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n milliard d’euros : c’est, selon les chif-
fres du Gifas (Groupement des indus-
tries françaises aéronautiques et spa-
tiales), le montant investi en 2012 par la filière
aéronautique dans ses capacités industrielles. Un
montant astronomique, et pourtant nécessaire,
tant les besoins en innovation sont élevés. Le
potentiel du secteur semble sans limite, poussé
par une demande qui explose et des exigences
réglementaires propices à la modernisation. Le
chiffre d’affaires de la filière a bondi de 16 % en
2012, à 42,5 milliards d’euros. Une croissance
liée à la hausse des cadences de production des
Airbus A320 et A330, mais aussi d’Eurocopter.
Les profits des grands donneurs d’ordre se réper-
cutent sur la myriade d’équipementiers et de
PME qui fournissent leurs produits et savoir-
faire. Pour Marc Ventre, président du Comité de
pilotage du Corac (Conseil pour la recherche
aéronautique civile), « cette bonne santé écono-
mique est d’abord portée par la croissance
régulière et élevée du trafic aérien (+ 4,5 % par
an). Mais l’innovation joue aussi un rôle essen-
tiel dans la pérennisation de ces succès ».
Les bons résultats ne sont pas près de se tarir, au
contraire : la commercialisation de nouvelles
offres comme l’A320 NEO, la version remotorisée
de l’appareil monocouloir A320, garantit un
horizon radieux aux entreprises. « La filière
bénéficie d’une excellente visibilité sur ces car-
nets de commandes. Airbus dispose de quatre à
cinq ans de chiffre d’affaires devant lui en
termes de livraisons d’appareils », indique
Gilbert Fayol, associé au sein du cabinet de
conseil Deloitte France et spécialiste des mar-
chés de l’aéronautique. 75 % de ces livraisons
concernent l’export. « La forte demande
d’avions de la part des pays émergents, tirée par
des taux de croissance locaux élevés, est dou-
blée d’un besoin d’équipement important en
matière d’infrastructure », poursuit-il. « Ce mar-
ché représente une formidable opportunité pour
les constructeurs aéronautiques. La flotte mon-
diale va passer de 19 000 avions en 2012 à
36 000 entre 2015 et 2030 en raison de cette
demande. A cet égard, la décennie 2010-2020,
qui assiste au renouvellement ou à la prépara-
tion du renouvellement de produits absolument
DOSSIER 53
N°66 z JUIN 2013
DOSSIER
AÉRONAUTIQUE AÉRONAUTIQUE
52
©AIRBUSS.A.S2013-PHOTO:E’MCOMPAGY/H.GOUSSE
L’envol
du potentiel aéronautique
L’aviation se révèle être de plus en plus un marché juteux. L’explosion du trafic aérien et le
dynamisme de l’innovation, rendu indispensable par les contraintes d’efficacité énergétique,
modifient les enjeux du secteur à un rythme effréné. Derrière les innombrables modernisations
actuelles et à venir, l’aéronautique civile dévoile peu à peu son visage de demain.
TEXTE : MATHIEU NEU.
« La consommation moyenne, et donc
les émissions de CO2 par passager, a été divisée
par cinq en cinquante ans. Quant au bruit à la source,
il a connu une diminution de 20 décibels
entre 1998 et 2008. » A l’heure actuelle,
un Airbus A380 consomme 3 l/siège aux 100 km,
soit deux fois moins qu’un A300 et trois fois
moins qu’un Boeing 707…
Marc Ventre,
président
du Comité
de pilotage
du Corac
(Conseil pour
la recherche
aéronautique
civile).
>
stratégiques face à ces nouveaux acteurs, est
d’une grande importance », explique Marc
Ventre.
Seul frein à cet essor florissant : les difficultés de
recrutement. En 2012, la filière a généré 15 000
embauches et 8 000 créations nettes d’emploi.
L’année 2013 présentera des chiffres tout aussi
élevés. Les besoins des entreprises ne diminuent
pas, mais elles peinent à trouver les compé-
tences indispensables à leurs projets. 95 % des
PME aéronautiques ont au minimum un ou deux
postes à pourvoir. « Un problème d’autant plus
important que les cadences s’accélèrent. Airbus
sort désormais un avion par jour », confie
Gilbert Fayol. Pour susciter des vocations, la pro-
fession se mobilise. La filière profitera notam-
ment de la 50e
édition du Salon international de
l’aéronautique et de l’espace de Paris-Le Bourget
pour mener des opérations d’importance afin
d’attirer les jeunes profils prometteurs.
Innover pour économiser
Historiquement, l’innovation a toujours été le
propre du secteur aéronautique. « La perfor-
mance économique d’un avion long courrier a
été améliorée en moyenne de 10 % tous les dix
ans. On réalise une technologie de rupture tous
les vingt ans. Les progrès les plus remarquables
réalisés au fil des décennies concernent l’impact
de l’aviation sur l’environnement. La consom-
mation moyenne, et donc les émissions de CO2
par passager, a été divisée par cinq en cin-
quante ans. Quant au bruit à la source, il a
connu une diminution de 20 décibels entre 1998
et 2008. L’empreinte sonore autour de l’aéroport
de Roissy-Charles-de-Gaulle a été réduite de
moitié », rappelle Marc Ventre. Et cette course au
progrès semble s’accélérer : à l’heure actuelle, un
Airbus A380 consomme 3 l/siège aux 100 km,
soit deux fois moins qu’un A300 et trois fois
moins qu’un Boeing 707…
Sous l’effet des réglementations incitatives et
des nouvelles feuilles de route établies par les
avionneurs, les projets visant à réduire les
impacts environnementaux se multiplient. En
2011, Flightpath 2050, un document d’orienta-
tion de l’Union européenne, a fait part de nou-
veaux objectifs à atteindre d’ici à 2050, comme
la réduction de 75 % des émissions de CO2 et de
90 % des émissions de NOx (oxydes d’azote) par
rapport à 2000. Concernant la pollution sonore,
le bruit perçu devra chuter de 65 % au cours de
cette période. « Ce contexte explique également
les investissements actuels du secteur en R&D,
à hauteur de 15 % du chiffre d’affaires », sou-
ligne Marc Ventre. « L’évolution conjointe de
l’augmentation constante du trafic aérien et
des réglementations toujours plus contrai-
gnantes en matière d’efficacité énergétique et
de préservation environnementale stimule l’in-
novation, assure Gilbert Fayol. Avec l’Airbus
A320 NEO, qui apporte de nouvelles remotorisa-
tions et des changements dans la voilure, on
économise 15 % de carburant. »
Les gains de poids deviennent également déter-
minants. Ils sont à l’origine de nombreux travaux
des SRC (Structures de recherche sous contrat),
des structures privées de R&D. Danielson
Engineering, Rescoll ou Avnir Engineering figu-
rent parmi les SRC qui œuvrent en faveur de
uuu
©DR.
