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1
L’IMPACT DE LA RÉVOLUTION
DIGITALE SUR LA
PROFESSION D’AVOCAT
Présenté et soutenu par Madame Sarah Vallet de Payraud
sous la direction de Madame Sylvie Brémond Moonkherjee et
Monsieur Florent Pratlong
Mémoire de fin d’étude
Master 2 — Innovation, Management des technologies et entrepreneuriat
Université Paris 1 — Panthéon-Sorbonne
Année universitaire 2017-2018
2
« Le cerveau plein à craquer de machines, pourra -t-il encore garantir l’existence du
mince ruisselet de rêve et d’évasion ? L’homme, d’un pas de somnambule, marche
vers les mines meurtrières, conduit par le chant des inventeurs… »
René Chair, Feuillet d’Hypnos, 1843-1844

3
Je tiens à remercier Kami Haeri du cabinet Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan qui a pris
le temps de me recevoir dans ses locaux. Son expertise et sa vision sur l’avenir de la profession
d’avocat m’ont permis de cerner les enjeux auxquelles est confrontée cette profession.
Je souhaite ensuite remercier Manuel Meneghini et Guillaume Askil du cabinet Lincoln
qui ont pris le temps de répondre à mes questions et m’ont transmis la vision d’avocats
entrepreneurs.
Je dois également remercier Jérôme Giusti du cabinet Metalaw, qui m’a encouragé lors de
mon stage en juin 2017, dans ma démarche de poursuivre mes études dans l’entrepreneuriat et
l’innovation
Enfin, la réalisation de ce mémoire a été possible grâce aux concours de 241 avocats qui se
sont prêtés au jeu en prenant le temps de répondre à l’enquête et ont diffusé mon message sur les
réseaux sociaux. Je les remercie sincèrement.

4
LISTE DES ABRÉVIATIONS
B2B Business to business
B2C Business to consumer
CNB Conseil national des Barreaux
CRM Customer Relationship Management
IA Intelligence artificielle
KPI Key Performance Indicator
RGPD Règlement général sur la protection des données
RIN Règlement intérieur National
RVPA Réseau privé virtuel des avocats
SAAS Software as a Service
SEA Search Engine Advertising
SEO Search engine optimization
TGI Tribunal de grande instance
UX User Experience
5
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES ABRÉVIATIONS 5.............................................................................................
TABLE DES MATIÈRES 6......................................................................................................
INTRODUCTION 10................................................................................................................
PARTIE 1 — LE BOULEVERSEMENT DU MARCHÉ JURIDIQUE PAR LE DIGITAL 15
Chapitre 1 — Les legaltechs créatrices d’un essor concurrentiel 16....................................
Section 1 — L’avènement des legaltechs 16...............................................................................
Section 2 — Le marché concurrentiel des legaltechs 18............................................................
Paragraphe 1 — Les legaltechs au service de la productivité des avocats 19........................
Paragraphe 2 — Les legaltechs au service des justiciables 21...............................................
A — Les legaltechs B2B entre concurrents et apporteurs d’affaires 21...............................
B —Les Legaltechs B2C au service de la démocratisation du droit 24..................................
Chapitre 2 — L’impact des technologies sur le marché du droit 29.....................................
Section 1 — Le bouleversement de la profession d’avocat part l’intelligence artificielle. 29....
Paragraphe 1 : L’opportunité de la justice prédictive 29........................................................
Paragraphe 2 — Les robots avocats 32..................................................................................
A) Les robots comme facteurs de productivité 32.................................................................
B) Les robots comme facteur de concurrence relative 33.......................................................
Section 2 : La Blockchain, une concurrente en attente de reconnaissance légale 35.................
A) Le smart-contract 35.........................................................................................................
B) L’utilisation de la Blockchain comme mode de preuve 36................................................
Chapitre 3 — L’appréhension des changements du marché par les avocats 39..................
6
Section 1 — L’opposition par les armes judiciaires contre les legaltechs 39..............................
Section 2 — La lente transformation digitale des avocats 41.....................................................
Paragraphe 1 : La légitime période de transition entre prises de conscience et mise en
application de la transformation digitale 41............................................................................
Paragraphe 2 : L’adoption d’une nouvelle culture comme vecteur favorable à la
transformation digitale 44......................................................................................................
PARTIE 2 — LA TRANSFORMATION INTERNE DE LA PROFESSION D’AVOCAT 48
Chapitre 1 — Les récentes initiatives d’avocats innovateurs 49...........................................
Section 1 : La naissance des incubateurs crée par les représentants des avocats 49...................
Section 2 : Les avocats entrepreneurs 52....................................................................................
Chapitre 2 — Les nouvelles formes de cabinets d’avocat 55.................................................
Section 1 : Vers des nouveaux modes de facturation 55..............................................................
Paragraphe 1 : L’obsolescence de la facturation au taux horaire 55......................................
Paragraphe 2 : Les méthodes de détermination du prix en fonction des attentes du client56
Paragraphe 3 : Exemple de nouveaux modes de facturation proposés par des avocats 58.....
Section 2 : L’expérience client aux cœurs de la stratégie 59......................................................
Paragraphe 1 : Le renouveau du parcours client 61................................................................
Paragraphe 2 : Illustrations concrètes d’amélioration de l’expérience client 62....................
Section 3 : L’organisation du cabinet en mode agile 64..............................................................
Chapitre 3 — L’assouplissement de l’encadrement de la profession d’avocat au profit
d’une nouvelle stratégie de développement 67........................................................................
Section 1 : L’ouverture profitable de la communication 67.......................................................
Paragraphe 1 : La publicité personnelle et la sollicitation personnalisée comme nouvelle
source d’acquisition client 68.................................................................................................
7
Paragraphe 2 : La publicité par internet et les réseaux sociaux objet d’une réglementation
peu favorable à la transformation digitale 69.........................................................................
Section 2 : Un assouplissement favorable au financement et à l’entrepreneuriat 73..................
Paragraphe 1 : La nécessité de garantir l’indépendance de l’avocat dans l’ouverture des
capitaux 73............................................................................................................................
Paragraphe 2 : Le statut d’avocat entrepreneur facilité par la possibilité d’exercer une
activité commerciale à titre accessoire 76..............................................................................
Section 3 : La dématérialisation des procédures et de l’exercice judiciaire portée le Conseil
national des barreaux 78..............................................................................................................
PARTIE 3 — ANALYSE DE L’ENQUÊTE ET ÉTUDE PROSPECTIVE 80.....................
Chapitre 1 — analyse de l’enquête 81.....................................................................................
Section 1 : Analyse des résultats globaux 81..............................................................................
Paragraphe 1 : L’usage des outils digitaux au profit de la productivité de l’avocat 81..........
Paragraphe 2 : L’appréhension des technologies et des legaltechs 82....................................
Paragraphe 3 : L’utilisation du digital pour le développement du cabinet de l’avocat 86......
Section 2 : Analyse des résultats par typologie 89......................................................................
Paragraphe 1 : En fonction des années d’expérience 89........................................................
Paragraphe 2 : En fonction de la localisation 90....................................................................
Chapitre 2 — Prospective 93....................................................................................................
Section 1 : La bipolarisation de la profession entre cabinet de niche et grande structure 93......
Section 2 : Des technologies de plus en plus puissantes 94........................................................
Section 3 : Des legaltechs omniprésentes 95...............................................................................
CONCLUSION 97.....................................................................................................................
BIBLIOGRAPHIE 98...............................................................................................................
ANNEXES 100...........................................................................................................................
8
9
INTRODUCTION
L’étymologie du mot avocat vient du latin advocatu qui signifie « appelé pour », celui qui
assiste en justice. La mission de l’avocat a évolué au fil des siècles, corrélativement aux évolutions
économiques et sociétales, élargissant son champ de compétence au-delà de la représentation
judiciaire. Aujourd’hui cette profession ancestrale doit faire face à la révolution digitale ou
numérique qui bouleverse la vie quotidienne des individus, des entreprises et de la société en
général. L’expression «  transformation digitale  » a été choisie en référence à la «  révolution
industrielle » du XIXe siècle. Elle représente l’essor des technologies numériques liées à l’internet
et à l’informatique, mais également les changements liés à l’intégration de la technologie digitale
dans la société.
L’évolution corrélative de la profession d’avocat et des changements sociétaux
Avant la transformation digitale la place de l’avocat évolué déjà en corrélation avec les
évolutions que connait la société française. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France n’a
pas de prétention internationale, ses banques sont nationalisées et son industrie majoritairement
familiales. Les avocats exercent en cabinet individuel, leur travail est guidé par l’intuitu personae et
leur clientèle acquise par la réputation locale. L’avocat n’est pas interrogé sur les questions
économiques et financières des entreprises qui sont elles réglées au niveau des chambres
ministérielles.
La diversification du métier d’avocat va apparaitre lorsque la France connait une mutation
profonde de son économie, par son internationalisation, par la privatisation de ses entreprises et par
ses lois écrites à Bruxelles. S’adaptant à l’économie le droit évolue, de nouveaux domaines
émergent, le législateur multiplie maladroitement les initiatives, les contentieux juridiques
s’internationalisent, plaçant l’homme à la robe comme un acteur majeur de la vie économique. Les1
avocats s’associent et la taille des cabinets s’agrandit. Le nombre d’avocats augmente de 50 % en
http://www.karimbitar.org/avocats_france « les avocats et le rôle du droit dans la société française » Olivier1
Debouzy
10
15 ans, passant de 40 000 en 2002 à 60 000 en 2017, corrélativement aux bénéfices générés qui ont
triplé entre 1995 et 2014 (de 1,5 milliard d’euros à 4,4 milliards d’euros).2
La création d’un marché du droit par l’économie numérique
Le numérique accentue de manière inédite cette logique de société marchande en s’attaquant
à tous les secteurs de l’économie, bouleversant les monopoles, les organisations des entreprises et
les habitudes de consommation. De nouveaux entrants sont aujourd’hui capables de prendre en
quelques années la place de leaders mondiaux. Les termes de disruption et uberisation font leur
apparition dans les titres de journaux provoquant la peur de celui qui ne saurait prendre le virage
des nouvelles technologies à temps. Le rythme de création s’accélère comme le résume Klaus
Schwab, fondateur et président exécutif du World Economic Forum « Dans notre monde actuel, ce
n’est pas le gros poisson qui mange le petit, c’est le rapide qui mange le lent ». La course à la
« Startup Nation » invite les États à favoriser l’émergence des nouveaux acteurs qui repensent les
business modèles longtemps inchangés par complaisance de nombre de grands groupes et détenteur
de monopole.
C’est dans ce contexte économique et alors qu’ils sont toujours plus nombreux dans la
profession, que les avocats ont eu la surprise de découvrir la perte de leur monopole longtemps
protégé. Des startups du droit appelé legaltech ont ouvert boutique sur internet, proposant des
services moins couteux et plus rapides. Elles ont décomposé les prestations à faible valeur ajoutée
de l’avocat pour les automatiser et se spécialiser sur un segment du marché juridique délaissé par
les avocats. Les avocats sont confrontés à une nouvelle culture de la rentabilité, du marché et de la
concurrence alors que ces derniers ont longtemps préféré une conception institutionnelle protégée
par des barrières à l’entrée de la profession et une déontologie comme outil de régulation. Cette
nouvelle ère de la marchandisation du droit impose aux avocats de repenser avec souplesse leur
modèle d’affaires, leur déontologie et leur culture.
Les nouveaux modes de consommation influencés par le digital
Rapport d’activité 2015 de la CNBF, p. 472
11
Dans le rapport sur l’Avenir de la profession d’avocat, Kami Haeri relève que la profession
va s’adresser à une société de plus en plus inégalitaire liée à la dégradation des revenus et
l’accentuation des inégalités des rémunérations. Il remarque très justement que « Cet accroissement
des inégalités constitue un élément insuffisamment pris en compte dans la réflexion sur le marché
du droit et sur la nouvelle manière, pour les ménages, de solliciter et de “consommer” les
prestations juridiques. ». En effet, cette révolution numérique a également un impact sur3
l’organisation de nos sociétés, comme l’économiste américain Jeremy Rifkin l’exprime très
justement, nous sommes passés de la propriété à l’âge de l’accès. Internet permet d’accéder à un
nombre infini de connaissances, de Wikipédia au MOOC, il est aisé de trouver une réponse à une
interrogation. Pour preuve, une étude par le site Solulow indique qu’en moyenne 11 200 questions
juridiques sont posées par mois sur internet.
La gratuité d’une majorité de service et plate-forme sur internet a vraisemblablement changé
les habitudes de consommation. L’internaute est plus exigeant et s’offre le loisir de la comparaison
lorsqu’il s’accorde à ouvrir sa bourse. Le consommateur demande un service plus personnalisé, plus
rapide et souhaite vivre une expérience client fluide. Le digital a également habitué les individus à
consommer en plus grande quantité malgré une qualité souvent diminuée. Les legaltechs ont aussi
un impact sur la façon de consommer le droit, elles l’ont rendu plus accessible créant une
alternative aux avocats.
C’est dans ce changement sociétal que l’avocat doit faire évoluer son business model qui
n’est plus adapté à la demande du client. Les honoraires sont jugés trop chers, peu transparents,
l’expérience client n’est pas la priorité de l’avocat, l’organisation interne des cabinets n’a que très
peu évolué, elle manque de souplesse et d’horizontalité. Le marché du droit étant devenu
concurrentiel avec l’avènement des legaltechs, les avocats doivent aujourd’hui passer le cap de la
transformation digitale.
L’immesurable puissance technologique
Rapport sur l’Avenir de la profession d’avocat confié par Monsieur Jean-Jacques Urvoas, Garde des3
Sceaux, Ministre de la Justice à Monsieur Kami Haeri, Avocat au Barreau de Paris
12
Le progrès technologique a connu un développement exponentiel comme l’avait prédit la
Loi de Moore en 1965 . La baisse des coûts de stockage, la puissance de calcul, le Big Data associé4
à l’Intelligence artificielle sont certainement les procédés ayant un impact des plus forts sur tous les
domaines d’activités y compris le droit. Le Big Data représente un ensemble de données important.
Le volume de ces données a permis entre autres le développement de l’intelligence artificielle qui
est définie par le centre de recherche de ressources textuelles et lexicales comme « la recherche de
moyens susceptibles de doter les systèmes informatiques de capacités intellectuelles comparables à
celle des êtres humains ». En d’autres termes, elle tente de reproduire le raisonnement humain, en
analysant les données afin de prendre des décisions en conséquence, elle est également dotée d’une
capacité d’apprentissage.
Les applications de ces technologies au droit sont récentes, mais permettent dores déjà de
leur promettre un bel avenir. Ross, le robot de recherche juridique basé sur la solution Watson
d’IBM a intégré des cabinets américains et plus récemment parisiens. L’IA est aussi appliquée pour
de la prédiction, si l’étape est au test, l’analyse de millions de décisions de justice permettra de
prédire rapidement les chances de gagner un procès ou encore les meilleures options
d’argumentations. La Blockchain, technologie permettant de transmettre l’information de manière
transparente et sécurisée connait elle aussi ses applications au droit. Les Smarts Contracts sont des
contrats qui s’exécutent automatiquement lorsque les conditions sont vérifiées par la chaine de bloc.
Prédire le développement de ces technologies et leur impact sur le métier d’avocat
reviendrait à nier la théorie du cygne noir sur la puissance de l’imprévisible de Nassim Taleb. Le
développement de ces technologies, dépends à la fois de la technique, mais aussi de la finance
puisqu’il découle incontestablement de la volonté et de l’intérêt qu’y prêtent les investisseurs. Nous
pouvons en revanche penser que l’avenir de la profession d’avocat dépendra des technologies qui
pourront devenir soit les actrices de leur disruption, soit les solutions pour répondre aux nouvelles
attentes du marché.
Quels sont les impacts de la digitalisation sur la profession d’avocat
Dans ce contexte économique, sociétal et technologique, la place de l’avocat se voit
bousculée et c’est une profession entière qui doit envisager une mutation sans précédent, certains
Gordon Moore est le co-fondateur d’Intel, en 1965 il expliquait que la puissance des ordinateurs allait4
accroitre de manière exponentielle pendant des années.
13
auteurs vont même jusqu’à faire l’analogie avec la révolution industrielle . Ces enjeux nous5
amènent à nous demander dans quelle mesure la transformation digitale a un impact sur la
profession d’avocat.
Les limites à l’étude de l’impact de la transformation digitale sur les avocats
Les limites que nous rencontrerons lors de la recherche concernent la prospective
technologique, comme évoquée précédemment, mais aussi sociétale, car aujourd’hui nous ne
pouvons affirmer que les individus accepteront de les utiliser et de faire confiance aux technologies
comme le robot avocat. D’autre part, cette étude n’a pas vocation à juger ni la légitimité des
legaltechs face aux avocats ni la qualité des prestations juridiques fournies.
Les facteurs externes et internes de la transformation digitale des avocats
Des facteurs externes à la profession d’avocat ont créé un bouleversement du marché
juridique par le digital (Partie 1). En effet, l’arrivée des legaltechs et le développement de
technologies, ont habitué l’internaute à un nouveau mode de consommation des services juridiques,
créant alors une alternative aux avocats qui appréhendent lentement ce phénomène. La révolution
digitale conduit à des transformations interne de la profession d’avocat (Partie 2), en offrant de
nouvelles perspectives quant à la forme des cabinets, la stratégie à opérer et la manière d’exercer.
L’Analyse de l’enquête et l’étude prospective (Partie 3) nous apporteront un éclairage sur
l’avenir de cette profession ancestrale. 

G. BABINET parle de « révolution anthropologique », G. Babinet, Transformation digitale : l’avènement5
des plateformes : Le Passeur 2016, p. 29 et s
14
PARTIE 1
LA BOULEVERSENT DU MARCHÉ JURIDIQUE
PAR LE DIGITAL
PARTIE 1 — LE BOULEVERSEMENT DU MARCHÉ JURIDIQUE
PAR LE DIGITAL
Le digital a apporté un profond changement structurel du marché du droit, les avocats qui
détenaient un monopole de fait, ont vu leur pratique remise en cause par les legaltechs, créatrices
d’un essor concurrentiel. (Chapitre1). L’impact des technologies sur le marché du droit
(Chapitre 2) ne doit également pas être minimisé, car si ces dernières sont en plein développement,
elles pourraient un jour devenir les actrices de la disruption de la profession. Cette éventualité a
généré une appréhension des changements du marché par les avocats (Chapitre 3) qui aspirent
lentement à passer le cap de la transformation digitale.
15
Chapitre 1 — Les legaltechs créatrices d’un essor concurrentiel
Les legaltechs ont créé un bouleversement dans l’économie du droit en créant de nouveaux
modes de consommation des services juridiques. Les avocats ont toujours nié l’existence d’un
marché du droit jusqu’à l’avènement récent des legaltechs (section 1). Les avocats ayant répondu
au sondage considèrent ces startups comme une faible menace, pourtant ces dernières ont réveillé
l’aspect concurrentiel du marché du droit (section 2) en œuvrant à son accessibilité.
Section 1 — L’avènement des legaltechs
Le mot Legaltech représente l’utilisation des technologies appliquées au droit et permettant
l’automatisation d’un service juridique. Ce terme englobe également les entreprises ou plus
spécifiquement les startups qui mettent la technologie au service du droit. Ben Khenkine, directeur
marketing de Legalstart, le définit comme : « L’industrie des services juridiques digitalisés » . Le6
concept est né dans les années 2000 aux États-Unis et connait aujourd’hui de puissants acteurs tels
que LegalZoom ou encore RocketLawyer. En 2015, l’Université de Standford a ouvert l’incubateur
CodeX dédié à l’innovation dans les services du droit et des technologies. En France, le marché des
legaltechs n’a cessé de croitre de 2013 à 2016. Il y aurait 91 legaltechs inscrites au registre des
commerces en 2017, bien que leur nombre de créations aurait baissé de 40 % par rapport à 2016. Le
phénomène est réel au point qu’un salon leur est dédié depuis maintenant 3 ans.7
Nora Leon « La LegalTech, ou l’industrie du droit dans un monde 2.0 »6
https://www.actualitesdudroit.fr/browse/tech-droit/start-up/10619/infographie-legaltechs-francaises-7
tendances-2017-un-secteur-emergent-en-phase-de-consolidation
16
Les legaltechs proposent des services digitalisés, sous forme de plate-forme. Une plate-
forme est un environnement virtuel, permettant la gestion ou l’utilisation de service. Elle est définie
par le CNUM comme «  un service occupant une fonction d’intermédiaire dans l’accès aux
informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers. Au-delà de sa seule
interface technique, elle organise et hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur
mise en relation aux utilisateurs finaux. À cette caractéristique commune s’ajoute parfois une
dimension écosystémique caractérisée par des relations rentre services convergents » . Les8
technologies utilisées ne sont pas systématiquement des technologies de pointe comme
l’intelligence artificielle ou la Blockchain, les plates-formes se contentent souvent d’algorithmes.
L’avènement des legaltechs va de pair avec la digitalisation de l’économie, le
développement d’internet a offert de nouveaux services à distance, à faciliter la mise en relation des
personnes et dans une certaine mesure a influencé la baisse des coûts. Les logiciels en mode SAAS
« Software as a Service » permettent aux utilisateurs d’accéder à un logiciel via internet sans devoir
le télécharger sur son ordinateur, ni même de payer une licence d’utilisation. Cette technologie a
considérablement joué un rôle dans le phénomène de « plateformisation ». Les legaltechs sont
apparus à une période, où internet a habitué le consommateur à comparer les prix et à profiter de
service gratuit. Alors que les avocats sont peu enclins à indiquer leurs honoraires sur le site internet
de leur cabinet, ce manque de transparence a permis aux legaltechs d’en faire un argument
marketing.
