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Les modes de production agricole
traditionnels en Martinique, leviers de
développement durable ?
5-6 juin 2014, Insttut Martniquais du Sport – Mangot Vulcin, Le Lamentn
Actes du séminaire
Version du 24 octobre 2014
Ce document est une retranscripton des présentatons et des échanges qui se sont tenus lors du
séminaire des 5-6 juin 2014. Des reformulatons à la marge ont parfois été réalisées afn de faciliter la
lecture et la compréhension des propos.
1
Mutadis
Table des matères
Introducton...........................................................................................................................................4
Session 1 : Quelles réalités des formes d’agricultures traditonnelles en Martnique ? Quelles sont les
contraintes et les opportunités identfées pour leur développement ?..............................................15
Première parte : État des lieux des agricultures traditonnelles en Martnique aujourd’hui...........15
Réalités et enjeux économiques de la pette agriculture en Martnique (Éric ROUX, Chef du
service des statstques agricoles à la DAAF)................................................................................15
L’expérience des agriculteurs - Table ronde, présidée par Roselyne JOACHIM, Chef du service
audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique................................................25
Les études lancées par la Chambre d’Agriculture : résultats de l’étude sur les potentalités de
diversifcaton (Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre
d’Agriculture de Martnique)........................................................................................................31
Deuxième parte : Les apports du réseau d’innovaton et de transfert agricole (RITA)....................41
Les potentalités de l’agriculture traditonnelle : multfonctonnalité, services écosystémiques et
résilience - Vers une concepton innovante (Harry LAFONTAINE, Président de l’INRA Antlles-
Guyane)........................................................................................................................................41
Choix et pratques culturales empruntées aux systèmes traditonnels dans un milieu pollué par
la chlordécone. Exemples d’applicaton sur des exploitatons traditonnelles (Florence CLOSTRE,
Chercheure au CIRAD Antlles-Guyane)........................................................................................50
La jachère traditonnelle chez les maraichers : est-il possible de la rendre plus performante tout
en restant adoptable ? (Paula FERNANDES, Chercheure au CIRAD).............................................61
Valoriser la biodiversité : entre traditon et innovaton (Marie CHAVE, Chercheure à l’INRA
Antlles-Guyane)...........................................................................................................................71
Suite de la session 1 : Quelles réalités des formes d’agricultures traditonnelles en Martnique ?
Quelles sont les contraintes et les opportunités identfées pour leur développement ?....................86
Introducton et retour sur les visites d’exploitatons du 5 juin.........................................................86
Eclairage extérieur : Grégoire CANOVAS, chef de cultures dans le projet de ferme pilote de
l’associaton Fermes d’Avenir...........................................................................................................86
Introducton..................................................................................................................................87
Témoignage de Grégoire CANOVAS.............................................................................................87
Troisième parte – les dimensions sociales dans les pratques de producton traditonnelles..........94
Introducton..................................................................................................................................94
L’apport des formes de solidarité agricole traditonnelles au service de l’agriculture locale et
l’associaton Lasotè (Isambert DURIVAUX, auteur d’un livre anthropologique sur Lasotè)..........94
2
L’expérience des jardins familiaux et la problématque chlordécone (Gérard THALMENSI, ARS
Martnique et Luc BOCHAREL, IREPS Martnique)........................................................................98
Session 2 : Déployer la contributon des agricultures traditonnelles à la qualité de vie....................110
Introducton (Fred LORDINOT, Vice-Président du Conseil Régional, Vice-Président de la Commission
agriculture et élevage)....................................................................................................................110
Première parte : Table ronde - les initatves de terrain pour renforcer le lien avec le territoire et
les consommateurs........................................................................................................................110
L’expérience du MANA (Monete ABATORD, Présidente du MANA)..........................................110
Économie solidaire et systèmes d’échanges locaux innovants : l’expérience de la Goute d’Eau
Lorrinoise (Anne ZAPHA, associaton La Goute d’Eau Lorrinoise)..............................................117
Coopérer pour produire mieux et se rapprocher des consommateurs : CUMA, SICA, SCOP, SCIC,
(Annick JUBENOT et Géraldine MICHANOL, Associaton Lasotè) …............................................120
Deuxième parte – l’apport des études et recherches....................................................................132
La contributon de l’agriculture familiale au mainten des contnuités écologiques – résultats du
projet de recherche CORIDOM (Valérie ANGEON, INRA Antlles-Guyane et Arnaud Larade,
AgroParisTech)...........................................................................................................................132
Les études lancées par la Chambre d’Agriculture sur la valorisaton des pratques et des
productons traditonnelles et les circuits courts (Roselyne JOACHIM, Chambre d’Agriculture de
Martnique et Caroline DELEGLISE, Cabinet Philippe Villard consultants).................................144
Éclairage extérieur : Henri DE PAZZIS (PRONATURA).....................................................................152
Session 3 – Table ronde fnale : quels dispositfs d’accompagnement du développement des
agricultures traditonnelles?...............................................................................................................158
Le projet de loi d’avenir agricole – Quelles atentes pour l’agriculture martniquaise ? (Roselyne
JOACHIM, responsable de l’audit et de la prospectve à la Chambre d’Agriculture de Martnique)
.......................................................................................................................................................158
Interventon de l’Agence Régionale de Santé de Martnique (Éric GODARD, ARS Martnique)......165
Interventon de Jacques HELPIN, Directeur de l’Alimentaton, de l’Agriculture et de la Forêt de
Martnique, Agence Régionale de Santé de Martnique.................................................................166
3
Introducton
Fred LORDINOT, Vice-Président du Conseil régional de Martnique :
Monsieur le Président de la chambre d’agriculture, mesdames et messieurs les représentants des
diférentes insttutons et associatons, Monsieur GODARD, ancien délégué interministériel au plan
chlordécone, mesdames et messieurs,
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ouvre ce séminaire de deux jours autour des agricultures
traditonnelles en Martnique. Plusieurs peuples dans le monde doivent faire face à des catastrophes
chimiques ou naturelles, à des épidémies, etc. Nous, en Martnique, c’est un vrai combat que nous
devons mener ensemble, afn que la catastrophe de la polluton à la chlordécone, qui a touché le
pays il y a quelques années, puisse être dépassée. Nous devons afronter cete catastrophe et nous
devons l’afronter ensemble. C’est pourquoi je suis très heureux de vous accueillir au sein de ce
récent Insttut Martniquais du Sport, propriété du Conseil régional de Martnique. Bienvenue donc
en ce lieu symbolique, ouvert à la jeunesse.
Le troisième plan chlordécone qui sera défnitvement bouclé d’ici deux mois représente une victoire
pour nous, car l’État n’avait pas initalement l’intenton de conduire un troisième plan. Or, face à
cete catastrophe qui nous afecte pour de longues années, il faut metre en place plusieurs plans et
mener une acton d'ensemble durable. C’est pourquoi j’ai milité avec mes collègues du Conseil
régional, pour que dans le cadre de ce plan chlordécone, soit engagée une acton autour d'une
stratégie territoriale de développement durable en Martnique. Il faut redonner confance aux gens
et je pense que nous pouvons le faire. Je tens à remercier le professeur Henry OLLAGNON ainsi que
toutes les personnes des groupes de recherche Mutadis et Sol et Civilisaton qui ont contribué à
l’organisaton de ces journées. Il faut parvenir à metre en place des lieux d’échanges et de débats
entre nous pour faire émerger ensemble des solutons. L'une de ces solutons est de contnuer à
produire sur les sols martniquais pollués et non pollués en toute confance. C’est possible et nous ne
devons pas faire de la catastrophe de la chlordécone une rupture de notre potentel évolutf. Si
aujourd’hui nous avons à faire face à cete catastrophe, nous pouvons ensemble, par nos actons et
nos réfexions, la surmonter.
Je lisais hier un artcle dans Le Quotdien sur le poisson-lion qui envahit nos eaux: des marins
pêcheurs ont décidé d'agir afn de capturer ce poisson, le transformer, et le manger. Cet évènement
qui était et qui demeure une catastrophe, car il s’agit d’une espèce invasive, il est ainsi possible de le
transformer; nous pouvons en faire un atout. Voilà la démarche préconisée par le Conseil régional:
afronter la réalité et trouver ensemble des solutons. Parmi ces solutons, il faut metre en avant la
pérennité des modes de producton de l’agriculture traditonnelle, qui va permetre aussi de valoriser
et de protéger notre biodiversité. C’est l’un des axes de travail du Conseil régional: nous voulons
aujourd’hui, à partr de notre biodiversité qui je le rappelle représente 80% de la biodiversité
française, trouver les éléments qui vont nous permetre de nourrir notre populaton et pourquoi pas
de créer des actvités qui seront génératrices d’emplois.
Je dois néanmoins vous prier de m’excuser car je ne suis pas parvenu à déplacer une réunion qui
requiert ma présence sur l’octroi de mer, ressource qui consttue la principale recete du budget de
la collectvité régionale et qui représente également soixante pour cent des recetes de
fonctonnement des communes de Martnique. Je ne sais pas vraiment comment sortr de cete
mono-dépendance fscale, j'espère que nous pourrons y parvenir, mais je sais que c’est ensemble
4
que nous pourrons trouver des solutons. En tous les cas, je reviendrai après cete réunion pour
apporter ma contributon à la réussite de ce séminaire. Merci de votre atenton et bon travail à tous.
Louis-Daniel BERTOME, Président de la Chambre d’agriculture :
Monsieur le représentant du Conseil régional, Monsieur Gilles HERIARD DUBREUIL, représentant du
groupement Mutadis et Sol et Civilisaton, Monsieur GODARD, représentant de l’Agence Régionale de
Santé (ARS), mesdames et messieurs de la recherche, de la DAAF, chers amis,
La chambre d’agriculture a intégré dans ses orientatons pour l’agriculture le souten aux agricultures
traditonnelles comme levier du développement durable. Notre agriculture martniquaise est en efet
bâte sur la diversité de ses hommes, de sa producton, et également de ses exploitatons et de ses
modes de producton. Cete diversité est certainement une richesse pour le secteur agricole et pour
la Martnique. Mais la difculté est que la tendance est à l’uniformatsaton des modes de
producton, et à la dispariton rapide de nos pettes exploitatons et donc des techniques
traditonnelles qu’elles utlisent.
Il ne s’agit pas pour la Chambre d’agriculture d’opposer les modes de productons, traditonnels,
conventonnels ou autres. Toutes les agricultures sont nécessaires pour relever les défs qui sont les
nôtres, à savoir une producton alimentaire diversifée en quantté et en qualité et présente sur tout
le territoire pour nourrir la populaton martniquaise. De ce point de vue, la dispariton en cours de
nos pettes exploitatons et des techniques qu’elles ont portées et expérimentées pendant des
décennies, est un danger pour l’équilibre social, environnemental, paysager, économique de nos
zones rurales, et pour la Martnique. C’est un risque d’appauvrissement pour la biodiversité. C’est
pour cela que nous défendons l’idée de la nécessité d’une politque agricole valorisant la pette
agriculture et les modes de productons traditonnels.
En principe, aucun agriculteur n’est exclu du dispositf d’aides publiques existant. Cependant dans la
pratque, la plupart en est exclue. Les critères et les conditons d’accès aux mesures de souten à
l’investssement d’une part et aux mesures de souten à la commercialisaton d’autre part, laissent la
grande majorité des agriculteurs et une grande parte de la producton à la marge de la politque
agricole. Ce n’est pas là le résultat du choix volontaire des agriculteurs, mais de l’impossibilité pour
nombre d’entre eux de bénéfcier de dispositfs mis en place, qui ne leurs sont manifestement pas
destnés.
Le séminaire que nous avons l’honneur d’ouvrir ce matn, s’interroge sur l’intérêt des modes de
producton traditonnels pour le développement durable, au-delà des problèmes liés à la
chlordécone, et j’ajouterai solidaire de notre agriculture. Si on répond par l’afrmatve à cete
interrogaton, il devient du devoir des responsables professionnels mais également politques, de
metre en place les mesures d’accompagnement nécessaires pour leur mainten et leur valorisaton.
La chambre d’agriculture défend depuis plusieurs années l’idée qu’il est nécessaire de soutenir la
diversité de notre agriculture. Les agriculteurs qui travaillent selon les modes de producton
traditonnels contnuent à faire évoluer leurs systèmes, ils innovent en matère de commercialisaton,
ils répondent à la demande des martniquais pour une producton de terroir de qualité. Les politques
publiques ont du mal à intégrer ce phénomène qu’elles ignorent souvent.
Au cours de ces deux journées de séminaire, chacun pourra s’informer et s’exprimer sur cete
agriculture et ses modes de producton traditonnels qui, de notre point de vue, sont une forme de
modernité sociale, environnementale et économique pour l’avenir de notre agriculture.
Je vous remercie de votre atenton.
5
Éric GODARD, Conseiller Environnement, Agence Régionale de Santé de Martnique :
Bonjour à tous.
On pourrait s’interroger sur la présence de l’ARS et sa partcipaton à l’organisaton de ce séminaire,
mais vous allez saisir par mon introducton le lien qui peut exister entre le sujet qui nous préoccupe,
l’état de santé de la populaton et la contributon que l’agriculture peut apporter à cet état de santé.
Vous n’êtes pas sans savoir que la Martnique connait comme d’autres régions au monde, une
prévalence des maladies chroniques liées à l’alimentaton qui est extrêmement préoccupante. C’est
devenu une des priorités du projet régional de santé pour la Martnique. Un enfant sur quatre est en
état de surpoids ou d’obésité et ce phénomène touche maintenant un adulte sur deux. Les femmes
sont davantage touchées que les hommes. D’après l’enquête ESCAL, une enquête menée en 2004,
(l’enquête Kannari qui vient de se terminer va permetre d’actualiser ces données), trente-neuf pour
cent de ces derniers se trouvaient en état de surpoids ou de surcharge pondérale, et quinze pour
cent étaient déjà en état d’obésité. Si les hommes de Martnique se situent à peu près au même
niveau que ceux qui vivent en métropole, la situaton est un peu diférente pour les femmes. Les taux
de surcharge pondérale et de surpoids de ces dernières devancent ceux de toutes les régions
françaises. Ainsi, le taux moyen en métropole tournait autour de vingt-trois pour cent pour la
surcharge pondérale et était de trente-deux pour cent en Martnique tandis qu'en 2003, le taux
d’obésité des femmes de métropole était en moyenne de onze pour cent pour un taux de vingt-huit
pour cent en Martnique. Très peu d’études sur ce sujet ont été réalisées en Martnique avant
l’enquête ESCAL achevée en 2004: l'étude de l’ORSTOM (Ofce de la recherche scientfque et
technique outre-mer), publiée en 1984, avait déjà montré cete tendance à l’augmentaton de la
charge pondérale. Quand on connait le lien existant entre surcharge pondérale, obésité et diabète,
on ne peut que s’inquiéter de cete évoluton pour une populaton qui connait déjà une
prédispositon génétque à développer cete maladie. Le taux de prévalence du diabète en
Martnique, traité et donc reconnu, était en 2009 de 7,4 pour cent, soit 1,7 fois plus élevé que le taux
métropolitain qui était de 4,4 pour cent. Concernant la relaton entre la surcharge pondérale,
l’obésité et le diabète, l’insttut de veille sanitaire, dans une synthèse épidémiologique, au niveau
natonal, a montré que pour les hommes et les femmes en état de surcharge pondérale (on ne parle
pas encore d’obésité), le taux de prévalence du diabète diagnostqué était de 2,5 à trois fois plus
élevé que pour les personnes en état de volume corporel dans la norme. Chez les personnes en état
d’obésité, c’était 5,5 à six fois plus.
Une autre pathologie très présente en Martnique (avec là encore des prédispositons génétques) est
également en relaton évidente avec la surcharge pondérale et l’obésité. Il s'agit de l’hypertension
artérielle qui tue environ huit cent personnes chaque année. L’enquête ESCAL toujours en 2004, qui
est une enquête de santé générale, en dehors de tout ce qu’elle a pu apporter comme éléments pour
répondre à la problématque chlordécone, a montré un taux de l’hypertension de prévalence de
vingt-deux pour cent dans la populaton générale, et également une surcharge pondérale supérieure
chez les hypertendus, confrmant toutes les données déjà acquises.
Rapprochons nous maintenant du sujet qui nous préoccupe. Si on ne peut agir sur les prédispositons
génétques, on peut tout à fait agir sur l’alimentaton, un des paramètres en relaton avec ces
pathologies et facteur contribuant à cete augmentaton du volume corporelle. Le mode et la qualité
de l’alimentaton sont en efet deux points sur lesquels il est tout à fait possible d’agir, sans
méconnaitre bien sûr les efets délétères de la sédentarité et du stress de toutes sortes (stress liés
aux transports, aux difcultés de la vie, aux difcultés socio-économiques, aux problèmes familiaux,
etc.). Cependant, les changements intervenus dans les modes d’alimentaton sont très couramment
dénoncés comme un des facteurs causal de la tendance de la populaton à augmenter de volume
6
avec peut être aussi l’efet de certaines perturbatons endocriniennes liées à des facteurs
d’environnement. Pour y répondre, vous connaissez tous le discours des chantres de l’alimentaton
créole traditonnelle : les bienfaits des produits du terroir, qui ont pour la plupart des index
glycémiques faibles en comparaison des produits de même type qui sont importés (par exemple, les
féculents); la qualité de nos fruits, de nos tubercules, de nos légumes, qui nous apportent les fbres
qui sont des moyens de ralentr l’absorpton des sucres, qui améliorent le transit intestnal et qui
protègent des cancers ; les fruits qui sont ici sur-vitaminés, grâce au soleil et qui sont parés de vertus
ant-oxydantes, ant radicaux libres, ant-cholestérol, ant-tout !
Mais plus sérieusement, il semble que leurs vertus aient bel et bien été démontrées quand il s’agit de
se nourrir sainement et de manière équilibrée à partr de produits frais, comparatvement à tout ce
que l’on peut importer de produits plus ou moins frais ou chargés de conservateurs. Toutes les
recommandatons (que ce soient celles du plan natonal nutriment santé ou celles du nouveau plan
cancer) convergent par ailleurs vers une plus grande consommaton de fruits et légumes et une
réducton des aliments trop gras, trop sucrés et trop salés. Le fait qu’ils puissent être produits sur
place, faisant vivre ainsi des producteurs et nourrissant la populaton sans dépendre d’importatons,
est également un gage de sécurité, de confance et de plaisir de s’alimenter avec des produits locaux
et des recetes créoles. Quand on peut en outre cultver soi-même son propre jardin et que ces
produits sont mitonnés avec amour soit par sa maman soit par sa doudou, les féministes me
pardonneront, c’est le plus grand des plaisirs.
Alors oui, depuis des années et encore pour de nombreuses autres années à venir, il nous faut
prendre en compte le problème de la chlordécone qui a empoisonné les sols et l’environnement de
notre île, ainsi que ceux de la Guadeloupe, avec tous les risques alimentaires que cela induit. Mais il
existe aussi d’autres pestcides d’usages actuels dont il faut tenir compte. Ils sont censés protéger les
cultures mais peuvent aussi faire des dégâts à la fois à l’environnement, aux applicateurs, et aux
consommateurs des produits qu’ils sont censés protéger. Et comme l’a si bien dit Fred LORDINOT
toute à l’heure, il faut construire sur cete catastrophe environnementale un avenir meilleur,
apprendre à vivre avec même si ça ne fait pas plaisir à certains, être fer d’avoir surmonté cete
épreuve, contnuer à nourrir la populaton avec des pratques respectueuses de l’environnement et
de la santé des consommateurs. Et c’est toute l’ambiton de la démarche qui a été initée dans le
cadre du second plan chlordécone, sous l’animaton de l’équipe qui a proposé la réalisaton de ce
séminaire.
Au niveau de l’ARS (et auparavant de la DSDS), nous avons mis en place un programme destné aux
détenteurs de jardins familiaux pour les inciter à se protéger de la chlordécone. Dans ce cadre, si les
producteurs vivriers maraîchers dans leur ensemble, ainsi que plus récemment les éleveurs, ont fait
les eforts nécessaires pour respecter les règles qui ont permis de protéger la populaton et si les
pêcheurs, malheureusement encore très impactés aujourd'hui et cherchant les moyens de se
rétablir, ont également pris les mesures pour retrer du marché les poissons les plus contaminés, il
est clair que les questons et enjeux de santé en Martnique vont très largement au-delà des
problèmes posés par la chlordécone et les pestcides plus généralement. L’ARS est ainsi favorable à
tous les modes de producton qui permetront de s’afranchir de l’usage des pestcides pour les
produits alimentaires.
Le programme des jardins familiaux, dit programme JAFA, initalement conçu pour traiter du
problème de la chlordécone dans les jardins amateurs, sera évidemment poursuivi grâce aux crédits
fournis par le troisième plan chlordécone, dans le sens d’une éducaton visant à inculquer la non-
utlisaton de pestcides. On contnuera à ofrir aux jardiniers amateurs qui souhaitent connaître l’état
de polluton de leur sol, un diagnostc qui sera efectué par la FREDON, avec les crédits de ce plan. La
7
queston des élevages familiaux fera l’objet d’encore plus d’atenton qu’auparavant. Il en ira de
même pour la pratque du jardinage sans produits phyto, qui permet de valoriser le potentel de nos
sols, de manger sainement mais aussi de pratquer un exercice physique (le jardinage est un des
moyens de se maintenir en forme). Tout ces éléments qui contribuent à la qualité de vie seront
soutenus dans le cadre des actons et de la recherche en santé environnementale. Comme on le
verra au cours de ce séminaire, la présence de jardins est aussi un moyen de rétablir du lien social, de
développer la culture du partage et de l’échange. Cete traditon antllaise contribue également à la
qualité de vie, que ces jardins soient privatfs ou partagés, car on recommence à pratquer ce partage
de surfaces mises à dispositon par des associatons, des collectvités, pour donner, à ceux qui n’en
n’ont pas les moyens chez eux, la possibilité de cultver.
Du côté des producteurs agricoles, l’ARS est également très atachée à la diversifcaton de l’ofre
alimentaire en produits cultvés et élevés localement pour donner à la populaton les moyens
d’acquérir une meilleure santé. Nous avons besoin d’une agriculture tournée vers la consommaton
locale et metant sur le marché des produits de qualité, afn d'améliorer la qualité de l’ofre
alimentaire, et donc in fne l’état de santé de la populaton martniquaise. Ce qui est à souhaiter en
revanche, c’est que ces produits soient accessibles en termes de proximité car tout le monde ne peut
se déplacer facilement compte tenu de la dispersion de l’habitat, des difcultés de transport et
également des difcultés économiques que connaissent certains ménages. Il faut également qu’ils
soient accessibles en termes de coûts, parce qu’un produit local hors de prix ne peut bénéfcier à
ceux qui en ont sans doute le plus besoin, à savoir les populatons défavorisées, ces dernières étant
le plus afectées par les problèmes de surcharge pondérale, avec toutes les conséquences que cela
engendre et que nous avons évoquées.
Merci de votre atenton.
Gilles HÉRIARD DUBREUIL, Directeur de Mutadis:
Bonjour.
Je suis Gilles HERIARD DUBREUIL, je représente ici Mutadis et l’associaton Sol et Civilisaton.
