1. Thèse présentée pour l’obtention du grade de
Docteur de l’Université Louis Pasteur
Strasbourg I
Discipline : Physique Nucléaire
par Sébastien Bianchin
Multifragmentation :
Rôle de la masse et de l’isospin
Soutenue publiquement le 21 Septembre 2007
Membres du jury
Pr. Wolfgang Trautmann Co-Directeur de thèse (GSI Darmstadt)
Dr. Fouad Rami Co-Directeur de thèse (IPHC & ULP Strasbourg)
Pr. Abdelmjid Nourreddine Président du jury (IPHC & ULP Strasbourg)
Dr. Christian Beck Rapporteur interne (IPHC & ULP Strasbourg)
Dr. Abdelouahad Chbihi Rapporteur externe (GANIL Caen)
Pr. Helmut Oeschler Rapporteur externe (Université de Darmstadt)
2.
3.
4.
5. Remerciements
Mes premiers remerciements iront tout naturellement à messieurs Fouad Rami et
Wolfgang Trautmann pour m’avoir donné l’opportunité de travailler dans un domaine
de recherche aussi passionnant. Je tiens à ce titre à remercier particulièrement monsieur
Trautmann ainsi que tous mes collègues du groupe ALADiN pour leur accueil, leur dispo-
nibilité et pour les échanges souvent fructueux que l’on a pu avoir. Je pense notamment à
Arnaud Le Fèvre, Jerzy Lukasik, Carsten Schwarz, Alexander Botvina, Uli Lynen, Khalid
Kezzar et Titti sans la collaboration de qui ce travail n’aurait certainement pas pu se faire.
Je tiens également à remercier le professeur Abdelmjid Nourreddine ainsi que tous les
membres du jury (messieurs Christian Beck, Abdelouahad Chbihi et Helmut Oeschler)
pour m’avoir fait l’honneur de leur présence, pour l’intérêt qu’ils ont porté à la lecture
de ce document, mais aussi pour leur enthousiasme et leurs remarques bien souvent per-
tinentes.
Un immense merci également à toute l’équipe rédactionnelle du chapitre 6 (Antoine Bac-
quias, David Boutin, Audrey Chatillon, Tudi Le Bleis, Christophe Rappold, Titti et Ni-
colas Winckler) pour leurs commentaires et leurs corrections, mais surtout pour m’avoir
permis de terminer la rédaction de ce manuscrit sans trop déborder sur les délais.
J’aimerais, à ce titre, adresser un remerciement spécial et tout particulier à celle qui restera
de loin ma "collègue" préférée (Audrey Chatillon) sans le soutien de qui, c’est certain (si,
si !), je n’aurais jamais été capable de terminer dans les temps. Merci de m’avoir poussé,
de m’avoir tenu tête et d’y avoir cru quand je n’y croyais plus. J’espère sincèrement avoir
tort et que les ponts ne s’écrouleront pas.
Merci à toutes les personnes que j’ai pu rencontrer au cours de ces presque quatre an-
nées passées à GSI et que j’apprécie énormément : Lucia Caceres, Juan Castillo, la french
connexion, Stoyanka "Tania" Ilieva1
, Adam Klimkiewicz, Olga Lepyoshkina (thanks for
the dances) Barbara Soulignano (merci pour ces longues conversations tardives à GSI),
Martino Trassinelli (merci pour ces longues conversations tardives au restaurant), Sergiy
Trotsenko et bien sûr ............................2
.
Je tiens également à remercier mes "non-GSI friends"3
, ainsi que leurs familles respec-
tives4
, pour leur soutien : Hassan (de loin mon meilleur ami), Aurélien, Cédric, Claire
(merci encore pour tout), Clément, Danaé, Kathia et Nico, Julie et Bérangère (n’atten-
1
Cette petite phrase en français n’est rien que pour toi.
2
Si j’ai oublié votre nom, merci de l’inscrire ici.
3
"Mes amis éxtérieurs à GSI" pour les non anglophones.
4
Mension spéciale à la famille Cherradi pour leur hospitalité et leur gentillesse.
6. 6
dons pas encore 10 ans pour nous revoir), Sam, Stéphane, Thomas, ............................5
et
bien entendu Isa pour avoir toujours été là même si je ne l’ai pas toujours vu (j’espère
qu’un jour tu seras cap de me pardonner).
Et parce que la vie ne s’arrête pas après la thèse (loin de là !), je voudrais également
remercier monsieur Takehiko Saito ainsi que tous les membres du groupe HypHI (Olga
Borodina, Myroslav Kavatsyuk, Shizu Minami, Daisuke Nakajima et Christophe Rappold)
pour m’avoir accueilli si chaleureusement parmi eux.
Bien entendu, je terminerais en remerciant ma famille à qui je dois tout et sans qui je ne
serais littéralement pas là où j’en suis aujourd’hui. Je pense bien sur à ma famille proche :
mon père (ma plus grande source d’inspiration), Geneviève, mes deux soeurs que j’adore
Amandine et Aurélie, le petit Valentin, Kévin et Régis et leur petite famille respective,
mais également à tous mes oncles, tantes, cousins et cousines aux quatre coins de la France
et bien sûr une pensée spéciale pour Amélie (on pense tous très fort à toi).
5
Voir 2
.
10. 10 TABLE DES MATIÈRES
2.7 Le détecteur de neutrons LAND . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.8 Systèmes étudiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3 Mesure de la masse des fragments 55
3.1 Reconstruction de la trajectoire des fragments . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3.1.1 Identification des traces dans la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV 55
3.1.2 Reconstruction des trajectoires à l’intérieur de l’aimant ALADiN . . 56
3.2 Détermination de la masse des produits de réaction . . . . . . . . . . . . . 57
3.2.1 Sélection en charge des fragments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.2.2 Étalonnage des photomultiplicateurs du mur de temps de vol . . . . 58
3.3 Détermination des taux de production des différents isotopes . . . . . . . . 63
4 Propriétés générales des événements de fragmentation 71
4.1 Définition de la source spectatrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
4.2 Sélection du paramètre d’impact - l’observable Zbound . . . . . . . . . . . . 72
4.3 Multiplicité moyenne de fragments de masse intermédiaire - le "Rise and
Fall" de la multifragmentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
4.4 Charge du plus gros fragment détecté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
4.5 Effets pair-impairs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
5 Mesure de la température 83
5.1 Méthodes de mesure des températures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
5.2 Notion de température isotopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
5.3 Choix du thermomètre isotopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
5.4 Étalonnage des thermomètres isotopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
5.5 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
5.5.1 Analyse des rapports des taux de production isotopiques . . . . . . 90
5.5.2 Mesures de températures pour les trois systèmes 124
Sn, 124
La et 107
Sn 91
5.5.3 Comparaison entre les systèmes pour les températures THeLi et TBeLi 92
6 Isoscaling et énergie de symétrie 97
6.1 Le phénomène d’isoscaling . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
6.2 Énergie de symétrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Conclusion 119
Appendices 123
A Le modèle statistique de multifragmentation SMM 123
B Taux de production isotopiques mesurés 127
Bibliographie 147
11. Table des figures
1.1 Densités nucléaires obtenues pour différents noyaux . . . . . . . . . . . . . 18
1.2 Équation d’état de la matière nucléaire à T = 0 . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.3 Diagramme de phases de la matière nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.4 Équation d’état de la matière nucléaire à T = 0 . . . . . . . . . . . . . . . 22
1.5 Illustration de la notion participant-spectateur . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.6 Les différentes étapes de la multifragmentation . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.7 Courbe calorique nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
1.8 Masse moyenne du préfragment et énergie d’excitation en fonction de Zbound 27
1.9 Températures limites prédites par le modèle Hartree-Fock . . . . . . . . . . 28
1.10 Courbe calorique obtenue pour des données provenant de différentes expé-
riences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
1.11 Températures limites expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
1.12 Compositions isotopiques et masses des fragments prédites par le modèle
statistique SMM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
1.13 Courbes caloriques prédites par le modèle SMM pour les systèmes 124
Sn,
124
La et 197
Au . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.1 Le complexe accélérateur GSI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.2 Le séparateur de fragments FRS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.3 Composition isotopique des faisceaux secondaires utilisés . . . . . . . . . . 39
2.4 Le détecteur de position . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.5 Profil des faisceaux dans le détecteur de position . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.6 L’hodoscope de Catane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.7 Le dispositif expérimental ALADiN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
2.8 La chambre d’ionisation TP-MUSIC IV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
2.9 Coupe horizontale du détecteur TP-MUSIC IV . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.10 Électronique de lecture du détecteur TP-MUSIC IV . . . . . . . . . . . . . 47
2.11 Spectre en charge obtenu grâce au détecteur TP-MUSIC IV . . . . . . . . 48
2.12 Corrélation entre la charge mesurée à l’aide des compteurs proportionnels
et celle mesurée à l’aide des chambres d’ionisation . . . . . . . . . . . . . . 49
2.13 Module du mur de temps de vol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
2.14 Le mur de temps de vol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2.15 Performances du mur de temps de vol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
12. 12 TABLE DES FIGURES
2.16 Logique de lecture du mur de temps de vol . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.17 Le détecteur de neutrons LAND . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.1 Reconstruction des traces dans la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV . . . 56
3.2 Sélection en charge des fragments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
3.3 Correction du walk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
3.4 ∆A en fonction du numéro de scintillateur avant les corrections de walk . . 60
3.5 Corrections fines appliquées à la fonction de walk . . . . . . . . . . . . . . 62
3.6 ∆A en fonction du numéro de scintillateur après les corrections de walk . . 63
3.7 Spectres en masse obtenus pour le système 124
Sn . . . . . . . . . . . . . . . 64
3.8 Spectres en masse obtenus pour le système 124
La . . . . . . . . . . . . . . . 65
3.9 Spectres en masse obtenus pour le système 107
Sn . . . . . . . . . . . . . . . 66
3.10 Variation de σ en fonction de la masse des fragments. . . . . . . . . . . . . 67
3.11 Ajustement du bruit de fond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
3.12 Ajustement d’un spectre en masse obtenu pour le système 124
Sn . . . . . . 69
3.13 Rapport signal sur bruit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
4.1 Dynamique de la réaction et détection des fragments . . . . . . . . . . . . 71
4.2 Spectre en vitesse (β) et sélection de la source spectatrice . . . . . . . . . . 72
4.3 Distributions de l’observable Zbound pour les trois systèmes 124
Sn, 124
La et
107
Sn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
4.4 Multiplicité moyenne de fragments de masse intermédiaire <MFMI> . . . . 75
4.5 Multiplicité moyenne de fragments de masse intermédiaire - Comparaison
avec le modèle SMM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
4.6 Corrélation entre les observables Zmax et Zbound . . . . . . . . . . . . . . . 77
4.7 Zmax/Zproj moyen en fonction de Zbound/Zproj . . . . . . . . . . . . . . . . 78
4.8 Valeurs de <N>/Z en fonction du numéro atomique Z pour différentes
centralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
4.9 Rapport <N/Z> en fonction du numéro atomique Z . . . . . . . . . . . . 80
4.10 Rapport <N>/Z en fonction du numéro atomique Z - Comparaison avec
les données FRS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
5.1 Différentes méthodes de mesure de température des systèmes hadroniques . 84
5.2 Valeurs des paramètres α et ∆B pour différentes combinaisons de paires
d’isotopes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
5.3 Température apparente obtenue pour plusieurs thermomètres isotopiques . 88
5.4 Etalonnage des thermomètres isotopiques grâce au modèle statistique QSM 90
5.5 Rapports des taux de production de quelques paires d’isotopes en fonction
de Zbound/Zmax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
5.6 Températures isotopiques mesurées pour les trois systèmes 124
