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La finance durable dans la Russie moderne : de l’autre coté du
miroir
Comment un grand pays industriel telle la Russie appréhende-t-il aujourd’hui ces notions déjà
courantes, mais malgré tout encore innovantes que sont l’Investissement socialement responsable
(« ISR ») ou la Responsabilité sociale des entreprises (« RSE ») ? La Finance Durable, l’ISR, la RSE,
ont-ils déjà pénétré la Russie, le droit russe, les pratiques managériales ? Les initiatives « vertes » sont
nombreuses dans l’arène internationale. La signature de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC), l’adoption du Protocole de Koyto et, plus récemment, de l’Accord
de Paris dont la ratification doit encore intervenir pour la grande majorité des pays signataires, sont
largement médiatisées et relativement connues par les professions concernées et le grand public. Mais à
quelles mesures nationales correspondent ces initiatives ?
Pays signataire de ces trois grands textes fondamentaux du concept de « Développement durable », la
Russie entend suivre sa propre voie pour atteindre les objectifs mondiaux d’une « croissance soutenable
et responsable ». Cette voie comporte quatre grandes étapes.
Etape n°1 : cinq
Une histoire longue de plus de 25 ans de décisions, de mobilisations et d’action formant la Politique
climatique internationale, marque la Russie comme tout autre Etat dans le monde. En 1989,
l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour
l’environnement (UNEP) établissent le Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique1
.
C’est aussi le moment où le scientifique de la NASA, James Hansen, atteste devant le Sénat des Etats-
Unis que le réchauffement climatique provoqué par l’Homme a commencé2
. Il n’y a pas de retour
possible, mais il y a des mesures à prendre et une véritable coopération à mettre en place. La Convention
(CCNUCC) est adoptée en 1992, le Protocole de Kyoto (le 1er
traité mondial portant sur la réduction des
émissions de gaz à effet de serre) en 1997, et son Règlement opérationnel en 2001.
Mais l’histoire est faite quand la Fédération de Russie présente son instrument de ratification du
Protocole de Kyoto, permettant ainsi son entrée en vigueur en 20053. Ce moment peut-il être considéré
comme un tournant dans la chronique de la lutte contre le changement climatique ? La Convention et le
Protocole de Kyoto imposent-ils les premières contraintes économiques-technologiques-financières aux
pays signataires, dont la Russie ? Est-ce le moment de la naissance de la “Finance du climat” ?4
. La
réponse ne fait aucun doute.
La Convention et le Protocole appellent à la mobilisation financière globale. La transition vers la finance
durable est nécessaire pour permettre l’atténuation des changements climatiques, car une réduction
véritablement considérable du volume mondial d’émissions de CO2 exige des investissements de grande
ampleur. Une telle mobilisation est également indispensable pour permettre le financement des
stratégies d’adaptation, car les démarches de réduction des impacts du changement climatique exigent
des ressources financières importantes. La mobilisation se poursuit avec l’adoption de l’Accord de Paris
signé par la Russie à l’issue de la COP21 en Décembre 2015, et, ensuite, par l’entrée en vigueur des Dix-
sept objectifs du développement durable, le 1er janvier 2016. Ces dix-sept directions de la transition
économique et sociale font partie des stratégies globales de l’Agenda 2030 pour le Développement
durable sur lequel les leaders mondiaux se sont mis d’accord on Septembre 2015. La Russie en était un
acteur actif.
De telles initiatives à l’échelle mondiale lancent un message unique concernant la Finance durable –
‘nos’ ambitions climatiques doivent être réalisées, entre autres, à travers la mise en conformité des flux
financiers « avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et
résilient aux changements climatiques »5
. Les pays signataires admettent leur responsabilité ; la Russie
en fait partie.
Entrée dans cette spirale de mobilisation universelle, la Russie confirme ensuite son engagement
politique dans le domaine du développement durable lors de la huitième Conférence ministérielle de
l’environnement pour l’Europe (EfE) en Juin 2016 ainsi qu’à l’occasion du rassemblement G20 quelques
jours plus tard honorant, entre autres, le lancement de G20 Groupe d’Etude sur la Finance Verte
(GFSG). Ces deux manifestations illustrent la prise de conscience qu’il est essentiel de progresser en
matière du développement durable, et plus particulièrement de green finance, la responsabilité d’avancer
dans cette voie incombant à chaque pays.
En 2005, la Russie accepte à se conformer à la stratégie opérationnelle globale du Protocole de Kyoto et,
ainsi, confirme sa participation aux démarches visant au Développement durable et par conséquent à la
Finance responsable.
