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Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 1
EUROPA ÜBER ALLES !
Le labyrinthe grec est une tragédie pour l'Europe. L'accord conclu sous
l'urgence est mauvais, il ne fait pas sens économiquement dans la mesure
où il ne globalise pas sa portée, à commencer par l'impératif
réaménagement dans le temps de la dette grecque. Aussi le spectre du
Grexit demeure présent en arrière-plan, ne serait-ce que par "l'hypothèse
Schäuble" de "sorties provisoires" de l'euro. De plus, à un autre niveau qui
interroge l'Europe, l'imbroglio athénien signale un seuil critique : celui du
refus de la logique économique imposée par l'Union européenne, par les
marchés, par la gouvernance ordo-libérale allemande. La purge résultante
de l'austérité imposée à l'Europe est très mal vécue par les peuples du Sud
qui la dénoncent.
Dans la rue, c'est l'euro qui trinque : la faute à l'euro et à l'Allemagne
clament les Grecs, entendus par les Espagnols et même les Italiens et
français. Le ressenti de l'opinion envers l'Euro est catastrophique, et
l'Allemagne inflexible porte le chapeau sans états d'âme. Il y a dans cette
défiance partagée bien plus qu'un réflexe populiste, bien autre chose qu'un
rejet conservateur exprimé par des beaufs ignorants. Et si c'était le bon
sens des peuples qui parlait ?
Pourquoi la responsabilité circulaire Europe/Euro ? Toute monnaie est
organiquement liée à l'entité politique qui la crée et qu'elle représente, elle en
est le lien social et la langue, elle est principe d'appartenance et pouvoir
d'achat sur les choses. Pourquoi cette monnaie qui était synonyme d'espoir
pour beaucoup fait grimacer les peuples, et pas seulement ceux du sud ?
La plupart d'entre nous, économistes parfois lâches, avions accepté l'euro,
créature politique, pour ne pas le rejeter. Une adhésion discrète pour éviter
le refus, pour ne pas rejoindre le camp des sceptiques, des grincheux, des
réacs. L'Euro était une décision purement politique, d'inspiration libérale,
et les économistes n'avaient qu'à suivre ! Un consensus mou autour d'un
silence plus gêné qu'approbateur. Car nous savions !
Nous savions qu'avoir et contrôler "sa" monnaie nationale protège des
concurrents trop agressifs, ceux à productivité supérieure. Tout économiste
en herbe a constaté que, durant les 30 Glorieuses, les nombreuses
dévaluations françaises, de fait "contre" le Mark, ont permis à l'hexagone de
ne pas être phagocyté par la dynamique industrielle de notre partenaire
d'outre-rhin. Tout regard rétrospectif conclurait que si nous étions restés à
1 Mark = 1 Franc, la France roulerait uniquement en Volkswagen et en
Mercedes, et cela depuis longtemps !
Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 2
Les plus compétents savaient que le cocktail libre-échange/monnaie unique
favorise les plus performants et que, loin de promouvoir une convergence
entre les partenaires, il creuse les écarts, comme nous l'enseignait Paul
Bairoch. Spécialistes attentifs du classique exemple d'échange gagnant
entre la Grande-Bretagne et le Portugal, nous admirions l'habileté
ricardienne d'avoir délibérément choisi des chiffres, inverses au réel
économique de l'époque, chiffres qui supposaient dans l'exemple la perfide
Albion moins développée que le pays du Porto. Ce faisant, le Prince des
économistes mettait le Royaume Uni à l'abri d'une lecture trop fine qui
aurait deviné l'avantage au plus fort, qui aurait décelé l'échange inégal au
sein du partage idéalisé des gains.
Or qu'est devenu l'Euroland ? Le plus grand marché intérieur du monde,
dépourvu de barrières douanières, dépourvu en son sein de l'arme
défensive de la dévaluation, avec des nations amputées d'une libre
politique budgétaire. Un grand espace ordo libéral d'hégémonie allemande
assujettissant toute initiative nationale au principe de la stabilité
monétaire. Conséquence : les plus performants sur le plan industriel s'y
épanouissent et les retardataires rament. Tout cela serait gérable si l'Europe
politique existait réellement, si des processus de compensations légitimes
entre partenaires étaient à l'œuvre, comme entre des départements ou
régions disparates au sein d'un pays.
