Mairies communes du Pays de Fouesnant --phpba qzou
Les personnages du Pays de Fouesnant - phpw7 swfi
1. JEAN PORUS, MAIRE DE BÉNODET
Pourquoi s'intéresser spécialement
à Jean PORUS, qui ne fut maire de
Bénodet que pendant moins d'un an, à la
fin du XIX e siècle ? C'est que l'on ignorait
son origine, bien
qu'il fût propriétaire
du manoir du Letty où il a longtemps vécu,
qu'il fût élu conseiller municipal, adjoint
au maire, puis maire de la commune.
L'état-civil de notre homme était inconnu;
on savait seulement qu'il n'avait pas connu
ses parents, qu'il était marié à Catherine
TANGUY, puis qu'il est mort à Bénodet le
13 septembre 1891 à l'âge de 76 ans.
Dans le court moment où il a été
aux affaires municipales, Jean PORUS a
affiché une position politique bien
déterminée, et la volonté de lutter contre
les pratiques abusives des familles
dominantes. Une proposition faite en
conseil municipal de faire une avance
d'argent à la commune pour faire face à
une échéance montre aussi qu'il était dans
une situation financière aisée.
A partir de ces données, nous avons
trouvé que la veuve de Jean PORUS,
Luce
Corentine
Catherine
TANGUY, est décédée à Bénodet le 10
février et qu'elle était née à Pont-Croix le
18 décembre 1820; mais le registre des
naissances de cette ville ne comporte
aucune mention marginale de mariage, et
le couple n'a pas de descendance connue.
La famille FENNEC étant réputée
avoir bénéficié des libéralités du couple
PORUS, nous avons pensé demander à Mr
et Mme Raymond PENNEC, au LettyIzella, ce qu'ils savaient de la vie de Jean
PORUS. Mme PENNEC, actuellement
âgée de 87 ans, a évoqué ses souvenirs :
"J'ai beaucoup entendu parler de
Jean PORUS par LOUCH Parc- Bras
(Louis NÉDÉLEC), qui avait été à son
service comme jardinier et cocher, et par
Marie PALUD (Mme Le ROY) qui faisait
pour le ménage des travaux de couture à
domicile. Et aussi dans la famille
PENNEC, qui a hérité de toute sa fortune
au décès de Mme PORUS. Jean PORUS
avait fait la guerre de Crimée. Il en était
revenu, à pied, en compagnie de mon
grand-père, Michel NÉDÉLEC, de
Kerc'hen. Ils disaient avoir beaucoup
souffert, avoir été réduits à manger des rats
pour ne pas mourir de faim.
On a toujours dit que Jean Porus
n'avait pas connu ses parents, qu'il avait été
confié à l'Assistance Publique et qu'il fut
gagé très tôt dans des fermes. Il s'engagea
dès qu'il en eut l'âge et quitta Quimper en
promettant à Saint Corentin de ne revenir
au pays que lorsqu'il aurait de quoi mettre
du pain sur la table.
Je ne sais pas à quel moment, ni
dans quelles circonstances PORUS et sa
femme sont venus à Benodet. On sait
seulement qu'ils ont fait construire le
manoir du Letty - actuellement propriété
de Marie PENNEC, veuve PERROT- qu'ils
avaient de nombreux biens dans la
commune: à Kerlidou (avenue de l'Odet),
rue
de
l'Église,
rue
Kerguélen
(l'emplacement de l'actuel Hôtel des Bains
de mer), la ferme du Letty ...
Madame PORUS avait fait de ma
belle-mère, Mme Jean PENNEC, née
Jeanne-Marie RIOU, en 1865, à Plogoff, sa
légataire universelle: j'ai vu le document.
C'est ainsi qu'ensuite mon mari et les
autres enfants Pennec se sont partagé cet
héritage.
1/3
2. C'est Jean PORUS qui a en quelque
sorte créé la fête du Letty : le jour de la
fête nationale, il mettait une barrique de
cidre en perce, et invitait ses amis,
nombreux pour la circonstance, plus d'une
centaine paraît-il, à venir partager sa liesse.
Louch et Marie m'ont souvent dit
que Jean PORUS était un homme
charitable, qu'il aidait beaucoup les
pauvres.
Avant de se marier, Mme Porus
était commerçante à Quimper. Je crois
qu'elle tenait un commerce de mercerie
près des halles, peut-être dans la rue
Astor."
