Ce qui suit est une esquisse d'analyse des motivations qui poussaient les savants maghrébins à s'adonner à une activité mathématique, telle que l'enseigne¬ment, la rédaction d'ouvrages, la formulation et la résolution de problèmes.
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LE POURQUOI DE L'ÉTUDE DES MATHÉMATI¬QUES SELON QUELQUES SA¬VANTS MAGHRɬBINS
1. 1
LE POURQUOI DE L'ÉTUDE DES MATHÉMATIQUES SELON QUELQUES SAVANTS
MAGHRÉBINS 1
Driss LAMRABET, Ph.D
Mots-clés: Histoire des mathématiques – classification des sciences – Mathématiques et société.
INTRODUCTION
Ce qui suit est une esquisse d'analyse des motivations qui poussaient les savants maghrébins à s'adonner
à une activité mathématique, telle que l'enseignement, la rédaction d'ouvrages, la formulation et la
résolution de problèmes. Loin de prétendre mettre à nue la pensée de chaque savant présenté, nous nous
contenterons de dégager, dans la mesure du possible, quelques lignes de force autour desquelles
pourraient s'organiser les arguments avancés par les savants pour motiver l'étude des mathématiques.
Nous utilisons surtout les introductions des ouvrages mathématiques suivants: Al-Tamḥīṣ d'Ibn Haydūr
Al-Tādilī (m.1413), Ḥatt an-niqāb d'Ibn Qunfudh Al-Qusanṭīnī (m.1407), tous deux des commentaires
du Talkhīṣ d'Ibn al-Bannā' Al-Murrākushī (m.1321), Inkisāf al-ḥijāb d'Al-Qalaṣādī (m.1484), et Fiqh
al-ḥisāb d'Ibn Mun`im (m.1228). Tous ces ouvrages se rapportent à l'algèbre et à l'arithmétique. Il sera
fait recours également à la partie consacrée aux mathématiques dans la Muqaddima d'Ibn
Khaldūn.
I IMPORTANCE ACCORDÉE PAR LES SAVANTS A LA JUSTIFICATION DE L'ÉTUDE
DES MATHÉMATIQUES ET MANIÈRE DONT SONT ORGANISÉS LEURS ARGUMENTS
Les motivations qui poussaient les savants à l'étude des mathématiques sont d'abord nécessairement
d'ordre strictement personnel, puisque s'adonner à une telle activité suppose éprouver un plaisir, un
intérêt et une satisfaction lors de son exercice. De telles motivations sont rarement mentionnées par les
auteurs, qui préfèrent s'effacer en tant qu'individus, laissant de côté les raisons subjectives pour n'avancer
que des arguments objectifs et universels. Le but est d'amener le lecteur à apprécier les mathématiques
et à les étudier en lui exposant les divers types de problèmes qu'elles servent à résoudre. Le savant prêche
en quelque sorte de manière à attirer de nouveaux adeptes pour cette noble discipline. Deux sortes
1
Cet article est une reprise, pratiquement sans modification, d’un exposé publié en1994: « Le pourquoi de l’étude
des mathématiques selon quelques savants maghrébins ». Cinquième colloque maghrébin sur l’histoire des
mathématiques arabes. Hammamat, Tunisie.
Pour les biographies des savants maghrébins cités, voir notre livre publié chez Amazon:
https://www.amazon.fr/INTRODUCTION-LHISTOIRE-MATHEMATIQUES-MAGHREBINES-
Lamrabet/dp/B084DGPNNY
et en anglais :
https://www.amazon.fr/Introduction-History-Maghrebian-Mathematics/dp/B084DG7LN3
2. 2
d'arguments ressortent grossièrement: pour l'une, les arguments sont pratiquement absents ou cités sans
organisation apparente, tandis que pour l'autre ils sont arrangés selon un fil directeur.