Hélas, loin de cette solidarité, nous assistons à l'inverse, chacun tente de
jouer sa partition, et cette grande cacophonie tétanise une Europe à bout
de souffle, laissant décider en mode mineur et "technique" une Commission
dépositaire des valeurs libérales de la compétition : solidarité et
compensation disqualifiées. Ce terrain de guerre économique sacre les
mieux armés, créant de vraies puissances "nordiques" au sein de l'espace
commun. Et parmi elles, une Allemagne exemplaire.
Décryptant l'histoire allemande, Elie Faure attirait en son temps notre
attention sur le fait que l'Allemand a le souci de se montrer "monolithique à
l'extérieur pour camoufler sa complexité interne qu'il subit", "son esprit
d'obéissance et de hiérarchie étant une réaction de son réalisme social contre
son idéalisme métaphysique". La Réforme a révélé à l'Allemagne sa
nature spirituelle et elle l'a incitée à ne chercher qu'en elle-même les
fondements de sa propre création. Patrie de Luther, de Kant, de
Wagner, déchiffrée par Max Weber, assise par Heidegger, l'Allemagne
a décidé pour toujours de réfléchir en soi. D'où sa dévotion à son axe
de puissance, devenu le projet palpable de tout un peuple, fier de sa
singularité, voire de son isolement relatif.
Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 3
L'histoire et la psychologie participent à la compréhension de la
position intraitable de l'Allemagne réunifiée, inspirée par le
"Deutschland über alles" qui vaut comme principe politique fusionnel.
Son mercantilisme exportateur, sa raideur monétariste liée au trauma
de 1923 (l'Euro n'est pour elle que le "nom" du Mark), son
protectionnisme à peine voilé, ses desseins nationalistes, ses
manœuvres géo-économiques, traduisent et renforcent
l'incontournable leadership d'une Allemagne, 3e puissance
économique mondiale, remise et lavée de son épisode nazi_ qui n'aura
été pour elle qu'un coma accidentel et désolant, scellant la fin des
grands conflits européens.
Cependant, bien que droite dans ses bottes, elle est parfois l'inverse
sur le terrain quotidien où la propension des allemands à l'adaptation
et à la souffrance complique toute photo simpliste. Cette étonnante
conjugaison de la modestie des individus et de l'arrogance tranquille du
peuple et de ses représentants, contribue au mystère du pays,
complexe. À l'image de son équipe nationale de foot, parfois à court
d'individualités de talent, mais très souvent vainqueur de la
compétition. Là aussi, la spécificité allemande se révèle…
Cet arrière-plan historique complexe éclaire la tragédie grecque, sans
pour autant indemniser les grecs de leur indéniable irresponsabilité
politique, sans pour autant exonérer Tsipras d'avoir joué au poker
menteur sans en avoir les cartes. La star politique a joué et elle a
perdu cette partie pour son pays. On ne se moque pas impunément
de l'Allemagne ordo libérale qui a "remis à leur place" les jeunes
funambules d'Athènes qui ont commis l'erreur stupide de la narguer
dès le début des négociations.
Mais ce jeu européen indigne, qui ne reconnaît que la puissance
économique, a montré au grand jour ses limites. En particulier, et
c'est pour nous essentiel, cette focalisation sur le périmètre
économique passe sous silence la vraie grandeur européenne : celle
de ne pas subir une domination ou croyance ou référence religieuse
qui agencerait le continent. Notre Europe moderne est le "produit"
d'un lent et profond processus de sécularisation qui aujourd'hui
distingue l'Europe du reste du monde, largement "croyant", avec tous
ses excès que nous redécouvrons avec horreur. Cette Europe,
démocratique et laïque, devient le seul modèle crédible d'un devenir
commun vivable. Comment pouvons-nous taire et ne pas protéger cet
extraordinaire privilège ? Comment ne pas en faire un souffle
Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 4
légitimement orgueilleux au sein d'une planète gangrénée par la
barbarie.
