Une industrie de plus en plus dépendante des financements
publics stricto sensu.
i. Des chiffres rassurants qui reposent sur un système
particulièrement régulé
D’après le bilan de Frédérique Bredin, ancienne présidente du CNC, en mars 2019, les
films français ont réalisé une performance exceptionnelle en termes de part de marché,
comparé aux autres grands films européens : 40% en 2018 pour les films français contre 12%
au Royaume-Uni et 24% en Italie. De plus, les films français ont aussi une production dynamique
avec 237 films en 2018. L’ancienne présidente du CNC précisait aussi que la France était « au
cœur de la création cinématographique mondiale, grâce à de nombreuses coproductions »90
.
Les films français ont aussi une durée de vie de plus de 10 ans avec 40% des recettes qui sont
réalisées après la première année d’exploitation. Tous ces chiffres nous montrent donc les
actuels dynamisme et force de l’industrie cinématographique française.
D’après le rapport de Dominique Boutonnat, président du CNC, malgré ces chiffres
rassurants, « à l’été 2018, les filières cinématographique et audiovisuelle sont unanimes sur les
signes indiquant une transformation radicale des conditions de financement de la création
française. »91
Depuis quelques années, beaucoup de facteurs témoignent de cette évolution :
baisse du budget moyen des films, difficultés économiques des distributeurs, baisse de la
capacité d’investissement des diffuseurs, arrivée en puissance des plateformes numériques qui
viennent modifier les habitudes de consommation des Français.
Dans ce contexte, comment l’industrie cinématographique parvient-elle encore à
réaliser de belles performances ? Selon Dominique Boutonnat, « cette situation a jusqu’à
présent été relativement atténuée par un système particulièrement régulé »92
. Comme nous
l’avons vu précédemment, il existe aujourd’hui de nombreux acteurs du financement qui sont
90
CNC. « Bilan cinéma 2018 : une production unique en Europe » (18 mars 2019)
91
BOUTONNAT, Dominique. « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution
cinématographiques et audiovisuelles » (Décembre 2018)
92
Ibid.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
42
en lien avec le domaine public. Les normes et les régulations construites pour le cinéma sont
nombreuses93
:
- Obligations des diffuseurs à préfinancer des œuvres ;
- Aides du CNC, des collectivités locales et de l’Union européenne ;
- Fiscalité adaptée (TVA à taux réduit, taxes spécifiques, crédits d’impôt, réductions
d’impôt sur le revenu avec les SOFICA) ;
- Garanties de prêts grâce à l’IFCIC ;
- Régulation des relations entre acteurs de l’industrie.
D’après Dominique Boutonnat, « dans le secteur du cinéma, les financements publics stricto
sensu (hors investissements des diffuseurs) représentent désormais près d’un quart des
financements de la production. Ils ont donc déjà atteint un haut niveau d’intensité qu’il paraît
difficile d’augmenter davantage, compte tenu des contraintes budgétaires de l’État. »94
Les
financements publics ont donc atteint leur maximum et semblent ne pas pouvoir aller au-delà
de ce niveau.
ii. Une stabilité des investissements dans la production avec
une baisse très significative des financements privés
D’après le CNC, les investissements dans la production cinématographique française se
sont stabilisés ces dernières années et se maintiennent à un niveau élevé95
: 957 millions
d’euros96
. Depuis 2018, le soutien du CNC s’est aussi stabilisé et les régions ont augmenté leurs
contributions. La totalité de ces aides permet de maintenir la diversité de la production
française et impacte positivement l’économie tant au niveau national que régional ; mais
comme nous l’avons vu précédemment, les contributions publiques stricto sensu ont atteint
un niveau qu’il sera difficile d’augmenter dans les prochaines années.
93
BOUTONNAT, Dominique. « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution
cinématographiques et audiovisuelles » (Décembre 2018)
94
Ibid.
95
En effet, le devis moyen d’un film français (4 millions d’€) est presque deux fois supérieur aux devis des autres
pays européens.
96
CNC. « Bilan cinéma 2018 : une production unique en Europe » (18 mars 2019)
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
43
En parallèle de cela, et malgré cette stabilisation des investissements, « le système de
financement du cinéma français traverse une importante zone de turbulences »97
En effet,
depuis quelques années, les financements privés sont en baisse avec notamment une
diminution significative des financements des chaînes de télévision. D’après le bilan 2018 de
l’ARS (Association de Représentation des SOFICA), il s’agit de -22,5% au global par rapport à
2017, -31,8% pour les chaînes payantes et notamment -23,6% pour Canal Plus. De plus, les
minima garantis avec les distributeurs (mandataires) sont, eux aussi, en nette diminution « avec
un montant total en baisse de -30,3% par rapport à 2017 et un apport moyen par film en baisse
de -22%. »98
L’investissement des SOFICA – Bilan 2018
Le financement de l’industrie cinématographique française arrive donc à un tournant
décisif où les financements publics ne peuvent plus augmenter et où les financements privés
se réduisent. Afin de maintenir ce haut niveau de production et de diversité, de nouvelles
alternatives au financement doivent être trouvées.
97
ARS. « L’investissement des SOFICA : Bilan 2018 »
98
Ibid.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
44
iii. Dépendance à l’argent public : quel avenir ?
D’après un article du Figaro publié le 19 mars 2019, pour répondre à la baisse des
financements provenant des chaînes de télévision et des distributeurs, l’industrie
cinématographique s’est pour l’instant tournée vers le financement public. En effet, d’après le
Bilan annuel 2018 du CNC, « si on ajoute au crédit d'impôt, les aides des collectivités locales et
les aides du CNC, la part de l'argent public dans la production d'un film passe de 15,6 % en 2012
à 22,3 % en 2018 »99
Cette augmentation est principalement due à la part du crédit d’impôt qui
a doublé entre 2012 et 2018. Bien que le crédit d’impôt attire les tournages sur le sol français
et qu’il produit des effets positifs sur l'emploi en France, il conduit tout de même « le cinéma
français à dépendre de plus en plus de l'argent public. »
Comme l’a très bien défini Ludovic Bottallo (agent d’artiste chez Time Art) lors d’un de
nos entretiens, « le marché du cinéma est en fait sur une ligne de crête. A partir du moment où
il y a n’importe quel problème, on bascule »100
. Cela a été le cas quand Canal + a retiré ses
financements suite à la perte des droits sportifs ; et c’est le cas aujourd’hui quand le pays
s’arrête à cause de l’épidémie. En l’espace de deux mois de confinement, ce sont 150 millions
d’euros qui n’ont pas été récoltés par le CNC via les taxes spécifiques et ce sont donc 150
99
RENAULT, Enguérand. « Le cinéma français de plus en plus dépendant de l'argent public ». Le Figaro. (19 mars
2019)
100
BOTTALLO, Ludovic. Entretien téléphonique du 4 mai 2020.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
45
millions d’euros qui ne pourront être investis dans le cinéma. Pour faire face à ces
bouleversements, l’industrie a tendance à créer de nouvelles réglementations pour le contrer.
Mais est-ce vraiment la solution ? Ne serait-il pas mieux d’essayer de créer « une économie plus
structurée et plus stabilisée »101
qui pourra plus facilement faire face aux changements ?
Après l’épisode dramatique que nous venons de vivre à cause de l’épidémie du
Coronavirus, il est clair que les économies nationale et mondiale vont en pâtir dans les
prochaines années et que les réglementations vont se durcir très prochainement afin de
répondre au mieux à la crise économique et sociale qui est en train de se mettre en place. Bien
que l’exception culturelle française soit importante pour la création artistique, l’industrie
cinématographique et audiovisuelle ne peut compter sur le fait qu’elle sera une priorité pour
les gouvernements à venir. Afin de conserver le niveau de qualité et d’indépendance de
l’industrie actuelle, il faut que cette dernière trouve des alternatives privées efficaces.
D. D’autres difficultés au sein de l’industrie audiovisuelle qui
suscitent de nouveaux besoins
i. Une industrie pas comme les autres : l’art vs. l’économie.
Avant de définir les alternatives de financement privé possibles pour l’industrie du
cinéma, il est important de définir ce qui en fait une industrie pas comme les autres.
Tout d’abord, l’audiovisuel est un art. Plusieurs types d’œuvres peuvent donc être
produites et toutes ne poussent pas la rentabilité à son maximum. En effet, produire une œuvre
audiovisuelle demande de trouver le juste milieu entre les contraintes économiques et la
création artistique. L’industrie audiovisuelle n’est donc pas par définition une industrie à la
recherche de profit et donc ne correspond pas parfaitement aux investisseurs privés cherchant
un taux de rentabilité garanti et élevé. Son lien avec le secteur public en fait aussi une industrie
régulée mais aussi très instable du fait de sa dépendance aux pouvoirs publics.
Ensuite, comme l’a indiqué Dominique Boutonnat dans son « Rapport sur le
financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles »,
101
BOTTALLO, Ludovic. Entretien téléphonique du 4 mai 2020.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
46
il y a un véritable besoin de transparence au sein de la filière pour attirer les investisseurs privés.
En effet, il est aujourd’hui compliqué d’anticiper la remontée des recettes d’une œuvre
artistique, car il y a beaucoup d’intermédiaires entre le producteur et le client final qui ont tous
des parts sur les recettes du film. Il sera beaucoup plus difficile pour un investisseur d’effectuer
des pronostics sur le montant et surtout le moment où les recettes remonteront.
Pour toutes ces raisons, l’industrie cinématographique et audiovisuelle n’est pas une
industrie comme les autres. Elle a besoin de développer la transparence et la fiabilité au sein
de sa filière si elle souhaite pouvoir correspondre aux alternatives de financements privés.
ii. Changement des habitudes des consommateurs avec l’ère du
digital
D’après le « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution
cinématographiques et audiovisuelles » de Dominique Boutonnat, « l’horizon qui se dessine est
radicalement différent et ne repose plus sur les mêmes fondamentaux que l’écosystème
actuel ». En effet, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition ces dernières années telles que
les plateformes numériques102
et ont créé un véritable univers concurrentiel qui n’a plus de
limite géographique.
102
CNC. « Présentation du Bilan 2018 du CNC – le 7 mai 2019 »
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
47
En parallèle, les nouvelles habitudes des consommateurs ont complètement rebattu les cartes.
D’après Le Bilan 2018 du CNC, « la consommation vidéo à la demande représente pour la 1ère
fois la majorité de la consommation vidéo des 15-24 ans »103
Bien que les salles de cinéma soient encore très appréciées par les jeunes générations,
il est important de noter que le public des films français se compose pour moitié des 50 ans ou
plus (Bilan 2018 du CNC104
). Le téléviseur est aussi un écran encore très utilisé par les ménages
au niveau national. Néanmoins, le taux de pénétration est en baisse depuis 2013. Cela
s’explique essentiellement par les modes de consommations des jeunes générations qui
préfèrent les écrans alternatifs105
.
103
CNC. « Présentation du Bilan 2018 du CNC – le 7 mai 2019 »
104
Ibid.
105
CSA. « Plateformes et accès aux contenus audiovisuels ». 2016.
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
48
On voit donc apparaître de véritables nouveaux modes de consommation qui
représentent aussi de réelles opportunités de développement pour l’industrie
cinématographique française. D’après Dominique Boutonnat, « la bataille de demain sera la
bataille des contenus. » Il apparaît donc que l’industrie doit se saisir de cette opportunité et
répondre au plus vite à la demande croissante de contenus de qualité au niveau mondial.
iii. Dépendance des porteurs de projet face aux distributeurs et
aux diffuseurs
Sans financements privés, un producteur n’est pas en mesure de boucler le financement
d’une œuvre. Nous l’avons vu, même si de nombreuses aides publiques existent, le producteur
ne peut avoir plus de 50% de son financement en aides publiques. Les apports financiers privés
sont donc indispensables. Pour cela, le producteur va généralement se tourner vers les chaînes
de télévision, les distributeurs et les SOFICA. Les SOFICA restent une solution stable et viable
mais ne représentent pas encore une partie assez importante du financement privé du cinéma.
Comme nous l’avons vu, les chaînes de télévision et les distributeurs investissent eux aussi de
moins en moins dans le cinéma. Ils deviennent donc de plus en plus exigeants sur les critères
d’appréciation et les normes des œuvres qu’ils choisissent. Ils peuvent ainsi imposer de
nombreux choix artistiques aux producteurs et aux auteurs-réalisateurs pour que l’œuvre
corresponde au marché : la garantie relative d’une star qui attirera le public par exemple. Enfin,
il est important de comprendre que, même si un producteur arrive à boucler son budget sans
faire intervenir un distributeur ou un diffuseur, il finira par avoir besoin d’eux afin que l’œuvre
puisse atteindre le public souhaité. Pour toutes ces raisons, nous pouvons affirmer que tous les
porteurs de projet dépendent des distributeurs et des diffuseurs. Sans diffuseur ou sans
distributeur, une œuvre de fiction ne sera jamais vue par un large public.