Quelle était et quelle sera l’expérience proprement russe depuis ce moment fondateur ?
Etape n°2 : dix-sept
L’Accord de Paris prévoit que chacune des parties signataires doit déterminer, dans un document propre,
sa contribution au niveau national (CPDNs). Ces documents doivent comprendre le détail des réductions
des émissions anthropiques de CO2 pour chaque pays signataires, ainsi que d’autres plans d’action dans
le domaine du climat. La Russie, pour ce qui la concerne, a défini sa politique nationale en la matière à
l’horizon de 2030, notamment, avec l’ambition de limiter ses émissions à 70-75% des niveaux des
années 1990. Cette ambition relève de l’objectif « interne » de limiter largement les émissions de CO2 à
l’échelle de 2020, défini par la Doctrine climatique de la Fédération de Russie du 17 décembre 2009 ainsi
que par le Décret du Président de la Fédération de Russie du 30 septembre 2013, suivi par l’Acte du
Gouvernement du 2 avril 2014 (No. 504-p). Sont ainsi tracés les contours d’une véritable politique
nationale de la Russie dans le domaine du développement durable et du changement climatique. Le
cadre de la finance responsable reste en revanche à préciser.
La Doctrine de 2009 pose, comme l’une des directions principales à prendre pour la formation d’une
politique nationale en matière du changement climatique, le développement de mécanismes
économiques et notamment la « réduction des distorsions du marché ainsi que la réalisation de mesures
de la politique fiscale et financière stimulant la diminution des émissions anthropiques de CO2 ». Mais
quelles seront ces mesures, plus particulièrement pour ce qui concerne les marchés financiers ?
Pour essayer de trouver une réponse, il faut se tourner vers la « capitale nordique » de la Russie, Saint-
Pétersbourg. Le Forum économique de Saint-Pétersbourg est un grand événement annuel rassemblant
des économistes-théoriciens, des économistes-praticiens, des économistes-politiciens…et de nombreuses
autres personnalités susceptibles d’influer le cours de nos vies. Cette année, le 17 juin, durant la session
de la table-ronde du Forum consacrée au Changement climatique, Sergueï Donskoï, le Ministre des
Ressources Naturelles et de l’Ecologie de la FR, a annoncé la prochaine création de la Banque pour les
investissements « verts »6 en Russie en 2017.
Cette initiative s’intègre dans les démarches et les réflexions qui vont permettre l’adoption progressive
par la Fédération de Russie du concept d’économie « verte » dévoilé à l’occasion du Forum par le
Ministre. Il est notamment attendu que cette démarche devienne l’un des instruments-clefs du
développement des stratégies et des pratiques d’investissement « durable ». La Banque se chargera de
proposer des outils permettant d’introduire des technologies vertes dans les industries russes et de créer
des canaux de financement pour les projets « responsables ». Cette action sera accompagnée par la mise
en œuvre obligatoire des normes écologiques dans les achats publics à tous les niveaux et dans les
marchés privés, avec l’objectif de stimuler la demande pour les produits et services « verts ».
Le marché se forme, mais la place financière suivra-t-elle ? C’est le sujet du travail de recherche d’un
groupe de scientifiques de l’Université des Finances auprès du Gouvernement de la Fédération de Russie.
La recherche, lancée dans le cadre de la mission d’Etat de l’Université pour 2015 – 2017, tâche
d’analyser les principales orientations du développement de la Finance verte dans le monde et en Russie.
Des résultats prometteurs sont attendus : la définition des directions du développement de la Finance
verte en Russie; l’introduction du marché du carbone pour les industries spécifiques; l’amélioration du
financement et de l’évaluation des projets «verts» avec l’utilisation de nouveaux instruments et
institutions, notamment, des obligations (green/climate bonds) et, plus généralement, des fonds
d’investissements « verts ». En 2017, la Russie espère lancer les mécanismes économiques permettant à
son industrie financière d’intégrer des objectifs de développement durable. Mais, aujourd’hui, dans la
finance du marché, entre l’ISR, l’Impact Investing, l’Investissement éthique, les green et climate
bonds…, quelle pourrait bien être l’approche la plus pertinente ?
Etape n° 3 : deux
Lors du Forum de Saint-Pétersbourg, Sergueï Donskoï a remarqué que l’une des solutions les plus
efficaces pour attirer le financement vers les projets « verts » était l’émission de green bonds. Il est
inutile d’expliquer que ce type de financement est aujourd’hui mondialement reconnu et prend
rapidement de l’ampleur, même si les débats sur la qualité des données recueillies et les méthodologies
appliquées continuent toujours.