L'Europe ne peut plus longtemps se suffire de cette approche
réductrice et sans perspective d'un champ de rapports de forces
structurels et concurrentiels, celui d'une guerre économique
permanente qui installe Berlin comme capitale d'un l'Euroland rétréci
et médiocre. Pour sortir de l'impasse, pour redonner respiration et
espoir au continent européen, il n'existe que deux solutions.
- La première consiste à organiser une sortie-sabordage de l'euro,
comme le réclament les populismes actifs de nos pays. Un échec
cinglant pour une Europe meurtrie, à bout de souffle politique.
- La deuxième imposerait une "Europa über alles", supplantant le
Deutschland ûber alles. Avance politique décisive qui induirait la
reconnaissance par l'Allemagne et ses satellites proches, des
processus inégalitaires qu'engendre l'espace économique commun de
l'Euroland et sa monnaie, permettant ainsi aux moins performants
d'affronter avec des "points de handicap" la concurrence des leaders.
Cette reconnaissance supposerait alors la mise en place politique
d'un vaste système de transferts politico-économiques des puissants
rhénans vers les émergents du sud et de l'est, sous l'égide d'une
gouvernance européenne éthique et opérationnelle. Transferts qui
compenseraient l'asymétrie éco-européenne, guérissant ainsi les maux
sociaux et les plaies économiques de ceux qui jouent le jeu et qui sont
aussi les "très bons clients" (et ateliers délocalisés) indispensables des
pays rhénans.
La première solution est la plus "populaire", la plus immédiate, qui
disloquerait le concept européen malaimé. Mais à terme, étant un
retour en arrière, un renoncement, elle deviendrait la plus
pénalisante, la plus handicapante pour l'avenir et le moral de nos
enfants qui, eux, se sentent européens sans réserve.
En revanche, la deuxième serait celle de la promotion d'une éthique
économique enfin lucide et d'un courage politique retrouvé, deux
composantes qui font cruellement défaut ces jours-ci. La pression de
l'urgence enfantera peut-être ce nécessaire miracle. Car la vraie sortie
de cette crise est à l'intérieur : à nous de choisir, l'enjeu est clair. Ainsi,
au fond, l'Europe resterait un "projet", et cette incomplétude serait
notre chance et note chantier.
Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 5
Pourquoi convoquer cette posture utopique qui n'est guère à la mode
dans le bain réalisme contemporain ? Parce que nous sommes arrêtés
en rase campagne, et que la réanimation du corps inerte est
problématique. L'Europe de Schumann et Kohl est tombée malade,
rongée par un "économisme" trop libéral, qui fait que seule existe une
Union européenne économique intégrée, c'est-à-dire l'Euroland. Et ce
dernier succombe actuellement aux asymétries de productivité, de
compétitivité, d'organisation, aux réalités de la guerre fiscale interne
qui sont autant de blessures que la monnaie unique a amplifiées, en
l'absence de processus compensateurs. Voilà le mal qui surgit à tour
de rôle : Irlande, Portugal, Espagne, Italie, et dernièrement le cas
"anormal" et dramatique de la Grèce. La maladie est dans
l'accomplissement des processus économiques, monétaires et
financiers qui se manifestent, alors que le magistère politique qui
devrait les prévenir, les réguler n'est pas assumé par les institutions
actuelles, malgré les moments de bons vouloir épars de la BCE, du
"gouvernement européen", de la Commission.
Rien ne sert de détailler ce constat : tout le monde le connaît. Et il
n'existe aujourd'hui aucune force politique capable de ranimer le
corps malade, capable de lui insuffler une énergie salvatrice. Faut-il
pour autant abandonner ? Ce serait une folie historique car le
paradoxe nous révèle que le corps malade de l'Europe a quand même
un immense mérite : il existe ! Il est là, il continue de parler, il offre au
monde son existence, sa formidable histoire depuis le carolingien, ses
graves difficultés mais aussi sa réalité économique, parfois synonyme
de succès comme Airbus, la recherche scientifique, ses
multinationales, ses orientations écologiques, etc.
Comment traduire positivement cette forte réalité européenne,
soumise à une fragilité chronique ? En posant le problème autrement.