J’ai une bonne nouvelle à donner aujourd’hui. Notre séminaire s’inscrit dans un processus qui doit
avoir des suites. Ce processus a été engagé dans le cadre du plan chlordécone qui a été mis en place
par l’État et nous avons, avec un groupe qui comprend également AgroParisTech, été saisis depuis
2010 pour conduire un retour d’expérience à partr d’une situaton analogue de contaminaton de
territoire et des problèmes rencontrés par les populatons et notamment dans le contexte post-
Tchernobyl en Biélorussie, sur lequel nous avons travaillé depuis 1990.
Je vais dire un pett mot de ce processus de la charte de l’acton 36 qui a about à ce que nous
appelons la charte patrimoniale pour une stratégie de développement durable de qualité de vie dans
le contexte de la polluton par la chlordécone.
Ce processus a démarré par un retour d’expérience partcipatf inité fn 2010, où nous avons pu,
grâce à une délégaton comprenant des professionnels, des représentants de l’État, des membres
d’associatons, d’abord à Paris, puis en Martnique en mai 2011, évaluer l’intérêt d’un retour
d’expériences de vie dans un territoire durablement contaminé qui avaient été vécues par d’autres
populatons dans d’autres territoires, et leur pertnence vis-à-vis de la problématque chlordécone.
Ce travail de retour d’expérience a mis en évidence l’existence d’approches méthodologiques
originales susceptbles d’être pertnentes dans le contexte chlordécone en Martnique et en
Guadeloupe. Le plan chlordécone 1 se terminait aux alentours de 2010, c’était donc le moment de
préparaton du second plan. On peut dire que l’État entre son premier plan et son deuxième plan a
8
eu d’abord le souci de développer des connaissances sur ce problème posé par la chlordécone, sur la
réalité environnementale de cete polluton, sur ses efets sur la santé. Puis très vite a procédé à un
certain nombre d’actes de mise en sécurité des populatons, actes qui se sont traduits par des
conséquences sévères pour des actvités comme l’agriculture, notamment les agricultures
traditonnelles, la pêche et l’aquaculture. Et donc le deuxième plan a également inclus des
dimensions de geston des efets collatéraux de ce processus de mise en sécurité.
Finalement, ce que nous avons introduit c’est une dernière acton, appelée l’acton 36, la dernière du
plan 2, qui avait pour objectf de regarder quelles seraient les conditons d’un redéploiement global
de la qualité de vie lourdement impactée par cete polluton. L’objectf de cete acton 36, c’était de
voir si on pouvait construire une stratégie de développement territorial et de développement
durable de la qualité de vie et surtout de construire une vision partagée entre la populaton, les
professionnels, les acteurs économiques, les associatons, les collectvités territoriales et l’État. Ce
que l’on peut dire, c’est qu’il ressortait déjà de la percepton des acteurs qui ont partcipé à ce retour
d’expériences que seule une forme de coopératon entre ces acteurs permetrait véritablement une
sorte de crise vers une prise en charge durable et positve de ces questons.
Nous nous sommes appuyés sur une méthodologie de travail très rigoureuse, élaborée par
AgroParisTech, qui comprend des acteurs médiateurs, facilitateurs extérieurs à la situaton venant
des trois insttutons, que sont Mutadis, AgroParisTech et Sol et Civilisaton, qui avaient d’ailleurs déjà
travaillées ensemble dans le contexte Biélorusse après l’accident de Tchernobyl, que j’évoquais tout
à l’heure. Cinq intervenants ont été mobilisés. Cete méthode « d’audit patrimonial » est une
méthode standardisée, sécurisée, qui repose sur l’idée d’une co-expertse de l’ensemble des acteurs.
Elle vise à identfer les enjeux de la situaton dans laquelle nous nous trouvons, mais surtout essaie
de dégager les perspectves communes, c’est-à-dire qui sont susceptbles d’être partagés par les
acteurs, pour éventuellement trouver des voies de résoluton des problèmes qui sont identfés dans
ce contexte. Nous avons réalisé un travail à l’échelle de la région et de la Martnique, en incluant des
acteurs natonaux. Nous avons également efectué un audit sur les flières agricoles d'une part et
pêche et aquaculture d'autre part. Toute une série d’étapes a conduit ensuite à l'élaboraton de cete
charte, avec un approfondissement de la réfexion dans le cadre de séminaires territoriaux (Nord
Caraïbes, Centre Nord et Nord Atlantque). Nous avons également approfondis des pistes d’actons
présentées ci-dessous avec l'ensemble des acteurs. De cete façon, nous avons pu élaborer cete
charte, qui n’a pas encore été signée, mais qui est sous une forme que nous appelons «signable»,
c’est-à-dire que l’ensemble des acteurs ont donné leur accord pour dire qu’il leur semblait que se
dégageaient bien dans cete charte un dessein commun entre les acteurs et des voies d‘actons. Ce
gros travail de nature partcipatve, qui a duré environ deux ans, a mobilisé plus de cent vingt
personnes.
Entre temps, il s’est écoulé un temps de latence dans la mesure où l’État lui-même réféchit à ce que
pourrait être le contenu d’un troisième plan, et il semblerait que cete charte et sa mise en œuvre
sont maintenant devenues l’acton 1 du troisième plan qui est en cours de fnalisaton et de
ratfcaton et qui devrait sortr fn juin.
Que content cete charte ? Des projets souhaitables, désirables par l’ensemble des acteurs, qui leur
semblent être de nature à entrainer une dynamique de sorte de crise et de constructon d’une
réhabilitaton durable des conditons de vie autour de quatre orientatons qui sont :
- faciliter le redéploiement d’actvités et de techniques adaptées de producton agricole
professionnelles et familiales de proximité et de qualité,
9
o La queston des agricultures traditonnelles a émergé à cet endroit-là comme un
enjeu clé. Ce sont les acteurs qui l’ont amenée. C’est «une « trufe » que l’on a
trouvée mais qui n’était pas au départ prévue.
- faciliter le redéploiement d’actvités durables de pêche et d’aquaculture pour assurer une
producton locale saine, viable et de qualité,
o Une problématque d’ordre économique et sociale, mais visiblement aussi d’ordre
identtaire et culturel.
- promouvoir la santé des personnes dans une approche de précauton autour de démarches
territorialisées de “vie saine”,
- développer une transparence constructve, construire des outls de visibilité territoriale et
faciliter un suivi et une valorisaton de la qualité des produits agricoles et des produits
halieutques,
o C’est-à-dire, la nécessité pour les acteurs, à partr de cete queston de la
chlordécone, non pas seulement d’être guidé par des normes et par des injonctons
des pouvoirs publics, mais de vraiment pouvoir rentrer dans une connaissance
approfondie des phénomènes, des transferts, de l’impact sur la santé et de ce qui se
passe dans leur propre corps. Il s'agit de parvenir à une certaine mise en commun de
ces données qui aujourd’hui ne sont pas toujours accessibles pour des raisons qui
sont soit de l’ordre du droit, soit de la confdentalité. L’idée est de déterminer à
quelles conditons les acteurs peuvent trouver ensemble un bien commun à ce que
cete informaton soit partagée, afn de construire une véritable sécurité sur ces
questons de la chlordécone en Martnique.
Dans le volet agricole, nous avons identfé cinq directons d’acton:
- reconnaître, partager et qualifer les pratques d’agricultures “pays“ adaptées au contexte
martniquais,
- développer la créaton de valeur dans les agricultures « pays » professionnelles et familiales,
o Il faut d’abord en vivre, c’est un point important même si ça n’est pas forcément la
seule actvité. Il existe un enjeu important de constructon de valeurs. Ces actvités
d’agricultures traditonnelles on ne peut fnalement pas les évaluer seulement en
tant qui flières de producton. Il faut également prendre en considératon toutes les
valeurs qu’elles accompagnent : valeur sanitaire, Éric GODARD l’a rappelé, valeur
d’emploi, valeur culturelle, valeur identtaire, etc. Toute une série d’enjeux qui ne
sont pas pris en compte dans la compréhension habituelle d’une flière agricole. C’est
pour cela que cete réalité de l’agriculture traditonnelle se situe au carrefour d’une
réalité d’un territoire et dans la logique d’une flière. Il faut que l’on parvienne à
atraper cete problématque. Un des enjeux, c’est de saisir comment introduire des
éléments de valorisaton.
- créer un espace commun de discussion, d’échange et d’orientaton entre les diférentes
agricultures de Martnique dans la perspectve ouverte par la charte,
o On parle « des » agricultures traditonnelles. Un enjeu de ces deux journées de
séminaire, sera de préciser cete réalité des agricultures traditonnelles. Il existe aussi
d’autres agricultures de producton, autour de la banane, de la canne, etc. On se
rend bien compte qu’il existe des enjeux communs à construire. Il ne s’agit pas
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d’opposer ces diférentes formes d’agricultures, mais au contraire de voir quels sont
les éléments de leur complémentarité et de leur synergie. Probablement, aussi de
sortr des oppositons qui aujourd’hui ne sont pas bénéfques au devenir de la
Martnique.
- créer une plateforme alimentaton-agricultures-société afn de connecter les enjeux
alimentaires et agricoles aux enjeux de la société martniquaise,
o Peut-on envisager ces agricultures comme une flière de producton parmi d’autres?
Non ! On constate qu’un des enjeux est bien que la société martniquaise se
réapproprie la réalité de ces agricultures, d’où l’idée de construire cete plateforme
pour connecter les enjeux alimentaires et agricoles avec les enjeux de la société
martniquaise. Je pense que l’ouverture de ce colloque témoigne que les diférents
acteurs présents sont bien dans cete logique.
- faciliter l’accès au foncier agricole afn de faciliter une producton de qualité,
o Point d’ordre plus technique, mais très important.
Voilà quelle peut être la descripton de ce processus de charte. Il doit maintenant se poursuivre avec
sa signature et la mise en œuvre des actons. Nous avons eu hier une réunion avec le secrétaire
général de la préfecture, le Conseil régional et le Conseil général. Il a été décidé de metre en œuvre
ce processus maintenant et d’aller vers une signature de la charte d’ici la fn de l’année. Nous
sommes dans un processus actf, et pour moi c’est heureux. Quand on organise un colloque, on se
demande souvent quelle est l’étape suivante. Dans notre cas, je peux dire que nous sommes dans un
processus qui se déroule.
Notre séminaire est organisé sous l’égide de la Région, de la Chambre d’Agriculture, de l’ARS, de
Mutadis et de Sol et Civilisaton. Il s’inttule « les modes de producton agricoles traditonnels en
Martnique, levier de développement durable ».
Je voulais introduire l’idée que nous sommes sur une réalité dont les contours sont relatvement
fous. Est-ce qu’il s’agit simplement d’une problématque de producton ? Cete queston de
l’agriculture traditonnelle est sorte du travail d’audit qui a été réalisé. Mais, je dirai que plus mes
collègues et moi-même travaillons avec vous, plus nous constatons que c’est une problématque
extrêmement profonde qui touche à l’identté martniquaise. Qu’est-ce que fnalement que cete
agriculture qu’on appelle traditonnelle ou créole ? Je me suis permis, en introducton de notre
séminaire, de vous proposer un pett texte qui a été écrit par Édouard GLISSANT, écrivain et
philosophe originaire de la Martnique, plus précisément de la région de Sainte-Marie dont est
originaire Fred LORDINOT, qui a pris la parole avant que Monsieur José MAURICE ne nous rejoigne. Je
me permets de vous le lire, ça donne une pette idée de ce qu'est ce jardin créole.
(...) Arrivés de l’autre côté de l’Atlantque , les esclaves, ils avaient des petts
jardins secrets, clandestns, parce qu’évidemment ils étaient afamés (…) et par
conséquent la nuit, quand ils avaient fni de travailler, ils allaient cultver ce qu’on
appelle « jardin créole », c’est-à-dire un endroit connu d’eux seulement pour
qu’on ne leur vole pas leur produits, et l’une des caractéristques de ces jardins
créoles que nous avons perdu de vue, c’est que, dans un espace absolument
réduit, ils cultvaient des dizaines d’arbres et d’essences diférentes et faisaient
tout-ça dans un ordre tel que les plantes se protégeaient mutuellement, c’était le
principe du jardin créole, et c’est le principe du rhizome, c’est pas le principe de
l’arbre généalogique, c’est le principe de la distributon et nous avons perdu ça
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malheureusement nous avons perdu cete science et ce savoir que les esclaves
avaient et c’est ce jardin créole qui leur a permis de subsister » (...)
C’est un texte qui est intéressant, dans la mesure où il nous donne les racines de cete queston qui
nous réunit aujourd’hui et montre bien qu’elle fait sens de multples manières.
Je vous propose quelques questons auxquelles nous essaierons de répondre ensemble durant notre
séminaire:
- Première queston: comment allons-nous nommer cete agriculture? Dans notre audit, nous
avons parlé, parce que ce sont les personnes rencontrées qui nous en ont parlé ainsi,
« d’agriculture pays ». Dans le cadre de l'organisaton de ce séminaire, nous avons choisi de
l'inttuler « agricultures traditonnelles », parce que nous nous sommes dit qu'il fallait que le
ttre de ce séminaire puisse faire sens plus largement, par rapport à des problématques de
transiton agricole que nous pouvons vivre en Europe, en métropole, etc. Nous pouvons aussi
nous demander s'il faut l’appeler « agriculture créole » en lien avec le concept de créolité et
d’hybridaton ?
- Deuxième queston et paradoxe d’une certaine manière: De quoi s’agit-il ? Nous pouvons
témoigner, dans les multples contacts que nous avons eu, et encore très récemment en
Guadeloupe que lorsqu'on discute avec un martniquais ou avec un guadeloupéen, très souvent
à un moment de la conversaton, il va évoquer le «jardin créole» de leur enfance, de leur grand-
père… Par exemple, des personnes présentes dans ce séminaire évoquaient encore récemment
de la même manière dans des discussions que nous avons pu avoir, leur jardin créole, qui
existait dans leur histoire. Certains parlent de ces jardins où les enfants pouvaient se déplacer et
se nourrir, qui étaient sans frontères d’ailleurs. Alors de quoi s’agit-il ? S’agit-il d’un pays perdu,
de quelque chose qui est passée? Faut-il, comme nous le faisions hier lors d’une réunion, en
parler comme d'une nostalgie (nostalgie, c’est le mal du pays) ? Est-ce donc associé à un mal du
pays, quelque chose au fond qui appartent au passé, ou au contraire est-ce qu’il s’agit d’une
expérience unique d’hybridaton, de socio-biodiversité ? Ces dernières années, on s’est
beaucoup intéressé à la noton de bien commun. Des chercheurs ont commencé à regarder
comment, autour de la geston de ressources naturelles, de ressources limitées ou de ressources
fragiles des zones halieutques, des bassins d’approvisionnement, de la geston de l’eau, etc., se
sont consttuées des formes de prise en charge en bien commun par les acteurs. Et du coup on
s’est mis à regarder des choses qui ont peu ou prou disparues, qui parfois subsistent, pas dans
l'optque de faire un conservatoire ou un musée, mais dans l’idée de se dire que nous avons
peut-être là des choses extrêmement rares qui peuvent être difusées et dont nous pouvons
nous inspirer. Un peu comme aujourd’hui lorsqu'on va chercher dans la phytodécontaminaton,
c’est-à-dire que lorsque l’on n’arrive pas à décontaminer, on va regarder comment fait la nature.
J’ai pu assister encore récemment à une présentaton au collège de France à Paris, qui a montré
que l’on s’appuie sur les processus naturels pour essayer d’amener cete phytodécontaminaton.
Il existe aujourd'hui de nombreux processus industriels qui sont porteurs d’efets et
d’externalités assez fortes sur l’environnement mais l'on se rend compte qu’en recopiant les
processus naturels, on peut faire des choses tout à fait innovantes. C’est le même regard qu'il
faut porter sur cete socio-biodiversité du jardin créole. Qu’avons-nous dans cete Martnique
d’intéressant ? Est-ce quelque chose qui concerne le passé, ou bien au contraire l’avenir ?
- Derrière, nous avons à nous poser une troisième série de questons, plus basiques concernant la
réalité agronomique, économique, sociale et culturelle de cete agriculture. Combien de
personnes sont concernées aujourd’hui ? Quelles sont les pratques qui existent? Quel est le lien
entre ces savoirs d’usages et les savoirs scientfques ? Autrement dit, autour de ces techniques,
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qui se sont construites, qui ont été élaborées, existe-il un dialogue avec les scientfques ?
Parvient-t-on à y trouver des éléments qui peuvent être à la pointe de la science, d’une certaine
manière ?
- Une quatrième queston touche aux potentalités pour l’avenir de ces modes de producton
agricoles traditonnels. Ces agricultures traditonnelles consttuent-elles fnalement un lien entre
passé, présent et avenir ? Si c’est le cas, nous avons gagné quelque chose de très important,
nous avons un fl directeur, nous avons une ressource, nous avons peut être un facteur de
confance pour l’avenir et de lien pour la société martniquaise.
- Enfn, cinquième queston, nous devons nous interroger pour savoir si nous travaillons ici pour
nous même, ou plus globalement pour la Caraïbe, l’Europe, le Monde.
Voilà les quelques questons que je voulais vous proposer pour nourrir notre réfexion. Et avant que
nous commencions le colloque, je vais laisser la parole à José MAURICE, qui a pu braver les pénuries
d’essence et les encombrements et qui nous a rejoints.
José MAURICE, Président de la Commission agriculture et élevage du Conseil Régional de
Martnique :
Bonjour à tous et à toutes et merci à Fred LORDINOT qui m’a remplacé et qui a représenté la Région.
Je ferai très court, le discours d’introducton a été fait.
Je voulais simplement mentonner que le thème d’aujourd’hui ne m’était pas étranger. J’ai grandi
dans la campagne de Sainte Luce dans ma pette jeunesse et durant mon enfance. Les habitants du
quarter étaient agriculteurs à temps partel ou à temps plein, mais pratquement tous ceux qui
habitaient le quarter étaient des agriculteurs. Mes vacances scolaires, je les passais à faire des fosses
d’ignames, des trous de dachine, des fosses de patates douces et parfois même des botes d’herbes
pour les bovins, donc je me sens proche de ces thèmes-là. C’est vrai que l'argent de la compensaton
était souvent utlisé pour aller au cinéma ou à la fête des quarters. Mais je n’ai pas été trop stressé,
puisque je suis quand même devenu agriculteur, peut-être pas traditonnel puisque c’est vrai, les
choses ont évolué, mais en tous les cas, c’est une pratque que l’on connaissait beaucoup dans nos
quarters à l’époque.
Tout cela pour dire que c’est un thème qui nous tent à cœur. Mais ce sont aussi des méthodes de
culture. Les questons que vous avez posées sont de bonnes questons, puisque l’agriculture a un
certain nombre de missions: satsfaire la populaton de consommateurs, préserver l’environnement,
répondre aux demandes de l’agro-transformaton (et pour pouvoir transformer, une agriculture de
masse a un rôle à jouer). L’agriculture a de multples fonctons et dans toutes ces fonctons, la parte
traditonnelle doit pouvoir trouver sa place. Est-ce qu’il faut aller uniquement vers l’agriculture
traditonnelle ? C’est une queston à se poser, en tous les cas, elle doit faire parte de tout un
ensemble qui doit trouver son équilibre, entre l’agriculture bio, la biodynamie, l'agriculture intensive,
semi-intensive, durable ou raisonnée. Aujourd’hui il y a pas mal de questonnements sur les systèmes
de producton, mais en tous les cas l’agriculture traditonnelle doit trouver sa place.
Au niveau de la Région, nous l’avons très bien compris. Nous sommes dans une phase où nous
metons en place le plan de développement agricole martniquais avec une large concertaton de
l’ensemble des producteurs agricoles tous secteurs confondus, aussi bien la diversifcaton animale,
végétale, que les grandes cultures comme l’incarne et la banane. Et l'on associe également les
cultures de niche comme les plantes médicinales, aromatques, le cacao et le café,
puisqu’aujourd’hui, l’ensemble de ces productons sont citées et ofrent un certain nombre de
perspectves. Il existe un certain nombre de niches pour un certain nombre de cultures. Tout cela, ce
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sont nos travaux d’accompagnement. La Région est prête à accompagner ces diverses formes
d’agricultures sans sectarisme. Je ne vais pas dire aujourd’hui qu’il faut accompagner le bio sans
accompagner la banane ou la canne. L’idée pour nous, c'est de développer l’ensemble de la
producton martniquaise avec un objectf: pouvoir couvrir nos besoins. Notamment, par rapport à
tout ce que l’on peut produire actuellement en Martnique, cela nous fait beaucoup de peine
d’importer des containers d’ignames, d’ananas ou d’oranges du Costa Rica ou d'autres produits du
même type. L’idée, c’est de produire au maximum sur notre territoire tout ce que nous somme en
capacité de produire, sans écarter les possibilités d’exportaton. Pour cela, vous avez une Région
Martnique, avec des élus et un Président, tout à fait au fait de cete actualité, prêts à aider, à
soutenir, dans la concertaton, l’idée étant d’arriver à avoir des flières de producton qui répondent
aux besoins que je viens de citer.
Voilà le message que je voulais faire passer au nom de la Région Martnique concernant notre
orientaton régionale, qui s’appuie sur des fnances publiques, le PRDM et le POSEI, et là où il n’y a
pas de couverture à travers ces fnances publiques, nous étudions les possibilités de fnancements.
Merci de m’avoir écouté.
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Session 1 : Quelles réalités des formes d’agricultures traditonnelles
en Martnique ? Quelles sont les contraintes et les opportunités
identfées pour leur développement ?
Première parte : État des lieux des agricultures traditonnelles en Martnique
aujourd’hui
Stéphane BAUDÉ, Mutadis
Nous allons ouvrir cete première session consacrée à l'examen précis de la réalité qui existe derrière
ce terme d’agricultures traditonnelles. Quelles sont ses réalités, économiques, sociales, mais aussi
quelles sont ses pratques, ses techniques, qu’est-ce que cela veut dire en termes agronomiques, etc.
?
Monsieur Éric ROUX du service statstque de la DAAF commencera par présenter la vision
d'ensemble qu’il peut donner de cete agriculture à travers les chifres qui sont collectés par la DAAF.
Puis, nous aborderons cete queston sous l'angle du vécu des acteurs de terrain, avec une table
ronde d’agriculteurs, présidée par Madame JOACHIM de la Chambre d'Agriculture et durant laquelle
diférents agriculteurs pourront témoigner de leurs expériences, des enjeux, des obstacles et des
opportunités qu’ils perçoivent dans leurs pratques quotdiennes de cete agriculture traditonnelle.
Des acteurs du réseau d’innovaton et de transfert agricole (RITA), Monsieur OZIER-LAFONTAINE,
président du centre INRA Antlles-Guyane et Madame CLOSTRE, chercheure au CIRAD Antlles-
Guyane nous exposeront ensuite respectvement les potentalités de l’agriculture traditonnelle puis
les résultats obtenus par le CIRAD sur les pratques culturales adaptées aux milieux pollués par la
chlordécone. Enfn, nous terminerons cete session par deux autres présentatons issues du RITA, une
présentaton sur la jachère traditonnelle chez les maraichers par Paula FERNANDES chercheure au
CIRAD et une présentaton de Marie CHAVE, chercheure à l’INRA Antlles-Guyane sur la valorisaton
de la biodiversité. A la suite de ces présentatons, nous aurons alors un temps d'échanges, de
questons/réponses et de débat, avant de partr vers les visites d’exploitaton.