Dans ce même contexte, les legaltechs ont répondu à une demande croissante de prestation
juridique à faible coût. En effet, le rapport sur les professions réglementées de mars 2013, soulève
que 96 % des Français considèrent que les prestations des avocats sont chères . Le phénomène des9
startups en France pourrait également justifier la nécessité de prestations juridiques peu onéreuses.
Entre 2012 et 2015, le nombre de créations de startups aurait augmenté de 30 %. Ces entreprises10
qui démarrent généralement avec peu de trésoreries ont besoin d’actes juridiques tels que les pactes
d’associés, les statuts de la société ou encore les conditions générales de ventes (CGV). Il y a
https://www.usine-digitale.fr/article/au-fait-c-est-quoi-une-plate-forme.N3575098
l’Inspection Générale des Finances - Rapport N° 2012 M 057 03- « Les professions réglementées » Tome9
1, Page 19
Rapport d’activité 2015-2016 de l’Agence du numérique10
17
certainement une corrélation entre l’arrivée des legaltechs en France et le nombre croissant de
startups.
Les avocats ont longtemps nié l’existence d’un marché concurrentiel du droit jusqu’au jour
où les legaltechs ont proposé des produits et services similaires à certaines de leur prestation. Pour
juger l’existence d’un marché et d’une concurrence, il convient de définir ces termes et vérifier leur
application pour les services juridiques. Le marché est défini comme le lieu où se rencontre l’offre
et la demande pour un produit ou service. L’autorité de la concurrence considère que le marché est
concurrentiel dès lors que les offres proposées sont parfaitement substituables permettant au
consommateur d’arbitrer entre les offres en fonction du prix. L’autorité de la concurrence reconnait,
en revanche, qu’il y a peu de marchés sur lesquels il existe une substituabilité parfaite entre produits
ou services, ainsi, le conseil considère « comme substituables et comme se trouvant sur un même
marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les
considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une
même demande  » . Antoine Labaeye applique cette définition au marché du droit « certaines11
demandes des consommateurs de droit (…) peuvent tout aussi bien être satisfaites par une
prestation de conseils juridiques délivrée par un avocat que par une prestation automatisée
proposée par des legal start-up. En effet, si ces dernières ne délivrent pas de conseils juridiques
stricto sensu, elles sont tout de même en mesure de répondre à la demande du consommateur grâce
à la technologie (…). »12
Les startups du droit auraient donc ouvert la porte d’un marché concurrentiel dont il faut
cependant mesurer l’existence pour chaque type de legaltechs afin d’en peser les réels effets sur les
avocats.
Section 2 — Le marché concurrentiel des legaltechs
L’Avènement des legaltechs a un impact différent en fonction de la nature de leur activité. Si
les legaltechs au service de la productivité des avocats (Paragraphe 1) sont favorables à
l’exercice de la profession, les legaltechs au service des justiciables (Paragraphe 2) jouent au
ADLC, Pratique de l’Autorité de la concurrence, La définition des marchés, p. 143.11
« Quelle concurrence entre avocats et legal start-up ? » Antoine Labaeye - Revue pratique de la12
prospective et de l’innovation - revue semestrielle lexisnexis jurisclasseur - mars 2017
18
contraire le double rôle de concurrent et d’apporteur d’affaires. Il ne s’agira pas d’étudier le panel
de legaltech existante, mais de comprendre quel est l’impact de ces dernières sur le marché du droit
et leur potentiel rôle de concurrent face aux avocats.
Paragraphe 1 — Les legaltechs au service de la productivité des avocats
Le marché des services pour avocat a été longtemps oligopolistique. De la recherche
juridique à la gestion de cabinet, les acteurs historiques ont profité de cette position de force pour
proposer des produits chers dont l’expérience utilisateur laisse à désirer.
Concernant la recherche juridique, Dalloz fondé en 1845, LexisNexis fondé en 1907, et
LamyLine du groupe Wolters Kluwer fondé en 1836 se partagent le marché depuis quelques
décennies. Leur base de données regroupe jurisprudences, article de doctrine et textes de loi. Pour
effectuer une recherche, le juriste devait pendant longtemps remplir des barres de recherches avec
un mot et choisir la distance dans la phrase entre les mots. Laborieux et peu efficace, malgré une
base de données conséquente, c’est la venue de la startup doctrine.fr qui a bousculé ces outils. Se
revendiquant comme le « Google du droit », elle offre la possibilité de faire une recherche avec
l’utilisation d’une barre de recherche unique comprenant le « langage naturel ». Utilisant
l’intelligence artificielle, la pertinence des résultats est largement supérieure à ces concurrents
historiques. Doctrine propose une offre simple à 159 € HT par utilisateurs et un tarif personnalisé
pour les grands comptes alors que ses concurrents multiplient les offres et différents packs dont il
est difficile de comprendre leur contenu et de choisir lequel privilégier. La startup mise sur la
simplicité et le caractère intuitif de l’interface et offre une expérience utilisateur réussie.
Les logiciels de gestion de cabinet d’avocat, ont longtemps étaient chers et nécessitaient une
installation sur les équipements informatiques. Les acteurs étaient également peu nombreux, les
plus connus sont Diapaz Avocat et Cecib. Leur utilisation qui était pendant longtemps et encore
aujourd’hui lourde et peu fluide n’est pas adaptée à une profession qui n’a pas le temps de se perdre
dans les méandres d’un tel logiciel. Des legaltechs se sont donc lancées pour faciliter la gestion des
cabinets et notamment faciliter la relation client. À titre d’exemple, Case.One, Jarvis ou encore
Cleasy offre de nombreuses possibilités tel que gérer la relation client, un portail client, la
facturation, la gestion des tâches, le reporting. Ces outils permettent aux avocats de gagner en
productivité en optimisant leurs tâches. Par exemple, Cleasy offre la possibilité au client de déposer
19
sur leur espace personnel les pièces demandées, de discuter en direct avec les avocats via une
dataroom ou encore de demander un rendez-vous. Cette solution donne aux avocats la possibilité
d’améliorer leurs parcours client et apporte une valeur ajoutée non négligeable, car encore peur
d’avocat sont équipé d’un tel espace personnalisé. Cleasy va encore plus loin dans la démarche,
puisque la legaltech propose une gestion complète de la relation client et prospect, l’outil de
pilotage aide les avocats à développer leur clientèle et à optimiser leur taux de conversion.
Dans les secteurs commerciaux, le CRM (logiciel de gestion de la relation client) est
devenu indispensable, 91 % des entreprises de plus de 11 employés utilisent un système CRM
et 50 % des entreprises de moins de 10 personnes. A contrario, seulement 31,1 % des avocats13
déclarent utiliser ce type de logiciel . L’arrivée des legaltechs de gestion de cabinet qui proposent14
des offres accessibles aux collaborateurs développant leur clientèle personnelle et aux petites
structures aura certainement un impact positif sur la transformation digitale des avocats.
D’une autre manière, Easy-case.eu ou VotreBienDevoue.eu proposent aux avocats
d’échanger avec leurs confrères afin de trouver une vacation ou une postulation, en d’autres termes
un remplacement provisoire dans une affaire. Ces applications mobiles peuvent faire gagner un
https://www.nomalys.com/fr/28-statistiques-surprenantes-sur-le-crm-adoption-fonctionnalites-benefices-13
et-mobilite/
Cf Infra Chapitre 1 Partie 314
20
Logiciel Cleasy.io
temps considérable aux avocats en facilitant et accélérant la recherche d’une vacation, elles sont
alors une source indirecte de productivité.
Ce type de legaltech doit être appréhendé par les avocats comme des outils au service de
leur efficacité. Elles sont purement bénéfiques pour la profession et démontrent la nécessité de ne
pas associer systématiquement le chapeau de concurrent aux legaltechs. Ces dernières pourront au
contraire jouer un rôle important dans la transformation digitale des avocats. Plus accessibles
financièrement et plus facile d’utilisation, elles démocratisent des pratiques utilisées dans des
entreprises commerciales. Par exemple, l’utilisation d’un CRM (customer relationship
management) permet à l’avocat de connaitre sa clientèle et donc de mettre en place une stratégie
visant à cibler le même type de prospect. Quant aux outils de productivité, ils permettent aux
avocats de se concentrer sur les tâches ayant une réelle valeur ajoutée.
Paragraphe 2 — Les legaltechs au service des justiciables
Les legaltechs s’adressant au novice du droit, ont digitalisé des services autrefois proposés
uniquement par des avocats. Ces startups proposent un service plus rapide, moins cher et facilement
accessible via l’internet et peuvent être perçus en ce sens comme de vigoureux concurrents des
avocats. La nuance doit être cependant apportée puisque les legaltechs B2B jouent le double rôle
entre concurrent indirect et apporteur d’affaires (A) quant aux Legaltechs B2C, elles jouent un
rôle prépondérant dans la démocratisation du droit (B).
A — Les legaltechs B2B entre concurrents et apporteurs d’affaires
Alors que le gouvernement du Président Macron promet une baisse des impôts sur les
sociétés d’ici à 2022, l’effet de cet engagement n’a pas tardé à se manifester. Pour l’année 2017,
l’INSEE annonce une augmentation de 7 % des entreprises créées par rapport à 2016, ce qui
représente 591 000 sur l’année. C’est sur ce marché en pleine croissance que de nombreuses15
legaltechs ont décidé de s’implanter, l’étude réalisée par le cabinet Day One confirme cette
tendance en affirmant que « le renforcement des start-up auprès d’un public BtoB et l’adaptation
https://www.insee.fr/fr/statistiques/331444415
21
des techniques de machine learning font présager d’un fort développement de ce segment dans les
mois et les années à venir. ».
La plupart d’entre elles proposent un service de création d’acte et de gestion des formalités
liées aux entreprises. Les offres sont nombreuses, notamment de créer rapidement un pacte
d’associé, des statuts de société, des contrats de travail ou encore de prendre en charge les
démarches administratives telles que le dépôt au greffe du dossier, la vérification des documents par
un formaliste, mais aussi l’inscription au registre du commerce. L’automatisation de document
consiste à rendre un document interactif de sorte qu’il évolue en fonction des réponses apportées.
C’est l’algorithme qui modifie, supprime, déplace ou intègre des clauses du contrat au fur et à
mesure. L’expérience pour le client est simple, il répond à des questions ou coche des cases.
Les prix pour ces services sont variables, mais dans l’ensemble très peu élevés, legalacte.fr
propose par exemple des statuts de société à partir de 85 € HT, mais les démarches administratives
restent à la charge du client. Pour une prise en charge complète avec accompagnement d’un avocat,
captaincontrat.com propose des statuts à partir de 390 € HT. Sur le site de LegalStart.fr, les prix16
sont affichés avec une promesse de 80 % d’économie sur les frais juridiques habituels et un code de
réduction est affiché dès la page d’accueil « Pendant le Printemps de la création profitez de -15 %
sur votre création de sociétés ». La startup affiche fièrement ses valeurs « Plus simple, plus rapide,
moins cher. », cette citation est comme un écho aux prestations proposées par les avocats. La
différence est marquante par rapport aux cabinets, ces entreprises mettent en place une stratégie
marketing impactante, jouent sur la différence avec leurs concurrents à la robe noire et sponsorisent
des publicités sur les réseaux sociaux.
Il est important de noter que nombre de ces legaltechs travaillent avec des avocats, soit pour
la relecture des contrats soit pour un service de mise en relation avec ces derniers. Elles adoptent
ainsi un statut ambigu avec les avocats, entre concurrent et apporteur d’affaires. La concurrence est
certaine puisque les prix proposés sont considérablement inférieurs. Pour la rédaction de statut, par
exemple, d’une SARL, un avocat parisien facture entre 1 500 € HT et 2 500 € HT alors que nous
l’avons vu Captain Contrat le propose à 390 € HT. De ce point de vue, nous sommes bien dans une
démarche de disruption, tel que le professeur d’Harvard, Clayton Christensen, le définit « ne sont
http://www.capital.fr/votre-carriere/les-meilleures-plate-formes-juridiques-pour-les-createurs-d-16
entreprise-1018978
22
disruptifs que les nouveaux entrants qui abordent le marché par le bas, et se servent de nouvelles
technologies pour proposer des produits et services moins chers ». 17
Mais comme le relève l’avocate Ève d’Onorio di Méo, une « disruption n’est pourtant pas
forcément destructrice », en effet, si ces nouveaux acteurs bousculent les habitudes d’exercices du
droit, ces dernières se concentrent sur des tâches à très faible valeur ajoutée. Les avocats utilisent
bien souvent des « templates » qu’ils adaptent et personnalisent à chaque client, les startups, elles,
les ont automatisés réduisant le service d’accompagnement et de personnalisation. Cette disruption
permet de démocratiser l’accès au droit, en imposant des coûts qui étaient auparavant pratiqués par
les avocats de manière générale relativement hauts.
Le consommateur des services de création de société ou encore de rédaction d’acte peut
considérer les produits des legaltechs précédemment visés comme un moyen alternatif puisqu’elles
répondent à sa demande, il tranchera alors en fonction du prix. En revanche, le marché visé par ces
sociétés est pour l’essentiel les startups et PME qui ne détiennent que peu de liquidité lors de leur
lancement et qui ne peuvent se permettre de consulter un avocat. Il existe alors une segmentation de
marché et une différence de positionnement que l’on peut traduire sur une courbe.
https://www.village-justice.com/articles/Uberisation-des-avocats-Internet,21989.html17
23
Les legaltechs de création d’actes ont créé une concurrence en proposant un service
substituable, mais dont le positionnement se distingue de celui de l’avocat, puisqu’elles se
différencient tant sur les prix que la personnalisation et l’accompagnement du service. Ce schéma
traduit l’existence d’une concurrence indirecte, c’est-à-dire, que les legaltechs proposant un service
différent, mais répondant au même besoin que celui auquel l’avocat répond.
Cependant, l’objectif de développement des legaltechs est de couvrir un large champ du
marché. Pour y parvenir, elles jouent le rôle d’apporteur d’affaires ou d’intermédiaire en proposant
à leurs clients de consulter l’un des leurs avocats partenaires. Captain Contrat liste dans ses
avantages le suivi par des juristes « Vous êtes suivi et accompagné par un référent unique pour votre
dossier et des avocats spécialisés, accessibles depuis la plate-forme ».18
Il existe également des legaltechs dont la concurrence avec les avocats, spécialisés dans le
conseil, est plus directe, c’est le cas de LexDev qui propose une solution d’automatisation de
contrat sur mesure. Les clients de cette legaltech sont à la fois des avocats, mais aussi des directions
juridiques, des ressources humaines ou encore des experts-comptables. Si elle offre un service aux
avocats, elle les concurrence également. Les directions juridiques, par exemple, vont utiliser ce
service pour automatiser leurs contrats, ce qui pourrait se traduire par une baisse des recours au
conseil de l’avocat ou de manière indirecte imposer à l’avocat l’utilisation de cette technologie pour
négocier des tarifs plus bas.
Les avocats semblent minorer l’impact que pourraient avoir ces legaltechs, l’enquête menée
montre une faible crainte de leur impact sur la profession (cf. infra - partie 3).C’est certainement à
tort, puisque comme nous l’avons vu sur le marché B2B, elles ont créé une dynamique
concurrentielle à la fois directe et indirecte qui ne pourra être compensée uniquement par leur statut
d’apporteur d’affaires. Les legaltechs au service des particuliers sont elles aussi des concurrentes de
première ligne dont l’ambition ne doit pas être négligée.
B —Les Legaltechs B2C au service de la démocratisation du droit
https://www.captaincontrat.com/garanties-engagement-simplification-juridique18
24
Le développement d’internet a permis de rendre accessibles les informations et le savoir
détenu autrefois exclusivement dans les livres ou part les professionnels. Le Professeur Nicolas
Molfessis apporte un regard critique sur la démarche de recherche juridique par l’internaute. Il
qualifie cette nouvelle pratique d’« autojuridication » par analogie avec l’automédication. Il
explique que « ce phénomène se développe sous l’influence de sites spécialisés censés faciliter
l’accès en direct au droit, c’est-à-dire sans la médiation d’un homme de l’art juridique. » . En19
effet, de nombreuses legaltechs se sont implantées sur le marché de l’information juridique.
Le chatbot, justinien.co propose de répondre gratuitement aux questions juridiques des
internautes sous forme de discussion. Le robot n’est qu’à ses prémices et se contente de répondre
aux questions liées aux passagers aériens, au harcèlement et aux accidents autoroutiers. Mais une
fois de plus, cette plate-forme propose la mise en relation avec des professionnels du droit, tels que
des notaires ou des avocats, preuve que certaines legaltechs ne cherchent pas à devenir les
opposants des juristes, mais leur complément ou allié. Être informé de ses droits et rechercher des
informations n’est pas contraire à la consultation d’un avocat. Le caractère de concurrence avec les
sites de simples informations doit être relativité, nous savons qu’il y a en France de nombreux
besoins en droit qui ne sont pas couverts, éduquer et informer le justiciable peut permettre de
révéler un besoin juridique. En d’autres termes, rendre le droit accessible à tous est un moyen de
générer un besoin juridique. En revanche, ces legaltechs vont bousculer l’activité de conseil de
l’avocat, qui sera de moins en moins consulté pour des questions de droit relativement simple dont
ces plateformes peuvent apporter une réponse.
Les avocats détiennent le monopole du prétoire, cependant il existe certaines dérogations
pour lesquelles le justiciable peut se défendre par lui-même. Le tribunal des prud’hommes et le
tribunal d’instance traitent en matière civile, les actions mobilières ou personnelles de moins de
10 000 € et les litiges en matière de crédit à la consommation, ces procédures se déroulent à20 21
l’oral et ne requiert pas l’assistance d’un avocat.
Nicolas Molfessis « Autojuridication » revue La semaine juridique - édition générale - n° 48 - page 2176-19
26 novembre 2012
Article L221-4 code de l’organisation judiciaire20
Article L311-52 code de la consommation21
25
C’est sur cette ouverture que ce sont nichés de nombreuses startups proposant
d’accompagner les personnes dans une procédure judiciaire ou amiable. Justice express indique
rembourser ses clients s’ils n’obtiennent pas gain de cause, cette formule nie complètement la
valeur du droit. Le gain d’une affaire dépend avant tout de la loi applicable et des faits, non de la
simple constitution d’un dossier. De la même manière, DemanderJustice.com propose une
résolution à l’amiable pour 39,90 € TTC et un « pack amiable et judiciaire » pour 89,90 € TTC et
affiche fièrement sur la page d’accueil que « 82 % des plaignants ont obtenu gain de cause depuis
2012 ». La résolution à l’amiable de ces plates-formes n’est autre qu’une mise en demeure avant
saisine du tribunal. Nous pouvons penser que les 82 % des gains de cause obtenue représentent les
issues favorables des mises en demeure. Il est vrai que dans la pratique, une telle lettre dissuade très
souvent le mauvais payeur. Un avocat parisien facture en moyenne de 200 € HT à 800 € HT une
mise en demeure de type « lettre d’avocat ». Cependant, il conseillera dans le même temps son
client quant à ses chances de gagner et sur la suite de la procédure en cas d’inefficacité de la mise
en demeure. Il vérifiera par exemple, la solvabilité de l’entreprise débitrice.
La prestation n’est donc pas la même, mais nous pouvons penser que le client n’est pas non
plus le même, celui qui utilise ce type de plate-forme, n’a pas forcément les moyens de payer un
avocat, n’aurais peut-être pas régler les honoraires de l’avocat, ce qui arrive très fréquemment ou
encore n’aurais tout simplement pas fait appel à un avocat, car comme le souligne le Rapport sur
l’avenir de la profession d’avocat sous la direction de Kami Haeri « on peut raisonnablement
considérer qu’une très grande partie des besoins juridiques ne sont pas couverts par les avocats ni
même par d’autres acteurs économiques du type association de consommateurs, assurance de
protection juridique ». Ces sites viennent concurrencer les cabinets d’avocats, mais seulement dans
une certaine mesure.
Entre les techniques de référencement naturel (SEO) et le référencement payant (SEA), il est
parfois difficile de s’y retrouver et de faire le bon choix. La recherche « avocat paris » nous propose
plus de 75 200 000 résultats, à l’évidence, l’internaute ne va pas consulter tous les sites, mais les
quelques premiers. Les plates-formes de mises en relation avec les avocats, callalawyer.fr par
exemple, proposent via une application mobile de trouver son avocat afin d’obtenir une première
consultation à moindre coût. Cette dernière est proposée au coût de 20 € pour 20 minutes au
téléphone. L’application demande des renseignements auprès de l’internaute à la suite desquels il lui
est proposé une liste de quelques avocats dont les compétences correspondent à la demande du
26
client. Mon-Avocat.fr propose une plate-forme de mise en relation directe. L’internaute indique le
domaine de compétence requis, par exemple « droit du social », la ville souhaitée et peut ensuite
affiner sa recherche en cochant les cases : aides juridictionnelles, paiement en plusieurs fois ou
premier rendez-vous non facturé. Une liste d’avocat lui est proposée avec la possibilité de consulter
la fiche de présentation des avocats et de contacter celui sélectionné. Le business modèle de ces
legaltechs repose sur l’abonnement des avocats afin d’apparaitre dans la base de données du site. Ce
modèle est celui d’apporteur d’affaires et n’a pas le statut de concurrent de l’avocat, bien au
contraire, il s’affirme comme un allié.