l’amélioration technique de l’aéronautique et
dont les projets sont concentrés sur la réduction
du poids des pièces ou des moteurs. « L’innovation
a encore de beaux jours devant elle, estime Marc
Ventre. Nous avons de grands progrès en pers-
pective dans divers domaines tels que l’allège-
ment des aéronefs, des avions toujours plus élec-
triques, plus communicants, plus sûrs, ainsi que
dans la gestion de la circulation aérienne, dans
un contexte de croissance forte du trafic. »
L’avion du futur en point de mire
Les éléments innovants pouvant modifier le
visage de l’aviation du futur couvrent tous les
domaines. La cellule de l’aéronef concentre des
activités de recherche importantes, notamment
quant aux surfaces utilisées, afin d’optimiser la
portance et la traînée selon les conditions de vol.
« De nouvelles solutions en matière de propul-
sion sont aussi à l’étude et font évoluer sans
cesse les systèmes en place. La gestion
de l’énergie à bord est également au
cœur des préoccupations, avec la
poursuite du passage déjà bien
engagé de l’actionnement hydrau-
lique ou pneumatique vers le tout-
électrique. A noter par ailleurs que le
cockpit, les commandes de vols et l’électro-
nique embarquée renouvelleront les interfaces
pilotes-machines, répondront mieux aux exi-
gences accrues de sécurité, sûreté, performance,
et permettront la mise en œuvre des nouvelles
procédures d’optimisations de trajectoire »,
détaille Marc Ventre.
Outre les innombrables pièces, matériaux, amé-
nagements et équipements qui modernisent les
avions, d’importants travaux sont menés pour
apporter des innovations dans l’environnement
dans lequel vivent les appareils. A l’heure
actuelle, le trafic aérien est toujours géré avec
des technologies hertziennes d’après-guerre.
« Mais le projet européen Sesar (Single European
Sky Air Traffic Management Research) et son
équivalent américain NextGen vont changer la
donne. Ils consistent à passer à une technologie
GPS. Une avancée qui suppose de rééquiper tous
les avions, les aéroports, de créer les relais
adaptés, et, surtout, qui permet des gains de
carburant énormes, explique Gilbert Fayol. A
l’heure actuelle, les distances de sécurité mini-
males à l’atterrissage et au décollage sont
basées sur le degré de précision des technolo-
gies hertziennes. Demain, avec le GPS, un avion
attendra moins longtemps sur le tarmac avant
son décollage, et patientera également moins
dans les airs à l’approche d’un aéroport. » Mais
ce système ne peut entrer en vigueur que
lorsqu’une large majorité des avions et aéroports
seront équipés, et lorsque la coordination entre
le système européen et nord-américain sera éta-
blie. Difficile de prédire l’horizon auquel la mise
en place de ces nouveaux types de systèmes sera
effective. « Elle interviendra sans doute à
moyen-long terme », estime Gilbert Fayol. « Les
routes et profils de vol en sortiront également
optimisés. Il en résultera une réduction des
temps de vol, et donc des consommations de
carburant. Des dispositifs nouveaux intégreront
des informations en temps réel comme la situa-
tion météorologique, l’évolution du trafic »,
ajoute Marc Ventre. Globalement, « ce sont
toutes les communications à bord et bord-sol
qui s’apprêtent à se développer, et qui permet-
tront de connecter les passagers ». r
« Avec l’Airbus A320 NEO,
qui apporte de nouvelles
remotorisations et
des changements dans
la voilure, on économise 15 %
de carburant. »
Gilbert Fayol,
associé au sein
du cabinet
de conseil Deloitte
France et spécialiste
des marchés
de l’aéronautique.
>
N°66 z JUIN 2013
DOSSIER 55
IndustrieD E S E N J E U X D E L A R & D À L A CO M P É T I T I V I T É I N D U ST R I E L L E
DOSSIER54
uuu
AÉRONAUTIQUE AÉRONAUTIQUE
S
afran a le sourire. Derrière l’ex-
cellente santé affichée par les
avionneurs – Airbus en tête –,
le fleuron français de l’aéronautique et
de défense profite de résultats moins
médiatisés, mais encore plus impres-
sionnants. Son bénéfice a bondi de
55 % en 2012, à 999 millions d’euros.
2013 sera également à classer parmi les
années exceptionnelles. Safran conti-
nue de tirer parti de l’excellente santé
du marché de l’aviation civile dont il
est l’un des principaux fournisseurs.
Son moteur CFM56 attire toutes les
convoitises. Il équipe d’ores et déjà la
moitié des Airbus A320 et la totalité
des Boeing 737. Quelque 1 406 unités
ont été livrées l’an passé, contre 1 308
en 2011. Le carnet de commandes du
fabricant de moteurs CFM
International, filiale détenue par
Snecma (groupe Safran) et General
Electric, totalise près de 10 000
moteurs, c’est-à-dire l’équivalent de
sept années de production. Le succès
économique dépend aussi en grande
partie du LEAP, un moteur de nouvelle
génération déployé sur les futurs A320
NEO et 737 MAX. « L’introduction de ce
moteur représente un gain de consom-
mation de carburant de l’ordre de 15 %
par rapport à la génération précédente.