La Russie dans ce domaine n’est pas la benjamine dans la famille des émetteurs de ce type d’instruments
financiers. Selon l’étude sur l’état du marché des green bonds effectuée par la Climate Bonds Initiative
pour l’année 2016, l’activité de la Russie en matière d’émission de green bonds constitue 2% du marché
mondial des obligations vertes, soit 15,5 milliards de dollars (USD). Cela permet à la Russie de figurer
dans le Top 10 des pays pour les climate bonds, i.e. des obligations alignées avec un scénario du
changement climatique. Bien sûr, la part de marché détenue par la Russie est, pour l’instant, sans
proportion avec celle de la Chine (36%) ou même celle de la France (9%). Néanmoins, ce chiffre suggère
que parmi tous les outils disponibles, les obligations vertes représentent aux yeux de la Russie l’un des
instruments les plus « évidents » de responsabilisation des industries et, par cela, des marchés financiers.
La Russie élargit sa participation aux initiatives d’investissement en « green bonds », notamment, en
tant que membre de la Banque Internationale d’Investissement (BII), fondée en 1970 dans l’objectif de
promouvoir « le développement social et économique, la prospérité et la coopération économique entre
ses pays-membre ». En avril 2016, la BII, en tant qu’institution défendant le concept du développement
économique respectueux de l’environnement, a confirmé son engagement pour le financement de
projets « verts » en annonçant la constitution d’un portefeuille d’investissements contenant de titres
« verts », majoritairement des green bonds. En date du 28 Avril 2016, le portefeuille « verts » de la BII
équivaut à 32 millions euros, soit 10% de la valeur de son portefeuille global. « L’achat des green bonds
est un nouveau domaine pour les activités d’investissement de la Banque dans le cadre de ses opérations
de trésorerie. En même temps, cet engagement confirme le statut de la BII comme l’institution
internationale de développement qui soit socialement et écologiquement responsable », a précisé Nikolay
Kosov, le Président du conseil et délégué de la Fédération de Russie au sein de la BII.
La Russie est bien partie pour accroitre progressivement sa participation au marché global des
obligations « vertes ». Toutefois, la notion de « finance durable » ne se restreint pas aux dettes
« vertes », mais englobe une large palette de stratégies et de techniques comme l’ISR, l’Impact
Investing…appliquées aux instruments financiers variés : obligations, actions, produits dérivés… . Quel
est le positionnement et l’approche de la Russie dans ces secteurs ? « Dans l’utilisation de la catégorie
« investissements responsables » la Russie choisit son propre chemin » 7 écrit le journal socio-
économique Vedomosti en 2013. Si, en France, l’ISR a reçu une définition relativement stable sur
laquelle un consensus est en train de se former sur le marché financier (même si les méthodes varient
toujours d’un analyste à l’autre), en Russie le concept de l’investissement responsable reste polysémique.
Ce concept inclut une grande diversité de stratégies et méthodes, toutes, cependant, liées au domaine de
la finance d’entreprise ou du financement de projets. On y trouve l’investissement dans le capital
humain, le développement des territoires sous forme de financement local (continu ou ponctuel) dans la
sphère sociale ou des projets sociaux qui, souvent, prennent la forme de dons ou d’autres actes de nature
philanthropique. Parfois, ce genre d’investissements est appelé « investissements venus en remplacement
du budget de l’Etat », c’est à dire les investissements réalisés par le secteur privé pour répondre aux
besoins sociaux adressés à l’Etat.
Aujourd’hui, en Russie, « la plupart des entreprises perçoivent l’investissement socialement responsable
(durable et responsable) comme l’instrument de la réalisation de la RSE », conclut la rédaction du
journal. Cela laisse la palme d’or aux green bonds, par rapport à d’autres instruments d’investissement,
dans la course à la responsabilisation des marchés financiers en Russie.
Toutefois, pour arriver à aller au-delà de ces triomphaux 2%, il est nécessaire que l’écosystème
entrepreneurial russe renforce les mécanismes d’appréciation et de suivi des projets, des activités des
entreprises, en y incluant d’une manière méthodique, des critères du développement durable et
responsable.
Etape n°4 : vingt-six mille
Le développement des stratégies RSE larges et complètes est indispensable au déploiement du système de
critères extra-financiers. Aujourd’hui, en Russie, de plus en plus d’acteurs d’industries différentes
s’engagent à mener l’auto-évaluation du caractère RSE de leurs activités en s’appuyant sur le standard
mondial de la gestion responsable – ISO 26000.
