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XIV LEGISLATURE
Interventions en séance
Assemblée Nationale
Gwenegan Bui
Député de la 4ème
circonscription du Finistère
Membre de la Commission des Affaires Etrangères
1
Contenu
PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI ........................................................................................................ 2
Loi de programmation militaire 2014-2019 ............................................................................................ 2
Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires...................................... 7
Projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de
solidarité internationale.......................................................................................................................... 9
Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre
dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.... 11
Projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019............................. 12
Approbation de l’accord France Russie sur les bâtiments de projection et de commandement......... 15
Projet de loi de finances pour 2016 Mission « Action extérieure de l’Etat »...................................... 19
Accord de coopération avec les Etats-Unis en matière d’enquêtes judiciaires.................................... 22
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT..................................................................Erreur ! Signet non défini.
Filière avicole......................................................................................................................................... 28
Inondations et intempéries................................................................................................................... 30
Avenir des ex-salariés de l’entreprise Tilly Sabco ................................................................................. 32
Filière porcine........................................................................................................................................ 35
EN COMMISSION .................................................................................................................................. 37
Rapport d’information– L’Asie du Sud-Est à la confluence des océans (n°2548) ................................. 37
Rapport – ratification du traité d’extradition entre la République française et la République populaire
de Chine................................................................................................................................................. 41
2
PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI
Loi de programmation militaire 2014-2019
Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
26 novembre 2013
Discussion générale
En vertu d’une tradition désormais bien établie, la commission des affaires étrangères s’est saisie
pour avis du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
C’est un moment important de la République : le vote de son budget pluriannuel de défense. Ce n’est
pas un débat anodin, loin de là. C’est une stratégie, des hommes, des femmes et des moyens
matériels pour y répondre, et ce pour les cinq prochaines années, ce qui est important pour donner
la perspective à nos armées. C’est aussi un débat qui incarne la volonté de protéger les intérêts
vitaux et stratégiques de la France. Voilà ce qui nous est proposé dans le débat ce soir.
Avant toute chose, la plus-value de la commission des affaires étrangères est de passer la LPM au
tamis, si vous me passez l’expression, des enjeux internationaux et des engagements de la France. Il
me semble donc utile de revenir sur le contexte stratégique au regard duquel ont été élaborés le
Livre blanc et donc le projet de loi que nous examinons, contexte qui justifie de ne pas baisser la
garde.
Parmi les différents points évoqués dans mon avis, je souhaite en rappeler un qui constitue un sujet
de préoccupation majeur : la combinaison de l’impact de la crise financière sur les budgets militaires
en Europe avec un pivot américain bien réel. Ce pivot conduit les États-Unis à redimensionner à la
baisse leurs moyens militaires présents en Europe et à renforcer leurs capacités dans le Pacifique,
dans une optique de containment chinois. La certitude d’une intervention américaine en Europe, ou
dans sa périphérie, comme l’a montré l’épisode syrien, n’est plus aujourd’hui acquise, tout
simplement faute de matériel et de militaires sur le territoire européen.
Il y a là une invitation faite aux États européens à assumer leur propre défense qui ne trouve,
malheureusement, en ce moment, que trop peu d’écho. Les contraintes budgétaires actuelles
conduisent au repli sur soi et empêchent l’Europe de la défense d’avancer. Pour certains États, les
questions de défense ne sont pas clairement une priorité. D’autres restent fondamentalement
attachés à l’OTAN et demeurent extrêmement réticents à toute projection des forces en dehors du
territoire européen. Ils espèrent, sans le dire ouvertement, pouvoir continuer à bénéficier du
bouclier américain à peu de frais. Il y a aussi une forme de fatigue expéditionnaire après une
décennie 2000 marquée par des engagements longs et douloureux en Afghanistan ou en Irak, qui ont
épuisé les hommes, les budgets et les opinions publiques.
3
Cette situation est d’autant plus dommageable que la France n’est pas la seule en Europe à avoir
conscience des risques. Nous avons des partenaires qui veulent aller de l’avant. N’attendons donc
pas l’impossible unanimité européenne pour avancer ! Je tiens par exemple à citer le cas de la
Pologne, qui est aujourd’hui l’un des seuls pays européens à maintenir un effort conséquent en
matière de défense. Il est également l’un des États les plus engagés dans le développement de la
PSDC. C’est un partenaire majeur avec lequel nous devons travailler.
La Pologne apprécie notre volontarisme, comme récemment au cours d’un exercice militaire sur le
sol polonais et dans les pays baltes : la France y a envoyé 1 200 militaires, contre à peine une
compagnie pour les États-Unis et aucun soldat pour l’Allemagne. Ce type d’initiative doit être salué,
conforté et avoir une soutenabilité dans la durée, afin de démontrer notre plus grande implication
dans la sécurité collective à l’est et au nord de l’Europe. Nous devons être une sorte de pivot, à notre
niveau, vers des États demandeurs de plus de coopération européenne et sortant du champ de nos
partenaires habituels. Mais l’Europe de la défense est un sujet qui trouvera bien évidemment toute
sa place lors du Conseil européen de décembre sur lequel la présidente de la commission des Affaires
étrangères entend revenir dans son intervention.
Pour ce qui est du projet de loi de programmation militaire en tant que tel, je ne vais pas revenir sur
ses détails précis. Mmes Adam et Gosselin-Fleury en ont parfaitement rappelé le contenu et les
enjeux. Toutefois, je tiens à saluer son ambition louable de ne pas obérer l’avenir. Ce texte maintient
un effort de défense significatif, alors même que nous connaissons tous les contraintes qui pèsent
sur les finances publiques. Il prévoit le maintien des crédits de la mission défense à 31,4 milliards
d’euros pour les années 2014, 2015 et 2016. Les ressources disponibles devraient ensuite augmenter
pour atteindre 32,5 milliards en 2019, le terme de la LPM. C’est un véritable défi collectif qui est
devant nous. Les crédits sont stabilisés en valeur sur les trois premières années de la programmation.
Nos armées contribueront donc à hauteur de l’inflation au redressement des finances publiques de
notre pays, dont la dégradation est aussi un enjeu de souveraineté important.
En ces temps budgétaires difficiles, il affiche la volonté de conserver l’ensemble des capacités
aujourd’hui détenues par nos armées : aucun abandon de compétence, aucun renoncement. C’est
crucial. Même si les efforts demandés sont lourds en termes de réduction d’effectifs en particulier,
nos ambitions sont intactes et il n’a pas été fait le choix d’un déclassement, comme certains ont pu le
prétendre. Ce concept est en effet totalement récusé par l’ensemble des acteurs, militaires et
experts, que j’ai pu auditionner.
Bien sûr, cela n’est pas acquis. Il conviendra de veiller au respect de la trajectoire financière de la
LPM, à l’euro près. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur l’appui des parlementaires pour
cette vigilance. Dans le cas contraire, il faudra s’attendre à de sérieuses difficultés avec le risque,
pour le coup, de décrocher réellement et rapidement, à l’image, par exemple, des Pays-Bas. C’est un
cas fréquemment cité par mes interlocuteurs au cours des auditions que j’ai menées dans le cadre de
la rédaction de mon avis. Les Pays-Bas ont tout fait pour conserver à tout prix leur triple A, allant
jusqu’à sacrifier leur outil de défense. Pour la première fois en quatre cents ans, la marine
néerlandaise ne patrouillera pas dans les Antilles.
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Par ailleurs ce souci de ne pas obérer l’avenir passe aussi par un effort important sur les études en
amont, avec in fine la volonté de préserver notre outil industriel, et sur la préparation opérationnelle.
Le projet de loi fixe des normes semblables à celles de la LPM 2009-2014. Il prévoit qu’elles soient
atteintes à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle d’armée, avec une
attention soutenue en faveur de ce secteur. De même, le projet de loi entend combler trois lacunes
que connaissent depuis longtemps nos armées et qui ont été particulièrement criantes en Libye
comme au Mali. Il s’agit, vous le savez, de la question des drones, du ravitaillement en vol et du
transport.
Le projet de loi confirme l’acquisition de douze drones Reaper. D’aucuns pourront critiquer l’achat
sur étagère de matériel américain. Notre pays, il est vrai, ne manque pas de talents industriels ou
technologiques. Mais en quinze ans, qu’avons-nous fait ? Avons-nous réussi à combler notre lacune
capacitaire ? Non, rien que des conflits, des blocages et des discussions sans fin ! Il a fallu prendre
une décision et M. le ministre a décidé de combler cette lacune sérieusement handicapante pour nos
armées en achetant ce matériel. Nous saluons ce choix. Il en va de même dans le domaine du
ravitaillement en vol, avec la réalisation tant attendue du programme MRTT. Enfin, en matière de
transport aérien stratégique, la confirmation et la sécurisation du programme A400M doivent être
également saluées. La LPM contribuera à mettre fin à ces lacunes. C’est une bonne chose pour la
France et pour nos soldats.
Bien évidemment, je suis loin de minimiser les difficultés qui pèsent sur les missions que nos soldats
doivent assumer et personne, dans cet hémicycle, ne le fait. L’une d’elles me tient cependant
particulièrement à cœur : il s’agit de la capacité de la marine nationale à continuer à assurer, dans le
temps, ses missions de souveraineté. Pour mémoire, notre zone économique exclusive représente
11 millions de km2
. On peut légitimement craindre que, dans ce domaine, la diminution constante
des moyens, ces dernières années, ne fragilise quelque peu la capacité de la France à préserver sa
souveraineté sur les espaces en sa possession. Mais on peut craindre aussi qu’elle ne réduise qu’à
peu de choses sa capacité à intervenir en cas de crise éloignée de la métropole. L’exemple du
Pacifique me paraît, à cet égard, particulièrement éclairant.
La Chine, le Japon et la Corée du Sud font partie des dix pays dont les dépenses militaires sont les
plus importantes. Les sources de conflit sont multiples dans ce secteur : les Kouriles, les Spratleys, les
Paracels ou les Senkaku. Le risque de conflits interétatiques y est relativement élevé et les
événements des jours derniers viennent renforcer notre inquiétude. La France aurait beaucoup à
perdre si un conflit éclatait dans cette région, relativement à ses alliances, bien sûr, mais aussi à son
économie puisque un quart du commerce international transite par cette zone. Un blocage nous
poserait de graves difficultés et nos moyens dans la région, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie,
seraient bien faibles, en tonnage, en nombre et en temps de réponse. Il serait paradoxal que notre
pays, alors même qu’il a la chance d’être présent sur tous les océans, ne puisse se reposer que sur
des unités basées en métropole avec les délais que cela suppose – plus de trente jours. Beaucoup de
questions restent en suspens. Nous devons être vigilants et exercer une amicale pression pour que
les futurs arbitrages, monsieur le ministre, ne soient pas une nouvelle fois défavorables dans ce
secteur tout particulièrement.
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Il m’a aussi semblé intéressant de me livrer à un exercice prospectif, comme nous l’avons fait au sein
de la commission des affaires étrangères, en m’intéressant à la prochaine programmation, celle qui
couvrira la période post-2020 – car les choix de 2020 se préparent en ce moment. D’ores et déjà,
deux thèmes seront au cœur des débats et doivent être discutés sans tarder pour mieux préparer
cette échéance. Le premier, qui a été développé par le ministre, est la cyberdéfense. Certes, le sujet
était déjà présent dans le Livre blanc de 2008 et il occupe une place importante dans celui de 2013.
L’actualité est brûlante en la matière, mais, dans ce domaine, nous ne sommes qu’au début de
l’histoire militaire. Le projet de loi contient plusieurs articles visant à adapter le droit aux nouveaux
défis. Il prévoit aussi un effort remarqué et important dans le développement de capacités militaires
dans ce domaine : c’est très positif. Mais la matière est en évolution constante et de nouvelles
interrogations se font jour, lesquelles occuperont une place croissante à l’avenir, comme celle de la
définition d’un cadre pour nos capacités de cyberdéfense offensives. Il reste en particulier à identifier
ou à définir une véritable doctrine française d’emploi de ces capacités, comme le cadre d’actions
collectives ou non, ainsi que le contrôle parlementaire de ce type d’actions.
Un second thème, plus sensible, est à mon sens à approfondir d’ici à 2020 : celui de la dissuasion
nucléaire. Levons d’emblée toute ambiguïté : je suis favorable à la préservation de notre dissuasion
nucléaire, avec ses deux composantes. Mais ce préalable posé, je ne reste pas sourd aux nombreuses
questions qui se posent dans le pays, qu’a relevées également la présidente de la commission de la
défense. La dissuasion est-elle utile ? Quelle utilité, en effet, peut avoir la dissuasion dans un monde
multipolaire ? Cette question peut légitimement se poser aujourd’hui, lorsque l’on sait que l’arme
nucléaire est une arme de guerre froide, conçue par des États pour paralyser d’autres États. Que
faire face aux menaces asymétriques ? De même, comment articuler la dissuasion et le
développement de moyens de défense antimissiles ?
Par ailleurs, la dissuasion est-elle soutenable financièrement ? Les crédits qui lui sont dédiés sont
importants. Dans le projet de loi de finances pour 2014, ils s’élèvent à 3,1 milliards d’euros en
autorisations d’engagement et à 3,5 milliards en crédits de paiement au total, en incluant les crédits
de tous les programmes de la mission « Défense ». Ces dépenses sont lourdes. Dans une situation
budgétaire tendue comme aujourd’hui, elles peuvent légitimement susciter un débat et nombreux
sont ceux qui voient là une solution pour améliorer le sort des unités conventionnelles. Ce débat
existe hors des armées comme dans les armées.
On peut également s’interroger sur la nécessité de disposer de deux composantes. Certains plaident,
par exemple, pour un abandon de la composante aérienne. S’appuyant sur des précédents
historiques, ils arguent notamment de sa vulnérabilité, sans pour autant voir son intérêt en appui de
la manœuvre diplomatique ou dans le cas où notre pays devrait donner un ultime avertissement. La
question du risque d’isolement de notre pays en Europe doit être également posée. Même si
l’attachement britannique à la dissuasion a été confirmé encore récemment par le Premier ministre
David Cameron, la décision définitive de poursuivre le programme nucléaire n’est pas encore prise et
devrait intervenir en 2016, après les élections législatives prévues en 2015. De surcroît, je tiens à
rappeler que la base des SNLE britanniques est située à Faslane, en Écosse. C’est là un élément à
prendre en compte à quelques mois du référendum sur l’indépendance de cette dernière, prévu en
septembre 2014.
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Or l’ensemble des questions que je viens d’évoquer ne font quasiment pas l’objet de débats
aujourd’hui en France, contrairement à ce qui peut se passer, par exemple, au Royaume-Uni ou aux
États-Unis. La Chambre des Communes a ainsi longuement discuté, l’été dernier, des alternatives
possibles au missile Trident. En 2006, le gouvernement britannique a publié un Livre blanc sur la
dissuasion, qui a été actualisé en 2012 et devrait faire prochainement l’objet de nouveaux
développements. Aux États-Unis, la Nuclear Posture Review assure la même fonction. La dernière a
été publiée en avril 2010, après celles de 1994 et de 2002. Elle découle d’une réflexion globale,
impliquant toutes les parties prenantes, et vise à fixer la stratégie nucléaire américaine pour les cinq
à dix années à venir. Sur la forme, c’est un travail de concertation, à tous les niveaux, sur une
thématique sensible. Sur le fond, la Nuclear Posture Review fixe les orientations à donner pour que
l’arsenal nucléaire américain réponde plus efficacement aux menaces actuelles.
Dans notre pays, trop souvent selon moi, la prééminence exclusive du chef de l’État, la
confidentialité de nombreuses informations et la nécessaire incertitude qui entourent la dissuasion
conduisent certains à considérer, à tort, que cette dernière ne doit et ne peut être débattue. On se
retranche derrière l’évidence d’un dogme établi et l’on recourt parfois à l’invective pour
décrédibiliser ses interlocuteurs. Il ne faut pas avoir peur de débattre de la dissuasion. Pas du
quotidien bien évidemment, des itinéraires des patrouilles du SNLE ou des performances exactes des
missiles ASMP emportés par les Rafale ! Mais notre stratégie peut et doit faire l’objet de débats
publics sur sa pertinence, sa crédibilité et son évolution. Si l’on souhaite renouveler le consensus
national sur les forces nucléaires, il doit reposer sur des arguments solides qui ne pourront
convaincre qu’à l’issue d’un débat où toutes les positions auront pu s’exprimer et où chacun aura pu
montrer la valeur de ses arguments. Rien ne serait pire que de disposer d’armes nucléaires sans
savoir pourquoi, en maniant des concepts erronés.
Qui plus est, le débat doit également servir à anticiper. Pensons par exemple à l’échec du tir d’un
missile M51, en mai dernier, au large du Finistère : une grande partie de la presse s’est alors étonnée
du coût de la dissuasion ! Il faut anticiper également les échéances puisque notre pays va devoir,
dans les années qui viennent, prendre des décisions lourdes pour poursuivre la modernisation et le
renouvellement de notre outil de dissuasion. Je songe notamment au lancement de la troisième
génération des SNLE dont les études préalables ont déjà commencé. Comme je l’ai souligné
préalablement, dans un contexte budgétaire contraint, le coût de cet effort de renouvellement
risque d’être moins accepté que par le passé, rendant plus que nécessaire la tenue d’un débat avant
que nous ayons à discuter de la prochaine loi de programmation militaire.
Je sais, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas opposé à une telle démarche, comme vous avez pu
m’en faire part le 2 octobre dernier en commission, lorsque vous m’avez répondu que prendre
l’initiative d’une réflexion sur la nature de la dissuasion dans un environnement de prolifération et
dans un contexte d’après-guerre froide ne vous dérangeait pas. C’est pour cela que je souhaite que le
Parlement se saisisse, dans les modalités que nous trouverons les plus adéquates, et comme vient
également de le proposer la présidente Patricia Adam, du débat sur ce sujet d’importance nationale,
qui a des implications militaires, diplomatiques, financières, économiques et environnementales.
Nous devons débattre, sans quoi il risquerait d’être trop tard.
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Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires
22 janvier 2014
Discussion générale
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission
des lois, mes chers collègues, c’est avec joie que, dans un contexte un peu plus serein que cet après-
midi, nous entamons ce soir l’examen de cette proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Je dis « plus serein » tant il est vrai qu’il est difficile, en France, d’aborder ce sujet sans passion.
Tous, ici, sommes viscéralement attachés à l’unité de la République, mais tous, ici, sommes aussi
profondément attachés à la diversité et à la richesse de notre patrimoine linguistique.
L’une et l’autre sont indissociables, nul ne le conteste, alors pourquoi faisons-nous face à autant de
réticences ?
Je ne reviens pas sur l’historique complet de la Charte : sans révision de la Constitution, pas de
ratification de la Charte, nous sommes tous d’accord, et ce contrairement à ce que certains essayent,
avec peu de succès, de nous faire croire ce soir.
Mais soyons plus précis, car ceci a son importance : il s’agit en réalité de ratifier les titres I, II, IV et V
ainsi que les trente-neuf des quatre-vingt-six propositions de la partie III auxquelles la France a
souscrit. Et là aussi, le constat est implacable : le Conseil constitutionnel a jugé qu’aucune desdites
trente-neuf propositions n’était contraire à notre norme fondamentale.
Voici donc le premier point : les propositions qui nous sont données, c’est-à-dire la Charte dans ce
qu’elle a de plus de plus concret, de plus pratique, et donc de plus normatif, sont
constitutionnellement valides.
Et ces propositions sont non seulement valides mais, de fait, elles sont déjà appliquées.
« Si elles existent déjà, quelle est l’utilité d’une ratification » me direz-vous ?
Au-delà du fait qu’il est toujours bon de ratifier une convention internationale que l’on a signée, la
réponse est simple : il s’agit, d’une part, de sécuriser juridiquement les situations que l’on connaît ou
à venir, d’autre part d’entériner la lente et salutaire mue qu’a opérée la France à ce sujet.
Sécuriser ce qui s’est fait, essentiellement sous l’impulsion des collectivités locales et « sans statut
légal », est d’abord une nécessité en soi.
Nous sommes nombreux à nous être battus pour que des enseignements soient dispensés,
partiellement ou conjointement avec le français, en langue régionale. Aux obstacles financiers
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s’ajoutaient les obstacles administratifs, aux obstacles administratifs s’ajoutaient les problèmes de
postes d’enseignants, ou le risque judiciaire, aujourd’hui toujours prégnant dans un certain nombre
de cas. Je tiens cependant à préciser que ce qui est vrai dans un sens l’est aussi dans l’autre. Nous
devons encadrer pour permettre les initiatives, nous devons encadrer pour pouvoir les limiter
lorsque nous considérons que cela va trop loin et se révèle être en conflit avec l’article 2 de notre
Constitution.
Or, tout ceci n’est possible que dans le cadre d’un régime juridique clair. L’épanouissement relatif
que connaissent les langues régionales s’est fait dans une zone de non-droit ; il est l’heure de lever ce
flou. Le manque de reconnaissance allié à une telle précarité juridique peut devenir une source de
radicalisation bien inutile. Si la politique linguistique unificatrice a autrefois été utile et peut-être
nécessaire, force est de constater qu’elle ne l’est plus désormais. Les recettes d’hier ne sont pas les
solutions d’aujourd’hui.
Pour autant, il n’est pas vrai de dire que notre politique linguistique est aujourd’hui encore
répressive. Elle a bel et bien évolué – et c’est bien le moins. Mais précisément, pourquoi ne pas
l’acter ? Pourquoi ne pas solder définitivement cette période ? Car au fond, c’est bien ce que
permettrait la ratification : elle ne ferait qu’entériner cette situation, cette transition que l’État
français a fort légitimement effectuée, d’un régime qui uniformise aveuglément, à la reconnaissance
institutionnelle de la diversité comme terreau de la Nation.
Certains vont jusqu’à arguer de risques pour la cohésion nationale et l’unité du peuple français.