Un progrès très significatif sur les
quelque vingt années de durée de vie
d’un appareil », assure Marc Ventre,
président du Comité de pilotage du
Corac (Conseil pour la recherche aéro-
nautique civile) et directeur général
délégué Opérations du groupe Safran.
Le contexte est propice aux projets
d’avenir : Safran a investi à lui seul 400
millions d’euros en 2012. La présidence
de l’entreprise a d’ores et déjà annoncé
que les investissements seront portés à
600 millions d’euros cette année.
En conséquence, le groupe sollicite
toujours plus ses fournisseurs, aussi
bien pour les programmes de série,
dont les cadences de production aug-
mentent proportionnellement à la
demande, que pour les programmes
relatifs aux avions du futur, tel le
moteur LEAP, qui nécessitent d’impor-
tants investissements en développe-
ment et en industrialisation. Mais
chaque médaille a son revers : « Le
niveau record de production d’avions
génère des tensions tout au long de la
chaîne d’approvisionnement du sec-
teur », s’inquiétait Jean-Paul Ebanga,
PDG de CFM International, à l’occasion
du dernier Salon aéronautique de
Farnborough, en Grande-Bretagne.
Pour répondre aux attentes dans les
meilleures conditions, Safran met en
œuvre une politique destinée à renfor-
cer son panel de fournisseurs, grands
groupes industriels ou PME. Ces der-
nières représentent 35 % de ses sous-
traitants. Elles apportent souplesse et
réactivité, mais présentent un profil
plus fragile. En signant notamment le
« pacte PME » et la charte CDAF
(Compagnie des dirigeants et acheteurs
de France), le groupe veut montrer sa
démarche volontaire en faveur du res-
pect des bonnes pratiques régissant les
relations entre donneurs d’ordre et
PME, notamment en termes de délais
de paiement et de visibilité relative aux
activités futures. r
Dans le sillage de la forte
demande d’avions, l’activité
de Safran dans le domaine
aéronautique prend également
son envol. Le groupe affiche
des résultats économiques
toujours plus élevés en raison
des convoitises que suscitent
ses moteurs de dernière géné-
ration, synonymes d’économie
de carburant. Mais l’heure est
aussi à la vigilance pour éviter
les tensions sur la chaîne de
production.
TEXTE : MATHIEU NEU. PHOTO : DROUIN / SNECMA.
©DR.
Le groupe Safran
boosté par ses moteurs
P
armi les 45 SRC
(Structures de recherche
sous contrat) présentes
sur le territoire français, les deux
tiers œuvrent pour la filière
aéronautique. Ce seul constat
témoigne de l’importance du
secteur dans le paysage écono-
mique national et du formidable
potentiel d’innovation qu’il
recèle. Ces organisations privées
de R&D, conçues pour répondre
aux besoins industriels en
termes de recherche et d’inno-
vation, « sont toujours plus pré-
sentes dans les démarches inno-
vantes qui font progresser le marché
aéronautique », confirme Jérôme Billé, délégué
général de l’ASRC (Association des structures
de recherche sous contrat). « Neuf de nos
adhérents seront présents cette année au
Salon du Bourget pour présenter des avancées
notables. » Parmi ceux-ci figurent Rescoll et
ses dernières technologies destinées à alléger
au maximum les matériaux et polymères,
Adeneo, qui se consacre au développement de
trains d’atterrissage dotés de fonctionnements
plus électriques, ou Vibratec, qui fournit des
solutions d’amélioration permanente en
matière de vibrations et d’acoustique.
Jérôme Billé souligne l’intérêt particulier de la
SRC Optis, focalisée sur les solutions de simu-
lation optique : « Elle propose un système per-
mettant de concevoir entièrement le cockpit
d’un avion, de manière virtuelle, dans le but
de déterminer avant construction les reflets
qui sont susceptibles d’apparaître sur les
modules de contrôle et de gêner le pilote en
fonction de l’inclinaison de l’appareil et de la
situation de vol. Le choix du matériau et du
traitement de surface peut ainsi être défini
très pertinemment avant toute fabrication
physique, ce qui évite de concevoir des
maquettes inutilement. »
L’industrie aéronautique mène actuellement
une véritable quête afin d’améliorer le trip-
tyque qualité–sécurité-environnement. « Nous
avons plus que jamais besoin de technologies
à transférer aux entreprises. Des obstacles
doivent être résolus, notamment en matière
de perception du bruit, de pollution… », pour-
suit Jérôme Billé. Les SRC ne répondent pas
simplement à des demandes émanant de l’in-
dustrie. Elles développent des technologies en
amont qui, potentiellement, pourront intéres-
ser le secteur privé. Une façon d’accélérer le
cycle de R&D, de conception et d’innovation.
Un partenariat sous forme de tryptique
Le réseau des instituts Carnot se situe aux pre-
mières loges des mutations scientifiques et
techniques qui bouleversent le secteur aéro-
nautique. « Notre partenariat fonctionne sous
forme de triptyque. Il implique les grands don-
neurs d’ordre, qui répondent aux feuilles de
route économiques et stratégiques décidées
au plus haut niveau, leur cortège de sous-
traitants regroupant de nombreuses ETI et
PME, et la recherche en amont, qui couvre dif-
férentes phases jusqu’au transfert de techno-
logies vers les partenaires industriels »,
explique Françoise Preteux, directeur de l’ins-
Les organisations dédiées à la recherche sont toujours plus sollicitées face aux besoins en inno-
vation des avionneurs. Les projets de recherche partenariale et collaborations rassemblant des
compétences complémentaires se multiplient, faisant émerger des technologies sans cesse plus
pointues.
