#FEMMES #VELO
♀ Pour comprendre la relation entre la Femme et le vélo en France, il faut aller puiser dans les profondeurs socioéducatives et sociétales.
Yves Raibaud, spécialiste de la géographie du genre, l'explique clairement par ses analyses sur la place des femmes dans la ville.
Peur de la chute et de l’accident, sentiment d'insécurité la nuit, impact de la naissance d’un enfant, présentation de soi au travail,...
✅ Pour améliorer l'usage du vélo, elles préconisent des pistes cyclables sécurisées et éclairées, des garages à vélo avec vestiaires, des ateliers de remise en selle (vélo-écoles) et de réparation et une pincée de respect au quotidien.
THIBAULT HERVE David Dominique Simon David Elena SYLVIE David Hubert Daniel Sabine Agnes Valérie Francis Séverine Fabrice Enrique emmanuelle Arnaud Dr Diouane Hind Xavier Sophie Julie Jonathan Marielle Guilbaut Rebecca Pascale Laurence Sidonie Ramzi Lula-Rose Daphné Astrid Nicolas Melanie Mélanie
1. II Le Parisien
MERCREDI 2 DÉCEMBRE 2020
autrement dit aux mères de
famille qui sont bien souvent
despiliersdanslescitésetqui
se retrouvent au sein d’asso-
ciations ultra-locales. « Je
crois beaucoup aux ateliers
d’auto-réparation, aux régies
de quartier comme à Stains
(93)ouàl’implicationdesfem-
mesduFranc-Moisin,àSaint-
Denis », explique Julie. Leur
donner la parole et écouter
leursremarquesvadepair.
« Les femmes ont une ap-
proche pragmatique et il faut
qu’elles aient leur mot à dire
dans la prescription d’infras-
tructures adaptées. Ce sont
parexempleellesquiontaler-
tésurlanécessitédesécuriser
les accès à la voie Georges-
Pompidou, à Paris (NDLR : le
long des berges sur la rive
droite de la Seine). Grâce à
leurs remarques, les aména-
gementsontétéfaits(en2018)
etçaapermisd’enélargirl’uti-
lisation à tous, pas qu’aux cy-
closportifs. C’est aujourd’hui
l’une des pistes les plus em-
pruntées.»
L’égalitéàvélosegagneaus-
si par l’autonomie. Qui passe
par la maîtrise de l’entretien.
Julie suggère ainsi la mise en
placed’ateliers100%féminins,
commeceluiqu’elleacoanimé
àParis,finseptembre. C.G.
«Ellesdoiventavoir
leurmotàdire»
aJULIE
MÉCANICIENNE À PARIS
C’EST UN CONSEIL, un slogan
ou un mot d’ordre. Au choix.
«Occupezl’espace!»s’excla-
me Julie, à l’adresse des fem-
mes.Cettecyclisteengagéede
Pierrefitte(Seine-Saint-Denis)
constate des changements
marquantsencesens.«Dans
certainesruesàParis,c’estdé-
jà le cas, c’est la foire aux ma-
mans qui roulent à vélo, avec
les enfants devant ! » sourit-
elle. Et même si, dans le 93,
c’est plus « dur », comme elle
le reconnaît, Julie compte sur
laforceducollectifféminin.
Mécaniciennedansunma-
gasin de cycles de la capitale,
elle va au travail et fait ses
courses à vélo. Un moyen de
déplacement qui est aussi un
modedeviepourelle.
Pour changer la ville et les
quartierspopulaires,l’unedes
pistes pourrait être d’en con-
fier les clés aux « daronnes »,
SEINE-SAINT-DENIS
PARCLAIREGUÉDON
« J’AI ÉPROUVÉ unsentiment
deliberté,encoreplusfortque
lorsquej’aiapprisàconduireà
19ans…Onsedit:waaououh,
on en est capable ! » Ce mé-
lange de joie et de surprise,
c’est ce qu’a ressenti Zeineb
quand elle a su pour la pre-
mièrefoisfaireduvélo,àl’âge
de 48 ans. La mère de famille
de Saint-Denis (Seine-Saint-
Denis)vientdes’ymettregrâ-
ceàl’Associationdesfemmes
de Franc-Moisin. Dépasser
soncancer,seremettreenfor-
me, vaincre ses peurs, éviter
les transports en commun
bondés et se déplacer dans le
quartierenpédalantest«une
échappatoire»,résume-t-elle.