Sn, 124
La et
107
Sn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
5.7 Températures isotopiques THeLi et TBeLi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
13. TABLE DES FIGURES 13
6.1 Rapport R21 entre les taux de production isotopiques et isotoniques pour les
réactions 124
Sn+124
Sn et 112
Sn+112
Sn en fonction de N et Z respectivement 98
6.2 Rapport R12 en fonction de t3 = (N − Z)/2 . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
6.3 Rapports des taux de production obtenus pour les réactions 124
Sn+Sn et
107
Sn+Sn en fonction de N et Z - résultats de la méthode d’ajustement ‚ 100
6.4 Valeurs de α et β obtenues par ajustement bidimentionnel (méthode d’ajus-
tement ‚) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
6.5 Rapports des taux de production obtenus pour les réactions 124
Sn+Sn et
107
Sn+Sn en fonction de N et Z - résultats de la méthode d’ajustement ƒ 102
6.6 Valeurs moyennes de α et β obtenues par ajustement individuel des isotopes
et isotones (méthode d’ajustement ƒ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
6.7 Rapports des taux de production obtenus pour les réactions 124
Sn+Sn et
107
Sn+Sn en fonction de N et Z - résultats de la méthode d’ajustement „ 104
6.8 Valeurs de α et β obtenues en supposant α = −β (méthode d’ajustement „)105
6.9 Rapport réduit S(N) pour le système réactionnel (124
Sn/107
Sn) . . . . . . . 106
6.10 Paramètres d’isoscaling α et β en fonction de Zbound . . . . . . . . . . . . 108
6.11 Comparaison des résultats obtenus pour le coefficient γ du terme d’énergie
de symétrie entre les deux systèmes réactionnels isobares (124
Sn/124
La) et
isotopiques (124
Sn/107
Sn) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
6.12 Paramètre α, température isotopique THeLi et terme d’énergie de symétrie
γapp obtenus grâce au détecteur INDRA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
6.13 Corrélation entre les deux observables liées au paramètre d’impact dans le
cas du détecteur INDRA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
6.14 Comparaison des résultats obtenus pour le coefficient γ du terme d’énergie
de symétrie à partir des données collectées grâce aux détecteurs INDRA et
ALADiN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
6.15 Comparaison des résultats obtenus pour le coefficient γ du terme d’énergie
de symétrie en utilisant les valeurs de la température mesurée grâce aux
thermomètres THeLi et TBeLi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
6.16 Comparaison des résultats obtenus pour le coefficient γ du terme d’éner-
gie de symétrie à partir des données collectées grâce aux détecteurs IN-
DRA et ALADiN, mais également dans le cadre de l’expérience menée par
D.V. Shetty et al. [She07] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
6.17 Comparaison des résultats obtenus pour le coefficient γ du terme d’énergie
de symétrie en utilisant la méthode d’isoscaling pour les fragments pro-
duits lors de la réaction et le rapport des taux de production de neutrons
libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
A.1 Les ensembles thermodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
B.1 Taux de production pour le système 124
Sn (0, 0 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 2) . . . 129
B.2 Taux de production pour le système 124
Sn (0, 2 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 4) . . . 130
B.3 Taux de production pour le système 124
Sn (0, 4 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 6) . . . 131
14. 14 TABLE DES FIGURES
B.4 Taux de production pour le système 124
Sn (0, 6 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 8) . . . 132
B.5 Taux de production pour le système 124
Sn (0, 8 ≤ Zbound/Zproj ≤ 1, 0) . . . 133
B.6 Taux de production pour le système 124
Sn (données inclusives) . . . . . . . 134
B.7 Taux de production pour le système 107
Sn (0, 0 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 2) . . . 135
B.8 Taux de production pour le système 107
Sn (0, 2 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 4) . . . 136
B.9 Taux de production pour le système 107
Sn (0, 4 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 6) . . . 137
B.10 Taux de production pour le système 107
Sn (0, 6 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 8) . . . 138
B.11 Taux de production pour le système 107
Sn (0, 8 ≤ Zbound/Zproj ≤ 1, 0) . . . 139
B.12 Taux de production pour le système 107
Sn (données inclusives) . . . . . . . 140
B.13 Taux de production pour le système 124
La (0, 0 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 2) . . . 141
B.14 Taux de production pour le système 124
La (0, 2 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 4) . . . 142
B.15 Taux de production pour le système 124
La (0, 4 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 6) . . . 143
B.16 Taux de production pour le système 124
La (0, 6 ≤ Zbound/Zproj ≤ 0, 8) . . . 144
B.17 Taux de production pour le système 124
La (0, 8 ≤ Zbound/Zproj ≤ 1, 0) . . . 145
B.18 Taux de production pour le système 124
La (données inclusives) . . . . . . . 146
15. Introduction
Les collisions entre ions lourds aux énergies relativistes ont pour objectif principal de
produire des noyaux dit "chauds", c’est-à-dire des noyaux dans lesquels la matière nu-
cléaire est soumise à des conditions extrêmes de température et de densité. L’étude de ces
collisions permet donc d’explorer le diagramme des phases de cette matière nucléaire et,
finalement, d’en écrire son équation d’état.
Des questions se posent actuellement concernant le rôle de l’isospin dans ces réactions et
notamment dans le processus de multifragmentation. Afin de répondre à ces questions,
des données ont récemment été collectées grâce au spectromètre ALADiN auprès du syn-
chrotron d’ions lourds SIS (SchwerIonen Synchrotron). La décroissance des projectiles de
différentes compositions isotopiques a été mesurée en cinématique inverse. La reconstruc-
tion de traces, couplée à des mesures de temps de vol, permet de déterminer l’impulsion
et la masse des fragments produits. Des faisceaux stables de 197
Au et de 124
Sn, ainsi que
des faisceaux radioactifs secondaires de 124
La et de 107
Sn, disponibles grâce au séparateur
de fragments FRS, ont été utilisés dans le but de couvrir une large gamme de compo-
sitions massiques et isotopiques, permettant ainsi une étude comparative du processus
de multifragmentation des systèmes spectateurs formés aux énergies relativistes (dans le
cadre de ce travail de thèse Eproj = 600 MeV/nucléon) en fonction de la masse (124
Sn,
197
Au) et de la composition isotopique du système. Pour ce dernier point, la paire d’iso-
bares 124
Sn/124
La et la paire isotopique 124
Sn/107
Sn sont utilisées. La cinématique inverse
offre l’avantage de s’affranchir d’un seuil de détection des fragments lourds ainsi que des
résidus, ce qui permet un accès unique à la dynamique de la réaction. De plus, le dispositif
ALADiN permet la détection de tous les produits de la réaction. Des progrès significatifs
dans l’interprétation de l’énergie cinétique des fragments et dans la compréhension du
mécanisme de multifragmentation peuvent alors être espérés.
Dans les collisions entre ions lourds, la multifragmentation du projectile spectateur peut
être considérée comme universelle. Cette universalité a été démontrée par la collabora-
tion ALADiN durant ses premières campagnes d’expériences [Sch96]. Une des principales
motivations de la campagne S254 est de vérifier si cette universalité est invariante par
rapport à l’isospin.
Outre ce dernier, la masse peut également jouer un rôle important dans le processus de
fragmentation. En effet, cette influence a été suggérée pour la température limite [Nat02],
qui gouverne la courbe calorique (température en fonction de l’énergie d’excitation). Cette
quantité représente la température maximale au-delà de laquelle les noyaux n’existent
16. 16
plus comme des systèmes auto-liés dans les calculs de type Hartree-Fock [Bes89]. Pour les
systèmes les plus légers, la température limite est plus élevée, principalement parce que
l’énergie coulombienne y est plus faible. Toutefois, l’approche statistique SMM (Statisti-
cal Multifragmentation Model) prédit que la température est pratiquement invariante en
masse dans la région de coexistance liquide-gaz [Bon95].
Nous nous attendons donc, avec ce choix de projectiles, à ce que les influences relatives
de la masse et de l’isospin, ainsi que le rôle de la température limite dans la décroissance
multi-fragments puissent être discernés et étudiés. La comparaison de deux systèmes de
masses différentes devrait donc permettre de distinguer si la température de breakup est
déterminée par l’énergie de liaison du système nucléaire "chaud" (description microsco-
pique) ou par l’espace des phases accessible par fragmentation (description statistique).
La même comparaison peut être faite en variant l’isospin du système.
17. Chapitre 1
Propriétés de la matière nucléaire et
collisions entre ions lourds
La matière nucléaire se caractérise essentiellement par sa densité élevée et par la nature
fermionique de ses constituants, les nucléons, dont les interactions sont régies à la fois par
l’interaction forte, l’interaction faible et la force électromagnétique. Bien que différente
de la matière "visible" ou macroscopique, la matière nucléaire peut être décrite par les
mêmes grandeurs thermodynamiques (densité, température et pression). Etudier la ma-
tière nucléaire dans des conditions extrêmes de température et/ou de pression (densité)
permet alors de mieux comprendre et d’appréhender son comportement, et ainsi d’établir
ce que l’on appelle l’équation d’état de la matière nucléaire. Une fois établie, cette dernière
permet de décrire totalement l’évolution des systèmes nucléaires et ainsi de prédire leurs
éventuelles transitions de phases. Au-delà de l’équation d’état de la matière nucléaire,
ces études approfondissent nos connaissances sur la formation de la matière au début de
l’Univers, la structure des étoiles à neutrons, ainsi que sur les mécanismes d’explosion des
supernovæ.
1.1 Équation d’état de la matière nucléaire
L’équation d’état d’un système est la relation qui lie des grandeurs thermodynamiques
telles que la pression P, la densité ρ et la température T. Cette équation est un outil fon-
damental de physique statistique et de thermodynamique qui permet, par exemple, de
prédire l’existence de transitions de phases liquide-gaz dans les fluides réels de type Van
der Waals. Dans le cas des noyaux, qui sont des systèmes à faible nombre de constituants,
il est possible de définir un système idéal infini que l’on appelle la matière nucléaire.
Un des points de l’équation d’état de la matière nucléaire à température nulle est connu
expérimentalement : le point dit de "saturation". Les caractéristiques de ce dernier cor-
respondent essentiellement à celles du fluide nucléaire qui compose la partie centrale des
noyaux lourds.
18. 18 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
1.1.1 Notion de saturation
Dès les premières expériences de mise en évidence des noyaux atomiques, au début du
siècle, l’on s’est aperçu que les noyaux n’étaient pas ponctuels. Dès lors, de nombreuses
expériences ont été réalisées dans ce domaine, notamment par diffusion d’électrons [Hof56].
Il a alors été établi que la densité de charge, au centre des noyaux massifs, est pratiquement
indépendante du noyau considéré, démontrant ainsi que la densité totale des nucléons au
centre des noyaux lourds est, elle aussi, indépendante du noyau.
Fig. 1.1 – Densités nucléaires déduites par diffusion électronique (figure extraite de [Dan01]).
On exprime cette indépendance de la densité centrale des noyaux lourds en disant que la
densité de nucléons "sature" pour une densité appelée densité de saturation (ou encore
densité normale), ρ0 = 0, 16±0, 02 fm−3
(Fig. 1.1). L’incertitude sur cette valeur provient
essentiellement des incertitudes sur la densité des neutrons et sur le fait que la densité au
cœur des noyaux présente de petites oscillations dûes à des effets quantiques. Ces mêmes
expériences de diffusion d’électrons ont également permis de déterminer avec une bonne
précision que les rayons des noyaux obéissent à une relation de la forme :
R = r0A1/3
(1.1)
où r0 ≈ 1, 2 fm est indépendant du noyau considéré et où A est le nombre de masse de ce
19. Équation d’état de la matière nucléaire 19
dernier. Un nucléon occupe donc ainsi le même volume élémentaire 4πr3
0/3 ≈ 6 − 7 fm3
à
l’intérieur de n’importe quel noyau.