TEXTE : MATHIEU NEU. PHOTO : DR.
La recherche
met les bouchées doubles
>
Françoise Preteux,
directeur
de l’institut
Carnot-Mines.
DOSSIER
AÉRONAUTIQUE
56
©DR
uuu
titut Carnot-Mines. D’importants travaux
concernent depuis quelques années un pro-
gramme de recherche concerté sur la durée de
vie des matériaux pour les structures chaudes.
« Nous intervenons dans ce programme avec le
motoriste aéronautique Snecma, le fabricant de
turbines Turbomeca et l’Onera (Office national
d’études et de recherches spatiales), et nous
étudions en particulier les durées de vie des
parties chaudes des moteurs aéronautiques. »
L’institut Carnot-Mines est impliqué dans les
enjeux sur toute la chaîne, depuis les matières
premières, comme des nouveaux métaux à fonc-
tionnalisation intelligente sur lesquels sont étu-
diées des propriétés de couplage, mécaniques,
physiques, de résistance ou de légèreté, jusqu’au
recyclage de l’aéronef lorsque celui-ci arrive en
fin de vie.
Matériaux : allier sécurité et légèreté
Les matériaux se situent au cœur des projets de
recherche partenariale. Les besoins d’optimisa-
tion sont toujours plus grands. « La demande de
titane ne fait que croître. Rappelons qu’un
Airbus 380 contient 77 t de titane, nécessitant
d’être soumis à des opérations spécifiques. Les
pièces de moteur ou d’éléments de structure
réclament un formage à très haute tempéra-
ture. Des moules en béton réfractaire renforcé
de fibres métalliques sont nécessaires pour cela.
Nous avons breveté ces procédés qui sont résis-
tants à 900°C, et créé une PME, Aurock, labelli-
sée Jeune entreprise innovante, qui fabrique ces
bétons pour le compte d’Airbus », précise
Françoise Preteux. Toujours pour le compte de
l’avionneur français, et avec le soutien de l’insti-
tut Clément-Ader et de l’Ecole des mines d’Albi,
l’institut élabore des matériaux composites mul-
tifonctionnels qui intègrent par exemple des
fonctions de blindage pour supporter les petits
fragments pouvant heurter la carlingue.
Outre la sécurité, la légèreté est un thème omni-
présent dans les travaux de recherche. La
consommation d’énergie va augmenter en
flèche en raison de la hausse effrénée du trafic
aérien, et dans le même temps, les gaz à effet de
serre doivent être réduits drastiquement. « Nous
remarquons bien que le poids des matériaux et
la baisse des consommations des moteurs
concentrent aujourd’hui les plus gros enjeux et
orientent les recherches », souligne Françoise
Preteux. Les motivations sont autant écono-
miques qu’écologiques. « Ces objectifs de pré-
servation environnementale sont d’autant plus
pertinents que les dépenses de carburant repré-
sentent environ 40 % des coûts directs d’exploi-
tation d’un avion », confirme Marc Ventre, pré-
sident du Comité de pilotage du Corac (Conseil
pour la recherche aéronautique civile).
L’allègement des aéronefs concerne tous les
équipements à bord, y compris les dispositifs
électroniques. « Dans ce domaine, on complexi-
fie, mais on rend les installations également
plus compactes et légères, souligne Jérôme Billé.
On développe des matériaux plus résistants par la même
occasion. Robustesse et légèreté concentrent sans doute la
plus grande partie des innovations à venir. »
La filière des drones au service de l’aviation civile
La possibilité pour les passagers d’utiliser le téléphone,
Internet et les services numériques en général est également
à l’origine de travaux de recherche. Pour Françoise Preteux,
« ces services vont se démocratiser à bord dans les cinq
années à venir. » L’avion du futur sera de toute façon « truffé
d’électronique et de numérique. » D’ici vingt à trente ans,
l’automatisation des appareils aura considérablement évolué.
« Aurons-nous toujours des pilotes à bord ? Rien n’est moins
sûr », estime-t-elle. L’aéronautique de défense conçoit déjà
des drones extrêmement perfectionnés et autonomes, et
cette filière sert souvent de laboratoire à l’aviation civile.
« Notre centre d’automatique, qui développe les drones, tra-
vaille sur des modèles mathématiques de commandes non
linéaires, comprenant bien sûr des boucles de rétroaction. Il
s’agit de solutions complexes d’une sophistication indispen-
sable, car lorsque des milliers d’informations convergent sur
le système, celui-ci doit savoir prendre la bonne décision et
réactualiser ses paramètres », poursuit Françoise Preteux.
Les questions relatives à l’ambiance et à l’atmosphère géné-
rale ne sont pas non plus délaissées. La SRC Bertin
Technologies œuvre d’arrache-pied pour optimiser en per-
manence l’ergonomie des cockpits en y intégrant au maxi-
mum des facteurs humains. L’idée est notamment de simpli-
fier les usages et de rechercher la simplicité. Le travail vise à
s’intéresser à l’interaction entre les usages actuels et les nou-
velles technologies. Bertin Technologies répond aux ques-
tions du type : comment reproduire la gestuelle physique sur
un écran tactile ? comment intégrer la réalité augmentée, la
vision 3D dans un affichage sur le pare-brise d’un cockpit ?
Des recherches sont également menées en faveur de l’inté-
gration des solutions de reconnaissance vocale.