Réalités et enjeux économiques de la pette agriculture en Martnique
Eric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF
Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les représentants professionnels et des
associatons, Mesdames et Messieurs, bonjour,
Éric Roux, de la DAAF, je suis en charge du service statstque de la DAAF. Mon exposé va se
concentrer uniquement sur ce qu’on pourrait qualifer de « pette agriculture » (voir présentaton
PowerPoint ci-dessous).
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la petite agriculture en Martinique
5 juin 2014
16
17
Aidés = 705
Non aidés = 1384
Sur les 3 307 exploitations recensées en 2010, 2089 ont un pbs<=25 000 €
Assujettis
= 187
Assujettisables
= 465
Non
Assujettisables
= 732
Non assujettis
Groupe 1 = 1357 Groupe 2 =732
Significativement différent Non significativement différent
18
Les très petits exploitants ne peuvent pas tous prétendre à une couverture sociale agricole
Globalement, une proportion plus importante de non assujettis
au delà de 55 ans
19
Les petits exploitants ont en majorité une autre activité
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Débat
José MAURICE, Président de la Commission agriculture et élevage du Conseil Régional de
Martnique :
Par rapport au graphique de la présentaton concernant les situatons de la pette et moyenne
agriculture, que signife le chifre « zéro € »? Est-ce dû au fait que les agriculteurs vendent
directement sur le marché et qu'ils n'ont dans ce cas pas de comptabilité ni de suivi, ou est-ce
vraiment un revenu de zéro euro? Cela m’étonne qu’un agriculteur ait zéro euro de revenu.
Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF:
Le « zéro €» est exprimé en termes de Produit Brut Standard (PBS). Il ne s'agit pas d'une comptabilité
d’exploitaton, mais d'une noton de comptabilité publique. Et c’est là toute son importance et sa
subtlité. Tous les ans dans chaque région, nous bâtssons les comptes de l’agriculture ainsi que la
statstque agricole annuelle à partr d'un certain nombre de données collectées par des enquêtes
que nous réalisons, qui enregistrent les grands fux de marchandises et ne regardent pas les fux des
exploitatons. Les soldes de ces comptes, réparts par unité de surfaces culturales et par unité de
producton animale, donnent le PBS. Ce PBS exprime donc en fait des coefcients en euros, et non
des valeurs monétaires. Ces données qui peuvent s'assimiler à des valeurs monétaires peuvent
troubler le débat par rapport à ce que l'on publiait auparavant. Aussi, quand cete statstque indique
zéro €, cela signife en fait que la surface agricole qu’il a déclarée est très faible. Tout l’enjeu
aujourd’hui de la statstque publique en Martnique est d’améliorer au niveau européen et français
ces coefcients, qui vont être appelés à évoluer au cours du temps, puisque l'évaluaton des
comptes s'améliore avec la mise en place du réseau d’informaton comptable des exploitatons. Ces
données contribuent également à bâtr le PIB.
Harry OZIER-LAFONTAINE, Président de l'INRA Antlles-Guyane:
Une queston concernant la défniton de « l’agriculture traditonnelle ». On voit bien que c’est un
concept multforme qu'on a du mal à centrer, et j’ai été étonné de constater que la composante «
agriculture familiale » n'était pas associée à ce concept. A moins que la situaton ait évolué très
rapidement sur les vingt dernières années, j’ai l’impression que c’est une composante qui est assez
présente dans le paysage.
Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF:
Au niveau de la diapositve sur laquelle j’ai exposé trois termes recoupant la pette agriculture,
concernant l’agriculture familiale, une publicaton a été réalisée par le réseau rural européen pour
essayer de défnir cete dernière au niveau européen. La dimension de l’agriculture traditonnelle
dans l’agriculture familiale n’a pas été retenue. Ce que l’on retent, c’est la noton de chef
d’exploitaton, c'est-à-dire une unique personne dans le foyer qui concentre les revenus et qui les
redistribue éventuellement, mais pas sous forme de salaire. Ce que l'on met en avant, c'est la valeur
patrimoniale de cete pratque, c'est-à-dire que l’agriculture familiale se caractérise par un chef de
famille, une solidarité entre les membres de cete dernière dans le travail et en terme de revenu. Les
revenus sont concentrés sur une seule personne qui efectue le partage entre les besoins de la
famille et ceux de l’exploitaton. C’est cete seule personne qui décide. Je ne vais pas m'étendre sur
le code civil, mais nous retrouvons aussi dans ce dernier les mêmes notons autour de la famille. Au
niveau européen, lors des journées relatves à l‘agriculture familiale, l'importance du travail en
commun a été partculièrement souligné pour déterminer le caractère familial d'une exploitaton.
Par conséquent, ces notons d'agriculture familiale ont besoin d'être précisées avant d'être utlisées
21
au niveau de la Martnique, la défniton d’agriculture familiale européenne étant, semble-t-il, bien
trop restrictve. Bien souvent, le chef ne concentre pas tous les revenus mais en revanche, quelqu’un
fournit les produits alimentaires à la famille tandis que les autres membres peuvent percevoir des
revenus provenant d'autres actvités et c'est en fait l’argent de la famille qui va faire vivre
l’agriculture. Donc, les fux fnanciers sont bien plus complexes dans notre cas. Je pense que mes
collègues de la recherche pourront fournir de plus amples détails sur ce sujet-là.
Paula FERNANDES, Chercheure au CIRAD :
Les agriculteurs qui sont non aidés ou hors système sont, pour l’essentel, apparemment ceux qui ont
le produit brut standard le plus faible, soit les plus petts d'entre eux, c’est bien ça ?
Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF :
Si l'on s'intéresse de plus près au cas des agriculteurs non aidés, force est de constater qu'il existe
des gens assujets qui ne veulent pas entrer dans une démarche d’aide. Par ailleurs, les petts
agriculteurs qui sont non aidés et non assujets ont un produit brut standard très faible, en-deçà des
quinze mille euros et ne peuvent pas passer le seuil d’afliaton à la sécurité sociale.
Paula FERNANDES, Chercheure au CIRAD :
Quelle est la destnaton de la producton de ces plus petts agriculteurs qui disposent des produits
bruts les plus faibles et qui a priori ne rentrent pas dans le cadre? Leur producton est-elle
essentellement destnée à l’autoconsommaton, reste-t-elle dans le réseau familial ou rentre-t-elle
dans le cadre de l’agriculture marchande, leurs produits allant alimenter la distributon ? Par ailleurs,
chez ces petts agriculteurs, rencontre-t-on une grande diversité d’espèces sur des pettes surfaces,
se rapproche-t-on de jardins de type créole, mult-spécifques, ou est-on plutôt sur des pratques
mono-spécifques ? Pour résumer, existe-t-il une corrélaton entre la taille, la destnaton des
produits et la diversité des espèces au niveau des jardins ?
Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF :
Nous n’avons pas conduit d’enquêtes statstques publiques sur ce sujet mais il y a quelques années,
en 2009, nous avons réalisé une étude concernant l’endetement des agriculteurs. Le sujet faisait
part des revendicatons consécutves aux événements sociaux. Il nous avait été reproché de ne pas
s’occuper des agriculteurs en difculté, alors que dans le même temps, des crédits d'agriculteurs en
difculté n'étaient pas mobilisés. L'étude a montré que les agriculteurs ne sont pas endetés ou
surendetés comme on a pu l'entendre. Il n'empêche qu'ils peuvent l'être au niveau de la famille
mais pas au ttre de leur actvité. Le problème est plutôt qu’ils ne peuvent pas s’endeter. Ils ne sont
pas ou peu bancarisés. On a ainsi pu constater que ces personnes ne peuvent pas ou peu acheter
d’intrants. De fait, ces personnes sont donc contraintes de réaliser une agriculture économe en
intrants et ils ne sont pas très loin d’une agriculture biologique. Ce type d’agriculteur dégage un
chifre d'afaire compris entre dix mille et douze mille euros par an. Ils cultvent des produits qu'ils
amènent sur les marchés de ville, généralement Fort de France ou quelques marchés communaux.
Des revendeurs ou d'autres personnes vont également acheter leur producton. Le réseau de
distributon est assez large. Cete multplicité du réseau contribue à irriguer le territoire en fruits et
légumes frais. Nos enquêtes confrment que généralement, les fruits se retrouvent très peu sur les
marchés mais sont vendus en direct, dans les environs de l’exploitaton, la demande étant
importante. Les légumes par contre voyagent un peu plus et en partculier les racines. On ne peut
pas répondre simplement à cete queston, car chaque produit a des modes de commercialisaton
très variables en foncton de la saisonnalité et des volumes à écouler.
22
Henry OLLAGNON, Professeur à AgroParisTech :
Dans ce que vous exprimez ici, l'on constate un efet d’outl de constructon. Quand on fait de la
comptabilité publique, on le fait parce que l'on poursuit un objectf de conduite de la politque
agricole au niveau natonal et que l'on a un cadre général. Dans les cas mentonnés ici, nous nous
trouvons à la marge de ce cadre. Or ce qui est à la marge du cadre de la politque agricole est très
difcile à saisir mais peut l'être en revanche par le biais de conventons qui vont permetre de se
retrouver dans d’autres circonstances, et de trouver un objet qui sera un objet central d’observaton.
Je prends un exemple. Actuellement, dans un certain nombre de villes autour de Paris et autour de
quelques grandes villes en France, s'est monté un certain nombre d’opératons de jardins familiaux.
Ce sont des jardins achetés par des associatons et qui sont parttonnés en pettes parcelles. Ils sont
très bien suivis et aujourd’hui, on le sait, le développement de ces jardins familiaux suscite des
discussions politques et ces jardins sont connus alors qu'ils sont cultvés par des gens qui opèrent sur
des parcelles bien plus pettes que celles que vous avez mentonnées. Donc, cela illustre bien que la
relaton entre un homme et sa parcelle peut être complètement visible dans un certain cadre de
politque et non visible dans un autre cadre.
Or, il se trouve qu’ici aujourd’hui en Martnique, tout le monde n’a pas forcément intérêt à rendre
visible cete queston dont j’ai bien compris les enjeux que vous avez exprimés. Cela coûte très cher
de visualiser. Jusqu'à présent, il existait une sorte d’accord pour dire que le système fonctonnait,
comme si nul n’avait intérêt à aller observer ce genre de chose. Aujourd'hui, pour un certain nombre
de raisons, il est important de mieux comprendre cete queston qui est à la marge de l’agriculture
mais qui est au cœur de la société. Il faut le faire avec des pincetes et ce n’est pas simple. Il est
également important de savoir si elle relève du champ de l’agriculture et de la DAAF ou du champ de
l’ARS. La réponse semble relever du champ de l’agriculture. Est-il possible en Martnique de monter
un atelier de réfexion sur cete queston, qui permete d’avancer pour rendre visible de façon
légitme et pertnente quelque chose qui, jusqu'à présent, n’a pas de visibilité ?
Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF :
Le concept des politques agricoles communes que vous soulevez est intéressant mais l'on ne va pas
rentrer dans le détail de l’évoluton de ces politques, leurs succès et leurs échecs. Ce que nous
constatons sur le territoire de la Martnique, on peut le constater également en Europe mais aussi
sur les îles voisines. A sainte Lucie, il est plus facile de manger de la carote qui vient de Hollande que
de la carote qui est produite localement. Autrement dit, nous ne sommes pas plus mauvais que les
autres, nous avons encore une agriculture. La politque agricole qui a été menée sur le territoire a
permis tout de même de conserver une producton que les îles voisines n’ont quasiment plus.
Arrêtons donc de nous fageller et de nous faire mal. On peut également constater que l’agriculture
n’est pas une, mais diverses et multples. L'agriculture moderne, conventonnelle est souvent perçue
comme un rouleau compresseur qui réduit la biodiversité et crée des paysages agricoles uniformes.
Nous avons pu observer que ce type d'agriculture a des efets délétères sur l’environnement, sur
l’eau et sur la santé humaine. C’est un constat général, que l'on peut faire également sur le monde
des transports. Par exemple, aujourd'hui nous sommes tous venus en voiture et cela a des
conséquences sur l’environnement. Toutes les actvités humaines ont des efets dont nous devons
mesurer les impacts. Se focaliser sur un bouc émissaire est trop facile et ne résout rien, il est
préférable de se placer dans une démarche de co-constructon, d'établir la problématque, de la
comprendre, et d'y apporter des propositons d'acton.
C’est la raison pour laquelle au niveau de la DAAF, nous nous sommes intéressés à ce qu’était la
pette agriculture. Au regard de la déperditon du nombre des petts exploitants, il n'est pas possible
23
de contnuer ainsi car cela impactera négatvement à terme les bases de fnancement de la Chambre
d'Agriculture, les systèmes de distributon, l'organisaton des marchés de ville et les actvités des
centres villes, l'actvité culturelle, les externalités sur les paysages et bien sûr les actvités
touristques. Il existe donc une forte préoccupaton concernant la dispariton de cete agriculture :
essayons d'en déterminer les causes. Nous avons comparé la Martnique et la Guadeloupe: les
structures agraires ne sont pas les mêmes. En Guadeloupe, existe une agriculture familiale
d’exploitatons moyennes. En Martnique, ce n'est pas le cas. Quelles en sont les raisons? Quelle est
l'histoire de cete agriculture? Comment et par quel levier pouvons nous faire évoluer cete
situaton? De manière globale, les pettes surfaces sont importantes en terme de producton, car
elles possèdent de meilleurs potentels de producton. En Martnique, ce n’est pas le cas, parce que
les évolutons sociétales et la modernisaton ont en général dégradé ce potentel ainsi que la fertlité
des sols. Tous les relevés de productons sur ces parcelles sont inférieurs à dix tonnes par hectare de
producton, soit un résultat très faible dans la mesure où leur potentel devrait être de cinquante
tonnes par hectare. Nous avons encore trop souvent des trains d’outls inappropriés : tracteurs
surpuissants, pelles mécaniques, herbicides totaux, qui conviennent cependant pour réduire la
pénibilité du travail. Il faut avoir à l'esprit que ces agriculteurs qui ont en moyenne plus de cinquante
ans, ont de fait une force de travail qui se réduit avec l'âge. Il est donc plus facile pour eux de faire
venir un tracteur ou une pelle mécanique pour creuser des fosses. Mais ces pratques ont des
conséquences néfastes sur le rendement. La dimension technique n’a pas été prise en compte par les
producteurs.
Comme vous avez pu le citer, en métropole, ces petts jardins ont une dimension technique et ont
des quanttés produites au mètre carré très fortes et acceptables par rapport à la quantté de travail
mobilisée. En Martnique, la queston de la dimension économique se pose. Je voudrais insister sur
cete dimension économique qui est à l'heure actuelle trop faible pour assurer le pérennité de
l'actvité, puisqu'elle représente moins d'un euro de chifre d'afaire par mètre carré d'unité culturale
et par an.
Marie-Jeanne TOULON, Associaton pour la Sauvegarde du Patrimoine Martniquais :
Ma queston va un peu dans le sens de ce que vient d'évoquer Henry OLLAGNON et concerne les
fameux non assujets. Je pense qu’il est très important d’avoir un esprit d’ouverture et de ne pas
rester dans des cadres bien fgés. Nous sommes sur une île avec une histoire et il faut s’intéresser aux
raisons pour lesquelles ces agriculteurs veulent rester en dehors du système. Je pense qu’il faut
s’interroger sur les manières dont les choses peuvent évoluer parce qu'elles ne sont pas immuables
et essayer de voir si ce que ces agriculteurs disent a du poids, du sens. Je pense que la comparaison
de la situaton en Martnique avec l'exemple qu'évoquait Monsieur OLLAGNON à propos de
l’évoluton autour des grandes villes et du développement d' exploitatons périurbaines très pettes
mais qui amènent vraiment quelque chose au niveau économique, social et environnemental, est
très intéressante. Ces personnes-là sont souvent dans une dimension très respectueuse de
l’environnement et l’objectf n’est donc pas de regarder seulement la queston du rendement
économique et du rendement à l’hectare, mais de s'intéresser également à la qualité de vie et de
producton. Je le répète, il ne faut pas rester fermé dans des postures et dans des cadres, mais il faut
vraiment s’ouvrir au mouvement et à la réalité des choses.
Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF :
Je vais apporter une informaton complémentaire. Madame, ce que vous dites s'inscrit tout a fait
dans la démarche européenne autour de ces questons. L’Europe a pris en compte dans sa politque
globale cete dimension de l’agriculture et de la producton alimentaire: le questonnement va
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dépasser l’agriculture, on va parler de producton alimentaire. J’aime bien ce terme-là qui permet de
recouvrir l'ensemble des réalités concernées. Dans le prochain programme de développement rural
de la Martnique, que nous établissons en co-constructon avec le Conseil Régional, un groupe de
travail se penche sur cete dimension de pette agriculture. Les questons sont notamment: que faire
pour les personnes qui ne sont pas agriculteurs au sens juridique du code rural? Comment les
amener à devenir exploitants agricoles et leur donner une dimension économique viable? Vous voyez
que les services administratfs ont pris en compte cete dimension-là, ce sont les travaux présentés
aujourd'hui qui ont servi de bases pour proposer une mesure répondant à ces politques publiques.
Nous en avons conscience, nous y travaillons mais ce n’est pas simple. J'ajouterai enfn que le Power
Point difusé aujourd’hui est disponible sur le site de la DAAF.
L’expérience des agriculteurs - Table ronde, présidée par Roselyne JOACHIM, Chef du service audit
et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique
Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique :
L’idée de cete table ronde est de faire s’exprimer de petts agriculteurs, qui pratquent une
agriculture selon les codes « des anciens », bien évidemment en y apportant leurs apports
personnels, c’est-à-dire leur capacité d’innover. Comment les agriculteurs peuvent-ils s’adapter au
contexte actuel, évoluer, sans oublier certains principes de base ? La problématque est la suivante :
face à des contraintes économiques, environnementales (pollutons aux pestcides et à la
chlordécone), comment chacun à sa manière résiste? Autrement dit, quelle est la capacité de
résilience des pettes agricultures? Ces agriculteurs vont ainsi nous faire part de la façon dont ils font
face aux contraintes qu’ils ou elles identfent.
Témoignage de Nelly LESSORT, Agricultrice :
Je suis agricultrice du Morne Rouge. J’exploite quatre hectares, dont certains ateints par le
chlordécone. En 2004, j’ai appris que mon sol était pollué. Malheureusement en tant que jeune
agricultrice qui voulait s’installer sur cete zone, j’ai dû abandonner certaines perspectves, c’est-à-
dire notamment l'élevage, etc. La liste était longue. J’ai alors eu un regard sur mon exploitaton, sur
ce qu’il y avait de très important (la forêt, la verdure, etc.) et qui n'était pas sur les partes ateintes.
Je me suis dit qu'il ne fallait pas délaisser ces quatre hectares. Je me suis dit que je devais me metre
dans la tête d'arriver sur ce sol-là avec des idées à moi. J'avais reçu une formaton pendant cinq ans,
j'avais la théorie dans la tête, mais à ce moment-là, j'étais confrontée à la pratque. J’ai demandé des
conseils, mais il a fallu concevoir et développer par moi-même. Chemin faisant, j'ai réalisé des pettes
expériences sur un premier substrat puis sur un second, j'ai développé des productons avec ce que
l’on appelle la culture traditonnelle et la méthode de travail de l’apport de fumier et de produits
décomposés. J'ai travaillé progressivement, avec un plant, deux plants, sur un mètre carré, puis deux
mètres carrés. J’ai vu ma producton croître mais sans utliser de pestcides (puisque ce sol-là était
déjà pollué). J’ai contnué ainsi, je me suis installée en tant que Jeune Agricultrice et j’ai fait mes
investssements. Toujours est-il que je reste dans ce contexte où je dois manger avant et proposer
ma producton après. Je reste moi-même un « spécimen » qui aime bien cuisiner comme toute
femme, qui aime bien consommer ce qui vient de son terroir. Si j’innove en matère de « recetes »,
c’est que je reste confante envers mon pays, mon substrat, mon terroir, celui qu’on a voulu
condamner, celui qu’on a voulu me retrer. Je me suis dit « non, ma Martnique elle n’est pas polluée,
elle sera dépolluée tôt ou tard, et pour mon sol, il y a des alternatves auxquelles je dois m'accrocher».
Je pense que j’ai été assez claire.
Témoignage de Véronique MONTJEAN, Agricultrice
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Je me présente, je suis également agricultrice sur le Morne Rouge. Depuis longtemps, j’ai toujours
œuvré dans ce système d’agriculture dont nous parlons aujourd'hui. Maintenant l'on cherche une
terminologie pour la décrire: « agriculture traditonnelle », mais cete terminologie me parait se
situer dans une logique trop sectorisée. Moi je dis que l’on est agriculteur avant tout; je suis
agricultrice, et j’ai toujours œuvré dans des groupes. Nous n’avons pas encore beaucoup souligné
l’aspect social de l’agriculteur ! L’agriculteur apparaît souvent individuel, mais ça n’est pas toujours le
cas. Il existe une concepton de l’agriculture avec des liens et de l'entraide entre les personnes. Cela
n’apparait pas dans les aspects économiques, mais c’est un des fondements mêmes de la subsistance
de cete pette agriculture. Elle est pette dans le terme, mais sur le terrain, elle prend une autre
dimension. J’ai évolué dans des groupes avec d'autres agriculteurs et notre travail commun nous a
permis de poser des problèmes qui sont encore posés aujourd'hui : il faut produire pour le pays et
pour produire il faut avoir du foncier, etc. Depuis toujours, je me suis inscrite dans le combat du
foncier, ce qui n’est pas sans sacrifce. Et produire quoi ? Nous avons toujours milité pour une
agriculture que l’on consomme d’abord. On a été très souvent incompris, mais aujourd'hui, tous ces
thèmes-là sont repris, il était temps.
Je suis dans le domaine du vivrier, mais nous avons toujours pratqué des cultures mélangées. Dans
les dachines, dans les inter-rangs, nous plantons selon la saison, des concombres, des courgetes, des
cultures à cycle court. Le but de ce système est d’avoir de la trésorerie qui permete de contnuer les
cultures à cycle long. Un autre aspect important de ces pratques est l’apport de matère organique
et de fertlisants: ce qui aura été apporté pour les cultures à cycle court sera ainsi bénéfque pour les
cultures à cycle long. Un autre élément de ce système est qu'il permet également de réduire
l’enherbement, cete première culture sera éliminée par débroussailleuse et retournera au sol pour
les cultures en cycle long. Mais tout ce système a ses exigences. Il faut connaitre la croissance des
plantes ainsi que la rapidité de cete croissance. Il suft d’une semaine ou deux d’écarts et le système
est foutu en l’air. Je crois que beaucoup ont échoué par rapport à ces méconnaissances. Ce sont des
systèmes qui nécessitent beaucoup d’observatons et de contacts avec les aînés, car tout n’est pas
verbalisé. Je ne peux pas toujours transmetre mes connaissances et mes pratques. Par exemple, si
je vais au Robert, je suis nulle ! Dans un autre secteur de l’ile, je ne peux pas prétendre dire à un
agriculteur comment il doit s'y prendre! Mes connaissances se limitent à un domaine géographique
et je ne peux transmetre que dans ma zone. Et encore, cela dépend du versant. C’est pour cela que
cete pette agriculture est très complexe. Je le répète, elle repose sur énormément d’observatons,
de contacts de terrain, de proximité qui permetent de faire passer beaucoup de choses mais qui ne
sont pas verbalisées. C’est pour cela que cete pette agriculture ne va résister et persister que si des
agriculteurs viennent la pratquer sur place, là où vivent les personnes qui la pratquent. Autrement
dit, elle ne s’exporte pas ! Chez moi, à 7 km de distance, les climats sont complémentent diférents et
ce sont donc des réalités et des pratques diférentes.