D’après un rapport de la société Blockfilm, à première vue, les plateformes numériques
offriraient le soutien qui manque aux films indépendants pour atteindre le public ; mais la
réalité est tout autre. Lorsque les films sont achetés et payés, ils imposent un nouveau type de
relation. Il n'y a pas de ventes de DVD, pas de recettes internationales, et les droits sont souvent
très bas pour de nombreux cinéastes. De plus, malgré l’internationalisation de ce type de
Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle
Mémoire d’Iris Prigent
49
plateforme, les contenus sont souvent limités par pays ou par continent. L’audience ne peut
avoir accès à la diversité cinématographique mondiale. Enfin, la multitude de contenus au sein
des plateformes est finalement assez homogène stylistiquement, et beaucoup d’œuvres se
retrouvent rapidement oubliées.
Il existe donc une véritable dépendance des porteurs de projet aux distributeurs et aux
diffuseurs qui imposent beaucoup leurs desiderata. Peut-on blâmer leurs exigences ? Peu
importe. Afin de garder une diversité cinématographique stable, d’autres moyens de
financement et de distribution doivent être trouvés. La production cinématographique a besoin
de s’émanciper de l’État mais doit aussi reprendre la main sur la distribution de ces œuvres. Il
est aujourd’hui nécessaire de créer de nouveaux modes de financement afin que les
producteurs aient davantage le choix et puissent boucler plus facilement le financement d’une
œuvre en laquelle ils croient.
La reprise de contrôle des producteurs sur leurs œuvres a aussi été évoquée par
Dominique Boutonnat dans son « Rapport sur le financement privé de la production et de la
distribution cinématographiques et audiovisuelles »106
. Selon lui, les producteurs ne peuvent
mettre en place une logique entrepreneuriale viable sans avoir la main sur l’ensemble de la
chaîne de valeur. L’absence du suivi total de l’exploitation des œuvres par les producteurs crée
de nombreux cloisonnements des couloirs de recettes ainsi qu’une faible maximisation de la
rentabilité des œuvres. Les producteurs ont besoin de reprendre le contrôle sur leurs œuvres.
106
BOUTONNAT, Dominique. « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution
cinématographiques et audiovisuelles » (Décembre 2018)
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Mémoire - Blockchain et financement des oeuvres audiovisuelles de fiction

  • 1. Université Paris Dauphine Magistère de Sciences de Gestion Mémoire de Recherche BLOCKCHAIN ET FINANCEMENT DES ŒUVRES DE FICTION Dans quelle mesure la Blockchain est-elle une solution de financement pour les œuvres de fiction d’initiative française ? Mots clés : BLOCKCHAIN, AUDIOVISUEL, FINANCEMENT Mémoire réalisé par Iris Prigent Maître d’apprentissage : Ludovic Bottallo Avocat au sein de la structure Scope Avocats Agent d’artistes au sein de l’entreprise Time Art Tutrice : Catherine Petithory Enseignante à l’Université Paris Dauphine Juin 2020
  • 2. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 2 Les informations, les idées et les avis ayant trait à ce mémoire ne sont que le seul reflet de la pensée de l’auteur et en aucun cas ne peuvent être considérées comme étant partagées par l’Université Paris-Dauphine et par l’entreprise Time Art.
  • 3. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 3 Remerciements Je souhaite avant tout remercier ma tutrice de mémoire Catherine Petithory pour le temps qu’elle a consacré à m’apporter les outils indispensables à la conduite de cette recherche et à la rédaction de ce mémoire. Son exigence et ses motivations m’ont grandement stimulée. Je remercie aussi Ludovic Bottallo, mon maître d’apprentissage, qui m’a accompagnée tout au long de mes recherches. La transmission de son expertise de l’industrie audiovisuelle m’ont permis d’approfondir mon analyse et d’apporter la précision indispensable à ce mémoire. Je souhaite aussi remercier l’ensemble des personnes que j’ai interviewées et notamment Christophe Gauthier (French-ICO) et Henry Chan (ancien Product Manager de WeiFund) qui m’ont permis de nourrir ma réflexion grâce à leur expérience de la technologie Blockchain. J’adresse aussi mes remerciements à Victor Errotaberea (IFCIC), Stéphane Roche (Syndicat des Producteurs Indépendants) et Mathieu Reynouard (Providz) qui m’ont permis de prendre connaissance de certains aspects spécifiques à leur activité et à l’industrie audiovisuelle. Je suis également reconnaissante envers les 165 personnes qui ont eu la gentillesse de répondre à mon étude sur le financement de l’audiovisuel. Leur intervention a permis d’émettre d’importantes hypothèses quant à la transformation des cinéphiles en crypto- investisseurs. Enfin, j’aimerais exprimer ma gratitude au Magistère de Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine pour la qualité d’enseignement dispensé, notamment par l’enseignante Diana Carrondo dont les cours ont nourri la compréhension de cette nouvelle technologie. Un grand merci à tous, Iris Prigent
  • 4. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 4 Sommaire Introduction 7 Avant-propos : Présentation de la technologie Blockchain 11 1. L’idéologie Blockchain 11 1.1. Brève histoire de la monnaie et des transactions 11 1.2. La notion de confiance 12 1.3. La philosophie anarchiste de la Blockchain 13 2. Définition de la Blockchain 14 2.1. Approche conceptuelle 14 2.2. Approche pratique 15 2.2.1. Les crypto-monnaies et les tokens 15 2.2.2. Les types de Blockchain : publiques, permissionnées et privées 16 2.2.3. Les Smart Contracts et les oracles 17 2.2.4. Les DApps 19 2.2.5. Les DAO 19 2.2.6. Les ICO : Initial Coin Offering 20 2.2.7. Les STO : Security Tokens Offering 21 3. Avantages et potentialités de la technologie Blockchain 23 3.1. Un réseau distribué, sécurisé et stable 23 3.2. Un réseau sans tiers de confiance 23 3.3. L’application grandissante de la technologie à notre société 24 3.4. La création de crypto-actifs innovants et l’émergence de nouveaux business models 25 4. Les inconvénients et difficultés encore à résoudre au sein de la Blockchain 26 4.1. Une technologie encore méconnue 26 4.2. La fin des tiers de confiance ou un simple déplacement de ces derniers ? 26 4.3. Une technologie à ses prémices : sécurité versus efficacité. 27 4.4. Le besoin en stockage nécessaire à son développement 28 I. État des lieux du financement des œuvres audiovisuelles en France 30 A. Comment se finance une œuvre audiovisuelle aujourd’hui ? 30 B. Les acteurs du financement 31 i. Le(s) producteur(s) de l’œuvre audiovisuelle 31
  • 5. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 5 ii. Les distributeurs et les diffuseurs 32 1. Les distributeurs 32 2. Les diffuseurs 33 3. Le préachat d’une œuvre audiovisuelle 33 iii. Les aides régionales, nationales et européennes 35 1. Le CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) 35 2. Le crédit d’impôt 36 3. Les aides régionales 37 4. Les aides européennes 37 iv. Les SOFICA (Société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) 38 v. Les banques et l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) 39 vi. D’autres méthodes de financement développées ces dernières années 39 1. Le placement de produit 39 2. Le Crowdfunding 40 C. Une industrie de plus en plus dépendante des financements publics stricto sensu. 41 i. Des chiffres rassurants qui reposent sur un système particulièrement régulé 41 ii. Une stabilité des investissements dans la production avec une baisse très significative des financements privés 42 iii. Dépendance à l’argent public : quel avenir ? 44 D. D’autres difficultés au sein de l’industrie audiovisuelle qui suscitent de nouveaux besoins 45 i. Une industrie pas comme les autres : l’art vs. l’économie. 45 ii. Changement des habitudes des consommateurs avec l’ère du digital 46 iii. Dépendance des porteurs de projet face aux distributeurs et aux diffuseurs 48 II. Les solutions apportées par la Blockchain 51 A. Le film Braid : les prémices du lien entre Blockchain et audiovisuel 51 i. Présentation du projet de financement du film Braid 51 ii. L’élaboration du projet de financement du film Braid 52 iii. Les difficultés rencontrées par l’équipe de WeiFund 53 iv. Pourquoi lever des fonds via une STO ? 55 B. Les ICO, une application pour l’industrie audiovisuelle ? 56 i. Présentation de French-ICO : l’ICO « Made in France » 56 ii. Comment se passe une levée de fonds via une ICO ? 57 1. Définition de la valeur du token 57 2. Les critères pour tous les projets via French-ICO 58 3. Réussir une ICO : critères d’appréciation 60 4. Les coûts de la mise en place d’une ICO 62 iii. Les ICO et l’industrie audiovisuelle 65 1. Des jetons rattachés à un projet de fiction 65 2. Des jetons rattachés à une structure de production 68 3. Le futur des ICO pour l’audiovisuel 69 C. BlockFilm : une solution qui englobe l’ensemble de la chaîne de valeur 71 i. Présentation de l’entreprise 71 ii. Comment fonctionne BlockFilm ? 73 iii. En quoi BlockFilm est une solution pour l’ensemble de la chaîne de valeur ? 75
  • 6. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 6 1. Une opportunité pour les porteurs de projet 75 2. Une opportunité pour les investisseurs 77 iv. BlockFilm, une solution au financement seulement ? 78 1. Une solution qui ne répond pas seulement aux besoins de financement de l’industrie audiovisuelle 78 2. Une plateforme immature, mais avec de grandes ambitions 78 III. Les facteurs de succès sont-ils réunis pour fusionner Blockchain et industrie audiovisuelle ? 81 A. Étude des actuels et futurs crypto-investisseurs 81 i. Une population de crypto-investisseurs croissante, mais une population mondiale encore réticente 81 ii. Les cinéphiles sont prêts à devenir crypto-investisseurs 83 B. La législation française souhaite accueillir ces nouveaux moyens de financement 87 i. Les PSAN (Prestataires de Services sur Actifs Numériques) 87 ii. Les ICO (Initial Coin Offering) 88 iii. Les STO (Security Tokens Offering) 89 C. Des projets Blockchain déjà aboutis au sein de l’industrie audiovisuelle 90 Conclusion 93 Bibliographie 96 Abréviations 104 Annexe 1 : Approche technique de la Blockchain 105 Annexe 2 : Synopsis du film Braid 110 Annexe 3 : Présentations des sociétés WeiFund et ConsensSys 111 Annexe 4 : Transcription de la rencontre avec Henry Chan, ancien Product Manager de WeiFund 112 Annexe 5 : Étude exploratrice de l’intérêt des cinéphiles à investir et préacheter des services/produits en lien avec une œuvre audiovisuelle 116
  • 7. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 7 Introduction « I was facing either seeing my creative freedom taken away and having to compromise on the story, or not having enough money to make it. », c’est ainsi que s’exprimait Mitzi Peirone, auteur-réalisatrice de Braid, première œuvre audiovisuelle financée grâce à la technologie Blockchain en 2018.1 Comme le soulignait Mitzi Peirone en 2018, les auteurs-réalisateurs font souvent face à un choix : privilégier la créativité de leurs œuvres ou être financés. Quand bien même nous ne pouvons constater la totale disparition des œuvres dites « d’auteurs » de nos cinémas et de nos écrans, leur nombre a significativement chuté et les producteurs font confiance à peu d’auteurs-réalisateurs pour créer ces œuvres. Ce n’est toutefois pas un phénomène nouveau. En 2007, Benoît Jacquot exprimait déjà, au journal Le Monde, son inquiétude concernant les « normes de spectacle » imposées par les producteurs, les distributeurs et les diffuseurs, ainsi que concernant l’économie restreinte à laquelle faisaient face l’industrie audiovisuelle2 . Les producteurs, les distributeurs et les diffuseurs ne sont pas obligatoirement à blâmer. Le marché de l’audiovisuel fait face à de nombreuses modifications cette dernière décennie. Les avancées technologiques ont fait évoluer les usages des consommateurs : consommation de contenus dématérialisés, téléchargement illégal, arrivée de la Vidéo à la demande (VoD) et de plateformes internationales comme Netflix3 . Producteurs, distributeurs et diffuseurs se voient donc contraints de modifier le modèle économique ainsi que leurs exigences artistiques, avec une baisse des coûts associée à une moindre prise de risque. Toutes les parties prenantes du secteur font face à une radicale évolution qui ne repose plus sur les mêmes fondamentaux. Il a aussi été constaté ces dernières années que, malgré un niveau de financement stable, l’industrie audiovisuelle est de plus en plus dépendante des financements publics stricto sensu. Les financements privés sont eux aussi en baisse, ce qui représente une potentielle 1 SOLSMAN Joan E. « Will cryptocurrency fund the next indie film hit? ». Cnet. 2 MANDELBAUM Jacques et SOTINEL Thomas. « Quatre réalisateurs disent les défis et les difficultés du cinéma d'auteur ». Le Monde. 3 TOUNSI Chaïma, PALLARUELO Olivier et CUSSEAU Clément. « Netflix, piratage, réseaux sociaux... Comment les usages du numérique ont évolué en 10 ans ? ». Allociné News.