Enfin, l’aviation de luxe et certaines demandes associées
gagnent en importance sous l’influence des pays émergents,
et notamment d’une frange de population particulièrement
aisée. « Ces demandes concernent les équipements à l’inté-
rieur de la cabine : ronce de noyer, polymères nouveaux,
fonctionnalités originales pour les sièges… Ce segment de
marché est en excellente santé économique. Les acteurs
positionnés sur ce créneau connaissent des croissances à
deux, voire trois chiffres », indique Françoise Preteux. Mais
certaines demandes ne sont pour l’instant pas réalisables
pour des raisons de complexité physique, « à l'image du
souhait récent d'un dirigeant de faire installer un jacuzzi
(donc de l'eau à très haute altitude) à bord de son avion
présidentiel. » r
N°66 z JUIN 2013
IndustrieD E S E N J E U X D E L A R & D À L A CO M P É T I T I V I T É I N D U ST R I E L L E
« L’avion du futur
sera truffé
d’électronique
et de numérique.
Aurons-nous toujours
des pilotes à bord ?
Rien n’est moins sûr. »
DOSSIER
AÉRONAUTIQUE
58 z DOSSIER 59
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Dossier Aeronotique - 2013 - Industrie & Technologie

  • 1. U n milliard d’euros : c’est, selon les chif- fres du Gifas (Groupement des indus- tries françaises aéronautiques et spa- tiales), le montant investi en 2012 par la filière aéronautique dans ses capacités industrielles. Un montant astronomique, et pourtant nécessaire, tant les besoins en innovation sont élevés. Le potentiel du secteur semble sans limite, poussé par une demande qui explose et des exigences réglementaires propices à la modernisation. Le chiffre d’affaires de la filière a bondi de 16 % en 2012, à 42,5 milliards d’euros. Une croissance liée à la hausse des cadences de production des Airbus A320 et A330, mais aussi d’Eurocopter. Les profits des grands donneurs d’ordre se réper- cutent sur la myriade d’équipementiers et de PME qui fournissent leurs produits et savoir- faire. Pour Marc Ventre, président du Comité de pilotage du Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile), « cette bonne santé écono- mique est d’abord portée par la croissance régulière et élevée du trafic aérien (+ 4,5 % par an). Mais l’innovation joue aussi un rôle essen- tiel dans la pérennisation de ces succès ». Les bons résultats ne sont pas près de se tarir, au contraire : la commercialisation de nouvelles offres comme l’A320 NEO, la version remotorisée de l’appareil monocouloir A320, garantit un horizon radieux aux entreprises. « La filière bénéficie d’une excellente visibilité sur ces car- nets de commandes. Airbus dispose de quatre à cinq ans de chiffre d’affaires devant lui en termes de livraisons d’appareils », indique Gilbert Fayol, associé au sein du cabinet de conseil Deloitte France et spécialiste des mar- chés de l’aéronautique. 75 % de ces livraisons concernent l’export. « La forte demande d’avions de la part des pays émergents, tirée par des taux de croissance locaux élevés, est dou- blée d’un besoin d’équipement important en matière d’infrastructure », poursuit-il. « Ce mar- ché représente une formidable opportunité pour les constructeurs aéronautiques. La flotte mon- diale va passer de 19 000 avions en 2012 à 36 000 entre 2015 et 2030 en raison de cette demande. A cet égard, la décennie 2010-2020, qui assiste au renouvellement ou à la prépara- tion du renouvellement de produits absolument DOSSIER 53 N°66 z JUIN 2013 DOSSIER AÉRONAUTIQUE AÉRONAUTIQUE 52 ©AIRBUSS.A.S2013-PHOTO:E’MCOMPAGY/H.GOUSSE L’envol du potentiel aéronautique L’aviation se révèle être de plus en plus un marché juteux. L’explosion du trafic aérien et le dynamisme de l’innovation, rendu indispensable par les contraintes d’efficacité énergétique, modifient les enjeux du secteur à un rythme effréné. Derrière les innombrables modernisations actuelles et à venir, l’aéronautique civile dévoile peu à peu son visage de demain. TEXTE : MATHIEU NEU. « La consommation moyenne, et donc les émissions de CO2 par passager, a été divisée par cinq en cinquante ans. Quant au bruit à la source, il a connu une diminution de 20 décibels entre 1998 et 2008. » A l’heure actuelle, un Airbus A380 consomme 3 l/siège aux 100 km, soit deux fois moins qu’un A300 et trois fois moins qu’un Boeing 707… Marc Ventre, président du Comité de pilotage du Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile). > stratégiques face à ces nouveaux acteurs, est d’une grande importance », explique Marc Ventre. Seul frein à cet essor florissant : les difficultés de recrutement. En 2012, la filière a généré 15 000 embauches et 8 000 créations nettes d’emploi. L’année 2013 présentera des chiffres tout aussi élevés. Les besoins des entreprises ne diminuent pas, mais elles peinent à trouver les compé- tences indispensables à leurs projets. 95 % des PME aéronautiques ont au minimum un ou deux postes à pourvoir. « Un problème d’autant plus important que les cadences s’accélèrent. Airbus sort désormais un avion par jour », confie Gilbert Fayol. Pour susciter des vocations, la pro- fession se mobilise. La filière profitera notam- ment de la 50e édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris-Le Bourget pour mener des opérations d’importance afin d’attirer les jeunes profils prometteurs. Innover pour économiser Historiquement, l’innovation a toujours été le propre du secteur aéronautique. « La perfor- mance économique d’un avion long courrier a été améliorée en moyenne de 10 % tous les dix ans. On réalise une technologie de rupture tous les vingt ans. Les progrès les plus remarquables réalisés au fil des décennies concernent l’impact de l’aviation sur l’environnement. La consom- mation moyenne, et donc les émissions de CO2 par passager, a été divisée par cinq en cin- quante ans. Quant au bruit à la source, il a connu une diminution de 20 décibels entre 1998 et 2008. L’empreinte sonore autour de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a été réduite de moitié », rappelle Marc Ventre. Et cette course au progrès semble s’accélérer : à l’heure actuelle, un Airbus A380 consomme 3 l/siège aux 100 km, soit deux fois moins qu’un A300 et trois fois moins qu’un Boeing 707… Sous l’effet des réglementations incitatives et des nouvelles feuilles de route établies par les avionneurs, les projets visant à réduire les impacts environnementaux se multiplient. En 2011, Flightpath 2050, un document d’orienta- tion de l’Union européenne, a fait part de nou- veaux objectifs à atteindre d’ici à 2050, comme la réduction de 75 % des émissions de CO2 et de 90 % des émissions de NOx (oxydes d’azote) par rapport à 2000. Concernant la pollution sonore, le bruit perçu devra chuter de 65 % au cours de cette période. « Ce contexte explique également les investissements actuels du secteur en R&D, à hauteur de 15 % du chiffre d’affaires », sou- ligne Marc Ventre. « L’évolution conjointe de l’augmentation constante du trafic aérien et des réglementations toujours plus contrai- gnantes en matière d’efficacité énergétique et de préservation environnementale stimule l’in- novation, assure Gilbert Fayol. Avec l’Airbus A320 NEO, qui apporte de nouvelles remotorisa- tions et des changements dans la voilure, on économise 15 % de carburant. » Les gains de poids deviennent également déter- minants. Ils sont à l’origine de nombreux travaux des SRC (Structures de recherche sous contrat), des structures privées de R&D. Danielson Engineering, Rescoll ou Avnir Engineering figu- rent parmi les SRC qui œuvrent en faveur de uuu ©DR.
