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Chroniques de Fouesnant - sod-yyq
1. La meilleure et la pire des choses...
Selon Ésope, le célèbre fabuliste grec vivant au VIème siècle avant Jésus-Christ, c'était la
langue. Autres temps et autres lieux, il semble bien qu'au Pays de Fouesnant, au siècle des
Lumières, la meilleure et lapire des choses fût. . .le cochon, et singulièrement le boudin, qui
en est issu.
Nos lecteurs ont sansdoute déjà prisconnaissance, dans ce numéro, de la tragique
affaire de « la fête des boudins », en 1786, à Pleuven. Ajoutons au dossier un autre décès dont
nous avons relevé les pénibles circonstances dans les registres de l'État civil de Fouesnant
pour l'année 1796. Ce rapport est retranscrit sans autre correction que celle de la ponctuation,
totalement inexistante. On en appréciera l'humour, certes involontaire; humour noir, dans une
affaire de boudin cela va de soi.
« Le 17 Pluviose An IV de la République Française Une et indivisible, à quatre heures
et demie après midy, par devant moi Laurent Mazé, adjoint de l'Administration Cantonalle de
Fouesnant, est comparu en la maison commune Allain Clorennec, juge de paix, officier de
police du canton de Fouesnant demeurant en la commune de Pleuven, lequel assisté de Jean
Bénéat, âgé de 48 ans, cultivateur à Kerampennec, Louis Le GaI, âgé de 35 ans, cultivateur à
Keranglouédic et domicilié en la ditte commune de Fouesnant, lequel a déclaré à moi Laurent
Mazé qu'ayant été instruit qu'un bonhomme était mort près le bourg de Locamand, il s ' était
transporté sur les lieux et y avait rédigé le procès-verbal dont la teneur suit :
Le 17 Pluviose An IV de la République Française, nous Allain Clorennec, juge de paix
et officier de police du canton de Fouesnant, ayant en lieu et place du greffier de paix, ce
dernier ne pouvant vaquer à raison de maladie, pour adjoint le citoyen Jean-Baptiste Moulin
qui a promis de se bien et fidellement comporter à l'effet de sa commission, et accompagné du
citoyen Jean-Baptiste Bréjar, officier de santé résidant à Quimper, commune du même nom,
nous avons trouvé en la maison de Jean Bénéat le cadavre d'un homme trouvé mort près le
bourg de Locamand, lequel, déshabillé, nous avons procédé à l'examen. Nous n'avons rien
remarqué à l'extérieur si ce n'est une très légère contusion à la houppe du menton, cette
contusion pouvant être l’effet de la chutte. L’extérieur ne nous offrant aucune cause de mort,
nous avons fait l’ouverture du cadavre. A peine avons-nous pénétré dans la capacité de
l’abdomen qu'il s'est exhalé une odeur de cidre en fermentation. Le premier objet qui se
présentait à la vue était l' estomac et les intestins grêles extrêmement tuméfiés, l' estomac tout
rempli d' aliments non digérés, parmi lesquels on remarquait du boudin et du lard qui
n'avaient subi aucune ellaboration. Les intestins grêles contenaient beaucoup d'air. Toutes
les autres parties renfermées dans la capacité abdominale étaient très saines. De là, nous
avons passé à l’ouverture de la poitrine; tout y était dans l'état naturel. Le diaphragme
seulement y formait une convexité causée par le volume de l'estomac. Nous nous sommes
dispensés d'ouvrir le crâne, croyant avoir trouvé la cause de la mort, d'un âge avancé
nécessairement accompagné d'une diminution considérable d'esprit vital et par une quantité
prodigieuse d'aliments qu'un estomac affaibli n'a pu digérer.
D'après lecture de ce procès verbal que Jean Bénéat et Louis Le Gal ont déclaré
être conforme à la vérité et la représentation du dit cadavre, j'ay rédigé le présent acte que
Allain Clorennec, juge de paix, a signé avec moi, les dits Bénéat et Le Gai ont déclaré ne
savoir signer. »
Le juge de paix, officier de police du canton, placé devant un décès suspect, a
consciencieusement rempli sa tâche. Peut-être peut-on lui reprocher de se préoccuper
uniquement des causes possibles du décès, mais aucunement de l'identité du défunt, qui ne
devait pourtant pas être difficile à établir !
Louis Nicolas
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