Cette tendance est manifeste dans le rapport sur Les investissements sociaux en Russie – 2014 publié par
l’Association Russe des gestionnaires, ce qui indique que le concept de RSE accepté en Russie se
rapproche de celui utilisé par la plupart des pays de la communauté internationale. C’est également le
signe de l’intégration graduelle des stratégies de la RSE par les entreprises russes dans le système de
fonctionnement global de leur « business model ».
On y trouve les mécanismes auxquels les industriels français intégrant une approche RSE se sont déjà
habitués : l’introduction de standards internationaux dans le système de gouvernance de l’entreprise
(principalement les normes de l’OIT et lSO), l’adoption des codes de conduite (souvent propres à
l’entreprise ou l’utilisation du Global Compact par l’ONU ou, encore, l’application de la Charte Sociale
des Entreprises de Russie), l’élaboration du reporting extra-financier (sur la base de mêmes standards,
plus les lignes directrices des initiatives GRI et AccountAbility), etc.
Bien sûr, l’ampleur de ces initiatives est encore relativement limitée. Le Rapport couvre 60 grandes
entreprises en 2015 contre 102 dans sa version de 2008-2009. Il reste encore juste de qualifier les
stratégies RSE de « nouvelles tendances » dans la réalité socio-économique des entreprises russes.
Pourtant, la Russie prend progressivement la voie d’une transition vers les concepts économiques
« verts ». Ainsi, les entreprises russes partagent la vision de la RSE formulée par leurs collègues
européens en la définissant comme un système complexe dont l’objectif est d’obtenir des résultats
prévisibles et mesurables. La réalisation de la stratégie RSE de l’entreprise a ainsi comme finalité la
gestion des risques physiques, légaux et réputationnels présents et futurs. Le rapport ne mentionne que 3
entreprises sur 60 entités analysées qui interprètent la RSE comme un moyen de création de valeur.
Malheureusement, malgré toutes les avancées en la matière ces dernières années, l’interprétation de la
RSE comme méthode de gestion des risques avant tout demeure prédominante, en Russie comme dans
le reste du monde.
Il reste tout de même que la Russie aux cotés des 194 pays-membres du Panel intergouvernemental sur
le changement climatique, est confrontée aux mêmes enjeux communs au niveau de ses industries
comme des politique publiques. C’est ainsi que le Rapport de 2014 sur les investissements sociaux en
Russie fait des recommandations en matière d’amélioration des pratiques RSE. Parmi ces propositions
destinées aux agents économiques russes, y compris le gouvernement, figurent l’élaboration et la mise
en œuvre de la Stratégie nationale du développement durable et de la responsabilité sociétale.
Quant au secteur privé, il faut relever dans le Rapport, entre l’invitation à développer une approche
stratégique de la RSE intégrant le dialogue avec les parties prenantes et l’incitation à adapter les
démarches aux spécificités des secteurs industriels, la recommandation de « percevoir toute la variété
des activités à vocation sociétale comme un portefeuille unique d’actions orientées vers les sujets de la
responsabilité sociétale conformément au standard ISO 26000 « Les lignes directrices sur la
responsabilité sociale » ».
Si le standard ISO 26000 ne peut être considéré comme le parfait symbole des normes assurant une
« véritable » stratégie RSE, il peut, néanmoins, être considéré aujourd’hui un concept de base, bon ou
mauvais, pour le développement de la RSE en Russie et dans tous les autre pays de la communauté
internationale.
En définitive, actuellement en Russie, la RSE reste majoritairement considérée comme une dimension
innovante, et l’ISR l’est encore plus. Pourtant, compte tenu de l’obligation de lutter contre le
changement climatique accompagnée par les Dix-sept objectifs du développement durable, la Russie,
comme tout autre pays, a un grand potentiel et un besoin de changement encore plus important.
Liudmila Strakodonskaya
Mme Liudmila Strakodonskaya prépare actuellement une thèse d’économie sur l’Investissement