1.1 Arguments quasi absents ou cités sans cadre unificateur
Dans quelques-uns de leurs ouvrages, certains savants se passent pratiquement d'arguments dans leurs
introductions et entrent directement dans le vif du sujet mathématique (exemples: Ibn Al-Yāsamīn dans
Talqīḥ al-afkār; Ibn Al-Bannā' dans son Talkhīṣ, Al-Qatrawānī dans Rashfat ar-ruḍāb).
D'autres citent auparavant rapidement quelques arguments, généralement basés sur des versets du Coran
ou des aspects utilitaires (exemples: Ibn Mun`im dans Fiqh al-ḥisāb, Ibn Al-Bannā' dans Raf` al-ḥijāb).
1.2 Arguments organisés: exemples d'Ibn Haydūr et d'Ibn Qunfudh
Quelques mathématiciens organisent leurs arguments en les inscrivant dans un cadre de référence
théorique. Ibn Haydūr recourt par exemple à la classification antique des sciences, tandis qu' Ibn
Qunfudh fait appel aux caractéristiques que devrait respecter tout livre.
a) Cas d'Ibn Haydūr
Sa conception des mathématiques laisse entrevoir l'influence des Ikhwān as-Safā (Les Frères de la
Pureté, vers 983). L'auteur commence par situer la science du nombre (`ilm al-`adad) parmi les autres
sciences rationnelles en s'inspirant de la classification élaborée par cette secte.
"La science du nombre", dit notre savant, "est la première des sciences intermédiaires selon la division
antique des sciences". L'auteur rappelle que, dans leur diversité, les sciences se laissent diviser en trois
catégories:
- celles dont l'objet est accessible aux sens (corporels) que sont la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le
toucher. Ce sont les sciences naturelles (Physique);
- celles dont l'objet n'existe que par la raison par voie d'influence du connu sur la matière et ce qui la
constitue ( بالعقل وجودها يكون أن وإمامنها تركب ما و المادة في تأثيرالمعلوم طريق من فقط ). Cet objet n'est pas accessible aux
sens (corporels), ne possède ni forme, ni modèle ni image dans notre esprit, puisqu'il n'a aucun lien ni
rapport avec la matière. Tels sont l'âme, la raison, les êtres spirituels, les principes rationnels et les choses
analogues.
Ces sciences constituent la Métaphysique;
- celles dont l'objet n'a pas besoin, pour exister, de matière le comprenant, tels les figures géométriques,
les nombres et les grandeurs, qui sont accessible par la raison, distincts de la matière, et qui ont des
propriétés spécifiques indépendantes de la matière qu'ils représentent. Ce sont les sciences
intermédiaires.
(ماد إلى وجوده في مفتقر غير المعلوم يكون أن إما واألعـظام و األعداد و الهندسية كاألشكال ذلك بدون قوامها و إليه المادة الحاجة شاركها بل فيها يوجد ة.
(
"Elles s'appellent sciences mathématiques (الرياضية العلوم )(....). Elles ont été appelées ainsi en raison de leur
aptitude à exercer l'âme pensante (...). " Ibn Haydūr en rappelle les quatre parties: la science du calcul
(`ilm al-ḥisāb), la géométrie, l'astronomie et la musique (science de l'harmonie : التأليف علم).
L'objectif de ce savant dans la présentation de cette classification est de mettre en évidence l'importance
de la place qu'y occupent les mathématiques. Il l'utilise aussi pour montrer que la science du nombre est
la plus ancienne parmi les autres sciences mathématiques, et ce en recourant à un principe de
3. 3
classification qui rappelle curieusement celui d'Auguste Comte (1798-1857)2
. Notre savant adopte en
effet comme principe de classification la dépendance d'une science des concepts de celle qui la précède.