Chers collègues, n’agitons pas inutilement un chiffon rouge et cessons d’appréhender les langues
comme une menace !
La vérité est que promouvoir les langues régionales n’est en rien le signe d’un repli communautariste
ou régionaliste. Bien au contraire, c’est le signe d’une saine vitalité et d’une diversité qui renforce la
France ; c’est encourager la pratique du multilinguisme et l’ouverture d’esprit ; c’est la
reconnaissance des parcours, de la culture, de l’histoire, de l’identité personnelle. Si, comme
l’écrivait Ernest Renan, « une langue ne constitue pas une nation », elle fait en revanche partie
intégrante de l’identité de chaque individu. Elle est au fondement même de celle-ci puisque nous
pensons par et grâce à la langue.
Ce n’est pas une histoire de Bretons, de Corses, de Catalans, ou d’Alsaciens que nous avons à écrire ;
c’est une histoire de Français voulant parler le breton, le corse, le catalan ou l’alsacien. C’est l’histoire
d’un pays, d’une République qui n’a plus peur de son passé, qui est sûre de ses fondations pour
permettre enfin la reconnaissance d’histoires et de cultures complémentaires.
La France est indivisible. Mais la France est plurielle, riche de ses territoires, de ses cultures, de ses
langues. Le reconnaître ce n’est pas s’attaquer à la République, c’est la renforcer ; le déni, le refus de
reconnaissance, c’est exacerber les divisions. La reconnaissance, c’est l’apaisement ; la
reconnaissance, c’est le respect ; la reconnaissance, c’est l’intégration. La reconnaissance, c’est tout
simplement la République !
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Projet de loi d’orientation et de programmation relative à la
politique de développement et de solidarité internationale
10 février 2014
Discussion générale
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, enfin
un projet de loi d’orientation sur l’aide au développement, un projet de loi permettant transparence,
traçabilité et contrôle démocratique. C’est important car nous savons tous combien les politiques
internationales de développement restent – malheureusement – utiles et primordiales à l’heure où
1,3 milliard d’êtres humains vivent encore avec moins d’un euro par jour.
Rappelons-le : la solidarité internationale est là pour pallier les carences du marché mondialisé, dont
profitent des pays développés comme le nôtre. La bataille est cependant loin d’être gagnée : le
rapport des Nations unies sur les objectifs du millénaire met en lumière de grandes carences. En
Afrique subsaharienne, aucun des huit objectifs ne sera atteint d’ici à 2015. À rebours de la tendance
mondiale, le fait que le montant de l’APD française pour 2014 soit en hausse est un signe
encourageant.
Il faudra tout de même veiller, d’une part, à la bonne réalisation de ces prévisions dont je rappelle
qu’elles ont été revues à la baisse pour les deux exercices budgétaires précédents. D’autre part, nous
devons promouvoir une définition plus stricte de la notion d’APD et la conception d’un indicateur
mesurant précisément l’effort budgétaire consenti. C’est un point important qui a fait l’objet de
longs débats en commission.
Nous savons pertinemment que l’usage d’un indicateur biaisé contribue à fausser l’appréciation des
politiques de coopération, notamment parce que les chiffres sont artificiellement gonflés par un
certain nombre d’éléments qui ne devraient pas faire partie du calcul. Je pense, par exemple, à l’aide
aux réfugiés ou à l’annulation de dettes. Je pense aussi, et nous devrons nous interroger
sérieusement ce soir sur ce point, à la légitimité de l’intégration dans l’APD du financement d’actions
dans les outre-mer, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros. Ce sont tout de même des compatriotes !
Monsieur le ministre, votre projet de loi engage de profonds changements, et c’est heureux. Mais le
Parlement ne serait pas le Parlement s’il n’était pas là pour apporter sa pierre à l’édifice. Les débats
ont été intenses en commission, et je ne doute pas qu’ils le seront encore aujourd’hui.
Dans la même veine que l’excellent rapport Bacquet-Ameline, nous sommes nombreux à penser que
la France doit assumer des orientations politiques et des objectifs clairs. Ne soyons pas naïfs, aucune
politique d’aide ne trouve son fondement dans des motivations uniquement compassionnelles. Cela
ne veut pas dire que ce facteur ne tienne pas une place centrale, et je l’ai déjà rappelé. Mais nous ne
gagnons rien à refuser d’exposer nos ambitions à l’aune de nos intérêts. Au contraire, nous perdons
en lisibilité, et donc en compréhension, vis-à-vis de nos concitoyens et de nos partenaires.
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Notre politique internationale de développement est l’incarnation d’une vision. Qui le niera ? Oui,
nous avons des intérêts stratégiques, ceux d’aujourd’hui et ceux que nous préparons pour demain.
Oui, nous avons une histoire longue et complexe avec de nombreuses parties du monde, des liens
forts, des relations à construire, parfois même à reconstruire. Bien sûr, nous devons privilégier la
gestion de crise et le développement dans notre environnement immédiat, à nos frontières, dans le
bassin méditerranéen et au Sahel. Affirmer cela, ce n’est pas faire preuve d’un quelconque égoïsme,
c’est faire montre d’honnêteté sans rien obérer de la dimension humaine de notre action, comme la
plupart des grands États donateurs le fait déjà. C’est pourquoi nous sommes nombreux à souhaiter
un rééquilibrage entre bilatéralisme et multilatéralisme.
Il est difficile d’opérer un tel processus, pour des raisons qui tiennent tant au contexte budgétaire
qu’aux engagements pluriannuels qui nous lient, et nous le savons très bien. Mais c’est précisément
le rôle d’un tel projet de loi que de fixer un horizon et des objectifs. La France a, au regard du niveau
de son aide et de son implication, tous les atouts pour figurer parmi les leaders de l’APD mondiale.
Cessons donc de gaspiller nos ressources dans de petites actions sans impact ni visibilité.
Bien sûr, nous n’ignorons pas le rôle prépondérant des mécanismes multilatéraux, souvent efficaces
pour traiter des problématiques transversales. Nous parlons simplement de recentrage, de
rééquilibrage, de complémentarité. Dans cette logique de rationalisation, affirmons alors quelques
principes directeurs : définir des lignes de conduite dans la répartition des crédits envers les
partenaires et les associations de développement ; éviter le saupoudrage ; se concentrer sur les pays
pauvres et définir des priorités précises sur la liste des PMA ; revoir en profondeur notre politique de
choix d’instruments. Il faut distinguer, comme vient de le dire Philippe Baumel, l’utilité du recours
aux prêts pour les pays solvables du recours aux dons pour les pays fragiles qui n’ont pas les
capacités pour accéder aux prêts.
Enfin, nous devons mettre sur la table la possibilité que le produit perçu des prêts alloués par nos
opérateurs APD soit reversé directement à la politique de développement, au lieu qu’il abonde,
comme c’est le cas actuellement, le budget général de l’État. Partant, il serait judicieux que ces
recettes bénéficient prioritairement à la politique de dons dans le cadre de l’aide bilatérale.
La commission des affaires étrangères a fait sienne la proposition de notre collègue Bacquet qui vise
à encourager une telle pratique. Je crois que c’est une demande raisonnable. Si ce n’est pas
maintenant, cela se fera au moment du contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de
développement.
Et ne doutez pas de nos motivations. Donner, ce n’est pas un acte unique et sans lendemain ; c’est
un lien qui construit, un lien d’amitié, un lien de solidarité, un lien d’humanité. Il est encore plus fort
dans les temps d’effort et de disette budgétaire. C’est aussi cela le message de la France, le message
de ce projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, et que nous approuverons.
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Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des
maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la
sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la
concurrence déloyale
18 février 2014
Discussion de l’Article 1er
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est bienvenu parce qu’il
vient clore une longue période durant laquelle les professionnels, les syndicats et les élus locaux ont
sonné l’alarme. Au nom de la libre circulation, l’Europe a laissé se créer un monstre qui en était venu
à tuer l’idée même d’Europe au sein des peuples. Le désastre économique de l’abattoir Gad, qui a
frappé l’opinion publique, a été l’un des catalyseurs ayant fait comprendre à de nombreuses
personnes qu’il fallait se décider à bouger.
Ce qui était en cause, c’était aussi la concurrence entre salariés européens. Le différentiel de
cotisations entre deux États membres, c’est le delta qui incite à l’évasion sociale, mais c’est aussi l’un
des facteurs ayant une incidence sur le coût de la côte de porc ! Avec mes collègues Chantal Guittet
et Richard Ferrand, combien de fois avons-nous entendu, à la sortie des usines, les salariés français
hurler contre des salariés roumains ou allemands ! C’était l’idée même de l’Europe qui était ainsi en
train de se détruire, sous la forme d’un retour du choc des nationalités. Il n’était plus possible
d’assister à ce phénomène sans réagir, il fallait une réponse politique forte !
Quelques premières réponses ont été émises, de la part de Martin Schulz, président du Parlement
européen, mais aussi des députés Michel Piron, Gilles Savary, Chantal Guittet et Richard Ferrand,
sous la forme de rapports nous invitant à prendre conscience de la gravité de la situation. Le
Gouvernement a, lui aussi, pris position et entrepris un combat nécessaire, qui allait se solder par la
victoire du 9 décembre dernier.
Le texte dont nous débattons ce soir vient anticiper les décisions de l’Union européenne, laquelle est
soumise à des temps beaucoup plus longs que ceux régissant notre démocratie et nos concitoyens.
Comment anticipe-t-il ? En mettant en place une liste noire, en permettant aux syndicats de se
constituer partie civile, et en instaurant la solidarité financière avec les maîtres d’ouvrage, ainsi que
le principe de la double déclaration, qui interdit que certains professionnels puissent continuer à
frauder le fisc en continuant à prétendre qu’ils ne savaient pas.
Il était temps de prendre des décisions pour faire cesser ce qui n’était plus acceptable. Pour cela,
nous félicitons les rapporteurs de cette proposition qui, si elle vient un peu tard pour les salariés qui
ont vu leur usine fermer du fait de la non-application de la directive, a le mérite d’exister enfin. Le
texte qui nous est soumis va au moins pouvoir stopper les abus futurs, ce qui constitue une avancée
importante pour la France et ses salariés, mais aussi pour l’Union européenne.
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Projet de loi actualisant la programmation militaire pour les
années 2015 à 2019
Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
4 juin 2015
Discussion générale
L’actualisation qui nous est présentée aujourd’hui a quelque chose d’extraordinaire : pour une fois, il
ne s’agit pas de revoir à la baisse les crédits d’une loi de programmation militaire, mais bien de les
augmenter. Or, combien de Cassandre avaient prédit un retour piteux du Gouvernement devant cet
hémicycle, anticipant l’échec de la LPM ?
Non seulement les engagements de la loi de programmation militaire seront tenus, mais ses crédits
seront augmentés, ce qui constitue une première depuis bien longtemps. Monsieur le ministre, nous
devons vous rendre hommage pour cela. Votre engagement et votre détermination ont été entendus
par le Président de la République. Les arbitrages rendus étaient difficiles dans le contexte budgétaire
que nous connaissons tous, mais n’en étaient pas moins indispensables.
Depuis la rédaction du Livre blanc de 2013, la situation internationale n’a cessé de se dégrader. Les
ruptures stratégiques se sont succédé : janvier 2013, lancement de l’opération Serval ; printemps
2014, annexion de la Crimée par la Russie ; été 2014, montée en puissance de Daech, opération
Barkhane, propagation rapide de l’épidémie d’Ebola, puis montée des tensions en mer de Chine ;
novembre 2014, cyberattaque de la Corée du Nord contre Sony ; et enfin, en janvier 2015, les
attentats à Paris. Dans ce contexte, les missions des armées ont explosé. Aux engagements extérieurs
nombreux et durables se sont ajoutées les mesures de réassurance et, à présent, l’opération
Sentinelle sur le territoire national. La marine est déployée en permanence dans cinq zones
maritimes, alors que le Livre blanc n’en prévoyait que deux.
Dans ces conditions, les armées n’avaient plus les moyens de remplir toutes les missions qui leur
étaient confiées par l’exécutif. Cette situation n’était pas tenable dans la durée. Il fallait opérer un
choix. Le Président de la République l’a fait. Il repose sur deux décisions fortes : la sécurisation des
ressources de la programmation initiale et l’affectation de 3,8 milliards supplémentaires au budget
de la défense.
La sécurisation des ressources de la LPM est un acquis essentiel. Nous pouvons tous nous en réjouir,
majorité comme opposition, et j’espère l’entendre tout à l’heure. La programmation initiale reposait
sur trois hypothèses risquées : les recettes exceptionnelles – REX, la vente des Rafale et la maîtrise
des opérations extérieures – OPEX. L’actualisation remplace les REX par des crédits budgétaires, ce
qui est une très bonne chose. Les contrats signés avec l’Égypte, le Qatar et bientôt l’Inde pourront
faire tourner les chaînes de production et les bureaux d’étude de Dassault sans que le budget de la
défense n’ait à porter ces activités. Deux de ces hypothèses risquées sont donc évacuées. Reste la
maîtrise des OPEX, qui seront toujours confrontées au même aléa, quels que soient la LPM et le
gouvernement.
13
S’agissant des 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires, je me contenterai de deux
observations. Premièrement, une grande partie, soit 2,8 milliards, sera absorbée par la préservation
de 18 750 postes, dont la vocation principale est de permettre à l’armée de terre de recruter afin de
pérenniser l’opération Sentinelle. Il faudra être très vigilant, et je sais que vous l’êtes, monsieur le
ministre, pour que cette nouvelle mission ne conduise pas à désavantager l’armée de l’air et la
marine. Elles sont très engagées dans des missions aussi essentielles que la protection du territoire
national ou la liberté de navigation. Ce sont des armées très techniques, caractérisées par la
présence de spécialités nombreuses et difficiles à conserver. Enfin, elles jouent un rôle fondamental
dans le soutien aux exportations, qui mobilise près de 200 pilotes et mécaniciens dans l’armée de
l’air et un demi-équipage de FREMM pour l’Égypte. Il faudra donc impérativement que la répartition
des postes préserve aussi la capacité de ces deux armées.
Ma deuxième observation concerne les mesures prévues pour les équipements. L’excellente nouvelle
que constituent ces 2 milliards supplémentaires mérite d’être consolidée par la production d’un
document en direction du Parlement fixant les calendriers précis d’acquisition et les enveloppes
prévues par équipement. Cela renforcera indéniablement la confiance au sein des armées.
Voilà ce que je souhaitais vous dire sur les nouvelles mesures annoncées, qui me semblent, je le
répète, salutaires et courageuses. Mais je ne crois pas que notre débat doive se limiter simplement
aux questions budgétaires : elles appellent un questionnement plus profond sur les fondamentaux de
la politique de défense. À cet égard, deux sujets préoccupent la commission que je représente.
Le premier sujet, qui touche, à vrai dire, au cœur de cette actualisation, est la pérennisation de
l’opération Sentinelle. La France est l’une des seules démocraties occidentales à faire le choix de
déployer son armée sur le territoire national. Si cette opération a véritablement vocation à devenir
permanente, cela constituerait un changement doctrinal profond pour notre politique de défense. Le
Parlement doit être pleinement associé à cette réflexion. Il en est de même pour le cadre juridique et
le contrôle parlementaire de la mission. De fait, 7 000 soldats en permanence dans les rues de
France, c’est un chiffre considérable, presque égal au nombre de militaires engagés en opération
extérieure. Il est donc utile de sécuriser l’opération Sentinelle, pour les militaires eux-mêmes mais
aussi pour nos concitoyens, qui pourraient s’interroger sur son sens.
Deuxième sujet de préoccupation : les exportations d’armement. Comme tout le monde, je me
réjouis des succès à l’exportation du Rafale, mais nous devons nous interroger sur les conséquences
stratégiques de ces ventes d’armements. En effet, nous ne vendons pas seulement des matériels
mais aussi des alliances, des accords. Or, qui sont nos clients ? L’Égypte, le Qatar, l’Arabie Saoudite, le
Liban et peut-être, bientôt, les Émirats arabes unis. Cela n’est pas neutre, et pourrait être compris
comme le choix d’un camp, celui des sunnites, contre un autre. Il est donc nécessaire d’indiquer
clairement que notre position diplomatique n’a pas changé. Elle reste la recherche de l’équilibre. La
paix dans cette région passe par une normalisation des relations avec l’Iran.
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La commission des affaires étrangères estime que cette actualisation est une excellente chose. Elle
autorise les armées à répondre aux défis qui leur sont posés et permet à la France de conserver son
statut de grande nation. Tel est l’apport, majeur, de cette réactualisation.
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Approbation de l’accord France Russie sur les bâtiments de
projection et de commandement
17 septembre 2015
Discussion générale
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers
collègues, que de bruits autour de cette affaire ! Que de bons apôtres ou de procureurs mal
intentionnés ! Que de vaines querelles, en fin de compte !
Voilà maintenant deux ans que cette vente d’armes empoisonne nos relations diplomatiques,
envenimant celles que nous entretenons avec la Russie et compliquant celles qui nous lient à nos
alliés. Ses conséquences financières sont source d’interrogation et font peser sur DCNS une épée de
Damoclès. Que fallait-il faire ? Quelles étaient les options ? Repousser une nouvelle fois la décision,
comme certains ont pu le prôner au sein de la commission des affaires étrangères ? Brader nos
intérêts ? Mépriser nos alliés ? Élargir un peu plus encore le fossé entre notre ami le président
Poutine et nous ?
Examinons les arguments et tentons de transformer ces vaines querelles, non dénuées d’arrière-
pensées franco-françaises, en une discussion utile à tous.
Partons de l’objection que l’on nous oppose : l’accord de non-livraison discréditerait la signature de
la France dans le commerce international des armes. Certains prétendent même que ce refus de
transfert serait un coup d’arrêt à notre industrie. Un peu de mesure n’aurait pas fait de mal car cet
argument ne résiste pas à l’épreuve des faits. Faut-il le rappeler ? les carnets de commandes n’ont
jamais été aussi remplis. Celles-ci ont même battu un record cette année, puisque notre pays a
enregistré plus de quinze milliards d’euros de commandes d’armement en un an, après les
8,2 milliards d’euros engrangés en 2014, ce qui constituait déjà un record. Cela représente plus de
30 000 emplois sur notre territoire pour plusieurs années, ce qui, dans le contexte national, est
plutôt appréciable.
Craindre l’affaiblissement de notre signature à l’international est en réalité un argument bien
étrange, alors que nous réussissons, que vous réussissez, monsieur le ministre, avec le
Gouvernement, à vendre enfin des Rafale, après la succession d’échecs commerciaux qu’ont connue
vos prédécesseurs, et alors que vous relancez les ventes de frégates, de patrouilleurs et
d’hélicoptères.
L’Égypte, le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Inde, la Pologne n’ont semble-t-il aucune difficulté avec la
crédibilité de notre signature. Il n’est qu’à voir les dates : en décembre 2014, la livraison des BPC est
bloquée par la France ; le 11 mars 2015, la France signe avec l’Égypte un contrat de vente de Rafale ;
le 4 mai 2015, un contrat similaire est signé avec le Qatar.
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Si la crédibilité de notre signature posait problème, l’Égypte et le Qatar auraient-ils signé ces contrats
commerciaux avec la France ? Jamais ! Et que dire des perspectives de contrats avec la Malaisie, les
Émirats Arabes Unis ou le Qatar ? La crédibilité de la signature française n’y suscite pas davantage le
doute ! En fait, cet argument se retourne aisément : loin de faire de la France un partenaire indigne
de confiance, refuser de livrer ces bâtiments dans un tel contexte renforce la fiabilité de notre
signature aux yeux de ceux qui savent lire une situation stratégique.
Tout d’abord, nous faisons la démonstration que le commerce et la recherche de devises ne sont pas
les seuls objectifs de ces contrats. Une vente d’armes n’est pas une transaction comme les autres.
Elle a pour objectif de vendre des produits destinés à la destruction et à la guerre. Elle ne peut
s’affranchir de l’analyse du contexte régional ni de leur destination et de leur usage potentiel. On ne
saurait ignorer que vendre un navire, un avion ou un missile, c’est aussi nouer une alliance avec un
partenaire et créer les conditions d’une étroite collaboration entre nos armées respectives, en
termes de formation et de suivi mais aussi de connaissance réciproque des matériels et des
techniques. Cela consiste à créer de la confiance et des échanges entre les troupes. C’est aussi cela,
un contrat d’armement : une relation stratégique durable.
Tel était le sens de la signature du contrat Mistral avec la Russie le 25 janvier 2011, malgré ce qui
s’était passé en Géorgie en 2008 et malgré la mobilisation active et effrénée du Président de la
République d’alors. Il s’agissait apparemment de créer un pont, d’établir un lien avec notre voisin
russe afin de l’arrimer un peu plus à l’Europe – c’est ainsi du moins que j’ai compris la signature de ce
contrat. Mais le contexte géopolitique a radicalement changé depuis 2014. L’offensive russe en
Ukraine n’est pas un épiphénomène, l’annexion de la Crimée encore moins.
Elle n’est pas un aléa entre voisins, un enfantillage sans conséquence mais une rupture stratégique
majeure : elle met à bas un pan complet du consensus dont l’intangibilité des frontières fait l’objet et
piétine des engagements internationaux, et non des moindres. En effet l’article 2 de la Charte des
Nations Unies dispose dans son quatrième alinéa que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent,
dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force […] contre
l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ».
Elle viole aussi l’Acte final de la Conférence d’Helsinki signé en 1975 organisant le respect des
frontières en Europe ainsi que le mémorandum de Budapest signé en 1994 garantissant l’intégrité et
l’indépendance de l’Ukraine en échange de son engagement à se défaire de son stock d’armes
nucléaires. L’attitude de la Russie ressuscite la pire des perspectives, celle de la guerre entre États
européens. Il n’est donc pas exagéré de considérer l’invasion de l’Ukraine comme une réelle menace
pour le continent européen et donc pour les intérêts vitaux de la France.