socialement responsable au Centre de Recherche en Economie & Droit de Paris II
1. La Russie est l’un de ses 195 membres. ↩
2. Source : le site officiel de l’UNFCCC (CCNUCC). ↩
3. Source : site officiel de l’UNFCCC (CCNUCC). ↩
4. “Finance du climat” ou “Finance verte”, “Finance responsable & durable”… ↩
5. Condition fixé par l’article 2, paragraphe c) de l’Accord de Paris mis en place lors de la COP21. ↩
6. Site officiel du Forum et l’annonce de Sergueï Donskoï: http://tass.ru/pmef-2016/article/3374637.
↩
7. Article publié dans le journal Vedomosti, № 3377 du 02/07/2013, « La pratique : Qu’est-ce qu’un
«investissement social» ? ». ↩

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Bulletin trimestriel d'information PortEcho N°52
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Investissement Durable & Responsable en Russie: RSE, SDGs, ISR, ESG, green bonds

  • 1. Contreligne La finance durable dans la Russie moderne : de l’autre coté du miroir Comment un grand pays industriel telle la Russie appréhende-t-il aujourd’hui ces notions déjà courantes, mais malgré tout encore innovantes que sont l’Investissement socialement responsable (« ISR ») ou la Responsabilité sociale des entreprises (« RSE ») ? La Finance Durable, l’ISR, la RSE, ont-ils déjà pénétré la Russie, le droit russe, les pratiques managériales ? Les initiatives « vertes » sont nombreuses dans l’arène internationale. La signature de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), l’adoption du Protocole de Koyto et, plus récemment, de l’Accord de Paris dont la ratification doit encore intervenir pour la grande majorité des pays signataires, sont largement médiatisées et relativement connues par les professions concernées et le grand public. Mais à quelles mesures nationales correspondent ces initiatives ? Pays signataire de ces trois grands textes fondamentaux du concept de « Développement durable », la Russie entend suivre sa propre voie pour atteindre les objectifs mondiaux d’une « croissance soutenable et responsable ». Cette voie comporte quatre grandes étapes. Etape n°1 : cinq Une histoire longue de plus de 25 ans de décisions, de mobilisations et d’action formant la Politique climatique internationale, marque la Russie comme tout autre Etat dans le monde. En 1989, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP) établissent le Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique1 . C’est aussi le moment où le scientifique de la NASA, James Hansen, atteste devant le Sénat des Etats- Unis que le réchauffement climatique provoqué par l’Homme a commencé2 . Il n’y a pas de retour possible, mais il y a des mesures à prendre et une véritable coopération à mettre en place. La Convention (CCNUCC) est adoptée en 1992, le Protocole de Kyoto (le 1er traité mondial portant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre) en 1997, et son Règlement opérationnel en 2001. Mais l’histoire est faite quand la Fédération de Russie présente son instrument de ratification du Protocole de Kyoto, permettant ainsi son entrée en vigueur en 20053. Ce moment peut-il être considéré comme un tournant dans la chronique de la lutte contre le changement climatique ? La Convention et le Protocole de Kyoto imposent-ils les premières contraintes économiques-technologiques-financières aux pays signataires, dont la Russie ? Est-ce le moment de la naissance de la “Finance du climat” ?4 . La réponse ne fait aucun doute. La Convention et le Protocole appellent à la mobilisation financière globale. La transition vers la finance durable est nécessaire pour permettre l’atténuation des changements climatiques, car une réduction véritablement considérable du volume mondial d’émissions de CO2 exige des investissements de grande ampleur. Une telle mobilisation est également indispensable pour permettre le financement des stratégies d’adaptation, car les démarches de réduction des impacts du changement climatique exigent des ressources financières importantes. La mobilisation se poursuit avec l’adoption de l’Accord de Paris signé par la Russie à l’issue de la COP21 en Décembre 2015, et, ensuite, par l’entrée en vigueur des Dix- sept objectifs du développement durable, le 1er janvier 2016. Ces dix-sept directions de la transition économique et sociale font partie des stratégies globales de l’Agenda 2030 pour le Développement durable sur lequel les leaders mondiaux se sont mis d’accord on Septembre 2015. La Russie en était un acteur actif. De telles initiatives à l’échelle mondiale lancent un message unique concernant la Finance durable – ‘nos’ ambitions climatiques doivent être réalisées, entre autres, à travers la mise en conformité des flux financiers « avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques »5 . Les pays signataires admettent leur responsabilité ; la Russie en fait partie. Entrée dans cette spirale de mobilisation universelle, la Russie confirme ensuite son engagement politique dans le domaine du développement durable lors de la huitième Conférence ministérielle de