  • 8. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 8 menace pour l’industrie audiovisuelle. Au vu de la situation actuelle des financements de l’État, il semble que la découverte de nouveaux moyens de financements permettrait à l’industrie de conserver ses qualités, ses ambitions et ses parts de marché à l’international. D’autres fondamentaux ont aussi été bouleversés cette dernière décennie, et plus précisément fin 2008, avec la publication du livre blanc de Satoshi Nakamoto4 . Ce livre blanc introduisait une nouvelle technologie : la Blockchain. D’abord présentée comme un système de paiement avec le réseau Bitcoin, la technologie Blockchain est un système permettant d’effectuer des transferts d’actifs via une monnaie digitale, de manière sécurisée, sans dépendre d’un organe central de contrôle qui valide ou non les transactions. Son objectif est de permettre à des entités d’un écosystème d’intérêts divergents de partager une même vérité sur leurs transactions, malgré l’absence d’un tiers de confiance. Aujourd’hui, il est estimé que cette technologie peut être adaptée à tous les secteurs et organismes : l’État, l’Assurance, le Retail5 , le Luxe, l’Énergie et bien entendu les Médias6 . En 2018, la Blockchain, par le réseau Ethereum, a permis de financer le film Braid, de Mitzi Peirone. En seulement deux semaines, les cinéastes ont atteint leur objectif de 1,4 million de dollars de levée de fonds, en échange de 30% des bénéfices futurs du film pour les investisseurs7 . Cet événement fait-il de la Blockchain, une nouvelle solution de financement pour l’industrie audiovisuelle ? Pour mémoire, d’après le code de la propriété intellectuelle8 , « sont considérées notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent, les œuvres cinématographiques et autres œuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensembles œuvres audiovisuelles ». Cette définition regroupe donc l’ensemble des programmes audiovisuels pouvant faire l’objet de droits de propriété intellectuelle. Pour autant, toutes « les séquences animées d’images » ne sont pas automatiquement protégées 4 Satoshi Nakamoto est le pseudonyme utilisé par la ou les personne(s) qui ont développé la première Blockchain : la Blockchain Bitcoin. 5 Le Retail est un terme anglais qui désigne l'activité du « commerce de détail » qui est une activité de revente de biens à destination du consommateur final. 6 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.190 7 SOLSMAN Joan E. « Will cryptocurrency fund the next indie film hit? ». Cnet. 8 FRANCE, Code de la propriété intellectuelle, Chapitre II : Œuvres protégées, Article L 112-2.
  • 9. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 9 par le droit de la propriété intellectuelle. Elles doivent être qualifiées d’« originales », c’est-à- dire découler d’une création intellectuelle reflétant la personnalité de l’auteur. Il existe différents types d’œuvres audiovisuelles en fonction de leurs modes de diffusion : - L’œuvre cinématographique dont la première exploitation est en salle ; - L’œuvre télévisuelle dont la première exploitation est effectuée au sein d’un service de télévision ; - L’œuvre vidéographique dont la première exploitation est faite sur un support vidéo. Ces précisions apportées et pour la suite de l’analyse, nous essayerons d’apporter une vision globale de la situation de financement des œuvres audiovisuelles sans tenir compte de leur moyen de diffusion, tout en privilégiant l’analyse des œuvres fictions. Une œuvre de fiction est un « produit de l’imagination qui n’a pas de modèle complet dans la réalité.9 » Nous utiliserons donc indifféremment des termes tels qu’œuvres de fiction, œuvres audiovisuelles, films et séries. L’étude de l’état actuel du financement des œuvres audiovisuelles fera aussi référence à l’industrie cinématographique qui représente une importante partie de l’industrie des œuvres de fiction. Au cours de ce mémoire, nous envisagerons la Blockchain comme solution de financement pour les œuvres de fiction : nous nous demanderons si cette technologie pourrait correspondre davantage aux nouvelles contraintes du modèle économique de l’industrie audiovisuelle française. Pour ce faire, nous répondrons à la problématique suivante : dans quelle mesure la Blockchain est-elle une solution de financement pour les œuvres de fiction d’initiative française ? Afin de répondre à cette problématique, un avant-propos a été élaboré pour présenter la Blockchain et ses potentialités. La délimitation des informations à y apporter a constitué un arbitrage difficile du fait de l’hétérogénéité des connaissances de chacun sur cette technologie. Il a finalement été décidé de considérer que le lecteur n’était pas encore familiarisé avec elle. Par conséquent, cet avant-propos présentera la Blockchain de façon globale en revenant sur sa philosophie, la technologie sur laquelle elle repose et enfin ses avantages et ses inconvénients actuels. 9 Dictionnaire numérique LA LANGUE FRANÇAISE, Définition du mot « fiction » [consulté le 30 mars 2020]
  • 10. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 10 Ensuite et dans un premier temps, nous ferons un état des lieux du financement des œuvres audiovisuelles en France et déterminerons les éventuelles autres difficultés de l’industrie. Dans un deuxième temps, nous étudierons trois modèles de financement Blockchain appliqués à l’industrie audiovisuelle : le financement du film Braid, le modèle de la société French-ICO et le modèle de la plateforme BlockFilm. L’objectif de ces études de cas sera de déterminer les bénéfices et les difficultés d’utilisation de la technologie Blockchain pour financer des œuvres de fiction et d’entrevoir dans quelle mesure cette utilisation serait bénéfique pour l’industrie audiovisuelle. Enfin, nous essayerons de déterminer la présence ou non des facteurs essentiels à l’établissement de ces solutions de financement en France. Ce mémoire a une portée exploratoire : il a pour but de déterminer si l’utilisation de la Blockchain est possible et envisageable pour l’industrie audiovisuelle française. Les recherches ont principalement été effectuées à travers des entretiens auprès de professionnels afin de récolter des données dites qualitatives. Une étude quantitative a toutefois été réalisée auprès de 165 cinéphiles, afin de déterminer si cette population est encline à financer des œuvres audiovisuelles par la technologie Blockchain. Privilégier les recherches qualitatives a permis de faire émerger de nombreuses solutions de financement ainsi que des problématiques sous- jacentes au présent travail de recherche.
  • 11. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 11 Avant-propos : Présentation de la technologie Blockchain La Blockchain est une technologie qui permet à des acteurs d’un écosystème d’intérêts divergents de partager une même vérité sur leurs transactions, malgré l’absence d’un tiers de confiance. Ceci est rendu possible grâce à l’utilisation d’un réseau distribué, sécurisé et décentralisé qui assure le processus de validation et de sécurisation des transactions. 1. L’idéologie Blockchain 1.1. Brève histoire de la monnaie et des transactions Pour comprendre la technologie Blockchain, il est important d’expliquer l’histoire de nos moyens de transactions et de la monnaie. Il faut comprendre que la forme actuelle de nos transactions financières est « le fruit de milliers d’années d’histoire »10 . Tout d’abord, à la Préhistoire, l’Homme a échangé des biens et des services contre des pots en céramique, puis différentes formes en argile qui avaient chacune une valeur ; ensuite s’est démocratisée une monnaie faite de boules d’argile avec des inscriptions que l’on cassait à la fin de la transaction. Durant la Grèce Antique, les pièces de monnaie métalliques ont fait leur apparition. Véritable affirmation du pouvoir du gouvernement qui contrôlait leur distribution, elles avaient d’abord leur équivalent en « pesant d’or » ; puis petit à petit chaque pièce métallique avait une valeur « symbolique ». En effet, les gouvernements de l’époque ont fini par ne plus se préoccuper de l’équivalent de la monnaie en or. La confiance de l’Homme en ce moyen de transaction l’a poussé à accepter sa valeur intrinsèque et symbolique. A l’époque des Croisades, d’autres considérations se sont ajoutées à nos habitudes de paiement. Les chevaliers, incapable d’emporter avec eux tout leur or, partirent en croisade avec des lettres prouvant leur richesse : c’est le début des lettres de crédit. A l’Époque Moderne, en Angleterre, afin de mettre à l’abri son or, il était possible de le déposer chez un orfèvre, qui le gardait en sécurité contre un certificat. La confiance grandissant 10 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.17
  • 12. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 12 entre tous les acteurs, les orfèvres se mirent à émettre des certificats contre des titres de dettes, ce qui décupla la masse monétaire en circulation. L’État perdit son pouvoir sur la monnaie et son économie, et décida donc de créer des banques centrales, seules habilitées à gérer la création monétaire. A l’apparition des banques centrales, la monnaie avait son équivalent en or. Puis en 1971, sous Nixon, il a été décidé que la monnaie serait calculée sur la base d’un « change flottant »11 . Cela signifie que l’appréciation ou la dépréciation d’une monnaie dépendait de la quantité d’offre et de demande. L’Homme a perpétuellement évolué dans sa manière de réaliser des transactions. Petit à petit, de nouveaux usages ont été ou se sont imposés à lui afin que celui-ci puisse continuer à réaliser des transactions. La Blockchain est, elle aussi, une nouvelle manière de réaliser cela. Par rapport aux évolutions historiques des méthodes de transaction, pouvons-nous réellement affirmer que la Blockchain constitue un réel bouleversement pour l’Homme ? Ces nouveaux modes de transaction s’inscrivent finalement davantage comme une continuité de notre histoire qui a connu des évolutions similaires. 1.2. La notion de confiance La notion de confiance est cruciale dans l’histoire des transactions et de la monnaie. La confiance est définie par l’idée que l’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Vous pouvez avoir confiance en un individu, en un système ou encore en une compétence donnée. D’après l’économiste Michel Aglietta, « la déconnexion de la valeur nominale des pièces par rapport au poids et à la quantité du métal qui en est le support physique rend possible l’acte souverain consistant à modifier ce rapport, tant que la monnaie demeure dokima, c’est-à-dire unanimement acceptée par les utilisateurs. On voit que, dès l’origine, l’art de la politique monétaire est celui de la confiance12 ». Dans son analyse, Michel Aglietta souligne le rôle de la confiance par rapport à la monnaie que nous utilisons. Nous l’utilisons car nous croyons en sa valeur. Comme il le souligne, les organismes étatiques ont le pouvoir de modifier la valeur d’une 11 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.31 12 AGLIETTA, Michel. La Monnaie. Entre dettes et souverainetés. Odile Jacob, 2016. p.103-104.