En proposant et en développant un imaginaire, aujourd'hui oublié ou
ignoré, axé sur la culture et l'histoire qui "valent" pour l'humain plus que
l'économie. Car Airbus a besoin d'Arte ! La valeur économique est bien
peu significative en regard de "l'esprit européen". Proposer une grande
Europe de la culture, de l'intelligence, de la volonté de penser, et
puiser dans cette démarche les ressources énergétiques pour relancer
l'ensemble. Organiser, acter, institutionnaliser une coopération des
cerveaux, des savoirs, des artistes, (qui existe déjà), des étudiants
(formidable système Erasmus) pour créer une vraie dynamique
européenne de la culture et de la spiritualité Un Main Stream culturel
Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 6
qui serait de nature à vaincre les résistances politiques locales, à
gommer les mesquineries nationales, créant un courant culturel qui
soulèverait l'Europe au-dessus d'elle même.
En regard du reste du monde, réalisons que l'Europe est une superbe
salle de concert et d'opéra, un lieu de spectacle vivant inépuisable,
une bibliothèque générale, un vaste musée dépositaire des mémoires
universelles et locales, une immense université active, une recherche
scientifique intense, une variété florissante unique de paysages, de
climats, de géographies, de territoires, de croyances, qui instaure la
précieuse vitalité des différences, tout cela est sans égal. Cette valeur,
souvent immatérielle, est d'une bien autre dimension, d'une saveur
unique, et cette réalité gagnante d'un espace non administré par une
croyance religieuse est en mesure d'abolir une partie des réticences et
barrières qui demeurent. L'Europe est un havre unique
de respiration, de circulation, d'hospitalité, de laïcité libératrice, là où
l'on peut vivre. Ouvrons les yeux !
Aussi, vaincre l'euroscepticisme, le clan des nonistes et des
nihilistes, par un fort vent culturel et non avec les arguments
immanents au seul champ politico-économique, est une exigence !
Changer de point de vue, changer d'échelle. Il ne s'agit plus de
convaincre, il s'agit de se rappeler, de contaminer, de polliniser, de
converser pour susciter l'adhésion. Installer une dynamique
européenne par la porte de la culture, de la démocratie, de la laïcité, de
la mémoire, qui est sa force vitale depuis plus de dix siècles !
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  • 1. Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 1 EUROPA ÜBER ALLES ! Le labyrinthe grec est une tragédie pour l'Europe. L'accord conclu sous l'urgence est mauvais, il ne fait pas sens économiquement dans la mesure où il ne globalise pas sa portée, à commencer par l'impératif réaménagement dans le temps de la dette grecque. Aussi le spectre du Grexit demeure présent en arrière-plan, ne serait-ce que par "l'hypothèse Schäuble" de "sorties provisoires" de l'euro. De plus, à un autre niveau qui interroge l'Europe, l'imbroglio athénien signale un seuil critique : celui du refus de la logique économique imposée par l'Union européenne, par les marchés, par la gouvernance ordo-libérale allemande. La purge résultante de l'austérité imposée à l'Europe est très mal vécue par les peuples du Sud qui la dénoncent. Dans la rue, c'est l'euro qui trinque : la faute à l'euro et à l'Allemagne clament les Grecs, entendus par les Espagnols et même les Italiens et français. Le ressenti de l'opinion envers l'Euro est catastrophique, et l'Allemagne inflexible porte le chapeau sans états d'âme. Il y a dans cette défiance partagée bien plus qu'un réflexe populiste, bien autre chose qu'un rejet conservateur exprimé par des beaufs ignorants. Et si c'était le bon sens des peuples qui parlait ? Pourquoi la responsabilité circulaire Europe/Euro ? Toute monnaie est organiquement liée à l'entité politique qui la crée et qu'elle représente, elle en est le lien social et la langue, elle est principe d'appartenance et pouvoir d'achat sur les choses. Pourquoi cette monnaie qui était synonyme d'espoir pour beaucoup fait grimacer les peuples, et pas seulement ceux du sud ? La plupart d'entre nous, économistes parfois lâches, avions accepté l'euro, créature politique, pour ne pas le rejeter. Une adhésion discrète pour éviter le refus, pour ne pas rejoindre le camp des sceptiques, des grincheux, des réacs. L'Euro était une décision purement politique, d'inspiration libérale, et les économistes n'avaient qu'à suivre ! Un consensus mou autour d'un silence plus gêné qu'approbateur. Car nous savions ! Nous savions qu'avoir et contrôler "sa" monnaie nationale protège des concurrents trop agressifs, ceux à productivité supérieure. Tout économiste en herbe a constaté que, durant les 30 Glorieuses, les nombreuses dévaluations françaises, de fait "contre" le Mark, ont permis à l'hexagone de ne pas être phagocyté par la dynamique industrielle de notre partenaire d'outre-rhin. Tout regard rétrospectif conclurait que si nous étions restés à 1 Mark = 1 Franc, la France roulerait uniquement en Volkswagen et en Mercedes, et cela depuis longtemps !