  • 2. l’environnement pour l’Europe (EfE) en Juin 2016 ainsi qu’à l’occasion du rassemblement G20 quelques jours plus tard honorant, entre autres, le lancement de G20 Groupe d’Etude sur la Finance Verte (GFSG). Ces deux manifestations illustrent la prise de conscience qu’il est essentiel de progresser en matière du développement durable, et plus particulièrement de green finance, la responsabilité d’avancer dans cette voie incombant à chaque pays. En 2005, la Russie accepte à se conformer à la stratégie opérationnelle globale du Protocole de Kyoto et, ainsi, confirme sa participation aux démarches visant au Développement durable et par conséquent à la Finance responsable. Quelle était et quelle sera l’expérience proprement russe depuis ce moment fondateur ? Etape n°2 : dix-sept L’Accord de Paris prévoit que chacune des parties signataires doit déterminer, dans un document propre, sa contribution au niveau national (CPDNs). Ces documents doivent comprendre le détail des réductions des émissions anthropiques de CO2 pour chaque pays signataires, ainsi que d’autres plans d’action dans le domaine du climat. La Russie, pour ce qui la concerne, a défini sa politique nationale en la matière à l’horizon de 2030, notamment, avec l’ambition de limiter ses émissions à 70-75% des niveaux des années 1990. Cette ambition relève de l’objectif « interne » de limiter largement les émissions de CO2 à l’échelle de 2020, défini par la Doctrine climatique de la Fédération de Russie du 17 décembre 2009 ainsi que par le Décret du Président de la Fédération de Russie du 30 septembre 2013, suivi par l’Acte du Gouvernement du 2 avril 2014 (No. 504-p). Sont ainsi tracés les contours d’une véritable politique nationale de la Russie dans le domaine du développement durable et du changement climatique. Le cadre de la finance responsable reste en revanche à préciser. La Doctrine de 2009 pose, comme l’une des directions principales à prendre pour la formation d’une politique nationale en matière du changement climatique, le développement de mécanismes économiques et notamment la « réduction des distorsions du marché ainsi que la réalisation de mesures de la politique fiscale et financière stimulant la diminution des émissions anthropiques de CO2 ». Mais quelles seront ces mesures, plus particulièrement pour ce qui concerne les marchés financiers ? Pour essayer de trouver une réponse, il faut se tourner vers la « capitale nordique » de la Russie, Saint- Pétersbourg. Le Forum économique de Saint-Pétersbourg est un grand événement annuel rassemblant des économistes-théoriciens, des économistes-praticiens, des économistes-politiciens…et de nombreuses autres personnalités susceptibles d’influer le cours de nos vies. Cette année, le 17 juin, durant la session de la table-ronde du Forum consacrée au Changement climatique, Sergueï Donskoï, le Ministre des Ressources Naturelles et de l’Ecologie de la FR, a annoncé la prochaine création de la Banque pour les investissements « verts »6 en Russie en 2017. Cette initiative s’intègre dans les démarches et les réflexions qui vont permettre l’adoption progressive par la Fédération de Russie du concept d’économie « verte » dévoilé à l’occasion du Forum par le Ministre. Il est notamment attendu que cette démarche devienne l’un des instruments-clefs du développement des stratégies et des pratiques d’investissement « durable ». La Banque se chargera de proposer des outils permettant d’introduire des technologies vertes dans les industries russes et de créer des canaux de financement pour les projets « responsables ». Cette action sera accompagnée par la mise
  • 3. en œuvre obligatoire des normes écologiques dans les achats publics à tous les niveaux et dans les marchés privés, avec l’objectif de stimuler la demande pour les produits et services « verts ». Le marché se forme, mais la place financière suivra-t-elle ? C’est le sujet du travail de recherche d’un groupe de scientifiques de l’Université des Finances auprès du Gouvernement de la Fédération de Russie. La recherche, lancée dans le cadre de la mission d’Etat de l’Université pour 2015 – 2017, tâche d’analyser les principales orientations du développement de la Finance verte dans le monde et en Russie. Des résultats prometteurs sont attendus : la définition des directions du développement de la Finance verte en Russie; l’introduction du marché du carbone pour les industries spécifiques; l’amélioration du financement et de l’évaluation des projets «verts» avec l’utilisation de nouveaux instruments et institutions, notamment, des obligations (green/climate bonds) et, plus généralement, des fonds d’investissements « verts ». En 2017, la Russie espère lancer les mécanismes économiques permettant à son industrie financière d’intégrer des objectifs de développement durable. Mais, aujourd’hui, dans la finance du marché, entre l’ISR, l’Impact Investing, l’Investissement éthique, les green et climate bonds…, quelle pourrait bien être l’approche