Le justiciable qui a besoin d’un conseil ou d’un accompagnement ne peut considérer les
services d’information à l’instar de Justinien comme un moyen alternatif à l’avocat. Il n’y a donc
pas de concurrence malgré que Justinien habitue l’internaute à rechercher l’information d’une
nouvelle manière qui pourrait devenir un jour substituable au conseil de l’avocat. Les sites comme
Demander Justice ou Justice Express peuvent être considérés comme une alternative puisqu’ils
répondent à la demande de conseil et d’accompagnement. Il y a donc une réelle concurrence avec
les avocats, d’autant que ces plateformes habituent le consommateur à une nouvelle manière de
consommer le droit, moins cher, plus rapide, mais standardisé. Néanmoins, nous pouvons relativiser
l’impact immédiat, car ces legaltechs visent, en partie, une population qui n’a pas les moyens de
faire appel à un avocat, pour des litiges au tribunal d’instance dont les montants en jeu sont peu
élevés par rapport prix que couteraient les honoraires d’un avocat.
27
Le marché des legaltechs a donc bouleversé la pratique du droit, l’accès à l’information ou
encore le prix des prestations, créant un environnement de marché compétitif. Si une grande
majorité se positionne comme facilitateur de relation entre l’avocat et l’internaute, leur position de
concurrentes n’est pas à négliger. Elles modifient les habitudes de consommer le droit et leur
développement futur pourrait venir empiéter sur le positionnement de marché des avocats en
proposant par exemple des offres premium, plus personnalisées et avec un accompagnement. Nous
pouvons parler de disruption et de concurrence pour les legaltechs qui proposent un tarif à bas prix
pour des prestations, qui permettaient autrefois, aux avocats de générer de la marge pour un travail
sans grande valeur ajoutée. En revanche, cette concurrence est relative, puisque le public visé n’est
pour le moment pas celui qui consulterait un avocat. Il semblerait que la menace qui pèse sur les
avocats se trouve également dans les technologies telles que l’intelligence artificielle et la
Blockchain.
28
Chapitre 2 — L’impact des technologies sur le marché du droit
En 2017, l’intelligence artificielle (IA) Alpha Go Zero de la société DeepMind (filiale de
Google) a vaincu son prédécesseur en ayant pour seules informations les règles du jeu de go et la
position des pièces sur le plateau. Il est difficile de prédire ce que seront capables de faire les
technologies d’ici à 2050 et même peut-être dans 5 ans. Si seulement 5,4 % des avocats déclarent22
déjà utiliser l’IA dans leur pratique, le bouleversement de la profession d’avocat par
l’intelligence artificielle (Section 1) devrait commencer à montrer ses effets rapidement. Au
contraire, les effets de la Blockchain ne pourront avoir un impact immédiat, car cet outil attractif
est en attente de reconnaissance légale (section 2)
Section 1 — Le bouleversement de la profession d’avocat part l’intelligence artificielle.
L’Intelligence artificielle est définie par la Norme ISO-IEC 2382-28 comme la « capacité
d’une unité fonctionnelle à exécuter des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine
telles que le raisonnement et l’apprentissage  » , en d’autres termes, il s’agit d’une technologie23
dotée de capacité comparable à celle de l’homme, telle que le raisonnement, l’analyse, la
connaissance ou encore l’apprentissage. L’enjeu de l’intelligence artificielle est important : près de
60 milliards de dollars de chiffre d’affaires seront générés par l’IA dans le monde d’ici 2025 selon
des données de statista. Cette technologie bouleverse tous les domaines d’activité, le marché du24
droit n’est pas épargné puisqu’elle est utilisée à des fins de justice prédictive (Paragraphe 1),
mais aussi sous forme de robot au profit de la productivité (paragraphe 2)
Paragraphe 1 : L’opportunité de la justice prédictive
La justice prédictive est définie par le professeur Dondero comme « des instruments
d’analyse de la jurisprudence et des écritures des parties, instruments qui permettraient de prédire
les décisions à venir dans des litiges similaires à ceux analysés » . Cette justice numérique serait25
cf infra enquête Partie 322
Norme ISO/IEC 2382-28 :1995, Technologies de l’information-Partie 28 : Intelligence Artificielle23
https://fr.statista.com/infographie/13385/lintelligence-artificielle-un-marche-qui-vaut-des-milliards/24
Bruno Dondero « Justice prédictive : la fin de l'aléa judiciaire ? » Recueil Dalloz 2017 p.53225
29
capable de prédire les dommages-intérêts alloués ou encore le pourcentage de chance d’obtenir gain
de cause. Il ne s’agira pas de juger le bien-fondé d’une telle pratique, mais d’en questionner les
répercussions qu’elle peut avoir sur le métier d’avocat.
De nombreux facteurs ont contribué au développement de la justice prédictive. D’une part,
les capacités de stockage et de traitement des données ont augmenté considérablement ces dix
dernières années, tout en connaissant une diminution des prix. L’usage du BigData par l’intelligence
artificielle a permis d’amener des progrès considérables de sorte que l’usage du machine Learning
ou du Deep Learning n’est plus uniquement réservé au « pure players » ou aux grands groupes.
D’autre part, le développement de la justice prédictive a été accéléré par l’adoption de la loi pour
une république numérique . L’article 21 de cette loi, modifiant l’article L. 111-13 du code de26
l’organisation judiciaire, impose la mise à disposition, du public, des décisions de justice. Bruno
Dondero parle de « Big Data judiciaire » pour décrire cette masse importante de données qui
représente l’essence même de la justice prédictive. En effet, c’est la combinaison de trois catégories
de données : les données juridiques par exemple la jurisprudence et les textes de loi, les
caractéristiques du litige telles que le type d’entreprise, le profil du demandeur et les éléments de
contexte, tel que les décisions déjà tranchées par le juge chargé du litige.
Plusieurs startups se sont lancés dans le défi des algorithmes prédictifs, Predictice, Case
Law Analytics ou encore MaitreData spécialisé dans le droit social. Il est important de garder en
tête, qu’aujourd’hui aucune plate-forme n’est capable de traiter tous les droits et il n’existe pour le
droit pénal encore aucune application. L’heure n’est pas encore à la généralisation de l’utilisation de
la justice prédictive.
La justice prédictive peut représenter une opportunité importante pour les avocats. Si sa
démocratisation engendre éventuellement une baisse des contentieux, elle aura pour effet contraire
d’augmenter les négociations amiables comme le précise le magistrat Antoine Garapon « La justice
prédictive pousse paradoxalement à transiger notamment lorsque le pronostic n’est pas bon. Il reste
donc une place importante pour l’avocat non plus pour appliquer le droit, mais pour trouver une
solution à l’amiable. » Si les avocats se sont vu octroyer le droit de contresigner des actes, depuis27
Loi Lemaire n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 sur l’Open Data des décisions judiciaires26
Antoine Garapon « Les enjeux de la justice prédictive » La semaine juridique - édition générale- Lexis27
Nexis - N° 1-2 - 9 JANVIER 2017 Page 47
30
la loi pour la modernisation des professions judiciaires ou juridiques de 2011 , cet acte n’a pas28
valeur exécutoire et ne s’applique donc pas aux situations nécessitant l’intervention d’un magistrat.
L’intervention du législateur pour consacrer l’acte authentique d’avocat, serait favorable à ce rôle
d’intermédiation, comme le précise Kami Haeri « L’avocat a vocation à avoir un rôle juridictionnel
de plus en plus important (…) l’avocat a le profil idéal pour adopter des rôles juridictionnels
notamment ceux d’arbitre, de médiateur et de conciliateur. Afin que l’avocat puisse embrasser
pleinement ces fonctions, l’acte authentique d’avocat devrait être consacré comme instrument de
fixation de consensus. »29
L’avocat sera déchargé du travail fastidieux de recherche jurisprudentielle, puisque les
algorithmes lui présenteront les affaires similaires et lui proposeront les arguments qu’il faudra
plaider afin de maximiser les chances de succès. La justice prédictive peut apporter une plus-value
importante pour un cabinet d’avocat. D’une part, il sera possible de conseiller son client sur les
chances de gains et d’établir des stratégies juridiques en fonction des résultats trouvés par
l’algorithme. D’autre part, la possession d’une telle technologie sera source de différenciation et
d’avantage concurrentiel, car tous les cabinets d’avocats ne seront peut-être pas en moyen de se
procurer un tel outil.
En revanche, les outils sont pour le moment commercialisés à destination des professions
juridiques, si les acteurs de la justice prédictive démocratisent leur accès auprès des particuliers,
cela pourrait avoir un impact néfaste pour la profession. Le risque serait que les internautes
consultent les prévisions des algorithmes avant même de consulter un avocat, le Professeur
Molfessis considère « que le particulier va être entretenu dans une illusion de maîtrise de la chose
technique ». Une telle situation serait alors préjudiciable à la fois pour les professionnels du droit,30
mais aussi pour les justiciables. Le Rapport sur l’avenir de la profession d’avocat semble être au
contraire plus optimiste, les auteurs considèrent que la justice prédictive incitera les justiciables à
consulter les avocats. Cependant, ils soulèvent la nécessité pour les avocats de « bien connaître ces
nouveaux instruments prédictifs non pas pour s’en moquer, mais pour être en mesure de les
La loi du 28 mars 2011 dite « de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines28
professions règlementées »
Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis au Ministre de la Justice, février 201729
Nicolas Molfessis « Autojuridication » la semaine juridique - édition générale - Lexis Nexis- - n° 48 - page30
2176 - 26 novembre 2012
31
relativiser et de les critiquer, mais aussi pour en retirer le meilleur. C’est ce qu’attendront leurs « 
néo-clients ».31
La justice prédictive se présente pour le moment comme une opportunité dépendante de la
bonne volonté des acteurs du secteur et de son acceptation par les avocats en revanche,
l’intelligence artificielle appliquée aux robots pourrait au contraire être moins favorable aux robes
noires.
Paragraphe 2 — Les robots avocats
Il existe plusieurs types de robots, le robot humanoïde dont la morphologie rappelle celle de
l’homme, les robots industriels et les robots sous forme de logiciel capable de comprendre le
langage humain, parfois de converser avec l’homme. Le robot avocat fait partie de cette dernière
catégorie et se présente à la fois comme un facteur de productivité (A) et comme un facteur de
concurrence relative (B).
A) Les robots comme facteurs de productivité
Le robot-avocat le plus connu de la place s’appelle ROSS, il a été créé par une startup
canadienne en 2011 et développée avec la technologie Watson d’IBM. Aujourd’hui Ross est capable
d’effectuer des recherches juridiques et d’émettre des hypothèses dans le domaine de la propriété
intellectuelle, du droit social et du droit des entreprises en difficulté. L’intérêt de Ross est qu’il
comprend le langage courant, construit un raisonnement à partir des éléments pertinents récoltés
lors de sa recherche et offre une réponse structurée. En 2016, Ross rejoint l’équipe du cabinet32
parisien Latham & Watkins en phase de test.
Un robot tel que Ross permet aux avocats de gagner en productivité, en ce sens il ne
constitue pas une menace. Le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat encourage même
l’utilisation d’un tel outil « Cela nécessite de revoir la gestion des cabinets, utiliser également
d’autres outils technologiques comme les logiciels, savoir abandonner les petites tâches
chronophages à des robots pour privilégier les tâches à forte valeur ajoutée que seul le client
acceptera pour la suite, ce qui allègera la charge de travail de l’avocat et lui permettra de limiter
Rapport «  les quatre défis de l’avocat français du XXIème siècle » Octobre 2017 Centre de recherche et31
d’étude des avocats (CREA) et Institut des hautes études sur la justice (IHEJ)
https://www.lepetitjuriste.fr/lgj/ross-lintelligence-artificielle-service-avocats/32
32
les horaires de travail aujourd’hui encore trop considérables. ». Il permettra à l’avocat d’alléger
son travail, car il est toujours difficile à un avocat de facturer aux clients toutes les heures de
recherches et ces heures facturées sont très couteuses pour le client.L’utilisation de Ross permettrait
alors d’augmenter le taux de rentabilité horaire et de baisser la facture.
En revanche, les tâches effectuées par Ross sont en partie celles que l’on donne aux jeunes
avocats collaborateurs ou stagiaires. Cette vision est confirmée par une étude menée en 2015 par le
cabinet de conseil américain Altman Weil. 35 % des avocats interrogés considèrent que
l’intelligence artificielle pourrait à terme remplacer les collaborateurs de premières années et 47 %
d’entre eux considèrent qu’elle pourrait remplacer le travail de « paralégal ». Mais Ross ne doit33
pas être perçu comme le concurrent de ces novices, au contraire, les avocats leur délégueront un
travail certainement plus pertinent comme le relève Denis Criton du cabinet Latham & Watkins
« Ce sont principalement les jeunes collaborateurs et les stagiaires qui effectuent les tâches
répétitives et ingrates. Si Ross le fait à leur place, ils pourront se consacrer exclusivement aux
heures de travail à grande valeur ajoutée, les heures qui comptent dans leur carrière ».34
Les robots à destination des avocats ne sont pas encore à un niveau satisfaisant d’autonomie
et de compétence. Leur rôle reste encore minime au sein d’un cabinet, en effet, ils ne sont pas
capables de répondre à une question de manière autonome et se cantonnent à la recherche juridique
ou la rédaction de certain type de contrat. Il est toutefois impossible de prédire leur niveau
d’autonomie dans le temps, mais l’aspect de représentation et d’accompagnement du métier
d’avocat reste encore très loin de la portée des robots.
B) Les robots comme facteur de concurrence relative
D’autres robots avocats ont fait leur apparition. LISA est un robot anglais à destination des
entreprises, il promet l’impartialité dans la négociation et la rédaction de contrat. Lancée en 2017,
l’outil propose pour le moment la rédaction gratuite d’accord de confidentialité (NDA). PETER, est
un robot qui assiste les entrepreneurs dans la gestion administrative de leur entreprise. D’après son
http://www.altmanweil.com//dir_docs/resource/95e9df8e-9551-49da-9e25-2cd868319447_document.pdf33
https://www.lemonde.fr/o21/article/2016/11/29/les-robots-ebranlent-le-monde-des-34
avocats_5039852_5014018.html
33
fondateur, Louison Dumont, un jeune français, il suffit de poser une question à Peter par email pour
recevoir une réponse dans les minutes qui suivent.
Ce type de robot peut en revanche être perçu comme un réel concurrent puisqu’ils
s’attaquent aux marchés des particuliers et non des avocats. Ils sont facilement accessibles sur
internet, s’utilisent 24 h/24 h et pour un prix défiant toute concurrence. Ce robot peut également
prendre la forme d’une discussion, on parlera alors de « chatbot » ou agent conversationnel,
l’utilisateur pose des questions en langage courant et le robot répond en imitant le langage humain.
LEXI est un chatbot en phase de test, lors de son utilisation il prévient qu’il ne faut pas le considérer
comme un conseiller juridique malgré qu’il propose un service de création d’accord de
confidentialité comme son homologue LISA.
La pratique de donner des prénoms aux robots ne les rend pas humains pour autant. Leur
activité est aujourd’hui limitée, de plus, la prestation juridique ne se limite pas à la réalisation d’une
formalité administrative ou de répondre à une simple question. La concurrence existera lorsque les
algorithmes auront évolué et connaitront d’autres domaines. La difficulté que rencontreront les
robots à destination des particuliers n’est autre que leur acceptabilité. En psychologie,
l’acceptabilité consiste en l’anticipation ce qui peut être « individuellement et socialement » toléré
et/ou attendu . Lorsqu’une innovation de rupture arrive sur le marché, les acteurs travaillent sur35
l’acceptabilité de la technologie auprès du public, sans quoi elle ne pourrait être adoptée.
Aujourd’hui, aucune enquête majeure ne nous apporte des informations sur l’acceptabilité des
robots avocats et à ce titre il est important de prendre du recul quant au caractère concurrentiel que
représente le robot avocat aujourd’hui. L’avenir ne peut être certain, en revanche, le big data permet
de fournir une information individualisée en croisant données et métadonnées. L’usage de ces
quantités de données par les robots offrira aux justiciables un service que l’avocat ne peut
physiquement proposer à son client.
L’intelligence artificielle est amenée à bouleverser la pratique du droit par les avocats, au
contraire la Blockchain se présente elle comme un produit que l’avocat pourrait proposer à ses
clients.
http://wacai2012.imag.fr/sites/default/files/users/Carole%20Adam/dubois.pdf35
34
Section 2 : La Blockchain, une concurrente en attente de reconnaissance légale
La Blockchain est une technologie que l’on pourrait comparer à un registre de transactions
sécurisé et sans intermédiaire. Blockchain France la définit comme « une technologie de stockage et
de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de
contrôle » . Sa constitution de chaine lui permet de tenir un registre des transactions et échanges36
effectués par ses utilisateurs. La Blockchain des cryptomonnaies est une Blockchain publique,
ouverte à tous, mais dont l’anonymat des participants est garanti. Dans la Blockchain privée, les
membres de la chaine sont connus et ont été invités à rejoindre la chaine. La technologie connait des
applications pour le droit notamment pour les smart-contract (A) et en termes de preuve (B). Loin
de concurrencer les avocats, elles pourraient au contraire leur être favorables, leur offrant la
possibilité de diversifier leur activité et de proposer de nouveaux services.
A) Le smart-contract
Les smart-contract sont des programmes autonomes qui, une fois démarrés, exécutent
automatiquement des conditions définies au préalable et inscrites dans la Blockchain. En d’autres37
termes, le contrat est exécuté de manière automatique lorsque les conditions inscrites dans la
Blockchain sont vérifiées par cette dernière. Par exemple, si une clause du contrat n’est pas
respectée, la Blockchain considérera la condition non respectée et le contrat sera rompu.
Le smart-contract ne peut être assimilé au contrat civiliste et n’est pas reconnue comme tel
pour le moment. L’article 1128 du Code civil impose 3 conditions essentielles à la validité d’un
contrat, le consentement des parties, leur capacité de contracter et avoir un contenu licite et certain.
Or, il est difficile de vérifier si les conditions imposées par le Code civil, telles que l’identité des
parties et leur consentement, sont respectées. Il est également impossible de modifier un smart-
contrat, ce qui peut-être compliqué si le juge constate par exemple un vice du consentement et
demande l’annulation du contrat. La spécialiste de la Blockchain Primavera de Filipi explique
d’ailleurs qu’« un Smart Contract est un logiciel. Au vu de leur appellation, on a tendance à les
assimiler à des contrats, mais ils n’ont pas en eux-mêmes d’autorité juridique. Lorsqu’un contrat
juridique existe, le Smart Contract n’est qu’une application technique de ce contrat. »38
https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/36
https://blockchainfrance.net/2016/01/28/applications-smart-contracts/37
https://www.usine-digitale.fr/article/les-smart-contract-dans-la-blockchain-quezako.N49420438
35
Les applications des smart-contrats sont néanmoins nombreuses. Par exemple, la startup
etherisc.com propose des services d’assurance-voyage, lorsqu’un vol est annulé ou retardé les
passagers se verront automatiquement remboursés sans avoir à remplir de formulaire. Ce modèle39
est multipliable à l’infinie, on pourrait imaginer le versement des droits d’auteur aux ayants droit à
chaque diffusion ou achat d’une musique.
Dans la pratique juridique, lorsqu’une clause d’un contrat n’est pas respectée par une partie,
la partie lésée doit demander au juge l’obligation d’exécution du contrat ou l’annulation du contrat
en demandant l’exécution de la clause résolutoire pour non-respect des conditions. Le smart-contrat
pourrait avoir pour conséquence de diminuer les contentieux en la matière puisqu’il active
automatique la clause de résolution lorsqu’une condition n’est pas remplie. Antoine Touati et Louis
Larret-Chahine avocats du cabinet Alto, considèrent que ce système pourrait être préjudiciable pour
les juristes en favorisant une désintermédiation des professionnels dans les processus de rédaction et
d’exécution contractuelle. Eric Caprioli, avocat et docteur en droit, propose quant à lui que les40
informaticiens et juristes travaillent ensemble « de sorte que les développements informatiques
respectent les fondements juridiques du droit applicable aux “Smart Contracts” pour en renforcer
la valeur. »
Les applications concrètes des smart-contract sont encore peu nombreuses et la complexité
de leur qualification juridique, nous empêche de les considérer comme une technologie concurrente
des avocats. La donne pourrait en revanche changer avec le temps et pourrait être favorable aux
avocats s’ils s’emparent rapidement de cette technologie.
B) L’utilisation de la Blockchain comme mode de preuve
La preuve est la démonstration de l’existence d’un fait ou d’un acte juridique dans les
formes admises ou requises par la loi . La Blockchain n’est pas reconnue actuellement comme un41
mode de preuve légal, mais son admission par le législateur pourrait être une révolution juridique.
https://start.lesechos.fr/actu-entreprises/technologie-digital/blockchain-5-applications-concretes-et-39
revolutionnaires-7761.php
https://www.village-justice.com/articles/blockchain-une-technologie-passe,22071.html40
Vocabulaire Juridique - Gérard Cornu41
36
La technologie Blockchain permet de garder une trace immuable de certains évènements, en
effet, lorsque l’intégrité d’une transaction est vérifiée, elle est ensuite publiée dans le registre de la
Blockchain. L’information est enregistrée sur tous les nœuds du réseau permettant sa vérification à
tout moment et par tous les membres. La Blockchain permet donc de fournir une preuve
infalsifiable et sécurisée .42
L’utilisation de cette technologie comme mode de preuve pourrait être une révolution dans
le domaine de la propriété intellectuelle, Vincent Fauchoux avocat et cofondateur de la stratup
blockchainyourip souligne le caractère désuet des modes de preuves actuels « Depuis vingt ans, je
fais face à un problème non résolu, récurrent, qui est celui de la preuve de la création. Ce qu’il faut
bien comprendre, c’est qu’en matière de propriété intellectuelle, nous évoluons dans un Moyen Âge
en termes de preuve : les modes de preuve traditionnels ne sont pas toujours suffisants et le brevet
ne protège que l’œuvre achevée. »
En droit français, il n’existe aucune formalité nécessaire pour jouir de la protection du droit
d’auteur, l’œuvre est protégée « du seul fait de sa création » . La complexité survient lorsque la43
paternité de l’œuvre est contestée ou qu’un recours en contrefaçon est mené, dans ce cas il est alors
nécessaire de prouver la date de création de l’œuvre pour prouver son antériorité. L’inscription
d’une œuvre dans la Blockchain permettrait de prouver la date de création de l’œuvre, nous
passerions d’une logique de preuve a posteriori, c’est-à-dire lorsqu’il existe un contentieux à une
logique de preuve a priori, dès la création de l’œuvre.