Je voulais également évoquer le fait que la problématque chlordécone nous a beaucoup afectés.
Personnellement, je cultve des terres sans chlordécone, mais dans le GIE « providence » au Morne
Rouge dont les terres sont occupées depuis 1983, nous avons malheureusement eu à vivre cete
problématque chlordécone, ce qui a été très traumatsant pour nous. Dans les années 90, nous
avons découvert cete réalité et la première difculté pour l’agriculteur est de s'interroger sur ce
qu’est cete histoire de chlordécone, ce poison que l’on ne voit pas, et dont on ne meurt pas tout de
suite. On nous parle de molécule, mais qu’est-ce que c’est que cete histoire? Ça n’est pas
matérialisé. Ensuite, on nous a fait faire des analyses de sols. On se demande alors c e que les
analystes cherchent dans la terre. Nous on voit la terre, on voit qu’elle est bien, que les plantes
poussent bien. Que viennent-ils encore chercher ? Après la réalisaton des analyses, la lecture des
résultats présentant des quanttés de ci et de ça est partculièrement complexe. Il faut s'interroger
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pour savoir si on est en dessous, sur comment descendre plus bas, etc. C’est très difcile à vivre sur
le terrain. Mais la queston qui a été la plus douloureuse à vivre, c’est la sancton et l’État qui nous
menace: « Atenton, on va vous punir, on va vous punir! Si vous ne respectez pas les microgrammes,
vous êtes des empoisonneurs, on va vous punir ! ». Mais en tant qu'agriculteur, on se dit que ce n’est
pas nous qui avons mis le poison ! Pourquoi alors nous punir? Les agriculteurs dont les terres
présentaient des traces de chlordécone ont eu à vivre l'expérience difcile de la mise sous scellés de
leurs exploitatons! Vous imaginez ce que cela représente pour un agriculteur de s'entendre dire que
son exploitaton a été mise sous scellés. Il se demande alors «mais qu’est-ce que c’est que ça
encore ? » Et quand on lui répond qu'il doit détruire toute sa producton, parfois plus de trente
tonnes de produits, qu'il ne va pas récolter son champ, l’agriculteur est en panique. Surtout
qu'ensuite, lorsque une contre-expertse est réalisée, les laboratoires ne s'accordent pas entre eux
sur une moyenne pour légaliser ou non la producton. Un laboratoire afrme que c’est bon, alors
qu'un autre indique le contraire! Comment l'agriculteur peut-il s'y retrouver?
Aujourd'hui, l’accompagnement des agriculteurs est poursuivi, fort heureusement pour eux car ils
constatent que le travail se poursuit derrière ces premières mesures. Dans cete problématque,
l’État a évalué et estmé les quanttés de terres polluées. Mais pour les agriculteurs, heureusement
que ce plan a contnué pour prendre en compte la dimension sociale du problème, parce qu’il y avait
auparavant quelque chose d’inachevé dans le traitement de cete problématque chlordécone. Reste
à évoquer comment les agriculteurs s’adaptent par rapport à cela. Chaque fois, nous efectuons des
analyses et nous ne trouvons pas de résidus. Pourtant, nous sommes sur une terre qui a eu des
traces de chlordécone et puisque nous livrons notre producton à une coopératve, nous avons
l'obligaton chaque fois de faire des analyses et des contrôles de résidus. Ces analyses sont payantes
et vous imaginez aisément la problématque. L’agriculteur, qu'il cultve un hectare ou mille mètres
carrés de terre, est dans l'obligaton de réaliser systématquement pour deux cent cinquante euros
d’analyse chaque fois qu’il livre sa producton. Le bébé est ainsi resté sur le dos des agriculteurs qui
veulent produire sur des terres afectées par la chlordécone. Voilà mon témoignage et l’état des lieux
que je fais de la problématque chlordécone.
Témoignage d’Alex LABONNE, Agriculteur :
Je suis exploitant agricole à Saint Joseph sur quatre hectares, en agriculture maraichère vivrière. A
sept ans, mes parents m’ont appris à tenir une fourche et cela a toujours été ma profession depuis.
J'ai acquis mes terres en 2004, juste au moment où la problématque chlordécone est remontée et
est tombé sur tous les exploitants comme un coup de massue sur la tête. La problématque était
dans les terres martniquaises et personne ne savait à quels saints se vouer. Avec l'aide de la
Chambre d’Agriculture, il a fallu déterminer si nos terres étaient ou non contaminées, instaurer le
principe de précauton pour protéger nos consommateurs et analyser les terres. Par la suite, il a fallu
faire face à la problématque chlordécone, trouver des méthodes, des pratques et des innovatons,
qui nous permetent d’avancer, chercher une liste de productons possibles sur ces terres et se
concerter avec diférentes insttutons agricoles. Une fois ces questons abordées, nous sommes
entrés dans le vif du sujet : trouver une manière de produire. Sur mes quatre hectares de terres,
presque toutes étaient chlordéconées. J’ai donc dû vérifer la liste des ilots préservés dont je
disposais, voir lesquels étaient les moins pollués, et établir une stratégie. Si un doute subsistait, l’État
nous permetait de planter certains produits, à conditon de les faire analyser avant toute
consommaton et commercialisaton. J’ai commencé par certains tubercules que j’ai fait analyser. J’ai
constaté des taux de contaminaton à l’état de traces résiduelles, mais j’ai tout de même voulu
planter autre chose. Cela m’était déconseillé car mes terres étaient chlordéconées et chaque
tubercule ne réagit pas de la même manière. J’avais une vision: je ne voulais pas abandonner mes
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terres simplement parce que l’on m’avait dit quelles étaient chlordéconées. Je ne voulais pas les
laisser en pâture à n’importe quoi. Je me suis dit qu’il fallait entrer dans le vif du sujet et j’ai donc
tout de même produit et fait analyser ma producton (en rappelant ici que les analyses sont
payantes). Et j’ai découvert qu’il ne subsistait plus aucune trace sur certains tubercules.
Au fl du temps, j’ai demandé à la DAAFF s’il n’était pas possible de trouver un système pour que les
agriculteurs ne fassent pas systématquement pratquer des analyses, puisque la contaminaton ne
concernait pas toutes les productons ni toutes les terres que l’on dit polluées au point de ne pas
faire de producton. Ou bien alors de prendre en charge des analyses pour que les producteurs
n’aient pas à payer systématquement. Dans le même temps, des prélèvements et des analyses ont
été réalisés sur mes terres avec un suivi par la DAAF, par l'intermédiaire de la SPV. Tous les résultats
allaient dans le sens des analyses de départ et présentaient des traces résiduelles. Cependant, j'avais
demandé entre-temps qu’on nous explique comment étaient réalisées les analyses des tubercules.
On nous a alors expliqué que les échantllons étaient prélevés dans le champ et envoyés
pratquement en l’état aux laboratoires efectuant les analyses. J’avais trouvé cete pratque un peu
écœurante, car même aux animaux, on ne donne pas les tubercules avec la terre et les racines. Les
agriculteurs avaient demandé que quelque chose soit fait par rapport à ça. On nous a répondu que
désormais les tubercules sont gratés et lavés, avant d'être envoyés. Donc, il est possible que l'on
trouve moins de résidus dans les tubercules.
A ce moment, j’ai également estmé que cela ne pouvait pas répondre à tout. Il fallait aussi se
pencher sur les pratques culturales. J’ai compris que pour le système cultural qu’il fallait metre en
place, il fallait faire évoluer les pratques. J’ai cherché des produits du terroir qui étaient de plus en
plus importés et qui disparaissaient. J’ai planté et j’ai fait des analyses. J’ai encore eu des résultats
très satsfaisants, contrairement à ce que l'on pensait. Je n’ai pas eu à détruire des productons
d’ignames, de patates, etc. Je n’ai pas eu à les détruire! Et en évoluant dans ce sens, je me suis rendu
compte que les pratques culturales me permetaient d’avoir des produits autrement plus sains,
malgré le chlordécone. Je me dis que c’est l’union qui fait la force. Il faut que chacun donne la main à
l’autre, pour faire remonter notre agriculture, notre méthode de travail, pour aller dans un sens
constructf. La Chambre d’Agriculture a mis à dispositon des stratégies. Cela nous aide à reprendre
en main nos productons, nos produits du terroir. Il faut vraiment se dire que nous avons nos terres,
et que c’est à partr d’elles que l’on doit se nourrir. Il faut trouver les conditons adéquates pour les
valoriser, le plus sainement possible, les analyser, pour aller vers l’autosufsance alimentaire.
Témoignage de Frantz FONROSE, Agriculteur :
Je suis agriculteur, passionné d’agriculture. Je n’ai pas été dans des écoles d’agriculture, je viens du
bâtment, des travaux publics, je suis spécialiste en revêtements. Mais au fond de moi, j’avais cete
passion. « Chassez le naturel, il revient au galop ». A vingt ans, j’ai créé ma première entreprise dans
le bâtment et j'ai travaillé dans ce domaine pendant dix-sept ans. Mais j'avais cet appel intérieur de
la nature qui remontait en moi et auquel je n’ai pas résisté. J’ai tout laissé, j’ai fermé mon entreprise,
pour courir l’aventure de l’agriculture. Mais je n’ai jamais voulu faire n’importe quoi, j’avais des idées
bien précises, dignes d’un vieux rêve. J’étais peut être sur mon pett nuage, j’y suis peut-être encore
d'ailleurs, mais je suis heureux de vivre de cete agriculture que je rêvais de metre en place.
Par rapport au chlordécone, j’ai eu la chance, comparé à d’autres agriculteurs, d’acquérir un terrain
qui était non cultvé depuis plus de cinquante ans, à l’abri donc de la chlordécone. Je me suis dit alors
qu'il fallait que je m'inspire de ce que faisaient mes grands-parents. Reproduire un pett jardin créole
derrière la maison, mais sur trois hectares! Un pari difcile, mais impossible n’est pas français, ni
créole! Je me suis inscrit en tant que professionnel en 2000. La Chambre d’Agriculture m’a aiguillé
vers certains secteurs, et j'ai ainsi commencé par cultver la goyave. Vous savez, quand on n’a pas fait
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d’études et que l’on est autodidacte, on s’appuie sur les conseils des techniciens, qui sont d'ailleurs
en Martnique de très bons techniciens, et qui m’ont guidé dans un sens économique « qui
rapporte ». Cela n’est pas mauvais en soi mais je ne souhaitais pas seulement que cela rapporte, je
voulais « le pett jardin ». Je crois que la nature comprend ce que nous avons en tête car j’ai planté
un hectare de goyave, mais en 2007 l’ouragan Dean m’a tout arraché. Il avait compris que cela n’était
pas ce que je voulais faire. J'en plaisante aujourd'hui, mais le coût économique était très, très lourd
et je me suis retrouvé sans revenus à l'époque. Entre temps, je m’étais spécialisé dans l’apiculture et
je me suis donné les moyens de comprendre ce corps de méter qui n’est pas tout à fait compris de
l’agriculture en général. J'afrme pourtant que c’est la base de l’agriculture. J’ai suivi des formatons
en Corse notamment, en métropole aussi, à Cuba. Je me suis lancé dans l’apiculture et je me suis
installé avec cent cinquante ruches. Et ce fameux jardin créole était encore dans ma tête, sur ces
trois hectares. J’ai alors entendu parler d’agro-écologie, d’agrobiologie, etc., des mots que je ne
connaissais pas. Il a donc fallu que je maîtrise tout ça. Je n’avais malheureusement pas le temps
d’aller m’assoir sur un banc à l’école, parce que le travail sur mon exploitaton ne me le permetait
pas. Mais le soir, je faisais le tour de la queston en autodidacte, en lisant des livres ou en me
documentant sur Internet. J'assistais à chaque pette formaton proposée par la Chambre
d'Agriculture ou autre, je grappillais chaque jour la connaissance pour maitriser cete agro-écologie,
agroforesterie, agrobiologie, etc. J’ai ainsi pu metre en place ce grand jardin créole sur deux
hectares et demi. Je me suis batu, beaucoup de gens ne m’ont pas compris, mais aujourd'hui, il
existe. Je fais vivre ma famille de ce jardin, de l’apiculture. C’est mon histoire avec l’agriculture et je
prends un tel plaisir aujourd’hui, que chaque matn je pars travailler en chantant.
Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique :
L’oralité est là… Merci pour la qualité de ces témoignages emprunts de réalité et d’émoton.
Débat :
Annick JUBENOT, Présidente de l’associaton Lasotè :
Notre associaton travaille avec des jeunes pour remetre en pratque des savoir-faire anciens, et
dans cete optque, vos expériences méritent vraiment d’être validées. Je vous remercie très
sincèrement. Merci de croire à notre agriculture de subsistance, qui aujourd’hui peut être un levier
de développement. Seriez-vous prêts à aider des jeunes, tout en sachant qu’il y a un respect du
terroir et que chacun, par rapport à son exploitaton ne peut le faire que seul? Mais ne serait-ce que
vivre et comprendre les forces et difcultés à travailler en polyculture, seriez-vous prêts à faire de la
transmission non seulement orale, mais aussi que l’on puisse la conceptualiser en termes
techniques ?
Alex LABONNE, Agriculteur :
Merci de nous avoir écoutés, d’avoir bien compris la dynamique dans laquelle nous voulions nous
inscrire. Je répondrai simplement à votre demande en disant que Lasotè existe ainsi que d’autres
structures et que nous partciperons à chaque fois que l’on nous demande notre présence. Il faut que
l’on se fasse confance. On parle avec beaucoup de recul du chlordécone, mais à l’époque tout le
monde paniquait. Nous sommes en train de trouver des issues, avec la Chambre d'Agriculture, avec
d’autres structures agricoles. Il faut se donner la main tous ensemble pour aller de l’avant.
Véronique MONTJEAN, Agricultrice :
Concernant la queston de la transmission des savoirs, de la connaissance, et de la formaton des
jeunes, j’ai eu quelques contacts avec des membres de Lasotè et ce qu’ils sont en train de faire
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m'intéresse. Mon exploitaton a toujours été ouverte vers tout ce qui est apprentssage. Mais lorsque
nous recevons du monde sur nos exploitatons, c’est une parte de nous-même que nous donnons,
une parte de l’exploitaton que nous metons au service des autres. Pour la personne qui arrive, il
nous faut être disponible, donner de notre temps pour lui apprendre, et en contreparte la personne
quite l’exploitaton mais n’est pas opératonnelle pour compenser ce temps. C’est un don de soi qu’il
faut faire et on est bien conscient qu’il faut s’investr dans ce domaine si on veut que la transmission
se fasse. Mais il faudrait que les gens qui veulent acquérir ces connaissances réalisent que c’est du
temps que nous leur donnons et qu'ils prennent conscience de la fragilité de nos exploitatons.
Quand nous demandons à quelqu'un d'inexpérimenté de biner ou d'arracher de l’herbe, et qu’il
arrache l’igname ou que c’est mal fait, même si c’est normal, cela fait mal. Le stagiaire ou la personne
qui vient acquérir ce savoir, n’a pas la connaissance de l’environnement. Je vais vous donner un
exemple que j'ai vécu. J'ai accueilli sur mon exploitaton un jeune apprent. Déjà, quand il est arrivé,
sa manière de marcher, son pantalon qui tombe sur ses fesses ne convenaient pas. Je lui ai alors dit
que sa manière de s’habiller ne me regardait pas, mais qu'il n'était pas en sécurité dans cete tenue,
car il allait enjamber un billon et se casser la gueule. De plus, j'allais lui donner un outl et puisque
son pantalon tombait, il allait devoir lâcher l’outl pour le remonter et cela n’irait pas. Je lui ai donc
tendu un bout de corde et je lui ai demandé d'atacher son pantalon. Il a compris, mais j'ai dû lui
rappeler qu'il fallait qu'il se mete en conditon. On prend donc un risque en accueillant des jeunes et
sans contreparte à la hauteur, si ce n’est cete volonté de transmission.
Victor RENARD, ASAUPAMAR :
Je suis fls d’un agriculteur décédé maintenant, qui faisait de la culture vivrière et potagère. Je suis
diplômé du collège agricole. Je faisais parte du comité qui installe les jeunes agriculteurs. Ma
queston est de savoir si, avec un hectare ou moins d’un hectare, il est possible pour un jeune de
démarrer? Pour moi, il en faut plus pour qu'il puisse s'installer, boire et manger correctement.
Didier CHRISTIN, Sol et Civilisaton :
Vous antcipez sur un thème que nous aborderons demain. Monsieur Grégoire CANOVAS qui vient de
la métropole, nous présentera un projet qu’ils essaient de développer et dans le cadre duquel ils vont
essayer de faire vivre deux maraîchers sur 1,4 hectare.
Frantz FONROSE, Agriculteur :
Au sujet de recevoir des apprents, il faut souligner que l'on peut être un très bon agriculteur,
maîtriser des techniques, mais ne pas être bon pédagogue. On ne peut pas être tout dans la vie. J’ai
eu une histoire malheureuse avec un apprent, un contrat de douze mois. Il est venu me voir avec
une intenton débordante, des mots et des paroles qui vous font tomber à genoux, mais après moins
d’un mois il a fallu être ferme et défnitf. Il voulait faire ce qu’il voulait et pas comme je lui
demandais de faire. J’ai perdu quatre arbres fruiters avec la débroussailleuse! C’est délicat d'arbitrer
entre les bonnes intentons et la réalité parfois. Je l’ai payé cash, sans compter mes cocos qu’il buvait
toute la journée.
Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique :
On ne fera pas ici le procès des apprents et de leur l’inserton. C’est aussi un sujet difcile.
Nelly LESSORT, Agricultrice :
J’ai aussi été apprente. En fait, dans ma tête, je n’étais pas apprente mais jeune travailleuse, car je
devais contribuer à la tâche que l’on me donnait. Mais j’ai parlé avec de jeunes apprents. Je me dis
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qu’il faut qu’ils prennent conscience du travail mais surtout conscience d’eux-mêmes. Il existe un
phénomène de mode et il faut désapprendre à nos jeunes maintenant. Dans ce séminaire qui réunit
un grand nombre de personnes, peu de jeunes sont présents. J’aurais voulu qu’ils soient ici en
majorité, pour leur faire connaître le labeur des agriculteurs et leur dire que c’est nous qui pouvons
leur tendre la main pour les aider à préparer l’avenir, mais également pour qu’ils prennent
conscience que c’est eux qui porteront l’économie de la Martnique. Il faut donc que nous leur
donnions cete base.
Véronique MONTJEAN, Agricultrice :
Pour rassurer au sujet des apprents, j'ai l'expérience de certains avec qui cela c’est très bien passé,
ils arrivaient même avant moi aux champs ! Dans ce cas de fgure, vous voyez au premier regard que
cela va bien se passer, parce que cet environnement ne leur est pas hostle. S'il y a une averse, ils ont
prévu leur imperméable! Ils maîtrisent l’environnement dans lequel ils vivent. Dans d’autres cas en
revanche, quand les apprents arrivent, ils ne savent même pas où ils sont. Mais c’est très important,
dès que c'est possible, de recevoir des apprents. J’accepterai très volonters, sinon l’aboutssement
de mon travail n’aura pas de sens.
Alex LABONNE, Agriculteur :
Des groupes d’entraide, de coups de main comme Lasotè, c’est très important. Si l'on peut se donner
la main, d’une manière ou d’une autre, on pourra faire des choses dans ces pratques culturales.
Lasotè leur apprend des choses, il faut travailler ensemble. On peut les aider ensemble à reformater
leur territoire.
Les études lancées par la Chambre d’Agriculture : résultats de l’étude sur les potentalités de
diversifcaton
Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique :
L’objet de la présentaton qui va suivre est de présenter succinctement les résultats de l’étude sur les
potentalités exprimées par les exploitants agricoles en diversifcaton de la Martnique (EPEAD) qu’a
commandité la Chambre d’Agriculture. Il s’agit surtout par cete présentaton, de démontrer l’intérêt
porté par cete dernière à ces agricultures diversifées, et surtout sa volonté d'apporter une meilleure
connaissance sur la réalité de ces agricultures. Six cent enquêtes ont été menées avec pour objectfs
d'identfer les outls permetant de valoriser le potentel des exploitatons agricoles en diversifcaton
et d’élaborer un plan d’actons. Ce n’est pas une évaluaton externe des potentalités agronomiques,
techniques et fnancières des exploitatons agricoles, mais une vision que les agriculteurs portent
eux-mêmes sur leur exploitaton, sur les difcultés chroniques importantes qu’ils identfent, et sur ce
qui est moins important du point de vue des conséquences négatves sur leur système de producton.
Quand on leur demande de classer eux-mêmes ce qu’ils considèrent comme les forces et les
faiblesses, ce qui ressort majoritairement c’est l’accès aux aides. Même si certains montrent un
certain détachement par rapport à l’organisaton administratve de l’accès aux aides, même s'ils ne
font pas la démarche pour les obtenir, ils relèvent malgré tout qu'ils n’y ont pas accès. La thématque
de la non-bancarité et du non accès aux crédits se retrouvent également dans leurs témoignages. Je
vais à présent vous présenter l’étude (voir présentaton PowerPoint ci-dessous).
31
Etude des Potentialités Exprimées par les
Exploitants Agricoles en Diversification de la
Martinique
EPEAD
Synthèse des résultats de l’étude
Rappel des objectifs de l’étude
Rappel des objectifs de l’étude
• Mieux connaître les petites exploitations en
diversification et leurs potentialités :
600 ENQUÊTES
• Trouver les outils nécessaires à la valorisation
du potentiel des exploitations agricoles en
diversification : PLAN D’ACTIONS
Cette étude n’est pas une évaluation externe
des potentialités agronomiques, techniques
et financières des exploitations agricoles
32
Forces et faiblesses des exploitations du point de vue des
producteurs
Résultats des enquêtes
A cc è s a u x a id e s p u b liq u e s
A cc è s a u c r é d it s
T ré s o re r ie
M ain d 'œ u v r e
A cc è s a u x in t r a n t s
C at a s t r o p h e s n a t u r e lle s
E ro s io n d e s s o ls
F o rm a t io n d e l'a g ric u lt e u r
L a t e r r e ( f a ir e v a lo ir )
M ala d i e s ( p la n t e s e t d e s a n im a u x )
S éc h e r e s s e
P ar c e lla i r e
A nim a u x e r r a n t s
R en d e m e n t s
I ns é c u r i té / vo l
S to c k a g e
F er t il it é d es s o ls
C om m e r c ia lis a t io n
T ra n sp o rt d es m a r c h an d is e s
C la s s if ic a t io n d e s f o r c e s e t fa ib le s s e s
Potentialités identifiées – Système d’exploitation
• L’individu lui-même : l’amour de l’agriculteur pour son métier
à Les forces qui reviennent le plus souvent sont l’amour du métier, les
opportunités de commercialisation, le courage, la connaissance du terrain et
l’expérience.