1.1.2 Énergie de saturation
Le concept de matière nucléaire infinie (ou symétrique) permet de se représenter les
noyaux comme de minuscules échantillons de matière nucléaire. Cette représentation est
valable pour la partie centrale des noyaux constituée d’un fluide de matière nucléaire.
0
−16
20
40
60
1 2 3 ρ/ρ0
E(AMeV)
E
E
th
C
Point de
saturation
Fig. 1.2 – Comportement prédit de l’équation d’état de la matière nucléaire à température
nulle. L’énergie par nucléon E est représentée en fonction de la densité ρ normalisée à la densité
normale ρ0. L’énergie totale du système à température nulle, symbolisée par la ligne horizontale
en pointillés, se compose d’une partie thermale Eth et d’une autre liée à la compression EC.
La valeur de l’énergie de liaison à température nulle au point de saturation E0 = −16 AMeV
correspond à la valeur minimale de l’énergie totale.
Afin de décrire les noyaux réels, ce modèle simple doit être corrigé en introduisant des
effets dits de taille finie, et en particulier les forces coulombiennes entre les protons, ainsi
que des effets de surface modélisant la zone intermédiaire entre la partie centrale dense
du noyau et l’extérieur vide. Une correction supplémentaire, dite d’asymétrie, est enfin
nécessaire pour pouvoir considérer les noyaux pour lesquels N = Z. Cette représentation
des noyaux sous forme de fluide fini est à l’origine du modèle dit de la goutte liquide qui
permet de rendre compte de certaines propriétés globales des noyaux. L’intérêt de tels
20. 20 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
modèles est lié au succès des formules de masse de type Bethe-Weizsäcker, par le biais
desquelles l’énergie de liaison B d’un noyau peut être reproduite à l’aide d’une expression
du type :
B = avA − asA
2
3 − acZ2
A− 1
3 − aa
(N − Z)2
A
± apA− 1
2 (1.2)
Le premier terme, av, représente ici la contribution dite de volume, associée à la partie
intérieure du noyau. Le second, as, correspond à la contribution de la surface nucléaire, le
troisième, ac, est la contribution coulombienne. Le terme aa, quant à lui est la contribution
due à l’asymétrie du système et, enfin, ap représente le terme d’appariement permettant
de tenir compte des effets quantiques.
Du point de vue de la matière nucléaire, le terme de volume av correspond à l’énergie
liée aux interactions nucléaires, d’un système infini, symétrique, à la densité ρ0. La valeur
empirique de l’énergie de liaison par nucléon dans la matière nucléaire infinie vaut donc :
E0/A = −16 ± 1MeV (1.3)
Cette valeur, comme on le voit sur la figure 1.2, correspond au minimum de l’équation
d’état de la matière nucléaire
1.1.3 Module d’incompressibilité de la matière nucléaire
Il est intéressant d’avoir davantage d’informations sur l’équation d’état au voisinage
du point de saturation. La courbure de l’équation d’état E/A = E/A(ρ), à la densité
de saturation permet par exemple d’explorer le proche voisinage du point de saturation,
autrement dit les petites perturbations en densité des noyaux autour de leur état d’équi-
libre. Cette courbure est appelée le module d’incompressibilité K de la matière nucléaire
infinie et n’est définie qu’au point de saturation par l’expression :
K = 9ρ2 d2
Ec(ρ, T = 0)
dρ2
ρ=ρ0
(1.4)
Le module d’incompressibilité est en général étudié par diffusion de particules α [You01,
Ito01] ou dans le cadre d’études liées à l’astrophysique [Gle88]. Les valeurs communément
admises pour ce module d’incompressibilité K se situent entre 200 et 400 MeV. Si la valeur
de K est faible (≈ 200 MeV), l’équation d’état est dite "molle" (soft), car l’énergie de
compression nécessaire pour atteindre des densités élevées est faible. Si, au contraire, la
valeur de K est élevée (≈ 400 MeV), on parle d’une équation "dure" (hard), car l’énergie
de compression à fournir pour atteindre ces même densités est supérieure. L’équation
d’état au voisinage du point de saturation s’écrit alors :
E/A(ρ) ∼= E/A(ρ0) +
K
18
·
(ρ − ρ0)2
ρ2
0
(1.5)
21. Diagramme de phases de la matière nucléaire 21
1.2 Diagramme de phases de la matière nucléaire
A l’instar de la matière macroscopique, la matière nucléaire peut être décrite en quatre
phases distinctes représentées sur la figure 1.3 :
• La phase liquide correspond aux régions de faibles températures et de densité proche
de celle du noyau dans son état fondamental (ρ0).
• La phase solide (ou condensat) correspond à ce que l’on appelle la matière "froide"
(faibles températures), mais cette fois à des densités très élevées. Cette phase est
proche de la structure des étoiles à neutrons.
• La phase gazeuse, quant à elle, se présente sous la forme d’un gaz de hadrons à
température élevée.
• Enfin, la phase plasma apparaît pour des densités 5 à 10 fois supérieures à celle
du noyau dans son état fondamental ainsi que pour des températures supérieures à
150 MeV. Cette phase se caractérise par le déconfinement des quarks à l’intérieur
des nucléons et aboutit à la formation d’un plasma de quarks et de gluons.
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£ £ £ £ £
£ £ £ £ £
£ £ £ £ £
£ £ £ £ £
£ £ £ £ £
£ £ £ £ £
£ £ £ £ £
gaz de hadrons
Température(MeV)
200
150
100
50
0
ρ/ρ0
plasma de
quarks et
de gluons
0 1 2 3 4 5 6 7 8
phase liquide
matière
condensée
coexistence
gaz−plasma
Fig. 1.3 – Diagramme de phases de la matière nucléaire. La température est représentée en
fonction de la densité ρ normalisée à la densité normale ρ0. Les quatre états de la matière nucléaire
sont représentés : phase liquide, matière condensée, gaz de hadrons et plasma de quarks et de
gluons.
22. 22 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
1.3 Les transitions de phases
Les transitions de phases sont des propriétés universelles de la matière. Elles sont
étudiées depuis plus d’un siècle pour des systèmes macroscopiques pour lesquels on est
proche de la limite thermodynamique, autrement dit pour des systèmes composés d’une
infinité de constituants. Une transition de phase se produit lorsqu’un état de la matière
devient instable pour certaines conditions thermodynamiques décrites par les variables
de contrôle que sont la température T et la pression P. Il y a maintenant une trentaine
d’années, l’analogie entre l’interaction nucléon-nucléon dans les noyaux et les forces in-
tramoléculaire de Van der Waals dans les fluides macroscopiques a conduit à émettre
l’hypothèse de l’existence d’une transition de phase liquide-gaz pour la matière nucléaire
[Lam78, Jaq83, Sie83]. Il est également possible d’observer une région de coexistence de
phases, ainsi que l’existence d’un point critique pour cette transition de phase, lié à la
forme de l’interaction nucléon-nucléon, répulsive à courte portée et attractive à longue
et moyenne portée [Eva55, Lac80]. Tous les calculs sur la matière nucléaire estiment la
température critique Tc de la transition liquide-gaz aux alentours de kTc ≈ 16 − 18 MeV
et la densité associée ρc ≈ 0, 05 − 0, 06 fm−3
.
¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
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¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡ ¡
0
1
0.5
−0.5
0.05 0.1 0.15
1.5
T=20
12
16
8
4
densité (fm )−3
pression(MeV.fm)−3
Tc=17.9
Fig. 1.4 – Équation d’état de la
matière nucléaire à température non
nulle calculée pour une force de
Skyrme. La pression (en MeV.fm−3)
est représentée en fonction de la den-
sité (en fm−3) pour chaque isotherme
(températures exprimées en MeV).
La courbe en trait gras intercep-
tant les isothermes délimite la région
de coexistence des phases liquide et
gaz. Le point critique correspond à
kTc = 17, 9 MeV. La partie délimi-
tée par la courbe en pointillés repré-
sente la région spinodale (figure adap-
tée de [Sau76]).
La figure 1.4 représente l’équation d’état de la matière nucléaire pour différentes tem-
pératures calculées à partir d’une force de Skyrme. Une région de coexistence de phases
liquide-gaz peut être observée pour des températures inférieures à la température critique
Tc = 17, 9 MeV , ainsi qu’une région de basse densité appelée région spinodale. Cette der-
23. Les collisions entre ions lourds aux énergies relativistes 23
nière est caractérisée par une instabilité mécanique pour laquelle les perturbations ne sont
plus amorties (comme c’est le cas pour la matière nucléaire à la densité normale), mais
au contraire, amplifiées. Cette région est associée au phénomène de multifragmentation :
les noyaux y entrant éclatent en fragments de différentes tailles [Gua96, Gua97].
1.4 Les collisions entre ions lourds aux énergies relati-
vistes
Les collisions nucléaires et notamment les collisions entre ions lourds aux énergies
relativistes sont le seul moyen dont disposent de nos jours les physiciens pour étudier en
laboratoire la matière nucléaire dans des conditions extrêmes de température et/ou de
densité.
1.4.1 Mécanismes réactionnels
Lorsque deux noyaux entrent en collision, la nature de l’évènement dépend de ce que
l’on appelle le paramètre d’impact b. Ce dernier correspond à la distance séparant les
lignes de vol des centres des deux noyaux entrant en collision. Il nous renseigne sur la
centralité, et donc sur la violence de la collision.
Si le paramètre d’impact b est supérieur à la somme des rayons des deux noyaux projectile
et cible (Rp +Rc), la réaction est largement dominée par les effets coulombiens à cause de
la faible portée de l’interaction nucléaire. À faible énergie de faisceau, correspondant à une
énergie dans le centre de masse de l’ordre de la barrière coulombienne, soit typiquement
quelques dizaines à quelques centaines de MeV, la trajectoire est fortement défléchie par
la répulsion coulombienne. À plus haute énergie, en revanche, cet effet est négligeable.
L’interaction nucléaire commence à jouer un rôle dans le processus collisionnel lorsque les
deux noyaux se recouvrent, autrement dit lorsque b < Rp + Rc.
Dans les collisions périphériques pour lesquelles b reste comparable à Rp+Rc, deux types de
réactions sont observées en fonction de l’énergie du faisceau. Pour des énergies inférieures
à quelques dizaines de MeV par nucléon, le processus dominant est une diffusion dite
profondément inélastique. Dans une telle réaction les deux noyaux gardent globalement
leur identité, mais échangent matière, impulsion et énergie. Une grande partie de l’énergie
cinétique disponible est ainsi dissipée dans les degrés de liberté collectifs et nucléoniques.