Elle est perçue comme telle par les voisins directs de la Russie, qui appellent à l’application effective
de la clause de défense collective prévue par la Charte de l’Alliance Atlantique et, dans leur crainte
réclament des mesures de réassurance et le retour de forces américaines sur leur sol. Bref, c’est
l’escalade !
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Mon propos ne vise pas à prophétiser une catastrophe mais nous devons rester sur nos gardes. Un
dérapage est toujours possible. Une erreur peut en amener une autre, puis une autre, en une
escalade menant au désastre. La destruction de l’avion de la Malaysia Airlines en est un exemple
flagrant. Lorsque les bombardiers stratégiques russes longent à nouveau nos côtes comme au temps
de la Guerre froide, certes hors de nos eaux territoriales mais dans nos zones de régulation du trafic
aérien, quand les navires russes patrouillent en face de l’Île Longue et que les flottes russes et
chinoises exécutent des manœuvres en Méditerranée, sont-ce des signes d’amitié ? Pas du tout !
Ces manœuvres en Méditerranée sont des démonstrations de force. Tel est le contexte de la livraison
des Mistral, et rien d’autre.
La qualité de notre signature internationale dépend aussi de la capacité que l’on nous prête à lire les
situations stratégiques en temps réel et à agir en conséquence. C’est l’analyse des options
stratégiques qui explique la décision du chef de l’État. Le Président de la République n’est pas tiraillé
entre nos alliés et les Russes, entre la paix et le commerce ! Il prend acte de la rupture de la doctrine
russe et agit en conséquence. La paix domine le commerce. L’intérêt de la France n’est pas la
résultante des pressions des États-Unis et de la Russie. Ce ne sont pas la Pologne ni les pays baltes
qui font notre diplomatie.
Notre sécurité, nous ne la déléguons à personne. Or les conditions de sécurité ne sont plus réunies
pour cette livraison.
Cette décision renforce notre crédibilité, malgré vos dénégations, cher collègue. Elle est le visage
d’une France qui est une puissance stratégique et pas seulement un fabricant d’armes reconnu. Elle
montre clairement que nous plaçons les alliances et les partenariats stratégiques au-dessus des
contrats strictement commerciaux. Cette claire hiérarchie n’implique pas le mépris des
considérations financières, et je tiens à saluer le fait que le Président de la République ne limite pas
sa responsabilité au domaine réservé que la Constitution tend à lui attribuer : il se préoccupe aussi
beaucoup de l’état des finances de notre pays. Nous le savons tous ici et cela nourrit suffisamment
de débats entre nous pour être rappelé.
La recherche d’un accord à l’amiable démontre avec clarté le souci de préserver nos finances
publiques. Le refus de livrer les Mistral entraîne certes un coût pour les finances publiques et les
contribuables, comme toute résiliation de contrat, mais est maîtrisé. De longs débats en commission
des affaires étrangères nous ont éclairés à ce sujet, même si certains y sont revenus et y reviendront
encore par plaisir ou par masochisme, les uns prévoyant l’apocalypse financière, les autres une
Berezina juridique, car les débats de notre Assemblée ne sont hélas ! pas toujours exempts d’excès.
Pourtant, la méthode de l’accord à l’amiable constitue un autre argument en faveur de la crédibilité
de la France comme de l’accord et devrait réjouir les plus russophiles d’entre nous. Nous aurions pu
tenter de gagner du temps en utilisant les outils internationaux d’arbitrage, ce qui aurait été long et
aléatoire et surtout dangereux pour DCNS. Selon son P.-D.G. lui-même, passer devant les juridictions
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ad hoc constituait un risque financier colossal car le risque juridique aurait pesé pendant trois à
quatre ans, telle une épée de Damoclès, sur les épaules de l’entreprise, lui interdisant tout
investissement et lui enlevant toute crédibilité. Surtout, l’accord permet de rechercher au plus vite
de nouveaux acquéreurs pour ces navires. Nous comptons à nouveau sur le talent du Gouvernement
pour trouver des acquéreurs !
Les vraies puissances n’ont pas besoin d’arbitre pour régler leurs différends. La conclusion d’un
accord équilibré est un signe important, lisible et compréhensible par tous. Il prouve l’importance de
la France aux yeux de la Russie et témoigne d’une volonté partagée de ne pas ajouter la tension à la
tension dans la relation franco-russe. Malgré ce refus de livraison et la guerre sur le sol ukrainien,
chacun sait, ici comme à Moscou, que nous devons tout faire pour apaiser les tensions, retrouver les
voies du dialogue et restaurer la confiance. Ni Moscou ni Paris n’avaient intérêt à prolonger le
contentieux. C’est pourquoi chaque partie a voulu avancer rapidement avancer vers cet accord à
l’amiable et qui ne lèse personne.
Financièrement, les Russes retrouvent leurs engagements. La France retrouve la propriété des deux
navires et la capacité de les exporter. Les coûts supplémentaires de dédommagement sont
raisonnables, tant les frais de formation que les frais de développement de matériels spécifiques par
les Russes. Bref, chacun a voulu solder ce différent sans outrage ni rupture supplémentaire. Je suis
particulièrement fier de la maturité stratégique de notre pays, que démontrent ces décisions lourdes
prises dans le contexte que j’ai rappelé. Loin d’être un commentaire sur ce qu’aurait dû faire ou ne
pas faire tel ou tel, la discussion d’aujourd’hui doit faire progresser la conscience collective, sur tous
les bancs et dans tout le pays, qu’il existe un chemin pour éviter de répéter les erreurs du XXe
siècle.
Ce chemin est un chemin de crête. Nos alliés sont aussi des adversaires économiques et nos
partenaires cachent mal leurs appétits territoriaux.
La fin de la Guerre froide avait amoindri la crainte des conséquences mondiales d’un conflit entre
puissances. La situation du Moyen-Orient, qui a fait l’objet de trois jours de discussion au Parlement,
rappelle que tous les pays, proches ou lointains, occidentaux ou non, doivent craindre les
conséquences d’une aggravation. Nous aurons besoin les uns des autres, de nos influences
respectives comme de notre capacité à agir dans d’autres parties du globe. Les périls sont nombreux
et les ennemis parfois communs.
La gestion par la France de la crise des Mistral a montré sa capacité et sa détermination à œuvrer
efficacement au rapprochement des grandes puissances sur cette question. Ce débat en appelle donc
d’autres et cet accord d’autres accords, je l’espère, mais ce chapitre de la relation franco-russe doit
se refermer afin de restaurer au plus vite des relations normalisées et respectueuses entre les deux
États et d’œuvrer pour la paix sur le continent et la stabilité dans le reste du monde.
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Projet de loi de finances pour 2016
Mission « Action extérieure de l’Etat »
04 novembre 2014
Discussion générale
Voilà maintenant trois ans, le ministre Fabius engageait une mutation importante du ministère des
affaires étrangères : le Quai d’Orsay devait s’orienter vers la défense de nos intérêts économiques –
non qu’il ne s’en occupait pas auparavant, mais désormais, c’est devenu l’une des pierres angulaires
de l’action extérieure de l’État. Cette décision n’est pas sans conséquences sur l’armature budgétaire
de ce ministère. De fait, le dispositif diplomatique et consulaire a fortement évolué sous la présente
législature, ce qui est encore plus difficile à réaliser dans une période où chaque euro public vaut plus
cher.
Des efforts lui ont été demandés, comme à tous les ministères. Puis, cette année, les crédits de la
mission « Action extérieure de l’État » ont connu une hausse de 8,2 %, soit plus de 240 millions
d’euros. Cette hausse salutaire s’explique par notre ambition de réussir « Paris Climat 2015 », la
conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de
2015, dite aussi COP 21. S’engager pour le climat, s’engager pour la planète, c’est une cause juste et
belle, mais cela a un coût, qui doit être mis en regard des enjeux constitués par la réunion des
196 États participants et la recherche d’un accord ambitieux et contraignant, d’un accord liant le
Nord et le Sud, visant à préserver notre planète du réchauffement climatique. C’est une
responsabilité historique qui pèse sur nos épaules, et nous espérons tous un succès de notre
diplomatie dans quelques semaines, non pas pour nous, non pas pour le président Hollande, non pas
pour la France, mais tout simplement pour la seule race qui existe : la race humaine.
Mais ce budget voit aussi l’augmentation des crédits pour tenir nos engagements financiers
internationaux, s’agissant notamment des opérations de maintien de la paix ou des principales
négociations dans les enceintes internationales. En effet, un pays comme la France a un droit – siéger
au Conseil de sécurité – mais aussi des devoirs – participer à ces opérations.
La baisse de l’euro, qui est un atout appréciable pour nos exportations, n’en constitue pas moins une
charge budgétaire quand nos engagements vis-à-vis des organisations internationales sont libellés en
dollars ou en francs suisses. Il fallait couvrir cet effet défavorable afin de ne pas pénaliser l’action de
notre ministère et éviter de procéder à des coupes douloureuses. C’est ce qu’a décidé le Premier
ministre : ces facteurs extérieurs ont donc été neutralisés dans le budget, ce dont il faut se féliciter.
Il n’en reste pas moins que, dans le contexte financier que nous connaissons, les efforts demandés à
ce ministère sont lourds. Ils sont pourtant nécessaires, car chacun doit participer au redressement
des comptes du pays. Nous le savons tous. Ils sont justes, car le maintien du budget de la mission
« Action extérieure de l’État » prend acte du contexte géopolitique complexe, chahuté et de la
nécessité d’avoir une diplomatie qui tienne son rang et participe au rayonnement de notre pays. La
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progression de 45,8 % des crédits de coordination du réseau diplomatique, figurant dans le
programme 105, témoigne de cette ambition.
La sécurité de nos missions diplomatiques est un devoir auprès de nos compatriotes et de nos
fonctionnaires. Les menaces sont en effet nombreuses. Les attentats ou les tentatives d’attentats
contre nos ambassades nécessitent de ne pas baisser la garde et d’y mettre les moyens. Vous le
faites : c’est cela, avoir le sens de l’État.
Cependant, à l’occasion de l’examen de ce budget, deux réflexions ont animé nos débats. Philippe
Baumel vous a déjà interpellé, lors de la présentation de son rapport budgétaire, sur la baisse des
crédits de la coopération militaire. Pas un d’entre nous n’est rentré de mission parlementaire sans
avoir dans son « paquetage », si je puis dire, une demande de meilleure coopération militaire. De
fait, celle-ci constitue un facteur déterminant de nos alliances et de notre influence.
Les soldats étrangers y apprennent notre langue, notre façon de penser, comprennent nos modes
opératoires. Les anciens de Saint-Cyr, de l’École navale, sont bien souvent les premiers avocats de la
francophonie et de la francophilie. Ce sont des acteurs de notre diplomatie. La baisse de ces crédits
de 15 % ne peut donc être que conjoncturelle, nous tenons à le dire pour mieux préparer le budget
de l’année prochaine. Cette collaboration est un élément très fort pour lutter contre l’instabilité du
Sahel et du Moyen-Orient. L’interopérabilité des forces africaines avec notre armée, et donc notre
efficacité collective contre le terrorisme, passe par une meilleure coopération, une collaboration
accrue.
La seconde réflexion fait écho à une proposition de François Loncle. Le fait est que l’action culturelle
et éducative de la France à l’extérieur ne peut être seulement portée par le Quai d’Orsay. De fait, on
constate une baisse des crédits du programme 185 de 3,9 %, qui est l’un des symptômes de la crise
actuelle.
Au groupe SRC, il nous paraît nécessaire que le ministère de l’éducation nationale comme celui de la
culture soient mis à contribution pour participer à cet effort de rayonnement. Nous souhaitons la
mise en place d’un groupe de travail pour contribuer à l’évolution et au partage de ces engagements.
De fait, la demande de culture et de langue française reste très élevée. Les instituts français sont des
atouts de notre rayonnement. Vous comptez sur leurs capacités d’autofinancement : il faut sans
doute chercher en ce sens, mais nous ne nous attendons pas à un miracle budgétaire, malgré les
grandes prédictions de Bercy. Nous savons qu’il faudra un retour des engagements financiers de
l’État. C’est la raison pour laquelle nous proposons ce groupe de travail.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, de nombreuses questions se posent au sujet des bourses
relevant des programmes 151 et 185. De nombreux collègues souhaitent que le Gouvernement se
saisisse de ce sujet, que ce soit à propos de la baisse des moyens de Campus France ou de ceux de
l’AEFE. Le rapport Cordery sur les frais de scolarité à l’étranger nous l’a signifié avec force.
Concernant Campus France, je rappelle que la demande d’accès des étudiants étrangers à nos écoles
et à nos universités reste très forte. Les arguments que j’ai présentés au sujet de la coopération
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militaire sont également valables en la matière, et revêtent même encore plus d’acuité concernant
ces jeunes qui veulent faire leurs études au sein de notre réseau éducatif international. L’éducation
est la première pierre du développement et la France est connue dans le monde pour ses
intellectuels, ses chercheurs. C’est un atout, un facteur de compétitivité que l’on perçoit comme tel
quand on est à l’étranger mais que l’on considère parfois comme une charge sur le sol national. Les
statistiques nous donnent pourtant raison, puisque que nous sommes passés, entre 2012 et 2014, de
86 400 à 94 500 visas étudiants.
Monsieur le secrétaire d’État, dans un monde instable, où les tensions ne cessent de grandir, la
diplomatie n’est pas un luxe, contrairement à ce que certains pensent. La diplomatie est au cœur de
l’action de l’État. Elle s’ingénie à faire primer la raison sur la force, la réflexion sur l’obscurantisme.
Elle cherche à rendre possible ce qui est parfois infaisable. Pour cela, nous avons besoin d’une
diplomatie qui joue toutes les notes de la partition : coopération universitaire, rayonnement culturel,
coopération militaire, sécurité de nos sites, négociations internationales. C’est précisément ce que
permet ce budget, et c’est la raison pour laquelle le groupe SRC le votera.
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Accord de coopération avec les Etats-Unis en matière
d’enquêtes judiciaires
28 janvier 2016
Discussion générale
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la
chute du mur de Berlin a été interprétée par beaucoup comme l’annonce d’un monde sans peur,
sans conflit majeur, d’un monde sans mort guerrière. La fin de la guerre froide et du risque de
destruction nucléaire ouvrait une période d’optimisme. Hélas, il n’a pas fallu attendre longtemps
pour que tous ces espoirs soient douchés, la guerre froide ayant rapidement été balayée par une
guerre fourbe.
Quinze ans, voici maintenant quinze ans que le terrorisme pèse sur le cours de nos vies. Le
11 septembre 2001 a ouvert une nouvelle ère : une ère d’inquiétude et de méfiance ; une ère de
combat entre des États et des groupes non-étatiques. Des groupes qui rebattent les cartes du
monopole de la violence et provoquent une situation de conflit asymétrique, face à laquelle les États
sont fortement déstabilisés. Des groupes qui se revendiquent de l’islamisme radical et qui frappent
aveuglément – des civils, de préférence – en jouant sur la terreur diffuse pour mieux atteindre la
solidité des États, voire leurs fondements démocratiques.
Les bombardements répondent aux attentats. Les guerres de conquêtes disparaissent, au profit du
choc du terrorisme, amplifié par les chaînes d’information en continu, internet et la globalisation.
Tout va plus vite, les distances s’estompent. La peur et la violence s’affranchissent des barrières. Ces
groupes se jouent des frontières, ils se dissimulent et circulent parmi les sociétés civiles, et ils sont
même parvenus à créer une menace interne, en recrutant directement sur les territoires qu’ils visent.
Des groupes agiles et meurtriers : c’est de cela qu’il est question dans ce texte.
Le terrorisme se nourrit de la criminalité grave – pour reprendre le titre de ce projet de loi – car, au
nom de sa cause, certains sont prêts à s’allier aux trafiquants d’êtres humains, de drogues, d’armes,
pour assouvir financièrement et matériellement leur volonté de destruction et leur quête de
puissance, comme nous l’avons amèrement constaté au Mali. Ces convergences mondiales, qui se
nourrissent, s’enrichissent, et gangrènent une grande partie du monde, c’est aussi de cela qu’il est
question dans cet accord franco-américain. Car, sur les deux rives de l’Atlantique, malgré nos
différences, et même nos divergences, parfois, nous œuvrons ensemble contre cette menace
globale.
Frappés sur leur sol – une première depuis Pearl Harbor – les Américains ont réagi avec force, peut-
être même avec excès, en Irak, mais aussi en interne, avec le Patriot Act. Ces décisions d’utiliser la
force militaire et l’autorité, avant le pouvoir politique et diplomatique, ont infléchi le cours du monde
pour l’Irak et ont rendu complexes les relations sécuritaires entre nos deux pays.
23
Frappée à son tour, en cette sinistre année 2015, la France a elle aussi une réaction forte, puissante,
qui l’amène à mener la guerre au Proche-Orient, comme au Sahel, et à proposer des mesures faisant
débat dans notre pays.
Car nous ne sommes pas n’importe quel pays. Nous sommes la France, la terre non seulement de la
liberté mais aussi de l’égalité, la terre qui veut que les hommes naissent libres et égaux en droits, et
ce quelles que soient les menaces. Cette proclamation n’est pas que sémantique. Elle est
consubstantielle au pays. Elle doit s’exprimer dans nos textes comme dans nos accords
internationaux, avec encore plus de force quand nous sommes dans l’adversité, car la farouche
défense de nos valeurs et de nos droits est la meilleure protection contre ces agressions. C’est ce
prisme de lecture que nous avons utilisé pour l’approbation de cet accord international.
En effet faut-il, face à un tel accord, au nom de la lutte contre le terrorisme, mettre en péril nos
libertés ? Non, à l’évidence. C’est pourquoi cet accord a été travaillé en respectant un cadre strict qui
ne met pas en danger les droits fondamentaux des citoyens américains et français, auquel cas nous,
la France, n’aurions pu accepter de le signer.
Le texte garantit, à toutes les étapes de la procédure, un contrôle judiciaire strict, qui s’inscrit dans le
cadre des précédents accords de coopération policière et judiciaire passés entre nos deux pays. Ils
garantissent un transfert de données selon la législation nationale de la partie requise, donnant à la
France la possibilité de refuser de coopérer, par exemple, si le transfert de données peut conduire à
une condamnation à la peine de mort aux États-Unis. Le processus, découpé en étapes, n’autorisera
le transfert de données personnelles qu’après vérification de concordance des données
dactyloscopiques ou génétiques. Des cas d’urgence pourront évidemment être envisagés mais le
transfert direct de données personnelles, à caractère exceptionnel, sera également soumis à un
cadre légal strict, ici filtré par l’UCLAT.
Il est important de noter que la négociation a, de fait, beaucoup porté sur les exigences de la France
relatives à la garantie de la protection des droits fondamentaux et aux libertés individuelles. Les
États-Unis étant considérés comme un pays qui ne garantit pas suffisamment la vie privée et les
droits fondamentaux des individus, l’appréciation du niveau de protection se fera au cas par cas. La
France garantira ainsi la tenue d’un registre de données reçues ou transmises, permettant la
traçabilité des échanges ainsi qu’un droit de recours et la possibilité de suspendre l’accord en cas de
manquement aux obligations fixées. La France devra donc rester vigilante sur ce point, notamment
sur la possibilité accordée de droit de recours à des ressortissants français.
Cet accord, qui semble donc équilibré, et dont les conditions de la bonne application dans le respect
des droits et libertés individuelles seront strictement encadrées par des accords signés auparavant,
est d’autant plus important qu’il est nécessaire.
En outre, compte tenu de la forte mobilité des groupes terroristes, nous devons prendre les mesures
nécessaires à une meilleure coopération policière et judiciaire, afin de garantir la sécurité nationale
de nos deux pays. C’est ce que nous avons fait au sein de l’Union européenne avec la création des
agences Europol et Eurojust. Il ne s’agit pas, bien sûr, de considérer ici les Etats-Unis à la même
24
échelle que nos pays partenaires de l’espace Schengen. Néanmoins, les États-Unis sont un partenaire
majeur et la facilité de circulation implique une révision de notre coopération afin d’assurer une plus
grande sécurité à nos deux États.
Renforçant une coopération ancienne, la France et les États-Unis répondent par cet accord à la
nécessité de travailler ensemble contre ces réseaux de nature mafieuse que sont les groupes
terroristes. C’est pourquoi, avec le groupe socialiste, je voterai ce texte non seulement au nom de la
sécurité, mais, surtout, au nom de la garantie de nos libertés et des valeurs qui ont façonné la
République et que nous continuerons de défendre.
25
Proposition de loi pour l’économie bleue
Mardi 02 février 2016
Discussion générale
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du
développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, la France est un grand pays, mais un grand pays qui n’a jamais su conjuguer ses deux
atouts : sa puissance continentale et son domaine maritime.
Non seulement il n’a jamais su marier ces deux atouts, mais, bien souvent, ceux-ci se sont trouvés en
opposition. D’autant qu’à chaque épisode de son histoire où la France a tourné son regard et orienté
son appareil productif vers la mer, ce fut un échec. Et pourtant, que de potentiels !
C’est pour cette raison que je remercie notre rapporteur de son opiniâtreté : sans lui, nous n’aurions
pas pu mettre en place cette première brique de l’édifice maritime européen et français.
Au contact des plus grandes routes maritimes nous regardons, du haut de nos falaises bretonnes,
passer des bateaux venus du monde entier : ils finissent généralement par accoster dans les ports
anglais, belges, néerlandais ou allemands, bien plus rarement dans les ports français. Marginalisés en
raison de l’absence de véritables ports de commerce de dimension mondiale, nous restons trop à
l’écart des flux maritimes mondiaux actuels.
A l’heure où des pans entiers de notre économie traditionnelle se fracassent devant la
mondialisation – je pense bien sûr à notre agriculture, mais aussi à la pêche – et face au progrès
technique et numérique – je pense aux transports, aux taxis et à l’industrie –, nous devons chercher
de nouveaux leviers de croissance.