Ainsi la Blockchain pourrait être utilisée par l’avocat pour fournir un service supplémentaire
à son client, source de valeur ajoutée et de distinction vis-à-vis de ses confrères. L’exemple même
est la legaltech blockchainyourip qui a été cofondée par des avocats et des spécialistes de la
Blockchain. La plate-forme propose l’enregistrement sur la Blockchain à partir de 6,90 € par
ancrage, comprenant un badge de preuve, un certificat de preuve, l’archivage de documents et un
Vincent FAUCHOUX : « En matière de propriété intellectuelle, la blockchain présente l’avantage de42
couvrir toute la zone de l’avant-brevet » Revue Lamy Droit de l'Immatériel, No 143, 1er décembre 2017
Article L111-1 code de la propriété intellectuelle43
37
hébergement sécurisé. L’utilisation du site est intuitive, la page d’accueil du site est un très bon
exemple d’UX design et le service est peu onéreux.44
La limite de la Blockchain comme mode de preuve tient dans sa reconnaissance légale.
Cependant, nous pouvons penser que les juges reconnaîtront dans un avenir proche, les preuves
d’inscription dans la Blockchain comme des preuves simples. Dès lors que cette technologie sera
acceptée dans les tribunaux, l’activité des avocats en sera impactée puisque leurs clients seront en
demande de cette technologie.
Les technologies appliquées au droit sont de dangereuses concurrentes dont il ne faut pas
négliger l’importance future, mais elles peuvent également être des outils performants au service
des avocats si ces derniers adoptent une culture numérique et s’approprient rapidement ces
technologies. 

« L’UX Design est une discipline qui prend en compte et anticipe les attentes et les besoins de l’utilisateur44
pour créer un site web ou une application. L’objectif final est de rendre un site accessible, facile à prendre en
main et surtout efficace. » https://www.creads.fr/blog/tendance-design-graphique/ux-design
38
Chapitre 3 — L’appréhension des changements du marché par
les avocats
La révolution technologique a suscité bien des différends chez les avocats, certains ont
montré leur opposition par les armes judiciaires contre les legaltechs (Section 1) renvoyant une
image d’une profession dépassée par l’évolution que connait l’économie et la société. D’autres ont
vu une opportunité dans l’ouverture d’un marché et les possibilités offertes par les technologies.
Cependant, la transformation digitale des avocats (Section 2) reste lente, notamment à cause d’un
changement culturel indispensable et une phase de transition : la prise de conscience de la
révolution et son application.
Section 1 — L’opposition par les armes judiciaires contre les legaltechs
Certains avocats ont vu d’un mauvais œil l’arrivée des legaltechs, qu’ils nomment
fréquemment de « braconnier du droit » ou « pirate du droit ». La peur de l’uberisation, d’une
concurrence qu’ils considèrent déloyale et d’une pratique du droit qu’ils perçoivent comme
dangereuse, à pousser leurs représentants à prendre les armes qu’ils connaissent le mieux. Les
fondateurs du site Demander Justice se sont vu ironiquement poursuivre devant les tribunaux pour
exercice illégal de la profession d’avocat par le Conseil National des Barreaux (CNB) et L’Ordre
des avocats de Paris. L’affaire est allez jusque devant la Chambre criminelle de la Cour de
Cassation, qui dans un arrêt du 21 mars 2017, affirme qu’il ne s’agit pas d’un exercice illégal de la
profession d’avocat, considérant qu’il « ne saurait constituer l’assistance juridique que peut prêter
un avocat à son client, à défaut de la prestation intellectuelle syllogistique consistant à analyser la
situation de fait qui lui est personnelle, pour y appliquer la règle de droit abstraite
correspondante  » «  Il résulte que les activités litigieuses ne constituent ni des actes de
représentation ni des actes d’assistance ». Les représentants des avocats semblent ne pas vouloir
rester sur cette défaite au pénal, se concentrant maintenant sur la procédure civile en interjetant
appel de la décision du TGI du 11 janvier 2017.
De la même manière, le CNB a poursuivi la société Jurisystem afin de lui interdire la
comparaison et la notation des avocats qu’elle pratique sur son site alexia.fr considérant qu’elle
portait atteinte à l’intérêt collectif de la profession. De nombreux arguments avaient été mis en
39
avant, notamment que le site « faisait un usage prohibé du titre d’avocat pour proposer des services
juridiques, accomplissait des actes de démarchage interdits, se livrait à des pratiques trompeuses et
contrevenait aux règles de la profession prohibant toute mention publicitaire. » . La Cour de45
cassation, dans un arrêt du 11 mai 2017 , statue une nouvelle fois en faveur des legaltechs en46
autorisant la comparaison et la notation des avocats. Elle considère que les tiers ne sont pas tenus
par les règles déontologiques de la profession, mais doivent néanmoins délivrer une information
loyale, claire et transparente au consommateur. Si 62,8 % des avocats se prononcent être contre la
notation des avocats en ligne, certains voient d’un bon œil l’arrivée de telle plate-forme, Maître
Manuel Meneghini en est l’exemple même « Par exemple, beaucoup d’avocats se sont soulevés47
contre la notation en ligne des avocats considérant que c’était contraire à la déontologie. Je suis
plutôt pour, mais il me semble que cela doit être encadré. La notation devrait se faire en fonction
d’une grille bien précise par exemple noter sur 5 l’écoute, la réactivité, la tarification. Comme tout
le monde, les avocats ont besoin de se remettre en question, d’être critiqués pour s’améliorer. »
Les défaites n’ont pour autant pas découragé les représentants des avocats, sur le site de
l’Ordre parisien, il est possible de lire « Le barreau de Paris veille au respect de la règlementation
du droit dans l’intérêt des justiciables et lutte contre les braconniers du droit. L’Ordre des avocats
de Paris s’est doté d’une équipe d’experts dédiée à la traque des pirates du droit. » Cette48
initiative aussi légitime soit elle n’est pas favorable à la profession. Dans un interview du Monde,
Kami Haeri pointe l’impact négatif sur l’image de la profession « Le témoignage répété, dans de
très nombreux colloques, de créateurs de legaltechs qui ont vu certains Ordres interdire leur
développement avant d’obtenir cette autorisation devant la cour d’appel est dévastateur en termes
de réputation. » Les legaltechs ne sont pas fermées à travailler avec les avocats, comme nous49
l’avons vu, la plupart souhaitent jouer un rôle d’apporteur d’affaires et d’intermédiaire. Il serait
intéressant de créer une commission composée d’avocat et de legaltechs afin de travailler ensemble
https://www.village-justice.com/articles/Notation-comparaison-des-avocats-par-des-sites-internet-45
nouveau-business-pour,25007.html
c. cass. 11 mai 2017, n°16-1366946
Interview - Cf Annexe47
http://www.avocatparis.org/nos-engagements/valeurs-et-missions/exercice-illegal/le-barreau-de-paris-48
lutte-contre-les
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/15/les-avocats-frileux-face-au-virage-49
numerique_5079858_4355770.html
40
pour installer un climat de confiance favorable au développement de partenariat. L’avenir est au
numérique, au lieu de le contrer les avocats doivent apprendre à l’apprivoiser.
Section 2 — La lente transformation digitale des avocats
La transformation digitale peut se définir comme l’ensemble des changements liés à
l’intégration des technologies digitales au sein d’une entreprise. Pour Gilles Babinet, cette
révolution n’est qu’à ses prémices et « les entreprises traditionnelles, les institutions publiques et
autres types d’organisations n’ont qu’une très vague compréhension des transformations qu’elles
vont devoir amorcer pour rester dans la course ». Si les avocats semblent avoir pris50
connaissance d’une telle révolution, l’adoption des technologies est une autre étape nous amenant à
penser qu’il existe une légitime période de transition entre prises de conscience et mise en
application de la transformation digitale (Paragraphe 1). Lors de la mise en application, les
avocats ne pourront se satisfaire de l’utilisation d’un outil ou plusieurs outils digitaux, il sera
indispensable de prendre des mesures quant à l’adoption d’une nouvelle culture comme vecteur
favorable à la transformation digitale (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La légitime période de transition entre prises de conscience et mise en
application de la transformation digitale
Nous sommes seulement à l’aube de la transformation digitale complète des entreprises. Le
défi est double pour les avocats, en plus de devoir adopter les codes du numérique ils devront
apprendre les codes du business, car leur profession va tendre vers une commercialisation du
service grâce à l’internet. Christophe Victor et Lydia Babaci-Victor distinguent la prise de
conscience de la révolution digitale et sa mise en application « il y a une grosse différence entre la
prise de conscience de cette révolution et la manière avec laquelle chacun s’y prépare » . À titre51
d’exemple, neuf dirigeants de TPE-PME française sur dix considéraient fin 2015 que la transition
numérique était un enjeu important pour les entreprises françaises, mais ils n’étaient que 59 % à
estimer qu’elle était importante pour leur propre société.
« Transformation digitale : l’avènement des plateformes » Gilles Cabinet - Le Passeur50
« Révolution digitale : transformer la menace en opportunités » Christophe Victor - Lydia Babaci-Victor -51
Edition Eyrolles - Mai 2017
41
De la même manière, la majorité des avocats perçoivent l’intérêt du digital pour leur
profession, ils sont 56,1 % à envisager de créer leur propre solution digitale dans le futur et 46,5 %
pensent qu’ils utiliseront l’intelligence artificielle dans le cadre de leur métier. Le premier constat52
est qu’il y a une majorité faible qui a pris conscience de l’impact qu’aura les technologies sur leur
pratique. Il faut toutefois nuancer ces propos puisque dans une étude menée par le Conseil national
des barreaux en 2017, 93 % des avocats estiment que l’exercice de leur profession s’effectuera à
l’aide d’outils qui changeront la nature et l’organisation de l’activité d’ici à 2030.
Le deuxième constat est qu’il y a une lente adoption des technologies innovantes par les
avocats. En effet, les avocats sont seulement 5,4 % à utiliser l’intelligence artificielle dans leur
pratique, 33,2 % ne savent pas s’ils utiliseront un jour et 14,9 % pensent qu’ils ne l’utiliseront
jamais.53
Le temps de diffusion des technologies et leur mise en place pourraient être expliqués en
partie par Everett Rogers qui distingue des typologies d’utilisateurs dont les comportements
conduisent à une explication des phénomènes d’adoption des technologies. La courbe de diffusion
de l’innovation permet d’illustrer la manière dont les cibles adoptent la technologie, c’est-à-dire de
manière progressive dans le temps. Le point de passage est matérialisé par l’adoption de la
technologie par ceux qui ne sont pas centrés sur l’intérêt technologique, mais sur des solutions
opérantes pour leur activité. Cette courbe pourrait expliquer que seuls 5,4 % des avocats utilisent54
aujourd’hui l’intelligence artificielle ou encore que seulement 30,7 % ont recours aux services des
legaltechs.
Cf Enquête Partie 352
Cf Infra Enquête Partie 353
« la conduite du changement pour et avec les technologies digitales »David Autissier, Kevin J. Johnson,54
Jean-Michel Moutot - I.M.C.F | « Question(s) de management » 2014/3 n° 7 | pages 79 à 89
42
Plusieurs freins peuvent expliquer la lente adoption de l’innovation par les avocats. Dans la
mesure où les legaltechs sont nouvelles, que l’intelligence artificielle ou la Blockchain sont encore
en plein développement, l’avocat peut considérer qu’il existe un risque à utiliser ses produits. Plus
le risque perçu est important, plus l’adoption de l’innovation est lente. Il existe une liste non
exhaustive de types de risques : financier lié au montant des dépenses engagées, fonctionnel lié au
fonctionnement du produit, social lié à la perception des autres, psychologique lorsqu’il existe une
crainte de commettre une erreur, le risque de perdre du temps ou encore le risque d’opportunité
c’est-à-dire le risque de ne pas adopter la meilleure alternative.
Pour Jordan Furlong, l’avocat n’adopterait pas les innovations juridiques, car il risquerait de
ne plus pouvoir facturer autant d’heures à son client. Ce Canadien relève que le business modèle de
nombreux avocats repose sur la facturation à l’heure, or l’innovation permet de gagner du temps,
d’être plus productif, de déléguer des tâches à l’outil digital et a pour conséquence de réduire le
nombre d’heures facturables « Il n’est pas étonnant que l’innovation soit vue comme un fléau au
sein de la plupart des cabinets d’avocats : elle est contraire à la prémisse fondamentale de la
pratique commerciale du cabinet d’avocats. Autant demander à un navire d’innover en perçant des
trous dans sa coque. » Il encourage alors les avocats à changer de business modèle afin de pouvoir55
innover. L’analyse est intéressante, mais elle ne peut expliquer à elle seule la réticence des avocats à
adopter une innovation juridique.
Le manque de confiance envers les nouveaux acteurs pourrait également expliquer cette
réticence, comme nous l’avons vu, les ordres ont d’abord eu une réaction de rejet et une offensive
ce qui a pu élever une méfiance dans la profession. Il y a également la question de la sécurité des
données, les informations détenues par les avocats sont confidentielles et délicates, l’avocat pourrait
engager sa responsabilité en cas de fuites de données, mais aussi sa réputation pourrait être
impactée. Le stockage des données sur un logiciel SAAS peut donc être une source de réticence. Le
risque de perdre du temps peut aussi être envisagé, l’utilisation d’une nouvelle plate-forme demande
un temps de formation et d’adaptation puisqu’elle bouscule l’avocat dans sa manière de travailler, il
va devoir changer ses habitudes. Enfin, il est possible que les avocats ne voient pas l’utilité de ces
innovations dans leur pratique, puisqu’ils réussissent à faire marcher leur cabinet en gardant leurs
anciennes habitudes de travail, ils ne ressentent pas encore la nécessité urgente du changement. Par
http://exeme-avocats.com/2018/06/02/innovation-et-heures-facturables/55
43
exemple, la justice prédictive représente une innovation de rupture, il faut alors créer chez l’avocat
un besoin et une habitude qui n’existaient pas jusqu’alors.
L’adoption des innovations va au fur et à mesure s’accélérer puisque le client de l’avocat va
venir créer ce sentiment d’urgence. Les directions juridiques qui commencent elles-mêmes à utiliser
ces outils vont petit à petit imposer à leurs avocats l’utilisation des technologies afin de faire baisser
les honoraires. Elles refuseront des cabinets une facturation excessive des tâches qui pourraient être
automatisées par exemple. Les justiciables habitués à un nouveau mode de consommation des
services juridiques demanderont des services supplémentaires et digitalisés auxquels l’avocat devra
répondre au risque de voir partir sa clientèle pour un cabinet ayant déjà franchi le pas de la
digitalisation.
Si l’adoption des innovations chez les avocats semble plutôt lente, la mise en application de
la transformation digitale dépendra en partie de la culture des cabinets et de la profession en
général.
Paragraphe 2 : L’adoption d’une nouvelle culture comme vecteur favorable à la
transformation digitale
La profession d’avocat est l’une des professions les plus anciennes, elle est guidée par des
valeurs communes et une déontologie forte partagées par ses pairs qui pour la plupart ont une
conception institutionnelle du métier. Les principes essentiels à son exercice que sont l’honneur, la
loyauté, le désintéressement, la confraternité, la délicatesse, la modération, la courtoisie, la
compétence, le dévouement, la diligence et la prudence, ont guidé les avocats vers une conception
non marchande de leur service et les ont amenés à émettre des réserves culturelles quant à la
reconnaissance d’un marché du droit. Le rapport sur l’avocat du XXIe siècle considère que cette
profession semble être restée « à un stade artisanal, aristocratique et ancien (profession “3A”) » .56
La transformation digitale des avocats implique nécessairement un changement culturel au sein de
la profession et au sein des cabinets.
Rapport «  les quatre défis de l’avocat français du XXIème siècle » Page 28 - Octobre 2017 Centre de56
recherche et d’étude des avocats (CREA) et Institut des hautes études sur la justice (IHEJ)
44
La révolution digitale impacte toute la société et son économie, les avocats ne pourront
lutter indéfiniment contre son impact et une attitude défensive à son égard en dressant des digues
déontologiques n’auront aucun effet positif. Comme le souligne le rapport précédemment cité, si les
avocats ont tendance à « invoquer les valeurs humanistes de leur office » nous pouvons également
les soupçonner « parfois à raison, de dissimuler des intérêts corporatistes ou de véritables rentes et,
plus radicalement, on diffuse l’idée que les nouvelles technologies vont précisément rendre ces
valeurs plus effectives, battant ainsi les professionnels sur leur propre terrain ».
Cette angoisse doit être surmontée et les représentants des avocats doivent favoriser
l’émergence d’une nouvelle culture qui allie à la fois les valeurs déontologiques de l’avocat et à la
fois les valeurs marchandes qu’implique la transformation digitale de la profession. Les avocats
devront s’entendre sur l’attitude qu’il convient d’adopter à l’égard des plateformes et des
technologies afin de conserver la maîtrise de leur activité professionnelle. Mais cette maîtrise ne
pourra être compétitive qu’à la condition d’utiliser les mêmes codes que ses nouveaux concurrents,
c’est-à-dire le marketing, la finance, la communication ou encore la stratégie. Ces pratiques devront
être reconnues par les pairs afin de ne pas être perçues comme contraire à la délicatesse de la
profession. Dès lors que les avocats se seront imprégnés de la culture de l’innovation et du marché
et se seront détachés de la culture ancestrale et institutionnelle qui les renferme sur eux-mêmes,
alors nous pourrons être optimistes quant à l’avenir de la profession.
La diffusion d’une nouvelle culture forte doit également être repensée au sein des cabinets
d’avocats. Brian Chesky, cofondateur de la plateforme Airbnb écrivait à ses collaborateurs une lettre
expliquant l’importance de la culture, pour lui elle est le fondement de toute future innovation et la
45
définit comme la manière commune de faire quelque chose avec passion. La culture est un57
puissant levier pour réussir la stratégie de transformation digitale et d’innovation d’une entreprise,
d’ailleurs, l’une des phrases guide des startups n’est autre que « la culture mange de la stratégie au
petit-déjeuner » . Le schéma ci-dessous illustre bien cette théorie puisque la stratégie découle de la58
culture dans la mise en place d’un plan de transformation digitale.
Actuellement, la culture au sein des cabinets est loin d’être favorable à ces nouveaux
changements, le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat pointe une culture néfaste à
l’innovation « Tout d’abord, la culture prédominante est celle de la censure, de l’autocensure, du
scepticisme et de l’incrédulité. Dans un tel environnement, proposer une nouvelle page de site
internet, voire une nouvelle manière de travailler avec ses clients suscite plus souvent la critique
systématique que l’adhésion enthousiaste. » . Or, l’enjeu de la transformation digitale est avant59
tout culturel, il ne suffira pas d’utiliser un logiciel, de travailler avec une legaltech pour que cela
produise des effets immédiats.
Les cabinets doivent encourager, la culture du partage, de l’écoute, de l’initiative et de la
prise de risque. L’organisation de travail doit également évoluer afin de proposer plus d’autonomie,
le télétravail est un bon exemple et revoir le fonctionnement hiérarchique.
La culture doit être propre à chaque cabinet, elle peut par exemple être la culture de
l’adaptabilité, de la collaboration, être orienté client ou encore orienté résultat. Une culture orientée
sur la satisfaction du client demande de toujours chercher le retour d’expérience du client, de
toujours faire passer les besoins du client en premier. Si elle est intégrée par les collaborateurs alors
ces derniers agiront toujours dans son sens pour chacune de leurs actions, ce qui permet de diminuer
les process et de rendre les collaborateurs plus autonomes.
Enfin, la mise en place de pratique simple peut permettre de faciliter la transition culturelle.
Par exemple, seulement 50 % des fonctionnalités des CRM payés par les entreprises sont
https://medium.com/@bchesky/dont-fuck-up-the-culture-597cde9ee9d457
Culture eats strategy for breakfast58
Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » page 5859
46
effectivement utilisés , dans un cadre où les collaborateurs sont invités à prendre des initiatives60
afin d’améliorer l’expérience client, il est fort probable que le collaborateur cherchera de lui-même
à utiliser le potentiel maximum du logiciel et partagera sa nouvelle connaissance avec le reste de
l’équipe. La culture d’entreprise est donc essentielle afin de rendre l’utilisation du digital efficace.
Un autre exemple est la mise en place de « l’inbox zero », c’est-à-dire mettre en place des règles de
traitement simple d’email afin de ne jamais avoir de mail non traité et une boite mail pleine a
craqué. Cette technique augmente la performance des équipes et rend le digital productif.61
https://www.nomalys.com/fr/28-statistiques-surprenantes-sur-le-crm-adoption-fonctionnalites-benefices-60
et-mobilite/
https://www.maddyness.com/2016/10/05/transformation-digitale-culture-dentreprise/61
47
PARTIE 2
LA TRANSFORMATION INTERNE DE
LA PROFESSION D’AVOCAT
PARTIE 2 — LA TRANSFORMATION INTERNE DE LA PROFESSION D’AVOCAT
La révolution digitale et l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché du droit ont amené
les avocats à repenser leur business model et à envisager de nouvelles formes d’exercice de leurs
professions. Ainsi les récentes initiatives d’avocats innovateurs (Chapitre 1) sont les prémices
d’une profession en pleine mutation, l’avocat devient entrepreneur, et les Barreaux des
accompagnateurs de ce changement. De nouvelles formes de cabinets d’avocat (Chapitre 2) font
leur apparition afin de repenser l’expérience client. Ce renouveau se traduit à la fois par la mise en
place d’une organisation interne plus agile et par des modes de facturation plus transparents. Enfin,
l’assouplissement de l’encadrement de la profession d’avocat au profit d’une nouvelle
stratégie de développement (Chapitre 3) ouvre de nouvelles perspectives à une profession qui
était autrefois étouffée dans un carcan déontologique. 