  • 2. l’amélioration technique de l’aéronautique et dont les projets sont concentrés sur la réduction du poids des pièces ou des moteurs. « L’innovation a encore de beaux jours devant elle, estime Marc Ventre. Nous avons de grands progrès en pers- pective dans divers domaines tels que l’allège- ment des aéronefs, des avions toujours plus élec- triques, plus communicants, plus sûrs, ainsi que dans la gestion de la circulation aérienne, dans un contexte de croissance forte du trafic. » L’avion du futur en point de mire Les éléments innovants pouvant modifier le visage de l’aviation du futur couvrent tous les domaines. La cellule de l’aéronef concentre des activités de recherche importantes, notamment quant aux surfaces utilisées, afin d’optimiser la portance et la traînée selon les conditions de vol. « De nouvelles solutions en matière de propul- sion sont aussi à l’étude et font évoluer sans cesse les systèmes en place. La gestion de l’énergie à bord est également au cœur des préoccupations, avec la poursuite du passage déjà bien engagé de l’actionnement hydrau- lique ou pneumatique vers le tout- électrique. A noter par ailleurs que le cockpit, les commandes de vols et l’électro- nique embarquée renouvelleront les interfaces pilotes-machines, répondront mieux aux exi- gences accrues de sécurité, sûreté, performance, et permettront la mise en œuvre des nouvelles procédures d’optimisations de trajectoire », détaille Marc Ventre. Outre les innombrables pièces, matériaux, amé- nagements et équipements qui modernisent les avions, d’importants travaux sont menés pour apporter des innovations dans l’environnement dans lequel vivent les appareils. A l’heure actuelle, le trafic aérien est toujours géré avec des technologies hertziennes d’après-guerre. « Mais le projet européen Sesar (Single European Sky Air Traffic Management Research) et son équivalent américain NextGen vont changer la donne. Ils consistent à passer à une technologie GPS. Une avancée qui suppose de rééquiper tous les avions, les aéroports, de créer les relais adaptés, et, surtout, qui permet des gains de carburant énormes, explique Gilbert Fayol. A l’heure actuelle, les distances de sécurité mini- males à l’atterrissage et au décollage sont basées sur le degré de précision des technolo- gies hertziennes. Demain, avec le GPS, un avion attendra moins longtemps sur le tarmac avant son décollage, et patientera également moins dans les airs à l’approche d’un aéroport. » Mais ce système ne peut entrer en vigueur que lorsqu’une large majorité des avions et aéroports seront équipés, et lorsque la coordination entre le système européen et nord-américain sera éta- blie. Difficile de prédire l’horizon auquel la mise en place de ces nouveaux types de systèmes sera effective. « Elle interviendra sans doute à moyen-long terme », estime Gilbert Fayol. « Les routes et profils de vol en sortiront également optimisés. Il en résultera une réduction des temps de vol, et donc des consommations de carburant. Des dispositifs nouveaux intégreront des informations en temps réel comme la situa- tion météorologique, l’évolution du trafic », ajoute Marc Ventre. Globalement, « ce sont toutes les communications à bord et bord-sol qui s’apprêtent à se développer, et qui permet- tront de connecter les passagers ». r « Avec l’Airbus A320 NEO, qui apporte de nouvelles remotorisations et des changements dans la voilure, on économise 15 % de carburant. » Gilbert Fayol, associé au sein du cabinet de conseil Deloitte France et spécialiste des marchés de l’aéronautique. > N°66 z JUIN 2013 DOSSIER 55 IndustrieD E S E N J E U X D E L A R & D À L A CO M P É T I T I V I T É I N D U ST R I E L L E DOSSIER54 uuu AÉRONAUTIQUE AÉRONAUTIQUE S afran a le sourire. Derrière l’ex- cellente santé affichée par les avionneurs – Airbus en tête –, le fleuron français de l’aéronautique et de défense profite de résultats moins médiatisés, mais encore plus impres- sionnants. Son bénéfice a bondi de 55 % en 2012, à 999 millions d’euros. 2013 sera également à classer parmi les années exceptionnelles. Safran conti- nue de tirer parti de l’excellente santé du marché de l’aviation civile dont il est l’un des principaux fournisseurs. Son moteur CFM56 attire toutes les convoitises. Il équipe d’ores et déjà la moitié des Airbus A320 et la totalité des Boeing 737. Quelque 1 406 unités ont été livrées l’an passé, contre 1 308 en 2011. Le carnet de commandes du fabricant de moteurs CFM International, filiale détenue par Snecma (groupe Safran) et General Electric, totalise près de 10 000 moteurs, c’est-à-dire l’équivalent de sept années de production. Le succès économique dépend aussi en grande partie du LEAP, un moteur de nouvelle génération déployé sur les futurs A320 NEO et 737 MAX. « L’introduction de ce moteur représente un gain de consom- mation de carburant de l’ordre de 15 % par rapport à la génération précédente. Un progrès très significatif sur les quelque vingt années de durée de vie d’un appareil », assure Marc Ventre, président du Comité de pilotage du Corac (Conseil pour la recherche aéro- nautique civile) et directeur général délégué Opérations du groupe Safran. Le contexte est propice aux projets d’avenir : Safran a investi à lui seul 400 millions d’euros en 2012. La présidence de l’entreprise a d’ores et déjà annoncé que les investissements seront portés à 600 millions d’euros cette année. En conséquence, le groupe sollicite toujours plus ses fournisseurs, aussi bien pour les programmes de série, dont les cadences de production