Or la mer offre un champ de développement économique qui reste encore sous-exploité. Tout nous
invite à investir dans cet espace infini : énergies marines, ressources halieutiques, transports,
biotechnologies bleues, bioressources, aquaculture, algoculture, pisciculture, et j’en oublie.
Face à ce panel d’activités, la mer ne peut pas, et ne doit pas être qu’un simple lieu de villégiature
pour touristes et pour vacanciers. Elle est l’avenir économique, social et écologique de notre pays
dont la géographie et le destin sont intimement liés à la mer.
Je me félicite qu’en optant pour la procédure accélérée, le Gouvernement ait saisi tout l’enjeu de
cette proposition de loi qui, au-delà des mesures de simplification et de modernisation de l’ensemble
du dispositif législatif encadrant les activités maritimes, réoriente la stratégie de l’État, quasi
exclusivement terrienne jusqu’à présent, vers des dynamiques économiques tournées vers la mer.
26
Ce sont ces dynamiques que nous devons construire. Je prendrai simplement deux exemples pour
illustrer la nécessité pour l’État de concentrer ses efforts sur le développement des activités
maritimes.
Le premier concerne la création d’une filière française de gaz naturel liquéfié – qu’on appelle aussi
GNL – dans le secteur du transport maritime. Bien que le fioul lourd et le gazole aient atteint des
niveaux de prix très bas ces derniers mois, la fin des réserves de pétrole dans quelques décennies
n’est pas une lubie.
Et les effets favorables, à court terme, de cette chute des cours ne doivent pas nous détourner des
enjeux énergétiques et écologiques de long terme. Au contraire, elle doit nous inciter à investir
rapidement dans les énergies d’avenir pour le transport maritime, comme le GNL. Car si nous
réussissons, grâce à ce choix de propulsion, cette mutation technologique, nous bénéficierons alors
d’un avantage comparable au leadership que nous avons acquis avec Airbus. Je m’explique.
Le GNL, un temps exploré en France par la compagnie bretonne Brittany Ferries, et le chantier naval
STX France, en vue de construire un ferry fonctionnant uniquement au GNL, est considéré comme le
carburant d’avenir du transport maritime.
Il représente en effet 30 % des échanges gaziers mondiaux, et progresse de 7 % par an. C’est surtout
l’archétype du carburant « vert » pour le transport maritime. Pour quelles raisons ? D’abord parce
qu’il élimine les émissions de soufre et d’oxyde d’azote et réduit les émissions de CO2 d’environ 20 %.
Ensuite parce que son efficacité aussi bien énergétique qu’écologique est très bonne. Il nécessite
néanmoins des équipements et des technologies adaptés tant sur les navires que dans les ports. Des
savoir-faire uniques et d’importantes infrastructures en termes d’approvisionnement, de stockage,
de construction navale sont ainsi nécessaires pour répondre à cet enjeu écologique majeur.
Dans ce domaine, si nous voulons peu à peu nous extraire de notre dépendance technologique en
matière de construction navale – notamment vis-à-vis des pays du nord de l’Europe, aujourd’hui plus
compétitifs que nous – ainsi que de notre dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de
pétrole, il nous faudra soutenir massivement l’ensemble des maillons de la chaîne du transport
maritime pour construire cette filière : ports, entreprises gazières et industries de construction
navale.
Cette proposition de loi, qui renforce l’attractivité et la compétitivité de nos grands ports maritimes,
de nos armateurs et de nos chantiers navals, doit éclairer le Gouvernement et permettre à nos
entreprises d’être soutenues dans la création de cette filière GNL en France. Elle constituera un
avantage décisif pour nos ports, tout autant qu’un élément de d’attractivité et de compétitivité, pour
prendre des termes à la mode.
Mon deuxième exemple a trait aux biotechnologies marines. Bien que notre situation géographique
aurait dû nous conduire, depuis des années, à développer l’ensemble des potentiels maritimes, la
place de ces biotechnologies n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Pourquoi ? Parce que nous n’en
27
sommes qu’à la préhistoire de la découverte de nouvelles molécules et de nouvelles bactéries. Parce
que les domaines d’application sont multiples : dans la santé, les industries agro-alimentaires, la
cosmétique ou le remplacement de produits chimiques. Tout cela est devant nous.
Mais je profite de cette proposition de loi pour attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés
de ce secteur : difficultés à grandir, à prospérer comme à trouver des partenaires, à lever des fonds
ou à accéder à la mer. Ce texte sera également l’occasion de lever ces blocages.
À cette fin, nous avons déposé avec Jean-Luc Bleunven des amendements pour faciliter le pompage
de la mer et l’algoculture. En effet, les nombreux pôles de compétitivité qui existent en France, en
Île-de-France, à Lille, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Bretagne n’offrent pas à la France
une place compétitive. Il faut se le dire. Ni les outils de financement d’ailleurs, comme le Programme
d’investissements d’avenir, le PIA, ou la Banque publique d’investissement, la BPI qui, de ce point de
vue, ne donnent pas satisfaction : nous devons passer la vitesse supérieure.
À l’heure où certains veulent rétrécir l’image de la France à un pays étriqué, recroquevillé sur ses
frontières et peureux. À l’heure où certains voient l’ouverture comme une menace, l’autre comme
un ennemi et l’échange comme une contrainte, la mer peut nous réconcilier avec nous-mêmes. Elle
nous force à travailler avec les autres. Elle oblige à la réflexion. Elle propose un avenir : mais c’est à
nous de le conquérir.
28
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
Filière avicole
27 novembre 2013
M. Gwenegan Bui. Ma question s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de
l’agroalimentaire et de la forêt.
Le 1er
juin 2012, le groupe Doux, géant de la volaille, était placé en redressement judiciaire,
entraînant avec lui près de 3 500 salariés dans la tourmente. Les mois suivants, plus d’un millier
d’emplois étaient supprimés à travers toute la France, dans le Finistère, dans le Morbihan, dans le
Vaucluse et jusque dans le Pas-de-Calais, à Graincourt.
Le 18 juillet dernier, la Commission européenne décidait de supprimer les aides à l’exportation de la
volaille française, après les avoir déjà diminuées de 50 % en octobre 2012. C’était le coup de grâce :
l’ensemble du modèle économique de la filière s’effondrait. Conséquence immédiate : le groupe
Tilly-Sabco, à son tour, se déclarait en difficulté. Au total, la fin des restitutions européennes allait
supprimer près de 5 000 emplois d’ouvriers et d’éleveurs dans la région.
Si cela était annoncé il y sept ans, cela aurait dû être planifié dans le temps, pour permettre aux
mutations de la filière de s’opérer sereinement. Mais rien n’a été fait. C’est votre gouvernement qui
a dû se battre dans l’urgence pour préserver la filière et les emplois concernés.
Vendredi, nous étions à Bruxelles, mon collègue Richard Ferrand et moi-même, pour accompagner le
ministre Stéphane Le Foll, les dirigeants de Doux et de Tilly-Sabco, ainsi que les représentants de la
filière, pour rencontrer le commissaire européen chargé de l’agriculture. Cette rencontre a été
décisive et permet de redonner espoir.
Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer, devant la représentation nationale, les avancées
significatives qui en sont ressorties et préciser concrètement les modalités d’accès aux financements
en question ?
L’annonce a certes apaisé les craintes et les doutes dans nos territoires. L’urgence est maintenant de
dire aux destinataires de ces aides quand, comment, combien et par quel canal ils peuvent y accéder.
29
M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Je veux d’abord excuser l’absence
du ministre de l’agriculture qui est en déplacement à l’étranger.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui témoigne de votre engagement
inlassable sur ce dossier.
D’abord, il nous faut collectivement saluer les grandes avancées qui ont été obtenues vendredi
dernier par Stéphane Le Foll, qui était en effet accompagné par vous, monsieur Bui, par M. Ferrand
et par des représentants de l’ensemble de la filière avicole.
Vendredi dernier, nous avons fait bouger les lignes pour conforter une filière, la filière avicole grand
export, qui compte des milliers d’emplois, principalement en Bretagne.
Je veux le dire ici très simplement, oui, cette filière a un avenir. Vous l’avez dit dans votre question,
monsieur Bui, le secteur a été fragilisé par la décision brutale de la Commission de mettre fin aux
restitutions sur l’ensemble de la filière grand export.
Le Gouvernement a d’abord traité l’urgence et nous avons, au mois de septembre dernier, débloqué
15 millions d’euros pour les éleveurs et pour les abattoirs. Mais nous sommes allés plus loin.
Vendredi dernier, nous avons obtenu du concret à Bruxelles : d’abord, un programme de promotion
de nos produits pour les entreprises Doux et Tilly-Sabco ; ensuite, la possibilité de créer un fonds de
stabilisation pour le revenu des éleveurs, afin de contrer la volatilité des prix sur les marchés
internationaux ; enfin, une enveloppe exceptionnelle de 15 millions d’euros pour améliorer la qualité
de nos produits.
Nous avons agi pour consolider le plan de continuation de Doux et nous travaillons à un nouveau
modèle de développement qui concilie qualité, compétitivité et emploi dans l’ensemble de la filière
grand export.
30
Inondations et intempéries
Mardi 11 février
M. Gwenegan Bui. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Manuel Valls, ministre de
l’intérieur.
Inondations à Morlaix, Redon, Pontivy, Quimperlé, Châteaulin, à La Londe-les-Maures dans le Var, ou
encore à Bayonne, tempêtes sur l’île de Sein, à Locquirec et à Anglet : le littoral français est confronté
depuis maintenant plus d’un mois à des dégâts considérables, consécutifs à des intempéries
exceptionnelles.
Monsieur le ministre, au cœur de ces tempêtes, aucun service n’a failli. Vous le savez, mais c’est
mieux de le répéter ici.
Ils n’ont pas failli quand il a fallu assurer la sécurité des biens et des personnes ; pas failli quand il a
fallu se mobiliser à toute heure du jour et de la nuit ; pas failli quand les tensions et les risques
étaient à leur maximum. Les agents du service public, souvent pointés du doigt, considérés comme
des charges par certains bien-pensants, ont remarquablement rempli leur mission ; ils ont servi et
protégé, et je tiens à leur rendre hommage.
Ces sinistres portent de grands coups au moral des habitants, au chiffre d’affaires des commerçants
et à notre économie. Pour certains, c’est la troisième inondation en un mois et demi. Les dégâts
matériels sont lourds aussi pour les collectivités locales confrontées à des problèmes de sécurisation
de sites, de voirie, d’ouvrages d’art détruits, que les assurances ne rembourseront pas intégralement.
Bien sûr, les inondations et les tempêtes ne sont pas toujours prévisibles, car la nature ne se régule
pas par décret. Mais il faut tout faire pour éviter ce genre de catastrophe. Dans certains territoires,
comme à Morlaix, les études, nombreuses, s’empilent depuis 2004 : beaucoup de pages et peu de
faits. Certaines solutions sont connues, mais elles n’ont pas été financées par le passé. Et ceux qui
crient fort aujourd’hui ont souvent la mémoire bien courte. L’urgence après la crise est de ne pas
laisser filer le temps. Au contraire.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il mettre en œuvre ces études qui n’ont
que trop tardé ? Quelles mesures compte-t-il prendre pour aller plus vite en matière de réparations ?
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, notre pays fait face à un épisode
d’intempéries et d’inondations peu commun par l’ampleur du territoire concerné, par le nombre de
nos compatriotes touchés et par sa durée. Comme vous, je veux saluer la mobilisation des sapeurs-
pompiers, des forces de l’ordre, des préfectures, des élus, des agents des collectivités territoriales et
des opérateurs de service public en Bretagne, mais plus particulièrement sur la côte atlantique, par
ailleurs touchée par une pollution d’origine indéterminée. Je n’oublie pas le Var et la Corse, qui ont
affronté un nouvel épisode de pluies intenses encore hier. Je veux préciser que Philippe Martin est
31
présent sur le terrain depuis quarante-huit heures, auprès des populations concernées. Je
comprends aussi la lassitude et la fatigue psychologique que peuvent ressentir les sinistrés.
Nous avons fait en sorte que l’état de catastrophe naturelle soit déclaré le plus rapidement possible,
comme s’y était engagé le Premier ministre. Beaucoup de communes bretonnes en ont déjà
bénéficié au cours du mois passé. La liste de ces communes sera actualisée sous quinze jours.
Plusieurs missions ont débuté leurs travaux en Bretagne pour tirer tous les enseignements de la
gestion de ces inondations, de l’alerte aux crues, sans doute perfectible – vous avez raison –,
notamment à Morlaix, à leur prévention dans le Var et dans les Alpes-Maritimes pour chiffrer les
dégâts aux équipements des collectivités territoriales.
Nous devons aller encore plus loin. Les collectivités doivent être pleinement impliquées dans la
prévention. C’est l’objet de la nouvelle compétence en matière de prévention des inondations
introduite dans la loi sur les métropoles. Bien sûr, il faudra faire vivre cette compétence et l’articuler
avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondations élaborée avec mes collègues Cécile
Duflot et Philippe Martin, et qui sera définitivement adoptée dans les semaines à venir.
Nous sommes auprès des populations et nous tirons les conséquences de ces épisodes pour être
davantage efficaces.
32
Avenir des ex-salariés de l’entreprise Tilly Sabco
2 décembre 2014
M. Gwenegan Bui Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation
professionnelle et du dialogue social.
À la suite des fermetures de l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau et de son siège social à Saint-Martin-
des-Champs, ce sont près de 790 salariés qui ont été licenciés dans le pays de Morlaix. À ce jour, la
moitié d’entre eux ont trouvé une solution durable : 107 sont en CDI, 73 en CDD de longue durée,
c’est-à-dire supérieur à six mois, et 131 en formation diplômante. Restent 350 salariés qui,
aujourd’hui, soit disposent d’un CDD d’une durée inférieure à six mois, soit n’ont trouvé aucune
solution : c’est un chiffre considérable pour un territoire comme le nôtre.
Mis en œuvre par le Gouvernement, le CSP, le contrat de sécurisation professionnelle, qui assure
97 % du salaire sur un an, a pris fin en novembre dernier pour la majorité des ex-salariés, lesquels
relèvent désormais du régime de droit commun, et se trouvent donc dans une situation d’urgence.
Or un nouveau drame social touche aujourd’hui ce territoire. Placée en liquidation judiciaire le
30 septembre, l’entreprise Tilly Sabco, basée à Guerlesquin et spécialisée dans l’abattage de poulets
destinés à l’exportation, emploie 320 salariés et représente 1 000 emplois directs. Cette liquidation
est la conséquence de la décision de la Commission européenne de stopper, du jour au lendemain,
les restitutions à l’exportation.
Quatre offres de reprises ont été déposées auprès du tribunal de commerce de Brest, qui doit rendre
son avis dans les jours à venir. Aucune ne permettra de préserver tous les emplois sur le site ; même
si certaines semblent apporter plus de garanties, et malgré les efforts consentis par l’ensemble des
acteurs, nous savons que les pertes d’emploi seront importantes. Entre 100 et 300 salariés risquent
de se retrouver au chômage, dans un territoire déjà en difficulté et, surtout, dans des conditions bien
différentes de celles des anciens de Gad, car ils ne bénéficieront ni de l’appui d’un groupe, ni d’une
réserve financière suffisante de l’entreprise pour permettre un plan de sauvegarde de l’emploi digne
de ce nom.
Vu l’inquiétude qui règne, je souhaiterais interroger le Gouvernement sur plusieurs points. Quels
sont les dispositifs qui pourraient être mobilisés afin de préserver un maximum d’emplois ? La
portabilité de la mutuelle des salariés sera-t-elle sécurisée ? Quelles mesures d’anticipation et de
recherche engager pour assurer le reclassement des salariés qui seront licenciés, de manière à ne pas
perdre une journée dans cette course contre la montre ?
Monsieur le secrétaire d’État, je vous serais reconnaissant de me faire savoir quelles réponses le
Gouvernement pense pouvoir apporter sur ces différents points, afin de proposer aux salariés
licenciés – et au territoire – le meilleur accompagnement possible.
33
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le
député, je vous prie d’excuser l’absence de François Rebsamen, retenu avec les partenaires sociaux.
Le délibéré du tribunal de commerce sur le projet de reprise de Tilly Sabco devrait être communiqué
le vendredi 5 décembre ; nous espérons que l’offre qui regroupe MS Foods, acteur anglais de la
filière volaille, Breizh Algae Invest, société bretonne d’investissement pour le développement de la
filière algue, et la Chambre de commerce et d’industrie de Morlaix pourra être retenue. Ce projet
permettrait en effet de préserver 202 emplois sur les 322 que compte l’entreprise, et de maintenir
l’outil industriel en activité.
Rappelons que, depuis la suppression des aides européennes à l’exportation en 2013, le
Gouvernement a multiplié les efforts pour accompagner les opérateurs. S’agissant de Tilly Sabco, les
services de l’État et les collectivités locales sont mobilisés depuis plus d’un an afin de faciliter les
relations entre l’entreprise et ses fournisseurs et clients, permettre le maintien de l’emploi via
l’octroi de l’activité partielle, et susciter et consolider les offres de reprise.
Dans le cadre de la reprise, afin de permettre le maintien immédiat des 202 emplois prévu par le
projet des repreneurs, l’État et la région mobiliseront au besoin des dispositifs tels que l’activité
partielle et les formations à destination des salariés, le temps que l’outil industriel, très ralenti depuis
plusieurs mois, retrouve un niveau d’activité suffisant.
Enfin, s’agissant des salariés qui ne seraient pas repris, le Gouvernement se mobilisera également
pour qu’ils puissent bénéficier du meilleur accompagnement possible dans le cadre d’un plan de
sauvegarde de l’emploi. Des conseillers spécialisés apporteront un accompagnement individualisé à
chacun d’entre eux, afin de les aider à retrouver un emploi. Ils bénéficieront également du contrat de
sécurisation professionnelle, qui leur permettra de voir leur rémunération maintenue pendant douze
mois et de bénéficier d’un accès facilité à la formation.
Le Gouvernement est pleinement conscient que ce territoire a subi un choc important avec la
fermeture de Gad. Sachez que le ministre du travail suit la situation de très près, et que la
mobilisation des pouvoirs publics en faveur des ex-salariés de Gad en cours de recherche d’emploi et
de ceux de Tilly Sabco est totale.
M. Gwenegan Bui. Je voudrais saluer l’effort continu et l’engagement permanent du Gouvernement
pour sauver Tilly Sabco et Doux ; son action a été essentielle et déterminante pour préserver l’emploi
dans le secteur.
Je tiens à souligner que la portabilité de la mutuelle pour les salariés qui seront licenciés est une
question essentielle. C’est un engagement que nous avions pris, et qui devra devenir une réalité.
Un point dont nous n’avons pas débattu, en revanche, est le soutien à apporter aux agriculteurs afin
que ceux-ci puissent relancer une dynamique, retrouver la confiance et, surtout, s’intégrer au projet
présenté par le groupe MS Foods, l’entreprise Breizh Algae Invest et la Chambre de commerce et
d’industrie, visant à un changement de modèle dans la filière poulet-export : d’après mes
34
informations, les poulets seraient désormais élevés sans antibiotiques, ce qui nous permettrait de
faire la preuve de notre capacité à produire de la valeur ajoutée – mais la réussite d’un tel pari
suppose un effort de formation et de sensibilisation des agriculteurs.
35
Filière porcine
17 juin 2015
M. Gwenegan Bui. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis 2007, le secteur porcin est en crise
chronique. Une production en baisse, des éleveurs moins nombreux, des prix peu rémunérateurs,
des investissements trop faibles, une interprofession anémique, un cadran fragilisé, des coopératives
et des groupements de plus en plus éloignés de leurs coopérants, ce sont autant de symptômes qui
caractérisent les difficultés économiques que connaît actuellement la filière. Représentant 58 % de la
production nationale, la Bretagne n’échappe pas à cette crise. La tension est de plus en forte dans les
campagnes. Et je ne reviens pas sur la fermeture de l’abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau, avec ses
900 salariés licenciés, qui est la traduction la plus brutale et la plus visible du marasme et de la
schizophrénie dans lequel est plongée cette filière.
Pourtant, depuis 2012, de nombreux efforts ont été consentis par les pouvoir publics afin de
restructurer la filière, à commencer par vos mesures, monsieur le ministre, qui ont permis
l’allégement des procédures administratives, longtemps réclamé par les agriculteurs, la diminution,
voire l’exonération dans certains cas, des cotisations patronales, ou encore la mise en place d’un plan
de compétitivité ambitieux visant à moderniser les élevages. L’arrêté que vous avez pris vendredi
dernier, qui encadre les promotions et qui renforce les sanctions contre les pratiques commerciales
abusives, constitue également une vraie avancée et un outil de régulation.
Malheureusement, ces dispositions fortes, qui s’inscrivent à moyen et long terme, ne suffisent pas à
régler les difficultés immédiates de la filière. Elles ne suffisent pas, car la profession elle-même doit
se réformer si elle veut affronter la concurrence européenne. C’était le sens du pacte d’avenir de la
filière porcine que vous avez lancé en avril 2013 et dont l’objectif était simple : recréer une
dynamique collective et coordonnée de la filière permettant de dégager une solidarité entre les
différents maillons qui la composent. Force est de constater que cet effort n’a pas été fait.
Monsieur le ministre, face à la détresse des producteurs porcins français, pouvez-vous nous rappeler
les mesures structurelles que vous venez de prendre, mais aussi nous faire savoir quels sont les
engagements, les réformes et les garanties que l’interprofession est prête à prendre pour relever ce
défi ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du
Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué la crise de la filière porcine dans une région
qui représente 58 % de la production. Cette crise s’accompagne d’une crise de la filière bovine – ce
sera l’objet d’une réunion cet après-midi. S’agissant de la filière porcine, comme je l’ai dit lors de
l’assemblée générale des producteurs de porcs à Ploërmel la semaine dernière, des mesures
conjoncturelles sont d’abord nécessaires, c’est-à-dire un engagement de tous les acteurs à faire
remonter le prix, aujourd’hui trop bas, pour pérenniser l’activité porcine en Bretagne et ailleurs, car
15 % des exploitations sont de ce fait à la limite du dépôt de bilan.
