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Cadavres exquis
un jour, j’ai rencontré un garçon qui m’a offert un livre de sophie Calle. J’en ai déduit
qu’il m’offrait ainsi une nuit dans son lit. Je ne m’étais pas trompée. Je ne l’y ai pas
suivi mais dans mon lit j’ai pris le livre de sophie.
autrefois, j’ai aimé un homme. Mais il est mort avant que je ne naisse, un vendredi
13. Cet homme m’a donné le goût de la lecture. il est, pour moi, la vie mode
d’emploi et l’envie d’aller voir toujours derrière les choses. C’est à lui que je
dédie non pas le 11 rue simon-Crubellier mais ce Calle del Barco, 13.
À 33 ans, j’ai aménagé à Madrid dans la rue de la Barque, une arche de Noé jetée
entre la Grand rue et les quartiers de Chueca et de Malasaña. elle n’est pas loin de
la rue du Poisson. depuis la France, je rêvais sa toponymie. Je l’imaginais comme
un aquarium ouvert à mon imagination. de ses eaux troubles, je n’ai gardé que le
meilleur : ses habitants curieux, ses chapelles ardentes, ses prostituées en résille,
ses junkies hallucinés, ses églises baroques, ses vieux commerçants suspicieux et
ses jeunes entrepreneurs investissant dans le quartier.
aurélia, sirène photographe, a échoué sur ses pavés. elle a été mon œil rêveur
et ma complice aventureuse. Plus que des clichés, elle a offert à cette rue de la
Barque une identité.
À l’heure où le livre s’ouvre et où l’objectif se ferme, je repense à ces cadavres
exquis qui ont donné vie à notre projet. qu’ils soient remerciés, vivants et morts,
d’y avoir contribué.
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Cadáveres exquisitos
un día conocí a un chico que me regaló un libro de sophie Calle. de donde deduje
que con ello me estaba proponiendo una noche en su cama. No estaba equivocada.
No le seguí, pero en mi cama cogí el libro de sophie.
en otro tiempo, amé a un hombre. Pero él murió antes de que yo naciera, un
viernes 13. este hombre me transmitió el gusto por la lectura. Él es, para mí, la
vida instrucciones de uso y las ganas de mirar siempre detrás del telón. a él le
dedico no el 11 rue simon–Crubellier, sino este Calle del Barco, 13.
Con 33 años me mudé a Madrid, a la calle del Barco, un arca de Noé varada entre
la Gran vía y los barrios de Chueca y Malasaña. No está lejos de la calle del Pez.
desde Francia, soñaba con esta toponimia. La imaginaba como un acuario abierto
a mi imaginación. de sus aguas turbias, me quedo con lo mejor: sus habitantes
curiosos, sus capillas ardientes, sus prostitutas con medias de rejilla, sus yonquis
colocados, sus iglesias barrocas, sus viejos comerciantes suspicaces y sus jóvenes
empresarios que invierten en el barrio.
aurélia, sirena fotógrafa, ha encallado en sus adoquines. ella ha sido mi ojo
soñador y mi cómplice aventurera. Más que clichés, ella le ha dado a esta calle del
Barco una identidad.
Llegado el momento de abrir el libro y cerrar el objetivo, pienso de nuevo en esos
cadáveres exquisitos que han dado vida a nuestro proyecto. Gracias les sean dadas,
a los vivos y a los muertos, por haber contribuido a él.
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il m’a regardé longuement, droit dans les yeux, sans ciller ni obliquer. Je sentais juste le froid du pisto-
let embraser ma peur. Pourquoi crier ? Pourquoi parler ? Frères de sang, ennemis jurés, nous l’avions
toujours été. Je me suis souvenu de ces heures à imaginer la confession ultime, celle qui me pardon-
nerait d’être né, de ne pas souffrir autant que lui et de ne pas savoir aimer. depuis aussi longtemps
que je m’en souvienne, je l’ai toujours abhorré. sa froideur, sa grandeur, sa raideur : un piètre repré-
sentant de la sainteté déguisé en poupée pour les parades et les festivités. du galon, en veux-tu en
voilà, mais rien qui ne me fasse m’incliner. Moi, je suis rouge depuis le plus profond de mes artères,
je n’ai de père que celui que ma mère m’a donné, je n’ai pour frères que ceux qui ont le poing levé.