Ainsi, par exemple, selon Ibn Haydur, l'arithmétique précède la géométrie, car celle-ci dépend du
nombre; l'astronomie dépend de la géométrie car elle en utilise les concepts, et ainsi de suite.
b) Cas d'Ibn Qunfudh
Dans l'introduction de son commentaire du Talkhīṣ, Ibn Qunfudh expose les huit principes que l'auteur
d'un livre doit prendre totalement ou partiellement en considération: le but (الغرض) de l'ouvrage, son
utilité ( المنفعة), son intérêt (الفائدة), son titre, la voie à suivre pour son étude, le rang qu'il occupe,
l'authenticité, et les divisions de l'oeuvre (ces principes sont énumérés par Ibn al-Akfānī, m.1348 qui
les reprend d'autres sources). Deux de ces dernières: l'utilité et l'intérêt sont directement en lien avec les
justifications.
Par les arguments qu'ils développent, les savants nous communiquent leur conception des
mathématiques et les finalités de leur étude. Par exemple Ibn Haydūr serait plutôt dans la lignée du
platonisme, tandis qu' Ibn Qunfudh et Al-Qalaṣādī seraient des "instrumentalistes" ,dans le sens que les
mathématiques sont considérées davantage comme un instrument permettant l'appréhension de divers
phénomènes et situations pratiques, les résultats primant sur les démonstrations. Notons que les
arguments avancés ne sont pas destinés à défendre les mathématiques, puisque celles-ci ne furent jamais
sujettes à des attaques comme le furent certaines parties de la philosophie. Adressés tant à l'étudiant qu'à
d'éventuels fanatiques et aux gens d'autorité, ils servent notamment à:
- Mettre en évidence l'importance des mathématiques pour la société et l'individu;
- Faire connaître le champ à l'intérieur duquel se déploie l'activité du mathématicien, et par là:
- Se prémunir contre d'éventuels reproches de fanatiques ou d'ignorants qui pourraient se dresser contre
l'exercice d'activités qu'ils jugeraient inutiles ou franchement hérétiques.
II NATURE DES ARGUMENTS AVANCES
Ces arguments peuvent être notamment d'ordre: philosophique, religieux, pédagogique, utilitaire ou
ludique L'importance de l'un ou de l'autre aspect varie généralement d'un savant à l'autre selon sa culture
générale, sa formation mathématique, la fonction qu'il assigne aux mathématiques, son épistémologie
personnelle et sa vision du statut de la connaissance. Elle varie aussi selon le sujet traité et le lecteur
visé.
2.1 Arguments d'ordre philosophique
Nous avons choisi Ibn Haydūr comme exemple d'un savant qui avance des arguments d'ordre
philosophique pour motiver l'étude des mathématiques. Ce savant épouse la pensée des Frères de la
Pureté (Ikhwān as-Safā, vers 983) et recourt, comme on l'a vu, à leur classification des sciences3
pour
2
"Il est possible de les [les sciences] classer en un petit nombre de telle manière que l'étude de chaque catégorie
soit fondée sur la connaissance des lois principales de la catégorie précédente, et devienne le fondement de la
suivante". (A. Comte, Cours de philosophie positive, 2e leçon, Aubier, p. 119).
3
Notons que Le problème de la classification des sciences préoccupa de nombreux savants maghrébins. Citons
par exemple:
4. 4
faire ressortir l'importance de la place qu'y détiennent les mathématiques comme moyen de rechercher
les vérités. Pour Ibn Haydūr:
- Le nombre est le fondement de la philosophie (الحكمة عنصر)
- Les mathématiques sont ainsi appelées parce qu'elles exercent l'âme pensante (الناطقة النفس) qui s'en
imprègne (عليها وقعت إذا) et la préparent à saisir les vérités par voie démonstrative: الناطقة النفس لرياضتها كذلك سميت
و عليها وقعت إذا.البرهان بطريق الحقائق إلدراك استعدادها
- Elles constituent un intermédiaire entre le sensible le rationnel:
أيضا سميتم في إال له وجود ال الذي الطبيعي العلم وبين ،لها يتمثل وال مادة يشارك ال الذي اإللهي العلم بين لتوسطها ،األوسط الطبيعي بالعلم،ادة
2.2 Arguments d'ordre religieux
Beaucoup de savants citent des versets du Coran mentionnant en termes laudatifs les idées de nombre et
de calcul. Ces mentions constituent ainsi une valorisation des mathématiques par le Livre Saint. Aussi,
leur étude ne peut-elle être que bénéfique pour le croyant.