36
Ensuite, vous l’avez très bien dit, il est nécessaire de penser à des mesures structurelles de moyen et
de long terme d’organisation de la filière. Nous ne pouvons plus considérer que cette filière doit être
divisée entre la production porcine elle-même, la transformation et la distribution. Il faut mieux
coordonner les enjeux de l’activité commerciale – les conditions, en particulier la mention « viande
porcine française » – avec l’objectif des producteurs et de la production. C’est pourquoi nous nous
sommes engagés, avec la profession, à établir un pacte porcin qui devra déboucher sur des
perspectives nouvelles, notamment sur la contractualisation. J’ai également demandé à
l’interprofession, qui se réunit aujourd’hui, de me faire une proposition sur ce qu’on appelle les prix
des produits à la découpe, qui, pour l’heure, diffèrent fortement et conduisent parfois à des ventes à
perte par rapport au coût de revient.
Cette proposition devrait être faite aujourd’hui. Sur cette base, je prendrai un arrêté. S’il n’y a pas de
proposition, je prendrai quand même un arrêté, comme je l’ai fait pour l’encadrement des
promotions commerciales. Nous essayons, vous l’avez très bien dit, de réorganiser l’ensemble de
cette filière. Cela vaut pour tous les échelons de la filière, en particulier pour la production, qui doit
assumer une partie de cette organisation. On connaît trop bien ce qu’est la concurrence entre tous
les acteurs, notamment dans le domaine de la production. Ils doivent maintenant travailler
ensemble.
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  • 1. XIV LEGISLATURE Interventions en séance Assemblée Nationale Gwenegan Bui Député de la 4ème circonscription du Finistère Membre de la Commission des Affaires Etrangères
  • 2. 1 Contenu PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI ........................................................................................................ 2 Loi de programmation militaire 2014-2019 ............................................................................................ 2 Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires...................................... 7 Projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.......................................................................................................................... 9 Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.... 11 Projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019............................. 12 Approbation de l’accord France Russie sur les bâtiments de projection et de commandement......... 15 Projet de loi de finances pour 2016 Mission « Action extérieure de l’Etat »...................................... 19 Accord de coopération avec les Etats-Unis en matière d’enquêtes judiciaires.................................... 22 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT..................................................................Erreur ! Signet non défini. Filière avicole......................................................................................................................................... 28 Inondations et intempéries................................................................................................................... 30 Avenir des ex-salariés de l’entreprise Tilly Sabco ................................................................................. 32 Filière porcine........................................................................................................................................ 35 EN COMMISSION .................................................................................................................................. 37 Rapport d’information– L’Asie du Sud-Est à la confluence des océans (n°2548) ................................. 37 Rapport – ratification du traité d’extradition entre la République française et la République populaire de Chine................................................................................................................................................. 41
  • 3. 2 PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI Loi de programmation militaire 2014-2019 Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères 26 novembre 2013 Discussion générale En vertu d’une tradition désormais bien établie, la commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. C’est un moment important de la République : le vote de son budget pluriannuel de défense. Ce n’est pas un débat anodin, loin de là. C’est une stratégie, des hommes, des femmes et des moyens matériels pour y répondre, et ce pour les cinq prochaines années, ce qui est important pour donner la perspective à nos armées. C’est aussi un débat qui incarne la volonté de protéger les intérêts vitaux et stratégiques de la France. Voilà ce qui nous est proposé dans le débat ce soir. Avant toute chose, la plus-value de la commission des affaires étrangères est de passer la LPM au tamis, si vous me passez l’expression, des enjeux internationaux et des engagements de la France. Il me semble donc utile de revenir sur le contexte stratégique au regard duquel ont été élaborés le Livre blanc et donc le projet de loi que nous examinons, contexte qui justifie de ne pas baisser la garde. Parmi les différents points évoqués dans mon avis, je souhaite en rappeler un qui constitue un sujet de préoccupation majeur : la combinaison de l’impact de la crise financière sur les budgets militaires en Europe avec un pivot américain bien réel. Ce pivot conduit les États-Unis à redimensionner à la baisse leurs moyens militaires présents en Europe et à renforcer leurs capacités dans le Pacifique, dans une optique de containment chinois. La certitude d’une intervention américaine en Europe, ou dans sa périphérie, comme l’a montré l’épisode syrien, n’est plus aujourd’hui acquise, tout simplement faute de matériel et de militaires sur le territoire européen. Il y a là une invitation faite aux États européens à assumer leur propre défense qui ne trouve, malheureusement, en ce moment, que trop peu d’écho. Les contraintes budgétaires actuelles conduisent au repli sur soi et empêchent l’Europe de la défense d’avancer. Pour certains États, les questions de défense ne sont pas clairement une priorité. D’autres restent fondamentalement attachés à l’OTAN et demeurent extrêmement réticents à toute projection des forces en dehors du territoire européen. Ils espèrent, sans le dire ouvertement, pouvoir continuer à bénéficier du bouclier américain à peu de frais. Il y a aussi une forme de fatigue expéditionnaire après une décennie 2000 marquée par des engagements longs et douloureux en Afghanistan ou en Irak, qui ont épuisé les hommes, les budgets et les opinions publiques.
  • 4. 3 Cette situation est d’autant plus dommageable que la France n’est pas la seule en Europe à avoir conscience des risques. Nous avons des partenaires qui veulent aller de l’avant. N’attendons donc pas l’impossible unanimité européenne pour avancer ! Je tiens par exemple à citer le cas de la Pologne, qui est aujourd’hui l’un des seuls pays européens à maintenir un effort conséquent en matière de défense. Il est également l’un des États les plus engagés dans le développement de la PSDC. C’est un partenaire majeur avec lequel nous devons travailler. La Pologne apprécie notre volontarisme, comme récemment au cours d’un exercice militaire sur le sol polonais et dans les pays baltes : la France y a envoyé 1 200 militaires, contre à peine une compagnie pour les États-Unis et aucun soldat pour l’Allemagne. Ce type d’initiative doit être salué, conforté et avoir une soutenabilité dans la durée, afin de démontrer notre plus grande implication dans la sécurité collective à l’est et au nord de l’Europe. Nous devons être une sorte de pivot, à notre niveau, vers des États demandeurs de plus de coopération européenne et sortant du champ de nos partenaires habituels. Mais l’Europe de la défense est un sujet qui trouvera bien évidemment toute sa place lors du Conseil européen de décembre sur lequel la présidente de la commission des Affaires étrangères entend revenir dans son intervention. Pour ce qui est du projet de loi de programmation militaire en tant que tel, je ne vais pas revenir sur ses détails précis. Mmes Adam et Gosselin-Fleury en ont parfaitement rappelé le contenu et les enjeux. Toutefois, je tiens à saluer son ambition louable de ne pas obérer l’avenir. Ce texte maintient un effort de défense significatif, alors même que nous connaissons tous les contraintes qui pèsent sur les finances publiques. Il prévoit le maintien des crédits de la mission défense à 31,4 milliards d’euros pour les années 2014, 2015 et 2016. Les ressources disponibles devraient ensuite augmenter pour atteindre 32,5 milliards en 2019, le terme de la LPM. C’est un véritable défi collectif qui est devant nous. Les crédits sont stabilisés en valeur sur les trois premières années de la programmation. Nos armées contribueront donc à hauteur de l’inflation au redressement des finances publiques de notre pays, dont la dégradation est aussi un enjeu de souveraineté important. En ces temps budgétaires difficiles, il affiche la volonté de conserver l’ensemble des capacités aujourd’hui détenues par nos armées : aucun abandon de compétence, aucun renoncement. C’est crucial. Même si les efforts demandés sont lourds en termes de réduction d’effectifs en particulier, nos ambitions sont intactes et il n’a pas été fait le choix d’un déclassement, comme certains ont pu le prétendre. Ce concept est en effet totalement récusé par l’ensemble des acteurs, militaires et experts, que j’ai pu auditionner. Bien sûr, cela n’est pas acquis. Il conviendra de veiller au respect de la trajectoire financière de la LPM, à l’euro près. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur l’appui des parlementaires pour cette vigilance. Dans le cas contraire, il faudra s’attendre à de sérieuses difficultés avec le risque, pour le coup, de décrocher réellement et rapidement, à l’image, par exemple, des Pays-Bas. C’est un cas fréquemment cité par mes interlocuteurs au cours des auditions que j’ai menées dans le cadre de la rédaction de mon avis. Les Pays-Bas ont tout fait pour conserver à tout prix leur triple A, allant jusqu’à sacrifier leur outil de défense. Pour la première fois en quatre cents ans, la marine néerlandaise ne patrouillera pas dans les Antilles.
  • 5. 4 Par ailleurs ce souci de ne pas obérer l’avenir passe aussi par un effort important sur les études en amont, avec in fine la volonté de préserver notre outil industriel, et sur la préparation opérationnelle. Le projet de loi fixe des normes semblables à celles de la LPM 2009-2014. Il prévoit qu’elles soient atteintes à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle d’armée, avec une attention soutenue en faveur de ce secteur. De même, le projet de loi entend combler trois lacunes que connaissent depuis longtemps nos armées et qui ont été particulièrement criantes en Libye comme au Mali. Il s’agit, vous le savez, de la question des drones, du ravitaillement en vol et du transport. Le projet de loi confirme l’acquisition de douze drones Reaper. D’aucuns pourront critiquer l’achat sur étagère de matériel américain. Notre pays, il est vrai, ne manque pas de talents industriels ou technologiques. Mais en quinze ans, qu’avons-nous fait ? Avons-nous réussi à combler notre lacune capacitaire ? Non, rien que des conflits, des blocages et des discussions sans fin ! Il a fallu prendre une décision et M. le ministre a décidé de combler cette lacune sérieusement handicapante pour nos armées en achetant ce matériel. Nous saluons ce choix. Il en va de même dans le domaine du ravitaillement en vol, avec la réalisation tant attendue du programme MRTT. Enfin, en matière de transport aérien stratégique, la confirmation et la sécurisation du programme A400M doivent être également saluées. La LPM contribuera à mettre fin à ces lacunes. C’est une bonne chose pour la France et pour nos soldats. Bien évidemment, je suis loin de minimiser les difficultés qui pèsent sur les missions que nos soldats doivent assumer et personne, dans cet hémicycle, ne le fait. L’une d’elles me tient cependant particulièrement à cœur : il s’agit de la capacité de la marine nationale à continuer à assurer, dans le temps, ses missions de souveraineté. Pour mémoire, notre zone économique exclusive représente 11 millions de km2 . On peut légitimement craindre que, dans ce domaine, la diminution constante des moyens, ces dernières années, ne fragilise quelque peu la capacité de la France à préserver sa souveraineté sur les espaces en sa possession. Mais on peut craindre aussi qu’elle ne réduise qu’à peu de choses sa capacité à intervenir en cas de crise éloignée de la métropole. L’exemple du Pacifique me paraît, à cet égard, particulièrement éclairant. La Chine, le Japon et la Corée du Sud font partie des dix pays dont les dépenses militaires sont les plus importantes. Les sources de conflit sont multiples dans ce secteur : les Kouriles, les Spratleys, les Paracels ou les Senkaku. Le risque de conflits interétatiques y est relativement élevé et les événements des jours derniers viennent renforcer notre inquiétude. La France aurait beaucoup à perdre si un conflit éclatait dans cette région, relativement à ses alliances, bien sûr, mais aussi à son économie puisque un quart du commerce international transite par cette zone. Un blocage nous poserait de graves difficultés et nos moyens dans la région, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, seraient bien faibles, en tonnage, en nombre et en temps de réponse. Il serait paradoxal que notre pays, alors même qu’il a la chance d’être présent sur tous les océans, ne puisse se reposer que sur des unités basées en métropole avec les délais que cela suppose – plus de trente jours. Beaucoup de questions restent en suspens. Nous devons être vigilants et exercer une amicale pression pour que les futurs arbitrages, monsieur le ministre, ne soient pas une nouvelle fois défavorables dans ce secteur tout particulièrement.
  • 6. 5 Il m’a aussi semblé intéressant de me livrer à un exercice prospectif, comme nous l’avons fait au sein de la commission des affaires étrangères, en m’intéressant à la prochaine programmation, celle qui couvrira la période post-2020 – car les choix de 2020 se préparent en ce moment. D’ores et déjà, deux thèmes seront au cœur des débats et doivent être discutés sans tarder pour mieux préparer cette échéance. Le premier, qui a été développé par le ministre, est la cyberdéfense. Certes, le sujet était déjà présent dans le Livre blanc de 2008 et il occupe une place importante dans celui de 2013. L’actualité est brûlante en la matière, mais, dans ce domaine, nous ne sommes qu’au début de l’histoire militaire. Le projet de loi contient plusieurs articles visant à adapter le droit aux nouveaux défis. Il prévoit aussi un effort remarqué et important dans le développement de capacités militaires dans ce domaine : c’est très positif. Mais la matière est en évolution constante et de nouvelles interrogations se font jour, lesquelles occuperont une place croissante à l’avenir, comme celle de la définition d’un cadre pour nos capacités de cyberdéfense offensives. Il reste en particulier à identifier ou à définir une véritable doctrine française d’emploi de ces capacités, comme le cadre d’actions collectives ou non, ainsi que le contrôle parlementaire de ce type d’actions. Un second thème, plus sensible, est à mon sens à approfondir d’ici à 2020 : celui de la dissuasion nucléaire. Levons d’emblée toute ambiguïté : je suis favorable à la préservation de notre dissuasion nucléaire, avec ses deux composantes. Mais ce préalable posé, je ne reste pas sourd aux nombreuses questions qui se posent dans le pays, qu’a relevées également la présidente de la commission de la défense. La dissuasion est-elle utile ? Quelle utilité, en effet, peut avoir la dissuasion dans un monde multipolaire ? Cette question peut légitimement se poser aujourd’hui, lorsque l’on sait que l’arme nucléaire est une arme de guerre froide, conçue par des États pour paralyser d’autres États. Que faire face aux menaces asymétriques ? De même, comment articuler la dissuasion et le développement de moyens de défense antimissiles ? Par ailleurs, la dissuasion est-elle soutenable financièrement ? Les crédits qui lui sont dédiés sont importants. Dans le projet de loi de finances pour 2014, ils s’élèvent à 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,5 milliards en crédits de paiement au total, en incluant les crédits de tous les programmes de la mission « Défense ». Ces dépenses sont lourdes. Dans une situation budgétaire tendue comme aujourd’hui, elles peuvent légitimement susciter un débat et nombreux sont ceux qui voient là une solution pour améliorer le sort des unités conventionnelles. Ce débat existe hors des armées comme dans les armées. On peut également s’interroger sur la nécessité de disposer de deux composantes. Certains plaident, par exemple, pour un abandon de la composante aérienne. S’appuyant sur des précédents historiques, ils arguent notamment de sa vulnérabilité, sans pour autant voir son intérêt en appui de la manœuvre diplomatique ou dans le cas où notre pays devrait donner un ultime avertissement. La question du risque d’isolement de notre pays en Europe doit être également posée. Même si l’attachement britannique à la dissuasion a été confirmé encore récemment par le Premier ministre David Cameron, la décision définitive de poursuivre le programme nucléaire n’est pas encore prise et devrait intervenir en 2016, après les élections législatives prévues en 2015. De surcroît, je tiens à rappeler que la base des SNLE britanniques est située à Faslane, en Écosse. C’est là un élément à prendre en compte à quelques mois du référendum sur l’indépendance de cette dernière, prévu en septembre 2014.
  • 7. 6 Or l’ensemble des questions que je viens d’évoquer ne font quasiment pas l’objet de débats aujourd’hui en France, contrairement à ce qui peut se passer, par exemple, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. La Chambre des Communes a ainsi longuement discuté, l’été dernier, des alternatives possibles au missile Trident. En 2006, le gouvernement britannique a publié un Livre blanc sur la dissuasion, qui a été actualisé en 2012 et devrait faire prochainement l’objet de nouveaux développements. Aux États-Unis, la Nuclear Posture Review assure la même fonction. La dernière a été publiée en avril 2010, après celles de 1994 et de 2002. Elle découle d’une réflexion globale, impliquant toutes les parties prenantes, et vise à fixer la stratégie nucléaire américaine pour les cinq à dix années à venir. Sur la forme, c’est un travail de concertation, à tous les niveaux, sur une thématique sensible. Sur le fond, la Nuclear Posture Review fixe les orientations à donner pour que l’arsenal nucléaire américain réponde plus efficacement aux menaces actuelles. Dans notre pays, trop souvent selon moi, la prééminence exclusive du chef de l’État, la confidentialité de nombreuses informations et la nécessaire incertitude qui entourent la dissuasion conduisent certains à considérer, à tort, que cette dernière ne doit et ne peut être débattue. On se retranche derrière l’évidence d’un dogme établi et l’on recourt parfois à l’invective pour décrédibiliser ses interlocuteurs. Il ne faut pas avoir peur de débattre de la dissuasion. Pas du quotidien bien évidemment, des itinéraires des patrouilles du SNLE ou des performances exactes des missiles ASMP emportés par les Rafale ! Mais notre stratégie peut et doit faire l’objet de débats publics sur sa pertinence, sa crédibilité et son évolution. Si l’on souhaite renouveler le consensus national sur les forces nucléaires, il doit reposer sur des arguments solides qui ne pourront convaincre qu’à l’issue d’un débat où toutes les positions auront pu s’exprimer et où chacun aura pu montrer la valeur de ses arguments. Rien ne serait pire que de disposer d’armes nucléaires sans savoir pourquoi, en maniant des concepts erronés. Qui plus est, le débat doit également servir à anticiper. Pensons par exemple à l’échec du tir d’un missile M51, en mai dernier, au large du Finistère : une grande partie de la presse s’est alors étonnée du coût de la dissuasion ! Il faut anticiper également les échéances puisque notre pays va devoir, dans les années qui viennent, prendre des décisions lourdes pour poursuivre la modernisation et le renouvellement de notre outil de dissuasion. Je songe notamment au lancement de la troisième génération des SNLE dont les études préalables ont déjà commencé. Comme je l’ai souligné préalablement, dans un contexte budgétaire contraint, le coût de cet effort de renouvellement risque d’être moins accepté que par le passé, rendant plus que nécessaire la tenue d’un débat avant que nous ayons à discuter de la prochaine loi de programmation militaire. Je sais, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas opposé à une telle démarche, comme vous avez pu m’en faire part le 2 octobre dernier en commission, lorsque vous m’avez répondu que prendre l’initiative d’une réflexion sur la nature de la dissuasion dans un environnement de prolifération et dans un contexte d’après-guerre froide ne vous dérangeait pas. C’est pour cela que je souhaite que le Parlement se saisisse, dans les modalités que nous trouverons les plus adéquates, et comme vient également de le proposer la présidente Patricia Adam, du débat sur ce sujet d’importance nationale, qui a des implications militaires, diplomatiques, financières, économiques et environnementales. Nous devons débattre, sans quoi il risquerait d’être trop tard.
  • 8. 7 Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires 22 janvier 2014 Discussion générale Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, c’est avec joie que, dans un contexte un peu plus serein que cet après- midi, nous entamons ce soir l’examen de cette proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je dis « plus serein » tant il est vrai qu’il est difficile, en France, d’aborder ce sujet sans passion. Tous, ici, sommes viscéralement attachés à l’unité de la République, mais tous, ici, sommes aussi profondément attachés à la diversité et à la richesse de notre patrimoine linguistique. L’une et l’autre sont indissociables, nul ne le conteste, alors pourquoi faisons-nous face à autant de réticences ? Je ne reviens pas sur l’historique complet de la Charte : sans révision de la Constitution, pas de ratification de la Charte, nous sommes tous d’accord, et ce contrairement à ce que certains essayent, avec peu de succès, de nous faire croire ce soir. Mais soyons plus précis, car ceci a son importance : il s’agit en réalité de ratifier les titres I, II, IV et V ainsi que les trente-neuf des quatre-vingt-six propositions de la partie III auxquelles la France a souscrit. Et là aussi, le constat est implacable : le Conseil constitutionnel a jugé qu’aucune desdites trente-neuf propositions n’était contraire à notre norme fondamentale. Voici donc le premier point : les propositions qui nous sont données, c’est-à-dire la Charte dans ce qu’elle a de plus de plus concret, de plus pratique, et donc de plus normatif, sont constitutionnellement valides. Et ces propositions sont non seulement valides mais, de fait, elles sont déjà appliquées. « Si elles existent déjà, quelle est l’utilité d’une ratification » me direz-vous ? Au-delà du fait qu’il est toujours bon de ratifier une convention internationale que l’on a signée, la réponse est simple : il s’agit, d’une part, de sécuriser juridiquement les situations que l’on connaît ou à venir, d’autre part d’entériner la lente et salutaire mue qu’a opérée la France à ce sujet. Sécuriser ce qui s’est fait, essentiellement sous l’impulsion des collectivités locales et « sans statut légal », est d’abord une nécessité en soi. Nous sommes nombreux à nous être battus pour que des enseignements soient dispensés, partiellement ou conjointement avec le français, en langue régionale. Aux obstacles financiers
  • 9. 8 s’ajoutaient les obstacles administratifs, aux obstacles administratifs s’ajoutaient les problèmes de postes d’enseignants, ou le risque judiciaire, aujourd’hui toujours prégnant dans un certain nombre de cas. Je tiens cependant à préciser que ce qui est vrai dans un sens l’est aussi dans l’autre. Nous devons encadrer pour permettre les initiatives, nous devons encadrer pour pouvoir les limiter lorsque nous considérons que cela va trop loin et se révèle être en conflit avec l’article 2 de notre Constitution. Or, tout ceci n’est possible que dans le cadre d’un régime juridique clair. L’épanouissement relatif que connaissent les langues régionales s’est fait dans une zone de non-droit ; il est l’heure de lever ce flou. Le manque de reconnaissance allié à une telle précarité juridique peut devenir une source de radicalisation bien inutile. Si la politique linguistique unificatrice a autrefois été utile et peut-être nécessaire, force est de constater qu’elle ne l’est plus désormais. Les recettes d’hier ne sont pas les solutions d’aujourd’hui. Pour autant, il n’est pas vrai de dire que notre politique linguistique est aujourd’hui encore répressive. Elle a bel et bien évolué – et c’est bien le moins. Mais précisément, pourquoi ne pas l’acter ? Pourquoi ne pas solder définitivement cette période ? Car au fond, c’est bien ce que permettrait la ratification : elle ne ferait qu’entériner cette situation, cette transition que l’État français a fort légitimement effectuée, d’un régime qui uniformise aveuglément, à la reconnaissance institutionnelle de la diversité comme terreau de la Nation. Certains vont jusqu’à arguer de risques pour la cohésion nationale et l’unité du peuple français. Chers collègues, n’agitons pas inutilement un chiffon rouge et cessons d’appréhender les langues comme une menace ! La vérité est que promouvoir les langues régionales n’est en rien le signe d’un repli communautariste ou régionaliste. Bien au contraire, c’est le signe d’une saine vitalité et d’une diversité qui renforce la France ; c’est encourager la pratique du multilinguisme et l’ouverture d’esprit ; c’est la reconnaissance des parcours, de la culture, de l’histoire, de l’identité personnelle. Si, comme l’écrivait Ernest Renan, « une langue ne constitue pas une nation », elle fait en revanche partie intégrante de l’identité de chaque individu. Elle est au fondement même de celle-ci puisque nous pensons par et grâce à la langue. Ce n’est pas une histoire de Bretons, de Corses, de Catalans, ou d’Alsaciens que nous avons à écrire ; c’est une histoire de Français voulant parler le breton, le corse, le catalan ou l’alsacien. C’est l’histoire d’un pays, d’une République qui n’a plus peur de son passé, qui est sûre de ses fondations pour permettre enfin la reconnaissance d’histoires et de cultures complémentaires. La France est indivisible. Mais la France est plurielle, riche de ses territoires, de ses cultures, de ses langues. Le reconnaître ce n’est pas s’attaquer à la République, c’est la renforcer ; le déni, le refus de reconnaissance, c’est exacerber les divisions. La reconnaissance, c’est l’apaisement ; la reconnaissance, c’est le respect ; la reconnaissance, c’est l’intégration. La reconnaissance, c’est tout simplement la République !