48
L'impact de la révolution digitale sur la profession d'avocat
L'impact de la révolution digitale sur la profession d'avocat
L'impact de la révolution digitale sur la profession d'avocat
L'impact de la révolution digitale sur la profession d'avocat
L'impact de la révolution digitale sur la profession d'avocat
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L'impact de la révolution digitale sur la profession d'avocat

  • 1. 
 1 L’IMPACT DE LA RÉVOLUTION DIGITALE SUR LA PROFESSION D’AVOCAT Présenté et soutenu par Madame Sarah Vallet de Payraud sous la direction de Madame Sylvie Brémond Moonkherjee et Monsieur Florent Pratlong Mémoire de fin d’étude Master 2 — Innovation, Management des technologies et entrepreneuriat Université Paris 1 — Panthéon-Sorbonne Année universitaire 2017-2018
  • 2. 2
  • 3. « Le cerveau plein à craquer de machines, pourra -t-il encore garantir l’existence du mince ruisselet de rêve et d’évasion ? L’homme, d’un pas de somnambule, marche vers les mines meurtrières, conduit par le chant des inventeurs… » René Chair, Feuillet d’Hypnos, 1843-1844
 3
  • 4. Je tiens à remercier Kami Haeri du cabinet Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan qui a pris le temps de me recevoir dans ses locaux. Son expertise et sa vision sur l’avenir de la profession d’avocat m’ont permis de cerner les enjeux auxquelles est confrontée cette profession. Je souhaite ensuite remercier Manuel Meneghini et Guillaume Askil du cabinet Lincoln qui ont pris le temps de répondre à mes questions et m’ont transmis la vision d’avocats entrepreneurs. Je dois également remercier Jérôme Giusti du cabinet Metalaw, qui m’a encouragé lors de mon stage en juin 2017, dans ma démarche de poursuivre mes études dans l’entrepreneuriat et l’innovation Enfin, la réalisation de ce mémoire a été possible grâce aux concours de 241 avocats qui se sont prêtés au jeu en prenant le temps de répondre à l’enquête et ont diffusé mon message sur les réseaux sociaux. Je les remercie sincèrement.
 4
  • 5. LISTE DES ABRÉVIATIONS B2B Business to business B2C Business to consumer CNB Conseil national des Barreaux CRM Customer Relationship Management IA Intelligence artificielle KPI Key Performance Indicator RGPD Règlement général sur la protection des données RIN Règlement intérieur National RVPA Réseau privé virtuel des avocats SAAS Software as a Service SEA Search Engine Advertising SEO Search engine optimization TGI Tribunal de grande instance UX User Experience 5
  • 6. TABLE DES MATIÈRES LISTE DES ABRÉVIATIONS 5............................................................................................. TABLE DES MATIÈRES 6...................................................................................................... INTRODUCTION 10................................................................................................................ PARTIE 1 — LE BOULEVERSEMENT DU MARCHÉ JURIDIQUE PAR LE DIGITAL 15 Chapitre 1 — Les legaltechs créatrices d’un essor concurrentiel 16.................................... Section 1 — L’avènement des legaltechs 16............................................................................... Section 2 — Le marché concurrentiel des legaltechs 18............................................................ Paragraphe 1 — Les legaltechs au service de la productivité des avocats 19........................ Paragraphe 2 — Les legaltechs au service des justiciables 21............................................... A — Les legaltechs B2B entre concurrents et apporteurs d’affaires 21............................... B —Les Legaltechs B2C au service de la démocratisation du droit 24.................................. Chapitre 2 — L’impact des technologies sur le marché du droit 29..................................... Section 1 — Le bouleversement de la profession d’avocat part l’intelligence artificielle. 29.... Paragraphe 1 : L’opportunité de la justice prédictive 29........................................................ Paragraphe 2 — Les robots avocats 32.................................................................................. A) Les robots comme facteurs de productivité 32................................................................. B) Les robots comme facteur de concurrence relative 33....................................................... Section 2 : La Blockchain, une concurrente en attente de reconnaissance légale 35................. A) Le smart-contract 35......................................................................................................... B) L’utilisation de la Blockchain comme mode de preuve 36................................................ Chapitre 3 — L’appréhension des changements du marché par les avocats 39.................. 6
  • 7. Section 1 — L’opposition par les armes judiciaires contre les legaltechs 39.............................. Section 2 — La lente transformation digitale des avocats 41..................................................... Paragraphe 1 : La légitime période de transition entre prises de conscience et mise en application de la transformation digitale 41............................................................................ Paragraphe 2 : L’adoption d’une nouvelle culture comme vecteur favorable à la transformation digitale 44...................................................................................................... PARTIE 2 — LA TRANSFORMATION INTERNE DE LA PROFESSION D’AVOCAT 48 Chapitre 1 — Les récentes initiatives d’avocats innovateurs 49........................................... Section 1 : La naissance des incubateurs crée par les représentants des avocats 49................... Section 2 : Les avocats entrepreneurs 52.................................................................................... Chapitre 2 — Les nouvelles formes de cabinets d’avocat 55................................................. Section 1 : Vers des nouveaux modes de facturation 55.............................................................. Paragraphe 1 : L’obsolescence de la facturation au taux horaire 55...................................... Paragraphe 2 : Les méthodes de détermination du prix en fonction des attentes du client56 Paragraphe 3 : Exemple de nouveaux modes de facturation proposés par des avocats 58..... Section 2 : L’expérience client aux cœurs de la stratégie 59...................................................... Paragraphe 1 : Le renouveau du parcours client 61................................................................ Paragraphe 2 : Illustrations concrètes d’amélioration de l’expérience client 62.................... Section 3 : L’organisation du cabinet en mode agile 64.............................................................. Chapitre 3 — L’assouplissement de l’encadrement de la profession d’avocat au profit d’une nouvelle stratégie de développement 67........................................................................ Section 1 : L’ouverture profitable de la communication 67....................................................... Paragraphe 1 : La publicité personnelle et la sollicitation personnalisée comme nouvelle source d’acquisition client 68................................................................................................. 7
  • 8. Paragraphe 2 : La publicité par internet et les réseaux sociaux objet d’une réglementation peu favorable à la transformation digitale 69......................................................................... Section 2 : Un assouplissement favorable au financement et à l’entrepreneuriat 73.................. Paragraphe 1 : La nécessité de garantir l’indépendance de l’avocat dans l’ouverture des capitaux 73............................................................................................................................ Paragraphe 2 : Le statut d’avocat entrepreneur facilité par la possibilité d’exercer une activité commerciale à titre accessoire 76.............................................................................. Section 3 : La dématérialisation des procédures et de l’exercice judiciaire portée le Conseil national des barreaux 78.............................................................................................................. PARTIE 3 — ANALYSE DE L’ENQUÊTE ET ÉTUDE PROSPECTIVE 80..................... Chapitre 1 — analyse de l’enquête 81..................................................................................... Section 1 : Analyse des résultats globaux 81.............................................................................. Paragraphe 1 : L’usage des outils digitaux au profit de la productivité de l’avocat 81.......... Paragraphe 2 : L’appréhension des technologies et des legaltechs 82.................................... Paragraphe 3 : L’utilisation du digital pour le développement du cabinet de l’avocat 86...... Section 2 : Analyse des résultats par typologie 89...................................................................... Paragraphe 1 : En fonction des années d’expérience 89........................................................ Paragraphe 2 : En fonction de la localisation 90.................................................................... Chapitre 2 — Prospective 93.................................................................................................... Section 1 : La bipolarisation de la profession entre cabinet de niche et grande structure 93...... Section 2 : Des technologies de plus en plus puissantes 94........................................................ Section 3 : Des legaltechs omniprésentes 95............................................................................... CONCLUSION 97..................................................................................................................... BIBLIOGRAPHIE 98............................................................................................................... ANNEXES 100........................................................................................................................... 8
  • 9. 9
  • 10. INTRODUCTION L’étymologie du mot avocat vient du latin advocatu qui signifie « appelé pour », celui qui assiste en justice. La mission de l’avocat a évolué au fil des siècles, corrélativement aux évolutions économiques et sociétales, élargissant son champ de compétence au-delà de la représentation judiciaire. Aujourd’hui cette profession ancestrale doit faire face à la révolution digitale ou numérique qui bouleverse la vie quotidienne des individus, des entreprises et de la société en général. L’expression «  transformation digitale  » a été choisie en référence à la «  révolution industrielle » du XIXe siècle. Elle représente l’essor des technologies numériques liées à l’internet et à l’informatique, mais également les changements liés à l’intégration de la technologie digitale dans la société. L’évolution corrélative de la profession d’avocat et des changements sociétaux Avant la transformation digitale la place de l’avocat évolué déjà en corrélation avec les évolutions que connait la société française. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France n’a pas de prétention internationale, ses banques sont nationalisées et son industrie majoritairement familiales. Les avocats exercent en cabinet individuel, leur travail est guidé par l’intuitu personae et leur clientèle acquise par la réputation locale. L’avocat n’est pas interrogé sur les questions économiques et financières des entreprises qui sont elles réglées au niveau des chambres ministérielles. La diversification du métier d’avocat va apparaitre lorsque la France connait une mutation profonde de son économie, par son internationalisation, par la privatisation de ses entreprises et par ses lois écrites à Bruxelles. S’adaptant à l’économie le droit évolue, de nouveaux domaines émergent, le législateur multiplie maladroitement les initiatives, les contentieux juridiques s’internationalisent, plaçant l’homme à la robe comme un acteur majeur de la vie économique. Les1 avocats s’associent et la taille des cabinets s’agrandit. Le nombre d’avocats augmente de 50 % en http://www.karimbitar.org/avocats_france « les avocats et le rôle du droit dans la société française » Olivier1 Debouzy 10
  • 11. 15 ans, passant de 40 000 en 2002 à 60 000 en 2017, corrélativement aux bénéfices générés qui ont triplé entre 1995 et 2014 (de 1,5 milliard d’euros à 4,4 milliards d’euros).2 La création d’un marché du droit par l’économie numérique Le numérique accentue de manière inédite cette logique de société marchande en s’attaquant à tous les secteurs de l’économie, bouleversant les monopoles, les organisations des entreprises et les habitudes de consommation. De nouveaux entrants sont aujourd’hui capables de prendre en quelques années la place de leaders mondiaux. Les termes de disruption et uberisation font leur apparition dans les titres de journaux provoquant la peur de celui qui ne saurait prendre le virage des nouvelles technologies à temps. Le rythme de création s’accélère comme le résume Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du World Economic Forum « Dans notre monde actuel, ce n’est pas le gros poisson qui mange le petit, c’est le rapide qui mange le lent ». La course à la « Startup Nation » invite les États à favoriser l’émergence des nouveaux acteurs qui repensent les business modèles longtemps inchangés par complaisance de nombre de grands groupes et détenteur de monopole. C’est dans ce contexte économique et alors qu’ils sont toujours plus nombreux dans la profession, que les avocats ont eu la surprise de découvrir la perte de leur monopole longtemps protégé. Des startups du droit appelé legaltech ont ouvert boutique sur internet, proposant des services moins couteux et plus rapides. Elles ont décomposé les prestations à faible valeur ajoutée de l’avocat pour les automatiser et se spécialiser sur un segment du marché juridique délaissé par les avocats. Les avocats sont confrontés à une nouvelle culture de la rentabilité, du marché et de la concurrence alors que ces derniers ont longtemps préféré une conception institutionnelle protégée par des barrières à l’entrée de la profession et une déontologie comme outil de régulation. Cette nouvelle ère de la marchandisation du droit impose aux avocats de repenser avec souplesse leur modèle d’affaires, leur déontologie et leur culture. Les nouveaux modes de consommation influencés par le digital Rapport d’activité 2015 de la CNBF, p. 472 11
  • 12. Dans le rapport sur l’Avenir de la profession d’avocat, Kami Haeri relève que la profession va s’adresser à une société de plus en plus inégalitaire liée à la dégradation des revenus et l’accentuation des inégalités des rémunérations. Il remarque très justement que « Cet accroissement des inégalités constitue un élément insuffisamment pris en compte dans la réflexion sur le marché du droit et sur la nouvelle manière, pour les ménages, de solliciter et de “consommer” les prestations juridiques. ». En effet, cette révolution numérique a également un impact sur3 l’organisation de nos sociétés, comme l’économiste américain Jeremy Rifkin l’exprime très justement, nous sommes passés de la propriété à l’âge de l’accès. Internet permet d’accéder à un nombre infini de connaissances, de Wikipédia au MOOC, il est aisé de trouver une réponse à une interrogation. Pour preuve, une étude par le site Solulow indique qu’en moyenne 11 200 questions juridiques sont posées par mois sur internet. La gratuité d’une majorité de service et plate-forme sur internet a vraisemblablement changé les habitudes de consommation. L’internaute est plus exigeant et s’offre le loisir de la comparaison lorsqu’il s’accorde à ouvrir sa bourse. Le consommateur demande un service plus personnalisé, plus rapide et souhaite vivre une expérience client fluide. Le digital a également habitué les individus à consommer en plus grande quantité malgré une qualité souvent diminuée. Les legaltechs ont aussi un impact sur la façon de consommer le droit, elles l’ont rendu plus accessible créant une alternative aux avocats. C’est dans ce changement sociétal que l’avocat doit faire évoluer son business model qui n’est plus adapté à la demande du client. Les honoraires sont jugés trop chers, peu transparents, l’expérience client n’est pas la priorité de l’avocat, l’organisation interne des cabinets n’a que très peu évolué, elle manque de souplesse et d’horizontalité. Le marché du droit étant devenu concurrentiel avec l’avènement des legaltechs, les avocats doivent aujourd’hui passer le cap de la transformation digitale. L’immesurable puissance technologique Rapport sur l’Avenir de la profession d’avocat confié par Monsieur Jean-Jacques Urvoas, Garde des3 Sceaux, Ministre de la Justice à Monsieur Kami Haeri, Avocat au Barreau de Paris 12
  • 13. Le progrès technologique a connu un développement exponentiel comme l’avait prédit la Loi de Moore en 1965 . La baisse des coûts de stockage, la puissance de calcul, le Big Data associé4 à l’Intelligence artificielle sont certainement les procédés ayant un impact des plus forts sur tous les domaines d’activités y compris le droit. Le Big Data représente un ensemble de données important. Le volume de ces données a permis entre autres le développement de l’intelligence artificielle qui est définie par le centre de recherche de ressources textuelles et lexicales comme « la recherche de moyens susceptibles de doter les systèmes informatiques de capacités intellectuelles comparables à celle des êtres humains ». En d’autres termes, elle tente de reproduire le raisonnement humain, en analysant les données afin de prendre des décisions en conséquence, elle est également dotée d’une capacité d’apprentissage. Les applications de ces technologies au droit sont récentes, mais permettent dores déjà de leur promettre un bel avenir. Ross, le robot de recherche juridique basé sur la solution Watson d’IBM a intégré des cabinets américains et plus récemment parisiens. L’IA est aussi appliquée pour de la prédiction, si l’étape est au test, l’analyse de millions de décisions de justice permettra de prédire rapidement les chances de gagner un procès ou encore les meilleures options d’argumentations. La Blockchain, technologie permettant de transmettre l’information de manière transparente et sécurisée connait elle aussi ses applications au droit. Les Smarts Contracts sont des contrats qui s’exécutent automatiquement lorsque les conditions sont vérifiées par la chaine de bloc. Prédire le développement de ces technologies et leur impact sur le métier d’avocat reviendrait à nier la théorie du cygne noir sur la puissance de l’imprévisible de Nassim Taleb. Le développement de ces technologies, dépends à la fois de la technique, mais aussi de la finance puisqu’il découle incontestablement de la volonté et de l’intérêt qu’y prêtent les investisseurs. Nous pouvons en revanche penser que l’avenir de la profession d’avocat dépendra des technologies qui pourront devenir soit les actrices de leur disruption, soit les solutions pour répondre aux nouvelles attentes du marché. Quels sont les impacts de la digitalisation sur la profession d’avocat Dans ce contexte économique, sociétal et technologique, la place de l’avocat se voit bousculée et c’est une profession entière qui doit envisager une mutation sans précédent, certains Gordon Moore est le co-fondateur d’Intel, en 1965 il expliquait que la puissance des ordinateurs allait4 accroitre de manière exponentielle pendant des années. 13
  • 14. auteurs vont même jusqu’à faire l’analogie avec la révolution industrielle . Ces enjeux nous5 amènent à nous demander dans quelle mesure la transformation digitale a un impact sur la profession d’avocat. Les limites à l’étude de l’impact de la transformation digitale sur les avocats Les limites que nous rencontrerons lors de la recherche concernent la prospective technologique, comme évoquée précédemment, mais aussi sociétale, car aujourd’hui nous ne pouvons affirmer que les individus accepteront de les utiliser et de faire confiance aux technologies comme le robot avocat. D’autre part, cette étude n’a pas vocation à juger ni la légitimité des legaltechs face aux avocats ni la qualité des prestations juridiques fournies. Les facteurs externes et internes de la transformation digitale des avocats Des facteurs externes à la profession d’avocat ont créé un bouleversement du marché juridique par le digital (Partie 1). En effet, l’arrivée des legaltechs et le développement de technologies, ont habitué l’internaute à un nouveau mode de consommation des services juridiques, créant alors une alternative aux avocats qui appréhendent lentement ce phénomène. La révolution digitale conduit à des transformations interne de la profession d’avocat (Partie 2), en offrant de nouvelles perspectives quant à la forme des cabinets, la stratégie à opérer et la manière d’exercer. L’Analyse de l’enquête et l’étude prospective (Partie 3) nous apporteront un éclairage sur l’avenir de cette profession ancestrale. 