  • 2. Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 2 Les plus compétents savaient que le cocktail libre-échange/monnaie unique favorise les plus performants et que, loin de promouvoir une convergence entre les partenaires, il creuse les écarts, comme nous l'enseignait Paul Bairoch. Spécialistes attentifs du classique exemple d'échange gagnant entre la Grande-Bretagne et le Portugal, nous admirions l'habileté ricardienne d'avoir délibérément choisi des chiffres, inverses au réel économique de l'époque, chiffres qui supposaient dans l'exemple la perfide Albion moins développée que le pays du Porto. Ce faisant, le Prince des économistes mettait le Royaume Uni à l'abri d'une lecture trop fine qui aurait deviné l'avantage au plus fort, qui aurait décelé l'échange inégal au sein du partage idéalisé des gains. Or qu'est devenu l'Euroland ? Le plus grand marché intérieur du monde, dépourvu de barrières douanières, dépourvu en son sein de l'arme défensive de la dévaluation, avec des nations amputées d'une libre politique budgétaire. Un grand espace ordo libéral d'hégémonie allemande assujettissant toute initiative nationale au principe de la stabilité monétaire. Conséquence : les plus performants sur le plan industriel s'y épanouissent et les retardataires rament. Tout cela serait gérable si l'Europe politique existait réellement, si des processus de compensations légitimes entre partenaires étaient à l'œuvre, comme entre des départements ou régions disparates au sein d'un pays. Hélas, loin de cette solidarité, nous assistons à l'inverse, chacun tente de jouer sa partition, et cette grande cacophonie tétanise une Europe à bout de souffle, laissant décider en mode mineur et "technique" une Commission dépositaire des valeurs libérales de la compétition : solidarité et compensation disqualifiées. Ce terrain de guerre économique sacre les mieux armés, créant de vraies puissances "nordiques" au sein de l'espace commun. Et parmi elles, une Allemagne exemplaire. Décryptant l'histoire allemande, Elie Faure attirait en son temps notre attention sur le fait que l'Allemand a le souci de se montrer "monolithique à l'extérieur pour camoufler sa complexité interne qu'il subit", "son esprit d'obéissance et de hiérarchie étant une réaction de son réalisme social contre son idéalisme métaphysique". La Réforme a révélé à l'Allemagne sa nature spirituelle et elle l'a incitée à ne chercher qu'en elle-même les fondements de sa propre création. Patrie de Luther, de Kant, de Wagner, déchiffrée par Max Weber, assise par Heidegger, l'Allemagne a décidé pour toujours de réfléchir en soi. D'où sa dévotion à son axe de puissance, devenu le projet palpable de tout un peuple, fier de sa singularité, voire de son isolement relatif.