Durant cet échange, on peut se représenter le système comme un état moléculaire à deux
noyaux en rotation sur lui-même (en raison du paramètre d’impact élevé, le moment angu-
laire du système est en général très élevé). À plus haute énergie de faisceau, typiquement
au delà d’une centaine de MeV par nucléon, le mécanisme change. L’énergie est alors trop
élevée pour que les deux noyaux restent "collés" comme dans le cas précédent. La vitesse
du projectile provoque une séparation, quasi-immédiate, des deux noyaux. Seuls les nu-
cléons appartenant à la zone de recouvrement sont ainsi effectivement impliqués dans le
processus collisionel. Ils sont arrachés de la cible et entraînés avec une vitesse inférieure
à celle du résidu du projectile. On parle dans ce cas de mécanisme participant-spectateur
24. 24 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
pour bien signifier la différence entre les résidus non affectés du projectile et de la cible,
et la zone participante, appelée fireball (ou boule de feu) correspondant à la zone de
recouvrement. Ce concept de participant-spectateur est illustré de manière schématique
sur la figure 1.5.
Dans ce travail de thèse, nous étudierons principalement la décroissance (ou la désexcita-
tion) du projectile spectateur.
Projectile
Projectile
spectateur
Fireball
Cible Cible
spectatrice
Fig. 1.5 – Lors de collisions entre ions lourds aux énergies relativistes, il existe trois différentes
sources de fragments et/ou de particules légères en fonction du paramètre d’impact. Les noyaux
du projectile et de la cible ne participant pas directement à la collision constituent respectivement
le projectile spectateur et la cible spectatrice. Les noyaux directement impliqués dans la collision
et correspondant à la zone de recouvrement entre le projectile et la cible constituent le fireball
ou boule de feu.
.
Le scénario de multifragmentation se décompose en trois étapes majeures. D’abord, les
deux noyaux s’interpénètrent, ce qui a un effet de compression et d’échauffement au cours
duquel la température peut atteindre quelques dizaines de MeV et la densité peut être
2 à 5 fois supérieure à la densité de saturation ρ0. Une fois que la densité maximale est
atteinte (environ 15 fm/c, soit 5.10−23
s après la collision), une phase d’expansion a lieu
jusqu’à ce que les produits de réaction n’interagissent plus entre eux. C’est ce que l’on
appelle la phase de freeze-out ou gel. À ce moment, le système se dissocie en aggrégats.
Une première émission de particules légères (n, p, t, 3
He, 4
He) est observée. Au moment
du désassemblage du système, appelé breakup, une émission de particules légères, de
fragments de masse intermédiaire (3 < Z < 30) ainsi que de fragments lourds (Z > 30) a
lieu. La figure 1.6 illustre ce scénario de désexcitation.
25. Les collisions entre ions lourds aux énergies relativistes 25
émission
du pré−équilibre
DESDES
gouttes liquides
=
Au "freeze−out": équilibre thermique et chimique
fragments (Z>2)
POINT DE DEPART
MODELES STATISTIQUES
POINT DE DEPART
MODELES DYNAMIQUES
Fig. 1.6 – Scénario possible de la multifragmentation. Les modèles statistiques, et en particulier
le modèle statistique de multifragmentation SMM, sont décrits en détail en Annexe A.
1.4.2 Courbe calorique nucléaire
Les différentes campagnes expérimentales menées ces dernières années par la colla-
boration ALADiN [Kun96, Sch96] ont permis une bien meilleure compréhension du pro-
cessus de fragmentation du projectile spectateur aux énergies relativistes (entre 400 et
1000 MeV par nucléon). Il a ainsi pu être démontré qu’un équilibre est atteint au moment
du breakup [Sch96]. De plus, la courbe calorique interprétée comme une signature de la
transition de phases liquide-gaz, a également été établie, suggérant qu’au cours de ces
réactions, la région de coexistence est explorée [Poc95] (cf. Fig. 1.7).
Cette courbe calorique représente la variation de la température déterminée à partir des
doubles rapports entre les taux de production isotopique (cf. Chap. 5) et l’énergie totale
d’excitation par nucléon du système. Cette dernière quantité est obtenue par calorimétrie
en sommant les énergies cinétiques mesurées de toutes les particules et fragments issus
de la décroissance du projectile spectateur et en ajoutant la chaleur de réaction Q de
chacune des réactions [Cam94]. À ce titre, la figure 1.8 montre la dépendance de l’énergie
d’excitation en fonction de la variable Zbound (cf. Chap. 4). On observe également que
la taille du projectile spectateur, dans la représentation participant-spectateur, dépend
également de Zbound.
26. 26 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
0
2
4
6
8
10
12
0 5 10 15 20
- (<E0>/<A0> - 2 MeV)----2
3
√10 <E0>/<A0>√√√√√√
THeLi(MeV)
<E0>/<A0> (MeV)
197
Au+
197
Au, 600 AMeV
12
C,
18
O +
nat
Ag,
197
Au, 30-84 AMeV
22
Ne+
181
Ta, 8 AMeV
Fig. 1.7 – Courbe calorique nucléaire montrant la dépendance de la température isotopique
THeLi en fonction de l’énergie d’excitation par nucléon (figure extraite de [Poc95]).
La courbe calorique, représentée sur la figure 1.7, peut être divisée en trois sections dis-
tinctes. Dans la continuité des précédentes études du régime de fusion-évaporation, l’aug-
mentation de la température THeLi pour des énergies d’excitation inférieures à 2 MeV
par nucléon est compatible avec l’approximation à basse température d’un système fer-
mionique. Dans une gamme de <E0>/<A0 > comprise entre 3 et 10 MeV par nucléon,
où le régime de multifragmentation domine sur le processus de fusion-évaporation, une
valeur quasi-constante de la température THeLi d’environ 4,5-5 MeV est observée. Fina-
lement, au dessus d’une énergie d’excitation totale d’environ 10 MeV par nucléon, une
augmentation de la température THeLi est de nouveau observée pour une augmentation
de <E0>/< A0 >.
À mesure que l’on augmente la température du noyau, les nucléons se mettent à occuper
un continuum d’états non-liés de manière similaire à un gaz entourant une goutte d’eau
chaude. Macroscopiquement, les nucléons à l’intérieur de la goutte sont dans la phase
liquide de la matière nucléaire, alors que les nucléons de la vapeur sont dans la phase
27. Les collisions entre ions lourds aux énergies relativistes 27
Fig. 1.8 – Masse moyenne du préfragment <A0> et son énergie d’excitation <E0>/<A0>
en fonction de la variable Zbound pour différentes sélections de Zmax (cf. Chap. 4). Les barres
horizontales (panneau supérieur) représentent la taille attendue du préfragment dans le cas d’une
géométrie "participant-spectateur" idéale (figure extraite de [Poc95]).
gazeuse.
La similarité de cette courbe calorique avec une transition de phase liquide-gaz de premier
ordre pour les systèmes macroscopiques est à l’origine d’important débats au sein de la
communauté scientifique et un effort particulier est consacré à comprendre le rôle de la
masse et de l’isospin du système nucléaire dans cette transition de phase.
Il a été montré [Lev85] que, en raison de la pression coulombienne, il existe une tempé-
rature limite Tlim qui représente la température maximale à laquelle les noyaux existent
comme des objets auto-liés dans les calculs de type Hartree-Fock [Bes89].
28. 28 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
Sn Sn AuLa
107 197124 124
, ,,
Fig. 1.9 – Position des quatre projectiles étudiés dans le plan (N,Z). Les lignes de contour
représentent les températures limites (exprimées en MeV) prédites par [Bes89], alors que la ligne
en pointillés correspond à la vallée de stabilité. La droite pleine, enfin, correspond à la valeur
N/Z = 1, 49 du projectile 197Au.
.
La figure 1.9 montre la température limite calculée en fonction du nombre de protons Z
et du nombre de neutrons N. Comme on peut le voir, une dépendance en masse de cette
température limite est prédite : on s’attend en particulier à ce que cette dernière diminue
à mesure que la masse du noyau augmente. De plus, dans le cas des noyaux riches en
protons, une disparition de cette température limite est prédite.
La dépendance de la température de breakup sur l’énergie d’excitation pourrait alors être
gouvernée par la température limite [Nat95, Cib00]. À partir de cette considération, il a
été observé [Nat02] que l’ensemble des données existantes donne une image plutôt consis-
tante, dans les cas pour lesquels une dépendance en masse de la courbe calorique est prise
en compte. Des données de différentes mesures ont été combinées pour construire des
courbes caloriques pour cinq régions différentes de la masse nucléaire (cf. Fig. 1.10). Ces
courbes caloriques sont qualitativement similaires, et présentent des plateaux aux énergies
d’excitation plus élevées.
29. Motivations physiques 29
0
2
4
6
8
10
12
14
0 5 10 15
E*/A (M eV/nucleon)
T(MeV)
Fig. 1.10 – Courbe calorique obtenue pour des données provenant de différentes expé-
riences [Hag88, Wad89, Cus93, Chulick, Gon90, Poc95, Ode99, Hau00, Wad97, Kwi98, Mor96,
Cib00, Hag00, Rua02] (figure extraite de [Nat02]).
Pour chaque gamme de masse, la température asymptotique du plateau a été extraite et
représentée en fonction de la masse du système (cf. Fig. 1.11). Comme on peut le voir à
partir de la corrélation obtenue, il existe une décroissance monotone de la température
limite à mesure que la masse du système augmente. Il est bien entendu, intéressant de
déterminer si ce comportement, prédit par les modèles théoriques (cf. Fig. 1.9), est égale-
ment observé expérimentalement.
1.5 Motivations physiques
Il y a une dizaine d’années, H. Müller et B.D. Serot [Mül95] ont prédit, grâce à une ap-
proche thermodynamique basée sur un modèle relativiste de champ moyen [Ser86, Ser92],
que la nature bifluide (protons et neutrons) de la matière nucléaire est responsable de son
comportement dans la région de coexistence des phases liquide et gaz. Différentes compo-
sitions isotopiques sont ainsi prédites pour ces deux phases dans la zone de coexistance
et notamment un enrichissement en neutrons de la phase gazeuse par rapport à la phase
liquide dans le cas de la matière asymétrique (N = Z). Cette différence dans les composi-
tions isotopiques est due à la décroissance de l’énergie de symétrie de la matière nucléaire
avec la densité. L’amplitude de cette dépendance est cependant fonction du modèle utilisé
30. 30 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
A
0 100 200 300 400
T(MeV)
0
5
10
Fig. 1.11 – Températures limites extraites des doubles rapports entre les taux de production
isotopiques (triangles pleins) et par des mesures de bremsstrahlung (carrés ouverts). Les lignes
représentent les températures limites calculées en utilisant les interactions proposées par Go-
gny [Zha96] et par Furnstahl [Zha99] (figure extraite de [Nat02a]).
et les données existantes ont du mal à la reproduire [Bom91]. De plus, il est à noter que
les prédictions de Müller et Serot ne s’appliquent qu’à la matière nucléaire infinie et ne
tiennent pas compte de la force coulombienne.
Des études théoriques dans le cas de systèmes nucléaires finis montrent que la désintégra-
tion successive des produits de réactions tend à modifier certains des effets prédits par
les précédents calculs [Lar99]. Les rapports entre les taux de production mesurés pour
différents isotopes [Wad87] varient fortement en fonction du rapport N/Z de la source
émettrice, suivant ainsi les prédictions théoriques [Bar88, Hah88]. Récemment, des diffé-
rences significatives de comportement entre les systèmes riches et les systèmes pauvres en
neutrons ont été observées lors de réactions entre projectiles et cibles de 112,124
Sn [Xu00]
en même temps qu’un enrichissement en neutrons de la phase gazeuse pour une augmen-
tation du rapport N/Z du système, ce qui est en accord avec les prédictions de Müller et
Serot [Mül95]. Le rôle de l’énergie d’excitation dans le processus de multifragmentation
a également été étudié [Mil00], démontrant, en accord avec les prédictions du modèle
statistique de multifragmentation SMM [Bon95], que la production d’isotopes riches en
neutrons augmente avec l’énergie d’excitation.