• La diversité des systèmes observés montre une forte adaptabilité
aux aléas climatiques, aux marchés, etc.
• La volonté d’évolution (modernisation ou diversification)
concerne 45 % des individus enquêtés. Les agriculteurs ayant
exprimé la volonté de ne pas évoluer concerne des exploitations dont la
surface moyenne est de 4,1 ha et dont l’âge moyen de l’agriculteur est de 52
ans
Résultats des enquêtes
33
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Actes séminaire 2014

  • 1. Les modes de production agricole traditionnels en Martinique, leviers de développement durable ? 5-6 juin 2014, Insttut Martniquais du Sport – Mangot Vulcin, Le Lamentn Actes du séminaire Version du 24 octobre 2014 Ce document est une retranscripton des présentatons et des échanges qui se sont tenus lors du séminaire des 5-6 juin 2014. Des reformulatons à la marge ont parfois été réalisées afn de faciliter la lecture et la compréhension des propos. 1 Mutadis
  • 2. Table des matères Introducton...........................................................................................................................................4 Session 1 : Quelles réalités des formes d’agricultures traditonnelles en Martnique ? Quelles sont les contraintes et les opportunités identfées pour leur développement ?..............................................15 Première parte : État des lieux des agricultures traditonnelles en Martnique aujourd’hui...........15 Réalités et enjeux économiques de la pette agriculture en Martnique (Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF)................................................................................15 L’expérience des agriculteurs - Table ronde, présidée par Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique................................................25 Les études lancées par la Chambre d’Agriculture : résultats de l’étude sur les potentalités de diversifcaton (Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique)........................................................................................................31 Deuxième parte : Les apports du réseau d’innovaton et de transfert agricole (RITA)....................41 Les potentalités de l’agriculture traditonnelle : multfonctonnalité, services écosystémiques et résilience - Vers une concepton innovante (Harry LAFONTAINE, Président de l’INRA Antlles- Guyane)........................................................................................................................................41 Choix et pratques culturales empruntées aux systèmes traditonnels dans un milieu pollué par la chlordécone. Exemples d’applicaton sur des exploitatons traditonnelles (Florence CLOSTRE, Chercheure au CIRAD Antlles-Guyane)........................................................................................50 La jachère traditonnelle chez les maraichers : est-il possible de la rendre plus performante tout en restant adoptable ? (Paula FERNANDES, Chercheure au CIRAD).............................................61 Valoriser la biodiversité : entre traditon et innovaton (Marie CHAVE, Chercheure à l’INRA Antlles-Guyane)...........................................................................................................................71 Suite de la session 1 : Quelles réalités des formes d’agricultures traditonnelles en Martnique ? Quelles sont les contraintes et les opportunités identfées pour leur développement ?....................86 Introducton et retour sur les visites d’exploitatons du 5 juin.........................................................86 Eclairage extérieur : Grégoire CANOVAS, chef de cultures dans le projet de ferme pilote de l’associaton Fermes d’Avenir...........................................................................................................86 Introducton..................................................................................................................................87 Témoignage de Grégoire CANOVAS.............................................................................................87 Troisième parte – les dimensions sociales dans les pratques de producton traditonnelles..........94 Introducton..................................................................................................................................94 L’apport des formes de solidarité agricole traditonnelles au service de l’agriculture locale et l’associaton Lasotè (Isambert DURIVAUX, auteur d’un livre anthropologique sur Lasotè)..........94 2
  • 3. L’expérience des jardins familiaux et la problématque chlordécone (Gérard THALMENSI, ARS Martnique et Luc BOCHAREL, IREPS Martnique)........................................................................98 Session 2 : Déployer la contributon des agricultures traditonnelles à la qualité de vie....................110 Introducton (Fred LORDINOT, Vice-Président du Conseil Régional, Vice-Président de la Commission agriculture et élevage)....................................................................................................................110 Première parte : Table ronde - les initatves de terrain pour renforcer le lien avec le territoire et les consommateurs........................................................................................................................110 L’expérience du MANA (Monete ABATORD, Présidente du MANA)..........................................110 Économie solidaire et systèmes d’échanges locaux innovants : l’expérience de la Goute d’Eau Lorrinoise (Anne ZAPHA, associaton La Goute d’Eau Lorrinoise)..............................................117 Coopérer pour produire mieux et se rapprocher des consommateurs : CUMA, SICA, SCOP, SCIC, (Annick JUBENOT et Géraldine MICHANOL, Associaton Lasotè) …............................................120 Deuxième parte – l’apport des études et recherches....................................................................132 La contributon de l’agriculture familiale au mainten des contnuités écologiques – résultats du projet de recherche CORIDOM (Valérie ANGEON, INRA Antlles-Guyane et Arnaud Larade, AgroParisTech)...........................................................................................................................132 Les études lancées par la Chambre d’Agriculture sur la valorisaton des pratques et des productons traditonnelles et les circuits courts (Roselyne JOACHIM, Chambre d’Agriculture de Martnique et Caroline DELEGLISE, Cabinet Philippe Villard consultants).................................144 Éclairage extérieur : Henri DE PAZZIS (PRONATURA).....................................................................152 Session 3 – Table ronde fnale : quels dispositfs d’accompagnement du développement des agricultures traditonnelles?...............................................................................................................158 Le projet de loi d’avenir agricole – Quelles atentes pour l’agriculture martniquaise ? (Roselyne JOACHIM, responsable de l’audit et de la prospectve à la Chambre d’Agriculture de Martnique) .......................................................................................................................................................158 Interventon de l’Agence Régionale de Santé de Martnique (Éric GODARD, ARS Martnique)......165 Interventon de Jacques HELPIN, Directeur de l’Alimentaton, de l’Agriculture et de la Forêt de Martnique, Agence Régionale de Santé de Martnique.................................................................166 3
  • 4. Introducton Fred LORDINOT, Vice-Président du Conseil régional de Martnique : Monsieur le Président de la chambre d’agriculture, mesdames et messieurs les représentants des diférentes insttutons et associatons, Monsieur GODARD, ancien délégué interministériel au plan chlordécone, mesdames et messieurs, C’est avec beaucoup de plaisir que j’ouvre ce séminaire de deux jours autour des agricultures traditonnelles en Martnique. Plusieurs peuples dans le monde doivent faire face à des catastrophes chimiques ou naturelles, à des épidémies, etc. Nous, en Martnique, c’est un vrai combat que nous devons mener ensemble, afn que la catastrophe de la polluton à la chlordécone, qui a touché le pays il y a quelques années, puisse être dépassée. Nous devons afronter cete catastrophe et nous devons l’afronter ensemble. C’est pourquoi je suis très heureux de vous accueillir au sein de ce récent Insttut Martniquais du Sport, propriété du Conseil régional de Martnique. Bienvenue donc en ce lieu symbolique, ouvert à la jeunesse. Le troisième plan chlordécone qui sera défnitvement bouclé d’ici deux mois représente une victoire pour nous, car l’État n’avait pas initalement l’intenton de conduire un troisième plan. Or, face à cete catastrophe qui nous afecte pour de longues années, il faut metre en place plusieurs plans et mener une acton d'ensemble durable. C’est pourquoi j’ai milité avec mes collègues du Conseil régional, pour que dans le cadre de ce plan chlordécone, soit engagée une acton autour d'une stratégie territoriale de développement durable en Martnique. Il faut redonner confance aux gens et je pense que nous pouvons le faire. Je tens à remercier le professeur Henry OLLAGNON ainsi que toutes les personnes des groupes de recherche Mutadis et Sol et Civilisaton qui ont contribué à l’organisaton de ces journées. Il faut parvenir à metre en place des lieux d’échanges et de débats entre nous pour faire émerger ensemble des solutons. L'une de ces solutons est de contnuer à produire sur les sols martniquais pollués et non pollués en toute confance. C’est possible et nous ne devons pas faire de la catastrophe de la chlordécone une rupture de notre potentel évolutf. Si aujourd’hui nous avons à faire face à cete catastrophe, nous pouvons ensemble, par nos actons et nos réfexions, la surmonter. Je lisais hier un artcle dans Le Quotdien sur le poisson-lion qui envahit nos eaux: des marins pêcheurs ont décidé d'agir afn de capturer ce poisson, le transformer, et le manger. Cet évènement qui était et qui demeure une catastrophe, car il s’agit d’une espèce invasive, il est ainsi possible de le transformer; nous pouvons en faire un atout. Voilà la démarche préconisée par le Conseil régional: afronter la réalité et trouver ensemble des solutons. Parmi ces solutons, il faut metre en avant la pérennité des modes de producton de l’agriculture traditonnelle, qui va permetre aussi de valoriser et de protéger notre biodiversité. C’est l’un des axes de travail du Conseil régional: nous voulons aujourd’hui, à partr de notre biodiversité qui je le rappelle représente 80% de la biodiversité française, trouver les éléments qui vont nous permetre de nourrir notre populaton et pourquoi pas de créer des actvités qui seront génératrices d’emplois. Je dois néanmoins vous prier de m’excuser car je ne suis pas parvenu à déplacer une réunion qui requiert ma présence sur l’octroi de mer, ressource qui consttue la principale recete du budget de la collectvité régionale et qui représente également soixante pour cent des recetes de fonctonnement des communes de Martnique. Je ne sais pas vraiment comment sortr de cete mono-dépendance fscale, j'espère que nous pourrons y parvenir, mais je sais que c’est ensemble 4
  • 5. que nous pourrons trouver des solutons. En tous les cas, je reviendrai après cete réunion pour apporter ma contributon à la réussite de ce séminaire. Merci de votre atenton et bon travail à tous. Louis-Daniel BERTOME, Président de la Chambre d’agriculture : Monsieur le représentant du Conseil régional, Monsieur Gilles HERIARD DUBREUIL, représentant du groupement Mutadis et Sol et Civilisaton, Monsieur GODARD, représentant de l’Agence Régionale de Santé (ARS), mesdames et messieurs de la recherche, de la DAAF, chers amis, La chambre d’agriculture a intégré dans ses orientatons pour l’agriculture le souten aux agricultures traditonnelles comme levier du développement durable. Notre agriculture martniquaise est en efet bâte sur la diversité de ses hommes, de sa producton, et également de ses exploitatons et de ses modes de producton. Cete diversité est certainement une richesse pour le secteur agricole et pour la Martnique. Mais la difculté est que la tendance est à l’uniformatsaton des modes de producton, et à la dispariton rapide de nos pettes exploitatons et donc des techniques traditonnelles qu’elles utlisent. Il ne s’agit pas pour la Chambre d’agriculture d’opposer les modes de productons, traditonnels, conventonnels ou autres. Toutes les agricultures sont nécessaires pour relever les défs qui sont les nôtres, à savoir une producton alimentaire diversifée en quantté et en qualité et présente sur tout le territoire pour nourrir la populaton martniquaise. De ce point de vue, la dispariton en cours de nos pettes exploitatons et des techniques qu’elles ont portées et expérimentées pendant des décennies, est un danger pour l’équilibre social, environnemental, paysager, économique de nos zones rurales, et pour la Martnique. C’est un risque d’appauvrissement pour la biodiversité. C’est pour cela que nous défendons l’idée de la nécessité d’une politque agricole valorisant la pette agriculture et les modes de productons traditonnels. En principe, aucun agriculteur n’est exclu du dispositf d’aides publiques existant. Cependant dans la pratque, la plupart en est exclue. Les critères et les conditons d’accès aux mesures de souten à l’investssement d’une part et aux mesures de souten à la commercialisaton d’autre part, laissent la grande majorité des agriculteurs et une grande parte de la producton à la marge de la politque agricole. Ce n’est pas là le résultat du choix volontaire des agriculteurs, mais de l’impossibilité pour nombre d’entre eux de bénéfcier de dispositfs mis en place, qui ne leurs sont manifestement pas destnés. Le séminaire que nous avons l’honneur d’ouvrir ce matn, s’interroge sur l’intérêt des modes de producton traditonnels pour le développement durable, au-delà des problèmes liés à la chlordécone, et j’ajouterai solidaire de notre agriculture. Si on répond par l’afrmatve à cete interrogaton, il devient du devoir des responsables professionnels mais également politques, de metre en place les mesures d’accompagnement nécessaires pour leur mainten et leur valorisaton. La chambre d’agriculture défend depuis plusieurs années l’idée qu’il est nécessaire de soutenir la diversité de notre agriculture. Les agriculteurs qui travaillent selon les modes de producton traditonnels contnuent à faire évoluer leurs systèmes, ils innovent en matère de commercialisaton, ils répondent à la demande des martniquais pour une producton de terroir de qualité. Les politques publiques ont du mal à intégrer ce phénomène qu’elles ignorent souvent. Au cours de ces deux journées de séminaire, chacun pourra s’informer et s’exprimer sur cete agriculture et ses modes de producton traditonnels qui, de notre point de vue, sont une forme de modernité sociale, environnementale et économique pour l’avenir de notre agriculture. Je vous remercie de votre atenton. 5
  • 6. Éric GODARD, Conseiller Environnement, Agence Régionale de Santé de Martnique : Bonjour à tous. On pourrait s’interroger sur la présence de l’ARS et sa partcipaton à l’organisaton de ce séminaire, mais vous allez saisir par mon introducton le lien qui peut exister entre le sujet qui nous préoccupe, l’état de santé de la populaton et la contributon que l’agriculture peut apporter à cet état de santé. Vous n’êtes pas sans savoir que la Martnique connait comme d’autres régions au monde, une prévalence des maladies chroniques liées à l’alimentaton qui est extrêmement préoccupante. C’est devenu une des priorités du projet régional de santé pour la Martnique. Un enfant sur quatre est en état de surpoids ou d’obésité et ce phénomène touche maintenant un adulte sur deux. Les femmes sont davantage touchées que les hommes. D’après l’enquête ESCAL, une enquête menée en 2004, (l’enquête Kannari qui vient de se terminer va permetre d’actualiser ces données), trente-neuf pour cent de ces derniers se trouvaient en état de surpoids ou de surcharge pondérale, et quinze pour cent étaient déjà en état d’obésité. Si les hommes de Martnique se situent à peu près au même niveau que ceux qui vivent en métropole, la situaton est un peu diférente pour les femmes. Les taux de surcharge pondérale et de surpoids de ces dernières devancent ceux de toutes les régions françaises. Ainsi, le taux moyen en métropole tournait autour de vingt-trois pour cent pour la surcharge pondérale et était de trente-deux pour cent en Martnique tandis qu'en 2003, le taux d’obésité des femmes de métropole était en moyenne de onze pour cent pour un taux de vingt-huit pour cent en Martnique. Très peu d’études sur ce sujet ont été réalisées en Martnique avant l’enquête ESCAL achevée en 2004: l'étude de l’ORSTOM (Ofce de la recherche scientfque et technique outre-mer), publiée en 1984, avait déjà montré cete tendance à l’augmentaton de la charge pondérale. Quand on connait le lien existant entre surcharge pondérale, obésité et diabète, on ne peut que s’inquiéter de cete évoluton pour une populaton qui connait déjà une prédispositon génétque à développer cete maladie. Le taux de prévalence du diabète en Martnique, traité et donc reconnu, était en 2009 de 7,4 pour cent, soit 1,7 fois plus élevé que le taux métropolitain qui était de 4,4 pour cent. Concernant la relaton entre la surcharge pondérale, l’obésité et le diabète, l’insttut de veille sanitaire, dans une synthèse épidémiologique, au niveau natonal, a montré que pour les hommes et les femmes en état de surcharge pondérale (on ne parle pas encore d’obésité), le taux de prévalence du diabète diagnostqué était de 2,5 à trois fois plus élevé que pour les personnes en état de volume corporel dans la norme. Chez les personnes en état d’obésité, c’était 5,5 à six fois plus. Une autre pathologie très présente en Martnique (avec là encore des prédispositons génétques) est également en relaton évidente avec la surcharge pondérale et l’obésité. Il s'agit de l’hypertension artérielle qui tue environ huit cent personnes chaque année. L’enquête ESCAL toujours en 2004, qui est une enquête de santé générale, en dehors de tout ce qu’elle a pu apporter comme éléments pour répondre à la problématque chlordécone, a montré un taux de l’hypertension de prévalence de vingt-deux pour cent dans la populaton générale, et également une surcharge pondérale supérieure chez les hypertendus, confrmant toutes les données déjà acquises. Rapprochons nous maintenant du sujet qui nous préoccupe. Si on ne peut agir sur les prédispositons génétques, on peut tout à fait agir sur l’alimentaton, un des paramètres en relaton avec ces pathologies et facteur contribuant à cete augmentaton du volume corporelle. Le mode et la qualité de l’alimentaton sont en efet deux points sur lesquels il est tout à fait possible d’agir, sans méconnaitre bien sûr les efets délétères de la sédentarité et du stress de toutes sortes (stress liés aux transports, aux difcultés de la vie, aux difcultés socio-économiques, aux problèmes familiaux, etc.). Cependant, les changements intervenus dans les modes d’alimentaton sont très couramment dénoncés comme un des facteurs causal de la tendance de la populaton à augmenter de volume 6
  • 7. avec peut être aussi l’efet de certaines perturbatons endocriniennes liées à des facteurs d’environnement. Pour y répondre, vous connaissez tous le discours des chantres de l’alimentaton créole traditonnelle : les bienfaits des produits du terroir, qui ont pour la plupart des index glycémiques faibles en comparaison des produits de même type qui sont importés (par exemple, les féculents); la qualité de nos fruits, de nos tubercules, de nos légumes, qui nous apportent les fbres qui sont des moyens de ralentr l’absorpton des sucres, qui améliorent le transit intestnal et qui protègent des cancers ; les fruits qui sont ici sur-vitaminés, grâce au soleil et qui sont parés de vertus ant-oxydantes, ant radicaux libres, ant-cholestérol, ant-tout ! Mais plus sérieusement, il semble que leurs vertus aient bel et bien été démontrées quand il s’agit de se nourrir sainement et de manière équilibrée à partr de produits frais, comparatvement à tout ce que l’on peut importer de produits plus ou moins frais ou chargés de conservateurs. Toutes les recommandatons (que ce soient celles du plan natonal nutriment santé ou celles du nouveau plan cancer) convergent par ailleurs vers une plus grande consommaton de fruits et légumes et une réducton des aliments trop gras, trop sucrés et trop salés. Le fait qu’ils puissent être produits sur place, faisant vivre ainsi des producteurs et nourrissant la populaton sans dépendre d’importatons, est également un gage de sécurité, de confance et de plaisir de s’alimenter avec des produits locaux et des recetes créoles. Quand on peut en outre cultver soi-même son propre jardin et que ces produits sont mitonnés avec amour soit par sa maman soit par sa doudou, les féministes me pardonneront, c’est le plus grand des plaisirs. Alors oui, depuis des années et encore pour de nombreuses autres années à venir, il nous faut prendre en compte le problème de la chlordécone qui a empoisonné les sols et l’environnement de notre île, ainsi que ceux de la Guadeloupe, avec tous les risques alimentaires que cela induit. Mais il existe aussi d’autres pestcides d’usages actuels dont il faut tenir compte. Ils sont censés protéger les cultures mais peuvent aussi faire des dégâts à la fois à l’environnement, aux applicateurs, et aux consommateurs des produits qu’ils sont censés protéger. Et comme l’a si bien dit Fred LORDINOT toute à l’heure, il faut construire sur cete catastrophe environnementale un avenir meilleur, apprendre à vivre avec même si ça ne fait pas plaisir à certains, être fer d’avoir surmonté cete épreuve, contnuer à nourrir la populaton avec des pratques respectueuses de l’environnement et de la santé des consommateurs. Et c’est toute l’ambiton de la démarche qui a été initée dans le cadre du second plan chlordécone, sous l’animaton de l’équipe qui a proposé la réalisaton de ce séminaire. Au niveau de l’ARS (et auparavant de la DSDS), nous avons mis en place un programme destné aux détenteurs de jardins familiaux pour les inciter à se protéger de la chlordécone. Dans ce cadre, si les producteurs vivriers maraîchers dans leur ensemble, ainsi que plus récemment les éleveurs, ont fait les eforts nécessaires pour respecter les règles qui ont permis de protéger la populaton et si les pêcheurs, malheureusement encore très impactés aujourd'hui et cherchant les moyens de se rétablir, ont également pris les mesures pour retrer du marché les poissons les plus contaminés, il est clair que les questons et enjeux de santé en Martnique vont très largement au-delà des problèmes posés par la chlordécone et les pestcides plus généralement. L’ARS est ainsi favorable à tous les modes de producton qui permetront de s’afranchir de l’usage des pestcides pour les produits alimentaires. Le programme des jardins familiaux, dit programme JAFA, initalement conçu pour traiter du problème de la chlordécone dans les jardins amateurs, sera évidemment poursuivi grâce aux crédits fournis par le troisième plan chlordécone, dans le sens d’une éducaton visant à inculquer la non- utlisaton de pestcides. On contnuera à ofrir aux jardiniers amateurs qui souhaitent connaître l’état de polluton de leur sol, un diagnostc qui sera efectué par la FREDON, avec les crédits de ce plan. La 7