 G. BABINET parle de « révolution anthropologique », G. Babinet, Transformation digitale : l’avènement5 des plateformes : Le Passeur 2016, p. 29 et s 14
  • 15. PARTIE 1 LA BOULEVERSENT DU MARCHÉ JURIDIQUE PAR LE DIGITAL PARTIE 1 — LE BOULEVERSEMENT DU MARCHÉ JURIDIQUE PAR LE DIGITAL Le digital a apporté un profond changement structurel du marché du droit, les avocats qui détenaient un monopole de fait, ont vu leur pratique remise en cause par les legaltechs, créatrices d’un essor concurrentiel. (Chapitre1). L’impact des technologies sur le marché du droit (Chapitre 2) ne doit également pas être minimisé, car si ces dernières sont en plein développement, elles pourraient un jour devenir les actrices de la disruption de la profession. Cette éventualité a généré une appréhension des changements du marché par les avocats (Chapitre 3) qui aspirent lentement à passer le cap de la transformation digitale. 15
  • 16. Chapitre 1 — Les legaltechs créatrices d’un essor concurrentiel Les legaltechs ont créé un bouleversement dans l’économie du droit en créant de nouveaux modes de consommation des services juridiques. Les avocats ont toujours nié l’existence d’un marché du droit jusqu’à l’avènement récent des legaltechs (section 1). Les avocats ayant répondu au sondage considèrent ces startups comme une faible menace, pourtant ces dernières ont réveillé l’aspect concurrentiel du marché du droit (section 2) en œuvrant à son accessibilité. Section 1 — L’avènement des legaltechs Le mot Legaltech représente l’utilisation des technologies appliquées au droit et permettant l’automatisation d’un service juridique. Ce terme englobe également les entreprises ou plus spécifiquement les startups qui mettent la technologie au service du droit. Ben Khenkine, directeur marketing de Legalstart, le définit comme : « L’industrie des services juridiques digitalisés » . Le6 concept est né dans les années 2000 aux États-Unis et connait aujourd’hui de puissants acteurs tels que LegalZoom ou encore RocketLawyer. En 2015, l’Université de Standford a ouvert l’incubateur CodeX dédié à l’innovation dans les services du droit et des technologies. En France, le marché des legaltechs n’a cessé de croitre de 2013 à 2016. Il y aurait 91 legaltechs inscrites au registre des commerces en 2017, bien que leur nombre de créations aurait baissé de 40 % par rapport à 2016. Le phénomène est réel au point qu’un salon leur est dédié depuis maintenant 3 ans.7 Nora Leon « La LegalTech, ou l’industrie du droit dans un monde 2.0 »6 https://www.actualitesdudroit.fr/browse/tech-droit/start-up/10619/infographie-legaltechs-francaises-7 tendances-2017-un-secteur-emergent-en-phase-de-consolidation 16
  • 17. Les legaltechs proposent des services digitalisés, sous forme de plate-forme. Une plate- forme est un environnement virtuel, permettant la gestion ou l’utilisation de service. Elle est définie par le CNUM comme «  un service occupant une fonction d’intermédiaire dans l’accès aux informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers. Au-delà de sa seule interface technique, elle organise et hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux. À cette caractéristique commune s’ajoute parfois une dimension écosystémique caractérisée par des relations rentre services convergents » . Les8 technologies utilisées ne sont pas systématiquement des technologies de pointe comme l’intelligence artificielle ou la Blockchain, les plates-formes se contentent souvent d’algorithmes. L’avènement des legaltechs va de pair avec la digitalisation de l’économie, le développement d’internet a offert de nouveaux services à distance, à faciliter la mise en relation des personnes et dans une certaine mesure a influencé la baisse des coûts. Les logiciels en mode SAAS « Software as a Service » permettent aux utilisateurs d’accéder à un logiciel via internet sans devoir le télécharger sur son ordinateur, ni même de payer une licence d’utilisation. Cette technologie a considérablement joué un rôle dans le phénomène de « plateformisation ». Les legaltechs sont apparus à une période, où internet a habitué le consommateur à comparer les prix et à profiter de service gratuit. Alors que les avocats sont peu enclins à indiquer leurs honoraires sur le site internet de leur cabinet, ce manque de transparence a permis aux legaltechs d’en faire un argument marketing. Dans ce même contexte, les legaltechs ont répondu à une demande croissante de prestation juridique à faible coût. En effet, le rapport sur les professions réglementées de mars 2013, soulève que 96 % des Français considèrent que les prestations des avocats sont chères . Le phénomène des9 startups en France pourrait également justifier la nécessité de prestations juridiques peu onéreuses. Entre 2012 et 2015, le nombre de créations de startups aurait augmenté de 30 %. Ces entreprises10 qui démarrent généralement avec peu de trésoreries ont besoin d’actes juridiques tels que les pactes d’associés, les statuts de la société ou encore les conditions générales de ventes (CGV). Il y a https://www.usine-digitale.fr/article/au-fait-c-est-quoi-une-plate-forme.N3575098 l’Inspection Générale des Finances - Rapport N° 2012 M 057 03- « Les professions réglementées » Tome9 1, Page 19 Rapport d’activité 2015-2016 de l’Agence du numérique10 17
  • 18. certainement une corrélation entre l’arrivée des legaltechs en France et le nombre croissant de startups. Les avocats ont longtemps nié l’existence d’un marché concurrentiel du droit jusqu’au jour où les legaltechs ont proposé des produits et services similaires à certaines de leur prestation. Pour juger l’existence d’un marché et d’une concurrence, il convient de définir ces termes et vérifier leur application pour les services juridiques. Le marché est défini comme le lieu où se rencontre l’offre et la demande pour un produit ou service. L’autorité de la concurrence considère que le marché est concurrentiel dès lors que les offres proposées sont parfaitement substituables permettant au consommateur d’arbitrer entre les offres en fonction du prix. L’autorité de la concurrence reconnait, en revanche, qu’il y a peu de marchés sur lesquels il existe une substituabilité parfaite entre produits ou services, ainsi, le conseil considère « comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande  » . Antoine Labaeye applique cette définition au marché du droit « certaines11 demandes des consommateurs de droit (…) peuvent tout aussi bien être satisfaites par une prestation de conseils juridiques délivrée par un avocat que par une prestation automatisée proposée par des legal start-up. En effet, si ces dernières ne délivrent pas de conseils juridiques stricto sensu, elles sont tout de même en mesure de répondre à la demande du consommateur grâce à la technologie (…). »12 Les startups du droit auraient donc ouvert la porte d’un marché concurrentiel dont il faut cependant mesurer l’existence pour chaque type de legaltechs afin d’en peser les réels effets sur les avocats. Section 2 — Le marché concurrentiel des legaltechs L’Avènement des legaltechs a un impact différent en fonction de la nature de leur activité. Si les legaltechs au service de la productivité des avocats (Paragraphe 1) sont favorables à l’exercice de la profession, les legaltechs au service des justiciables (Paragraphe 2) jouent au ADLC, Pratique de l’Autorité de la concurrence, La définition des marchés, p. 143.11 « Quelle concurrence entre avocats et legal start-up ? » Antoine Labaeye - Revue pratique de la12 prospective et de l’innovation - revue semestrielle lexisnexis jurisclasseur - mars 2017 18
  • 19. contraire le double rôle de concurrent et d’apporteur d’affaires. Il ne s’agira pas d’étudier le panel de legaltech existante, mais de comprendre quel est l’impact de ces dernières sur le marché du droit et leur potentiel rôle de concurrent face aux avocats. Paragraphe 1 — Les legaltechs au service de la productivité des avocats Le marché des services pour avocat a été longtemps oligopolistique. De la recherche juridique à la gestion de cabinet, les acteurs historiques ont profité de cette position de force pour proposer des produits chers dont l’expérience utilisateur laisse à désirer. Concernant la recherche juridique, Dalloz fondé en 1845, LexisNexis fondé en 1907, et LamyLine du groupe Wolters Kluwer fondé en 1836 se partagent le marché depuis quelques décennies. Leur base de données regroupe jurisprudences, article de doctrine et textes de loi. Pour effectuer une recherche, le juriste devait pendant longtemps remplir des barres de recherches avec un mot et choisir la distance dans la phrase entre les mots. Laborieux et peu efficace, malgré une base de données conséquente, c’est la venue de la startup doctrine.fr qui a bousculé ces outils. Se revendiquant comme le « Google du droit », elle offre la possibilité de faire une recherche avec l’utilisation d’une barre de recherche unique comprenant le « langage naturel ». Utilisant l’intelligence artificielle, la pertinence des résultats est largement supérieure à ces concurrents historiques. Doctrine propose une offre simple à 159 € HT par utilisateurs et un tarif personnalisé pour les grands comptes alors que ses concurrents multiplient les offres et différents packs dont il est difficile de comprendre leur contenu et de choisir lequel privilégier. La startup mise sur la simplicité et le caractère intuitif de l’interface et offre une expérience utilisateur réussie. Les logiciels de gestion de cabinet d’avocat, ont longtemps étaient chers et nécessitaient une installation sur les équipements informatiques. Les acteurs étaient également peu nombreux, les plus connus sont Diapaz Avocat et Cecib. Leur utilisation qui était pendant longtemps et encore aujourd’hui lourde et peu fluide n’est pas adaptée à une profession qui n’a pas le temps de se perdre dans les méandres d’un tel logiciel. Des legaltechs se sont donc lancées pour faciliter la gestion des cabinets et notamment faciliter la relation client. À titre d’exemple, Case.One, Jarvis ou encore Cleasy offre de nombreuses possibilités tel que gérer la relation client, un portail client, la facturation, la gestion des tâches, le reporting. Ces outils permettent aux avocats de gagner en productivité en optimisant leurs tâches. Par exemple, Cleasy offre la possibilité au client de déposer 19
  • 20. sur leur espace personnel les pièces demandées, de discuter en direct avec les avocats via une dataroom ou encore de demander un rendez-vous. Cette solution donne aux avocats la possibilité d’améliorer leurs parcours client et apporte une valeur ajoutée non négligeable, car encore peur d’avocat sont équipé d’un tel espace personnalisé. Cleasy va encore plus loin dans la démarche, puisque la legaltech propose une gestion complète de la relation client et prospect, l’outil de pilotage aide les avocats à développer leur clientèle et à optimiser leur taux de conversion. Dans les secteurs commerciaux, le CRM (logiciel de gestion de la relation client) est devenu indispensable, 91 % des entreprises de plus de 11 employés utilisent un système CRM et 50 % des entreprises de moins de 10 personnes. A contrario, seulement 31,1 % des avocats13 déclarent utiliser ce type de logiciel . L’arrivée des legaltechs de gestion de cabinet qui proposent14 des offres accessibles aux collaborateurs développant leur clientèle personnelle et aux petites structures aura certainement un impact positif sur la transformation digitale des avocats. D’une autre manière, Easy-case.eu ou VotreBienDevoue.eu proposent aux avocats d’échanger avec leurs confrères afin de trouver une vacation ou une postulation, en d’autres termes un remplacement provisoire dans une affaire. Ces applications mobiles peuvent faire gagner un https://www.nomalys.com/fr/28-statistiques-surprenantes-sur-le-crm-adoption-fonctionnalites-benefices-13 et-mobilite/ Cf Infra Chapitre 1 Partie 314 20 Logiciel Cleasy.io
  • 21. temps considérable aux avocats en facilitant et accélérant la recherche d’une vacation, elles sont alors une source indirecte de productivité. Ce type de legaltech doit être appréhendé par les avocats comme des outils au service de leur efficacité. Elles sont purement bénéfiques pour la profession et démontrent la nécessité de ne pas associer systématiquement le chapeau de concurrent aux legaltechs. Ces dernières pourront au contraire jouer un rôle important dans la transformation digitale des avocats. Plus accessibles financièrement et plus facile d’utilisation, elles démocratisent des pratiques utilisées dans des entreprises commerciales. Par exemple, l’utilisation d’un CRM (customer relationship management) permet à l’avocat de connaitre sa clientèle et donc de mettre en place une stratégie visant à cibler le même type de prospect. Quant aux outils de productivité, ils permettent aux avocats de se concentrer sur les tâches ayant une réelle valeur ajoutée. Paragraphe 2 — Les legaltechs au service des justiciables Les legaltechs s’adressant au novice du droit, ont digitalisé des services autrefois proposés uniquement par des avocats. Ces startups proposent un service plus rapide, moins cher et facilement accessible via l’internet et peuvent être perçus en ce sens comme de vigoureux concurrents des avocats. La nuance doit être cependant apportée puisque les legaltechs B2B jouent le double rôle entre concurrent indirect et apporteur d’affaires (A) quant aux Legaltechs B2C, elles jouent un rôle prépondérant dans la démocratisation du droit (B). A — Les legaltechs B2B entre concurrents et apporteurs d’affaires Alors que le gouvernement du Président Macron promet une baisse des impôts sur les sociétés d’ici à 2022, l’effet de cet engagement n’a pas tardé à se manifester. Pour l’année 2017, l’INSEE annonce une augmentation de 7 % des entreprises créées par rapport à 2016, ce qui représente 591 000 sur l’année. C’est sur ce marché en pleine croissance que de nombreuses15 legaltechs ont décidé de s’implanter, l’étude réalisée par le cabinet Day One confirme cette tendance en affirmant que « le renforcement des start-up auprès d’un public BtoB et l’adaptation https://www.insee.fr/fr/statistiques/331444415 21
  • 22. des techniques de machine learning font présager d’un fort développement de ce segment dans les mois et les années à venir. ». La plupart d’entre elles proposent un service de création d’acte et de gestion des formalités liées aux entreprises. Les offres sont nombreuses, notamment de créer rapidement un pacte d’associé, des statuts de société, des contrats de travail ou encore de prendre en charge les démarches administratives telles que le dépôt au greffe du dossier, la vérification des documents par un formaliste, mais aussi l’inscription au registre du commerce. L’automatisation de document consiste à rendre un document interactif de sorte qu’il évolue en fonction des réponses apportées. C’est l’algorithme qui modifie, supprime, déplace ou intègre des clauses du contrat au fur et à mesure. L’expérience pour le client est simple, il répond à des questions ou coche des cases. Les prix pour ces services sont variables, mais dans l’ensemble très peu élevés, legalacte.fr propose par exemple des statuts de société à partir de 85 € HT, mais les démarches administratives restent à la charge du client. Pour une prise en charge complète avec accompagnement d’un avocat, captaincontrat.com propose des statuts à partir de 390 € HT. Sur le site de LegalStart.fr, les prix16 sont affichés avec une promesse de 80 % d’économie sur les frais juridiques habituels et un code de réduction est affiché dès la page d’accueil « Pendant le Printemps de la création profitez de -15 % sur votre création de sociétés ». La startup affiche fièrement ses valeurs « Plus simple, plus rapide, moins cher. », cette citation est comme un écho aux prestations proposées par les avocats. La différence est marquante par rapport aux cabinets, ces entreprises mettent en place une stratégie marketing impactante, jouent sur la différence avec leurs concurrents à la robe noire et sponsorisent des publicités sur les réseaux sociaux. Il est important de noter que nombre de ces legaltechs travaillent avec des avocats, soit pour la relecture des contrats soit pour un service de mise en relation avec ces derniers. Elles adoptent ainsi un statut ambigu avec les avocats, entre concurrent et apporteur d’affaires. La concurrence est certaine puisque les prix proposés sont considérablement inférieurs. Pour la rédaction de statut, par exemple, d’une SARL, un avocat parisien facture entre 1 500 € HT et 2 500 € HT alors que nous l’avons vu Captain Contrat le propose à 390 € HT. De ce point de vue, nous sommes bien dans une démarche de disruption, tel que le professeur d’Harvard, Clayton Christensen, le définit « ne sont http://www.capital.fr/votre-carriere/les-meilleures-plate-formes-juridiques-pour-les-createurs-d-16 entreprise-1018978 22
  • 23. disruptifs que les nouveaux entrants qui abordent le marché par le bas, et se servent de nouvelles technologies pour proposer des produits et services moins chers ». 17 Mais comme le relève l’avocate Ève d’Onorio di Méo, une « disruption n’est pourtant pas forcément destructrice », en effet, si ces nouveaux acteurs bousculent les habitudes d’exercices du droit, ces dernières se concentrent sur des tâches à très faible valeur ajoutée. Les avocats utilisent bien souvent des « templates » qu’ils adaptent et personnalisent à chaque client, les startups, elles, les ont automatisés réduisant le service d’accompagnement et de personnalisation. Cette disruption permet de démocratiser l’accès au droit, en imposant des coûts qui étaient auparavant pratiqués par les avocats de manière générale relativement hauts. Le consommateur des services de création de société ou encore de rédaction d’acte peut considérer les produits des legaltechs précédemment visés comme un moyen alternatif puisqu’elles répondent à sa demande, il tranchera alors en fonction du prix. En revanche, le marché visé par ces sociétés est pour l’essentiel les startups et PME qui ne détiennent que peu de liquidité lors de leur lancement et qui ne peuvent se permettre de consulter un avocat. Il existe alors une segmentation de marché et une différence de positionnement que l’on peut traduire sur une courbe. https://www.village-justice.com/articles/Uberisation-des-avocats-Internet,21989.html17 23
  • 24. Les legaltechs de création d’actes ont créé une concurrence en proposant un service substituable, mais dont le positionnement se distingue de celui de l’avocat, puisqu’elles se différencient tant sur les prix que la personnalisation et l’accompagnement du service. Ce schéma traduit l’existence d’une concurrence indirecte, c’est-à-dire, que les legaltechs proposant un service différent, mais répondant au même besoin que celui auquel l’avocat répond. Cependant, l’objectif de développement des legaltechs est de couvrir un large champ du marché. Pour y parvenir, elles jouent le rôle d’apporteur d’affaires ou d’intermédiaire en proposant à leurs clients de consulter l’un des leurs avocats partenaires. Captain Contrat liste dans ses avantages le suivi par des juristes « Vous êtes suivi et accompagné par un référent unique pour votre dossier et des avocats spécialisés, accessibles depuis la plate-forme ».18 Il existe également des legaltechs dont la concurrence avec les avocats, spécialisés dans le conseil, est plus directe, c’est le cas de LexDev qui propose une solution d’automatisation de contrat sur mesure. Les clients de cette legaltech sont à la fois des avocats, mais aussi des directions juridiques, des ressources humaines ou encore des experts-comptables. Si elle offre un service aux avocats, elle les concurrence également. Les directions juridiques, par exemple, vont utiliser ce service pour automatiser leurs contrats, ce qui pourrait se traduire par une baisse des recours au conseil de l’avocat ou de manière indirecte imposer à l’avocat l’utilisation de cette technologie pour négocier des tarifs plus bas. Les avocats semblent minorer l’impact que pourraient avoir ces legaltechs, l’enquête menée montre une faible crainte de leur impact sur la profession (cf. infra - partie 3).C’est certainement à tort, puisque comme nous l’avons vu sur le marché B2B, elles ont créé une dynamique concurrentielle à la fois directe et indirecte qui ne pourra être compensée uniquement par leur statut d’apporteur d’affaires. Les legaltechs au service des particuliers sont elles aussi des concurrentes de première ligne dont l’ambition ne doit pas être négligée. B —Les Legaltechs B2C au service de la démocratisation du droit https://www.captaincontrat.com/garanties-engagement-simplification-juridique18 24
  • 25. Le développement d’internet a permis de rendre accessibles les informations et le savoir détenu autrefois exclusivement dans les livres ou part les professionnels. Le Professeur Nicolas Molfessis apporte un regard critique sur la démarche de recherche juridique par l’internaute. Il qualifie cette nouvelle pratique d’« autojuridication » par analogie avec l’automédication. Il explique que « ce phénomène se développe sous l’influence de sites spécialisés censés faciliter l’accès en direct au droit, c’est-à-dire sans la médiation d’un homme de l’art juridique. » . En19 effet, de nombreuses legaltechs se sont implantées sur le marché de l’information juridique. Le chatbot, justinien.co propose de répondre gratuitement aux questions juridiques des internautes sous forme de discussion. Le robot n’est qu’à ses prémices et se contente de répondre aux questions liées aux passagers aériens, au harcèlement et aux accidents autoroutiers. Mais une fois de plus, cette plate-forme propose la mise en relation avec des professionnels du droit, tels que des notaires ou des avocats, preuve que certaines legaltechs ne cherchent pas à devenir les opposants des juristes, mais leur complément ou allié. Être informé de ses droits et rechercher des informations n’est pas contraire à la consultation d’un avocat. Le caractère de concurrence avec les sites de simples informations doit être relativité, nous savons qu’il y a en France de nombreux besoins en droit qui ne sont pas couverts, éduquer et informer le justiciable peut permettre de révéler un besoin juridique. En d’autres termes, rendre le droit accessible à tous est un moyen de générer un besoin juridique. En revanche, ces legaltechs vont bousculer l’activité de conseil de l’avocat, qui sera de moins en moins consulté pour des questions de droit relativement simple dont ces plateformes peuvent apporter une réponse. Les avocats détiennent le monopole du prétoire, cependant il existe certaines dérogations pour lesquelles le justiciable peut se défendre par lui-même. Le tribunal des prud’hommes et le tribunal d’instance traitent en matière civile, les actions mobilières ou personnelles de moins de 10 000 € et les litiges en matière de crédit à la consommation, ces procédures se déroulent à20 21 l’oral et ne requiert pas l’assistance d’un avocat. Nicolas Molfessis « Autojuridication » revue La semaine juridique - édition générale - n° 48 - page 2176-19 26 novembre 2012 Article L221-4 code de l’organisation judiciaire20 Article L311-52 code de la consommation21 25
  • 26. C’est sur cette ouverture que ce sont nichés de nombreuses startups proposant d’accompagner les personnes dans une procédure judiciaire ou amiable. Justice express indique rembourser ses clients s’ils n’obtiennent pas gain de cause, cette formule nie complètement la valeur du droit. Le gain d’une affaire dépend avant tout de la loi applicable et des faits, non de la simple constitution d’un dossier. De la même manière, DemanderJustice.com propose une résolution à l’amiable pour 39,90 € TTC et un « pack amiable et judiciaire » pour 89,90 € TTC et affiche fièrement sur la page d’accueil que « 82 % des plaignants ont obtenu gain de cause depuis 2012 ». La résolution à l’amiable de ces plates-formes n’est autre qu’une mise en demeure avant saisine du tribunal. Nous pouvons penser que les 82 % des gains de cause obtenue représentent les issues favorables des mises en demeure. Il est vrai que dans la pratique, une telle lettre dissuade très souvent le mauvais payeur. Un avocat parisien facture en moyenne de 200 € HT à 800 € HT une mise en demeure de type « lettre d’avocat ». Cependant, il conseillera dans le même temps son client quant à ses chances de gagner et sur la suite de la procédure en cas d’inefficacité de la mise en demeure. Il vérifiera par exemple, la solvabilité de l’entreprise débitrice. La prestation n’est donc pas la même, mais nous pouvons penser que le client n’est pas non plus le même, celui qui utilise ce type de plate-forme, n’a pas forcément les moyens de payer un avocat, n’aurais peut-être pas régler les honoraires de l’avocat, ce qui arrive très fréquemment ou encore n’aurais tout simplement pas fait appel à un avocat, car comme le souligne le Rapport sur l’avenir de la profession d’avocat sous la direction de Kami Haeri « on peut raisonnablement considérer qu’une très grande partie des besoins juridiques ne sont pas couverts par les avocats ni même par d’autres acteurs économiques du type association de consommateurs, assurance de protection juridique ». Ces sites viennent concurrencer les cabinets d’avocats, mais seulement dans une certaine mesure. Entre les techniques de référencement naturel (SEO) et le référencement payant (SEA), il est parfois difficile de s’y retrouver et de faire le bon choix. La recherche « avocat paris » nous propose plus de 75 200 000 résultats, à l’évidence, l’internaute ne va pas consulter tous les sites, mais les quelques premiers. Les plates-formes de mises en relation avec les avocats, callalawyer.fr par exemple, proposent via une application mobile de trouver son avocat afin d’obtenir une première consultation à moindre coût. Cette dernière est proposée au coût de 20 € pour 20 minutes au téléphone. L’application demande des renseignements auprès de l’internaute à la suite desquels il lui est proposé une liste de quelques avocats dont les compétences correspondent à la demande du 26