aug- mentent proportionnellement à la demande, que pour les programmes relatifs aux avions du futur, tel le moteur LEAP, qui nécessitent d’impor- tants investissements en développe- ment et en industrialisation. Mais chaque médaille a son revers : « Le niveau record de production d’avions génère des tensions tout au long de la chaîne d’approvisionnement du sec- teur », s’inquiétait Jean-Paul Ebanga, PDG de CFM International, à l’occasion du dernier Salon aéronautique de Farnborough, en Grande-Bretagne. Pour répondre aux attentes dans les meilleures conditions, Safran met en œuvre une politique destinée à renfor- cer son panel de fournisseurs, grands groupes industriels ou PME. Ces der- nières représentent 35 % de ses sous- traitants. Elles apportent souplesse et réactivité, mais présentent un profil plus fragile. En signant notamment le « pacte PME » et la charte CDAF (Compagnie des dirigeants et acheteurs de France), le groupe veut montrer sa démarche volontaire en faveur du res- pect des bonnes pratiques régissant les relations entre donneurs d’ordre et PME, notamment en termes de délais de paiement et de visibilité relative aux activités futures. r Dans le sillage de la forte demande d’avions, l’activité de Safran dans le domaine aéronautique prend également son envol. Le groupe affiche des résultats économiques toujours plus élevés en raison des convoitises que suscitent ses moteurs de dernière géné- ration, synonymes d’économie de carburant. Mais l’heure est aussi à la vigilance pour éviter les tensions sur la chaîne de production. TEXTE : MATHIEU NEU. PHOTO : DROUIN / SNECMA. ©DR. Le groupe Safran boosté par ses moteurs
  • 3. P armi les 45 SRC (Structures de recherche sous contrat) présentes sur le territoire français, les deux tiers œuvrent pour la filière aéronautique. Ce seul constat témoigne de l’importance du secteur dans le paysage écono- mique national et du formidable potentiel d’innovation qu’il recèle. Ces organisations privées de R&D, conçues pour répondre aux besoins industriels en termes de recherche et d’inno- vation, « sont toujours plus pré- sentes dans les démarches inno- vantes qui font progresser le marché aéronautique », confirme Jérôme Billé, délégué général de l’ASRC (Association des structures de recherche sous contrat). « Neuf de nos adhérents seront présents cette année au Salon du Bourget pour présenter des avancées notables. » Parmi ceux-ci figurent Rescoll et ses dernières technologies destinées à alléger au maximum les matériaux et polymères, Adeneo, qui se consacre au développement de trains d’atterrissage dotés de fonctionnements plus électriques, ou Vibratec, qui fournit des solutions d’amélioration permanente en matière de vibrations et d’acoustique. Jérôme Billé souligne l’intérêt particulier de la SRC Optis, focalisée sur les solutions de simu- lation optique : « Elle propose un système per- mettant de concevoir entièrement le cockpit d’un avion, de manière virtuelle, dans le but de déterminer avant construction les reflets qui sont susceptibles d’apparaître sur les modules de contrôle et de gêner le pilote en fonction de l’inclinaison de l’appareil et de la situation de vol. Le choix du matériau et du traitement de surface peut ainsi être défini très pertinemment avant toute fabrication physique, ce qui évite de concevoir des maquettes inutilement. » L’industrie aéronautique mène actuellement une véritable quête afin d’améliorer le trip- tyque qualité–sécurité-environnement. « Nous avons plus que jamais besoin de technologies à transférer aux entreprises. Des obstacles doivent être résolus, notamment en matière de perception du bruit, de pollution… », pour- suit Jérôme Billé. Les SRC ne répondent pas simplement à des demandes émanant de l’in- dustrie. Elles développent des technologies en amont qui, potentiellement, pourront intéres- ser le secteur privé. Une façon d’accélérer le cycle de R&D, de conception et d’innovation. Un partenariat sous forme de tryptique Le réseau des instituts Carnot se situe aux pre- mières loges des mutations scientifiques et techniques qui bouleversent le secteur aéro- nautique. « Notre partenariat fonctionne sous forme de triptyque. Il implique les grands don- neurs d’ordre, qui répondent aux feuilles de route économiques et stratégiques décidées au plus haut niveau, leur cortège de sous- traitants regroupant de nombreuses ETI et PME, et la recherche en amont, qui couvre dif- férentes phases jusqu’au transfert de techno- logies vers les partenaires industriels », explique Françoise Preteux, directeur de l’ins- Les organisations dédiées à la recherche sont toujours plus sollicitées face aux besoins en inno- vation des avionneurs. Les projets de recherche partenariale et collaborations rassemblant des compétences complémentaires se multiplient, faisant émerger des technologies sans cesse plus pointues. TEXTE : MATHIEU NEU. PHOTO : DR. La recherche met les bouchées doubles > Françoise Preteux, directeur de l’institut Carnot-Mines. DOSSIER AÉRONAUTIQUE 56 ©DR uuu