  • 8. queston des élevages familiaux fera l’objet d’encore plus d’atenton qu’auparavant. Il en ira de même pour la pratque du jardinage sans produits phyto, qui permet de valoriser le potentel de nos sols, de manger sainement mais aussi de pratquer un exercice physique (le jardinage est un des moyens de se maintenir en forme). Tout ces éléments qui contribuent à la qualité de vie seront soutenus dans le cadre des actons et de la recherche en santé environnementale. Comme on le verra au cours de ce séminaire, la présence de jardins est aussi un moyen de rétablir du lien social, de développer la culture du partage et de l’échange. Cete traditon antllaise contribue également à la qualité de vie, que ces jardins soient privatfs ou partagés, car on recommence à pratquer ce partage de surfaces mises à dispositon par des associatons, des collectvités, pour donner, à ceux qui n’en n’ont pas les moyens chez eux, la possibilité de cultver. Du côté des producteurs agricoles, l’ARS est également très atachée à la diversifcaton de l’ofre alimentaire en produits cultvés et élevés localement pour donner à la populaton les moyens d’acquérir une meilleure santé. Nous avons besoin d’une agriculture tournée vers la consommaton locale et metant sur le marché des produits de qualité, afn d'améliorer la qualité de l’ofre alimentaire, et donc in fne l’état de santé de la populaton martniquaise. Ce qui est à souhaiter en revanche, c’est que ces produits soient accessibles en termes de proximité car tout le monde ne peut se déplacer facilement compte tenu de la dispersion de l’habitat, des difcultés de transport et également des difcultés économiques que connaissent certains ménages. Il faut également qu’ils soient accessibles en termes de coûts, parce qu’un produit local hors de prix ne peut bénéfcier à ceux qui en ont sans doute le plus besoin, à savoir les populatons défavorisées, ces dernières étant le plus afectées par les problèmes de surcharge pondérale, avec toutes les conséquences que cela engendre et que nous avons évoquées. Merci de votre atenton. Gilles HÉRIARD DUBREUIL, Directeur de Mutadis: Bonjour. Je suis Gilles HERIARD DUBREUIL, je représente ici Mutadis et l’associaton Sol et Civilisaton. J’ai une bonne nouvelle à donner aujourd’hui. Notre séminaire s’inscrit dans un processus qui doit avoir des suites. Ce processus a été engagé dans le cadre du plan chlordécone qui a été mis en place par l’État et nous avons, avec un groupe qui comprend également AgroParisTech, été saisis depuis 2010 pour conduire un retour d’expérience à partr d’une situaton analogue de contaminaton de territoire et des problèmes rencontrés par les populatons et notamment dans le contexte post- Tchernobyl en Biélorussie, sur lequel nous avons travaillé depuis 1990. Je vais dire un pett mot de ce processus de la charte de l’acton 36 qui a about à ce que nous appelons la charte patrimoniale pour une stratégie de développement durable de qualité de vie dans le contexte de la polluton par la chlordécone. Ce processus a démarré par un retour d’expérience partcipatf inité fn 2010, où nous avons pu, grâce à une délégaton comprenant des professionnels, des représentants de l’État, des membres d’associatons, d’abord à Paris, puis en Martnique en mai 2011, évaluer l’intérêt d’un retour d’expériences de vie dans un territoire durablement contaminé qui avaient été vécues par d’autres populatons dans d’autres territoires, et leur pertnence vis-à-vis de la problématque chlordécone. Ce travail de retour d’expérience a mis en évidence l’existence d’approches méthodologiques originales susceptbles d’être pertnentes dans le contexte chlordécone en Martnique et en Guadeloupe. Le plan chlordécone 1 se terminait aux alentours de 2010, c’était donc le moment de préparaton du second plan. On peut dire que l’État entre son premier plan et son deuxième plan a 8
  • 9. eu d’abord le souci de développer des connaissances sur ce problème posé par la chlordécone, sur la réalité environnementale de cete polluton, sur ses efets sur la santé. Puis très vite a procédé à un certain nombre d’actes de mise en sécurité des populatons, actes qui se sont traduits par des conséquences sévères pour des actvités comme l’agriculture, notamment les agricultures traditonnelles, la pêche et l’aquaculture. Et donc le deuxième plan a également inclus des dimensions de geston des efets collatéraux de ce processus de mise en sécurité. Finalement, ce que nous avons introduit c’est une dernière acton, appelée l’acton 36, la dernière du plan 2, qui avait pour objectf de regarder quelles seraient les conditons d’un redéploiement global de la qualité de vie lourdement impactée par cete polluton. L’objectf de cete acton 36, c’était de voir si on pouvait construire une stratégie de développement territorial et de développement durable de la qualité de vie et surtout de construire une vision partagée entre la populaton, les professionnels, les acteurs économiques, les associatons, les collectvités territoriales et l’État. Ce que l’on peut dire, c’est qu’il ressortait déjà de la percepton des acteurs qui ont partcipé à ce retour d’expériences que seule une forme de coopératon entre ces acteurs permetrait véritablement une sorte de crise vers une prise en charge durable et positve de ces questons. Nous nous sommes appuyés sur une méthodologie de travail très rigoureuse, élaborée par AgroParisTech, qui comprend des acteurs médiateurs, facilitateurs extérieurs à la situaton venant des trois insttutons, que sont Mutadis, AgroParisTech et Sol et Civilisaton, qui avaient d’ailleurs déjà travaillées ensemble dans le contexte Biélorusse après l’accident de Tchernobyl, que j’évoquais tout à l’heure. Cinq intervenants ont été mobilisés. Cete méthode « d’audit patrimonial » est une méthode standardisée, sécurisée, qui repose sur l’idée d’une co-expertse de l’ensemble des acteurs. Elle vise à identfer les enjeux de la situaton dans laquelle nous nous trouvons, mais surtout essaie de dégager les perspectves communes, c’est-à-dire qui sont susceptbles d’être partagés par les acteurs, pour éventuellement trouver des voies de résoluton des problèmes qui sont identfés dans ce contexte. Nous avons réalisé un travail à l’échelle de la région et de la Martnique, en incluant des acteurs natonaux. Nous avons également efectué un audit sur les flières agricoles d'une part et pêche et aquaculture d'autre part. Toute une série d’étapes a conduit ensuite à l'élaboraton de cete charte, avec un approfondissement de la réfexion dans le cadre de séminaires territoriaux (Nord Caraïbes, Centre Nord et Nord Atlantque). Nous avons également approfondis des pistes d’actons présentées ci-dessous avec l'ensemble des acteurs. De cete façon, nous avons pu élaborer cete charte, qui n’a pas encore été signée, mais qui est sous une forme que nous appelons «signable», c’est-à-dire que l’ensemble des acteurs ont donné leur accord pour dire qu’il leur semblait que se dégageaient bien dans cete charte un dessein commun entre les acteurs et des voies d‘actons. Ce gros travail de nature partcipatve, qui a duré environ deux ans, a mobilisé plus de cent vingt personnes. Entre temps, il s’est écoulé un temps de latence dans la mesure où l’État lui-même réféchit à ce que pourrait être le contenu d’un troisième plan, et il semblerait que cete charte et sa mise en œuvre sont maintenant devenues l’acton 1 du troisième plan qui est en cours de fnalisaton et de ratfcaton et qui devrait sortr fn juin. Que content cete charte ? Des projets souhaitables, désirables par l’ensemble des acteurs, qui leur semblent être de nature à entrainer une dynamique de sorte de crise et de constructon d’une réhabilitaton durable des conditons de vie autour de quatre orientatons qui sont : - faciliter le redéploiement d’actvités et de techniques adaptées de producton agricole professionnelles et familiales de proximité et de qualité, 9
  • 10. o La queston des agricultures traditonnelles a émergé à cet endroit-là comme un enjeu clé. Ce sont les acteurs qui l’ont amenée. C’est «une « trufe » que l’on a trouvée mais qui n’était pas au départ prévue. - faciliter le redéploiement d’actvités durables de pêche et d’aquaculture pour assurer une producton locale saine, viable et de qualité, o Une problématque d’ordre économique et sociale, mais visiblement aussi d’ordre identtaire et culturel. - promouvoir la santé des personnes dans une approche de précauton autour de démarches territorialisées de “vie saine”, - développer une transparence constructve, construire des outls de visibilité territoriale et faciliter un suivi et une valorisaton de la qualité des produits agricoles et des produits halieutques, o C’est-à-dire, la nécessité pour les acteurs, à partr de cete queston de la chlordécone, non pas seulement d’être guidé par des normes et par des injonctons des pouvoirs publics, mais de vraiment pouvoir rentrer dans une connaissance approfondie des phénomènes, des transferts, de l’impact sur la santé et de ce qui se passe dans leur propre corps. Il s'agit de parvenir à une certaine mise en commun de ces données qui aujourd’hui ne sont pas toujours accessibles pour des raisons qui sont soit de l’ordre du droit, soit de la confdentalité. L’idée est de déterminer à quelles conditons les acteurs peuvent trouver ensemble un bien commun à ce que cete informaton soit partagée, afn de construire une véritable sécurité sur ces questons de la chlordécone en Martnique. Dans le volet agricole, nous avons identfé cinq directons d’acton: - reconnaître, partager et qualifer les pratques d’agricultures “pays“ adaptées au contexte martniquais, - développer la créaton de valeur dans les agricultures « pays » professionnelles et familiales, o Il faut d’abord en vivre, c’est un point important même si ça n’est pas forcément la seule actvité. Il existe un enjeu important de constructon de valeurs. Ces actvités d’agricultures traditonnelles on ne peut fnalement pas les évaluer seulement en tant qui flières de producton. Il faut également prendre en considératon toutes les valeurs qu’elles accompagnent : valeur sanitaire, Éric GODARD l’a rappelé, valeur d’emploi, valeur culturelle, valeur identtaire, etc. Toute une série d’enjeux qui ne sont pas pris en compte dans la compréhension habituelle d’une flière agricole. C’est pour cela que cete réalité de l’agriculture traditonnelle se situe au carrefour d’une réalité d’un territoire et dans la logique d’une flière. Il faut que l’on parvienne à atraper cete problématque. Un des enjeux, c’est de saisir comment introduire des éléments de valorisaton. - créer un espace commun de discussion, d’échange et d’orientaton entre les diférentes agricultures de Martnique dans la perspectve ouverte par la charte, o On parle « des » agricultures traditonnelles. Un enjeu de ces deux journées de séminaire, sera de préciser cete réalité des agricultures traditonnelles. Il existe aussi d’autres agricultures de producton, autour de la banane, de la canne, etc. On se rend bien compte qu’il existe des enjeux communs à construire. Il ne s’agit pas 10
  • 11. d’opposer ces diférentes formes d’agricultures, mais au contraire de voir quels sont les éléments de leur complémentarité et de leur synergie. Probablement, aussi de sortr des oppositons qui aujourd’hui ne sont pas bénéfques au devenir de la Martnique. - créer une plateforme alimentaton-agricultures-société afn de connecter les enjeux alimentaires et agricoles aux enjeux de la société martniquaise, o Peut-on envisager ces agricultures comme une flière de producton parmi d’autres? Non ! On constate qu’un des enjeux est bien que la société martniquaise se réapproprie la réalité de ces agricultures, d’où l’idée de construire cete plateforme pour connecter les enjeux alimentaires et agricoles avec les enjeux de la société martniquaise. Je pense que l’ouverture de ce colloque témoigne que les diférents acteurs présents sont bien dans cete logique. - faciliter l’accès au foncier agricole afn de faciliter une producton de qualité, o Point d’ordre plus technique, mais très important. Voilà quelle peut être la descripton de ce processus de charte. Il doit maintenant se poursuivre avec sa signature et la mise en œuvre des actons. Nous avons eu hier une réunion avec le secrétaire général de la préfecture, le Conseil régional et le Conseil général. Il a été décidé de metre en œuvre ce processus maintenant et d’aller vers une signature de la charte d’ici la fn de l’année. Nous sommes dans un processus actf, et pour moi c’est heureux. Quand on organise un colloque, on se demande souvent quelle est l’étape suivante. Dans notre cas, je peux dire que nous sommes dans un processus qui se déroule. Notre séminaire est organisé sous l’égide de la Région, de la Chambre d’Agriculture, de l’ARS, de Mutadis et de Sol et Civilisaton. Il s’inttule « les modes de producton agricoles traditonnels en Martnique, levier de développement durable ». Je voulais introduire l’idée que nous sommes sur une réalité dont les contours sont relatvement fous. Est-ce qu’il s’agit simplement d’une problématque de producton ? Cete queston de l’agriculture traditonnelle est sorte du travail d’audit qui a été réalisé. Mais, je dirai que plus mes collègues et moi-même travaillons avec vous, plus nous constatons que c’est une problématque extrêmement profonde qui touche à l’identté martniquaise. Qu’est-ce que fnalement que cete agriculture qu’on appelle traditonnelle ou créole ? Je me suis permis, en introducton de notre séminaire, de vous proposer un pett texte qui a été écrit par Édouard GLISSANT, écrivain et philosophe originaire de la Martnique, plus précisément de la région de Sainte-Marie dont est originaire Fred LORDINOT, qui a pris la parole avant que Monsieur José MAURICE ne nous rejoigne. Je me permets de vous le lire, ça donne une pette idée de ce qu'est ce jardin créole. (...) Arrivés de l’autre côté de l’Atlantque , les esclaves, ils avaient des petts jardins secrets, clandestns, parce qu’évidemment ils étaient afamés (…) et par conséquent la nuit, quand ils avaient fni de travailler, ils allaient cultver ce qu’on appelle « jardin créole », c’est-à-dire un endroit connu d’eux seulement pour qu’on ne leur vole pas leur produits, et l’une des caractéristques de ces jardins créoles que nous avons perdu de vue, c’est que, dans un espace absolument réduit, ils cultvaient des dizaines d’arbres et d’essences diférentes et faisaient tout-ça dans un ordre tel que les plantes se protégeaient mutuellement, c’était le principe du jardin créole, et c’est le principe du rhizome, c’est pas le principe de l’arbre généalogique, c’est le principe de la distributon et nous avons perdu ça 11
  • 12. malheureusement nous avons perdu cete science et ce savoir que les esclaves avaient et c’est ce jardin créole qui leur a permis de subsister » (...) C’est un texte qui est intéressant, dans la mesure où il nous donne les racines de cete queston qui nous réunit aujourd’hui et montre bien qu’elle fait sens de multples manières. Je vous propose quelques questons auxquelles nous essaierons de répondre ensemble durant notre séminaire: - Première queston: comment allons-nous nommer cete agriculture? Dans notre audit, nous avons parlé, parce que ce sont les personnes rencontrées qui nous en ont parlé ainsi, « d’agriculture pays ». Dans le cadre de l'organisaton de ce séminaire, nous avons choisi de l'inttuler « agricultures traditonnelles », parce que nous nous sommes dit qu'il fallait que le ttre de ce séminaire puisse faire sens plus largement, par rapport à des problématques de transiton agricole que nous pouvons vivre en Europe, en métropole, etc. Nous pouvons aussi nous demander s'il faut l’appeler « agriculture créole » en lien avec le concept de créolité et d’hybridaton ? - Deuxième queston et paradoxe d’une certaine manière: De quoi s’agit-il ? Nous pouvons témoigner, dans les multples contacts que nous avons eu, et encore très récemment en Guadeloupe que lorsqu'on discute avec un martniquais ou avec un guadeloupéen, très souvent à un moment de la conversaton, il va évoquer le «jardin créole» de leur enfance, de leur grand- père… Par exemple, des personnes présentes dans ce séminaire évoquaient encore récemment de la même manière dans des discussions que nous avons pu avoir, leur jardin créole, qui existait dans leur histoire. Certains parlent de ces jardins où les enfants pouvaient se déplacer et se nourrir, qui étaient sans frontères d’ailleurs. Alors de quoi s’agit-il ? S’agit-il d’un pays perdu, de quelque chose qui est passée? Faut-il, comme nous le faisions hier lors d’une réunion, en parler comme d'une nostalgie (nostalgie, c’est le mal du pays) ? Est-ce donc associé à un mal du pays, quelque chose au fond qui appartent au passé, ou au contraire est-ce qu’il s’agit d’une expérience unique d’hybridaton, de socio-biodiversité ? Ces dernières années, on s’est beaucoup intéressé à la noton de bien commun. Des chercheurs ont commencé à regarder comment, autour de la geston de ressources naturelles, de ressources limitées ou de ressources fragiles des zones halieutques, des bassins d’approvisionnement, de la geston de l’eau, etc., se sont consttuées des formes de prise en charge en bien commun par les acteurs. Et du coup on s’est mis à regarder des choses qui ont peu ou prou disparues, qui parfois subsistent, pas dans l'optque de faire un conservatoire ou un musée, mais dans l’idée de se dire que nous avons peut-être là des choses extrêmement rares qui peuvent être difusées et dont nous pouvons nous inspirer. Un peu comme aujourd’hui lorsqu'on va chercher dans la phytodécontaminaton, c’est-à-dire que lorsque l’on n’arrive pas à décontaminer, on va regarder comment fait la nature. J’ai pu assister encore récemment à une présentaton au collège de France à Paris, qui a montré que l’on s’appuie sur les processus naturels pour essayer d’amener cete phytodécontaminaton. Il existe aujourd'hui de nombreux processus industriels qui sont porteurs d’efets et d’externalités assez fortes sur l’environnement mais l'on se rend compte qu’en recopiant les processus naturels, on peut faire des choses tout à fait innovantes. C’est le même regard qu'il faut porter sur cete socio-biodiversité du jardin créole. Qu’avons-nous dans cete Martnique d’intéressant ? Est-ce quelque chose qui concerne le passé, ou bien au contraire l’avenir ? - Derrière, nous avons à nous poser une troisième série de questons, plus basiques concernant la réalité agronomique, économique, sociale et culturelle de cete agriculture. Combien de personnes sont concernées aujourd’hui ? Quelles sont les pratques qui existent? Quel est le lien entre ces savoirs d’usages et les savoirs scientfques ? Autrement dit, autour de ces techniques, 12
  • 13. qui se sont construites, qui ont été élaborées, existe-il un dialogue avec les scientfques ? Parvient-t-on à y trouver des éléments qui peuvent être à la pointe de la science, d’une certaine manière ? - Une quatrième queston touche aux potentalités pour l’avenir de ces modes de producton agricoles traditonnels. Ces agricultures traditonnelles consttuent-elles fnalement un lien entre passé, présent et avenir ? Si c’est le cas, nous avons gagné quelque chose de très important, nous avons un fl directeur, nous avons une ressource, nous avons peut être un facteur de confance pour l’avenir et de lien pour la société martniquaise. - Enfn, cinquième queston, nous devons nous interroger pour savoir si nous travaillons ici pour nous même, ou plus globalement pour la Caraïbe, l’Europe, le Monde. Voilà les quelques questons que je voulais vous proposer pour nourrir notre réfexion. Et avant que nous commencions le colloque, je vais laisser la parole à José MAURICE, qui a pu braver les pénuries d’essence et les encombrements et qui nous a rejoints. José MAURICE, Président de la Commission agriculture et élevage du Conseil Régional de Martnique : Bonjour à tous et à toutes et merci à Fred LORDINOT qui m’a remplacé et qui a représenté la Région. Je ferai très court, le discours d’introducton a été fait. Je voulais simplement mentonner que le thème d’aujourd’hui ne m’était pas étranger. J’ai grandi dans la campagne de Sainte Luce dans ma pette jeunesse et durant mon enfance. Les habitants du quarter étaient agriculteurs à temps partel ou à temps plein, mais pratquement tous ceux qui habitaient le quarter étaient des agriculteurs. Mes vacances scolaires, je les passais à faire des fosses d’ignames, des trous de dachine, des fosses de patates douces et parfois même des botes d’herbes pour les bovins, donc je me sens proche de ces thèmes-là. C’est vrai que l'argent de la compensaton était souvent utlisé pour aller au cinéma ou à la fête des quarters. Mais je n’ai pas été trop stressé, puisque je suis quand même devenu agriculteur, peut-être pas traditonnel puisque c’est vrai, les choses ont évolué, mais en tous les cas, c’est une pratque que l’on connaissait beaucoup dans nos quarters à l’époque. Tout cela pour dire que c’est un thème qui nous tent à cœur. Mais ce sont aussi des méthodes de culture. Les questons que vous avez posées sont de bonnes questons, puisque l’agriculture a un certain nombre de missions: satsfaire la populaton de consommateurs, préserver l’environnement, répondre aux demandes de l’agro-transformaton (et pour pouvoir transformer, une agriculture de masse a un rôle à jouer). L’agriculture a de multples fonctons et dans toutes ces fonctons, la parte traditonnelle doit pouvoir trouver sa place. Est-ce qu’il faut aller uniquement vers l’agriculture traditonnelle ? C’est une queston à se poser, en tous les cas, elle doit faire parte de tout un ensemble qui doit trouver son équilibre, entre l’agriculture bio, la biodynamie, l'agriculture intensive, semi-intensive, durable ou raisonnée. Aujourd’hui il y a pas mal de questonnements sur les systèmes de producton, mais en tous les cas l’agriculture traditonnelle doit trouver sa place. Au niveau de la Région, nous l’avons très bien compris. Nous sommes dans une phase où nous metons en place le plan de développement agricole martniquais avec une large concertaton de l’ensemble des producteurs agricoles tous secteurs confondus, aussi bien la diversifcaton animale, végétale, que les grandes cultures comme l’incarne et la banane. Et l'on associe également les cultures de niche comme les plantes médicinales, aromatques, le cacao et le café, puisqu’aujourd’hui, l’ensemble de ces productons sont citées et ofrent un certain nombre de perspectves. Il existe un certain nombre de niches pour un certain nombre de cultures. Tout cela, ce 13
  • 14. sont nos travaux d’accompagnement. La Région est prête à accompagner ces diverses formes d’agricultures sans sectarisme. Je ne vais pas dire aujourd’hui qu’il faut accompagner le bio sans accompagner la banane ou la canne. L’idée pour nous, c'est de développer l’ensemble de la producton martniquaise avec un objectf: pouvoir couvrir nos besoins. Notamment, par rapport à tout ce que l’on peut produire actuellement en Martnique, cela nous fait beaucoup de peine d’importer des containers d’ignames, d’ananas ou d’oranges du Costa Rica ou d'autres produits du même type. L’idée, c’est de produire au maximum sur notre territoire tout ce que nous somme en capacité de produire, sans écarter les possibilités d’exportaton. Pour cela, vous avez une Région Martnique, avec des élus et un Président, tout à fait au fait de cete actualité, prêts à aider, à soutenir, dans la concertaton, l’idée étant d’arriver à avoir des flières de producton qui répondent aux besoins que je viens de citer. Voilà le message que je voulais faire passer au nom de la Région Martnique concernant notre orientaton régionale, qui s’appuie sur des fnances publiques, le PRDM et le POSEI, et là où il n’y a pas de couverture à travers ces fnances publiques, nous étudions les possibilités de fnancements. Merci de m’avoir écouté. 14