  • 13. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 13 monnaie. La confiance en une monnaie réside donc dans la confiance accordée à la puissance politique, à la croyance en la souveraineté politique. C’est donc en l’État que nous avons confiance et sans cette confiance nous n’utiliserions pas ce système de transaction. 1.3. La philosophie anarchiste de la Blockchain Qu’en est-il donc de la confiance que nous pouvons accorder à une nouvelle technologie telle que la Blockchain ? Tout d’abord, il faut comprendre que la Blockchain est une technologie qui a été créée dans le but de déplacer les dépositaires de confiance. La Blockchain a pour but de remplacer l’incarnation de l’autorité, car, selon ses créateurs, aucune entité n’est plus légitime qu’une autre pour garantir la validité d’une action13 . Son fonctionnement permettrait de convertir le système d’autorité vertical vers un système d’autorité horizontal. Technologiquement, ce sont des « nœuds » que nous pouvons définir comme des « validateurs » qui permettraient de contrôler la véracité des informations présentes dans le système Blockchain. Avec cette philosophie anarchiste réside une véritable remise en cause de notre système de confiance. Avoir confiance en l’État c’est n’avoir confiance qu’en l’Homme ; c’est donc accepter que celui-ci puisse être défaillant et utiliser le système à son avantage. Avec la création de la Blockchain, la confiance ne résiderait plus en l’Homme, elle reposerait sur la technologie. Aujourd’hui, nous utilisons une multitude de technologies avec la volonté de réduire l’erreur humaine. La Blockchain est simplement une conséquence de cette volonté proposant un système global de transactions, dont la confiance est basée sur la technologie. Affirmer que cette dernière ne peut jamais être défaillante serait un mensonge. Elle peut toutefois réduire considérablement les erreurs et les conséquences de la malveillance. Celle-ci étant dénuée de conscience et n’ayant aucun avantage à tirer du système, elle ne fera, par définition, aucune erreur volontaire. 13 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.31
  • 14. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 14 2. Définition de la Blockchain 2.1. Approche conceptuelle La technologie Blockchain est un système permettant d’effectuer des transferts d’actifs via une monnaie digitale, de manière sécurisée, sans dépendre d’un organe central de contrôle qui valide ou non les transactions. Ces dernières sont « contrôlées » grâce à un réseau décentralisé qui assure le processus de validation et de sécurisation des transactions14 . L’objectif de cette technologie est de permettre à des acteurs d’un écosystème d’intérêts divergents de partager une même vérité sur leurs transactions, malgré l’absence d’un tiers de confiance. Concrètement, cette technologie peut être définie comme « un grand livre de comptes distribué enregistrant à intervalles de temps réguliers, l’ensemble des transactions du système. Ce registre distribué (…) s’appuie sur une chaîne de blocs d’informations venant s’imbriquer les uns aux autres. Chaque nouvelle transaction est enregistrée dans un nouveau bloc d’informations qui vient s’agréger aux blocs précédents afin de mettre à jour le registre de transactions »15 . Le caractère astucieux de cette technologie est que lorsqu’un bloc d’informations est créé, celui-ci ne pourra pas être modifié sans qu’il soit nécessaire d’ajouter un nouveau bloc d’informations. L’historique de la transmission d’informations et des modifications des transactions est donc accessible et l’erreur peut être corrigée mais ne pourra jamais être cachée. La Blockchain est aussi une technologie particulièrement sécurisée. Son caractère infaillible est rendu possible grâce à trois processus distincts : la fonction Hash, le réseau pair- à-pair et les preuves de travail ou preuves de participation. La présentation de ces processus est disponible en Annexe 1. 14 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.15 15 Ibid. p.73
  • 15. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 15 2.2. Approche pratique Afin de comprendre l’étendue des applications de la Blockchain et de ses potentialités, nous allons maintenant envisager les différents outils Blockchain. 2.2.1. Les crypto-monnaies et les tokens Beaucoup d’abus de langage sont faits quand nous parlons de la Blockchain, notamment autour des termes de crypto-monnaies, coin, token ou encore jeton. Tout d’abord, qu’est-ce qu’une crypto-monnaie ? D’après le journal Les Echos, une crypto-monnaie, aussi appelée coin ou jeton fongible, « est une monnaie dont la sécurisation et le fonctionnement sont basés sur la cryptographie, c’est donc avant toute chose une monnaie »16 . Comme toutes les monnaies, celle-ci est une unité de compte permettant aux utilisateurs d’effectuer des transactions. C’est aussi une « réserve de valeur » par la confiance que les utilisateurs placent en elle. Il existe aujourd’hui de nombreuses crypto-monnaies dont les principales sont le bitcoin et l’ether17 . Les crypto-monnaies ne doivent pas être confondues avec les « digital currencies »18 ou monnaie digitale, qui fonctionnent au travers du système semi-décentralisé qu’est le Web. On parle donc de crypto-monnaies dans le cas d’un réseau pair-à-pair dit décentralisé. Au sein de l’environnement Blockchain, les crypto-monnaies servent à acheter des « tokens non-fongibles ». Le token, aussi appelé token non-fongible, jeton, ou encore crypto-actif, est « une valeur digitale, représentant des droits ou des actifs de toute nature, stockés dans un registre, échangeable »19 entre les utilisateurs de la Blockchain. C’est un « actif numérique » auquel vous pouvez attribuer un droit de vote, une action, une obligation ou encore l’accès à un produit ou un service d’une société20 . Cette liste n’est pas limitative car un token peut être n’importe quel actif, droit ou service que vous déciderez de lui attribuer et sa valeur sera définie en crypto- 16 BOURGUIGNON, Sébastien. « Token, altcoin, cryptomonnaie, quelles différences ? ». Les Echos Solutions. 17 CHABAL, Audrey. « Classement Des 10 Crypto-Monnaies Dans Le Monde ». Forbes. 18 CARRONDO, Diana. « Data and Information systems » Course. Magistère de Gestion de l’Université Paris Dauphine. 19 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.109 20 CARRONDO, Diana. « Data and Information systems » Course. Magistère de Gestion de l’Université Paris Dauphine.
  • 16. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 16 monnaie. Un token n’est donc pas une crypto-monnaie mais il reste un média d’échange au sein de n’importe quelle Blockchain, du fait de sa liquidité. 2.2.2. Les types de Blockchain : publiques, permissionnées et privées Il existe aujourd’hui trois types de Blockchain : les Blockchains publiques, les Blockchains permissionnées et les Blockchains privées. Ces types de Blockchain se distinguent par la capacité des utilisateurs à : - Devenir membre du réseau ; - Consulter, écrire et modifier les informations contenues dans la Blockchain. Tout d’abord, les Blockchains publiques sont des réseaux ouverts à tous, dont les données peuvent être consultées par tous et ne peuvent être modifiées une fois que celles-ci ont été transmises au réseau. De plus, tous les membres du réseau possèdent une copie de la Blockchain et participent au consensus de validation. Ensuite, les Blockchains permissionnées sont des réseaux « partiellement décentralisés »21 car elles sont accessibles à un nombre limité d’utilisateurs. Si un utilisateur souhaite rentrer à l’intérieur du réseau, il doit tout d’abord être validé par les nœuds, qui sont les décisionnaires au sein du réseau. Une fois membres, les décisionnaires peuvent, s’ils le souhaitent, donner accès à l’information du réseau au nouvel utilisateur, ainsi que lui permettre de modifier les informations au sein du réseau. On peut dire qu’une délégation de participation au sein de la Blockchain est délivrée par les décisionnaires du réseau. Ce type de Blockchain est aujourd’hui principalement utilisé par les banques et les institutions, car elle permet un meilleur contrôle du réseau et de ses transactions tout en bénéficiant du principe de décentralisation d’une Blockchain. Les partisans de la technologie Blockchain critiquent les Blockchains permissionnées considérant ces dernières comme « fortement centralisées »22 . Enfin, une Blockchain privée est un réseau possédant un seul organe central décisionnaire qui : 21 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.104 22 Ibid. p.106
  • 17. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 17 - Valide ou non les nouveaux entrants du réseau ; - Donne accès ou non aux données du réseau ; - Donne accès ou non à la validation des transactions. Les Blockchains privées peuvent être assimilées à une entreprise possédant des filiales et qui a un pouvoir sur elles23 . Ce type de Blockchain peut être utile pour partager des données importantes et confidentielles au sein d’un groupe d’individus, mais ne repose plus sur les fondamentaux de la philosophie Blockchain. Les Blockchains permissionnées et privées sont assez proches les unes des autres. En effet, dans le cas d’une Blockchain permissionnée, si les validateurs font partie d’un même groupe et prennent les décisions ensemble, nous pouvons alors considérer qu’ils forment ensemble un organe décisionnaire. 2.2.3. Les Smart Contracts et les oracles D’après le Larousse, un contrat est une « convention, accord de volontés ayant pour but d'engendrer une obligation d'une ou de plusieurs personnes envers une ou plusieurs autres »24 . Un contrat peut s’étendre d’un simple achat à une opération plus complexe, et nécessite ou non d’être écrit et signé par les parties prenantes, afin d’ancrer les obligations de chacun. Afin de comprendre la notion de Smart Contract, aussi appelés contrat intelligent, il est tout d’abord important de comprendre l’étendue de la confiance que nous accordons aux contrats traditionnels : l’exécution de ces derniers ne dépend que du système qui les entoure et les garantit. Sans lois, sans institutions, sans tiers de confiance qui garantissent l’exécution des contrats, un contrat n’est qu’une feuille sur laquelle vous avez apposé votre signature. Développés pour la première fois sur la Blockchain Ethereum, les Smart Contracts sont une application de la notion de contrat au sein de la technologie Blockchain. Alors qu’un contrat traditionnel définit les termes d’un accord entre plusieurs parties sur une feuille de papier, un 23 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.107 24 Dictionnaire numérique LAROUSSE, Définition du mot « contrat » [consulté le 10 mai 2020]
  • 18. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 18 Smart Contract va plus loin25 : il fige les termes du contrat au sein de la Blockchain et assure le transfert d’actifs automatiquement lorsque les termes du contrat se vérifient, sans que la présence d’un tiers de confiance soit nécessaire. Imaginons un contrat entre un individu A et un individu B. L’individu A devra donner à l’individu B 100 euros, s’il fait beau demain à Paris. Les deux individus entrent ce contrat « traditionnel » au sein de la Blockchain. S’il fait beau le lendemain, les 100 euros de l’individu A iront directement dans le compte de l’individu B, sans qu’aucune action de la part de A ou de B soit nécessaire. Au-delà d’une exécution automatique, un Smart Contract peut permettre de contrôler les actions d’une entité ou d’un individu. Par exemple, certaines restrictions d’actions d’un investisseur peuvent être nécessaires en Private Equity26 quand celui-ci ne peut récupérer d’argent avant une certaine date. Cette fonctionnalité peut être aussi utilisée en Conformité27 afin de répondre aux réglementations en vigueur. Mais sur quelles données se basent les Smart Contracts pour exécuter les termes d’un contrat ? Cette question nécessite d’introduire la notion d’« oracle ». Un oracle est « une source extérieure qui vient fournir des informations [comme la météo dans notre exemple précédent] permettant l’exécution de certains termes d’un contrat »28 . C’est le transfert des données de notre monde vers l’écosystème Blockchain. Afin que l’utilisation d’un oracle ne constitue pas un simple déplacement du tiers de confiance, les oracles sont souvent multipliés pour une même information et/ou des entreprise de services de « provable-honest »29 sont utilisées et permettent de s’assurer de la véracité d’une information. La société Oraclize30 est un exemple de société de « provable-honest » qui garantit la fiabilité d’une donnée par l’utilisation de méthodes cryptographiques31 . Les informations transmises par les oracles sont 25 TROY, Sue. « Blockchain : qu’est-ce qu’un Smart Contract et à quoi ça sert ? ». LeMagIT. 26 L’activité de Private Equity, utilisée par les sociétés non cotées, désigne l'opération par laquelle un investisseur achète une partie des titres d'une société qui cherche à lever des fonds propres. 27 Terme employé en droit et en gestion de qualité, il désigne dans notre cas le respect des dispositions législatives et règlementaires. 28 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.97 29 Un service de « provable-honest » signifie que l’entreprise vous fournit des preuves cryptographiques afin que vous puissiez vérifier qu’aucune modification n’a été faite entre les données brutes et les données transmises au Smart Contract. 30 ORACLIZE, site officiel de la société. 31 POLROT, Simon. « Les Oracles, lien entre la Blockchain et le monde ». Ethereum France.
  • 19. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 19 publiques et consultables par tous. Les entreprises qui nourrissent les oracles n’ont donc rien à gagner à transmettre de mauvaises informations, car leur légitimité serait alors remise en question. 2.2.4. Les DApps Les DApps, aussi appelées Decentralized Applications32 , sont des applications ressemblant à toutes les applications que vous possédez sur votre smartphone, mais qui fonctionnent avec la technologie Blockchain. D’apparence, elles ont la même interface utilisateur, mais celles-ci fonctionnent sur un réseau décentralisé pair-à-pair qui permet l’utilisation de tous les outils Blockchain et présente les mêmes avantages de traçabilité et de transparence que la Blockchain33 . Les DApps ont été créées afin de démocratiser l’utilisation de la Blockchain car elles permettent une utilisation similaire aux applications que l’on connaît aujourd’hui. Le but est que, comme avec le Web, ces applications soient utilisées même si l’utilisateur n’a pas une parfaite connaissance de la technologie sous-jacente. 2.2.5. Les DAO Une DAO (Decentralized Autonomous Organization34 ) est « une organisation décentralisée dont les règles de gouvernance sont automatisées et inscrites de façon immuable et transparente dans une Blockchain. »35 , grâce à l’utilisation d’un Smart Contract. Le but de ce type d’organisation est de générer un processus de décision efficace et horizontal, entre des acteurs qui ne se connaissent pas et qui n’ont pas besoin de se faire confiance. En effet, chaque membre de l’organisation possédant un droit de vote, ou token, pourra, partout dans le monde, prendre une décision. Celle-ci sera exécutée automatiquement et rapidement. Le résultat des 32 Applications décentralisées 33 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.101 34 Entité autonome décentralisée 35 BLOCKCHAIN FRANCE. « Qu’est-ce qu’une DAO ? »
  • 20. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 20 votes est bien entendu sécurisé car le Smart Contract, représentant les règles de gouvernance de la société, ne peut être modifié sans que le réseau en soit informé. Ce type d’outils Blockchain peut être utilisé dans de nombreuses entreprises et notamment au sein des sociétés de financement. C’était l’initiative de la start-up Slock.it, avec la structure « TheDAO », dont l’objectif était de créer un fonds afin de financer tout type de projet. Grâce à une prise de décision collective entre les détenteurs de droits de vote, les projets étaient financés ou non par la société et les bénéfices ou pertes étaient redistribués. Ce projet n’a pas pu voir le jour, malgré sa levée de fonds de 150 millions d’euros, en raison de la découverte d’une faille dans le code, suite à une attaque, qui a stoppé net son développement36 . 2.2.6. Les ICO : Initial Coin Offering Créées en 2013, les ICO découlent de la technologie Blockchain et ont permis le financement au démarrage de nombreux projets dans le monde. Une ICO, ou Initial Coin Offering, est un outil de levée de fonds fonctionnant grâce à l’émission de tokens, qui peuvent être acquis par n’importe qui dans le monde, contre des crypto-monnaies. A la différence d’une IPO (Initial Public Offering), les tokens ne sont pas des parts de l’entreprise (dans ce cas appelé STO – Security Token Offering). Au sein d’une ICO, les tokens sont appelés « utility tokens » et représentent l’achat d’un futur service ou produit avant la mise en place ou la production de celui-ci. Les investisseurs acquièrent des utility tokens dans le but d’acheter par anticipation un service/produit, ou en prévision d’un gain financier potentiel lors de la revente de ce jeton. En effet, les tokens sont des actifs numériques très liquides car, « sous réserve d’une offre et d’une demande suffisante, la Blockchain permet de transférer de la valeur, sans intermédiaire, à frais réduit (l’équivalent de quelques centimes d’euros) et en quelques secondes. »37 . Pour bien comprendre l’usage des ICO, reprenons l’exemple de Pierre Davoust, CEO de SETL France : « une ICO revient à mettre en vente des jetons de laverie dans le but de financer 36 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.102 37 GAUTHIER, Christophe. Entretien du 17 avril 2020. Fondateur de French-ICO.