  • 10. 9 Projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale 10 février 2014 Discussion générale Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, enfin un projet de loi d’orientation sur l’aide au développement, un projet de loi permettant transparence, traçabilité et contrôle démocratique. C’est important car nous savons tous combien les politiques internationales de développement restent – malheureusement – utiles et primordiales à l’heure où 1,3 milliard d’êtres humains vivent encore avec moins d’un euro par jour. Rappelons-le : la solidarité internationale est là pour pallier les carences du marché mondialisé, dont profitent des pays développés comme le nôtre. La bataille est cependant loin d’être gagnée : le rapport des Nations unies sur les objectifs du millénaire met en lumière de grandes carences. En Afrique subsaharienne, aucun des huit objectifs ne sera atteint d’ici à 2015. À rebours de la tendance mondiale, le fait que le montant de l’APD française pour 2014 soit en hausse est un signe encourageant. Il faudra tout de même veiller, d’une part, à la bonne réalisation de ces prévisions dont je rappelle qu’elles ont été revues à la baisse pour les deux exercices budgétaires précédents. D’autre part, nous devons promouvoir une définition plus stricte de la notion d’APD et la conception d’un indicateur mesurant précisément l’effort budgétaire consenti. C’est un point important qui a fait l’objet de longs débats en commission. Nous savons pertinemment que l’usage d’un indicateur biaisé contribue à fausser l’appréciation des politiques de coopération, notamment parce que les chiffres sont artificiellement gonflés par un certain nombre d’éléments qui ne devraient pas faire partie du calcul. Je pense, par exemple, à l’aide aux réfugiés ou à l’annulation de dettes. Je pense aussi, et nous devrons nous interroger sérieusement ce soir sur ce point, à la légitimité de l’intégration dans l’APD du financement d’actions dans les outre-mer, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros. Ce sont tout de même des compatriotes ! Monsieur le ministre, votre projet de loi engage de profonds changements, et c’est heureux. Mais le Parlement ne serait pas le Parlement s’il n’était pas là pour apporter sa pierre à l’édifice. Les débats ont été intenses en commission, et je ne doute pas qu’ils le seront encore aujourd’hui. Dans la même veine que l’excellent rapport Bacquet-Ameline, nous sommes nombreux à penser que la France doit assumer des orientations politiques et des objectifs clairs. Ne soyons pas naïfs, aucune politique d’aide ne trouve son fondement dans des motivations uniquement compassionnelles. Cela ne veut pas dire que ce facteur ne tienne pas une place centrale, et je l’ai déjà rappelé. Mais nous ne gagnons rien à refuser d’exposer nos ambitions à l’aune de nos intérêts. Au contraire, nous perdons en lisibilité, et donc en compréhension, vis-à-vis de nos concitoyens et de nos partenaires.
  • 11. 10 Notre politique internationale de développement est l’incarnation d’une vision. Qui le niera ? Oui, nous avons des intérêts stratégiques, ceux d’aujourd’hui et ceux que nous préparons pour demain. Oui, nous avons une histoire longue et complexe avec de nombreuses parties du monde, des liens forts, des relations à construire, parfois même à reconstruire. Bien sûr, nous devons privilégier la gestion de crise et le développement dans notre environnement immédiat, à nos frontières, dans le bassin méditerranéen et au Sahel. Affirmer cela, ce n’est pas faire preuve d’un quelconque égoïsme, c’est faire montre d’honnêteté sans rien obérer de la dimension humaine de notre action, comme la plupart des grands États donateurs le fait déjà. C’est pourquoi nous sommes nombreux à souhaiter un rééquilibrage entre bilatéralisme et multilatéralisme. Il est difficile d’opérer un tel processus, pour des raisons qui tiennent tant au contexte budgétaire qu’aux engagements pluriannuels qui nous lient, et nous le savons très bien. Mais c’est précisément le rôle d’un tel projet de loi que de fixer un horizon et des objectifs. La France a, au regard du niveau de son aide et de son implication, tous les atouts pour figurer parmi les leaders de l’APD mondiale. Cessons donc de gaspiller nos ressources dans de petites actions sans impact ni visibilité. Bien sûr, nous n’ignorons pas le rôle prépondérant des mécanismes multilatéraux, souvent efficaces pour traiter des problématiques transversales. Nous parlons simplement de recentrage, de rééquilibrage, de complémentarité. Dans cette logique de rationalisation, affirmons alors quelques principes directeurs : définir des lignes de conduite dans la répartition des crédits envers les partenaires et les associations de développement ; éviter le saupoudrage ; se concentrer sur les pays pauvres et définir des priorités précises sur la liste des PMA ; revoir en profondeur notre politique de choix d’instruments. Il faut distinguer, comme vient de le dire Philippe Baumel, l’utilité du recours aux prêts pour les pays solvables du recours aux dons pour les pays fragiles qui n’ont pas les capacités pour accéder aux prêts. Enfin, nous devons mettre sur la table la possibilité que le produit perçu des prêts alloués par nos opérateurs APD soit reversé directement à la politique de développement, au lieu qu’il abonde, comme c’est le cas actuellement, le budget général de l’État. Partant, il serait judicieux que ces recettes bénéficient prioritairement à la politique de dons dans le cadre de l’aide bilatérale. La commission des affaires étrangères a fait sienne la proposition de notre collègue Bacquet qui vise à encourager une telle pratique. Je crois que c’est une demande raisonnable. Si ce n’est pas maintenant, cela se fera au moment du contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de développement. Et ne doutez pas de nos motivations. Donner, ce n’est pas un acte unique et sans lendemain ; c’est un lien qui construit, un lien d’amitié, un lien de solidarité, un lien d’humanité. Il est encore plus fort dans les temps d’effort et de disette budgétaire. C’est aussi cela le message de la France, le message de ce projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, et que nous approuverons.
  • 12. 11 Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale 18 février 2014 Discussion de l’Article 1er Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est bienvenu parce qu’il vient clore une longue période durant laquelle les professionnels, les syndicats et les élus locaux ont sonné l’alarme. Au nom de la libre circulation, l’Europe a laissé se créer un monstre qui en était venu à tuer l’idée même d’Europe au sein des peuples. Le désastre économique de l’abattoir Gad, qui a frappé l’opinion publique, a été l’un des catalyseurs ayant fait comprendre à de nombreuses personnes qu’il fallait se décider à bouger. Ce qui était en cause, c’était aussi la concurrence entre salariés européens. Le différentiel de cotisations entre deux États membres, c’est le delta qui incite à l’évasion sociale, mais c’est aussi l’un des facteurs ayant une incidence sur le coût de la côte de porc ! Avec mes collègues Chantal Guittet et Richard Ferrand, combien de fois avons-nous entendu, à la sortie des usines, les salariés français hurler contre des salariés roumains ou allemands ! C’était l’idée même de l’Europe qui était ainsi en train de se détruire, sous la forme d’un retour du choc des nationalités. Il n’était plus possible d’assister à ce phénomène sans réagir, il fallait une réponse politique forte ! Quelques premières réponses ont été émises, de la part de Martin Schulz, président du Parlement européen, mais aussi des députés Michel Piron, Gilles Savary, Chantal Guittet et Richard Ferrand, sous la forme de rapports nous invitant à prendre conscience de la gravité de la situation. Le Gouvernement a, lui aussi, pris position et entrepris un combat nécessaire, qui allait se solder par la victoire du 9 décembre dernier. Le texte dont nous débattons ce soir vient anticiper les décisions de l’Union européenne, laquelle est soumise à des temps beaucoup plus longs que ceux régissant notre démocratie et nos concitoyens. Comment anticipe-t-il ? En mettant en place une liste noire, en permettant aux syndicats de se constituer partie civile, et en instaurant la solidarité financière avec les maîtres d’ouvrage, ainsi que le principe de la double déclaration, qui interdit que certains professionnels puissent continuer à frauder le fisc en continuant à prétendre qu’ils ne savaient pas. Il était temps de prendre des décisions pour faire cesser ce qui n’était plus acceptable. Pour cela, nous félicitons les rapporteurs de cette proposition qui, si elle vient un peu tard pour les salariés qui ont vu leur usine fermer du fait de la non-application de la directive, a le mérite d’exister enfin. Le texte qui nous est soumis va au moins pouvoir stopper les abus futurs, ce qui constitue une avancée importante pour la France et ses salariés, mais aussi pour l’Union européenne.
  • 13. 12 Projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères 4 juin 2015 Discussion générale L’actualisation qui nous est présentée aujourd’hui a quelque chose d’extraordinaire : pour une fois, il ne s’agit pas de revoir à la baisse les crédits d’une loi de programmation militaire, mais bien de les augmenter. Or, combien de Cassandre avaient prédit un retour piteux du Gouvernement devant cet hémicycle, anticipant l’échec de la LPM ? Non seulement les engagements de la loi de programmation militaire seront tenus, mais ses crédits seront augmentés, ce qui constitue une première depuis bien longtemps. Monsieur le ministre, nous devons vous rendre hommage pour cela. Votre engagement et votre détermination ont été entendus par le Président de la République. Les arbitrages rendus étaient difficiles dans le contexte budgétaire que nous connaissons tous, mais n’en étaient pas moins indispensables. Depuis la rédaction du Livre blanc de 2013, la situation internationale n’a cessé de se dégrader. Les ruptures stratégiques se sont succédé : janvier 2013, lancement de l’opération Serval ; printemps 2014, annexion de la Crimée par la Russie ; été 2014, montée en puissance de Daech, opération Barkhane, propagation rapide de l’épidémie d’Ebola, puis montée des tensions en mer de Chine ; novembre 2014, cyberattaque de la Corée du Nord contre Sony ; et enfin, en janvier 2015, les attentats à Paris. Dans ce contexte, les missions des armées ont explosé. Aux engagements extérieurs nombreux et durables se sont ajoutées les mesures de réassurance et, à présent, l’opération Sentinelle sur le territoire national. La marine est déployée en permanence dans cinq zones maritimes, alors que le Livre blanc n’en prévoyait que deux. Dans ces conditions, les armées n’avaient plus les moyens de remplir toutes les missions qui leur étaient confiées par l’exécutif. Cette situation n’était pas tenable dans la durée. Il fallait opérer un choix. Le Président de la République l’a fait. Il repose sur deux décisions fortes : la sécurisation des ressources de la programmation initiale et l’affectation de 3,8 milliards supplémentaires au budget de la défense. La sécurisation des ressources de la LPM est un acquis essentiel. Nous pouvons tous nous en réjouir, majorité comme opposition, et j’espère l’entendre tout à l’heure. La programmation initiale reposait sur trois hypothèses risquées : les recettes exceptionnelles – REX, la vente des Rafale et la maîtrise des opérations extérieures – OPEX. L’actualisation remplace les REX par des crédits budgétaires, ce qui est une très bonne chose. Les contrats signés avec l’Égypte, le Qatar et bientôt l’Inde pourront faire tourner les chaînes de production et les bureaux d’étude de Dassault sans que le budget de la défense n’ait à porter ces activités. Deux de ces hypothèses risquées sont donc évacuées. Reste la maîtrise des OPEX, qui seront toujours confrontées au même aléa, quels que soient la LPM et le gouvernement.
  • 14. 13 S’agissant des 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires, je me contenterai de deux observations. Premièrement, une grande partie, soit 2,8 milliards, sera absorbée par la préservation de 18 750 postes, dont la vocation principale est de permettre à l’armée de terre de recruter afin de pérenniser l’opération Sentinelle. Il faudra être très vigilant, et je sais que vous l’êtes, monsieur le ministre, pour que cette nouvelle mission ne conduise pas à désavantager l’armée de l’air et la marine. Elles sont très engagées dans des missions aussi essentielles que la protection du territoire national ou la liberté de navigation. Ce sont des armées très techniques, caractérisées par la présence de spécialités nombreuses et difficiles à conserver. Enfin, elles jouent un rôle fondamental dans le soutien aux exportations, qui mobilise près de 200 pilotes et mécaniciens dans l’armée de l’air et un demi-équipage de FREMM pour l’Égypte. Il faudra donc impérativement que la répartition des postes préserve aussi la capacité de ces deux armées. Ma deuxième observation concerne les mesures prévues pour les équipements. L’excellente nouvelle que constituent ces 2 milliards supplémentaires mérite d’être consolidée par la production d’un document en direction du Parlement fixant les calendriers précis d’acquisition et les enveloppes prévues par équipement. Cela renforcera indéniablement la confiance au sein des armées. Voilà ce que je souhaitais vous dire sur les nouvelles mesures annoncées, qui me semblent, je le répète, salutaires et courageuses. Mais je ne crois pas que notre débat doive se limiter simplement aux questions budgétaires : elles appellent un questionnement plus profond sur les fondamentaux de la politique de défense. À cet égard, deux sujets préoccupent la commission que je représente. Le premier sujet, qui touche, à vrai dire, au cœur de cette actualisation, est la pérennisation de l’opération Sentinelle. La France est l’une des seules démocraties occidentales à faire le choix de déployer son armée sur le territoire national. Si cette opération a véritablement vocation à devenir permanente, cela constituerait un changement doctrinal profond pour notre politique de défense. Le Parlement doit être pleinement associé à cette réflexion. Il en est de même pour le cadre juridique et le contrôle parlementaire de la mission. De fait, 7 000 soldats en permanence dans les rues de France, c’est un chiffre considérable, presque égal au nombre de militaires engagés en opération extérieure. Il est donc utile de sécuriser l’opération Sentinelle, pour les militaires eux-mêmes mais aussi pour nos concitoyens, qui pourraient s’interroger sur son sens. Deuxième sujet de préoccupation : les exportations d’armement. Comme tout le monde, je me réjouis des succès à l’exportation du Rafale, mais nous devons nous interroger sur les conséquences stratégiques de ces ventes d’armements. En effet, nous ne vendons pas seulement des matériels mais aussi des alliances, des accords. Or, qui sont nos clients ? L’Égypte, le Qatar, l’Arabie Saoudite, le Liban et peut-être, bientôt, les Émirats arabes unis. Cela n’est pas neutre, et pourrait être compris comme le choix d’un camp, celui des sunnites, contre un autre. Il est donc nécessaire d’indiquer clairement que notre position diplomatique n’a pas changé. Elle reste la recherche de l’équilibre. La paix dans cette région passe par une normalisation des relations avec l’Iran.
  • 15. 14 La commission des affaires étrangères estime que cette actualisation est une excellente chose. Elle autorise les armées à répondre aux défis qui leur sont posés et permet à la France de conserver son statut de grande nation. Tel est l’apport, majeur, de cette réactualisation.
  • 16. 15 Approbation de l’accord France Russie sur les bâtiments de projection et de commandement 17 septembre 2015 Discussion générale Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, que de bruits autour de cette affaire ! Que de bons apôtres ou de procureurs mal intentionnés ! Que de vaines querelles, en fin de compte ! Voilà maintenant deux ans que cette vente d’armes empoisonne nos relations diplomatiques, envenimant celles que nous entretenons avec la Russie et compliquant celles qui nous lient à nos alliés. Ses conséquences financières sont source d’interrogation et font peser sur DCNS une épée de Damoclès. Que fallait-il faire ? Quelles étaient les options ? Repousser une nouvelle fois la décision, comme certains ont pu le prôner au sein de la commission des affaires étrangères ? Brader nos intérêts ? Mépriser nos alliés ? Élargir un peu plus encore le fossé entre notre ami le président Poutine et nous ? Examinons les arguments et tentons de transformer ces vaines querelles, non dénuées d’arrière- pensées franco-françaises, en une discussion utile à tous. Partons de l’objection que l’on nous oppose : l’accord de non-livraison discréditerait la signature de la France dans le commerce international des armes. Certains prétendent même que ce refus de transfert serait un coup d’arrêt à notre industrie. Un peu de mesure n’aurait pas fait de mal car cet argument ne résiste pas à l’épreuve des faits. Faut-il le rappeler ? les carnets de commandes n’ont jamais été aussi remplis. Celles-ci ont même battu un record cette année, puisque notre pays a enregistré plus de quinze milliards d’euros de commandes d’armement en un an, après les 8,2 milliards d’euros engrangés en 2014, ce qui constituait déjà un record. Cela représente plus de 30 000 emplois sur notre territoire pour plusieurs années, ce qui, dans le contexte national, est plutôt appréciable. Craindre l’affaiblissement de notre signature à l’international est en réalité un argument bien étrange, alors que nous réussissons, que vous réussissez, monsieur le ministre, avec le Gouvernement, à vendre enfin des Rafale, après la succession d’échecs commerciaux qu’ont connue vos prédécesseurs, et alors que vous relancez les ventes de frégates, de patrouilleurs et d’hélicoptères. L’Égypte, le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Inde, la Pologne n’ont semble-t-il aucune difficulté avec la crédibilité de notre signature. Il n’est qu’à voir les dates : en décembre 2014, la livraison des BPC est bloquée par la France ; le 11 mars 2015, la France signe avec l’Égypte un contrat de vente de Rafale ; le 4 mai 2015, un contrat similaire est signé avec le Qatar.
  • 17. 16 Si la crédibilité de notre signature posait problème, l’Égypte et le Qatar auraient-ils signé ces contrats commerciaux avec la France ? Jamais ! Et que dire des perspectives de contrats avec la Malaisie, les Émirats Arabes Unis ou le Qatar ? La crédibilité de la signature française n’y suscite pas davantage le doute ! En fait, cet argument se retourne aisément : loin de faire de la France un partenaire indigne de confiance, refuser de livrer ces bâtiments dans un tel contexte renforce la fiabilité de notre signature aux yeux de ceux qui savent lire une situation stratégique. Tout d’abord, nous faisons la démonstration que le commerce et la recherche de devises ne sont pas les seuls objectifs de ces contrats. Une vente d’armes n’est pas une transaction comme les autres. Elle a pour objectif de vendre des produits destinés à la destruction et à la guerre. Elle ne peut s’affranchir de l’analyse du contexte régional ni de leur destination et de leur usage potentiel. On ne saurait ignorer que vendre un navire, un avion ou un missile, c’est aussi nouer une alliance avec un partenaire et créer les conditions d’une étroite collaboration entre nos armées respectives, en termes de formation et de suivi mais aussi de connaissance réciproque des matériels et des techniques. Cela consiste à créer de la confiance et des échanges entre les troupes. C’est aussi cela, un contrat d’armement : une relation stratégique durable. Tel était le sens de la signature du contrat Mistral avec la Russie le 25 janvier 2011, malgré ce qui s’était passé en Géorgie en 2008 et malgré la mobilisation active et effrénée du Président de la République d’alors. Il s’agissait apparemment de créer un pont, d’établir un lien avec notre voisin russe afin de l’arrimer un peu plus à l’Europe – c’est ainsi du moins que j’ai compris la signature de ce contrat. Mais le contexte géopolitique a radicalement changé depuis 2014. L’offensive russe en Ukraine n’est pas un épiphénomène, l’annexion de la Crimée encore moins. Elle n’est pas un aléa entre voisins, un enfantillage sans conséquence mais une rupture stratégique majeure : elle met à bas un pan complet du consensus dont l’intangibilité des frontières fait l’objet et piétine des engagements internationaux, et non des moindres. En effet l’article 2 de la Charte des Nations Unies dispose dans son quatrième alinéa que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force […] contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ». Elle viole aussi l’Acte final de la Conférence d’Helsinki signé en 1975 organisant le respect des frontières en Europe ainsi que le mémorandum de Budapest signé en 1994 garantissant l’intégrité et l’indépendance de l’Ukraine en échange de son engagement à se défaire de son stock d’armes nucléaires. L’attitude de la Russie ressuscite la pire des perspectives, celle de la guerre entre États européens. Il n’est donc pas exagéré de considérer l’invasion de l’Ukraine comme une réelle menace pour le continent européen et donc pour les intérêts vitaux de la France. Elle est perçue comme telle par les voisins directs de la Russie, qui appellent à l’application effective de la clause de défense collective prévue par la Charte de l’Alliance Atlantique et, dans leur crainte réclament des mesures de réassurance et le retour de forces américaines sur leur sol. Bref, c’est l’escalade !