Ibn Qunfudh signale la présence, dans le Coran, de tous les nombres de un à dix, des dizaines, etc. Par
exemple, pour un, deux et neuf:
"واحد "إله : "Il est une Divinité unique" ( إبراهيم-االية52 )
" إثنين "ثاني : "Tous deux (dans la grotte)" (. (الثوبة-االية40
"أرهط تسعة المدينة في كان :"و "Or, dans la ville se trouvaient neuf personnages". (.النمل-االية48)..
Ibn Mun`im et Ibn Qunfudh proposent comme raison suffisante pour honorer la connaissance de la
science du calcul (الحساب علم) et ceux qui la pratiquent le fait que le Créateur l'a mentionnée parmi ses
attributs:
"الحاسبين أسرع هو "و : "Il est le plus prompt à [faire] rendre compte".( األنعام-االية62 )
"حاسبين بنا كفى و " :"Combien Nous suffisons pour faire rendre compte!". األنبياء-االية47) ).
"الحساب سريع هللا :"إن " Allah est prompt à demander compte" عمران ال ("-االية199" ) .
"العادين فاسأل ": Interroge ceux qui savent compter".( (المومنون-االية113 .
""لحساب ا و السنين عدد لتعلموا منازل قدره و نورا القمر و ضياء الشمس جعل الذي هو : "Il est celui qui fit du soleil une clarté et de
la lune une lumière et détermina les mansions [pour la lune], afin que vous connaissiez le nombre
d'années et le comput". ( يونس-االية5 ).
2.3 Arguments d'ordre utilitaire
Les savants musulmans, dont les savants maghrébins, saisirent l'importance des mathématiques comme
outil pour comprendre, contrôler, ou agir sur
- l 'espace : géométrie, arpentage, ...
- le temps: détermination à l'aide du mouvement des astres et d’instruments astronomiques;
- la vie sociale: partages successoraux,...
Ibn Rashiq at-Taghlabi (XIIIe siècle): Abu `Ali al-Ḥusayn b. `Atiq b. Rashiq as-Sabti [voir Durra, 1:244; Jadhwa,
1:180]; il proposa une classification dans une épitre du manuscrit Q416 de Rabat. Un autre savant, l'Algérien Abu
`Abd Allah M. b. Sulayman b. `Abd al-Ḥaqq al-Ya`murī [al-Yafranī?] al-Battu'i at-Tilimsīnī an-Nadrūmī (536 ou
537-625H/1240 ou 1241-1227), composa deux ouvrages sur cette question: "Al-Faysal al-jāzim fī fadīlat al-ilm
wa-l-`ālim, fi marātib al-`ulūm " et " Al-Iqnā` fī kayfiyyat as-samā`". Ces livres sont malheureusement encore
perdus. Nous avons cependant la chance de pouvoir juger globalement de la classification proposée, puisqu' Ibn
`Abd al-Malik al-Marrākushī (début XIVe siècle) nous reproduit un passage très intéressant d'"al-Iqnā`". [al-
Dhayl wa al-Takmila, vol 8 p. 317; vol. 1 p.114].
5. 5
- la pratique religieuse: jeûne, prière,...
- la vie économique: transactions commerciales .
Les arguments proposés dans ce sens sont nombreux. En voici quelques uns.
