La commercialité est née il y a bien longtemps, elle est intimement liée à celui qui l’a créée par son usage et elle deviendra, bien qu’il l’ignorait à ce moment-là, le liant hydrodynamique des premiers gloussements marchands et des futures accolades du capitalement bien libéral.
Et oui, le premier homme d’affaires a ouvert les yeux au Moyen-Âge, un nomade sans attaches et aux valises bien pleines se baladant de foires en marchés et qui de routes en pagaies se trouva à déclamer devant les peuples des quatre coins de l’Europe. Les actes dits de commerce et les premiers écus circulants ont échantillonné la potion du profit, le profit a enfanté les premières contributions, et les premiers impairs des pères du commercialement parlant ont alors susurré les premières codifications. Colbert s’y pencha, Napoléon se l’appropria, la Ve République n’en dérogea pas.
La commercialité est indispensable à des actions de changement d’usage bien spécifiques, à des actes de commerce bien précis, à des locaux dont la nature de l’activité dépend et à des personnes dont l’activité auditionne la ritournelle de la commercialité.
Elle passe de main en main, elle se vend, elle s’échange, elle se marchande et s’exporte d’arrondissement en arrondissement. L’intérêt de la commercialité est multiple et connecte aujourd’hui tous les toits de la formation tricolore. Mais y a-t-il danger ?
Les interrogations passent par le devenir du logement parisien face à la conquête du tourisme mondial pour la belle capitale, elles courent sur le toit national jusqu’à arpenter les tuiles du toit du monde.
Alors, la préservation des ardoises françaises filtrera-t-elle la liberté de disposer de son chez-soi ou redéfinira-t-elle le principe même de la propriété ? Que penser des nouvelles habitudes des français ? Et que nous réserveront nos politiques à l’heure de la grande économie collaborative ?
6. « Il n’y a personne qui fasse un sacrifice
sans en espérer une compensation.
Tout est une question de marché. »
Cesare Pavese
7. Les lois de cet ouvrage ne sont ni fictives ni fortuites, les articles et
sources existent vraiment, les témoignages sont ceux recueillis par de
grands journaux français ou étrangers ; les traductions, observations
et commentaires sont « non contractuels » bien qu’ils relèvent d’une
citoyenne, parmi des millions de Françaises et de Français, qui se
pose bien des questions sur le logement d’aujourd’hui et de demain.
10. 9
Il était une fois Paris
Capitale de toutes les convoitises, Paris n’a jamais cessé de
rayonner à travers le monde. Et comment ne pas succomber aux
battements de cils de la belle « citadine » qui au XVIIe siècle
avait pour lampe de chevet une simple lanterne ? En passant
les diapositives, Paris a bien changé mais elle a su conserver les
pierres de son histoire. La Lutèce nous a laissé ses arènes, les
bras de Notre-Dame nous enlaçassent inlassablement de son
gothisme rayonnant et les visiteurs sont toujours aussi nombreux
à vouloir atteindre le sommet de la Kapla de fer de notre Gustave
national. À quelques mètres de la rue de Rivoli, la Pyramide du
Louvre fait une cour assidue aux passants, et quand on lève les
yeux, les toits de Paris se souviennent encore d’Haussmann sans
qui Paris ne serait pas Paris.
De l’architecture mais aussi une culture du métissage des
genres, des arts en perpétuel mouvement, de la mode, des
marques charismatiques, de la gastronomie haute couture, un
art de vivre sur mesure, Paris fait toujours bonne impression et
se classe parmi les métropoles mondiales les plus prisées.
Et avec le succès, les courtisans ne sont jamais bien loin. Les
grands investisseurs de ce monde ne sont pas sans ignorer la valeur
du pavé parisien. Les « Ultra High Net Worth Individuals », per-
sonnes dites « de haute valeur », seraient, selon l’étude du cabinet
11. 10
Wealth-X à l’initiative du réseau Barnes International Reality, au
nombre de 3475 à Paris mais aussi les heureux propriétaires d’un
patrimoine estimé à plus de 30 millions de dollars.
Le marché immobilier parisien ne fait pas grise mine, bien au
contraire. Les mètres carrés s’arrachent à prix d’or. La Chambre
des Notaires de Paris confirme la tendance avec de nouveaux
records de prix. En novembre 2017, le prix du m2
devrait monter
d’un cran et dépasser la barre des 9000 euros, soit une hausse
annuelle de près de 9 %.
Le premier trimestre 2017 a vu passé dans ses filets des
ventes qui donnent le tournis en défiant une nouvelle fois
le baromètre immobilier. Thierry Delesalle, notaire à Paris,
témoigne de la frénésie ambiante : « Nous avons identifié une
vente dans le quartier Saint-Germain dans le VIe arrondisse-
ment à 14.850 € le mètre carré, porte Dauphine un apparte-
ment de 117 m2
a été vendu à 20.450 € le mètre carré, dans le
secteur Gros Cailloux dans le VIIe un appartement de 189 m2
a atteint 29.950 € le mètre carré. Et vers la rue de la Roquette
un triplex a été vendu 7.800.000 € ! » (pap.fr, le 30 mai 2017).