la plus pertinente ? Etape n° 3 : deux Lors du Forum de Saint-Pétersbourg, Sergueï Donskoï a remarqué que l’une des solutions les plus efficaces pour attirer le financement vers les projets « verts » était l’émission de green bonds. Il est inutile d’expliquer que ce type de financement est aujourd’hui mondialement reconnu et prend rapidement de l’ampleur, même si les débats sur la qualité des données recueillies et les méthodologies appliquées continuent toujours. La Russie dans ce domaine n’est pas la benjamine dans la famille des émetteurs de ce type d’instruments financiers. Selon l’étude sur l’état du marché des green bonds effectuée par la Climate Bonds Initiative pour l’année 2016, l’activité de la Russie en matière d’émission de green bonds constitue 2% du marché mondial des obligations vertes, soit 15,5 milliards de dollars (USD). Cela permet à la Russie de figurer dans le Top 10 des pays pour les climate bonds, i.e. des obligations alignées avec un scénario du changement climatique. Bien sûr, la part de marché détenue par la Russie est, pour l’instant, sans proportion avec celle de la Chine (36%) ou même celle de la France (9%). Néanmoins, ce chiffre suggère que parmi tous les outils disponibles, les obligations vertes représentent aux yeux de la Russie l’un des instruments les plus « évidents » de responsabilisation des industries et, par cela, des marchés financiers. La Russie élargit sa participation aux initiatives d’investissement en « green bonds », notamment, en tant que membre de la Banque Internationale d’Investissement (BII), fondée en 1970 dans l’objectif de promouvoir « le développement social et économique, la prospérité et la coopération économique entre ses pays-membre ». En avril 2016, la BII, en tant qu’institution défendant le concept du développement économique respectueux de l’environnement, a confirmé son engagement pour le financement de projets « verts » en annonçant la constitution d’un portefeuille d’investissements contenant de titres « verts », majoritairement des green bonds. En date du 28 Avril 2016, le portefeuille « verts » de la BII équivaut à 32 millions euros, soit 10% de la valeur de son portefeuille global. « L’achat des green bonds est un nouveau domaine pour les activités d’investissement de la Banque dans le cadre de ses opérations de trésorerie. En même temps, cet engagement confirme le statut de la BII comme l’institution internationale de développement qui soit socialement et écologiquement responsable », a précisé Nikolay Kosov, le Président du conseil et délégué de la Fédération de Russie au sein de la BII. La Russie est bien partie pour accroitre progressivement sa participation au marché global des obligations « vertes ». Toutefois, la notion de « finance durable » ne se restreint pas aux dettes « vertes », mais englobe une large palette de stratégies et de techniques comme l’ISR, l’Impact Investing…appliquées aux instruments financiers variés : obligations, actions, produits dérivés… . Quel
  • 4. est le positionnement et l’approche de la Russie dans ces secteurs ? « Dans l’utilisation de la catégorie « investissements responsables » la Russie choisit son propre chemin » 7 écrit le journal socio- économique Vedomosti en 2013. Si, en France, l’ISR a reçu une définition relativement stable sur laquelle un consensus est en train de se former sur le marché financier (même si les méthodes varient toujours d’un analyste à l’autre), en Russie le concept de l’investissement responsable reste polysémique. Ce concept inclut une grande diversité de stratégies et méthodes, toutes, cependant, liées au domaine de la finance d’entreprise ou du financement de projets. On y trouve l’investissement dans le capital humain, le développement des territoires sous forme de financement local (continu ou ponctuel) dans la sphère sociale ou des projets sociaux qui, souvent, prennent la forme de dons ou d’autres actes de nature philanthropique. Parfois, ce genre d’investissements est appelé « investissements venus en remplacement du budget de l’Etat », c’est à dire les investissements réalisés par le secteur privé pour répondre aux besoins sociaux adressés à l’Etat. Aujourd’hui, en Russie, « la plupart des entreprises perçoivent l’investissement socialement responsable (durable et responsable) comme l’instrument de la réalisation de la RSE », conclut la rédaction du journal. Cela laisse la palme d’or aux green bonds, par rapport à d’autres instruments d’investissement, dans la course à la responsabilisation des marchés financiers en Russie. Toutefois, pour arriver à aller au-delà de ces triomphaux 2%, il est nécessaire que l’écosystème entrepreneurial russe renforce les mécanismes d’appréciation et de suivi des projets, des activités des entreprises, en y incluant d’une manière méthodique, des critères du développement durable et responsable. Etape n°4 : vingt-six mille Le développement des stratégies RSE larges et complètes est indispensable au déploiement du système de critères extra-financiers. Aujourd’hui, en Russie, de plus en plus d’acteurs d’industries différentes s’engagent à mener l’auto-évaluation du caractère RSE de leurs activités en s’appuyant sur le standard mondial de la gestion responsable – ISO 26000. Cette tendance est manifeste dans le rapport sur Les investissements sociaux en Russie – 2014 publié par l’Association Russe des gestionnaires, ce qui indique que le concept de RSE accepté en Russie se rapproche de celui utilisé par la plupart des pays de la communauté internationale. C’est également le signe de l’intégration graduelle des stratégies de la RSE par les entreprises russes dans le système de