La campagne d’expériences au centre de ce travail de thèse a pour principal objectif
d’étudier les effets de la masse et de l’isospin dans la multifragmentation du projectile
spectateur.
L’utilisation de faisceaux secondaires radioactifs (cf. Chap. 2) permet d’étendre la gamme
de compositions isotopiques bien au delà de celle accessible avec des faisceaux stables. Les
réactions utilisant ces faisceaux représentent alors un outil unique pour l’étude des effets
31. Motivations physiques 31
de l’isospin dans le processus de la multifragmentation. Les prédictions SMM relatives à
la fragmentation de deux systèmes isobares de masses A = 124, le 124
Sn riche en neutrons
(N/Z = 1, 48) et le 124
La pauvre en neutrons (N/Z = 1, 18), sont représentées sur la
figure 1.12. Les compositions isotopiques des fragments chauds produits au moment du
breakup sont globalement très différentes et tendent vers les rapports N/Z de leur pro-
jectile primaire respectif lorsque le nombre de masse A augmente (cf. Fig. 1.12, panneaux
supérieurs). Malgré une dépendance de l’énergie d’excitation prédite différente dans le cas
des noyaux riches en neutrons et des noyaux riches en protons, la dépendance en masse
est plutôt faible. Les courbes de masses calculées sont ainsi sensiblement les mêmes pour
les deux systèmes (cf. Fig. 1.12, panneaux inférieurs). L’étude expérimentale de ces dé-
pendances est importante pour notre compréhension du rôle de l’espace des phases dans
le processus de multifragmentation.
N/Z
As=124, Zs=50
fragments primaires chauds
3 AMeV
4 AMeV
5 AMeV
8 AMeV
Tauxdeproductionrelatifs
A, nombre de masse des fragments
N/Z
As=124, Zs=57
fragments primaires chauds
3 AMeV
4 AMeV
5 AMeV
8 AMeV
Tauxdeproductionrelatifs
A, nombre de masse des fragments
Fig. 1.12 – Compositions isotopiques N/Z (panneaux supérieurs) et masses des fragments
primaires chauds (panneaux inférieurs) produits au moment du breakup pour les deux systèmes
de même nombre de masse A = 124 obtenues grâce au modèle SMM. Les lignes correspondent à
quatre énergies d’excitation différentes comprises entre 3 et 8 MeV par nucléon. Il est important
de remarquer que l’axe des ordonnées est différent pour les panneaux supérieurs (figure adaptée
de [Sfi05]).
Comme on a pu le voir sur la figure 1.9, la température limite prédite par les modèles de
type Hartree-Fock est plus élevée dans le cas des systèmes légers, principalement parce
que l’énergie coulombienne y est plus faible. Le modèle SMM, quant à lui, prédit, comme
illustré sur la figure 1.13, que les températures dans la région de coexistence sont prati-
quement indépendantes de la masse. La comparaison de deux systèmes ayant des masses
très différentes devrait donc permettre de distinguer si la température au moment du
32. 32 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
Fig. 1.13 – Courbes caloriques pour les trois systèmes 124La (Z = 57), 124Sn (Z = 50) et
197Au (Z = 79) prédites par le modèle statistique de multifragmentation SMM (figure adaptée
de [Ogu02]).
.
breakup est déterminée par les propriétés de liaisons des systèmes nucléaires excités ou,
au contraire, par l’espace des phases accessible par multifragmentation.
Pour tenter de répondre à ces questions, une étude systématique de la décroissance du
projectile spectateur aux énergies relativistes a été réalisée. Cette dernière est l’objet du
présent travail de thèse. Pour cela, la fragmentation de quatre projectiles différents, 124
Sn,
197
Au, 124
La et 107
Sn, tous ayant une énergie incidente de 600 AMeV sur des cibles de 116
Sn
et 197
Au a été étudiée à l’aide du spectromètre ALADiN au laboratoire GSI de Darmstadt.
Les deux derniers faisceaux, obtenus par fragmentation d’un faisceau primaire de 142
Nd
sur une cible de production de 9
Be, ont été délivrés par le séparateur de fragments FRS.
L’utilisation d’un second faisceau radioactif pauvre en neutrons (N/Z = 1, 14) de 107
Sn
est également utilisé pour permettre, via la comparaison avec 124
Sn, de mieux comprendre
l’importance des neutrons dans le processus de multifragmentation.
La cinématique inverse offre, de plus, la possibilité de s’affranchir du seuil de détection
des fragments lourds et des résidus, permettant ainsi un accès unique à la dynamique de
la réaction. Le dispositif expérimental ALADiN autorise la détection de tous les produits
de réaction de charge Z > 1 entrant dans l’acceptance de l’aimant (cf. Chap. 2), permet-
tant ainsi de déterminer l’impulsion de toutes les particules chargées, y compris celle des
fragments les plus lourds.
Le chapitre 2 de ce travail de thèse est consacré à la description du dispositif expérimental
33. Motivations physiques 33
utilisé au cours de la campagne S254.
Le chapitre 3 décrit les méthodes utilisées pour la reconstruction des trajectoires, ainsi
que la détermination de la masse de chacun des fragments détectés.
Le chapitre 4, quant à lui, présente les propriétés générales des évènements de fragmen-
tation.
L’analyse et la mesures des températures isotopiques est présentée dans le chapitre 5.
Enfin, le 6eme
et dernier chapitre de ce mémoire est, quant à lui, consacré à l’étude de
l’isoscaling et à la détermination du terme de symétrie de l’équation d’état de la matière
nucléaire.
34. 34 Propriétés de la matière nucléaire et collisions entre ions lourds
35. Chapitre 2
Dispositif expérimental
Au cours de l’année 2003, la campagne expérimentale S254 a été conduite par la colla-
boration ALADiN auprès de l’accélérateur du laboratoire GSI à Darmstadt en Allemagne.
Durant cette campagne, plusieurs systèmes projectiles-cibles ont été étudiés à travers l’uti-
lisation de deux types de faisceaux : des faisceaux primaires stables de 197
Au et de 124
Sn,
ainsi que des faisceaux secondaires radioactifs de 124
La et de 107
Sn. Ces différents projec-
tiles ont été choisis de façon à permettre l’étude des effets de la masse et de l’isospin dans
le processus de multifragmentation.
En effet, les deux projectiles 197
Au et 124
Sn ont sensiblement le même rapport N/Z (1,49
et 1,48 respectivement), mais des masses différentes, alors que les projectiles 124
Sn et
124
La ont la même masse, mais des rapports N/Z très différents (1,48 et 1,18 respective-
ment). Le spectromètre ALADiN est spécialement conçu pour l’étude de la décroissance
du projectile spectateur en cinématique inverse.
Ce chapitre est consacré à la description des détecteurs qui composent le dispositif expé-
rimental ALADiN.
2.1 Le complexe accélérateur GSI
Le complexe accélérateur GSI (Gesellschaft für SchwerIonenforschung), présenté sur la
figure 2.1, est composé de deux structures accélératrices : l’accélérateur linéaire UNILAC
(UNIversal Linear ACcelerator) et le synchrotron SIS (SchwerIonen Synchrotron). La
première de ces structures, d’une longueur de 120 m, est capable d’accélérer les ions
provenant de différentes sources [Spä98]. À titre d’exemple, l’accélérateur linéaire UNILAC
permet d’accélérer les ions 238
U28+
jusqu’à une énergie de 11,4 MeV/nucléon (énergie
d’injection) avec une vitesse d’environ 0,16 c. À ce stade, le faisceau peut être soit délivré
aux aires expérimentales de faibles énergies, soit transféré dans le synchrotron d’ions lourds
SIS [Ste92]1
pour y subir une seconde accélération à l’intérieur d’un anneau de 216 m de
circonférence composé d’une succession de dipôles magnétiques. Le pouvoir de déflection
maximale du synchrotron SIS (18 Tm) permet d’obtenir des faisceaux d’énergie maximale
1
L’injection des ions 238
U28+
se fait par paquets de 1010
à 1011
ions pendant environ 100 µs.
36. 36 Dispositif expérimental
comprise entre 1 GeV pour les noyaux de Au et de U et 4,5 GeV pour les protons. Une fois
l’énergie désirée atteinte, le faisceau d’ions est acheminé, via le séparateur de fragment
FRS ou directement, vers les aires expérimentales dites de hautes énergies. Dans le cas de
la campagne S254, le faisceau est acheminé vers l’aire expérimentale B avec une énergie
de 600 AMeV.
Aire expérimentale B
Fig. 2.1 – Schéma du complexe accélérateur GSI comprenant l’accélérateur linéaire UNILAC,
le synchrotron d’ions lourds SIS, l’anneau de stockage ESR (non utilisé dans la campagne S254)
et le séparateur de fragments FRS.
2.2 Le séparateur de fragments FRS
Le séparateur de fragments FRS [Gei92], présenté sur la figure 2.2, est un spectro-
mètre magnétique achromatique composé de quatre sections indépendantes. Chacune de
ces sections est constituée d’un dipôle magnétique assurant la séparation des fragments
provenant de la fission ou de la fragmentation du faisceau primaire en fonction de leur
rapport A/Z (A et Z étant, respectivement, la masse et la charge du fragment) et d’un
groupe de quadrupôles responsables de la focalisation du faisceau au niveau des plans
focaux S1, S2, S3 et S4. Des sextupôles sont aussi présents pour les corrections du second
ordre.
Afin de permettre une sélection en charge des fragments, et ainsi obtenir un faisceau
isotopiquement pur, un dégradeur en aluminium d’épaisseur variable peut être utilisé au
niveau du plan focal S2. Lorsqu’un fragment traverse le dégradeur, sa perte d’énergie
est fonction de sa charge. La pureté du faisceau est ainsi directement liée à l’épaisseur du
37. Le séparateur de fragments FRS 37
dégradeur : plus le dégradeur est épais, plus le faisceau est isotopiquement pur. Cependant,
la pureté du faisceau est obtenue au détriment de son intensité. Pour cette raison, aucun
dégradeur n’a été utilisé lors de la campagne S254 permettant ainsi d’obtenir des faisceaux
secondaires d’intensité suffisamment élevée, et de bénéficier d’une statistique acceptable.
Afin de vérifier la pureté isotopique du faisceau délivré, des mesures supplémentaires sont
effectuées dans la deuxième moitié du séparateur de fragments (après le plan focal S2).
Ainsi, le temps de vol des noyaux qui composent le faisceau est mesuré sur une distance de
36 m entre deux scintillateurs plastiques d’une épaisseur de 5 mm placés respectivement
aux plans focaux S2 et S4. Ces mêmes scintillateurs servent également à mesurer la perte
d’énergie du faisceau. La position de ce dernier est, elle aussi, mesurée avec précision
événement par événement. Pour cela, des chambres proportionnelles à gaz multifils de type
MWPC (MultiWire Proportional Counter) similaires au détecteur STELZER (cf. §2.3.2)
et orientées de façon à déterminer la position des noyaux dans les deux directions du plan
perpendiculaire à la direction du faisceau sont placées sur le parcours de ce dernier.
S2 (Dégradeur)
S1 S3
S4
DipôleQuadrupôle
Fig. 2.2 – Le séparateur de fragments FRS. Dans le cadre de la campagne d’expériences S254,
des scintillateurs plastiques sont placés en lieu et place du dégradeur.