«Miroirdesinégalités»
Le témoignage de Zeineb fait
écho au colloqueen ligne que
laSeine-Saint-Denisaorgani-
sé, lundi, sur « les femmes
danslesespacespublics,àtra-
verslapratiqueduvélo».«Un
usage plébiscité pour ses
nombreuses qualités mais
nousconstatonsqu’ilestaussi
un miroir des inégalités entre
les femmes et les hommes »,
rappelle Stéphane Troussel,
présidentsocialistedudépar-
tement. La réflexion intéresse
au-delà du territoire comme
l’attestent les connexions de
participants issus de toute la
Francelorsducolloque.
«Cerclevicieux»
Deux chiffres posent les dé-
bats. « On a 60 % d’hommes
qui pratiquent le vélo en Ile-
de-France»,préciseEliseMi-
chaud, chargée de mission
Egalité au sein du départe-
ment. Une deuxième donnée
indiquequelesfemmesnere-
présentent que 38 % des cy-
clistes, selon une étude réali-
sée par des chercheurs du
CNRS en 2018 à Bordeaux
(Gironde).«L’écartsecreusela
nuit et par temps de pluie :
78 % des cyclistes sont alors
deshommes»,noteYvesRai-
baud,l’undesauteursdel’ana-
lysedontlerésumé,misenli-
gnelorsdudéconfinement,est
l’un des dix sujets les plus lus
surlesiteduCNRS.
« Est-ce que les pouvoirs
publics et les associations ne
sont pas obligés d’intégrer le
genresionveutavoirunepra-
tique égalitaire du vélo et la
développer?»interrogeElise
Michaud.«Legenresedistin-
gue du sexe, c’est une cons-
tructionsociale,unrapportde
pouvoir»,rappelleChrisBla-
che, de l’association Genre et
ville.
Une construction qui com-
mencedèsl’enfanceetseren-
force à l’adolescence concer-
nant la pratique du vélo,
commel’expliqueDavidSaya-
gh, chercheur au Cerema, un
établissement public chargé
d’expertisesauprèsdescollec-
tivités.«Dèsleplusjeuneâge,
les filles sont moins incitées
quelesgarçonsàinvestirl’es-
pace extérieur, à fournir des
efforts physiques et à prendre
desrisques»,détaille-t-il.
« A l’adolescence, elles se
voientplusfréquemmentdis-
suadées par les parents de se
déplacer seule, de sortir
du quartier de résidence, dé-
crit encore David Sayagh. Au
fildutemps,ellesaccumulent
moins de compétences, no-
tamment pour réparer leur
vélo ou rouler dans le trafic.
C’est un cercle vicieux. Elles
sont incitées à moins prati-
quer et elles deviennent
moinscompétentes.»
Aquestiontechnique,
réponsesexiste
L’Association des femmes de
Franc-Moisin(AFFM),àSaint-
Denis, y apporte une réponse
en proposant des séances
d’apprentissagehebdomadai-
resàdouzestagiairesâgéesde
22à71ans.«Lesréactionsont
été enthousiastes. Nous don-
nonsaussidescoursdeCode
delarouteetderéparationde
vélo », précise Gwladys
Guillaume,animatriceausein
del’AFFM.
D’autres approches ont vu
lejourenIle-de-Franceetdes
groupesinformelssesontor-
ganisés,àl’imagedes«Gow»,
les Girls On Wheels qui, de-
puis plus de quatre ans, se
donnent rendez-vous chaque
mercredi soir pour des « ri-
des » nocturnes féminins de
25à45kmdansParis,ouverts
àtouslesniveaux.
«Onattend toujourstoutes
les filles, qu’elles soient victi-
mesd’unecrevaisonouqu’el-
les soient plus lentes, raconte
Vicky Carbonneau, cofonda-
trice du collectif. Et on les en-
courageàprogresseretàaller
de plus en plus loin. Les filles
se sentent très à l’aise pour y
poserdesquestions,ajoute-t-
elle, parce que dans d’autres
groupes mixtes et masculins,
toutseditmaissansrespect.»
Autrement dit, des deman-
des techniques partagées par
desfemmesontdéclenchéde
violentesréactionssexisteset
deharcèlement.
Illustration. Les femmes
ne représentent que 40 %
des cyclistes en Ile-de-France.
Pourquoilesfemmesrenoncentauvélo
Les cyclistes sont majoritairement des hommes. Un constat qui s’explique par de nombreuses
raisons présentées dans un colloque organisé par le département de la Seine-Saint-Denis.
a«Dèsleplusjeune
âge,lesfillessont
moinsincitées
quelesgarçons
àinvestirl’espace
extérieur,à
fournirdesefforts
physiques
etàprendre
desrisques»
DAVIDSAYAGH,CHERCHEUR