Ibn Mun`im signale la nécessité de l'arithmétique pour la science des traditions et du Livre Saint : علم
الحساب من مقدمات إلى محتاج الكتاب و السنة, ainsi que pour les pratiques religieuses, l'astronomie la détermination du
temps et l'arpentage :
الفرائض تعرف بهالصلو أوقات و الزكوات معرفة و المواريث قسمة به و ...السماوية األجرام و العلوية التعاليم من ذلك غير و الدينية السنن و الشرعيةو ،ات
األرضين مساحة و ]...[ الشهور و األعوام و الشمس حساب به
La plupart des arguments d'ordre utilitaire avancés par Ibn Haydūr et Ibn Qunfudh
(contemporains) sont pratiquement identiques, jusque dans la formulation. Il semblerait que nos deux
auteurs se soient référés à une même source, probablement leur professeur commun al-Lujā’ī al-Fāsī
(m.1371); voici un passage commun aux deux auteurs:
...المعدودات من هو و ,الحج بفعل يتعلق ما و الرمي أعداد و الطواف أشواط عدد و الزمني الميقات من الحاج .
Les deux savants mettent en évidence l'importance du nombre pour : les lois successorales (الفرائض), dont
il est la base, l'aumone légale ( الزكاة), le jeûne en cas de non observation du croissant, le pélerinage (
nombre d'étapes du circuit de la Ka`ba : الطواف أشواط عدد ), la répartition des profit (القراض), la location
(اإلجارة), la banqueroute (التفليس), le délai de viduité ( عدة ) de la femme répudiée et d'un défunt, le délai
d'un décédé ou d'un disparu, la pension (النفقة), la prière ( nombre de prostrations ), etc.
Sur ce, Ibn Qunfudh en conclut que la science du nombre est une obligation religieuse : أص على واجب فهوح
المذاهب, ce qui rejoint l'affirmation d'Ibn Haydūr: الدين أركان من ركن الحساب علم أن واعلم
Tous les arguments précédents sont classés par Ibn Qunfudh dans la rubrique de l'utilité. Pour celle de
l'intérêt, il reprend les lois successorales et y ajoute les transactions commercialesمعامالت:فأعظمها فائدته أما و
.حسابا المسمى هو األصول بتلك فالتصرف .موضوعه أصول الفرائض ألن ،المعامالت و الفرائض بعمل االنتفاع
Ibn Haydūr étaye son argumentation en citant les vers suivants qu'il attribue à Al-Tartūshī:
تبيع و تشتري إذ عون فيه رفيع علم الحساب علم إن
تضيع حساب بال وألوف بحساب درهم قط يضع فلم
Al-Qalaṣādī, dans Inkishāf al-ḥijāb, signale que, par la rédaction des ouvrages mathématiques, il visait
essentiellement à faire acquérir les connaissances nécessaires à la maîtrise des lois successorales et au
livre d'Al-Ḥawfī (m. 1192) sur le sujet: :
.العددية أعماله في التصرف و الحوفي كتاب فهم إلى و المواريث علم إلى التوصل غير الحساب في ألفته مما أقصد لم
Objectif au service duquel notre savant déploie ses talents pédagogiques. vers
2.4 Arguments d'ordre pédagogique
Notons d'abord que de nombreux titres d'ouvrages reflètent un souci pédagogique de la part de l'auteur.
Par exemple: Talqīḥ al-afkār ( lit. Imprégnation des idées) d'Ibn Al-Yāsamīn, Tanbīh al-albāb ilā
masā'il al-ḥisāb (lit. Appel aux perspicaces concernant les problèmes du calcul) d'Ibn Al-Bannā', Irshād
al-muta`allim wa tanbīh al-mu`allim (Guide de l'apprenti et rappel à l'enseignant) d'Al-Qalaṣādī.
Dans sa Muqaddima, le célèbre Ibn Khaldūn fait référence à plusieurs reprise à la valeur formatrice des
mathématique et recommande leur enseignement dès la jeune enfance. Rappelons que notre savant fut
un temps lui-même professeur de mathématiques (voir Lamrabet, p.106).