  • 21. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 21 sa création. Pour récolter les fonds nécessaires, je cède par anticipation un droit d’usage futur : celui d’accéder à mes machines à laver. (…) les lessives ne seront accessibles qu’avec ce jeton, produit en quantité limitée. »38 . En 2018, dans le monde, les ICO ont levé près de 13 milliards de dollars. En France, deux projets ont réussi à voir le jour grâce à des levées de fonds en ICO39 : 1. Beyond The Void – start-up de jeu vidéo – 110 000 euros 2. iEx.ec – entreprise spécialisée dans le cloud distribué – 12,5 millions de dollars (en moins de 3 heures). Cette dernière avait la possibilité de lever 4,5 millions de dollars grâce à un fonds d’investissement classique dont la trésorerie aurait mis un an à lui parvenir. Les ICO sont une véritable solution alternative au financement. Elles permettent la démocratisation du capital-risque mais aussi, et surtout, la création de nouveaux business models dans lesquels seuls les projets à haut potentiel sont financés, à l’avance, par les futurs clients. 2.2.7. Les STO : Security Tokens Offering Une STO, ou Security Tokens Offering, est une évolution des ICO classiques dans laquelle les tokens représentent un actif financier. Les tokens, dans le cas d’une STO, sont appelés « security tokens ». Ces derniers comportent toutes ou une partie des caractéristiques d’un actif financier, tel qu’une action : droit de vote et/ou partage des gains éventuels de la société. Un security token n’est donc pas nécessairement une action et offre la possibilité de repenser et de modifier les caractéristiques des actifs financiers d’aujourd’hui40 . Dans le cas où le security token possède exactement les caractéristiques d’une action, quel intérêt peut avoir l’investisseur à passer par une STO plutôt que par la bourse ? En fait, les actions classiques ont quelques inconvénients que les security tokens n’ont pas41 . Tout d’abord, les security tokens sont plus liquides et plus accessibles au grand public car ils s’échangent entre 38 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.251 39 PERREAU, Charlie. « ICO : définition, liste, la situation en France... ». Journal du net. 40 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.255 41 JARROSSON, Gabriel. « Les security token offerings : révolution ou nouvelle arnaque ? ». Journal du net.
  • 22. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 22 particulier sur une simple plateforme. On parle alors de démocratisation des investissements qui pourrait convaincre certains business angels d’investir, du fait de cette importante liquidité. Par ailleurs, il ne faut pas forcement opposer les STO à la bourse actuelle, car la tokenisation peut aussi être bénéfique pour les actions déjà cotées. En effet, elle permettrait une fluidification des échanges ne reposant plus sur l’ouverture des bourses. Aussi, chaque security token pourrait représenter un pourcentage d’une action et donc permettre une meilleure accessibilité du marché à la population mondiale.
  • 23. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 23 3. Avantages et potentialités de la technologie Blockchain 3.1. Un réseau distribué, sécurisé et stable Comme nous l’avons souligné lors de la définition de la Blockchain, le réseau pair-à-pair permet la distribution de données de manière sécurisée. En effet, ce réseau à l’intérieur duquel les données sont conservées est très résistant aux attaques extérieures et aux défaillances techniques. « Chaque nœud du réseau est capable de répliquer et de stocker une copie de la base de données. De ce fait, il n’existe aucun point de défaillance unique : un seul nœud mis hors ligne n’affecte ni la disponibilité ni la sécurité du réseau. »42 La conservation des données au sein du réseau est aussi particulièrement stable car une fois enregistrée, l’information est rendue publique, et ne peut être modifiée ou supprimée sans que cette modification ou suppression ne soit enregistrée. C’est donc une technologie qui facilite les actions d’audit et correspondrait intrinsèquement au stockage d’informations financières. 3.2. Un réseau sans tiers de confiance Comme nous l’avons constaté, de nos jours, la notion de confiance est propre à toutes nos transactions car ces dernières dépendent d’un intermédiaire comme une banque ou un prestataire de paiement. A contrario, la technologie Blockchain offre, grâce à son organisation, un système de transactions ne nécessitant plus d’intermédiaire et permettant à des acteurs d’un écosystème d’intérêts divergents de partager une même vérité sur leurs transactions. Ces « acteurs n’ont pas besoin de se connaître, ni de se faire confiance »43 . La réduction des intermédiaires, pourrait entraîner, à terme, une réduction des frais de transactions ainsi qu’une élimination des risques de centralisation de la responsabilité. 42 BINANCE ACADEMY. « Avantages et inconvénients de la Blockchain » 43 Ibid.
  • 24. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 24 3.3. L’application grandissante de la technologie à notre société La technologie Blockchain doit être considérée comme une « general purpose technology »44 dans le sens où elle impacte et continuera potentiellement à impacter de nombreux secteurs de notre économie traditionnelle45 . Chacun des outils présentés précédemment représente des potentielles réponses aux problématiques de notre économie actuelle et future. Initialement, la Blockchain a été créée dans le but d’effectuer des transactions indépendamment d’un organe central de contrôle. Aujourd’hui, son usage est envisagé dans de nombreux secteurs économiques46 : - L’Assurance : Au sein du secteur de l’Assurance, le technologie Blockchain est envisagée dans le but d’automatiser les transactions grâce aux Smart contracts qui permettent de réduire les frais de structure des assureurs47 . - L’État : Afin d’augmenter la fluidité et la traçabilité des données des citoyens, des pays, comme l’Estonie, sont en train d’envisager l’utilisation de la Blockchain. Ceci permettrait aussi la standardisation des données au sein même des différentes entités d’État et de donner accès ou non à certaines informations au sein de ces organismes48 . - Le Retail et le Luxe : Confrontés à des problématiques de traçabilité, autant en amont de la production qu’en aval, la Blockchain pourrait permettre d’établir des certifications pour chaque produit et favoriser l’optimisation des actions de productions49 . - Les Médias : Au niveau mondial, la digitalisation des médias a donné lieu à de nouveaux défis et notamment à la gestion des droits d’auteur et à la traçabilité de l’information. La Blockchain pourrait rendre possible la création d’une base de données mondiale accessible partout dans le monde ce qui permettrait de fluidifier les transactions de contenu50 . 44 Technologie d’application générale. 45 DELLA CHIESA Martin, HIAULT François et TEQUI Clément. Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. Éditions EYROLLES, 2019. p.187 46 Ibid. p.190 47 Brandvoice. « Les assurances et la Blockchain : qu’est-ce que cela peut donner ? » 48 PERREAU, Charlie. « Comment l'Estonie décentralise son administration avec la Blockchain ». Journal du net. 49 BOUBLIL Frédéric et SAVARD Antoine. « Blockchain et Retail : quels usages, quelles perspectives ». Stanwell Insight. 50 BLOCKCHAIN PARTNER. « [Blockchain Business Cases] La Blockchain utilisée par l’industrie du cinéma
  • 25. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 25 3.4. La création de crypto-actifs innovants et l’émergence de nouveaux business models Aurions-nous pensé, il y a dix ans, qu’une personne achèterait « un usage potentiel futur d’un produit » comme au sein des ICO aujourd’hui ? Aurions-nous pensé pouvoir nous passer des banques pour financer un projet ? La création de ces nouveau crypto-actifs innovants nous permet d’entrevoir toutes les potentialités économiques et commerciales de la Blockchain. De nouveaux business models émergent. Slock.it51 est une entreprise qui combine les objets connectés de notre quotidien à la Blockchain. « Avec un smart contract et une serrure connectée, plus besoin d'Airbnb : le locataire passe son smartphone devant le verrou pour entrer dans l'appartement. A la fin de la période de location, les portes se reverrouillent automatiquement » (Stephan Tual, cofondateur de la start-up)52 . Grâce à cette technologie, la commission de 15% habituellement prise par Airbnb passe à 1% grâce à cette solution. Certaines économies sont en train de se transformer et utilisent la Blockchain du fait de son réseau distribué, sécurisé et stable. Maintenant, l’appréhension, l’adaptation et l’évolution de nos standards économiques, financiers, réglementaires et juridiques vont être déterminants, car comme toute innovation, la technologie Blockchain n’est pas encore parfaite et de nombreuses difficultés restent encore en suspens. 51 SLOCK.IT, site officiel de la société. 52 LE CLUB DU BITCOIN. « Comment la Blockchain va créer de nouveaux business ». Capital.
  • 26. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 26 4. Les inconvénients et difficultés encore à résoudre au sein de la Blockchain 4.1. Une technologie encore méconnue Tout d’abord, même si la Blockchain a été créée en 2008, elle reste encore méconnue du grand public53 . Créée pour être utilisée à grande échelle, les utilisateurs finaux ne sont pas encore au fait des capacités de cette nouvelle technologie et ne saisissent pas encore son utilité. Sont-ils réticents aux nouvelles technologies en général ? Ont-ils besoin de temps pour appréhender les notions ? Ont-ils eu l’impression d’avoir à faire au nouveau « buzz word » ? Peu importe. Faire comprendre les applications potentiellement révolutionnaires de la Blockchain reste un défi pour sa communauté, afin de démocratiser son utilisation. 4.2. La fin des tiers de confiance ou un simple déplacement de ces derniers ? L’application de la Blockchain à notre société sera un véritable défi. Cette technologie qui se veut sans tiers de confiance, va devoir répondre de son activité aux organes décisionnaires de tous les pays. Si elle ne le fait pas, les organes décisionnaires n’auront aucun intérêt à lui apporter leur soutien. De plus, les intermédiaires actuels, comme les banques, n’ont pas de réel intérêt à ce que cette technologie voie le jour54 . Du fait du fort pouvoir des banques sur les organes décisionnaires, certains pensent même que le secteur financier pourrait essayer de réduire l’utilisation de la Blockchain, sa disponibilité ou même essayer de l’interdire. Deux choix s’offrent donc à la communauté Blockchain : - Coopérer avec les organes décisionnaires de tous les pays afin que celle-ci puisse être à terme démocratisée ; mais cela signifie que son idéologie anarchiste devra être modifiée afin d’accepter des organes d’autorité. - Garder sa philosophie anarchiste avec l’impossibilité donc de rendre cette innovation accessible à tous. 53 FORBES. « Blockchain : les 5 inconvénients de cette technologie ». 54 Ibid.
  • 27. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 27 4.3. Une technologie à ses prémices : sécurité versus efficacité. Comme toute innovation, la technologie Blockchain n’est pas encore parfaite et certains s’interrogent sur sa capacité à faire face aux attaques. Même si la sécurité au sein des systèmes Blockchain est très importante, un sujet fait débat au sein de la communauté Blockchain « les attaques à 51% ». « Une telle attaque peut se produire si une entité parvient à contrôler plus de 50% de la puissance de hachage du réseau, ce qui permettrait éventuellement de perturber le réseau en excluant ou en modifiant intentionnellement l'ordre des transactions »55 . Ces attaques ne pourraient modifier que pendant un court moment les transactions récentes. Les blocs étant liés par des preuves de travail, modifier une information ancienne nécessiterait une puissance de calcul quasi-impensable. Ces attaques sont aujourd’hui envisageables au vu de la taille de certains réseaux car « une fois qu'une Blockchain est devenue suffisamment grande, la possibilité qu'une seule personne ou un groupe obtienne une puissance de calcul suffisante pour submerger tous les autres participants atteint rapidement des niveaux invraisemblables »56 . Un risque d’attaque existe donc, et la communauté cherche aujourd’hui des solutions pour empêcher qu’elles se produisent. Aujourd’hui, l’une des solutions utilisées pour sécuriser davantage le réseau et empêcher ces attaques est la complexification des calculs de validation ou preuve de travail. Le problème est que cette complexification entraîne une baisse d’efficacité du réseau de la Blockchain : 1. Les nœuds sont à nouveau à la recherche d’une forte puissance de calculs et utilisent de grande quantité d’énergie pour y arriver. 2. La validation d’une transaction, qui se voulait rapide, est parfois plus lente que les systèmes de paiement traditionnels.57 D’autres solutions technologiques sont donc à trouver afin que les réseaux Blockchain n’aient pas à choisir entre la sécurité et l’efficacité. 55 BINANCE ACADEMY. « Avantages et inconvénients de la Blockchain » 56 BINANCE ACADEMY. « Qu’est-ce qu’une Attaque à 51% ? ». 57 FORBES. « Blockchain : les 5 inconvénients de cette technologie ».