Je crache sur sa face parce que je n’ai pas de pitié pour celui qui se cache dans les corsets, qui s’ac-
croche au-dessus des lits et qui s’affiche dans un sourire composé. J’en avais oublié l’autre à côté, à
genoux, en train de prier. À cette seconde, j’avais juste envie de le tuer, pour faire taire sa peur au
ventre et sa foi en l’éternité, pour que les murmures cessent enfin, dans leur credo insipide, sur les
lèvres crispées. Pas le temps de tergiverser. C’était lui ou l’autre. J’ai tiré. Le sang n’a pas coulé.
L’un n’a pas bougé. L’autre s’est relevé. il s’est enfui, certain que le Christ l’avait sauvé. Moi, je sais
avec qui j’ai voulu en terminer.
Él me miró largo rato, directamente a los ojos, sin pestañear ni desviar la mirada. sólo sentía el frío de
la pistola abrasar mi miedo. ¿Por qué gritar? ¿Por qué hablar? Hermanos de sangre, enemigos jura-
dos, lo habíamos sido siempre. Me acordé de aquellas horas en las que imaginaba la última confesión,
aquella en que se me perdonaría por haber nacido, por no haber sufrido tanto como él y por no saber
amar. desde que puedo recordar, le he aborrecido. su frialdad, su superioridad, su rigidez: un mezqui-
no representante de la santidad disfrazado de muñeca para las procesiones y los festejos. Galones,
para dar y tomar, pero nada como para reverenciarle. Yo soy rojo desde lo más profundo de mis arte-
rias, no tengo de padre más que el que mi madre me dio, no tengo más hermanos que los que tienen
el puño en alto. Le escupo a la cara porque no tengo piedad para quien se esconde tras los corsés,
quien se cuelga encima de las camas y quien se exhibe en las sonrisas forzadas. Me había olvidado del
otro que estaba al lado, de rodillas, rezando. en ese instante, tuve ganas de matarle, para acallar su
miedo visceral y su fe en la eternidad, para que los murmullos cesen al fin, en su credo insípido, en los
labios crispados. Nada de tergiversaciones. se trataba del uno o del otro. disparé. La sangre no brotó.
uno no se movió. el otro se incorporó. Huyó, seguro de que el Cristo lo había salvado. Yo sé con quién
he querido terminar.
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quand je le lui ai annoncé,
ma mère a beaucoup pleuré. Mais je lui ai dit :
« Ton fils est mort mais ta fille vient de naître.
Je serai toujours là, maman ».
Cuando le di la noticia, mi madre lloró mucho.
Pero yo le dije: “tu hijo ha muerto, pero tu hija acaba de nacer.
estaré siempre ahí, mami”.
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Le Barco est hybride et moi aussi.
el Barco es híbrido y yo también.
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graciles morsures. Tu embrases la mobile paupière ourlée de velours d’une délicate ombre grisée qui
transforme ton iris en ciel d’orage, changeant et furieux, accentuant le contraste de tes lèvres
charnues et charnelles, dans une moue moqueuse d’où émerge la fossette de ta joue, nid d’amour où
j’aime enfouir des baisers éperdus, ivres d’amour et de désir. Tu bordes ces arches d’un fil tendre que
tu emplis d’un captif rouge. Je suis palpitant et étendu dans ce corps à cœur avec ton image, débordant
de cette tension aveugle avec ton reflet éperdu dans le miroir. Tu deviens autre mais toujours la même, tu
aveugles de ta présence ma patience infinie. Tu es mon elsa, ma douce, ma chair vivante, ma promesse
d’aube et de jours nouveaux. Tu es infiniment pleine de toi, amoureusement belle de vie, changeante,
aimante, amante et sans cesse renouvelée de ton ardente grâce. J’aime découvrir dans le creux de ton
aine le parfum secret des souvenirs, te humant, te léchant, pour t’ouvrir à la fraîcheur de la nuit.