2.2.1 Production de faisceaux radioactifs
Afin d’étendre au maximum la gamme de compositions isotopiques des systèmes
spectateurs étudiés, quatres projectiles différents, chacun ayant une énergie incidente de
600 MeV par nucléon, ont été utilisés dans le cadre de la campagne d’expériences S254, per-
mettant ainsi de disposer de différentes combinaisons en masses et en rapports N/Z pour
la voie d’entrée. Deux de ces projectiles, le 124
La et le 107
Sn, sont obtenus par fragmenta-
tion d’un faisceau primaire de 142
Nd (Z=60) d’énergie incidente 895 AMeV ou 875 AMeV
sur une cible de production de 9
Be ayant une épaisseur de 4009 mg/cm2
. Les fragments
ainsi produits sont conduits vers le séparateur de fragments FRS à l’intérieur duquel les
ions sont séparés en fonction de leur rapport A/Z. Les mesures de position effectuées au
niveau du plan focal S2, ainsi que la mesure du temps de vol effectuée le long des 83 m
qui séparent le séparateur de fragments du dispositif expérimental ALADiN permettent
38. 38 Dispositif expérimental
de déterminer le rapport A/Z des projectiles sélectionnés avec une grande précision via
la formule :
A
Z
=
A
Z 0
. 1 +
∆x
D
+
γ2
0(t − t0)
t0
(2.1)
Le premier terme de cette équation est le rapport A/Z correspondant à la valeur nominale
du faisceau désiré et a pour valeur (A/Z)0 = 2, 175 et (A/Z)0 = 2, 14 pour un faisceau
de 124
La et de 107
Sn respectivement. ∆x = x − x0 est la différence entre la position
horizontale x du faisceau mesurée à l’aide des scintillateurs plastiques situés au plan focal
S2 et celle correspondant au faisceau nominal, alors que D = −6, 81 cm/% représente la
dispersion maximale au niveau de ce même plan focal [Gei92]. t, quant à lui, est le temps
mesuré par le détecteur plastique se trouvant à la sortie du séparateur de fragments (plan
focal S8) et t − t0 représente la différence entre ce temps de vol mesuré et le temps de
vol t0 du faisceau nominal. En cas de nécessité, une sélection plus précise de la charge
du projectile peut être obtenue en utilisant les détecteurs de diagnostic situés en amont
de la cible. La composition du faisceau délivré par le séparateur de fragment FRS est
représentée sur la figure 2.3. Dans le cadre de l’analyse présentée par la suite, et afin de
bénéficier d’une statistique suffisante, le faisceau délivré par le séparateur de fragment est
utilisé sans sélection supplémentaire. La masse et la charge moyenne du faisceau sont alors
déterminées par la moyenne arithmétique des masses et des charges de tous les isotopes
qui le composent.
2.3 Les détecteurs auxiliaires et la partie diagnostic du
faisceau
2.3.1 Le détecteur Veto
Le détecteur Veto, aussi appelé "ROLU" pour "Rechts-Oben-Links-Unten", permet
une vérification grossière de la focalisation et de l’alignement du faisceau avant que ce
dernier n’atteigne la chambre à cibles. Il se compose de quatre scintillateurs plastiques
mobiles (de dimension 10 x 10 x 0,5 cm3
) munis chacun d’un photomultiplicateur. Deux de
ces scintillateurs sont placés dans la direction verticale (haut et bas) de part et d’autre de
la ligne de faisceau alors que les deux autres sont placés, toujours de part et d’autre de la
ligne de faisceau, dans la direction horizontale (gauche et droite) de façon à délimiter une
fenêtre d’une surface maximale de 36 x 36 mm2
et permettant le passage du faisceau. Les
paramètres de ce dernier sont alors ajustés de façon à obtenir la plus petite fenêtre possible
sans qu’aucun des scintillateurs qui la composent ne soit touché (ou très peu) lors de son
passage. Dans le cas du faisceau stable de 124
Sn utilisé, la focalisation est telle que toutes
les particules du faisceau passent par l’acceptance du détecteur ROLU. En revanche, dans
le cas des faisceaux secondaires (124
La et 107
Sn), environ 30% des fragments qui composent
le faisceau frappent le détecteur, et ce même pour une ouverture maximale.
39. Les détecteurs auxiliaires et la partie diagnostic du faisceau 39
MUSICZ
54 55 56 57 58 59
A/Z
2.08
2.1
2.12
2.14
2.16
2.18
2.2
2.22
2.24
1
10
2
10
3
10
4
10
Cs Ba La Ce Pr
La runs 1740-1903, beam trigger124
DAZ
55 56 57 58 59
A
120
122
124
126
128
130
1
1
7
12
2
1
22
46
5
1
La"124
"
MUSICZ
47 48 49 50 51 52
A/Z
2.08
2.1
2.12
2.14
2.16
2.18
2.2
2.22
2.24
1
10
2
10
3
10
Cd In Sn Sb Te
Sn runs 1911-1996, beam trigger107
DAZ
48 49 50 51 52
A
104
106
108
110
112
1
1
1 6
16
7
1
1
15
34
11 2
2
Sn"107
"
Fig. 2.3 – Composition isotopique des faisceaux nominaux de 124La et de 107Sn (panneaux
supérieurs et inférieurs respectivement) délivrés par le séparateur de fragments FRS. Panneaux
de gauche : seuls les évènements faisceaux sont sélectionnés et uniquement pour certains runs.
Panneaux de droite : la composition des faisceaux (exprimée en %) est obtenue en sélectionnant
cette fois les évènements de physique ("trigger" d’interaction), pour toute la statistique disponible
et par une méthode d’analyse discriminante [Luk07].
2.3.2 Le détecteur STELZER
Le détecteur STELZER, du nom du Dr. Herbert Stelzer (GSI-Darmstadt), est une
chambre proportionnelle à gaz multifils ou MWPC (MultiWire Proportional Chamber)
à deux étages amplificateurs [Ste91]. Le passage du faisceau dans le volume actif de la
chambre crée des électrons primaires dans le gaz. Grâce à la différence de potentiel existant
entre les deux électrodes du premier étage amplificateur, ces électrons sont multipliés par
100. Les électrons secondaires ainsi créés se dirigent vers les fils d’anodes où, grâce au
champ électrique au voisinage de ces derniers, leur nombre est multiplié par 1000. Il est
à noter que, dans le cadre de la campagne S254, aucune différence de potentiel n’a été
appliquée dans le premier étage amplificateur et que, par conséquent, le gain total obtenu
est de 103
et non de 105
. Au final, ce dispositif permet, tout comme le détecteur Véto
présenté plus haut, de vérifier la focalisation du faisceau.
40. 40 Dispositif expérimental
2.3.3 Le détecteur start
Le détecteur start est un scintillateur plastique de 100 µm d’épaisseur (76 µm dans
le cas de faisceaux secondaires radioactifs de 107
Sn et de 124
La), incliné à 45◦
par rapport
à l’axe du faisceau, situé à 1,24 m en amont de la cible et dont la surface active est de
50 x 50 mm2
. La surface rugueuse de celui-ci ne permettant pas de reflexions internes, la
lumière produite lors du passage du faisceau est collectée et transformée en signal élec-
trique par l’intermédiaire de deux photomultiplicateurs d’une résolution intrinsèque de
60 ps placés de part et d’autre du faisceau incident et à la verticale du point d’impact de
ce dernier avec le scintillateur plastique. Le détecteur start est ainsi capable de produire
un signal pour chaque ion détecté (les ions qui composent le faisceau arrivent par paquets
de 103
à 104
ions pendant environ 1 seconde). Ce détecteur est utilisé pour déclencher la
mesure du temps de vol ainsi que du temps de dérive dans le détecteur TP-MUSIC IV.
2.3.4 Le détecteur de position
Afin de reconstruire les impulsions des fragments, il est essentiel de déterminer avec
précision le vertex d’intéraction du projectile avec la cible. Pour cela, une feuille de scin-
tillateur plastique de type BC418 de 160 µm d’épaisseur (200 µm dans le cas de faisceaux
secondaires radioactifs) pour une surface active de 69 x 69 mm2
est utilisée [Ott03].
Fig. 2.4 – Le détecteur de position. Panneau de gauche : guide de lumière en plexiglas. Panneau
de droite : le scintillateur plastique est placé sur le guide de lumière, lui même connecté à quatre
photomultiplicateurs.
Cette feuille de scintillateur est placée dans un guide d’onde en plexiglas (cf. Fig. 2.4)
de forme carrée de 126 mm de coté, de 5 mm d’épaisseur et recouvert d’une couche
de Mylar afin d’empêcher la dispersion de la lumière. Ce guide d’onde est, à son tour,
connecté à 4 photomultiplicateurs ayant un gain maximum de 7.106
. En combinant les
41. Les détecteurs auxiliaires et la partie diagnostic du faisceau 41
amplitudes venant de ces photomultiplicateurs, il est alors possible de reconstruire la
position incidente des ions dans le plan perpendiculaire à la direction du faisceau. Deux
détecteurs silicium à pistes ont été utilisés pour étalonner le détecteur de position. Chacun
des détecteurs en question est subdivisé en 40 pistes de 1 mm de large pour une surface
active de 40 x 40 mm2
et une épaiseur de 300 µm. Ces deux détecteurs silicium ont été
placés perpendiculairement à l’axe du faisceau et orientés de façon à mesurer la position
des ions dans les deux directions du plan perpendiculaire à celui-ci.
Fig. 2.5 – Panneau de gauche : profil d’un faisceau stable de 124Sn. Panneau de droite : profil
d’un faisceau secondaire de 124La.
Une fois étalonné, le détecteur de position a une résolution de 1 mm dans les deux direc-
tions du plan. La figure 2.5 montre la position des ions dans le détecteur après étalonnage
dans le cas d’un faisceau stable (124
Sn) et d’un faisceau secondaire (124
La). Comme on
peut s’y attendre, la distribution spatiale des ions est bien plus large dans le cas des
faisceaux instables.
2.3.5 L’hodoscope de Catane
L’hodoscope de Catane est composé de 90 cristaux de CsI(Tl). Chacun de ces cristaux,
de forme pyramidale tronquée (34 x 31 x 60 mm3
), est associé à une photodiode (cf.
Fig. 2.6, panneau de gauche). Les cristaux sont alors diposés entre la cible et l’aimant
ALADiN et permettent de détecter les fragments les plus légers (Z=1 ainsi que certains
Z=2) pour lesquels la dispersion est telle qu’ils n’entrent pas dans l’acceptance de l’aimant.
Les cristaux sont disposés de façon à délimiter une fenêtre (cf. Fig. 2.6, panneau de
droite) mesurant 20 cm de large sur 10 cm de haut [Pin90, Kre89, Kun90] et symbolisant
l’acceptance de l’aimant (tous les fragments passant par la fenêtre sont donc détectés par
la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV).
42. 42 Dispositif expérimental
Fig. 2.6 – Panneau de gauche : un des téléscopes de l’hodoscope de Catane. Panneau de droite :
disposition des téléscopes dans la configuration utilisée lors de la campagne S254 à GSI : les 90
cristaux de CsI(Tl) sont agencés de façon à laisser passer les fragments produits par fragmentation
du quasi-projectile spectateur dans l’acceptance de l’aimant ALADiN.
Par ailleurs, l’utilisation de photodiodes plutôt que de scintillateurs est motivée par le fait
que ces premières sont d’un encombrement réduit, mais surtout qu’elles sont insensibles
aux champ magnétique. Cette qualité est d’autant plus appréciée et indispensable que
ces photodiodes sont placées à proximité de l’aimant ALADiN. Cependant, les signaux
délivrés en sortie des photodiodes sont d’amplitude bien plus faible que ceux produits par
un photomultiplicateur.