  • 28. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 28 4.4. Le besoin en stockage nécessaire à son développement La démocratisation de la Blockchain inquiète du fait de son important besoin en espace de stockage. « La Blockchain Bitcoin nécessite actuellement environ 200 Go de stockage » 58 et « la croissance actuelle de la taille de la Blockchain semble dépasser celle des disques durs ». Le développement de la Blockchain pourrait donc se voir ralenti du fait que certains utilisateurs ne puissent se fournir en espace de stockage nécessaire. La communauté Blockchain doit donc faire face à ce problème, afin que tous les nœuds du réseau soient capables de stocker le registre59 , pour que cette technologie puisse être démocratisée. 58 BINANCE ACADEMY. « Avantages et inconvénients de la Blockchain » 59 Ibid.
  • 29. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 29 Pour conclure, la technologie Blockchain découle de l’évolution des formes de transactions depuis des milliers d’années et s’explique grâce à l’histoire de notre monnaie et de nos moyens de transactions. La confiance en une monnaie réside dans la confiance accordée à la puissance politique qui la contrôle, et c’est donc grâce à cette confiance en l’État que nous utilisons ou pas un système de transactions. Derrière la philosophie Blockchain apparentée à une idéologie anarchiste, réside une véritable remise en cause de notre système de confiance. Avec la création de la Blockchain, la confiance ne résiderait plus en l’Homme mais au sein de la technologie. La Blockchain est simplement une conséquence de la volonté de réduire l’erreur humaine, en proposant un système global de transactions, dont la confiance est basée sur la technologie. La Blockchain est un système permettant d’effectuer des transferts d’actifs via une monnaie digitale, de manière sécurisée, sans dépendre d’un organe central de contrôle qui valide ou non les transactions. L’utilisation d’un réseau décentralisé assure le processus de validation et de sécurisation des transactions, grâce aux innovations technologiques telles que la fonction Hash et le réseau pair-à-pair. Cela fait de la Blockchain un réseau distribué, sécurisé et stable, qui ne nécessite pas de confiance entre les utilisateurs et qui élimine les risques liés à la centralisation de la responsabilité. Plusieurs outils découlent de la création de la technologie Blockchain : les crypto- monnaies, les tokens, les différents types de Blockchain (publiques, permissionnées, et privées) les Smarts contracts, les oracles, les DApps, les DAO (Decentralized Autonomous Organisation), les ICO (Initial Coin Offering) et les STO (Security Token Offering). Tous ces outils permettent de répondre aux difficultés actuelles de plusieurs secteurs économiques de notre société, tels que l’Assurance, l’État, le Retail, le Luxe, les Médias. Ils permettent aussi la création de crypto- actifs innovants et l’émergence de nombreux business models. Malgré ses nombreux avantages, la technologie Blockchain reste une innovation récente, encore méconnue du grand public, qui doit régler plusieurs conflits au sein de sa communauté. La Blockchain doit aussi s’intégrer au sein des législations afin de pouvoir être accessible au plus grand nombre. Ces inconvénients ne remettent pas en cause la Blockchain. Même si le chemin vers une adoption par le grand public paraît encore long, l’attirance de certains secteurs pour cette technologie est très prometteuse.
  • 30. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 30 I. État des lieux du financement des œuvres audiovisuelles en France Afin de comprendre pourquoi l’industrie audiovisuelle française aurait besoin de nouvelles solutions de financement, nous ferons, dans cette prochaine partie, un état des lieux du financement des œuvres audiovisuelles en France. Il sera aussi question d’identifier d’autres besoins liés à ces actuelles méthodes de financement. A. Comment se finance une œuvre audiovisuelle aujourd’hui ? Pour l’élaboration d’une œuvre audiovisuelle, plusieurs étapes sont nécessaires. Tout d’abord, il y a l’émergence d’une idée puis le développement du scénario. Sauf dans le cas d’une commande par un producteur, l’auteur ne perçoit pas de rémunération immédiate. C’est lors de l’aboutissement du scénario ou selon l’avancement des différentes versions de ce dernier, que celui-ci sera mis sur le marché et potentiellement cédé au producteur contre rémunération. Par la suite, le producteur va commencer à construire le projet. C’est la phase de pré- production. Cette dernière consiste en la recherche d’un réalisateur, de financements, l’élaboration du casting, des décors et la planification du tournage. Ensuite, le projet entre en phase de production : c’est à ce moment que le tournage a lieu. Pour finir, le producteur doit rassembler les éléments pour le montage : c’est la phase dite de post-production. Tout au long de ces trois phases, le producteur est amené à embaucher les équipes artistique et technique mais aussi des prestataires de services. C’est à cause de ce besoin permanent de trésorerie que le producteur doit élaborer en amont une stratégie de financement, pour que chaque étape puisse se dérouler de manière optimale. Le besoin en financement est donc présent tout au long du processus d’élaboration d’une œuvre audiovisuelle. Plusieurs acteurs du financement existent et nous allons les étudier dans cette prochaine partie.
  • 31. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 31 B. Les acteurs du financement Il existe aujourd’hui de nombreux acteurs du financement d’œuvres audiovisuelles, nous essayerons dans cette partie de présenter les principaux. i. Le(s) producteur(s) de l’œuvre audiovisuelle Le producteur de l’œuvre audiovisuelle, aussi appelé producteur délégué, est responsable du bon déroulement de la production de l’œuvre de fiction. Il garantit l’aboutissement du projet auprès de ses partenaires et assume les responsabilités financières et juridiques. Financièrement, il est l’un des principaux financiers du film et apporte 1/4 à 1/3 du budget.60 Différence entre producteur délégué et producteur exécutif D’après l’Article 132-23 du code de la propriété intellectuelle, « le producteur de l’œuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre. »61 Ce dernier ne doit pas être confondu avec le producteur exécutif, qui ne détient pas des droits sur l’œuvre. Il est choisi par le producteur délégué « pour encadrer une partie ou l’ensemble de la production. (…) Il est présent sur le terrain pour préparer le film (réunir tous les moyens techniques et humains), gérer les contrats, pendant le tournage (tenue du calendrier, suivi de l’avancement) et jusqu’à la post-production. »62 Comme il ne peut fournir l’ensemble des besoins financiers, le producteur va établir un plan de financement. « Ce plan va présenter son apport personnel, les apports des différents diffuseurs, les éventuelles sociétés en coproduction, ainsi que les aides publiques et les autres soutiens tels que les SOFICAs. »63 60 BNP PARIBAS. « Cinéma : quels sont les acteurs du financement d'un long métrage ? » 61 FRANCE, Code de la propriété intellectuelle, Article L132-23. 62 PAUME, Florian. « Les différents types de producteurs ». Retour vers le cinéma. 63 Apprendre le cinéma. « Le producteur du film ou le producteur délégué »
  • 32. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 32 Le(s) co-producteur(s) Les co-producteurs sont des personnes physiques ou morales qui apportent, elles aussi, des fonds au projet, en contrepartie d’une partie des droits de propriété sur l’œuvre. Cette contrepartie leur permettra, comme au producteur, de toucher un pourcentage sur les recettes de l’œuvre. ii. Les distributeurs et les diffuseurs Deux types de sociétés se chargent de faire connaître l’œuvre au public : - Les distributeurs - Les diffuseurs 1. Les distributeurs Les distributeurs sont responsables : - De commercialiser une œuvre de fiction (achat des droits, duplication des copies, négociations avec les diffuseurs, festivals, vente internationale de l’œuvre à des distributeurs internationaux…) - D’en faire la publicité (établissement d’un plan-média et de partenariats, relation- presse…) Par ailleurs, les distributeurs sont souvent en charge de la gestion des droits des œuvres de fiction qu’ils distribuent (durée de la cession de droits, limite géographique ou linguistique de la cession de droits, chronologie des médias64 …). Comme nous l’avons vu, le producteur est l’ayant-droit ultime, mais il confie au distributeur un certain nombre de droits et fait de lui son mandataire. En échange, les profits générés (recettes en salle, ventes en vidéo…) seront répartis entre le distributeur et le producteur. 64 Chronologie des médias : règle définissant l'ordre et les délais dans lesquels les diverses exploitations d'une œuvre peuvent intervenir. Ce n'est qu'après une durée déterminée en salles que les autres exploitations (vidéo, télévision...) sont autorisées.
  • 33. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 33 2. Les diffuseurs Les diffuseurs sont les dernières sociétés qui permettent au public de pouvoir regarder l’œuvre de fiction : salles de cinéma, détaillants (Dvd, Blu-ray…), télévision, plateforme de distribution (VoD), etc. En fonction du public qu’elle souhaite toucher, une œuvre de fiction peut bénéficier successivement de plusieurs moyens de diffusion. Pour un long-métrage par exemple, ce dernier sortira en salle, sous forme de Dvd, sur une chaîne de télévision et sur des plateformes de VoD. Les recettes de l’œuvre de fiction seront réparties entre le diffuseur, le distributeur et le producteur. 3. Le préachat d’une œuvre audiovisuelle Le schéma ci-dessous, de Jérôme Pons, présente la chaîne de transmission d’une œuvre audiovisuelle65 . En fonction du diffuseur qu’il souhaite atteindre, le producteur va passer par différents distributeurs ou n’en choisir aucun. Pour atteindre les salles de cinéma, un producteur devra 65 PONS, Jérôme. « La mise en œuvre de la Blockchain et des smart contracts par les industries culturelles » (Août 2017).
  • 34. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 34 établir un contrat de distribution avec un distributeur également exploitant de nombreuses salles de cinéma (exemples : Gaumont, Pathé, etc.). Pour atteindre les détaillants, les plateformes ainsi que la télévision, le producteur devra se diriger vers un distributeur de physique ou de numérique (exemple : StudioCanal). Enfin, lorsqu’un producteur réalisera une œuvre de fiction pour la télévision, il contactera directement une chaîne de télévision. Avant d’engager la production d’une œuvre de fiction, le producteur va essayer de céder en amont les droits d’exploitation de l’œuvre à des distributeurs et à des diffuseurs (dans le cas d’une œuvre télévisuelle). On parle ici de contrats de préachat : ce sont des accords conclus et exécutés avant que l’œuvre ne soit produite. Ils sont fondés sur la viabilité du projet ainsi que sur sa force artistique et son marketing. Ce type d’accord permet : - Soit de souscrire un prêt bancaire en utilisant l’accord comme garantie ; - Soit de recevoir à l’avance un paiement du distributeur, à un tarif réduit, appelé minimum garanti (MG). Un minimum garanti « constitue une avance financière sur les recettes futures du film, avance payée par le ou les mandataire(s) (distributeurs salles, exportateurs, éditeurs vidéo, etc.) au producteur délégué, en contrepartie d’une cession de droits d’exploitation du film. Un MG peut correspondre à un ou plusieurs marchés d’exploitation du film. »66 « On distingue 3 types de MG en fonction du support d'exploitation concerné : • MG Salles : avance sur les recettes des salles de cinéma en France, • MG Vidéo : avance sur les recettes d'exploitation DVD, Blu-Ray et VoD en France, • MG International (ou Étranger) : avance sur les ventes à l’international. »67 Dans le cas précis des chaînes de télévision, ces dernières ont pour obligation de « consacrer une part de leur chiffre d’affaires à la production »68 . Elles assument souvent un rôle de co- producteur ou bien leur obligation prend « la forme de préachat de droits d'une ou de plusieurs diffusions du film sur leur antenne sur une période donnée ». 66 CNC. Etude du CNC : « L’économie des films français ». Décembre 2013. 67 MOVIES ANGELS. « Quelques notions de financement de la production ». 2015. 68 Ibid.