Mais tu glisses et tu t’échappes dans un léger flottement de rire, arborant à présent cette moqueuse et
ironique posture du désir refusé et sans cesse aboli. elsa, que fais–tu de moi ? que deviens–tu loin d’ici ?
La pointe de tes seins se tend sous mes caresses et mes sens se multiplient comme autant de fais-
ceaux qui parachèvent mon incandescence. Mais le duvet qui les couvre compose autant de voiles à
l’impudeur qui te déchire et je reste transi, au bord du geste ultime qui déferait l’illusion de cet instant
d’éternité. savamment tu enfiles le corset qui te lace de son érotique filet, immobilisant la courbe de
ton omoplate dans un ironique hoquet. Le grain de ta peau se marbre de cette tension lascive et tu
aterciopelado párpado móvil con una delicada sombra grisácea que transforma tu iris en cielo de tormen-
ta, cambiante y furioso, acentuando el contraste de tus labios carnosos y carnales, en una mueca burlona
de la que emerge el hoyuelo de tu mejilla, nido de amor en el que me gusta esconder besos locos, ebrios
de amor y de deseo. Perfilas esos arcos con un hilo tierno y los rellenas de un rojo cautivo. Yo estoy palpi-
tante y tendido en esta lucha cuerpo a corazón con tu imagen, desbordante de esta tensión ciega con tu
reflejo loco en el espejo. te conviertes en otra pero siempre la misma, ciegas con tu presencia mi pacien-
cia infinita. tú eres mi elsa, mi dulce, mi carne viva, mi promesa de amanecer y días nuevos. estás infini-
tamente llena de ti, amorosamente bella de vida, cambiante, cariñosa, amante y constantemente renovada
de tu ardiente gracia. Me gusta descubrir en el hueco de tu ingle el perfume secreto de los recuerdos,
oliéndote, lamiéndote, para abrirte al frescor de la noche. Pero te deslizas y te escapas en una ligera bur-
buja de risa, haciendo gala en ese momento de la burlona e irónica postura del deseo rechazado y siempre
abolido. elsa, ¿qué haces de mí? ¿en qué te conviertes lejos de aquí? La punta de tus senos se eriza con
mis caricias y mis sentidos se multiplican como otros tantos haces que rematan mi incandescencia.
Pero la pelusa que los cubre reviste con otros tantos velos el impudor que te desgarra y yo me quedo tran-
sido, al borde del gesto último que desharía la ilusión de este instante de eternidad. Hábilmente te pones
el corsé que te atrapa en su erótica red, inmovilizando la curva de tu homóplato en un irónico hipido.
La textura de tu piel se jaspea con esta tensión lasciva y aprietas sobre tu corazón el armazón de seda que
18. Calle del Barco 13 est un livre utopique qui réunit
13 portraits littéraires et photographiques d’un quartier
énigmatique de Madrid, entre Chueca et Malasaña.
Photographies, citations, textes poétiques se mêlent
pour suggérer la vie et l’âme d’une rue à la fois réelle et
fantasmée. Fruit de la collaboration entre Nelly Labère,
auteur, et Aurélia Frey, photographe, Calle del Barco 13
invite à entrer dans l’imaginaire d’une ville secrète et
sensuelle, Madrid.
Calle del Barco 13 es un libro utópico que reúne
13 retratos literarios y fotográficos de un barrio enigmático
de Madrid, entre Chueca y Malasaña. Fotografías, citas,
textos poéticos se entremezclan para sugerir la vida
y el alma de una calle real y, a la vez, soñada. Fruto de
la colaboración de Nelly labère, autora, y aurélia Frey,
fotógrafa, Calle del Barco 13 nos invita a penetrar en el
imaginario de una ciudad secreta y sensual, Madrid.