2.4 L’aimant ALADiN
Le pouvoir de déflection maximum de l’aimant ALADiN (A Large Acceptance Dipole
magNet) est de 2,3 Tm pour une intensité de courant parcourant les bobines de 2500 A.
L’un des atouts majeurs de cet aimant est qu’il offre, comme son nom l’indique, une
grande ouverture physique : tous les fragments sortant de l’aimant sont détectés par la
chambre d’ionisation TP-MUSIC IV. L’aimant ALADiN assure la séparation des différents
fragments produits lors des réactions de collision en fonction de leur rigidité magnétique.
En effet, la trajectoire d’un ion soumis à un champ magnétique B est défléchie et le rayon
ρ de sa trajectoire dans l’aimant est lié à sa charge q (ou Ze) ainsi qu’à son impulsion p
par la relation :
Bρ =
p
q
(2.2)
La valeur du champ magnétique à l’intérieur de l’aimant est fixée de façon à ce que les
43. La chambre d’ionisation TP-MUSIC IV 43
Fig. 2.7 – Le dispositif expérimental ALADiN. Le faisceau venant par la gauche traverse les
détecteurs de diagnostic placés en amont de la cible. Les fragments produits par multifragmen-
tation du quasi-projectile spectateur entrent dans l’acceptance de l’aimant ALADiN où ils sont
défléchis en fonction de leur rigidité magnétique avant d’être détectés et identifiés par la chambre
d’ionisation TP-MUSIC IV et par le mur de temps de vol. Les neutrons émis avec un angle de
0◦ sont, quant à eux, détectés par le détecteur de neutrons LAND. Les fragments n’entrant pas
dans l’acceptance de l’aimant sont identifiés grâce à l’hodoscope de Catane.
ions du faisceau n’intéragissant pas soient défléchis d’un angle d’environ 7 ◦
, assurant alors
leur passage au travers du trou découpé au centre du mur de temps de vol ainsi que dans
la partie droite (à proximité de la cathode) de la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV.
2.5 La chambre d’ionisation TP-MUSIC IV
L’utilisation de la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV [Sfi03] (Time-Projection MUlti
Sample Ionisation Chamber) permet, à la fois, une identification en charge et une re-
construction de la trajectoire de toutes les particules chargées (de Z=2 à la charge du
projectile). Cette chambre d’ionisation mesure 2,1 m de large, 1,8 m de long et 1 m de
haut. Elle est composée d’un plan cathodique placé à un potentiel électrique d’environ
15 kV la séparant en deux espaces de dérive (cf. Fig. 2.8). Chaque moitié de la chambre
est équipée de quatre sections de compteurs proportionnels ainsi que de trois sections de
chambres d’ionisation intercalées entre les compteurs proportionnels. En fonctionnement,
la chambre est remplie de gaz P10 (90% Ar + 10% CH4). Lors du passage d’une particule
au travers du détecteur, celui-ci est ionisé et les électrons ainsi produits le long du par-
cours de la particule dérivent perpendiculairement au plan de cathode.
L’identification en charge se fait par utilisation combinée des compteurs proportionnels
44. 44 Dispositif expérimental
et des chambres d’ionisation. Pour les ions les plus légers (Z ≤ 8), les compteurs pro-
portionnels permettent d’obtenir un signal très peu bruité et fortement amplifié grâce
à un phénomène d’avalanche. En revanche, dans le cas de fragments de charge élevée
(Z>8), la résolution en charge obtenue grâce aux compteurs proportionnels se détériore
(cf. Fig. 2.12). Les chambres d’ionisation sont alors les détecteurs les mieux adaptés à la
mesure de la charge des fragments.
Plans d’anodes
des chambres d’ionisation
Plan cathodique
Mur de
temps de vol
Sections de compteurs
proportionnels
O
Fig. 2.8 – Vue schématique de la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV. Le plan de cathode
est placé parallèlement à la direction du faisceau (axe Z) et divise le détecteur en deux parties
égales. De chaque côté du détecteur, les plans d’anodes des chambres d’ionisation (numérotés de
0 à 5) sont segmentés chacun en 8 bandes. De la même façon, les huit sections des compteurs
proportionnels sont chacune divisées en 3 sous-sections numérotées de 0 à 23.
2.5.1 Les chambres d’ionisation
Six sections de chambres d’ionisation constituent le détecteur TP-MUSIC IV (3 de
chaque côté du plan de cathode). Chacune de ces sections est elle même divisée en 8
bandes (3 cm x 1 cm) d’anodes verticales, augmentant ainsi la résolution de détection des
fragments. La charge collectée au niveau de ces bandes d’anodes nous permet d’obtenir la
position longitudinale de ces derniers à l’intérieur de la chambre (axe Z). De plus, le temps
de dérive des électrons primaires de la trajectoire des fragments aux bandes d’anodes nous
45. La chambre d’ionisation TP-MUSIC IV 45
permet d’accéder à la position de ces mêmes fragments dans le plan dispersif (axe X). Afin
d’obtenir une largeur du signal quasi-indépendante de la position à laquelle le fragment
traverse le détecteur, ces chambres d’ionisation sont équipées d’une grille de Frisch.
2.5.2 Les compteurs proportionnels
Les compteurs proportionnels sont des détecteurs gazeux à l’intérieur desquels le
champ électrique au voisinage des fils d’anodes est suffisamment élevé pour atteindre
des gains d’amplification de l’ordre de 102
à 105
(dans le cas du détecteur TP-MUSIC IV,
les gains d’amplification des compteurs proportionnels sont compris entre 1000 et 1500).
Chaque particule incidente crée alors une avalanche d’électrons. De plus, la magnitude de
l’avalanche étant proportionnelle à la perte d’énergie de la particule, la charge collectée
au niveau de l’anode est donc proportionnelle à la charge de celle-ci. En particulier, le fait
d’avoir des gains d’amplification si élevés permet la détection des particules légères pour
lesquelles la perte d’énergie est faible.
La chambre d’ionisation TP-MUSIC IV est équipée de 8 sections de compteurs proportion-
nels réparties équitablement de part et d’autre du plan de cathode (cf. Fig. 2.8). Chacune
de ces sections est divisée en trois sous-sections. Les sous-sections hautes et basses me-
surent 36 cm de long alors que les sous-sections centrales ne mesurent que 24 cm de long
en raison du taux de comptage plus élevé qu’elles doivent être capables de supporter.
Chacune des huit sections de compteurs proportionnels est composée de deux plans de
cathodes et d’un plan d’anodes. Le premier de ces plans de cathodes (le plus proche du
centre du détecteur) est composé de fils verticaux de 74 µm de diamètre espacés de 2 mm.
Le plan anode, quant à lui, est composé de fils horizontaux (90 pour les sections hautes
est basses et 60 pour les sections centrales) de 20 µm de diamètre, distant de 4 mm et
connectés entre eux via des résistances de 30 Ω. Le deuxième plan de cathodes, enfin, est
constitué de pads (30 pour les sections hautes et basses et 20 pour les sections centrales)
d’une largeur de 12 mm (cf. Fig. 2.10).
Afin d’empêcher les ions positifs créés au cours de l’avalanche de remonter dans le volume
actif du détecteur, une grille dite de "portillonnage" (gating grid) constituée de fils de
50 µm de diamètre et espacés de 1 mm est placée devant le premier plan de cathodes
de chaque section de compteurs proportionnels. Cette grille est maintenue à un poten-
tiel électrique de +100 V durant les 25 µs correspondant au temps de dérive maximal
des électrons vers les fils d’anodes. Elle est ensuite placée à un potentiel de -100 V, per-
mettant de rejeter les électrons provenant de l’extérieur des compteurs proportionnels et,
dans le même temps, d’attirer et de neutraliser les ions positifs présents à l’intérieur de
ceux-ci. Le second intérêt de cette grille de "portillonnage" réside dans le fait que les
charges ne sont plus collectées durant le temps mort de l’acquisition, réduisant ainsi le
nombre de traces parasites et la probabilité d’empilement. Afin de se prémunir contre le
bruit engendré par les variations de potentiel de la grille de "portillonnage", une grille
de protection (shielding grid) est placée juste devant le premier plan de cathode. Cette
grille permet également d’uniformiser le champ entre les compteurs proportionnels et les
46. 46 Dispositif expérimental
chambres d’ionisation, assurant ainsi un meilleur découplage de leurs signaux respectifs.
Cathode
-15 kV
± 0,1 kV
1,2 kV
1 kV
0 kV
0,32 kV
2,64 kV
CP CP CP CPCI CI CI
Bandes d’anodes
Fil d’anode
Shielding grid
Gating grid
Fils cath.
Pads
Frisch grid
Fig. 2.9 – Coupe horizontale de la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV. La position des plans
d’anodes et des plans de cathodes pour chaque type de détecteur est représentée. La position
des grilles de "portillonnage" (gating grid) et de protection (shielding grid), ainsi que la tension
appliquée à chaque électrode sont également reportées.
2.5.3 L’électronique de lecture
L’électronique associée à la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV est capable à la
fois de fournir des mesures avec une très grande résolution dans une large gamme dy-
namique, mais également de discriminer plusieurs coups d’un même évènement (multi-
échantillonnage). Afin d’extraire le signal de chaque section de compteurs proportionnels
tout en minimisant les voies d’électronique, sept pré-amplificateurs sensibles à la charge
sont utilisés : deux pour les sorties haute et basse du pont de résistances du plan anode
et cinq pour la lecture des pads reliés entre eux modulo 5 (cf. Fig. 2.10). L’incertitude sur
le pad touché (6 cm) est levée grâce à la mesure, plus grossière, fournie par la différence
des signaux collectés aux deux extrémités du pont de résistances des fils d’anode. La com-
binaison de ces deux techniques permet alors une meilleure détermination de la position
des fragments dans le détecteur.
Les signaux ainsi pré-amplifiés sont alors numérisés par des flash ADC de 14 bits avant
d’être stockés et traités avec un taux d’échantillonnage pouvant atteindre 40 MHz dans
un système contenant des structures de type FPGA (Field Programmable Gate Array) et
des puces de types DSP (Digital Signal Processor) permettant, à la fois, la mise en forme
du signal, mais aussi la détermination de la charge des fragments détectés ainsi que de
47. La chambre d’ionisation TP-MUSIC IV 47
Fig. 2.10 – Électronique de lecture du détecteur TP-MUSIC IV. Les signaux provenant des fils
d’anode ainsi que des pads des compteurs proportionnels sont amplifiés par des pré-amplificateurs
sensibles à la charge avant d’être numérisés par des flash ADC, stockés et mis en forme dans
un système contenant des FPGA (Field Programmable Gate Array) et des DSP (Digital Signal
Processor).
leur temps d’arrivée.
2.5.4 Performances
L’amplitude du signal dans le détecteur TP-MUSIC IV est fonction de la perte d’éner-
gie de la particule qui traverse le gaz. Donc, en première approximation, on obtient :
√
AMP ≈
Z
v
, (2.3)
où AMP, Z et v sont, respectivement, l’amplitude du signal mesuré, la charge de la
particule et sa vitesse. La figure 2.11 montre la charge des fragments déterminée par les
compteurs proportionnels (panneau de gauche) et par les sections de chambres d’ionisation
(panneau de droite). Une bonne résolution permettant une identification en charge est
obtenue (∆Z = 0, 6 (FWHM2
) pour les fragments de charge Z = 10 et ∆Z = 0, 3
(FWHM) pour les fragments de charge Z ≈ Zproj). La figure 2.12, quant à elle, montre la
corrélation entre la charge mesurée par les compteurs proportionnels (ZPC) et la charge
2
FWHM (Full Width Half Maximum) est la valeur de la largeur à mi-hauteur d’une fonction gaus-
sienne.