Cette dernière précision m’a
conduit
à faire des recherches à
Quimper, où j'ai découvert les documents
attestant la naissance de Jean PORUS et
son mariage avec Luce Corentine
Catherine TANGUY ; ils ne sont pas
banals :
"Jean Jacques Marie PORUS, né
de père et de mère inronnus, a été exposé à
l'âge de trois jours, le 7 février 1815 à
minuit, à l'hospice civil de Quimper, avec
un petit trousseau comprenant une
vieille chemise, un vieux gilet, deux vieux
drapeaux, une coiffe, deux bonnets, et un
vieux maillot. "
- N-B: le "drapeau" désigne un morceau de
drap ou de linge.
Le mariage de Jean PORUS et de
Luce TANGUY a été célébré en la mairie
de Quimper le 13 septembre 1858 à 8
heures du soir. Le marié est sous-officier
pensionné, décoré de la médaille militaire
et de l'ordre impérial du Medjidié; la
mariée est marchande de mercerie, habitant
Quimper avec sa mère, veuve de JeanMarie TANGUY, préposé des Douanes.
Les témoins sont nombreux, commerçants
et amis voisins de la mariée: un marchand
de parapluies, un marchand de sel, un
boucher, un commis ... La douzaine de
signatures au bas de l'acte attestent un
milieu commerçant relativement instruit.
On comprend mieux ainsi l'aisance
du couple PORUS : lui, ancien militaire
pensionné; elle, vendant son fonds de
commerce pour acheter et s'installer à
Bénodet.
Cette aisance, à un moment où
l'argent était rare, excitait les imaginations
dans la population. On prétendait qu'une
dame inconnue, sans aucun doute la mère
de Jean PORUS, déposait régulièrement de
l'argent au compte de son protégé, chez le
notaire. Après tout, pourquoi pas ?
Après la mort de Mme PORUS, les
documents du ménage ont été dispersés
dans la famille PENNEC. Pour sa part,
Raymond détient l'écharpe de maire, une
épée, et un fort joli médaillon contenant les
décorations de Jean PORUS, quatre
médailles, celle de Crimée en bonne place
et correspondant exactement à la
description officielle: "La médaille de
Crimée a été offerte en 1856 par la Reine
d'Angleterre Victoria aux militaires de tous
grades qui prirent part à la guerre de
Crimée. D'un fort module, elle est en
argent et porte d'un côté l'effigie de la
fondatrice; de l'autre un guerrier couronné
par la Victoire. Ruban bleu liséré de jaune.
Chaque bataille à laquelle le titulaire a
assisté est rappelée par une agrafe en
argent passée sur le ruban ". La médaille
de Jean PORUS porte les noms ALMA et
SÉBASTOPOL.
Quant au retour de Crimée, à pied,
nos grands-pères le chantaient encore en
disant: "Nous étions bien fatigués Il , et en
contant leurs bonnes et mauvaises fortunes.
2/3
3. Rappelons que la guerre de Crimée
(1854-1855), sous le Second Empire, se
résuma dans le siège de Sébastopol, qui
dura un an, et fut extrêmement meurtrier
tant en raison des combats que des
mauvaises conditions climatiques et de
l'insuffisance des approvisionnements : La
moitié du corps expéditionnaire français
périt de scorbut ou de choléra. Pourquoi les
époux PORUS ont-ils choisi Bénodet
comme lieu de résidence ? A l’approche de
cette fin du XIX e siècle, Bénodet était déjà
prisé pour les "bains de mer», et les
familles quimpéroises aisées y venaient
l'été ou commençaient à s'y installer
définitivement. Sans doute les PORUS
étaient de ceux-Ià. On peut penser que
l'ancien camarade de Crimée, Michel
NÉDÉLEC, n'a pas été étranger au choix
de ce coin si agréable du Letty, à deux pas
de la Mer Blanche.
Ce nouvel éclairage sur la vie de
Jean PORUS ne prétend pas faire toute la
lumière sur son destin peu ordinaire.
C'était certainement un homme de
caractère, pour avoir accédé à une situation
enviable, à une époque où les "enfants
trouvés" étaient particulièrement mal lotis
au départ de l'existence.
Quant au nom de "PORUS", il
restera une énigme. Lui-même pensait (il
l'aurait dit à Mme Le ROY, plus connue
sous le nom de Maï PALUD) que son nom
correspondait à la phonétique du breton
"paotr ruz", pour "enfant de la rue", ou
plutôt "garçon rouge (roux)".
René BLEUZEN
3/3