  • 18. 17 Mon propos ne vise pas à prophétiser une catastrophe mais nous devons rester sur nos gardes. Un dérapage est toujours possible. Une erreur peut en amener une autre, puis une autre, en une escalade menant au désastre. La destruction de l’avion de la Malaysia Airlines en est un exemple flagrant. Lorsque les bombardiers stratégiques russes longent à nouveau nos côtes comme au temps de la Guerre froide, certes hors de nos eaux territoriales mais dans nos zones de régulation du trafic aérien, quand les navires russes patrouillent en face de l’Île Longue et que les flottes russes et chinoises exécutent des manœuvres en Méditerranée, sont-ce des signes d’amitié ? Pas du tout ! Ces manœuvres en Méditerranée sont des démonstrations de force. Tel est le contexte de la livraison des Mistral, et rien d’autre. La qualité de notre signature internationale dépend aussi de la capacité que l’on nous prête à lire les situations stratégiques en temps réel et à agir en conséquence. C’est l’analyse des options stratégiques qui explique la décision du chef de l’État. Le Président de la République n’est pas tiraillé entre nos alliés et les Russes, entre la paix et le commerce ! Il prend acte de la rupture de la doctrine russe et agit en conséquence. La paix domine le commerce. L’intérêt de la France n’est pas la résultante des pressions des États-Unis et de la Russie. Ce ne sont pas la Pologne ni les pays baltes qui font notre diplomatie. Notre sécurité, nous ne la déléguons à personne. Or les conditions de sécurité ne sont plus réunies pour cette livraison. Cette décision renforce notre crédibilité, malgré vos dénégations, cher collègue. Elle est le visage d’une France qui est une puissance stratégique et pas seulement un fabricant d’armes reconnu. Elle montre clairement que nous plaçons les alliances et les partenariats stratégiques au-dessus des contrats strictement commerciaux. Cette claire hiérarchie n’implique pas le mépris des considérations financières, et je tiens à saluer le fait que le Président de la République ne limite pas sa responsabilité au domaine réservé que la Constitution tend à lui attribuer : il se préoccupe aussi beaucoup de l’état des finances de notre pays. Nous le savons tous ici et cela nourrit suffisamment de débats entre nous pour être rappelé. La recherche d’un accord à l’amiable démontre avec clarté le souci de préserver nos finances publiques. Le refus de livrer les Mistral entraîne certes un coût pour les finances publiques et les contribuables, comme toute résiliation de contrat, mais est maîtrisé. De longs débats en commission des affaires étrangères nous ont éclairés à ce sujet, même si certains y sont revenus et y reviendront encore par plaisir ou par masochisme, les uns prévoyant l’apocalypse financière, les autres une Berezina juridique, car les débats de notre Assemblée ne sont hélas ! pas toujours exempts d’excès. Pourtant, la méthode de l’accord à l’amiable constitue un autre argument en faveur de la crédibilité de la France comme de l’accord et devrait réjouir les plus russophiles d’entre nous. Nous aurions pu tenter de gagner du temps en utilisant les outils internationaux d’arbitrage, ce qui aurait été long et aléatoire et surtout dangereux pour DCNS. Selon son P.-D.G. lui-même, passer devant les juridictions
  • 19. 18 ad hoc constituait un risque financier colossal car le risque juridique aurait pesé pendant trois à quatre ans, telle une épée de Damoclès, sur les épaules de l’entreprise, lui interdisant tout investissement et lui enlevant toute crédibilité. Surtout, l’accord permet de rechercher au plus vite de nouveaux acquéreurs pour ces navires. Nous comptons à nouveau sur le talent du Gouvernement pour trouver des acquéreurs ! Les vraies puissances n’ont pas besoin d’arbitre pour régler leurs différends. La conclusion d’un accord équilibré est un signe important, lisible et compréhensible par tous. Il prouve l’importance de la France aux yeux de la Russie et témoigne d’une volonté partagée de ne pas ajouter la tension à la tension dans la relation franco-russe. Malgré ce refus de livraison et la guerre sur le sol ukrainien, chacun sait, ici comme à Moscou, que nous devons tout faire pour apaiser les tensions, retrouver les voies du dialogue et restaurer la confiance. Ni Moscou ni Paris n’avaient intérêt à prolonger le contentieux. C’est pourquoi chaque partie a voulu avancer rapidement avancer vers cet accord à l’amiable et qui ne lèse personne. Financièrement, les Russes retrouvent leurs engagements. La France retrouve la propriété des deux navires et la capacité de les exporter. Les coûts supplémentaires de dédommagement sont raisonnables, tant les frais de formation que les frais de développement de matériels spécifiques par les Russes. Bref, chacun a voulu solder ce différent sans outrage ni rupture supplémentaire. Je suis particulièrement fier de la maturité stratégique de notre pays, que démontrent ces décisions lourdes prises dans le contexte que j’ai rappelé. Loin d’être un commentaire sur ce qu’aurait dû faire ou ne pas faire tel ou tel, la discussion d’aujourd’hui doit faire progresser la conscience collective, sur tous les bancs et dans tout le pays, qu’il existe un chemin pour éviter de répéter les erreurs du XXe siècle. Ce chemin est un chemin de crête. Nos alliés sont aussi des adversaires économiques et nos partenaires cachent mal leurs appétits territoriaux. La fin de la Guerre froide avait amoindri la crainte des conséquences mondiales d’un conflit entre puissances. La situation du Moyen-Orient, qui a fait l’objet de trois jours de discussion au Parlement, rappelle que tous les pays, proches ou lointains, occidentaux ou non, doivent craindre les conséquences d’une aggravation. Nous aurons besoin les uns des autres, de nos influences respectives comme de notre capacité à agir dans d’autres parties du globe. Les périls sont nombreux et les ennemis parfois communs. La gestion par la France de la crise des Mistral a montré sa capacité et sa détermination à œuvrer efficacement au rapprochement des grandes puissances sur cette question. Ce débat en appelle donc d’autres et cet accord d’autres accords, je l’espère, mais ce chapitre de la relation franco-russe doit se refermer afin de restaurer au plus vite des relations normalisées et respectueuses entre les deux États et d’œuvrer pour la paix sur le continent et la stabilité dans le reste du monde.
  • 20. 19 Projet de loi de finances pour 2016 Mission « Action extérieure de l’Etat » 04 novembre 2014 Discussion générale Voilà maintenant trois ans, le ministre Fabius engageait une mutation importante du ministère des affaires étrangères : le Quai d’Orsay devait s’orienter vers la défense de nos intérêts économiques – non qu’il ne s’en occupait pas auparavant, mais désormais, c’est devenu l’une des pierres angulaires de l’action extérieure de l’État. Cette décision n’est pas sans conséquences sur l’armature budgétaire de ce ministère. De fait, le dispositif diplomatique et consulaire a fortement évolué sous la présente législature, ce qui est encore plus difficile à réaliser dans une période où chaque euro public vaut plus cher. Des efforts lui ont été demandés, comme à tous les ministères. Puis, cette année, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » ont connu une hausse de 8,2 %, soit plus de 240 millions d’euros. Cette hausse salutaire s’explique par notre ambition de réussir « Paris Climat 2015 », la conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015, dite aussi COP 21. S’engager pour le climat, s’engager pour la planète, c’est une cause juste et belle, mais cela a un coût, qui doit être mis en regard des enjeux constitués par la réunion des 196 États participants et la recherche d’un accord ambitieux et contraignant, d’un accord liant le Nord et le Sud, visant à préserver notre planète du réchauffement climatique. C’est une responsabilité historique qui pèse sur nos épaules, et nous espérons tous un succès de notre diplomatie dans quelques semaines, non pas pour nous, non pas pour le président Hollande, non pas pour la France, mais tout simplement pour la seule race qui existe : la race humaine. Mais ce budget voit aussi l’augmentation des crédits pour tenir nos engagements financiers internationaux, s’agissant notamment des opérations de maintien de la paix ou des principales négociations dans les enceintes internationales. En effet, un pays comme la France a un droit – siéger au Conseil de sécurité – mais aussi des devoirs – participer à ces opérations. La baisse de l’euro, qui est un atout appréciable pour nos exportations, n’en constitue pas moins une charge budgétaire quand nos engagements vis-à-vis des organisations internationales sont libellés en dollars ou en francs suisses. Il fallait couvrir cet effet défavorable afin de ne pas pénaliser l’action de notre ministère et éviter de procéder à des coupes douloureuses. C’est ce qu’a décidé le Premier ministre : ces facteurs extérieurs ont donc été neutralisés dans le budget, ce dont il faut se féliciter. Il n’en reste pas moins que, dans le contexte financier que nous connaissons, les efforts demandés à ce ministère sont lourds. Ils sont pourtant nécessaires, car chacun doit participer au redressement des comptes du pays. Nous le savons tous. Ils sont justes, car le maintien du budget de la mission « Action extérieure de l’État » prend acte du contexte géopolitique complexe, chahuté et de la nécessité d’avoir une diplomatie qui tienne son rang et participe au rayonnement de notre pays. La
  • 21. 20 progression de 45,8 % des crédits de coordination du réseau diplomatique, figurant dans le programme 105, témoigne de cette ambition. La sécurité de nos missions diplomatiques est un devoir auprès de nos compatriotes et de nos fonctionnaires. Les menaces sont en effet nombreuses. Les attentats ou les tentatives d’attentats contre nos ambassades nécessitent de ne pas baisser la garde et d’y mettre les moyens. Vous le faites : c’est cela, avoir le sens de l’État. Cependant, à l’occasion de l’examen de ce budget, deux réflexions ont animé nos débats. Philippe Baumel vous a déjà interpellé, lors de la présentation de son rapport budgétaire, sur la baisse des crédits de la coopération militaire. Pas un d’entre nous n’est rentré de mission parlementaire sans avoir dans son « paquetage », si je puis dire, une demande de meilleure coopération militaire. De fait, celle-ci constitue un facteur déterminant de nos alliances et de notre influence. Les soldats étrangers y apprennent notre langue, notre façon de penser, comprennent nos modes opératoires. Les anciens de Saint-Cyr, de l’École navale, sont bien souvent les premiers avocats de la francophonie et de la francophilie. Ce sont des acteurs de notre diplomatie. La baisse de ces crédits de 15 % ne peut donc être que conjoncturelle, nous tenons à le dire pour mieux préparer le budget de l’année prochaine. Cette collaboration est un élément très fort pour lutter contre l’instabilité du Sahel et du Moyen-Orient. L’interopérabilité des forces africaines avec notre armée, et donc notre efficacité collective contre le terrorisme, passe par une meilleure coopération, une collaboration accrue. La seconde réflexion fait écho à une proposition de François Loncle. Le fait est que l’action culturelle et éducative de la France à l’extérieur ne peut être seulement portée par le Quai d’Orsay. De fait, on constate une baisse des crédits du programme 185 de 3,9 %, qui est l’un des symptômes de la crise actuelle. Au groupe SRC, il nous paraît nécessaire que le ministère de l’éducation nationale comme celui de la culture soient mis à contribution pour participer à cet effort de rayonnement. Nous souhaitons la mise en place d’un groupe de travail pour contribuer à l’évolution et au partage de ces engagements. De fait, la demande de culture et de langue française reste très élevée. Les instituts français sont des atouts de notre rayonnement. Vous comptez sur leurs capacités d’autofinancement : il faut sans doute chercher en ce sens, mais nous ne nous attendons pas à un miracle budgétaire, malgré les grandes prédictions de Bercy. Nous savons qu’il faudra un retour des engagements financiers de l’État. C’est la raison pour laquelle nous proposons ce groupe de travail. Enfin, monsieur le secrétaire d’État, de nombreuses questions se posent au sujet des bourses relevant des programmes 151 et 185. De nombreux collègues souhaitent que le Gouvernement se saisisse de ce sujet, que ce soit à propos de la baisse des moyens de Campus France ou de ceux de l’AEFE. Le rapport Cordery sur les frais de scolarité à l’étranger nous l’a signifié avec force. Concernant Campus France, je rappelle que la demande d’accès des étudiants étrangers à nos écoles et à nos universités reste très forte. Les arguments que j’ai présentés au sujet de la coopération
  • 22. 21 militaire sont également valables en la matière, et revêtent même encore plus d’acuité concernant ces jeunes qui veulent faire leurs études au sein de notre réseau éducatif international. L’éducation est la première pierre du développement et la France est connue dans le monde pour ses intellectuels, ses chercheurs. C’est un atout, un facteur de compétitivité que l’on perçoit comme tel quand on est à l’étranger mais que l’on considère parfois comme une charge sur le sol national. Les statistiques nous donnent pourtant raison, puisque que nous sommes passés, entre 2012 et 2014, de 86 400 à 94 500 visas étudiants. Monsieur le secrétaire d’État, dans un monde instable, où les tensions ne cessent de grandir, la diplomatie n’est pas un luxe, contrairement à ce que certains pensent. La diplomatie est au cœur de l’action de l’État. Elle s’ingénie à faire primer la raison sur la force, la réflexion sur l’obscurantisme. Elle cherche à rendre possible ce qui est parfois infaisable. Pour cela, nous avons besoin d’une diplomatie qui joue toutes les notes de la partition : coopération universitaire, rayonnement culturel, coopération militaire, sécurité de nos sites, négociations internationales. C’est précisément ce que permet ce budget, et c’est la raison pour laquelle le groupe SRC le votera.
  • 23. 22 Accord de coopération avec les Etats-Unis en matière d’enquêtes judiciaires 28 janvier 2016 Discussion générale Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la chute du mur de Berlin a été interprétée par beaucoup comme l’annonce d’un monde sans peur, sans conflit majeur, d’un monde sans mort guerrière. La fin de la guerre froide et du risque de destruction nucléaire ouvrait une période d’optimisme. Hélas, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que tous ces espoirs soient douchés, la guerre froide ayant rapidement été balayée par une guerre fourbe. Quinze ans, voici maintenant quinze ans que le terrorisme pèse sur le cours de nos vies. Le 11 septembre 2001 a ouvert une nouvelle ère : une ère d’inquiétude et de méfiance ; une ère de combat entre des États et des groupes non-étatiques. Des groupes qui rebattent les cartes du monopole de la violence et provoquent une situation de conflit asymétrique, face à laquelle les États sont fortement déstabilisés. Des groupes qui se revendiquent de l’islamisme radical et qui frappent aveuglément – des civils, de préférence – en jouant sur la terreur diffuse pour mieux atteindre la solidité des États, voire leurs fondements démocratiques. Les bombardements répondent aux attentats. Les guerres de conquêtes disparaissent, au profit du choc du terrorisme, amplifié par les chaînes d’information en continu, internet et la globalisation. Tout va plus vite, les distances s’estompent. La peur et la violence s’affranchissent des barrières. Ces groupes se jouent des frontières, ils se dissimulent et circulent parmi les sociétés civiles, et ils sont même parvenus à créer une menace interne, en recrutant directement sur les territoires qu’ils visent. Des groupes agiles et meurtriers : c’est de cela qu’il est question dans ce texte. Le terrorisme se nourrit de la criminalité grave – pour reprendre le titre de ce projet de loi – car, au nom de sa cause, certains sont prêts à s’allier aux trafiquants d’êtres humains, de drogues, d’armes, pour assouvir financièrement et matériellement leur volonté de destruction et leur quête de puissance, comme nous l’avons amèrement constaté au Mali. Ces convergences mondiales, qui se nourrissent, s’enrichissent, et gangrènent une grande partie du monde, c’est aussi de cela qu’il est question dans cet accord franco-américain. Car, sur les deux rives de l’Atlantique, malgré nos différences, et même nos divergences, parfois, nous œuvrons ensemble contre cette menace globale. Frappés sur leur sol – une première depuis Pearl Harbor – les Américains ont réagi avec force, peut- être même avec excès, en Irak, mais aussi en interne, avec le Patriot Act. Ces décisions d’utiliser la force militaire et l’autorité, avant le pouvoir politique et diplomatique, ont infléchi le cours du monde pour l’Irak et ont rendu complexes les relations sécuritaires entre nos deux pays.
  • 24. 23 Frappée à son tour, en cette sinistre année 2015, la France a elle aussi une réaction forte, puissante, qui l’amène à mener la guerre au Proche-Orient, comme au Sahel, et à proposer des mesures faisant débat dans notre pays. Car nous ne sommes pas n’importe quel pays. Nous sommes la France, la terre non seulement de la liberté mais aussi de l’égalité, la terre qui veut que les hommes naissent libres et égaux en droits, et ce quelles que soient les menaces. Cette proclamation n’est pas que sémantique. Elle est consubstantielle au pays. Elle doit s’exprimer dans nos textes comme dans nos accords internationaux, avec encore plus de force quand nous sommes dans l’adversité, car la farouche défense de nos valeurs et de nos droits est la meilleure protection contre ces agressions. C’est ce prisme de lecture que nous avons utilisé pour l’approbation de cet accord international. En effet faut-il, face à un tel accord, au nom de la lutte contre le terrorisme, mettre en péril nos libertés ? Non, à l’évidence. C’est pourquoi cet accord a été travaillé en respectant un cadre strict qui ne met pas en danger les droits fondamentaux des citoyens américains et français, auquel cas nous, la France, n’aurions pu accepter de le signer. Le texte garantit, à toutes les étapes de la procédure, un contrôle judiciaire strict, qui s’inscrit dans le cadre des précédents accords de coopération policière et judiciaire passés entre nos deux pays. Ils garantissent un transfert de données selon la législation nationale de la partie requise, donnant à la France la possibilité de refuser de coopérer, par exemple, si le transfert de données peut conduire à une condamnation à la peine de mort aux États-Unis. Le processus, découpé en étapes, n’autorisera le transfert de données personnelles qu’après vérification de concordance des données dactyloscopiques ou génétiques. Des cas d’urgence pourront évidemment être envisagés mais le transfert direct de données personnelles, à caractère exceptionnel, sera également soumis à un cadre légal strict, ici filtré par l’UCLAT. Il est important de noter que la négociation a, de fait, beaucoup porté sur les exigences de la France relatives à la garantie de la protection des droits fondamentaux et aux libertés individuelles. Les États-Unis étant considérés comme un pays qui ne garantit pas suffisamment la vie privée et les droits fondamentaux des individus, l’appréciation du niveau de protection se fera au cas par cas. La France garantira ainsi la tenue d’un registre de données reçues ou transmises, permettant la traçabilité des échanges ainsi qu’un droit de recours et la possibilité de suspendre l’accord en cas de manquement aux obligations fixées. La France devra donc rester vigilante sur ce point, notamment sur la possibilité accordée de droit de recours à des ressortissants français. Cet accord, qui semble donc équilibré, et dont les conditions de la bonne application dans le respect des droits et libertés individuelles seront strictement encadrées par des accords signés auparavant, est d’autant plus important qu’il est nécessaire. En outre, compte tenu de la forte mobilité des groupes terroristes, nous devons prendre les mesures nécessaires à une meilleure coopération policière et judiciaire, afin de garantir la sécurité nationale de nos deux pays. C’est ce que nous avons fait au sein de l’Union européenne avec la création des agences Europol et Eurojust. Il ne s’agit pas, bien sûr, de considérer ici les Etats-Unis à la même
  • 25. 24 échelle que nos pays partenaires de l’espace Schengen. Néanmoins, les États-Unis sont un partenaire majeur et la facilité de circulation implique une révision de notre coopération afin d’assurer une plus grande sécurité à nos deux États. Renforçant une coopération ancienne, la France et les États-Unis répondent par cet accord à la nécessité de travailler ensemble contre ces réseaux de nature mafieuse que sont les groupes terroristes. C’est pourquoi, avec le groupe socialiste, je voterai ce texte non seulement au nom de la sécurité, mais, surtout, au nom de la garantie de nos libertés et des valeurs qui ont façonné la République et que nous continuerons de défendre.
  • 26. 25 Proposition de loi pour l’économie bleue Mardi 02 février 2016 Discussion générale Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France est un grand pays, mais un grand pays qui n’a jamais su conjuguer ses deux atouts : sa puissance continentale et son domaine maritime. Non seulement il n’a jamais su marier ces deux atouts, mais, bien souvent, ceux-ci se sont trouvés en opposition. D’autant qu’à chaque épisode de son histoire où la France a tourné son regard et orienté son appareil productif vers la mer, ce fut un échec. Et pourtant, que de potentiels ! C’est pour cette raison que je remercie notre rapporteur de son opiniâtreté : sans lui, nous n’aurions pas pu mettre en place cette première brique de l’édifice maritime européen et français. Au contact des plus grandes routes maritimes nous regardons, du haut de nos falaises bretonnes, passer des bateaux venus du monde entier : ils finissent généralement par accoster dans les ports anglais, belges, néerlandais ou allemands, bien plus rarement dans les ports français. Marginalisés en raison de l’absence de véritables ports de commerce de dimension mondiale, nous restons trop à l’écart des flux maritimes mondiaux actuels. A l’heure où des pans entiers de notre économie traditionnelle se fracassent devant la mondialisation – je pense bien sûr à notre agriculture, mais aussi à la pêche – et face au progrès technique et numérique – je pense aux transports, aux taxis et à l’industrie –, nous devons chercher de nouveaux leviers de croissance. Or la mer offre un champ de développement économique qui reste encore sous-exploité. Tout nous invite à investir dans cet espace infini : énergies marines, ressources halieutiques, transports, biotechnologies bleues, bioressources, aquaculture, algoculture, pisciculture, et j’en oublie. Face à ce panel d’activités, la mer ne peut pas, et ne doit pas être qu’un simple lieu de villégiature pour touristes et pour vacanciers. Elle est l’avenir économique, social et écologique de notre pays dont la géographie et le destin sont intimement liés à la mer. Je me félicite qu’en optant pour la procédure accélérée, le Gouvernement ait saisi tout l’enjeu de cette proposition de loi qui, au-delà des mesures de simplification et de modernisation de l’ensemble du dispositif législatif encadrant les activités maritimes, réoriente la stratégie de l’État, quasi exclusivement terrienne jusqu’à présent, vers des dynamiques économiques tournées vers la mer.