  • 15. Session 1 : Quelles réalités des formes d’agricultures traditonnelles en Martnique ? Quelles sont les contraintes et les opportunités identfées pour leur développement ? Première parte : État des lieux des agricultures traditonnelles en Martnique aujourd’hui Stéphane BAUDÉ, Mutadis Nous allons ouvrir cete première session consacrée à l'examen précis de la réalité qui existe derrière ce terme d’agricultures traditonnelles. Quelles sont ses réalités, économiques, sociales, mais aussi quelles sont ses pratques, ses techniques, qu’est-ce que cela veut dire en termes agronomiques, etc. ? Monsieur Éric ROUX du service statstque de la DAAF commencera par présenter la vision d'ensemble qu’il peut donner de cete agriculture à travers les chifres qui sont collectés par la DAAF. Puis, nous aborderons cete queston sous l'angle du vécu des acteurs de terrain, avec une table ronde d’agriculteurs, présidée par Madame JOACHIM de la Chambre d'Agriculture et durant laquelle diférents agriculteurs pourront témoigner de leurs expériences, des enjeux, des obstacles et des opportunités qu’ils perçoivent dans leurs pratques quotdiennes de cete agriculture traditonnelle. Des acteurs du réseau d’innovaton et de transfert agricole (RITA), Monsieur OZIER-LAFONTAINE, président du centre INRA Antlles-Guyane et Madame CLOSTRE, chercheure au CIRAD Antlles- Guyane nous exposeront ensuite respectvement les potentalités de l’agriculture traditonnelle puis les résultats obtenus par le CIRAD sur les pratques culturales adaptées aux milieux pollués par la chlordécone. Enfn, nous terminerons cete session par deux autres présentatons issues du RITA, une présentaton sur la jachère traditonnelle chez les maraichers par Paula FERNANDES chercheure au CIRAD et une présentaton de Marie CHAVE, chercheure à l’INRA Antlles-Guyane sur la valorisaton de la biodiversité. A la suite de ces présentatons, nous aurons alors un temps d'échanges, de questons/réponses et de débat, avant de partr vers les visites d’exploitaton. Réalités et enjeux économiques de la pette agriculture en Martnique Eric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les représentants professionnels et des associatons, Mesdames et Messieurs, bonjour, Éric Roux, de la DAAF, je suis en charge du service statstque de la DAAF. Mon exposé va se concentrer uniquement sur ce qu’on pourrait qualifer de « pette agriculture » (voir présentaton PowerPoint ci-dessous). 15
  • 16. la petite agriculture en Martinique 5 juin 2014 16
  • 17. 17
  • 18. Aidés = 705 Non aidés = 1384 Sur les 3 307 exploitations recensées en 2010, 2089 ont un pbs<=25 000 € Assujettis = 187 Assujettisables = 465 Non Assujettisables = 732 Non assujettis Groupe 1 = 1357 Groupe 2 =732 Significativement différent Non significativement différent 18
  • 19. Les très petits exploitants ne peuvent pas tous prétendre à une couverture sociale agricole Globalement, une proportion plus importante de non assujettis au delà de 55 ans 19
  • 20. Les petits exploitants ont en majorité une autre activité 20
  • 21. Débat José MAURICE, Président de la Commission agriculture et élevage du Conseil Régional de Martnique : Par rapport au graphique de la présentaton concernant les situatons de la pette et moyenne agriculture, que signife le chifre « zéro € »? Est-ce dû au fait que les agriculteurs vendent directement sur le marché et qu'ils n'ont dans ce cas pas de comptabilité ni de suivi, ou est-ce vraiment un revenu de zéro euro? Cela m’étonne qu’un agriculteur ait zéro euro de revenu. Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF: Le « zéro €» est exprimé en termes de Produit Brut Standard (PBS). Il ne s'agit pas d'une comptabilité d’exploitaton, mais d'une noton de comptabilité publique. Et c’est là toute son importance et sa subtlité. Tous les ans dans chaque région, nous bâtssons les comptes de l’agriculture ainsi que la statstque agricole annuelle à partr d'un certain nombre de données collectées par des enquêtes que nous réalisons, qui enregistrent les grands fux de marchandises et ne regardent pas les fux des exploitatons. Les soldes de ces comptes, réparts par unité de surfaces culturales et par unité de producton animale, donnent le PBS. Ce PBS exprime donc en fait des coefcients en euros, et non des valeurs monétaires. Ces données qui peuvent s'assimiler à des valeurs monétaires peuvent troubler le débat par rapport à ce que l'on publiait auparavant. Aussi, quand cete statstque indique zéro €, cela signife en fait que la surface agricole qu’il a déclarée est très faible. Tout l’enjeu aujourd’hui de la statstque publique en Martnique est d’améliorer au niveau européen et français ces coefcients, qui vont être appelés à évoluer au cours du temps, puisque l'évaluaton des comptes s'améliore avec la mise en place du réseau d’informaton comptable des exploitatons. Ces données contribuent également à bâtr le PIB. Harry OZIER-LAFONTAINE, Président de l'INRA Antlles-Guyane: Une queston concernant la défniton de « l’agriculture traditonnelle ». On voit bien que c’est un concept multforme qu'on a du mal à centrer, et j’ai été étonné de constater que la composante « agriculture familiale » n'était pas associée à ce concept. A moins que la situaton ait évolué très rapidement sur les vingt dernières années, j’ai l’impression que c’est une composante qui est assez présente dans le paysage. Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF: Au niveau de la diapositve sur laquelle j’ai exposé trois termes recoupant la pette agriculture, concernant l’agriculture familiale, une publicaton a été réalisée par le réseau rural européen pour essayer de défnir cete dernière au niveau européen. La dimension de l’agriculture traditonnelle dans l’agriculture familiale n’a pas été retenue. Ce que l’on retent, c’est la noton de chef d’exploitaton, c'est-à-dire une unique personne dans le foyer qui concentre les revenus et qui les redistribue éventuellement, mais pas sous forme de salaire. Ce que l'on met en avant, c'est la valeur patrimoniale de cete pratque, c'est-à-dire que l’agriculture familiale se caractérise par un chef de famille, une solidarité entre les membres de cete dernière dans le travail et en terme de revenu. Les revenus sont concentrés sur une seule personne qui efectue le partage entre les besoins de la famille et ceux de l’exploitaton. C’est cete seule personne qui décide. Je ne vais pas m'étendre sur le code civil, mais nous retrouvons aussi dans ce dernier les mêmes notons autour de la famille. Au niveau européen, lors des journées relatves à l‘agriculture familiale, l'importance du travail en commun a été partculièrement souligné pour déterminer le caractère familial d'une exploitaton. Par conséquent, ces notons d'agriculture familiale ont besoin d'être précisées avant d'être utlisées 21
  • 22. au niveau de la Martnique, la défniton d’agriculture familiale européenne étant, semble-t-il, bien trop restrictve. Bien souvent, le chef ne concentre pas tous les revenus mais en revanche, quelqu’un fournit les produits alimentaires à la famille tandis que les autres membres peuvent percevoir des revenus provenant d'autres actvités et c'est en fait l’argent de la famille qui va faire vivre l’agriculture. Donc, les fux fnanciers sont bien plus complexes dans notre cas. Je pense que mes collègues de la recherche pourront fournir de plus amples détails sur ce sujet-là. Paula FERNANDES, Chercheure au CIRAD : Les agriculteurs qui sont non aidés ou hors système sont, pour l’essentel, apparemment ceux qui ont le produit brut standard le plus faible, soit les plus petts d'entre eux, c’est bien ça ? Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF : Si l'on s'intéresse de plus près au cas des agriculteurs non aidés, force est de constater qu'il existe des gens assujets qui ne veulent pas entrer dans une démarche d’aide. Par ailleurs, les petts agriculteurs qui sont non aidés et non assujets ont un produit brut standard très faible, en-deçà des quinze mille euros et ne peuvent pas passer le seuil d’afliaton à la sécurité sociale. Paula FERNANDES, Chercheure au CIRAD : Quelle est la destnaton de la producton de ces plus petts agriculteurs qui disposent des produits bruts les plus faibles et qui a priori ne rentrent pas dans le cadre? Leur producton est-elle essentellement destnée à l’autoconsommaton, reste-t-elle dans le réseau familial ou rentre-t-elle dans le cadre de l’agriculture marchande, leurs produits allant alimenter la distributon ? Par ailleurs, chez ces petts agriculteurs, rencontre-t-on une grande diversité d’espèces sur des pettes surfaces, se rapproche-t-on de jardins de type créole, mult-spécifques, ou est-on plutôt sur des pratques mono-spécifques ? Pour résumer, existe-t-il une corrélaton entre la taille, la destnaton des produits et la diversité des espèces au niveau des jardins ? Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF : Nous n’avons pas conduit d’enquêtes statstques publiques sur ce sujet mais il y a quelques années, en 2009, nous avons réalisé une étude concernant l’endetement des agriculteurs. Le sujet faisait part des revendicatons consécutves aux événements sociaux. Il nous avait été reproché de ne pas s’occuper des agriculteurs en difculté, alors que dans le même temps, des crédits d'agriculteurs en difculté n'étaient pas mobilisés. L'étude a montré que les agriculteurs ne sont pas endetés ou surendetés comme on a pu l'entendre. Il n'empêche qu'ils peuvent l'être au niveau de la famille mais pas au ttre de leur actvité. Le problème est plutôt qu’ils ne peuvent pas s’endeter. Ils ne sont pas ou peu bancarisés. On a ainsi pu constater que ces personnes ne peuvent pas ou peu acheter d’intrants. De fait, ces personnes sont donc contraintes de réaliser une agriculture économe en intrants et ils ne sont pas très loin d’une agriculture biologique. Ce type d’agriculteur dégage un chifre d'afaire compris entre dix mille et douze mille euros par an. Ils cultvent des produits qu'ils amènent sur les marchés de ville, généralement Fort de France ou quelques marchés communaux. Des revendeurs ou d'autres personnes vont également acheter leur producton. Le réseau de distributon est assez large. Cete multplicité du réseau contribue à irriguer le territoire en fruits et légumes frais. Nos enquêtes confrment que généralement, les fruits se retrouvent très peu sur les marchés mais sont vendus en direct, dans les environs de l’exploitaton, la demande étant importante. Les légumes par contre voyagent un peu plus et en partculier les racines. On ne peut pas répondre simplement à cete queston, car chaque produit a des modes de commercialisaton très variables en foncton de la saisonnalité et des volumes à écouler. 22
  • 23. Henry OLLAGNON, Professeur à AgroParisTech : Dans ce que vous exprimez ici, l'on constate un efet d’outl de constructon. Quand on fait de la comptabilité publique, on le fait parce que l'on poursuit un objectf de conduite de la politque agricole au niveau natonal et que l'on a un cadre général. Dans les cas mentonnés ici, nous nous trouvons à la marge de ce cadre. Or ce qui est à la marge du cadre de la politque agricole est très difcile à saisir mais peut l'être en revanche par le biais de conventons qui vont permetre de se retrouver dans d’autres circonstances, et de trouver un objet qui sera un objet central d’observaton. Je prends un exemple. Actuellement, dans un certain nombre de villes autour de Paris et autour de quelques grandes villes en France, s'est monté un certain nombre d’opératons de jardins familiaux. Ce sont des jardins achetés par des associatons et qui sont parttonnés en pettes parcelles. Ils sont très bien suivis et aujourd’hui, on le sait, le développement de ces jardins familiaux suscite des discussions politques et ces jardins sont connus alors qu'ils sont cultvés par des gens qui opèrent sur des parcelles bien plus pettes que celles que vous avez mentonnées. Donc, cela illustre bien que la relaton entre un homme et sa parcelle peut être complètement visible dans un certain cadre de politque et non visible dans un autre cadre. Or, il se trouve qu’ici aujourd’hui en Martnique, tout le monde n’a pas forcément intérêt à rendre visible cete queston dont j’ai bien compris les enjeux que vous avez exprimés. Cela coûte très cher de visualiser. Jusqu'à présent, il existait une sorte d’accord pour dire que le système fonctonnait, comme si nul n’avait intérêt à aller observer ce genre de chose. Aujourd'hui, pour un certain nombre de raisons, il est important de mieux comprendre cete queston qui est à la marge de l’agriculture mais qui est au cœur de la société. Il faut le faire avec des pincetes et ce n’est pas simple. Il est également important de savoir si elle relève du champ de l’agriculture et de la DAAF ou du champ de l’ARS. La réponse semble relever du champ de l’agriculture. Est-il possible en Martnique de monter un atelier de réfexion sur cete queston, qui permete d’avancer pour rendre visible de façon légitme et pertnente quelque chose qui, jusqu'à présent, n’a pas de visibilité ? Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF : Le concept des politques agricoles communes que vous soulevez est intéressant mais l'on ne va pas rentrer dans le détail de l’évoluton de ces politques, leurs succès et leurs échecs. Ce que nous constatons sur le territoire de la Martnique, on peut le constater également en Europe mais aussi sur les îles voisines. A sainte Lucie, il est plus facile de manger de la carote qui vient de Hollande que de la carote qui est produite localement. Autrement dit, nous ne sommes pas plus mauvais que les autres, nous avons encore une agriculture. La politque agricole qui a été menée sur le territoire a permis tout de même de conserver une producton que les îles voisines n’ont quasiment plus. Arrêtons donc de nous fageller et de nous faire mal. On peut également constater que l’agriculture n’est pas une, mais diverses et multples. L'agriculture moderne, conventonnelle est souvent perçue comme un rouleau compresseur qui réduit la biodiversité et crée des paysages agricoles uniformes. Nous avons pu observer que ce type d'agriculture a des efets délétères sur l’environnement, sur l’eau et sur la santé humaine. C’est un constat général, que l'on peut faire également sur le monde des transports. Par exemple, aujourd'hui nous sommes tous venus en voiture et cela a des conséquences sur l’environnement. Toutes les actvités humaines ont des efets dont nous devons mesurer les impacts. Se focaliser sur un bouc émissaire est trop facile et ne résout rien, il est préférable de se placer dans une démarche de co-constructon, d'établir la problématque, de la comprendre, et d'y apporter des propositons d'acton. C’est la raison pour laquelle au niveau de la DAAF, nous nous sommes intéressés à ce qu’était la pette agriculture. Au regard de la déperditon du nombre des petts exploitants, il n'est pas possible 23
  • 24. de contnuer ainsi car cela impactera négatvement à terme les bases de fnancement de la Chambre d'Agriculture, les systèmes de distributon, l'organisaton des marchés de ville et les actvités des centres villes, l'actvité culturelle, les externalités sur les paysages et bien sûr les actvités touristques. Il existe donc une forte préoccupaton concernant la dispariton de cete agriculture : essayons d'en déterminer les causes. Nous avons comparé la Martnique et la Guadeloupe: les structures agraires ne sont pas les mêmes. En Guadeloupe, existe une agriculture familiale d’exploitatons moyennes. En Martnique, ce n'est pas le cas. Quelles en sont les raisons? Quelle est l'histoire de cete agriculture? Comment et par quel levier pouvons nous faire évoluer cete situaton? De manière globale, les pettes surfaces sont importantes en terme de producton, car elles possèdent de meilleurs potentels de producton. En Martnique, ce n’est pas le cas, parce que les évolutons sociétales et la modernisaton ont en général dégradé ce potentel ainsi que la fertlité des sols. Tous les relevés de productons sur ces parcelles sont inférieurs à dix tonnes par hectare de producton, soit un résultat très faible dans la mesure où leur potentel devrait être de cinquante tonnes par hectare. Nous avons encore trop souvent des trains d’outls inappropriés : tracteurs surpuissants, pelles mécaniques, herbicides totaux, qui conviennent cependant pour réduire la pénibilité du travail. Il faut avoir à l'esprit que ces agriculteurs qui ont en moyenne plus de cinquante ans, ont de fait une force de travail qui se réduit avec l'âge. Il est donc plus facile pour eux de faire venir un tracteur ou une pelle mécanique pour creuser des fosses. Mais ces pratques ont des conséquences néfastes sur le rendement. La dimension technique n’a pas été prise en compte par les producteurs. Comme vous avez pu le citer, en métropole, ces petts jardins ont une dimension technique et ont des quanttés produites au mètre carré très fortes et acceptables par rapport à la quantté de travail mobilisée. En Martnique, la queston de la dimension économique se pose. Je voudrais insister sur cete dimension économique qui est à l'heure actuelle trop faible pour assurer le pérennité de l'actvité, puisqu'elle représente moins d'un euro de chifre d'afaire par mètre carré d'unité culturale et par an. Marie-Jeanne TOULON, Associaton pour la Sauvegarde du Patrimoine Martniquais : Ma queston va un peu dans le sens de ce que vient d'évoquer Henry OLLAGNON et concerne les fameux non assujets. Je pense qu’il est très important d’avoir un esprit d’ouverture et de ne pas rester dans des cadres bien fgés. Nous sommes sur une île avec une histoire et il faut s’intéresser aux raisons pour lesquelles ces agriculteurs veulent rester en dehors du système. Je pense qu’il faut s’interroger sur les manières dont les choses peuvent évoluer parce qu'elles ne sont pas immuables et essayer de voir si ce que ces agriculteurs disent a du poids, du sens. Je pense que la comparaison de la situaton en Martnique avec l'exemple qu'évoquait Monsieur OLLAGNON à propos de l’évoluton autour des grandes villes et du développement d' exploitatons périurbaines très pettes mais qui amènent vraiment quelque chose au niveau économique, social et environnemental, est très intéressante. Ces personnes-là sont souvent dans une dimension très respectueuse de l’environnement et l’objectf n’est donc pas de regarder seulement la queston du rendement économique et du rendement à l’hectare, mais de s'intéresser également à la qualité de vie et de producton. Je le répète, il ne faut pas rester fermé dans des postures et dans des cadres, mais il faut vraiment s’ouvrir au mouvement et à la réalité des choses. Éric ROUX, Chef du service des statstques agricoles à la DAAF : Je vais apporter une informaton complémentaire. Madame, ce que vous dites s'inscrit tout a fait dans la démarche européenne autour de ces questons. L’Europe a pris en compte dans sa politque globale cete dimension de l’agriculture et de la producton alimentaire: le questonnement va 24
  • 25. dépasser l’agriculture, on va parler de producton alimentaire. J’aime bien ce terme-là qui permet de recouvrir l'ensemble des réalités concernées. Dans le prochain programme de développement rural de la Martnique, que nous établissons en co-constructon avec le Conseil Régional, un groupe de travail se penche sur cete dimension de pette agriculture. Les questons sont notamment: que faire pour les personnes qui ne sont pas agriculteurs au sens juridique du code rural? Comment les amener à devenir exploitants agricoles et leur donner une dimension économique viable? Vous voyez que les services administratfs ont pris en compte cete dimension-là, ce sont les travaux présentés aujourd'hui qui ont servi de bases pour proposer une mesure répondant à ces politques publiques. Nous en avons conscience, nous y travaillons mais ce n’est pas simple. J'ajouterai enfn que le Power Point difusé aujourd’hui est disponible sur le site de la DAAF. L’expérience des agriculteurs - Table ronde, présidée par Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique : L’idée de cete table ronde est de faire s’exprimer de petts agriculteurs, qui pratquent une agriculture selon les codes « des anciens », bien évidemment en y apportant leurs apports personnels, c’est-à-dire leur capacité d’innover. Comment les agriculteurs peuvent-ils s’adapter au contexte actuel, évoluer, sans oublier certains principes de base ? La problématque est la suivante : face à des contraintes économiques, environnementales (pollutons aux pestcides et à la chlordécone), comment chacun à sa manière résiste? Autrement dit, quelle est la capacité de résilience des pettes agricultures? Ces agriculteurs vont ainsi nous faire part de la façon dont ils font face aux contraintes qu’ils ou elles identfent. Témoignage de Nelly LESSORT, Agricultrice : Je suis agricultrice du Morne Rouge. J’exploite quatre hectares, dont certains ateints par le chlordécone. En 2004, j’ai appris que mon sol était pollué. Malheureusement en tant que jeune agricultrice qui voulait s’installer sur cete zone, j’ai dû abandonner certaines perspectves, c’est-à- dire notamment l'élevage, etc. La liste était longue. J’ai alors eu un regard sur mon exploitaton, sur ce qu’il y avait de très important (la forêt, la verdure, etc.) et qui n'était pas sur les partes ateintes. Je me suis dit qu'il ne fallait pas délaisser ces quatre hectares. Je me suis dit que je devais me metre dans la tête d'arriver sur ce sol-là avec des idées à moi. J'avais reçu une formaton pendant cinq ans, j'avais la théorie dans la tête, mais à ce moment-là, j'étais confrontée à la pratque. J’ai demandé des conseils, mais il a fallu concevoir et développer par moi-même. Chemin faisant, j'ai réalisé des pettes expériences sur un premier substrat puis sur un second, j'ai développé des productons avec ce que l’on appelle la culture traditonnelle et la méthode de travail de l’apport de fumier et de produits décomposés. J'ai travaillé progressivement, avec un plant, deux plants, sur un mètre carré, puis deux mètres carrés. J’ai vu ma producton croître mais sans utliser de pestcides (puisque ce sol-là était déjà pollué). J’ai contnué ainsi, je me suis installée en tant que Jeune Agricultrice et j’ai fait mes investssements. Toujours est-il que je reste dans ce contexte où je dois manger avant et proposer ma producton après. Je reste moi-même un « spécimen » qui aime bien cuisiner comme toute femme, qui aime bien consommer ce qui vient de son terroir. Si j’innove en matère de « recetes », c’est que je reste confante envers mon pays, mon substrat, mon terroir, celui qu’on a voulu condamner, celui qu’on a voulu me retrer. Je me suis dit « non, ma Martnique elle n’est pas polluée, elle sera dépolluée tôt ou tard, et pour mon sol, il y a des alternatves auxquelles je dois m'accrocher». Je pense que j’ai été assez claire. Témoignage de Véronique MONTJEAN, Agricultrice 25