  • 27. client. Mon-Avocat.fr propose une plate-forme de mise en relation directe. L’internaute indique le domaine de compétence requis, par exemple « droit du social », la ville souhaitée et peut ensuite affiner sa recherche en cochant les cases : aides juridictionnelles, paiement en plusieurs fois ou premier rendez-vous non facturé. Une liste d’avocat lui est proposée avec la possibilité de consulter la fiche de présentation des avocats et de contacter celui sélectionné. Le business modèle de ces legaltechs repose sur l’abonnement des avocats afin d’apparaitre dans la base de données du site. Ce modèle est celui d’apporteur d’affaires et n’a pas le statut de concurrent de l’avocat, bien au contraire, il s’affirme comme un allié. Le justiciable qui a besoin d’un conseil ou d’un accompagnement ne peut considérer les services d’information à l’instar de Justinien comme un moyen alternatif à l’avocat. Il n’y a donc pas de concurrence malgré que Justinien habitue l’internaute à rechercher l’information d’une nouvelle manière qui pourrait devenir un jour substituable au conseil de l’avocat. Les sites comme Demander Justice ou Justice Express peuvent être considérés comme une alternative puisqu’ils répondent à la demande de conseil et d’accompagnement. Il y a donc une réelle concurrence avec les avocats, d’autant que ces plateformes habituent le consommateur à une nouvelle manière de consommer le droit, moins cher, plus rapide, mais standardisé. Néanmoins, nous pouvons relativiser l’impact immédiat, car ces legaltechs visent, en partie, une population qui n’a pas les moyens de faire appel à un avocat, pour des litiges au tribunal d’instance dont les montants en jeu sont peu élevés par rapport prix que couteraient les honoraires d’un avocat. 27
  • 28. Le marché des legaltechs a donc bouleversé la pratique du droit, l’accès à l’information ou encore le prix des prestations, créant un environnement de marché compétitif. Si une grande majorité se positionne comme facilitateur de relation entre l’avocat et l’internaute, leur position de concurrentes n’est pas à négliger. Elles modifient les habitudes de consommer le droit et leur développement futur pourrait venir empiéter sur le positionnement de marché des avocats en proposant par exemple des offres premium, plus personnalisées et avec un accompagnement. Nous pouvons parler de disruption et de concurrence pour les legaltechs qui proposent un tarif à bas prix pour des prestations, qui permettaient autrefois, aux avocats de générer de la marge pour un travail sans grande valeur ajoutée. En revanche, cette concurrence est relative, puisque le public visé n’est pour le moment pas celui qui consulterait un avocat. Il semblerait que la menace qui pèse sur les avocats se trouve également dans les technologies telles que l’intelligence artificielle et la Blockchain. 28
  • 29. Chapitre 2 — L’impact des technologies sur le marché du droit En 2017, l’intelligence artificielle (IA) Alpha Go Zero de la société DeepMind (filiale de Google) a vaincu son prédécesseur en ayant pour seules informations les règles du jeu de go et la position des pièces sur le plateau. Il est difficile de prédire ce que seront capables de faire les technologies d’ici à 2050 et même peut-être dans 5 ans. Si seulement 5,4 % des avocats déclarent22 déjà utiliser l’IA dans leur pratique, le bouleversement de la profession d’avocat par l’intelligence artificielle (Section 1) devrait commencer à montrer ses effets rapidement. Au contraire, les effets de la Blockchain ne pourront avoir un impact immédiat, car cet outil attractif est en attente de reconnaissance légale (section 2) Section 1 — Le bouleversement de la profession d’avocat part l’intelligence artificielle. L’Intelligence artificielle est définie par la Norme ISO-IEC 2382-28 comme la « capacité d’une unité fonctionnelle à exécuter des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine telles que le raisonnement et l’apprentissage  » , en d’autres termes, il s’agit d’une technologie23 dotée de capacité comparable à celle de l’homme, telle que le raisonnement, l’analyse, la connaissance ou encore l’apprentissage. L’enjeu de l’intelligence artificielle est important : près de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires seront générés par l’IA dans le monde d’ici 2025 selon des données de statista. Cette technologie bouleverse tous les domaines d’activité, le marché du24 droit n’est pas épargné puisqu’elle est utilisée à des fins de justice prédictive (Paragraphe 1), mais aussi sous forme de robot au profit de la productivité (paragraphe 2) Paragraphe 1 : L’opportunité de la justice prédictive La justice prédictive est définie par le professeur Dondero comme « des instruments d’analyse de la jurisprudence et des écritures des parties, instruments qui permettraient de prédire les décisions à venir dans des litiges similaires à ceux analysés » . Cette justice numérique serait25 cf infra enquête Partie 322 Norme ISO/IEC 2382-28 :1995, Technologies de l’information-Partie 28 : Intelligence Artificielle23 https://fr.statista.com/infographie/13385/lintelligence-artificielle-un-marche-qui-vaut-des-milliards/24 Bruno Dondero « Justice prédictive : la fin de l'aléa judiciaire ? » Recueil Dalloz 2017 p.53225 29
  • 30. capable de prédire les dommages-intérêts alloués ou encore le pourcentage de chance d’obtenir gain de cause. Il ne s’agira pas de juger le bien-fondé d’une telle pratique, mais d’en questionner les répercussions qu’elle peut avoir sur le métier d’avocat. De nombreux facteurs ont contribué au développement de la justice prédictive. D’une part, les capacités de stockage et de traitement des données ont augmenté considérablement ces dix dernières années, tout en connaissant une diminution des prix. L’usage du BigData par l’intelligence artificielle a permis d’amener des progrès considérables de sorte que l’usage du machine Learning ou du Deep Learning n’est plus uniquement réservé au « pure players » ou aux grands groupes. D’autre part, le développement de la justice prédictive a été accéléré par l’adoption de la loi pour une république numérique . L’article 21 de cette loi, modifiant l’article L. 111-13 du code de26 l’organisation judiciaire, impose la mise à disposition, du public, des décisions de justice. Bruno Dondero parle de « Big Data judiciaire » pour décrire cette masse importante de données qui représente l’essence même de la justice prédictive. En effet, c’est la combinaison de trois catégories de données : les données juridiques par exemple la jurisprudence et les textes de loi, les caractéristiques du litige telles que le type d’entreprise, le profil du demandeur et les éléments de contexte, tel que les décisions déjà tranchées par le juge chargé du litige. Plusieurs startups se sont lancés dans le défi des algorithmes prédictifs, Predictice, Case Law Analytics ou encore MaitreData spécialisé dans le droit social. Il est important de garder en tête, qu’aujourd’hui aucune plate-forme n’est capable de traiter tous les droits et il n’existe pour le droit pénal encore aucune application. L’heure n’est pas encore à la généralisation de l’utilisation de la justice prédictive. La justice prédictive peut représenter une opportunité importante pour les avocats. Si sa démocratisation engendre éventuellement une baisse des contentieux, elle aura pour effet contraire d’augmenter les négociations amiables comme le précise le magistrat Antoine Garapon « La justice prédictive pousse paradoxalement à transiger notamment lorsque le pronostic n’est pas bon. Il reste donc une place importante pour l’avocat non plus pour appliquer le droit, mais pour trouver une solution à l’amiable. » Si les avocats se sont vu octroyer le droit de contresigner des actes, depuis27 Loi Lemaire n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 sur l’Open Data des décisions judiciaires26 Antoine Garapon « Les enjeux de la justice prédictive » La semaine juridique - édition générale- Lexis27 Nexis - N° 1-2 - 9 JANVIER 2017 Page 47 30
  • 31. la loi pour la modernisation des professions judiciaires ou juridiques de 2011 , cet acte n’a pas28 valeur exécutoire et ne s’applique donc pas aux situations nécessitant l’intervention d’un magistrat. L’intervention du législateur pour consacrer l’acte authentique d’avocat, serait favorable à ce rôle d’intermédiation, comme le précise Kami Haeri « L’avocat a vocation à avoir un rôle juridictionnel de plus en plus important (…) l’avocat a le profil idéal pour adopter des rôles juridictionnels notamment ceux d’arbitre, de médiateur et de conciliateur. Afin que l’avocat puisse embrasser pleinement ces fonctions, l’acte authentique d’avocat devrait être consacré comme instrument de fixation de consensus. »29 L’avocat sera déchargé du travail fastidieux de recherche jurisprudentielle, puisque les algorithmes lui présenteront les affaires similaires et lui proposeront les arguments qu’il faudra plaider afin de maximiser les chances de succès. La justice prédictive peut apporter une plus-value importante pour un cabinet d’avocat. D’une part, il sera possible de conseiller son client sur les chances de gains et d’établir des stratégies juridiques en fonction des résultats trouvés par l’algorithme. D’autre part, la possession d’une telle technologie sera source de différenciation et d’avantage concurrentiel, car tous les cabinets d’avocats ne seront peut-être pas en moyen de se procurer un tel outil. En revanche, les outils sont pour le moment commercialisés à destination des professions juridiques, si les acteurs de la justice prédictive démocratisent leur accès auprès des particuliers, cela pourrait avoir un impact néfaste pour la profession. Le risque serait que les internautes consultent les prévisions des algorithmes avant même de consulter un avocat, le Professeur Molfessis considère « que le particulier va être entretenu dans une illusion de maîtrise de la chose technique ». Une telle situation serait alors préjudiciable à la fois pour les professionnels du droit,30 mais aussi pour les justiciables. Le Rapport sur l’avenir de la profession d’avocat semble être au contraire plus optimiste, les auteurs considèrent que la justice prédictive incitera les justiciables à consulter les avocats. Cependant, ils soulèvent la nécessité pour les avocats de « bien connaître ces nouveaux instruments prédictifs non pas pour s’en moquer, mais pour être en mesure de les La loi du 28 mars 2011 dite « de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines28 professions règlementées » Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis au Ministre de la Justice, février 201729 Nicolas Molfessis « Autojuridication » la semaine juridique - édition générale - Lexis Nexis- - n° 48 - page30 2176 - 26 novembre 2012 31
  • 32. relativiser et de les critiquer, mais aussi pour en retirer le meilleur. C’est ce qu’attendront leurs «  néo-clients ».31 La justice prédictive se présente pour le moment comme une opportunité dépendante de la bonne volonté des acteurs du secteur et de son acceptation par les avocats en revanche, l’intelligence artificielle appliquée aux robots pourrait au contraire être moins favorable aux robes noires. Paragraphe 2 — Les robots avocats Il existe plusieurs types de robots, le robot humanoïde dont la morphologie rappelle celle de l’homme, les robots industriels et les robots sous forme de logiciel capable de comprendre le langage humain, parfois de converser avec l’homme. Le robot avocat fait partie de cette dernière catégorie et se présente à la fois comme un facteur de productivité (A) et comme un facteur de concurrence relative (B). A) Les robots comme facteurs de productivité Le robot-avocat le plus connu de la place s’appelle ROSS, il a été créé par une startup canadienne en 2011 et développée avec la technologie Watson d’IBM. Aujourd’hui Ross est capable d’effectuer des recherches juridiques et d’émettre des hypothèses dans le domaine de la propriété intellectuelle, du droit social et du droit des entreprises en difficulté. L’intérêt de Ross est qu’il comprend le langage courant, construit un raisonnement à partir des éléments pertinents récoltés lors de sa recherche et offre une réponse structurée. En 2016, Ross rejoint l’équipe du cabinet32 parisien Latham & Watkins en phase de test. Un robot tel que Ross permet aux avocats de gagner en productivité, en ce sens il ne constitue pas une menace. Le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat encourage même l’utilisation d’un tel outil « Cela nécessite de revoir la gestion des cabinets, utiliser également d’autres outils technologiques comme les logiciels, savoir abandonner les petites tâches chronophages à des robots pour privilégier les tâches à forte valeur ajoutée que seul le client acceptera pour la suite, ce qui allègera la charge de travail de l’avocat et lui permettra de limiter Rapport «  les quatre défis de l’avocat français du XXIème siècle » Octobre 2017 Centre de recherche et31 d’étude des avocats (CREA) et Institut des hautes études sur la justice (IHEJ) https://www.lepetitjuriste.fr/lgj/ross-lintelligence-artificielle-service-avocats/32 32
  • 33. les horaires de travail aujourd’hui encore trop considérables. ». Il permettra à l’avocat d’alléger son travail, car il est toujours difficile à un avocat de facturer aux clients toutes les heures de recherches et ces heures facturées sont très couteuses pour le client.L’utilisation de Ross permettrait alors d’augmenter le taux de rentabilité horaire et de baisser la facture. En revanche, les tâches effectuées par Ross sont en partie celles que l’on donne aux jeunes avocats collaborateurs ou stagiaires. Cette vision est confirmée par une étude menée en 2015 par le cabinet de conseil américain Altman Weil. 35 % des avocats interrogés considèrent que l’intelligence artificielle pourrait à terme remplacer les collaborateurs de premières années et 47 % d’entre eux considèrent qu’elle pourrait remplacer le travail de « paralégal ». Mais Ross ne doit33 pas être perçu comme le concurrent de ces novices, au contraire, les avocats leur délégueront un travail certainement plus pertinent comme le relève Denis Criton du cabinet Latham & Watkins « Ce sont principalement les jeunes collaborateurs et les stagiaires qui effectuent les tâches répétitives et ingrates. Si Ross le fait à leur place, ils pourront se consacrer exclusivement aux heures de travail à grande valeur ajoutée, les heures qui comptent dans leur carrière ».34 Les robots à destination des avocats ne sont pas encore à un niveau satisfaisant d’autonomie et de compétence. Leur rôle reste encore minime au sein d’un cabinet, en effet, ils ne sont pas capables de répondre à une question de manière autonome et se cantonnent à la recherche juridique ou la rédaction de certain type de contrat. Il est toutefois impossible de prédire leur niveau d’autonomie dans le temps, mais l’aspect de représentation et d’accompagnement du métier d’avocat reste encore très loin de la portée des robots. B) Les robots comme facteur de concurrence relative D’autres robots avocats ont fait leur apparition. LISA est un robot anglais à destination des entreprises, il promet l’impartialité dans la négociation et la rédaction de contrat. Lancée en 2017, l’outil propose pour le moment la rédaction gratuite d’accord de confidentialité (NDA). PETER, est un robot qui assiste les entrepreneurs dans la gestion administrative de leur entreprise. D’après son http://www.altmanweil.com//dir_docs/resource/95e9df8e-9551-49da-9e25-2cd868319447_document.pdf33 https://www.lemonde.fr/o21/article/2016/11/29/les-robots-ebranlent-le-monde-des-34 avocats_5039852_5014018.html 33
  • 34. fondateur, Louison Dumont, un jeune français, il suffit de poser une question à Peter par email pour recevoir une réponse dans les minutes qui suivent. Ce type de robot peut en revanche être perçu comme un réel concurrent puisqu’ils s’attaquent aux marchés des particuliers et non des avocats. Ils sont facilement accessibles sur internet, s’utilisent 24 h/24 h et pour un prix défiant toute concurrence. Ce robot peut également prendre la forme d’une discussion, on parlera alors de « chatbot » ou agent conversationnel, l’utilisateur pose des questions en langage courant et le robot répond en imitant le langage humain. LEXI est un chatbot en phase de test, lors de son utilisation il prévient qu’il ne faut pas le considérer comme un conseiller juridique malgré qu’il propose un service de création d’accord de confidentialité comme son homologue LISA. La pratique de donner des prénoms aux robots ne les rend pas humains pour autant. Leur activité est aujourd’hui limitée, de plus, la prestation juridique ne se limite pas à la réalisation d’une formalité administrative ou de répondre à une simple question. La concurrence existera lorsque les algorithmes auront évolué et connaitront d’autres domaines. La difficulté que rencontreront les robots à destination des particuliers n’est autre que leur acceptabilité. En psychologie, l’acceptabilité consiste en l’anticipation ce qui peut être « individuellement et socialement » toléré et/ou attendu . Lorsqu’une innovation de rupture arrive sur le marché, les acteurs travaillent sur35 l’acceptabilité de la technologie auprès du public, sans quoi elle ne pourrait être adoptée. Aujourd’hui, aucune enquête majeure ne nous apporte des informations sur l’acceptabilité des robots avocats et à ce titre il est important de prendre du recul quant au caractère concurrentiel que représente le robot avocat aujourd’hui. L’avenir ne peut être certain, en revanche, le big data permet de fournir une information individualisée en croisant données et métadonnées. L’usage de ces quantités de données par les robots offrira aux justiciables un service que l’avocat ne peut physiquement proposer à son client. L’intelligence artificielle est amenée à bouleverser la pratique du droit par les avocats, au contraire la Blockchain se présente elle comme un produit que l’avocat pourrait proposer à ses clients. http://wacai2012.imag.fr/sites/default/files/users/Carole%20Adam/dubois.pdf35 34
  • 35. Section 2 : La Blockchain, une concurrente en attente de reconnaissance légale La Blockchain est une technologie que l’on pourrait comparer à un registre de transactions sécurisé et sans intermédiaire. Blockchain France la définit comme « une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle » . Sa constitution de chaine lui permet de tenir un registre des transactions et échanges36 effectués par ses utilisateurs. La Blockchain des cryptomonnaies est une Blockchain publique, ouverte à tous, mais dont l’anonymat des participants est garanti. Dans la Blockchain privée, les membres de la chaine sont connus et ont été invités à rejoindre la chaine. La technologie connait des applications pour le droit notamment pour les smart-contract (A) et en termes de preuve (B). Loin de concurrencer les avocats, elles pourraient au contraire leur être favorables, leur offrant la possibilité de diversifier leur activité et de proposer de nouveaux services. A) Le smart-contract Les smart-contract sont des programmes autonomes qui, une fois démarrés, exécutent automatiquement des conditions définies au préalable et inscrites dans la Blockchain. En d’autres37 termes, le contrat est exécuté de manière automatique lorsque les conditions inscrites dans la Blockchain sont vérifiées par cette dernière. Par exemple, si une clause du contrat n’est pas respectée, la Blockchain considérera la condition non respectée et le contrat sera rompu. Le smart-contract ne peut être assimilé au contrat civiliste et n’est pas reconnue comme tel pour le moment. L’article 1128 du Code civil impose 3 conditions essentielles à la validité d’un contrat, le consentement des parties, leur capacité de contracter et avoir un contenu licite et certain. Or, il est difficile de vérifier si les conditions imposées par le Code civil, telles que l’identité des parties et leur consentement, sont respectées. Il est également impossible de modifier un smart- contrat, ce qui peut-être compliqué si le juge constate par exemple un vice du consentement et demande l’annulation du contrat. La spécialiste de la Blockchain Primavera de Filipi explique d’ailleurs qu’« un Smart Contract est un logiciel. Au vu de leur appellation, on a tendance à les assimiler à des contrats, mais ils n’ont pas en eux-mêmes d’autorité juridique. Lorsqu’un contrat juridique existe, le Smart Contract n’est qu’une application technique de ce contrat. »38 https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/36 https://blockchainfrance.net/2016/01/28/applications-smart-contracts/37 https://www.usine-digitale.fr/article/les-smart-contract-dans-la-blockchain-quezako.N49420438 35
  • 36. Les applications des smart-contrats sont néanmoins nombreuses. Par exemple, la startup etherisc.com propose des services d’assurance-voyage, lorsqu’un vol est annulé ou retardé les passagers se verront automatiquement remboursés sans avoir à remplir de formulaire. Ce modèle39 est multipliable à l’infinie, on pourrait imaginer le versement des droits d’auteur aux ayants droit à chaque diffusion ou achat d’une musique. Dans la pratique juridique, lorsqu’une clause d’un contrat n’est pas respectée par une partie, la partie lésée doit demander au juge l’obligation d’exécution du contrat ou l’annulation du contrat en demandant l’exécution de la clause résolutoire pour non-respect des conditions. Le smart-contrat pourrait avoir pour conséquence de diminuer les contentieux en la matière puisqu’il active automatique la clause de résolution lorsqu’une condition n’est pas remplie. Antoine Touati et Louis Larret-Chahine avocats du cabinet Alto, considèrent que ce système pourrait être préjudiciable pour les juristes en favorisant une désintermédiation des professionnels dans les processus de rédaction et d’exécution contractuelle. Eric Caprioli, avocat et docteur en droit, propose quant à lui que les40 informaticiens et juristes travaillent ensemble « de sorte que les développements informatiques respectent les fondements juridiques du droit applicable aux “Smart Contracts” pour en renforcer la valeur. » Les applications concrètes des smart-contract sont encore peu nombreuses et la complexité de leur qualification juridique, nous empêche de les considérer comme une technologie concurrente des avocats. La donne pourrait en revanche changer avec le temps et pourrait être favorable aux avocats s’ils s’emparent rapidement de cette technologie. B) L’utilisation de la Blockchain comme mode de preuve La preuve est la démonstration de l’existence d’un fait ou d’un acte juridique dans les formes admises ou requises par la loi . La Blockchain n’est pas reconnue actuellement comme un41 mode de preuve légal, mais son admission par le législateur pourrait être une révolution juridique. https://start.lesechos.fr/actu-entreprises/technologie-digital/blockchain-5-applications-concretes-et-39 revolutionnaires-7761.php https://www.village-justice.com/articles/blockchain-une-technologie-passe,22071.html40 Vocabulaire Juridique - Gérard Cornu41 36
  • 37. La technologie Blockchain permet de garder une trace immuable de certains évènements, en effet, lorsque l’intégrité d’une transaction est vérifiée, elle est ensuite publiée dans le registre de la Blockchain. L’information est enregistrée sur tous les nœuds du réseau permettant sa vérification à tout moment et par tous les membres. La Blockchain permet donc de fournir une preuve infalsifiable et sécurisée .42 L’utilisation de cette technologie comme mode de preuve pourrait être une révolution dans le domaine de la propriété intellectuelle, Vincent Fauchoux avocat et cofondateur de la stratup blockchainyourip souligne le caractère désuet des modes de preuves actuels « Depuis vingt ans, je fais face à un problème non résolu, récurrent, qui est celui de la preuve de la création. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’en matière de propriété intellectuelle, nous évoluons dans un Moyen Âge en termes de preuve : les modes de preuve traditionnels ne sont pas toujours suffisants et le brevet ne protège que l’œuvre achevée. » En droit français, il n’existe aucune formalité nécessaire pour jouir de la protection du droit d’auteur, l’œuvre est protégée « du seul fait de sa création » . La complexité survient lorsque la43 paternité de l’œuvre est contestée ou qu’un recours en contrefaçon est mené, dans ce cas il est alors nécessaire de prouver la date de création de l’œuvre pour prouver son antériorité. L’inscription d’une œuvre dans la Blockchain permettrait de prouver la date de création de l’œuvre, nous passerions d’une logique de preuve a posteriori, c’est-à-dire lorsqu’il existe un contentieux à une logique de preuve a priori, dès la création de l’œuvre. Ainsi la Blockchain pourrait être utilisée par l’avocat pour fournir un service supplémentaire à son client, source de valeur ajoutée et de distinction vis-à-vis de ses confrères. L’exemple même est la legaltech blockchainyourip qui a été cofondée par des avocats et des spécialistes de la Blockchain. La plate-forme propose l’enregistrement sur la Blockchain à partir de 6,90 € par ancrage, comprenant un badge de preuve, un certificat de preuve, l’archivage de documents et un Vincent FAUCHOUX : « En matière de propriété intellectuelle, la blockchain présente l’avantage de42 couvrir toute la zone de l’avant-brevet » Revue Lamy Droit de l'Immatériel, No 143, 1er décembre 2017 Article L111-1 code de la propriété intellectuelle43 37
  • 38. hébergement sécurisé. L’utilisation du site est intuitive, la page d’accueil du site est un très bon exemple d’UX design et le service est peu onéreux.44 La limite de la Blockchain comme mode de preuve tient dans sa reconnaissance légale. Cependant, nous pouvons penser que les juges reconnaîtront dans un avenir proche, les preuves d’inscription dans la Blockchain comme des preuves simples. Dès lors que cette technologie sera acceptée dans les tribunaux, l’activité des avocats en sera impactée puisque leurs clients seront en demande de cette technologie. Les technologies appliquées au droit sont de dangereuses concurrentes dont il ne faut pas négliger l’importance future, mais elles peuvent également être des outils performants au service des avocats si ces derniers adoptent une culture numérique et s’approprient rapidement ces technologies. 