  • 35. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 35 iii. Les aides régionales, nationales et européennes 1. Le CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) Le système de soutien financier de l’industrie audiovisuelle française est unique au monde. Il est basé sur le principe que « toute personne qui tire profit de la diffusion d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles doit contribuer à la création de ces œuvres »69 Cela signifie que l’audiovisuel est d’abord financé en interne par les acteurs du secteur : salles de cinéma et chaînes de télévision principalement. Les contributions de ces acteurs sont collectées sous forme de taxes et gérées par le CNC70 dans le but d’aider trois économies distinctes : celle du cinéma, celle de l’audiovisuel et celle du multimédia. Bien que le CNC ait diverses ressources pour financer ses soutiens, les taxes représentent plus de 75% de son budget. Il y existe trois taxes spécifiques : • La TSA (taxe spéciale additionnelle) : elle est prélevée sur les recettes de la billetterie des salles de cinéma et représente 10,72% du prix de l’entrée en salle de spectacles cinématographiques. • La TST (taxe sur les services de télévision) : elle concerne toutes les sociétés ayant une activité d’éditeur et/ou de distributeur de services de télévision et est calculée sur le chiffre d’affaires des sociétés. En 2015, elle représentait 76% du total des taxes perçues par le CNC71 . • La « taxe sur les éditeurs vidéo » (ventes et locations de vidéo physique ou dématérialisée) : elle représente 2% du prix de vente d'une vidéo. Au vu de l’évolution du marché de la vente et de la location de vidéos, cette taxe a dû être adaptée aux nouvelles habitudes de consommation. Aujourd’hui, « toutes les plateformes de vidéos, payantes ou gratuites, qu'elles soient établies en France ou à l'étranger, seront soumises aux mêmes règles fiscales. »72 69 ASM BOURDON, Léa. « Le rôle du CNC dans le financement du cinéma en France ». MEDIAPART. 2016. 70 Centre National du Cinéma et de l'image animée - établissement public administratif créé en 1946 et rattaché au Ministère de la culture depuis 1959 71 ASM BOURDON, Léa. « Le rôle du CNC dans le financement du cinéma en France ». MEDIAPART. 2016. 72 CNC. « Une grande victoire pour l’exception culturelle » (21 Septembre 2017)
  • 36. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 36 En 2018, le CNC a pu soutenir les filières du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia à hauteur de 803,5 millions d’euros73 dont 358,5 millions d’euros pour le cinéma et 305,9 millions d’euros pour l’audiovisuel. « Le produit brut des taxes affectées au fonds de soutien s’est élevé à 674,8 M€, stable par rapport à 2017 (675,0 M€). »74 2. Le crédit d’impôt Même s’il existe beaucoup de dispositifs transversaux, il paraît important de présenter un dispositif en particulier : le crédit d’impôt. Créé en 2004, le crédit d’impôt a pour objectif d’inciter la localisation de tournages de films en France. Il permet à une société de production de déduire de son imposition une partie des dépenses liées à l’œuvre. Il existe aujourd’hui trois crédits d’impôt pour les œuvres audiovisuelles75 : - Le crédit d’impôt cinéma (142 films représentant 804 millions d’euros de dépenses en France en 2017) - Le crédit d’impôt audiovisuel (1 554 heures de programmes représentant 995 millions d’euros de dépenses en France en 2017) - Le crédit d’impôt international (52 projets représentant 222 millions d’euros de dépenses éligibles en France en 2017) D’après le CNC, le crédit d’impôt a permis une relocalisation massive des tournages en France. En 2015, la délocalisation des tournages était de 27% contre 12% en 2017. 73 CNC. Bilan 2018. 74 Ibid. 75 CNC. « Crédits d’impôt : + 600 M€ d’activité supplémentaires en 2017 » (15 Février 2018)
  • 37. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 37 3. Les aides régionales Les régions soutiennent elles aussi l’audiovisuel et le cinéma grâce à la collaboration « CNC/État/Région ». Généralement, le soutien est réalisé par des subventions régionales accordées à la suite de l’étude du dossier par un comité. Ces subventions ne sont pas remboursables : en contrepartie, le producteur s’engage à réaliser une partie des dépenses dans la région. En 2019, au travers du dispositif CNC/État/Région, 2125 aides ont été accordées par l'ensemble des collectivités territoriales, soit plus de 83 millions d’euros de crédits76 . 4. Les aides européennes Au niveau européen, il existe deux principaux programmes d’aide pour l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel. Tout d’abord, le programme MEDIA fait partie du programme Europe Créative développé par l’Union Européenne. Il est destiné aux secteurs culturels et créatifs. Au sein du volet MEDIA, environ 20 dispositifs de soutiens financiers sont proposés aux producteurs, distributeurs, organismes de formations… 77 . De 2014 à 2018, le programme a investi dans les structures françaises 115 millions d’euros, soit 21% de son budget. Ces fonds ont permis de soutenir 440 projets français. Ce programme soutient aussi la mobilité des œuvres audiovisuelles : « En 2017, 124 films français ont bénéficié d’un soutien à la distribution en salle dans 29 pays européens et 85 films de 22 pays européens aidés pour leur sortie en France. »78 Ces aides sont particulièrement demandées, ce qui pousse les candidats à faire du lobbying auprès des décisionnaires et à construire leur plan de financement en fonction des règles et régulations de ce programme79 . Un autre programme existe au niveau européen : Eurimages. C’est un Fonds du Conseil de l'Europe qui encourage la coopération entre professionnels issus de différents pays européens (coproduction, distribution, exploitation d'œuvres cinématographiques européennes). « Eurimages dispose d’un budget annuel de 26 millions d’euros. Cette enveloppe 76 Ciclic Centre-Val de Loire. « Les tendances de l’année 2019 » 77 CNC. « Ressources auteurs : aides financières : les aides régionales, nationales et européennes » (21 Juillet 2010) 78 RELAIS CULTURE EUROPE. « Europe Créative MEDIA et l’audiovisuel français » (Mai 2018) 79 GAUBERTI, Annabelle. « Financement de films | Comment financer la production de votre film ? » (2016)
  • 38. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 38 budgétaire se compose essentiellement de la contribution de chacun des États membres et du remboursement des soutiens accordés. »80 Le soutien d’Eurimages est : - Soit une avance sur recettes (pour les co-productions qui remboursent ce soutien grâce aux recettes générées par le projet) - Soit une subvention (pour la distribution en salles et l’exploitation) iv. Les SOFICA (Société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) Les SOFICA81 sont des « sociétés d’investissement destinées à la collecte de fonds privés consacrés exclusivement au financement de la production cinématographique et audiovisuelle. » Elles collectent des fonds auprès des particuliers qui, grâce à la souscription à des parts de SOFICA, peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu allant jusqu’à 48 % du montant souscrit82 . Chaque année, des SOFICA sont agréées pour l’investissement en N+1. En 2019, 12 SOFICA ont été agréées pour un total de 63 070 000 d’euros83 . L’intervention des SOFICA est un soutien essentiel pour les producteurs indépendants, mais ne représentent qu’une petite partie des devis (en moyenne 7 % en 2017). De plus, les SOFICA concernent principalement l’industrie cinématographique et ne consacrent que 14% de leur budget au secteur de l’audiovisuel. Le secteur de l’animation est lui aussi peu représenté avec seulement 9%. Les SOFICA sont donc complémentaires d’autres sources de financement privés et sont des partenaires précieux car elles permettent « le bouclage du plan de financement de l’œuvre et apporte leur contribution très tôt, sans qu’il soit besoin de solliciter des avances auprès des banques, à l’inverse des préventes télévisuelles ou des à-valoir distributeurs. »84 80 CONSEIL DE L’EUROPE. « EURIMAGES - Fonds de Soutien au Cinéma Européen » 81 Créés par la loi du 11 juillet 1985 82 CNC. « Les SOFICA : Un dispositif original de financement du cinéma et de l’audiovisuel » 83 CNC. « Les SOFICA agréées en 2019 pour les investissements en 2020 » 84 CNC. « Les SOFICA : Un dispositif original de financement du cinéma et de l’audiovisuel »
  • 39. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 39 v. Les banques et l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) Les banques sont un des moyens de financement d’une œuvre audiovisuelle. Généralement, elles permettent de boucler le plan financement avec des prêts. Du fait de la spécificité des plans de financement au sein de l’industrie audiovisuelle, l’IFCIC a été créé en 1983 avec la mission d’intérêt général de « faciliter l'accès au crédit bancaire des entreprises des secteurs culturels et créatifs. »85 Cette mission est remplie par l’IFCIC qui apporte des garanties de crédits et une participation au risque, avec une profonde analyse du financement du projet culturel. « L’institut peut garantir, avec l’aide du CNC, du ministre de la Culture et de la Banque de France, un montant total annuel de crédits de l’ordre de 720 millions d’euros »86 . L’IFCIC ne s’adresse pas qu’au secteur de l’audiovisuel et du cinéma mais aussi à la musique, au spectacle vivant, à la mode, aux livres, à la presse, etc. 87 ; mais ces deux secteurs restent les plus concernés par l’activité de l’IFCIC. vi. D’autres méthodes de financement développées ces dernières années 1. Le placement de produit Le placement de produit consiste à rendre visible un produit à l’écran. Ce type de publicité est parfois moins cher pour les marques qu’une publicité classique à la télévision ou sur papier. En échange de cette mise en avant à l’écran, les marques rémunèrent le producteur. 85 IFCIC. « Présentation de l’IFCIC » 86 DOURNEAU, Martin. « Les aides publiques au cinéma français : indispensables mais complexe ». La revue des médias. (Octobre 2015) 87 IFCIC. « Rapport d’activité 2018 »
  • 40. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 40 En termes de financement des œuvres audiovisuelles, le placement de produit représente une part croissante des financements88 . Les œuvres audiovisuelles bénéficiant de ce type de financements sont nombreuses mais doivent correspondre à une « marketabilité » forte, et la marque peut avoir des exigences sur la réalisation de l’œuvre. Un exemple connu de placement de produit a été réalisé par la marque Heineken. Il s’agissait moyennent 150 millions de dollars, que dans le James Bond Skyfall, le héros soit un buveur de bière. 2. Le Crowdfunding Le crowdfunding est une méthode de lever de fonds par internet qui récolte des contributions auprès de particuliers. Les particuliers peuvent faire de simples dons - on parle alors de Crowdfunding caritatif - ou être rémunérés : - Soit en nature (œuvre dédicacée, affiches, rencontre avec l’équipe artistique) : on parle alors de Reward-based Crowdfunding. - Soit avec des intérêts : on parle alors de Lending Crowdfunding - Soit avec des droits à recette sur les bénéfices espérés : on parle alors d’Equity-based Crowdfunding Il existe aujourd’hui de nombreuses plateformes qui permettent à des porteurs de projet de lever des fonds selon les modalités citées ci-dessus. Ce type de financement est en perpétuelle croissance en France avec 336 millions d’euros levés en 2017. Concernant l’audiovisuel, cette méthode est de plus en plus utilisée par les productions pour boucler le budget. Par exemple, d’après le site de We Love Cinema by BNP Paribas, « la comédienne Michèle Laroque a ainsi récolté 400 000 euros pour son film Jeux dangereux (2013). De même, Polisse (2011) de Maïwenn, ou le premier film d’Audrey Dana, Sous les jupes des filles (2014), ont également fait appel à la générosité des internautes. »89 88 GAUBERTI, Annabelle. « Financement de films | Comment financer la production de votre film ? » (2016) 89 WE LOVE CINEMA by BNP PARIBAS. « Le crowdfunding au cinéma : financez les films et séries dont vous rêvez »
  • 41. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 41 C. Une industrie de plus en plus dépendante des financements publics stricto sensu. i. Des chiffres rassurants qui reposent sur un système particulièrement régulé D’après le bilan de Frédérique Bredin, ancienne présidente du CNC, en mars 2019, les films français ont réalisé une performance exceptionnelle en termes de part de marché, comparé aux autres grands films européens : 40% en 2018 pour les films français contre 12% au Royaume-Uni et 24% en Italie. De plus, les films français ont aussi une production dynamique avec 237 films en 2018. L’ancienne présidente du CNC précisait aussi que la France était « au cœur de la création cinématographique mondiale, grâce à de nombreuses coproductions »90 . Les films français ont aussi une durée de vie de plus de 10 ans avec 40% des recettes qui sont réalisées après la première année d’exploitation. Tous ces chiffres nous montrent donc les actuels dynamisme et force de l’industrie cinématographique française. D’après le rapport de Dominique Boutonnat, président du CNC, malgré ces chiffres rassurants, « à l’été 2018, les filières cinématographique et audiovisuelle sont unanimes sur les signes indiquant une transformation radicale des conditions de financement de la création française. »91 Depuis quelques années, beaucoup de facteurs témoignent de cette évolution : baisse du budget moyen des films, difficultés économiques des distributeurs, baisse de la capacité d’investissement des diffuseurs, arrivée en puissance des plateformes numériques qui viennent modifier les habitudes de consommation des Français. Dans ce contexte, comment l’industrie cinématographique parvient-elle encore à réaliser de belles performances ? Selon Dominique Boutonnat, « cette situation a jusqu’à présent été relativement atténuée par un système particulièrement régulé »92 . Comme nous l’avons vu précédemment, il existe aujourd’hui de nombreux acteurs du financement qui sont 90 CNC. « Bilan cinéma 2018 : une production unique en Europe » (18 mars 2019) 91 BOUTONNAT, Dominique. « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles » (Décembre 2018) 92 Ibid.