  • 3. Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 3 L'histoire et la psychologie participent à la compréhension de la position intraitable de l'Allemagne réunifiée, inspirée par le "Deutschland über alles" qui vaut comme principe politique fusionnel. Son mercantilisme exportateur, sa raideur monétariste liée au trauma de 1923 (l'Euro n'est pour elle que le "nom" du Mark), son protectionnisme à peine voilé, ses desseins nationalistes, ses manœuvres géo-économiques, traduisent et renforcent l'incontournable leadership d'une Allemagne, 3e puissance économique mondiale, remise et lavée de son épisode nazi_ qui n'aura été pour elle qu'un coma accidentel et désolant, scellant la fin des grands conflits européens. Cependant, bien que droite dans ses bottes, elle est parfois l'inverse sur le terrain quotidien où la propension des allemands à l'adaptation et à la souffrance complique toute photo simpliste. Cette étonnante conjugaison de la modestie des individus et de l'arrogance tranquille du peuple et de ses représentants, contribue au mystère du pays, complexe. À l'image de son équipe nationale de foot, parfois à court d'individualités de talent, mais très souvent vainqueur de la compétition. Là aussi, la spécificité allemande se révèle… Cet arrière-plan historique complexe éclaire la tragédie grecque, sans pour autant indemniser les grecs de leur indéniable irresponsabilité politique, sans pour autant exonérer Tsipras d'avoir joué au poker menteur sans en avoir les cartes. La star politique a joué et elle a perdu cette partie pour son pays. On ne se moque pas impunément de l'Allemagne ordo libérale qui a "remis à leur place" les jeunes funambules d'Athènes qui ont commis l'erreur stupide de la narguer dès le début des négociations. Mais ce jeu européen indigne, qui ne reconnaît que la puissance économique, a montré au grand jour ses limites. En particulier, et c'est pour nous essentiel, cette focalisation sur le périmètre économique passe sous silence la vraie grandeur européenne : celle de ne pas subir une domination ou croyance ou référence religieuse qui agencerait le continent. Notre Europe moderne est le "produit" d'un lent et profond processus de sécularisation qui aujourd'hui distingue l'Europe du reste du monde, largement "croyant", avec tous ses excès que nous redécouvrons avec horreur. Cette Europe, démocratique et laïque, devient le seul modèle crédible d'un devenir commun vivable. Comment pouvons-nous taire et ne pas protéger cet extraordinaire privilège ? Comment ne pas en faire un souffle
  • 4. Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 4 légitimement orgueilleux au sein d'une planète gangrénée par la barbarie. L'Europe ne peut plus longtemps se suffire de cette approche réductrice et sans perspective d'un champ de rapports de forces structurels et concurrentiels, celui d'une guerre économique permanente qui installe Berlin comme capitale d'un l'Euroland rétréci et médiocre. Pour sortir de l'impasse, pour redonner respiration et espoir au continent européen, il n'existe que deux solutions. - La première consiste à organiser une sortie-sabordage de l'euro, comme le réclament les populismes actifs de nos pays. Un échec cinglant pour une Europe meurtrie, à bout de souffle politique. - La deuxième imposerait une "Europa über alles", supplantant le Deutschland ûber alles. Avance politique décisive qui induirait la reconnaissance par l'Allemagne et ses satellites proches, des processus inégalitaires qu'engendre l'espace économique commun de l'Euroland et sa monnaie, permettant ainsi aux moins performants d'affronter avec des "points de handicap" la concurrence des leaders. Cette reconnaissance supposerait alors la mise en place politique d'un vaste système de transferts politico-économiques des puissants rhénans vers les émergents du sud et de l'est, sous l'égide d'une gouvernance européenne éthique et opérationnelle. Transferts qui compenseraient l'asymétrie éco-européenne, guérissant ainsi les maux sociaux et les plaies économiques de ceux qui jouent le jeu et qui sont aussi les "très bons clients" (et ateliers délocalisés) indispensables des pays rhénans. La première solution est la plus "populaire", la plus immédiate, qui disloquerait le concept européen malaimé. Mais à terme, étant un retour en arrière, un renoncement, elle deviendrait la plus pénalisante, la plus handicapante pour l'avenir et le moral de nos enfants qui, eux, se sentent européens sans réserve. En revanche, la deuxième serait celle de la promotion d'une éthique économique enfin lucide et d'un courage politique retrouvé, deux composantes qui font cruellement défaut ces jours-ci. La pression de l'urgence enfantera peut-être ce nécessaire miracle. Car la vraie sortie de cette crise est à l'intérieur : à nous de choisir, l'enjeu est clair. Ainsi, au fond, l'Europe resterait un "projet", et cette incomplétude serait notre chance et note chantier.