48. 48 Dispositif expérimental
mesurée par les chambres d’ionisation (ZIC). La linéarité observée pour les fragments de
charge Z ≥ 10 confirme le bon fonctionnement de ces deux types de détecteurs. On peut
également remarquer que les fragments les plus légers sont mieux résolus en utilisant les
compteurs proportionnels. Ces derniers seront donc utilisés pour la détection des fragments
de charges Z ≤ 8. Les chambres d’ionisation seront, quant à elles, utilisées pour déterminer
la charge des fragments les plus lourds.
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
2
10
3
10
4
10
PCZ
Nombredecoups
10 15 20 25 30 35 40 45 50
10
2
10
3
10
4
10
ICZ
Nombredecoups
Fig. 2.11 – Panneau de gauche : spectre en charge obtenu à l’aide des compteurs proportionnels.
Panneau de droite : spectre en charge obtenu à l’aide des chambres d’ionisation.
2.6 Le mur de temps de vol
Le mur de temps de vol utilisé lors de la campagne S254 est constitué de deux plans
successifs de scintillateurs plastiques regroupés en 12 modules de 8 scintillateurs chacun,
soit 96 scintillateurs pour chacun des deux plans (cf. Fig. 2.13). Chacun de ces scintilla-
teurs a une hauteur de 110 cm, une largeur de 25 mm et une épaisseur de 10 mm. Il est
situé à une distance de 6,5 m de la cible, derrière la chambre d’ionisation TP-MUSIC
IV, et possède une couverture angulaire allant de -6,5◦
à 6,5◦
. La totalité du détecteur se
trouve à l’intérieur d’une chambre remplie d’azote et séparée de la chambre contenant le
détecteur TP-MUSIC IV par une fenêtre en acier. Les plans avant et arrière sont décalés
d’une demi-largeur de scintillateur (soit 12,5 mm) permettant ainsi la détection de parti-
cules passant entre deux scintillateurs de l’un ou l’autre des deux murs. Trois scintillateurs
ont été découpés à l’endroit du passage du faisceau formant ainsi un trou de 3,4 cm de
hauteur sur 7,5 cm de largeur de façon à ne pas endommager le plastique (cf. Fig. 2.14).
Enfin, chaque scintillateur plastique est équipé d’un photomultiplicateur à chacune de
ses extrémités. Ce dispositif permet ainsi, non seulement une mesure de la charge des
particules et de leur temps de vol, mais aussi une estimation de leur position verticale.
49. Le mur de temps de vol 49
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
track.z_pc:track.z_ic {norolu && (nopileup) && (!tbeam) && (tint)}
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
0
2
4
6
8
10
12
14
PC
Z
ICZ
PCZ
ICZ
Fig. 2.12 – Corrélation entre la charge mesurée à l’aide des compteurs proportionnels (ZPC) et
la charge mesurée à l’aide des chambres d’ionisation (ZIC). L’encart en bas à droite correspond
à un agrandissement de la région correspondant aux fragments les plus légers.
Fig. 2.13 – Vue schéma-
tique d’un des modules du
mur de temps de vol. Cha-
cun de ces modules est com-
posé de 8 scintillateurs plas-
tiques d’une longueur de
110 cm, d’une largeur de
25 mm et d’une épaisseur de
10 mm et équipés d’un pho-
tomulitiplicateur à chacune
de leurs extrémités.
2.6.1 Principe de détection
Lorsqu’une particule chargée traverse un scintillateur plastique, elle y dépose une cer-
taine quantité d’énergie et, par conséquent, excite les atomes qui le composent. Ces der-
50. 50 Dispositif expérimental
niers se désexcitent alors en émettant des photons. La lumière, ainsi produite, est guidée
vers les photomultiplicateurs situés à chaque extrémités du scintillateur en question. L’ef-
fet photoélectrique convertit alors les photons collectés au niveau de la photocathode de
chacun de ces tubes photomultiplicateurs en un signal électrique de faible amplitude. Ce
dernier est alors amplifié au niveau de la première dynode qui, par émission secondaire,
émet d’autres électrons, eux même multipliés par la seconde dynode et ainsi de suite pour
les 8 étages d’amplification qui composent les photomultiplicateurs utilisés pour ce détec-
teur. Le signal électrique mesurable délivré par chacun des photomultiplicateurs est alors
codé en signaux amplitude (ADC) et en signaux temps (TDC). La charge des particules
est finalement déterminée à partir des amplitudes détectées par chacun des photomulti-
plicateurs d’un même scintillateur. La quantité de lumière créée dans le plastique est en
effet proportionnelle, au premier ordre, à l’énergie déposée par la particule.
La position verticale des fragments est obtenue par la différence de temps d’arrivée des
signaux entre les 2 photomultiplicateurs d’un même scintillateur plastique, connaissant la
vitesse de transmission de la lumière à l’intérieur de celui-ci.
La vitesse de chacun des fragments est déterminée par la connaissance du temps de vol
ainsi que par sa longueur de vol. Le premier est mesuré par la différence de temps entre
le détecteur start décrit précédemment et le mur de temps de vol. La longueur de vol,
quant à elle, dépend du rayon de courbure de la trajectoire du fragment dans l’aimant
ALADiN. Sa détermination nécessite donc la reconstruction de sa trajectoire du mur de
temps de vol à la cible (cf. Chap. 5). La résolution en temps, ∆t, du mur de temps de vol
est d’environ 150 ps pour les fragments les plus lourd et de 400 ps pour les fragments plus
légers (Z ≤ 8). Cette résolution temporelle permet de discriminer en masse les fragments
de charge inférieure à Z ≈ 15.
La figure 2.15 représente la matrice étirée ("stretched") pour les signaux de tous les
photomultiplicateurs superposés. Il est possible de voir que la grille d’identification est
commune à tous les fragments, atteignant une haute résolution en charge jusqu’à Z=11.
La charge des fragments les plus légers (Z ≤ 11) sera donc déterminée par l’information
en charge de la chambre d’ionisation TP-MUSIC IV couplée à la charge déterminée à
l’aide du mur de temps de vol (cf. Chap. 3).
2.6.2 Électronique associée
Le signal électrique amplifié produit par les photomultiplicateurs du mur de temps
de vol est conduit vers un diviseur de signaux afin de discriminer les signaux en temps
des signaux en amplitude. Le signal en amplitude est alors retardé de 450 ns par rapport
au signal en temps grâce à un retard de câble. Il est ensuite numérisé dans les ADC. Le
signal en temps, quant à lui, passe par des discriminateurs à fraction constante (DFC)
avant d’être retardé, grâce à des modules de retard, de 500 ns. Il est finalement numérisé
dans les TDC.
51. Le mur de temps de vol 51
1,25 cm240 cm
110 cm
mur avant
7,2 cm
mur arrière
mur avant
mur arrière
Fig. 2.14 – Panneau de gauche : le mur de temps de vol. Chaque bande verticale représente
un module de 8 scintillateurs plastiques. Le rectangle noir désigne le trou effectué dans le mur
à l’endroit du passage du faisceau. Panneau de droite : détail de la disposition en quinconce des
scintillateurs qui composent les murs avant et arrière. Le trou découpé dans le mur et représenté
par le petit rectangle noir mesure 3,4 cm de hauteur sur 7,5 cm de largeur.
Fig. 2.15 – Corrélation entre le temps et l’amplitude du signal pour tous les modules superposés.
La grille d’identification est commune à tous les fragments.
52. 52 Dispositif expérimental
Fig. 2.16 – Logique de lecture du mur de temps de vol. Les signaux provenant des photomul-
tiplicateurs sont divisés en signaux temps et en signaux amplitude. Les signaux amplitude sont
alors retardés avant d’être numérisés dans les ADC. Les signaux temps, quant à eux, doivent
d’abord passer dans des discriminateurs à fraction constante (DFC) avant d’être retardés à leur
tour et enfin numérisés dans les TDC.
2.7 Le détecteur de neutrons LAND
Le détecteur de neutrons LAND (Large Area Neutron Detector) [Bla92] est utilisé pour
la mesure de l’impulsion et de la multiplicité des neutrons produits lors des réactions de
fragmentation. Ce détecteur a une surface active de 2 x 2 m2
pour une épaisseur de
1 m. Il est composé de 10 plans de détection ; chacun de ces plans étant constitué de 20
scintillateurs plastiques de 10 cm de large orientés alternativement selon l’axe horizontal et
vertical et équipés d’un photomultiplicateur à chaque extremité. Les neutrons ne perdant
pas d’énergie par ionisation lorsqu’ils traversent un milieu, des couches de fer de 5 mm
d’épaisseur sont placées en alternance avec les scintillateurs de chaque module servant
ainsi de convertisseur et permettant d’obtenir des particules chargées (gerbe hadronique).
La figure 2.17 représente de manière schématique la disposition de ces modules à l’intérieur
du détecteur LAND. Ce dispositif permet ainsi la mesure du temps d’arrivée du signal
généré par la gerbe hadronique ainsi que de l’énergie déposée. Comme précédemment pour
le mur de temps de vol, la différence de temps entre deux photomultiplicateurs d’un même
module permet d’accéder à la position de la particule selon l’axe vertical ou horizontal en
fonction de l’orientation du module en question.
53. Systèmes étudiés 53
Fig. 2.17 – Panneau de gauche : vue schématique du détecteur de neutrons LAND. Panneau
de droite : détail des modules du détecteur de neutrons LAND. Chaque module est composé
d’une alternance d’une couche de convertisseur (Fe) et d’une couche de scintillateur plastique de
5 mm d’épaisseur chacune. Un photomultiplicateur est placé à chaque extrémité de ces modules.
Ces derniers sont alors disposés tour à tour horizontalement et verticalement pour composer le
volume actif du détecteur LAND.
2.8 Systèmes étudiés
La campagne expérimentale S254 a eu lieu sur deux périodes durant l’année 2003.
La première période a concerné l’utilisation des faisceaux stables de 197
Au et de 12
C. La
seconde période, quant à elle, a concerné l’utilisation du faisceau stable de 124
Sn ainsi
que des faisceaux secondaires radioactifs de 107
Sn et de 124
La. Le tableau 2.1 présente
les différents systèmes étudiés au cours de cette campagne. L’énergie des faisceaux, ainsi
que l’épaisseur de la cible utilisée sont également indiquées dans ce tableau. Rappelons
que l’utilisation de la paire isotopique 124
Sn et 107
Sn permet d’étudier le rôle des neu-
trons. Le choix de la paire d’isobares 124
Sn et 124
La, quant à lui, est motivé par l’étude
des effets d’isospin dans la fragmentation du projectile spectateur. Le rôle de la masse
(température limite) est quant à lui étudié via le projectile lourd 197
Au. Enfin, un fais-
ceau de 12
C est également utilisé afin de comparer nos résultats à ceux de l’expérience de
Goldhaber [Gol74].
54. 54 Dispositif expérimental
E/A Cible
Projectile (MeV) C Ni Au Sn
202 mg/cm3
80 mg/cm3
440 mg/cm3
80 mg/cm3
516 mg/cm3
505 mg/cm3
1000 mg/cm3
197
79Au 600 • • • • •
12
6C
600 • • •
1000 • •
124
50Sn 600 • • •
124
57La 600 • •
107
50Sn 600 • •
Tab. 2.1 – Systèmes étudiés au cours de la campagne S254.