Rappelons que la capitale n’a pas connu que des jours de
gloire. Selon l’étude des notaires parisiens, « Trois décennies
d’immobilier à Paris », publié en février 2016, la Babylone au
drapeau tricolore a aussi raté quelques marches par le passé, à
commencer par une dépression des prix de plus de 30 % entre
1990 et 1997 puis, à cheval entre 2008 et 2009, avec la fièvre
jaune du système bancaire international dont les germes ont
contaminé sévèrement le volume des ventes.
Malgré les turbulences cycliques, voyons que Paris ne s’est
jamais démotivé. Sourire aux lèvres, la courbe de prix nargue
toujours et encore les statistiques. En 1990, le prix courant au
mètre carré était de 3420 € et en 2015 de 7980 €/m2
. La ville
lumière peut se réjouir de l’évolution constante du prix de son
mètre carré et le constat est bien sans équivoque. En seulement
12. 11
trente ans, le marché immobilier parisien a été multiplié par
trois.
Si le prix à payer pour un mètre carré à Paris est aujourd’hui
un luxe, qu’en est-il de sa disponibilité ? Quel est l’accès réelle-
ment réservé à nos ménages français ?
La lumière attire certes mais reste réservée à une élite aux reve-
nus confortables puisque seulement 33 % de nos ménages pari-
siens peuvent prétendre à la propriété de leur résidence principale.
Les portes ne s’ouvrent malheureusement pas pour tout le monde.
« 120 000 personnes sont en attente d’un appartement à Paris. Il
est important de préserver le parc existant car on manque de loge-
ments neufs », déplore Ian Brossat, l’adjoint chargé du logement
à la Mairie de Paris (leparisien.fr, le 2 février 2017).
Le marché locatif compte plus de 300 000 logements à Paris
intra-muros et est, sans commune mesure, le plus accessible.
Toutefois, son ouverture demeure limitée. Phénomène gran-
dissant, le nombre de logements disponibles à la vente ou à la
location s’amenuise de jour en jour au profit de la location sai-
sonnière. Phénomène navrant, l’Hôtel de Ville grince des dents
et le parisien « résident » est contraint de plier bagage vers des
hôtes plus accueillants.
En effet, les propriétaires boudent de plus en plus le bail de
location classique pour se tourner radicalement vers la mise en
location meublée touristique. Très rentable, facile et peu contrai-
gnant, les loueurs de meublés saisonniers profitent d’une révo-
lution sociétale sans précédent à laquelle notre réglementation a
dû, bien sûr, s’adapter.
Des droits et des obligations s’imposent mais observons que
la disette de logements classiques, le besoin croissant d’adresses
fiscales en sept cinq, l’inflation du nombre de logements sai-
sonniers ainsi que l’appétence des propriétaires pour – toujours
plus de revenus – rendent l’unité urbaine bien fragile. Paris
va-t-il devenir un dortoir géant pour estivants permanents ? Les
13. 12
prochains mois signeront-ils une refonte complète des Tables de
notre législateur ?
Face aux incertitudes du logement de demain, Paris est aussi
confronté aux attentes de l’immobilier d’entreprise, profession-
nels et sociétés désireuses de toujours plus d’espace.
Les indicateurs du marché des bureaux ne sont pas en berne.
BNP Paribas Real Estate rapporte qu’au premier trimestre 2017
les volumes placés1
pour la capitale hors QCA enregistrent une
hausse de 79 % soit 41 % de plus par rapport à 2016. Mais si
les chiffres semblent satisfaisants, les utilisateurs le sont-ils tout
autant ?
Selon le département Etudes et Recherche CBRE, « la livrai-
son opportune en 2017 d’une dizaine d’immeubles de bureaux
neufs ou restructurés à Paris intra-muros ne semble toutefois
pas répondre aux besoins identifiés des utilisateurs qui ne choi-
siront pas pour autant de se replier systématiquement vers des
zones géographiques périphériques ou des immeubles de bureaux
de seconde main. Cette tension sur l’offre de bureaux de qualité
pourrait contraindre les utilisateurs à un statuquo ou à une réor-
ganisation interne de leur immobilier de bureaux faute d’oppor-
tunité. ». Voyons que les bureaux flambants neufs sont attrayants
certes mais pas forcément calibrés au profil de la demande.
Et, quant à la question de supprimer des mètres carrés habi-
tables pour loger des mètres carrés considérés comme « autres
que de l’habitation », il va sans dire que la préservation d’un
logement responsable conjuguée aux besoins économiques des
français dépendra bien évidemment de l’arbitrage mesuré de nos
politiques.
1. Les volumes placés ou demandes placées correspondent à l’ensemble des transactions à
la location ou à la vente réalisées par les utilisateurs finaux incluant clés en main et comptes
propres. Lorsque ces demandes placées sont présentées en m2
, on parle de volume placé.