6. 6
A propos du calcul, il dit en particulier:
" C'est par là qu'il faut commencer l'école car il donne des connaissances claires et des démonstrations
systématiques. En général, il forme des têtes bien faites, habituées à raisonner juste. On prétend même
qu'on doit faire confiance à celui qui a étudié le calcul dès son enfance, car il a acquis des bases solides,
pour la contestation, qui lui deviennent comme une seconde nature. De sorte qu'il s'habitue à l'exactitude
et s'en tient à la méthode (que lui a apprise le calcul)." (Al-Muqaddima, t III, p.1054; traduction de
Monteil).
Concernant la géométrie:
" Sachez que la géométrie ouvre l'esprit et lui donne 'le goût' de la rigueur. Toutes les démonstrations y
sont claires et bien ordonnées. L'erreur ne peut guère y avoir accès, en raison de cette clarté et de cet
ordre. Aussi, celui qui a constamment recours à la géométrie a-t-il peu de chance de se tromper. De la
sorte, le géomètre développe son intelligence. On prétend que Platon avait inscrit sur sa porte: "Que nul
n'entre ici, s'il n'est géomètre!". Nos maîtres comparaient l'effet de la géométrie sur l'intelligence à
l'action du savon sur les vêtements: elle en enlève les souillures et en nettoie les taches." (p. 1061).
Pour les transactions commerciales:
"Tout cela pose bien des problèmes, destinés à donner à l'élève entrainement et expérience, à force de
pratique, jusqu'à ce qu'il devienne très fort en calcul." (ib. ,p. 1057).
Ibn Haydūr cite les vers suivants où les mathématiques sont vues comme un moyen d' exercer les esprits
les plus rebelles:
ا دقيقات على و جليل العلوم من الحساب إندليل ألمور
كفيل المستصعبين برياضة فإنه الحساب علم على فاحرص
3.5 Arguments d'ordre ludique
De nombreux savants se plaisaient à composer des problèmes mathématiques, en vers ou en
prose, dans un but de divertissement. Si un tel aspect n'est pas cité comme argument dans les ouvrages
cités plus haut, il y a des épîtres constituées uniquement de problèmes que l'auteur destine
explicitement à la distraction du lecteur. Ibn Al-Yāsamīn, dans le Talqīḥ al-afkār, cite de nombreux
problèmes en vers, dont:
السلؤال بهذا علم عنده من فيكم هل الحساب معشر يا
المحال بفرض نصف بأنها خمسة من عشرين في قيل إن
المقال في الذي الفرض فذلك اسمها نسعتها من فسمها
Ainsi, les savants maghrébins accordaient une grande importance aux mathématiques, d'une part
comme objet culturel et mode de pensée imprégnant la vie des instruits, et comme instrument dont les
concepts sont habilement exploités comme outils pour répondre à des besoins pratiques, former l'esprit
de l'apprenant ou se distraire. Ils étaient bien conscients et intéressés tant par les aspects pratiques que
théoriques de cette discipline.
7. 7
Bibliographie
Al-Qalaṣādī: Inkishāf al-ḥijāb; ms. K 980, Rabat.
Al-Qatrawānī: Rashfat ar-rudāb min thughūr a`māl al-ḥisāb; ms. Q416, Rabat
Blachère, Régis: Le Coran. Traduction française. Maisonneuve & Larose, Paris, 1966.
Ibn Al-Bannā': At-Talkhīs; texte arabe et traduction française par M. Souissi, Tunis, 1969.
Ibn Al-Yāsamīn: Talqīḥ al-afkār fī-l-`amal bi rusūm al-ghubār; ms. K 222, Rabat.
Ibn Haydūr: At-Tamḥīs fī sharḥ At-Talkhīṣ; ms. G 112, Rabat
Ibn Khaldūn: Discours sur l'histoire universelle. Traduction de V. Monteil, Beyrouth, 1968.
Ibn Mun`im: Fiqh al-ḥisāb; ms. Q 416, Rabat
Ibn Qunfudh: Ḥatt an-niqāb `an wujūh a`māl al-ḥisāb; ms. , Rabat
Lamrabet, Driss: Introduction à l'histoire des mathématiques maghrébines edition 2020
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