  • 42. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 42 en lien avec le domaine public. Les normes et les régulations construites pour le cinéma sont nombreuses93 : - Obligations des diffuseurs à préfinancer des œuvres ; - Aides du CNC, des collectivités locales et de l’Union européenne ; - Fiscalité adaptée (TVA à taux réduit, taxes spécifiques, crédits d’impôt, réductions d’impôt sur le revenu avec les SOFICA) ; - Garanties de prêts grâce à l’IFCIC ; - Régulation des relations entre acteurs de l’industrie. D’après Dominique Boutonnat, « dans le secteur du cinéma, les financements publics stricto sensu (hors investissements des diffuseurs) représentent désormais près d’un quart des financements de la production. Ils ont donc déjà atteint un haut niveau d’intensité qu’il paraît difficile d’augmenter davantage, compte tenu des contraintes budgétaires de l’État. »94 Les financements publics ont donc atteint leur maximum et semblent ne pas pouvoir aller au-delà de ce niveau. ii. Une stabilité des investissements dans la production avec une baisse très significative des financements privés D’après le CNC, les investissements dans la production cinématographique française se sont stabilisés ces dernières années et se maintiennent à un niveau élevé95 : 957 millions d’euros96 . Depuis 2018, le soutien du CNC s’est aussi stabilisé et les régions ont augmenté leurs contributions. La totalité de ces aides permet de maintenir la diversité de la production française et impacte positivement l’économie tant au niveau national que régional ; mais comme nous l’avons vu précédemment, les contributions publiques stricto sensu ont atteint un niveau qu’il sera difficile d’augmenter dans les prochaines années. 93 BOUTONNAT, Dominique. « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles » (Décembre 2018) 94 Ibid. 95 En effet, le devis moyen d’un film français (4 millions d’€) est presque deux fois supérieur aux devis des autres pays européens. 96 CNC. « Bilan cinéma 2018 : une production unique en Europe » (18 mars 2019)
  • 43. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 43 En parallèle de cela, et malgré cette stabilisation des investissements, « le système de financement du cinéma français traverse une importante zone de turbulences »97 En effet, depuis quelques années, les financements privés sont en baisse avec notamment une diminution significative des financements des chaînes de télévision. D’après le bilan 2018 de l’ARS (Association de Représentation des SOFICA), il s’agit de -22,5% au global par rapport à 2017, -31,8% pour les chaînes payantes et notamment -23,6% pour Canal Plus. De plus, les minima garantis avec les distributeurs (mandataires) sont, eux aussi, en nette diminution « avec un montant total en baisse de -30,3% par rapport à 2017 et un apport moyen par film en baisse de -22%. »98 L’investissement des SOFICA – Bilan 2018 Le financement de l’industrie cinématographique française arrive donc à un tournant décisif où les financements publics ne peuvent plus augmenter et où les financements privés se réduisent. Afin de maintenir ce haut niveau de production et de diversité, de nouvelles alternatives au financement doivent être trouvées. 97 ARS. « L’investissement des SOFICA : Bilan 2018 » 98 Ibid.
  • 44. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 44 iii. Dépendance à l’argent public : quel avenir ? D’après un article du Figaro publié le 19 mars 2019, pour répondre à la baisse des financements provenant des chaînes de télévision et des distributeurs, l’industrie cinématographique s’est pour l’instant tournée vers le financement public. En effet, d’après le Bilan annuel 2018 du CNC, « si on ajoute au crédit d'impôt, les aides des collectivités locales et les aides du CNC, la part de l'argent public dans la production d'un film passe de 15,6 % en 2012 à 22,3 % en 2018 »99 Cette augmentation est principalement due à la part du crédit d’impôt qui a doublé entre 2012 et 2018. Bien que le crédit d’impôt attire les tournages sur le sol français et qu’il produit des effets positifs sur l'emploi en France, il conduit tout de même « le cinéma français à dépendre de plus en plus de l'argent public. » Comme l’a très bien défini Ludovic Bottallo (agent d’artiste chez Time Art) lors d’un de nos entretiens, « le marché du cinéma est en fait sur une ligne de crête. A partir du moment où il y a n’importe quel problème, on bascule »100 . Cela a été le cas quand Canal + a retiré ses financements suite à la perte des droits sportifs ; et c’est le cas aujourd’hui quand le pays s’arrête à cause de l’épidémie. En l’espace de deux mois de confinement, ce sont 150 millions d’euros qui n’ont pas été récoltés par le CNC via les taxes spécifiques et ce sont donc 150 99 RENAULT, Enguérand. « Le cinéma français de plus en plus dépendant de l'argent public ». Le Figaro. (19 mars 2019) 100 BOTTALLO, Ludovic. Entretien téléphonique du 4 mai 2020.
  • 45. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 45 millions d’euros qui ne pourront être investis dans le cinéma. Pour faire face à ces bouleversements, l’industrie a tendance à créer de nouvelles réglementations pour le contrer. Mais est-ce vraiment la solution ? Ne serait-il pas mieux d’essayer de créer « une économie plus structurée et plus stabilisée »101 qui pourra plus facilement faire face aux changements ? Après l’épisode dramatique que nous venons de vivre à cause de l’épidémie du Coronavirus, il est clair que les économies nationale et mondiale vont en pâtir dans les prochaines années et que les réglementations vont se durcir très prochainement afin de répondre au mieux à la crise économique et sociale qui est en train de se mettre en place. Bien que l’exception culturelle française soit importante pour la création artistique, l’industrie cinématographique et audiovisuelle ne peut compter sur le fait qu’elle sera une priorité pour les gouvernements à venir. Afin de conserver le niveau de qualité et d’indépendance de l’industrie actuelle, il faut que cette dernière trouve des alternatives privées efficaces. D. D’autres difficultés au sein de l’industrie audiovisuelle qui suscitent de nouveaux besoins i. Une industrie pas comme les autres : l’art vs. l’économie. Avant de définir les alternatives de financement privé possibles pour l’industrie du cinéma, il est important de définir ce qui en fait une industrie pas comme les autres. Tout d’abord, l’audiovisuel est un art. Plusieurs types d’œuvres peuvent donc être produites et toutes ne poussent pas la rentabilité à son maximum. En effet, produire une œuvre audiovisuelle demande de trouver le juste milieu entre les contraintes économiques et la création artistique. L’industrie audiovisuelle n’est donc pas par définition une industrie à la recherche de profit et donc ne correspond pas parfaitement aux investisseurs privés cherchant un taux de rentabilité garanti et élevé. Son lien avec le secteur public en fait aussi une industrie régulée mais aussi très instable du fait de sa dépendance aux pouvoirs publics. Ensuite, comme l’a indiqué Dominique Boutonnat dans son « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles », 101 BOTTALLO, Ludovic. Entretien téléphonique du 4 mai 2020.
  • 46. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 46 il y a un véritable besoin de transparence au sein de la filière pour attirer les investisseurs privés. En effet, il est aujourd’hui compliqué d’anticiper la remontée des recettes d’une œuvre artistique, car il y a beaucoup d’intermédiaires entre le producteur et le client final qui ont tous des parts sur les recettes du film. Il sera beaucoup plus difficile pour un investisseur d’effectuer des pronostics sur le montant et surtout le moment où les recettes remonteront. Pour toutes ces raisons, l’industrie cinématographique et audiovisuelle n’est pas une industrie comme les autres. Elle a besoin de développer la transparence et la fiabilité au sein de sa filière si elle souhaite pouvoir correspondre aux alternatives de financements privés. ii. Changement des habitudes des consommateurs avec l’ère du digital D’après le « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles » de Dominique Boutonnat, « l’horizon qui se dessine est radicalement différent et ne repose plus sur les mêmes fondamentaux que l’écosystème actuel ». En effet, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition ces dernières années telles que les plateformes numériques102 et ont créé un véritable univers concurrentiel qui n’a plus de limite géographique. 102 CNC. « Présentation du Bilan 2018 du CNC – le 7 mai 2019 »
  • 47. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 47 En parallèle, les nouvelles habitudes des consommateurs ont complètement rebattu les cartes. D’après Le Bilan 2018 du CNC, « la consommation vidéo à la demande représente pour la 1ère fois la majorité de la consommation vidéo des 15-24 ans »103 Bien que les salles de cinéma soient encore très appréciées par les jeunes générations, il est important de noter que le public des films français se compose pour moitié des 50 ans ou plus (Bilan 2018 du CNC104 ). Le téléviseur est aussi un écran encore très utilisé par les ménages au niveau national. Néanmoins, le taux de pénétration est en baisse depuis 2013. Cela s’explique essentiellement par les modes de consommations des jeunes générations qui préfèrent les écrans alternatifs105 . 103 CNC. « Présentation du Bilan 2018 du CNC – le 7 mai 2019 » 104 Ibid. 105 CSA. « Plateformes et accès aux contenus audiovisuels ». 2016.
  • 48. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 48 On voit donc apparaître de véritables nouveaux modes de consommation qui représentent aussi de réelles opportunités de développement pour l’industrie cinématographique française. D’après Dominique Boutonnat, « la bataille de demain sera la bataille des contenus. » Il apparaît donc que l’industrie doit se saisir de cette opportunité et répondre au plus vite à la demande croissante de contenus de qualité au niveau mondial. iii. Dépendance des porteurs de projet face aux distributeurs et aux diffuseurs Sans financements privés, un producteur n’est pas en mesure de boucler le financement d’une œuvre. Nous l’avons vu, même si de nombreuses aides publiques existent, le producteur ne peut avoir plus de 50% de son financement en aides publiques. Les apports financiers privés sont donc indispensables. Pour cela, le producteur va généralement se tourner vers les chaînes de télévision, les distributeurs et les SOFICA. Les SOFICA restent une solution stable et viable mais ne représentent pas encore une partie assez importante du financement privé du cinéma. Comme nous l’avons vu, les chaînes de télévision et les distributeurs investissent eux aussi de moins en moins dans le cinéma. Ils deviennent donc de plus en plus exigeants sur les critères d’appréciation et les normes des œuvres qu’ils choisissent. Ils peuvent ainsi imposer de nombreux choix artistiques aux producteurs et aux auteurs-réalisateurs pour que l’œuvre corresponde au marché : la garantie relative d’une star qui attirera le public par exemple. Enfin, il est important de comprendre que, même si un producteur arrive à boucler son budget sans faire intervenir un distributeur ou un diffuseur, il finira par avoir besoin d’eux afin que l’œuvre puisse atteindre le public souhaité. Pour toutes ces raisons, nous pouvons affirmer que tous les porteurs de projet dépendent des distributeurs et des diffuseurs. Sans diffuseur ou sans distributeur, une œuvre de fiction ne sera jamais vue par un large public. D’après un rapport de la société Blockfilm, à première vue, les plateformes numériques offriraient le soutien qui manque aux films indépendants pour atteindre le public ; mais la réalité est tout autre. Lorsque les films sont achetés et payés, ils imposent un nouveau type de relation. Il n'y a pas de ventes de DVD, pas de recettes internationales, et les droits sont souvent très bas pour de nombreux cinéastes. De plus, malgré l’internationalisation de ce type de
  • 49. Blockchain et financement de l’industrie audiovisuelle Mémoire d’Iris Prigent 49 plateforme, les contenus sont souvent limités par pays ou par continent. L’audience ne peut avoir accès à la diversité cinématographique mondiale. Enfin, la multitude de contenus au sein des plateformes est finalement assez homogène stylistiquement, et beaucoup d’œuvres se retrouvent rapidement oubliées. Il existe donc une véritable dépendance des porteurs de projet aux distributeurs et aux diffuseurs qui imposent beaucoup leurs desiderata. Peut-on blâmer leurs exigences ? Peu importe. Afin de garder une diversité cinématographique stable, d’autres moyens de financement et de distribution doivent être trouvés. La production cinématographique a besoin de s’émanciper de l’État mais doit aussi reprendre la main sur la distribution de ces œuvres. Il est aujourd’hui nécessaire de créer de nouveaux modes de financement afin que les producteurs aient davantage le choix et puissent boucler plus facilement le financement d’une œuvre en laquelle ils croient. La reprise de contrôle des producteurs sur leurs œuvres a aussi été évoquée par Dominique Boutonnat dans son « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles »106 . Selon lui, les producteurs ne peuvent mettre en place une logique entrepreneuriale viable sans avoir la main sur l’ensemble de la chaîne de valeur. L’absence du suivi total de l’exploitation des œuvres par les producteurs crée de nombreux cloisonnements des couloirs de recettes ainsi qu’une faible maximisation de la rentabilité des œuvres. Les producteurs ont besoin de reprendre le contrôle sur leurs œuvres. 106 BOUTONNAT, Dominique. « Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles » (Décembre 2018)