  • 5. fonctionnement global de leur « business model ». On y trouve les mécanismes auxquels les industriels français intégrant une approche RSE se sont déjà habitués : l’introduction de standards internationaux dans le système de gouvernance de l’entreprise (principalement les normes de l’OIT et lSO), l’adoption des codes de conduite (souvent propres à l’entreprise ou l’utilisation du Global Compact par l’ONU ou, encore, l’application de la Charte Sociale des Entreprises de Russie), l’élaboration du reporting extra-financier (sur la base de mêmes standards, plus les lignes directrices des initiatives GRI et AccountAbility), etc. Bien sûr, l’ampleur de ces initiatives est encore relativement limitée. Le Rapport couvre 60 grandes entreprises en 2015 contre 102 dans sa version de 2008-2009. Il reste encore juste de qualifier les stratégies RSE de « nouvelles tendances » dans la réalité socio-économique des entreprises russes. Pourtant, la Russie prend progressivement la voie d’une transition vers les concepts économiques « verts ». Ainsi, les entreprises russes partagent la vision de la RSE formulée par leurs collègues européens en la définissant comme un système complexe dont l’objectif est d’obtenir des résultats prévisibles et mesurables. La réalisation de la stratégie RSE de l’entreprise a ainsi comme finalité la gestion des risques physiques, légaux et réputationnels présents et futurs. Le rapport ne mentionne que 3 entreprises sur 60 entités analysées qui interprètent la RSE comme un moyen de création de valeur. Malheureusement, malgré toutes les avancées en la matière ces dernières années, l’interprétation de la RSE comme méthode de gestion des risques avant tout demeure prédominante, en Russie comme dans le reste du monde. Il reste tout de même que la Russie aux cotés des 194 pays-membres du Panel intergouvernemental sur le changement climatique, est confrontée aux mêmes enjeux communs au niveau de ses industries comme des politique publiques. C’est ainsi que le Rapport de 2014 sur les investissements sociaux en Russie fait des recommandations en matière d’amélioration des pratiques RSE. Parmi ces propositions destinées aux agents économiques russes, y compris le gouvernement, figurent l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie nationale du développement durable et de la responsabilité sociétale. Quant au secteur privé, il faut relever dans le Rapport, entre l’invitation à développer une approche stratégique de la RSE intégrant le dialogue avec les parties prenantes et l’incitation à adapter les démarches aux spécificités des secteurs industriels, la recommandation de « percevoir toute la variété des activités à vocation sociétale comme un portefeuille unique d’actions orientées vers les sujets de la responsabilité sociétale conformément au standard ISO 26000 « Les lignes directrices sur la responsabilité sociale » ». Si le standard ISO 26000 ne peut être considéré comme le parfait symbole des normes assurant une « véritable » stratégie RSE, il peut, néanmoins, être considéré aujourd’hui un concept de base, bon ou mauvais, pour le développement de la RSE en Russie et dans tous les autre pays de la communauté internationale. En définitive, actuellement en Russie, la RSE reste majoritairement considérée comme une dimension innovante, et l’ISR l’est encore plus. Pourtant, compte tenu de l’obligation de lutter contre le changement climatique accompagnée par les Dix-sept objectifs du développement durable, la Russie, comme tout autre pays, a un grand potentiel et un besoin de changement encore plus important. Liudmila Strakodonskaya Mme Liudmila Strakodonskaya prépare actuellement une thèse d’économie sur l’Investissement
  • 6. socialement responsable au Centre de Recherche en Economie & Droit de Paris II 1. La Russie est l’un de ses 195 membres. ↩ 2. Source : le site officiel de l’UNFCCC (CCNUCC). ↩ 3. Source : site officiel de l’UNFCCC (CCNUCC). ↩ 4. “Finance du climat” ou “Finance verte”, “Finance responsable & durable”… ↩ 5. Condition fixé par l’article 2, paragraphe c) de l’Accord de Paris mis en place lors de la COP21. ↩ 6. Site officiel du Forum et l’annonce de Sergueï Donskoï: http://tass.ru/pmef-2016/article/3374637. ↩ 7. Article publié dans le journal Vedomosti, № 3377 du 02/07/2013, « La pratique : Qu’est-ce qu’un «investissement social» ? ». ↩