  • 5. Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 5 Pourquoi convoquer cette posture utopique qui n'est guère à la mode dans le bain réalisme contemporain ? Parce que nous sommes arrêtés en rase campagne, et que la réanimation du corps inerte est problématique. L'Europe de Schumann et Kohl est tombée malade, rongée par un "économisme" trop libéral, qui fait que seule existe une Union européenne économique intégrée, c'est-à-dire l'Euroland. Et ce dernier succombe actuellement aux asymétries de productivité, de compétitivité, d'organisation, aux réalités de la guerre fiscale interne qui sont autant de blessures que la monnaie unique a amplifiées, en l'absence de processus compensateurs. Voilà le mal qui surgit à tour de rôle : Irlande, Portugal, Espagne, Italie, et dernièrement le cas "anormal" et dramatique de la Grèce. La maladie est dans l'accomplissement des processus économiques, monétaires et financiers qui se manifestent, alors que le magistère politique qui devrait les prévenir, les réguler n'est pas assumé par les institutions actuelles, malgré les moments de bons vouloir épars de la BCE, du "gouvernement européen", de la Commission. Rien ne sert de détailler ce constat : tout le monde le connaît. Et il n'existe aujourd'hui aucune force politique capable de ranimer le corps malade, capable de lui insuffler une énergie salvatrice. Faut-il pour autant abandonner ? Ce serait une folie historique car le paradoxe nous révèle que le corps malade de l'Europe a quand même un immense mérite : il existe ! Il est là, il continue de parler, il offre au monde son existence, sa formidable histoire depuis le carolingien, ses graves difficultés mais aussi sa réalité économique, parfois synonyme de succès comme Airbus, la recherche scientifique, ses multinationales, ses orientations écologiques, etc. Comment traduire positivement cette forte réalité européenne, soumise à une fragilité chronique ? En posant le problème autrement. En proposant et en développant un imaginaire, aujourd'hui oublié ou ignoré, axé sur la culture et l'histoire qui "valent" pour l'humain plus que l'économie. Car Airbus a besoin d'Arte ! La valeur économique est bien peu significative en regard de "l'esprit européen". Proposer une grande Europe de la culture, de l'intelligence, de la volonté de penser, et puiser dans cette démarche les ressources énergétiques pour relancer l'ensemble. Organiser, acter, institutionnaliser une coopération des cerveaux, des savoirs, des artistes, (qui existe déjà), des étudiants (formidable système Erasmus) pour créer une vraie dynamique européenne de la culture et de la spiritualité Un Main Stream culturel
  • 6. Michel Henochsberg "Europa über alles ?" Université Paris X juillet 15 page 6 qui serait de nature à vaincre les résistances politiques locales, à gommer les mesquineries nationales, créant un courant culturel qui soulèverait l'Europe au-dessus d'elle même. En regard du reste du monde, réalisons que l'Europe est une superbe salle de concert et d'opéra, un lieu de spectacle vivant inépuisable, une bibliothèque générale, un vaste musée dépositaire des mémoires universelles et locales, une immense université active, une recherche scientifique intense, une variété florissante unique de paysages, de climats, de géographies, de territoires, de croyances, qui instaure la précieuse vitalité des différences, tout cela est sans égal. Cette valeur, souvent immatérielle, est d'une bien autre dimension, d'une saveur unique, et cette réalité gagnante d'un espace non administré par une croyance religieuse est en mesure d'abolir une partie des réticences et barrières qui demeurent. L'Europe est un havre unique de respiration, de circulation, d'hospitalité, de laïcité libératrice, là où l'on peut vivre. Ouvrons les yeux ! Aussi, vaincre l'euroscepticisme, le clan des nonistes et des nihilistes, par un fort vent culturel et non avec les arguments immanents au seul champ politico-économique, est une exigence ! Changer de point de vue, changer d'échelle. Il ne s'agit plus de convaincre, il s'agit de se rappeler, de contaminer, de polliniser, de converser pour susciter l'adhésion. Installer une dynamique européenne par la porte de la culture, de la démocratie, de la laïcité, de la mémoire, qui est sa force vitale depuis plus de dix siècles ! Remember Athènes…