  • 4. titut Carnot-Mines. D’importants travaux concernent depuis quelques années un pro- gramme de recherche concerté sur la durée de vie des matériaux pour les structures chaudes. « Nous intervenons dans ce programme avec le motoriste aéronautique Snecma, le fabricant de turbines Turbomeca et l’Onera (Office national d’études et de recherches spatiales), et nous étudions en particulier les durées de vie des parties chaudes des moteurs aéronautiques. » L’institut Carnot-Mines est impliqué dans les enjeux sur toute la chaîne, depuis les matières premières, comme des nouveaux métaux à fonc- tionnalisation intelligente sur lesquels sont étu- diées des propriétés de couplage, mécaniques, physiques, de résistance ou de légèreté, jusqu’au recyclage de l’aéronef lorsque celui-ci arrive en fin de vie. Matériaux : allier sécurité et légèreté Les matériaux se situent au cœur des projets de recherche partenariale. Les besoins d’optimisa- tion sont toujours plus grands. « La demande de titane ne fait que croître. Rappelons qu’un Airbus 380 contient 77 t de titane, nécessitant d’être soumis à des opérations spécifiques. Les pièces de moteur ou d’éléments de structure réclament un formage à très haute tempéra- ture. Des moules en béton réfractaire renforcé de fibres métalliques sont nécessaires pour cela. Nous avons breveté ces procédés qui sont résis- tants à 900°C, et créé une PME, Aurock, labelli- sée Jeune entreprise innovante, qui fabrique ces bétons pour le compte d’Airbus », précise Françoise Preteux. Toujours pour le compte de l’avionneur français, et avec le soutien de l’insti- tut Clément-Ader et de l’Ecole des mines d’Albi, l’institut élabore des matériaux composites mul- tifonctionnels qui intègrent par exemple des fonctions de blindage pour supporter les petits fragments pouvant heurter la carlingue. Outre la sécurité, la légèreté est un thème omni- présent dans les travaux de recherche. La consommation d’énergie va augmenter en flèche en raison de la hausse effrénée du trafic aérien, et dans le même temps, les gaz à effet de serre doivent être réduits drastiquement. « Nous remarquons bien que le poids des matériaux et la baisse des consommations des moteurs concentrent aujourd’hui les plus gros enjeux et orientent les recherches », souligne Françoise Preteux. Les motivations sont autant écono- miques qu’écologiques. « Ces objectifs de pré- servation environnementale sont d’autant plus pertinents que les dépenses de carburant repré- sentent environ 40 % des coûts directs d’exploi- tation d’un avion », confirme Marc Ventre, pré- sident du Comité de pilotage du Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile). L’allègement des aéronefs concerne tous les équipements à bord, y compris les dispositifs électroniques. « Dans ce domaine, on complexi- fie, mais on rend les installations également plus compactes et légères, souligne Jérôme Billé. On développe des matériaux plus résistants par la même occasion. Robustesse et légèreté concentrent sans doute la plus grande partie des innovations à venir. » La filière des drones au service de l’aviation civile La possibilité pour les passagers d’utiliser le téléphone, Internet et les services numériques en général est également à l’origine de travaux de recherche. Pour Françoise Preteux, « ces services vont se démocratiser à bord dans les cinq années à venir. » L’avion du futur sera de toute façon « truffé d’électronique et de numérique. » D’ici vingt à trente ans, l’automatisation des appareils aura considérablement évolué. « Aurons-nous toujours des pilotes à bord ? Rien n’est moins sûr », estime-t-elle. L’aéronautique de défense conçoit déjà des drones extrêmement perfectionnés et autonomes, et cette filière sert souvent de laboratoire à l’aviation civile. « Notre centre d’automatique, qui développe les drones, tra- vaille sur des modèles mathématiques de commandes non linéaires, comprenant bien sûr des boucles de rétroaction. Il s’agit de solutions complexes d’une sophistication indispen- sable, car lorsque des milliers d’informations convergent sur le système, celui-ci doit savoir prendre la bonne décision et réactualiser ses paramètres », poursuit Françoise Preteux. Les questions relatives à l’ambiance et à l’atmosphère géné- rale ne sont pas non plus délaissées. La SRC Bertin Technologies œuvre d’arrache-pied pour optimiser en per- manence l’ergonomie des cockpits en y intégrant au maxi- mum des facteurs humains. L’idée est notamment de simpli- fier les usages et de rechercher la simplicité. Le travail vise à s’intéresser à l’interaction entre les usages actuels et les nou- velles technologies. Bertin Technologies répond aux ques- tions du type : comment reproduire la gestuelle physique sur un écran tactile ? comment intégrer la réalité augmentée, la vision 3D dans un affichage sur le pare-brise d’un cockpit ? Des recherches sont également menées en faveur de l’inté- gration des solutions de reconnaissance vocale. Enfin, l’aviation de luxe et certaines demandes associées gagnent en importance sous l’influence des pays émergents, et notamment d’une frange de population particulièrement aisée. « Ces demandes concernent les équipements à l’inté- rieur de la cabine : ronce de noyer, polymères nouveaux, fonctionnalités originales pour les sièges… Ce segment de marché est en excellente santé économique. Les acteurs positionnés sur ce créneau connaissent des croissances à deux, voire trois chiffres », indique Françoise Preteux. Mais certaines demandes ne sont pour l’instant pas réalisables pour des raisons de complexité physique, « à l'image du souhait récent d'un dirigeant de faire installer un jacuzzi (donc de l'eau à très haute altitude) à bord de son avion présidentiel. » r N°66 z JUIN 2013 IndustrieD E S E N J E U X D E L A R & D À L A CO M P É T I T I V I T É I N D U ST R I E L L E « L’avion du futur sera truffé d’électronique et de numérique. Aurons-nous toujours des pilotes à bord ? Rien n’est moins sûr. » DOSSIER AÉRONAUTIQUE 58 z DOSSIER 59 AÉRONAUTIQUE uuu ©AIRBUSS.A.S