  • 26. Je me présente, je suis également agricultrice sur le Morne Rouge. Depuis longtemps, j’ai toujours œuvré dans ce système d’agriculture dont nous parlons aujourd'hui. Maintenant l'on cherche une terminologie pour la décrire: « agriculture traditonnelle », mais cete terminologie me parait se situer dans une logique trop sectorisée. Moi je dis que l’on est agriculteur avant tout; je suis agricultrice, et j’ai toujours œuvré dans des groupes. Nous n’avons pas encore beaucoup souligné l’aspect social de l’agriculteur ! L’agriculteur apparaît souvent individuel, mais ça n’est pas toujours le cas. Il existe une concepton de l’agriculture avec des liens et de l'entraide entre les personnes. Cela n’apparait pas dans les aspects économiques, mais c’est un des fondements mêmes de la subsistance de cete pette agriculture. Elle est pette dans le terme, mais sur le terrain, elle prend une autre dimension. J’ai évolué dans des groupes avec d'autres agriculteurs et notre travail commun nous a permis de poser des problèmes qui sont encore posés aujourd'hui : il faut produire pour le pays et pour produire il faut avoir du foncier, etc. Depuis toujours, je me suis inscrite dans le combat du foncier, ce qui n’est pas sans sacrifce. Et produire quoi ? Nous avons toujours milité pour une agriculture que l’on consomme d’abord. On a été très souvent incompris, mais aujourd'hui, tous ces thèmes-là sont repris, il était temps. Je suis dans le domaine du vivrier, mais nous avons toujours pratqué des cultures mélangées. Dans les dachines, dans les inter-rangs, nous plantons selon la saison, des concombres, des courgetes, des cultures à cycle court. Le but de ce système est d’avoir de la trésorerie qui permete de contnuer les cultures à cycle long. Un autre aspect important de ces pratques est l’apport de matère organique et de fertlisants: ce qui aura été apporté pour les cultures à cycle court sera ainsi bénéfque pour les cultures à cycle long. Un autre élément de ce système est qu'il permet également de réduire l’enherbement, cete première culture sera éliminée par débroussailleuse et retournera au sol pour les cultures en cycle long. Mais tout ce système a ses exigences. Il faut connaitre la croissance des plantes ainsi que la rapidité de cete croissance. Il suft d’une semaine ou deux d’écarts et le système est foutu en l’air. Je crois que beaucoup ont échoué par rapport à ces méconnaissances. Ce sont des systèmes qui nécessitent beaucoup d’observatons et de contacts avec les aînés, car tout n’est pas verbalisé. Je ne peux pas toujours transmetre mes connaissances et mes pratques. Par exemple, si je vais au Robert, je suis nulle ! Dans un autre secteur de l’ile, je ne peux pas prétendre dire à un agriculteur comment il doit s'y prendre! Mes connaissances se limitent à un domaine géographique et je ne peux transmetre que dans ma zone. Et encore, cela dépend du versant. C’est pour cela que cete pette agriculture est très complexe. Je le répète, elle repose sur énormément d’observatons, de contacts de terrain, de proximité qui permetent de faire passer beaucoup de choses mais qui ne sont pas verbalisées. C’est pour cela que cete pette agriculture ne va résister et persister que si des agriculteurs viennent la pratquer sur place, là où vivent les personnes qui la pratquent. Autrement dit, elle ne s’exporte pas ! Chez moi, à 7 km de distance, les climats sont complémentent diférents et ce sont donc des réalités et des pratques diférentes. Je voulais également évoquer le fait que la problématque chlordécone nous a beaucoup afectés. Personnellement, je cultve des terres sans chlordécone, mais dans le GIE « providence » au Morne Rouge dont les terres sont occupées depuis 1983, nous avons malheureusement eu à vivre cete problématque chlordécone, ce qui a été très traumatsant pour nous. Dans les années 90, nous avons découvert cete réalité et la première difculté pour l’agriculteur est de s'interroger sur ce qu’est cete histoire de chlordécone, ce poison que l’on ne voit pas, et dont on ne meurt pas tout de suite. On nous parle de molécule, mais qu’est-ce que c’est que cete histoire? Ça n’est pas matérialisé. Ensuite, on nous a fait faire des analyses de sols. On se demande alors c e que les analystes cherchent dans la terre. Nous on voit la terre, on voit qu’elle est bien, que les plantes poussent bien. Que viennent-ils encore chercher ? Après la réalisaton des analyses, la lecture des résultats présentant des quanttés de ci et de ça est partculièrement complexe. Il faut s'interroger 26
  • 27. pour savoir si on est en dessous, sur comment descendre plus bas, etc. C’est très difcile à vivre sur le terrain. Mais la queston qui a été la plus douloureuse à vivre, c’est la sancton et l’État qui nous menace: « Atenton, on va vous punir, on va vous punir! Si vous ne respectez pas les microgrammes, vous êtes des empoisonneurs, on va vous punir ! ». Mais en tant qu'agriculteur, on se dit que ce n’est pas nous qui avons mis le poison ! Pourquoi alors nous punir? Les agriculteurs dont les terres présentaient des traces de chlordécone ont eu à vivre l'expérience difcile de la mise sous scellés de leurs exploitatons! Vous imaginez ce que cela représente pour un agriculteur de s'entendre dire que son exploitaton a été mise sous scellés. Il se demande alors «mais qu’est-ce que c’est que ça encore ? » Et quand on lui répond qu'il doit détruire toute sa producton, parfois plus de trente tonnes de produits, qu'il ne va pas récolter son champ, l’agriculteur est en panique. Surtout qu'ensuite, lorsque une contre-expertse est réalisée, les laboratoires ne s'accordent pas entre eux sur une moyenne pour légaliser ou non la producton. Un laboratoire afrme que c’est bon, alors qu'un autre indique le contraire! Comment l'agriculteur peut-il s'y retrouver? Aujourd'hui, l’accompagnement des agriculteurs est poursuivi, fort heureusement pour eux car ils constatent que le travail se poursuit derrière ces premières mesures. Dans cete problématque, l’État a évalué et estmé les quanttés de terres polluées. Mais pour les agriculteurs, heureusement que ce plan a contnué pour prendre en compte la dimension sociale du problème, parce qu’il y avait auparavant quelque chose d’inachevé dans le traitement de cete problématque chlordécone. Reste à évoquer comment les agriculteurs s’adaptent par rapport à cela. Chaque fois, nous efectuons des analyses et nous ne trouvons pas de résidus. Pourtant, nous sommes sur une terre qui a eu des traces de chlordécone et puisque nous livrons notre producton à une coopératve, nous avons l'obligaton chaque fois de faire des analyses et des contrôles de résidus. Ces analyses sont payantes et vous imaginez aisément la problématque. L’agriculteur, qu'il cultve un hectare ou mille mètres carrés de terre, est dans l'obligaton de réaliser systématquement pour deux cent cinquante euros d’analyse chaque fois qu’il livre sa producton. Le bébé est ainsi resté sur le dos des agriculteurs qui veulent produire sur des terres afectées par la chlordécone. Voilà mon témoignage et l’état des lieux que je fais de la problématque chlordécone. Témoignage d’Alex LABONNE, Agriculteur : Je suis exploitant agricole à Saint Joseph sur quatre hectares, en agriculture maraichère vivrière. A sept ans, mes parents m’ont appris à tenir une fourche et cela a toujours été ma profession depuis. J'ai acquis mes terres en 2004, juste au moment où la problématque chlordécone est remontée et est tombé sur tous les exploitants comme un coup de massue sur la tête. La problématque était dans les terres martniquaises et personne ne savait à quels saints se vouer. Avec l'aide de la Chambre d’Agriculture, il a fallu déterminer si nos terres étaient ou non contaminées, instaurer le principe de précauton pour protéger nos consommateurs et analyser les terres. Par la suite, il a fallu faire face à la problématque chlordécone, trouver des méthodes, des pratques et des innovatons, qui nous permetent d’avancer, chercher une liste de productons possibles sur ces terres et se concerter avec diférentes insttutons agricoles. Une fois ces questons abordées, nous sommes entrés dans le vif du sujet : trouver une manière de produire. Sur mes quatre hectares de terres, presque toutes étaient chlordéconées. J’ai donc dû vérifer la liste des ilots préservés dont je disposais, voir lesquels étaient les moins pollués, et établir une stratégie. Si un doute subsistait, l’État nous permetait de planter certains produits, à conditon de les faire analyser avant toute consommaton et commercialisaton. J’ai commencé par certains tubercules que j’ai fait analyser. J’ai constaté des taux de contaminaton à l’état de traces résiduelles, mais j’ai tout de même voulu planter autre chose. Cela m’était déconseillé car mes terres étaient chlordéconées et chaque tubercule ne réagit pas de la même manière. J’avais une vision: je ne voulais pas abandonner mes 27
  • 28. terres simplement parce que l’on m’avait dit quelles étaient chlordéconées. Je ne voulais pas les laisser en pâture à n’importe quoi. Je me suis dit qu’il fallait entrer dans le vif du sujet et j’ai donc tout de même produit et fait analyser ma producton (en rappelant ici que les analyses sont payantes). Et j’ai découvert qu’il ne subsistait plus aucune trace sur certains tubercules. Au fl du temps, j’ai demandé à la DAAFF s’il n’était pas possible de trouver un système pour que les agriculteurs ne fassent pas systématquement pratquer des analyses, puisque la contaminaton ne concernait pas toutes les productons ni toutes les terres que l’on dit polluées au point de ne pas faire de producton. Ou bien alors de prendre en charge des analyses pour que les producteurs n’aient pas à payer systématquement. Dans le même temps, des prélèvements et des analyses ont été réalisés sur mes terres avec un suivi par la DAAF, par l'intermédiaire de la SPV. Tous les résultats allaient dans le sens des analyses de départ et présentaient des traces résiduelles. Cependant, j'avais demandé entre-temps qu’on nous explique comment étaient réalisées les analyses des tubercules. On nous a alors expliqué que les échantllons étaient prélevés dans le champ et envoyés pratquement en l’état aux laboratoires efectuant les analyses. J’avais trouvé cete pratque un peu écœurante, car même aux animaux, on ne donne pas les tubercules avec la terre et les racines. Les agriculteurs avaient demandé que quelque chose soit fait par rapport à ça. On nous a répondu que désormais les tubercules sont gratés et lavés, avant d'être envoyés. Donc, il est possible que l'on trouve moins de résidus dans les tubercules. A ce moment, j’ai également estmé que cela ne pouvait pas répondre à tout. Il fallait aussi se pencher sur les pratques culturales. J’ai compris que pour le système cultural qu’il fallait metre en place, il fallait faire évoluer les pratques. J’ai cherché des produits du terroir qui étaient de plus en plus importés et qui disparaissaient. J’ai planté et j’ai fait des analyses. J’ai encore eu des résultats très satsfaisants, contrairement à ce que l'on pensait. Je n’ai pas eu à détruire des productons d’ignames, de patates, etc. Je n’ai pas eu à les détruire! Et en évoluant dans ce sens, je me suis rendu compte que les pratques culturales me permetaient d’avoir des produits autrement plus sains, malgré le chlordécone. Je me dis que c’est l’union qui fait la force. Il faut que chacun donne la main à l’autre, pour faire remonter notre agriculture, notre méthode de travail, pour aller dans un sens constructf. La Chambre d’Agriculture a mis à dispositon des stratégies. Cela nous aide à reprendre en main nos productons, nos produits du terroir. Il faut vraiment se dire que nous avons nos terres, et que c’est à partr d’elles que l’on doit se nourrir. Il faut trouver les conditons adéquates pour les valoriser, le plus sainement possible, les analyser, pour aller vers l’autosufsance alimentaire. Témoignage de Frantz FONROSE, Agriculteur : Je suis agriculteur, passionné d’agriculture. Je n’ai pas été dans des écoles d’agriculture, je viens du bâtment, des travaux publics, je suis spécialiste en revêtements. Mais au fond de moi, j’avais cete passion. « Chassez le naturel, il revient au galop ». A vingt ans, j’ai créé ma première entreprise dans le bâtment et j'ai travaillé dans ce domaine pendant dix-sept ans. Mais j'avais cet appel intérieur de la nature qui remontait en moi et auquel je n’ai pas résisté. J’ai tout laissé, j’ai fermé mon entreprise, pour courir l’aventure de l’agriculture. Mais je n’ai jamais voulu faire n’importe quoi, j’avais des idées bien précises, dignes d’un vieux rêve. J’étais peut être sur mon pett nuage, j’y suis peut-être encore d'ailleurs, mais je suis heureux de vivre de cete agriculture que je rêvais de metre en place. Par rapport au chlordécone, j’ai eu la chance, comparé à d’autres agriculteurs, d’acquérir un terrain qui était non cultvé depuis plus de cinquante ans, à l’abri donc de la chlordécone. Je me suis dit alors qu'il fallait que je m'inspire de ce que faisaient mes grands-parents. Reproduire un pett jardin créole derrière la maison, mais sur trois hectares! Un pari difcile, mais impossible n’est pas français, ni créole! Je me suis inscrit en tant que professionnel en 2000. La Chambre d’Agriculture m’a aiguillé vers certains secteurs, et j'ai ainsi commencé par cultver la goyave. Vous savez, quand on n’a pas fait 28
  • 29. d’études et que l’on est autodidacte, on s’appuie sur les conseils des techniciens, qui sont d'ailleurs en Martnique de très bons techniciens, et qui m’ont guidé dans un sens économique « qui rapporte ». Cela n’est pas mauvais en soi mais je ne souhaitais pas seulement que cela rapporte, je voulais « le pett jardin ». Je crois que la nature comprend ce que nous avons en tête car j’ai planté un hectare de goyave, mais en 2007 l’ouragan Dean m’a tout arraché. Il avait compris que cela n’était pas ce que je voulais faire. J'en plaisante aujourd'hui, mais le coût économique était très, très lourd et je me suis retrouvé sans revenus à l'époque. Entre temps, je m’étais spécialisé dans l’apiculture et je me suis donné les moyens de comprendre ce corps de méter qui n’est pas tout à fait compris de l’agriculture en général. J'afrme pourtant que c’est la base de l’agriculture. J’ai suivi des formatons en Corse notamment, en métropole aussi, à Cuba. Je me suis lancé dans l’apiculture et je me suis installé avec cent cinquante ruches. Et ce fameux jardin créole était encore dans ma tête, sur ces trois hectares. J’ai alors entendu parler d’agro-écologie, d’agrobiologie, etc., des mots que je ne connaissais pas. Il a donc fallu que je maîtrise tout ça. Je n’avais malheureusement pas le temps d’aller m’assoir sur un banc à l’école, parce que le travail sur mon exploitaton ne me le permetait pas. Mais le soir, je faisais le tour de la queston en autodidacte, en lisant des livres ou en me documentant sur Internet. J'assistais à chaque pette formaton proposée par la Chambre d'Agriculture ou autre, je grappillais chaque jour la connaissance pour maitriser cete agro-écologie, agroforesterie, agrobiologie, etc. J’ai ainsi pu metre en place ce grand jardin créole sur deux hectares et demi. Je me suis batu, beaucoup de gens ne m’ont pas compris, mais aujourd'hui, il existe. Je fais vivre ma famille de ce jardin, de l’apiculture. C’est mon histoire avec l’agriculture et je prends un tel plaisir aujourd’hui, que chaque matn je pars travailler en chantant. Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique : L’oralité est là… Merci pour la qualité de ces témoignages emprunts de réalité et d’émoton. Débat : Annick JUBENOT, Présidente de l’associaton Lasotè : Notre associaton travaille avec des jeunes pour remetre en pratque des savoir-faire anciens, et dans cete optque, vos expériences méritent vraiment d’être validées. Je vous remercie très sincèrement. Merci de croire à notre agriculture de subsistance, qui aujourd’hui peut être un levier de développement. Seriez-vous prêts à aider des jeunes, tout en sachant qu’il y a un respect du terroir et que chacun, par rapport à son exploitaton ne peut le faire que seul? Mais ne serait-ce que vivre et comprendre les forces et difcultés à travailler en polyculture, seriez-vous prêts à faire de la transmission non seulement orale, mais aussi que l’on puisse la conceptualiser en termes techniques ? Alex LABONNE, Agriculteur : Merci de nous avoir écoutés, d’avoir bien compris la dynamique dans laquelle nous voulions nous inscrire. Je répondrai simplement à votre demande en disant que Lasotè existe ainsi que d’autres structures et que nous partciperons à chaque fois que l’on nous demande notre présence. Il faut que l’on se fasse confance. On parle avec beaucoup de recul du chlordécone, mais à l’époque tout le monde paniquait. Nous sommes en train de trouver des issues, avec la Chambre d'Agriculture, avec d’autres structures agricoles. Il faut se donner la main tous ensemble pour aller de l’avant. Véronique MONTJEAN, Agricultrice : Concernant la queston de la transmission des savoirs, de la connaissance, et de la formaton des jeunes, j’ai eu quelques contacts avec des membres de Lasotè et ce qu’ils sont en train de faire 29
  • 30. m'intéresse. Mon exploitaton a toujours été ouverte vers tout ce qui est apprentssage. Mais lorsque nous recevons du monde sur nos exploitatons, c’est une parte de nous-même que nous donnons, une parte de l’exploitaton que nous metons au service des autres. Pour la personne qui arrive, il nous faut être disponible, donner de notre temps pour lui apprendre, et en contreparte la personne quite l’exploitaton mais n’est pas opératonnelle pour compenser ce temps. C’est un don de soi qu’il faut faire et on est bien conscient qu’il faut s’investr dans ce domaine si on veut que la transmission se fasse. Mais il faudrait que les gens qui veulent acquérir ces connaissances réalisent que c’est du temps que nous leur donnons et qu'ils prennent conscience de la fragilité de nos exploitatons. Quand nous demandons à quelqu'un d'inexpérimenté de biner ou d'arracher de l’herbe, et qu’il arrache l’igname ou que c’est mal fait, même si c’est normal, cela fait mal. Le stagiaire ou la personne qui vient acquérir ce savoir, n’a pas la connaissance de l’environnement. Je vais vous donner un exemple que j'ai vécu. J'ai accueilli sur mon exploitaton un jeune apprent. Déjà, quand il est arrivé, sa manière de marcher, son pantalon qui tombe sur ses fesses ne convenaient pas. Je lui ai alors dit que sa manière de s’habiller ne me regardait pas, mais qu'il n'était pas en sécurité dans cete tenue, car il allait enjamber un billon et se casser la gueule. De plus, j'allais lui donner un outl et puisque son pantalon tombait, il allait devoir lâcher l’outl pour le remonter et cela n’irait pas. Je lui ai donc tendu un bout de corde et je lui ai demandé d'atacher son pantalon. Il a compris, mais j'ai dû lui rappeler qu'il fallait qu'il se mete en conditon. On prend donc un risque en accueillant des jeunes et sans contreparte à la hauteur, si ce n’est cete volonté de transmission. Victor RENARD, ASAUPAMAR : Je suis fls d’un agriculteur décédé maintenant, qui faisait de la culture vivrière et potagère. Je suis diplômé du collège agricole. Je faisais parte du comité qui installe les jeunes agriculteurs. Ma queston est de savoir si, avec un hectare ou moins d’un hectare, il est possible pour un jeune de démarrer? Pour moi, il en faut plus pour qu'il puisse s'installer, boire et manger correctement. Didier CHRISTIN, Sol et Civilisaton : Vous antcipez sur un thème que nous aborderons demain. Monsieur Grégoire CANOVAS qui vient de la métropole, nous présentera un projet qu’ils essaient de développer et dans le cadre duquel ils vont essayer de faire vivre deux maraîchers sur 1,4 hectare. Frantz FONROSE, Agriculteur : Au sujet de recevoir des apprents, il faut souligner que l'on peut être un très bon agriculteur, maîtriser des techniques, mais ne pas être bon pédagogue. On ne peut pas être tout dans la vie. J’ai eu une histoire malheureuse avec un apprent, un contrat de douze mois. Il est venu me voir avec une intenton débordante, des mots et des paroles qui vous font tomber à genoux, mais après moins d’un mois il a fallu être ferme et défnitf. Il voulait faire ce qu’il voulait et pas comme je lui demandais de faire. J’ai perdu quatre arbres fruiters avec la débroussailleuse! C’est délicat d'arbitrer entre les bonnes intentons et la réalité parfois. Je l’ai payé cash, sans compter mes cocos qu’il buvait toute la journée. Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique : On ne fera pas ici le procès des apprents et de leur l’inserton. C’est aussi un sujet difcile. Nelly LESSORT, Agricultrice : J’ai aussi été apprente. En fait, dans ma tête, je n’étais pas apprente mais jeune travailleuse, car je devais contribuer à la tâche que l’on me donnait. Mais j’ai parlé avec de jeunes apprents. Je me dis 30
  • 31. qu’il faut qu’ils prennent conscience du travail mais surtout conscience d’eux-mêmes. Il existe un phénomène de mode et il faut désapprendre à nos jeunes maintenant. Dans ce séminaire qui réunit un grand nombre de personnes, peu de jeunes sont présents. J’aurais voulu qu’ils soient ici en majorité, pour leur faire connaître le labeur des agriculteurs et leur dire que c’est nous qui pouvons leur tendre la main pour les aider à préparer l’avenir, mais également pour qu’ils prennent conscience que c’est eux qui porteront l’économie de la Martnique. Il faut donc que nous leur donnions cete base. Véronique MONTJEAN, Agricultrice : Pour rassurer au sujet des apprents, j'ai l'expérience de certains avec qui cela c’est très bien passé, ils arrivaient même avant moi aux champs ! Dans ce cas de fgure, vous voyez au premier regard que cela va bien se passer, parce que cet environnement ne leur est pas hostle. S'il y a une averse, ils ont prévu leur imperméable! Ils maîtrisent l’environnement dans lequel ils vivent. Dans d’autres cas en revanche, quand les apprents arrivent, ils ne savent même pas où ils sont. Mais c’est très important, dès que c'est possible, de recevoir des apprents. J’accepterai très volonters, sinon l’aboutssement de mon travail n’aura pas de sens. Alex LABONNE, Agriculteur : Des groupes d’entraide, de coups de main comme Lasotè, c’est très important. Si l'on peut se donner la main, d’une manière ou d’une autre, on pourra faire des choses dans ces pratques culturales. Lasotè leur apprend des choses, il faut travailler ensemble. On peut les aider ensemble à reformater leur territoire. Les études lancées par la Chambre d’Agriculture : résultats de l’étude sur les potentalités de diversifcaton Roselyne JOACHIM, Chef du service audit et prospectve de la Chambre d’Agriculture de Martnique : L’objet de la présentaton qui va suivre est de présenter succinctement les résultats de l’étude sur les potentalités exprimées par les exploitants agricoles en diversifcaton de la Martnique (EPEAD) qu’a commandité la Chambre d’Agriculture. Il s’agit surtout par cete présentaton, de démontrer l’intérêt porté par cete dernière à ces agricultures diversifées, et surtout sa volonté d'apporter une meilleure connaissance sur la réalité de ces agricultures. Six cent enquêtes ont été menées avec pour objectfs d'identfer les outls permetant de valoriser le potentel des exploitatons agricoles en diversifcaton et d’élaborer un plan d’actons. Ce n’est pas une évaluaton externe des potentalités agronomiques, techniques et fnancières des exploitatons agricoles, mais une vision que les agriculteurs portent eux-mêmes sur leur exploitaton, sur les difcultés chroniques importantes qu’ils identfent, et sur ce qui est moins important du point de vue des conséquences négatves sur leur système de producton. Quand on leur demande de classer eux-mêmes ce qu’ils considèrent comme les forces et les faiblesses, ce qui ressort majoritairement c’est l’accès aux aides. Même si certains montrent un certain détachement par rapport à l’organisaton administratve de l’accès aux aides, même s'ils ne font pas la démarche pour les obtenir, ils relèvent malgré tout qu'ils n’y ont pas accès. La thématque de la non-bancarité et du non accès aux crédits se retrouvent également dans leurs témoignages. Je vais à présent vous présenter l’étude (voir présentaton PowerPoint ci-dessous). 31
  • 32. Etude des Potentialités Exprimées par les Exploitants Agricoles en Diversification de la Martinique EPEAD Synthèse des résultats de l’étude Rappel des objectifs de l’étude Rappel des objectifs de l’étude • Mieux connaître les petites exploitations en diversification et leurs potentialités : 600 ENQUÊTES • Trouver les outils nécessaires à la valorisation du potentiel des exploitations agricoles en diversification : PLAN D’ACTIONS Cette étude n’est pas une évaluation externe des potentialités agronomiques, techniques et financières des exploitations agricoles 32
  • 33. Forces et faiblesses des exploitations du point de vue des producteurs Résultats des enquêtes A cc è s a u x a id e s p u b liq u e s A cc è s a u c r é d it s T ré s o re r ie M ain d 'œ u v r e A cc è s a u x in t r a n t s C at a s t r o p h e s n a t u r e lle s E ro s io n d e s s o ls F o rm a t io n d e l'a g ric u lt e u r L a t e r r e ( f a ir e v a lo ir ) M ala d i e s ( p la n t e s e t d e s a n im a u x ) S éc h e r e s s e P ar c e lla i r e A nim a u x e r r a n t s R en d e m e n t s I ns é c u r i té / vo l S to c k a g e F er t il it é d es s o ls C om m e r c ia lis a t io n T ra n sp o rt d es m a r c h an d is e s C la s s if ic a t io n d e s f o r c e s e t fa ib le s s e s Potentialités identifiées – Système d’exploitation • L’individu lui-même : l’amour de l’agriculteur pour son métier à Les forces qui reviennent le plus souvent sont l’amour du métier, les opportunités de commercialisation, le courage, la connaissance du terrain et l’expérience. • La diversité des systèmes observés montre une forte adaptabilité aux aléas climatiques, aux marchés, etc. • La volonté d’évolution (modernisation ou diversification) concerne 45 % des individus enquêtés. Les agriculteurs ayant exprimé la volonté de ne pas évoluer concerne des exploitations dont la surface moyenne est de 4,1 ha et dont l’âge moyen de l’agriculteur est de 52 ans Résultats des enquêtes 33