 « L’UX Design est une discipline qui prend en compte et anticipe les attentes et les besoins de l’utilisateur44 pour créer un site web ou une application. L’objectif final est de rendre un site accessible, facile à prendre en main et surtout efficace. » https://www.creads.fr/blog/tendance-design-graphique/ux-design 38
  • 39. Chapitre 3 — L’appréhension des changements du marché par les avocats La révolution technologique a suscité bien des différends chez les avocats, certains ont montré leur opposition par les armes judiciaires contre les legaltechs (Section 1) renvoyant une image d’une profession dépassée par l’évolution que connait l’économie et la société. D’autres ont vu une opportunité dans l’ouverture d’un marché et les possibilités offertes par les technologies. Cependant, la transformation digitale des avocats (Section 2) reste lente, notamment à cause d’un changement culturel indispensable et une phase de transition : la prise de conscience de la révolution et son application. Section 1 — L’opposition par les armes judiciaires contre les legaltechs Certains avocats ont vu d’un mauvais œil l’arrivée des legaltechs, qu’ils nomment fréquemment de « braconnier du droit » ou « pirate du droit ». La peur de l’uberisation, d’une concurrence qu’ils considèrent déloyale et d’une pratique du droit qu’ils perçoivent comme dangereuse, à pousser leurs représentants à prendre les armes qu’ils connaissent le mieux. Les fondateurs du site Demander Justice se sont vu ironiquement poursuivre devant les tribunaux pour exercice illégal de la profession d’avocat par le Conseil National des Barreaux (CNB) et L’Ordre des avocats de Paris. L’affaire est allez jusque devant la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, qui dans un arrêt du 21 mars 2017, affirme qu’il ne s’agit pas d’un exercice illégal de la profession d’avocat, considérant qu’il « ne saurait constituer l’assistance juridique que peut prêter un avocat à son client, à défaut de la prestation intellectuelle syllogistique consistant à analyser la situation de fait qui lui est personnelle, pour y appliquer la règle de droit abstraite correspondante  » «  Il résulte que les activités litigieuses ne constituent ni des actes de représentation ni des actes d’assistance ». Les représentants des avocats semblent ne pas vouloir rester sur cette défaite au pénal, se concentrant maintenant sur la procédure civile en interjetant appel de la décision du TGI du 11 janvier 2017. De la même manière, le CNB a poursuivi la société Jurisystem afin de lui interdire la comparaison et la notation des avocats qu’elle pratique sur son site alexia.fr considérant qu’elle portait atteinte à l’intérêt collectif de la profession. De nombreux arguments avaient été mis en 39
  • 40. avant, notamment que le site « faisait un usage prohibé du titre d’avocat pour proposer des services juridiques, accomplissait des actes de démarchage interdits, se livrait à des pratiques trompeuses et contrevenait aux règles de la profession prohibant toute mention publicitaire. » . La Cour de45 cassation, dans un arrêt du 11 mai 2017 , statue une nouvelle fois en faveur des legaltechs en46 autorisant la comparaison et la notation des avocats. Elle considère que les tiers ne sont pas tenus par les règles déontologiques de la profession, mais doivent néanmoins délivrer une information loyale, claire et transparente au consommateur. Si 62,8 % des avocats se prononcent être contre la notation des avocats en ligne, certains voient d’un bon œil l’arrivée de telle plate-forme, Maître Manuel Meneghini en est l’exemple même « Par exemple, beaucoup d’avocats se sont soulevés47 contre la notation en ligne des avocats considérant que c’était contraire à la déontologie. Je suis plutôt pour, mais il me semble que cela doit être encadré. La notation devrait se faire en fonction d’une grille bien précise par exemple noter sur 5 l’écoute, la réactivité, la tarification. Comme tout le monde, les avocats ont besoin de se remettre en question, d’être critiqués pour s’améliorer. » Les défaites n’ont pour autant pas découragé les représentants des avocats, sur le site de l’Ordre parisien, il est possible de lire « Le barreau de Paris veille au respect de la règlementation du droit dans l’intérêt des justiciables et lutte contre les braconniers du droit. L’Ordre des avocats de Paris s’est doté d’une équipe d’experts dédiée à la traque des pirates du droit. » Cette48 initiative aussi légitime soit elle n’est pas favorable à la profession. Dans un interview du Monde, Kami Haeri pointe l’impact négatif sur l’image de la profession « Le témoignage répété, dans de très nombreux colloques, de créateurs de legaltechs qui ont vu certains Ordres interdire leur développement avant d’obtenir cette autorisation devant la cour d’appel est dévastateur en termes de réputation. » Les legaltechs ne sont pas fermées à travailler avec les avocats, comme nous49 l’avons vu, la plupart souhaitent jouer un rôle d’apporteur d’affaires et d’intermédiaire. Il serait intéressant de créer une commission composée d’avocat et de legaltechs afin de travailler ensemble https://www.village-justice.com/articles/Notation-comparaison-des-avocats-par-des-sites-internet-45 nouveau-business-pour,25007.html c. cass. 11 mai 2017, n°16-1366946 Interview - Cf Annexe47 http://www.avocatparis.org/nos-engagements/valeurs-et-missions/exercice-illegal/le-barreau-de-paris-48 lutte-contre-les https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/15/les-avocats-frileux-face-au-virage-49 numerique_5079858_4355770.html 40
  • 41. pour installer un climat de confiance favorable au développement de partenariat. L’avenir est au numérique, au lieu de le contrer les avocats doivent apprendre à l’apprivoiser. Section 2 — La lente transformation digitale des avocats La transformation digitale peut se définir comme l’ensemble des changements liés à l’intégration des technologies digitales au sein d’une entreprise. Pour Gilles Babinet, cette révolution n’est qu’à ses prémices et « les entreprises traditionnelles, les institutions publiques et autres types d’organisations n’ont qu’une très vague compréhension des transformations qu’elles vont devoir amorcer pour rester dans la course ». Si les avocats semblent avoir pris50 connaissance d’une telle révolution, l’adoption des technologies est une autre étape nous amenant à penser qu’il existe une légitime période de transition entre prises de conscience et mise en application de la transformation digitale (Paragraphe 1). Lors de la mise en application, les avocats ne pourront se satisfaire de l’utilisation d’un outil ou plusieurs outils digitaux, il sera indispensable de prendre des mesures quant à l’adoption d’une nouvelle culture comme vecteur favorable à la transformation digitale (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La légitime période de transition entre prises de conscience et mise en application de la transformation digitale Nous sommes seulement à l’aube de la transformation digitale complète des entreprises. Le défi est double pour les avocats, en plus de devoir adopter les codes du numérique ils devront apprendre les codes du business, car leur profession va tendre vers une commercialisation du service grâce à l’internet. Christophe Victor et Lydia Babaci-Victor distinguent la prise de conscience de la révolution digitale et sa mise en application « il y a une grosse différence entre la prise de conscience de cette révolution et la manière avec laquelle chacun s’y prépare » . À titre51 d’exemple, neuf dirigeants de TPE-PME française sur dix considéraient fin 2015 que la transition numérique était un enjeu important pour les entreprises françaises, mais ils n’étaient que 59 % à estimer qu’elle était importante pour leur propre société. « Transformation digitale : l’avènement des plateformes » Gilles Cabinet - Le Passeur50 « Révolution digitale : transformer la menace en opportunités » Christophe Victor - Lydia Babaci-Victor -51 Edition Eyrolles - Mai 2017 41
  • 42. De la même manière, la majorité des avocats perçoivent l’intérêt du digital pour leur profession, ils sont 56,1 % à envisager de créer leur propre solution digitale dans le futur et 46,5 % pensent qu’ils utiliseront l’intelligence artificielle dans le cadre de leur métier. Le premier constat52 est qu’il y a une majorité faible qui a pris conscience de l’impact qu’aura les technologies sur leur pratique. Il faut toutefois nuancer ces propos puisque dans une étude menée par le Conseil national des barreaux en 2017, 93 % des avocats estiment que l’exercice de leur profession s’effectuera à l’aide d’outils qui changeront la nature et l’organisation de l’activité d’ici à 2030. Le deuxième constat est qu’il y a une lente adoption des technologies innovantes par les avocats. En effet, les avocats sont seulement 5,4 % à utiliser l’intelligence artificielle dans leur pratique, 33,2 % ne savent pas s’ils utiliseront un jour et 14,9 % pensent qu’ils ne l’utiliseront jamais.53 Le temps de diffusion des technologies et leur mise en place pourraient être expliqués en partie par Everett Rogers qui distingue des typologies d’utilisateurs dont les comportements conduisent à une explication des phénomènes d’adoption des technologies. La courbe de diffusion de l’innovation permet d’illustrer la manière dont les cibles adoptent la technologie, c’est-à-dire de manière progressive dans le temps. Le point de passage est matérialisé par l’adoption de la technologie par ceux qui ne sont pas centrés sur l’intérêt technologique, mais sur des solutions opérantes pour leur activité. Cette courbe pourrait expliquer que seuls 5,4 % des avocats utilisent54 aujourd’hui l’intelligence artificielle ou encore que seulement 30,7 % ont recours aux services des legaltechs. Cf Enquête Partie 352 Cf Infra Enquête Partie 353 « la conduite du changement pour et avec les technologies digitales »David Autissier, Kevin J. Johnson,54 Jean-Michel Moutot - I.M.C.F | « Question(s) de management » 2014/3 n° 7 | pages 79 à 89 42
  • 43. Plusieurs freins peuvent expliquer la lente adoption de l’innovation par les avocats. Dans la mesure où les legaltechs sont nouvelles, que l’intelligence artificielle ou la Blockchain sont encore en plein développement, l’avocat peut considérer qu’il existe un risque à utiliser ses produits. Plus le risque perçu est important, plus l’adoption de l’innovation est lente. Il existe une liste non exhaustive de types de risques : financier lié au montant des dépenses engagées, fonctionnel lié au fonctionnement du produit, social lié à la perception des autres, psychologique lorsqu’il existe une crainte de commettre une erreur, le risque de perdre du temps ou encore le risque d’opportunité c’est-à-dire le risque de ne pas adopter la meilleure alternative. Pour Jordan Furlong, l’avocat n’adopterait pas les innovations juridiques, car il risquerait de ne plus pouvoir facturer autant d’heures à son client. Ce Canadien relève que le business modèle de nombreux avocats repose sur la facturation à l’heure, or l’innovation permet de gagner du temps, d’être plus productif, de déléguer des tâches à l’outil digital et a pour conséquence de réduire le nombre d’heures facturables « Il n’est pas étonnant que l’innovation soit vue comme un fléau au sein de la plupart des cabinets d’avocats : elle est contraire à la prémisse fondamentale de la pratique commerciale du cabinet d’avocats. Autant demander à un navire d’innover en perçant des trous dans sa coque. » Il encourage alors les avocats à changer de business modèle afin de pouvoir55 innover. L’analyse est intéressante, mais elle ne peut expliquer à elle seule la réticence des avocats à adopter une innovation juridique. Le manque de confiance envers les nouveaux acteurs pourrait également expliquer cette réticence, comme nous l’avons vu, les ordres ont d’abord eu une réaction de rejet et une offensive ce qui a pu élever une méfiance dans la profession. Il y a également la question de la sécurité des données, les informations détenues par les avocats sont confidentielles et délicates, l’avocat pourrait engager sa responsabilité en cas de fuites de données, mais aussi sa réputation pourrait être impactée. Le stockage des données sur un logiciel SAAS peut donc être une source de réticence. Le risque de perdre du temps peut aussi être envisagé, l’utilisation d’une nouvelle plate-forme demande un temps de formation et d’adaptation puisqu’elle bouscule l’avocat dans sa manière de travailler, il va devoir changer ses habitudes. Enfin, il est possible que les avocats ne voient pas l’utilité de ces innovations dans leur pratique, puisqu’ils réussissent à faire marcher leur cabinet en gardant leurs anciennes habitudes de travail, ils ne ressentent pas encore la nécessité urgente du changement. Par http://exeme-avocats.com/2018/06/02/innovation-et-heures-facturables/55 43
  • 44. exemple, la justice prédictive représente une innovation de rupture, il faut alors créer chez l’avocat un besoin et une habitude qui n’existaient pas jusqu’alors. L’adoption des innovations va au fur et à mesure s’accélérer puisque le client de l’avocat va venir créer ce sentiment d’urgence. Les directions juridiques qui commencent elles-mêmes à utiliser ces outils vont petit à petit imposer à leurs avocats l’utilisation des technologies afin de faire baisser les honoraires. Elles refuseront des cabinets une facturation excessive des tâches qui pourraient être automatisées par exemple. Les justiciables habitués à un nouveau mode de consommation des services juridiques demanderont des services supplémentaires et digitalisés auxquels l’avocat devra répondre au risque de voir partir sa clientèle pour un cabinet ayant déjà franchi le pas de la digitalisation. Si l’adoption des innovations chez les avocats semble plutôt lente, la mise en application de la transformation digitale dépendra en partie de la culture des cabinets et de la profession en général. Paragraphe 2 : L’adoption d’une nouvelle culture comme vecteur favorable à la transformation digitale La profession d’avocat est l’une des professions les plus anciennes, elle est guidée par des valeurs communes et une déontologie forte partagées par ses pairs qui pour la plupart ont une conception institutionnelle du métier. Les principes essentiels à son exercice que sont l’honneur, la loyauté, le désintéressement, la confraternité, la délicatesse, la modération, la courtoisie, la compétence, le dévouement, la diligence et la prudence, ont guidé les avocats vers une conception non marchande de leur service et les ont amenés à émettre des réserves culturelles quant à la reconnaissance d’un marché du droit. Le rapport sur l’avocat du XXIe siècle considère que cette profession semble être restée « à un stade artisanal, aristocratique et ancien (profession “3A”) » .56 La transformation digitale des avocats implique nécessairement un changement culturel au sein de la profession et au sein des cabinets. Rapport «  les quatre défis de l’avocat français du XXIème siècle » Page 28 - Octobre 2017 Centre de56 recherche et d’étude des avocats (CREA) et Institut des hautes études sur la justice (IHEJ) 44
  • 45. La révolution digitale impacte toute la société et son économie, les avocats ne pourront lutter indéfiniment contre son impact et une attitude défensive à son égard en dressant des digues déontologiques n’auront aucun effet positif. Comme le souligne le rapport précédemment cité, si les avocats ont tendance à « invoquer les valeurs humanistes de leur office » nous pouvons également les soupçonner « parfois à raison, de dissimuler des intérêts corporatistes ou de véritables rentes et, plus radicalement, on diffuse l’idée que les nouvelles technologies vont précisément rendre ces valeurs plus effectives, battant ainsi les professionnels sur leur propre terrain ». Cette angoisse doit être surmontée et les représentants des avocats doivent favoriser l’émergence d’une nouvelle culture qui allie à la fois les valeurs déontologiques de l’avocat et à la fois les valeurs marchandes qu’implique la transformation digitale de la profession. Les avocats devront s’entendre sur l’attitude qu’il convient d’adopter à l’égard des plateformes et des technologies afin de conserver la maîtrise de leur activité professionnelle. Mais cette maîtrise ne pourra être compétitive qu’à la condition d’utiliser les mêmes codes que ses nouveaux concurrents, c’est-à-dire le marketing, la finance, la communication ou encore la stratégie. Ces pratiques devront être reconnues par les pairs afin de ne pas être perçues comme contraire à la délicatesse de la profession. Dès lors que les avocats se seront imprégnés de la culture de l’innovation et du marché et se seront détachés de la culture ancestrale et institutionnelle qui les renferme sur eux-mêmes, alors nous pourrons être optimistes quant à l’avenir de la profession. La diffusion d’une nouvelle culture forte doit également être repensée au sein des cabinets d’avocats. Brian Chesky, cofondateur de la plateforme Airbnb écrivait à ses collaborateurs une lettre expliquant l’importance de la culture, pour lui elle est le fondement de toute future innovation et la 45
  • 46. définit comme la manière commune de faire quelque chose avec passion. La culture est un57 puissant levier pour réussir la stratégie de transformation digitale et d’innovation d’une entreprise, d’ailleurs, l’une des phrases guide des startups n’est autre que « la culture mange de la stratégie au petit-déjeuner » . Le schéma ci-dessous illustre bien cette théorie puisque la stratégie découle de la58 culture dans la mise en place d’un plan de transformation digitale. Actuellement, la culture au sein des cabinets est loin d’être favorable à ces nouveaux changements, le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat pointe une culture néfaste à l’innovation « Tout d’abord, la culture prédominante est celle de la censure, de l’autocensure, du scepticisme et de l’incrédulité. Dans un tel environnement, proposer une nouvelle page de site internet, voire une nouvelle manière de travailler avec ses clients suscite plus souvent la critique systématique que l’adhésion enthousiaste. » . Or, l’enjeu de la transformation digitale est avant59 tout culturel, il ne suffira pas d’utiliser un logiciel, de travailler avec une legaltech pour que cela produise des effets immédiats. Les cabinets doivent encourager, la culture du partage, de l’écoute, de l’initiative et de la prise de risque. L’organisation de travail doit également évoluer afin de proposer plus d’autonomie, le télétravail est un bon exemple et revoir le fonctionnement hiérarchique. La culture doit être propre à chaque cabinet, elle peut par exemple être la culture de l’adaptabilité, de la collaboration, être orienté client ou encore orienté résultat. Une culture orientée sur la satisfaction du client demande de toujours chercher le retour d’expérience du client, de toujours faire passer les besoins du client en premier. Si elle est intégrée par les collaborateurs alors ces derniers agiront toujours dans son sens pour chacune de leurs actions, ce qui permet de diminuer les process et de rendre les collaborateurs plus autonomes. Enfin, la mise en place de pratique simple peut permettre de faciliter la transition culturelle. Par exemple, seulement 50 % des fonctionnalités des CRM payés par les entreprises sont https://medium.com/@bchesky/dont-fuck-up-the-culture-597cde9ee9d457 Culture eats strategy for breakfast58 Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » page 5859 46
  • 47. effectivement utilisés , dans un cadre où les collaborateurs sont invités à prendre des initiatives60 afin d’améliorer l’expérience client, il est fort probable que le collaborateur cherchera de lui-même à utiliser le potentiel maximum du logiciel et partagera sa nouvelle connaissance avec le reste de l’équipe. La culture d’entreprise est donc essentielle afin de rendre l’utilisation du digital efficace. Un autre exemple est la mise en place de « l’inbox zero », c’est-à-dire mettre en place des règles de traitement simple d’email afin de ne jamais avoir de mail non traité et une boite mail pleine a craqué. Cette technique augmente la performance des équipes et rend le digital productif.61 https://www.nomalys.com/fr/28-statistiques-surprenantes-sur-le-crm-adoption-fonctionnalites-benefices-60 et-mobilite/ https://www.maddyness.com/2016/10/05/transformation-digitale-culture-dentreprise/61 47
  • 48. PARTIE 2 LA TRANSFORMATION INTERNE DE LA PROFESSION D’AVOCAT PARTIE 2 — LA TRANSFORMATION INTERNE DE LA PROFESSION D’AVOCAT La révolution digitale et l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché du droit ont amené les avocats à repenser leur business model et à envisager de nouvelles formes d’exercice de leurs professions. Ainsi les récentes initiatives d’avocats innovateurs (Chapitre 1) sont les prémices d’une profession en pleine mutation, l’avocat devient entrepreneur, et les Barreaux des accompagnateurs de ce changement. De nouvelles formes de cabinets d’avocat (Chapitre 2) font leur apparition afin de repenser l’expérience client. Ce renouveau se traduit à la fois par la mise en place d’une organisation interne plus agile et par des modes de facturation plus transparents. Enfin, l’assouplissement de l’encadrement de la profession d’avocat au profit d’une nouvelle stratégie de développement (Chapitre 3) ouvre de nouvelles perspectives à une profession qui était autrefois étouffée dans un carcan déontologique. 
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