  • 27. 26 Ce sont ces dynamiques que nous devons construire. Je prendrai simplement deux exemples pour illustrer la nécessité pour l’État de concentrer ses efforts sur le développement des activités maritimes. Le premier concerne la création d’une filière française de gaz naturel liquéfié – qu’on appelle aussi GNL – dans le secteur du transport maritime. Bien que le fioul lourd et le gazole aient atteint des niveaux de prix très bas ces derniers mois, la fin des réserves de pétrole dans quelques décennies n’est pas une lubie. Et les effets favorables, à court terme, de cette chute des cours ne doivent pas nous détourner des enjeux énergétiques et écologiques de long terme. Au contraire, elle doit nous inciter à investir rapidement dans les énergies d’avenir pour le transport maritime, comme le GNL. Car si nous réussissons, grâce à ce choix de propulsion, cette mutation technologique, nous bénéficierons alors d’un avantage comparable au leadership que nous avons acquis avec Airbus. Je m’explique. Le GNL, un temps exploré en France par la compagnie bretonne Brittany Ferries, et le chantier naval STX France, en vue de construire un ferry fonctionnant uniquement au GNL, est considéré comme le carburant d’avenir du transport maritime. Il représente en effet 30 % des échanges gaziers mondiaux, et progresse de 7 % par an. C’est surtout l’archétype du carburant « vert » pour le transport maritime. Pour quelles raisons ? D’abord parce qu’il élimine les émissions de soufre et d’oxyde d’azote et réduit les émissions de CO2 d’environ 20 %. Ensuite parce que son efficacité aussi bien énergétique qu’écologique est très bonne. Il nécessite néanmoins des équipements et des technologies adaptés tant sur les navires que dans les ports. Des savoir-faire uniques et d’importantes infrastructures en termes d’approvisionnement, de stockage, de construction navale sont ainsi nécessaires pour répondre à cet enjeu écologique majeur. Dans ce domaine, si nous voulons peu à peu nous extraire de notre dépendance technologique en matière de construction navale – notamment vis-à-vis des pays du nord de l’Europe, aujourd’hui plus compétitifs que nous – ainsi que de notre dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de pétrole, il nous faudra soutenir massivement l’ensemble des maillons de la chaîne du transport maritime pour construire cette filière : ports, entreprises gazières et industries de construction navale. Cette proposition de loi, qui renforce l’attractivité et la compétitivité de nos grands ports maritimes, de nos armateurs et de nos chantiers navals, doit éclairer le Gouvernement et permettre à nos entreprises d’être soutenues dans la création de cette filière GNL en France. Elle constituera un avantage décisif pour nos ports, tout autant qu’un élément de d’attractivité et de compétitivité, pour prendre des termes à la mode. Mon deuxième exemple a trait aux biotechnologies marines. Bien que notre situation géographique aurait dû nous conduire, depuis des années, à développer l’ensemble des potentiels maritimes, la place de ces biotechnologies n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Pourquoi ? Parce que nous n’en
  • 28. 27 sommes qu’à la préhistoire de la découverte de nouvelles molécules et de nouvelles bactéries. Parce que les domaines d’application sont multiples : dans la santé, les industries agro-alimentaires, la cosmétique ou le remplacement de produits chimiques. Tout cela est devant nous. Mais je profite de cette proposition de loi pour attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés de ce secteur : difficultés à grandir, à prospérer comme à trouver des partenaires, à lever des fonds ou à accéder à la mer. Ce texte sera également l’occasion de lever ces blocages. À cette fin, nous avons déposé avec Jean-Luc Bleunven des amendements pour faciliter le pompage de la mer et l’algoculture. En effet, les nombreux pôles de compétitivité qui existent en France, en Île-de-France, à Lille, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Bretagne n’offrent pas à la France une place compétitive. Il faut se le dire. Ni les outils de financement d’ailleurs, comme le Programme d’investissements d’avenir, le PIA, ou la Banque publique d’investissement, la BPI qui, de ce point de vue, ne donnent pas satisfaction : nous devons passer la vitesse supérieure. À l’heure où certains veulent rétrécir l’image de la France à un pays étriqué, recroquevillé sur ses frontières et peureux. À l’heure où certains voient l’ouverture comme une menace, l’autre comme un ennemi et l’échange comme une contrainte, la mer peut nous réconcilier avec nous-mêmes. Elle nous force à travailler avec les autres. Elle oblige à la réflexion. Elle propose un avenir : mais c’est à nous de le conquérir.
  • 29. 28 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT Filière avicole 27 novembre 2013 M. Gwenegan Bui. Ma question s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Le 1er juin 2012, le groupe Doux, géant de la volaille, était placé en redressement judiciaire, entraînant avec lui près de 3 500 salariés dans la tourmente. Les mois suivants, plus d’un millier d’emplois étaient supprimés à travers toute la France, dans le Finistère, dans le Morbihan, dans le Vaucluse et jusque dans le Pas-de-Calais, à Graincourt. Le 18 juillet dernier, la Commission européenne décidait de supprimer les aides à l’exportation de la volaille française, après les avoir déjà diminuées de 50 % en octobre 2012. C’était le coup de grâce : l’ensemble du modèle économique de la filière s’effondrait. Conséquence immédiate : le groupe Tilly-Sabco, à son tour, se déclarait en difficulté. Au total, la fin des restitutions européennes allait supprimer près de 5 000 emplois d’ouvriers et d’éleveurs dans la région. Si cela était annoncé il y sept ans, cela aurait dû être planifié dans le temps, pour permettre aux mutations de la filière de s’opérer sereinement. Mais rien n’a été fait. C’est votre gouvernement qui a dû se battre dans l’urgence pour préserver la filière et les emplois concernés. Vendredi, nous étions à Bruxelles, mon collègue Richard Ferrand et moi-même, pour accompagner le ministre Stéphane Le Foll, les dirigeants de Doux et de Tilly-Sabco, ainsi que les représentants de la filière, pour rencontrer le commissaire européen chargé de l’agriculture. Cette rencontre a été décisive et permet de redonner espoir. Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer, devant la représentation nationale, les avancées significatives qui en sont ressorties et préciser concrètement les modalités d’accès aux financements en question ? L’annonce a certes apaisé les craintes et les doutes dans nos territoires. L’urgence est maintenant de dire aux destinataires de ces aides quand, comment, combien et par quel canal ils peuvent y accéder.
  • 30. 29 M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Je veux d’abord excuser l’absence du ministre de l’agriculture qui est en déplacement à l’étranger. Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui témoigne de votre engagement inlassable sur ce dossier. D’abord, il nous faut collectivement saluer les grandes avancées qui ont été obtenues vendredi dernier par Stéphane Le Foll, qui était en effet accompagné par vous, monsieur Bui, par M. Ferrand et par des représentants de l’ensemble de la filière avicole. Vendredi dernier, nous avons fait bouger les lignes pour conforter une filière, la filière avicole grand export, qui compte des milliers d’emplois, principalement en Bretagne. Je veux le dire ici très simplement, oui, cette filière a un avenir. Vous l’avez dit dans votre question, monsieur Bui, le secteur a été fragilisé par la décision brutale de la Commission de mettre fin aux restitutions sur l’ensemble de la filière grand export. Le Gouvernement a d’abord traité l’urgence et nous avons, au mois de septembre dernier, débloqué 15 millions d’euros pour les éleveurs et pour les abattoirs. Mais nous sommes allés plus loin. Vendredi dernier, nous avons obtenu du concret à Bruxelles : d’abord, un programme de promotion de nos produits pour les entreprises Doux et Tilly-Sabco ; ensuite, la possibilité de créer un fonds de stabilisation pour le revenu des éleveurs, afin de contrer la volatilité des prix sur les marchés internationaux ; enfin, une enveloppe exceptionnelle de 15 millions d’euros pour améliorer la qualité de nos produits. Nous avons agi pour consolider le plan de continuation de Doux et nous travaillons à un nouveau modèle de développement qui concilie qualité, compétitivité et emploi dans l’ensemble de la filière grand export.
  • 31. 30 Inondations et intempéries Mardi 11 février M. Gwenegan Bui. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Inondations à Morlaix, Redon, Pontivy, Quimperlé, Châteaulin, à La Londe-les-Maures dans le Var, ou encore à Bayonne, tempêtes sur l’île de Sein, à Locquirec et à Anglet : le littoral français est confronté depuis maintenant plus d’un mois à des dégâts considérables, consécutifs à des intempéries exceptionnelles. Monsieur le ministre, au cœur de ces tempêtes, aucun service n’a failli. Vous le savez, mais c’est mieux de le répéter ici. Ils n’ont pas failli quand il a fallu assurer la sécurité des biens et des personnes ; pas failli quand il a fallu se mobiliser à toute heure du jour et de la nuit ; pas failli quand les tensions et les risques étaient à leur maximum. Les agents du service public, souvent pointés du doigt, considérés comme des charges par certains bien-pensants, ont remarquablement rempli leur mission ; ils ont servi et protégé, et je tiens à leur rendre hommage. Ces sinistres portent de grands coups au moral des habitants, au chiffre d’affaires des commerçants et à notre économie. Pour certains, c’est la troisième inondation en un mois et demi. Les dégâts matériels sont lourds aussi pour les collectivités locales confrontées à des problèmes de sécurisation de sites, de voirie, d’ouvrages d’art détruits, que les assurances ne rembourseront pas intégralement. Bien sûr, les inondations et les tempêtes ne sont pas toujours prévisibles, car la nature ne se régule pas par décret. Mais il faut tout faire pour éviter ce genre de catastrophe. Dans certains territoires, comme à Morlaix, les études, nombreuses, s’empilent depuis 2004 : beaucoup de pages et peu de faits. Certaines solutions sont connues, mais elles n’ont pas été financées par le passé. Et ceux qui crient fort aujourd’hui ont souvent la mémoire bien courte. L’urgence après la crise est de ne pas laisser filer le temps. Au contraire. Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il mettre en œuvre ces études qui n’ont que trop tardé ? Quelles mesures compte-t-il prendre pour aller plus vite en matière de réparations ? M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, notre pays fait face à un épisode d’intempéries et d’inondations peu commun par l’ampleur du territoire concerné, par le nombre de nos compatriotes touchés et par sa durée. Comme vous, je veux saluer la mobilisation des sapeurs- pompiers, des forces de l’ordre, des préfectures, des élus, des agents des collectivités territoriales et des opérateurs de service public en Bretagne, mais plus particulièrement sur la côte atlantique, par ailleurs touchée par une pollution d’origine indéterminée. Je n’oublie pas le Var et la Corse, qui ont affronté un nouvel épisode de pluies intenses encore hier. Je veux préciser que Philippe Martin est
  • 32. 31 présent sur le terrain depuis quarante-huit heures, auprès des populations concernées. Je comprends aussi la lassitude et la fatigue psychologique que peuvent ressentir les sinistrés. Nous avons fait en sorte que l’état de catastrophe naturelle soit déclaré le plus rapidement possible, comme s’y était engagé le Premier ministre. Beaucoup de communes bretonnes en ont déjà bénéficié au cours du mois passé. La liste de ces communes sera actualisée sous quinze jours. Plusieurs missions ont débuté leurs travaux en Bretagne pour tirer tous les enseignements de la gestion de ces inondations, de l’alerte aux crues, sans doute perfectible – vous avez raison –, notamment à Morlaix, à leur prévention dans le Var et dans les Alpes-Maritimes pour chiffrer les dégâts aux équipements des collectivités territoriales. Nous devons aller encore plus loin. Les collectivités doivent être pleinement impliquées dans la prévention. C’est l’objet de la nouvelle compétence en matière de prévention des inondations introduite dans la loi sur les métropoles. Bien sûr, il faudra faire vivre cette compétence et l’articuler avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondations élaborée avec mes collègues Cécile Duflot et Philippe Martin, et qui sera définitivement adoptée dans les semaines à venir. Nous sommes auprès des populations et nous tirons les conséquences de ces épisodes pour être davantage efficaces.
  • 33. 32 Avenir des ex-salariés de l’entreprise Tilly Sabco 2 décembre 2014 M. Gwenegan Bui Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. À la suite des fermetures de l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau et de son siège social à Saint-Martin- des-Champs, ce sont près de 790 salariés qui ont été licenciés dans le pays de Morlaix. À ce jour, la moitié d’entre eux ont trouvé une solution durable : 107 sont en CDI, 73 en CDD de longue durée, c’est-à-dire supérieur à six mois, et 131 en formation diplômante. Restent 350 salariés qui, aujourd’hui, soit disposent d’un CDD d’une durée inférieure à six mois, soit n’ont trouvé aucune solution : c’est un chiffre considérable pour un territoire comme le nôtre. Mis en œuvre par le Gouvernement, le CSP, le contrat de sécurisation professionnelle, qui assure 97 % du salaire sur un an, a pris fin en novembre dernier pour la majorité des ex-salariés, lesquels relèvent désormais du régime de droit commun, et se trouvent donc dans une situation d’urgence. Or un nouveau drame social touche aujourd’hui ce territoire. Placée en liquidation judiciaire le 30 septembre, l’entreprise Tilly Sabco, basée à Guerlesquin et spécialisée dans l’abattage de poulets destinés à l’exportation, emploie 320 salariés et représente 1 000 emplois directs. Cette liquidation est la conséquence de la décision de la Commission européenne de stopper, du jour au lendemain, les restitutions à l’exportation. Quatre offres de reprises ont été déposées auprès du tribunal de commerce de Brest, qui doit rendre son avis dans les jours à venir. Aucune ne permettra de préserver tous les emplois sur le site ; même si certaines semblent apporter plus de garanties, et malgré les efforts consentis par l’ensemble des acteurs, nous savons que les pertes d’emploi seront importantes. Entre 100 et 300 salariés risquent de se retrouver au chômage, dans un territoire déjà en difficulté et, surtout, dans des conditions bien différentes de celles des anciens de Gad, car ils ne bénéficieront ni de l’appui d’un groupe, ni d’une réserve financière suffisante de l’entreprise pour permettre un plan de sauvegarde de l’emploi digne de ce nom. Vu l’inquiétude qui règne, je souhaiterais interroger le Gouvernement sur plusieurs points. Quels sont les dispositifs qui pourraient être mobilisés afin de préserver un maximum d’emplois ? La portabilité de la mutuelle des salariés sera-t-elle sécurisée ? Quelles mesures d’anticipation et de recherche engager pour assurer le reclassement des salariés qui seront licenciés, de manière à ne pas perdre une journée dans cette course contre la montre ? Monsieur le secrétaire d’État, je vous serais reconnaissant de me faire savoir quelles réponses le Gouvernement pense pouvoir apporter sur ces différents points, afin de proposer aux salariés licenciés – et au territoire – le meilleur accompagnement possible.
  • 34. 33 M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, je vous prie d’excuser l’absence de François Rebsamen, retenu avec les partenaires sociaux. Le délibéré du tribunal de commerce sur le projet de reprise de Tilly Sabco devrait être communiqué le vendredi 5 décembre ; nous espérons que l’offre qui regroupe MS Foods, acteur anglais de la filière volaille, Breizh Algae Invest, société bretonne d’investissement pour le développement de la filière algue, et la Chambre de commerce et d’industrie de Morlaix pourra être retenue. Ce projet permettrait en effet de préserver 202 emplois sur les 322 que compte l’entreprise, et de maintenir l’outil industriel en activité. Rappelons que, depuis la suppression des aides européennes à l’exportation en 2013, le Gouvernement a multiplié les efforts pour accompagner les opérateurs. S’agissant de Tilly Sabco, les services de l’État et les collectivités locales sont mobilisés depuis plus d’un an afin de faciliter les relations entre l’entreprise et ses fournisseurs et clients, permettre le maintien de l’emploi via l’octroi de l’activité partielle, et susciter et consolider les offres de reprise. Dans le cadre de la reprise, afin de permettre le maintien immédiat des 202 emplois prévu par le projet des repreneurs, l’État et la région mobiliseront au besoin des dispositifs tels que l’activité partielle et les formations à destination des salariés, le temps que l’outil industriel, très ralenti depuis plusieurs mois, retrouve un niveau d’activité suffisant. Enfin, s’agissant des salariés qui ne seraient pas repris, le Gouvernement se mobilisera également pour qu’ils puissent bénéficier du meilleur accompagnement possible dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Des conseillers spécialisés apporteront un accompagnement individualisé à chacun d’entre eux, afin de les aider à retrouver un emploi. Ils bénéficieront également du contrat de sécurisation professionnelle, qui leur permettra de voir leur rémunération maintenue pendant douze mois et de bénéficier d’un accès facilité à la formation. Le Gouvernement est pleinement conscient que ce territoire a subi un choc important avec la fermeture de Gad. Sachez que le ministre du travail suit la situation de très près, et que la mobilisation des pouvoirs publics en faveur des ex-salariés de Gad en cours de recherche d’emploi et de ceux de Tilly Sabco est totale. M. Gwenegan Bui. Je voudrais saluer l’effort continu et l’engagement permanent du Gouvernement pour sauver Tilly Sabco et Doux ; son action a été essentielle et déterminante pour préserver l’emploi dans le secteur. Je tiens à souligner que la portabilité de la mutuelle pour les salariés qui seront licenciés est une question essentielle. C’est un engagement que nous avions pris, et qui devra devenir une réalité. Un point dont nous n’avons pas débattu, en revanche, est le soutien à apporter aux agriculteurs afin que ceux-ci puissent relancer une dynamique, retrouver la confiance et, surtout, s’intégrer au projet présenté par le groupe MS Foods, l’entreprise Breizh Algae Invest et la Chambre de commerce et d’industrie, visant à un changement de modèle dans la filière poulet-export : d’après mes
  • 35. 34 informations, les poulets seraient désormais élevés sans antibiotiques, ce qui nous permettrait de faire la preuve de notre capacité à produire de la valeur ajoutée – mais la réussite d’un tel pari suppose un effort de formation et de sensibilisation des agriculteurs.
  • 36. 35 Filière porcine 17 juin 2015 M. Gwenegan Bui. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis 2007, le secteur porcin est en crise chronique. Une production en baisse, des éleveurs moins nombreux, des prix peu rémunérateurs, des investissements trop faibles, une interprofession anémique, un cadran fragilisé, des coopératives et des groupements de plus en plus éloignés de leurs coopérants, ce sont autant de symptômes qui caractérisent les difficultés économiques que connaît actuellement la filière. Représentant 58 % de la production nationale, la Bretagne n’échappe pas à cette crise. La tension est de plus en forte dans les campagnes. Et je ne reviens pas sur la fermeture de l’abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau, avec ses 900 salariés licenciés, qui est la traduction la plus brutale et la plus visible du marasme et de la schizophrénie dans lequel est plongée cette filière. Pourtant, depuis 2012, de nombreux efforts ont été consentis par les pouvoir publics afin de restructurer la filière, à commencer par vos mesures, monsieur le ministre, qui ont permis l’allégement des procédures administratives, longtemps réclamé par les agriculteurs, la diminution, voire l’exonération dans certains cas, des cotisations patronales, ou encore la mise en place d’un plan de compétitivité ambitieux visant à moderniser les élevages. L’arrêté que vous avez pris vendredi dernier, qui encadre les promotions et qui renforce les sanctions contre les pratiques commerciales abusives, constitue également une vraie avancée et un outil de régulation. Malheureusement, ces dispositions fortes, qui s’inscrivent à moyen et long terme, ne suffisent pas à régler les difficultés immédiates de la filière. Elles ne suffisent pas, car la profession elle-même doit se réformer si elle veut affronter la concurrence européenne. C’était le sens du pacte d’avenir de la filière porcine que vous avez lancé en avril 2013 et dont l’objectif était simple : recréer une dynamique collective et coordonnée de la filière permettant de dégager une solidarité entre les différents maillons qui la composent. Force est de constater que cet effort n’a pas été fait. Monsieur le ministre, face à la détresse des producteurs porcins français, pouvez-vous nous rappeler les mesures structurelles que vous venez de prendre, mais aussi nous faire savoir quels sont les engagements, les réformes et les garanties que l’interprofession est prête à prendre pour relever ce défi ? M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué la crise de la filière porcine dans une région qui représente 58 % de la production. Cette crise s’accompagne d’une crise de la filière bovine – ce sera l’objet d’une réunion cet après-midi. S’agissant de la filière porcine, comme je l’ai dit lors de l’assemblée générale des producteurs de porcs à Ploërmel la semaine dernière, des mesures conjoncturelles sont d’abord nécessaires, c’est-à-dire un engagement de tous les acteurs à faire remonter le prix, aujourd’hui trop bas, pour pérenniser l’activité porcine en Bretagne et ailleurs, car 15 % des exploitations sont de ce fait à la limite du dépôt de bilan.
  • 37. 36 Ensuite, vous l’avez très bien dit, il est nécessaire de penser à des mesures structurelles de moyen et de long terme d’organisation de la filière. Nous ne pouvons plus considérer que cette filière doit être divisée entre la production porcine elle-même, la transformation et la distribution. Il faut mieux coordonner les enjeux de l’activité commerciale – les conditions, en particulier la mention « viande porcine française » – avec l’objectif des producteurs et de la production. C’est pourquoi nous nous sommes engagés, avec la profession, à établir un pacte porcin qui devra déboucher sur des perspectives nouvelles, notamment sur la contractualisation. J’ai également demandé à l’interprofession, qui se réunit aujourd’hui, de me faire une proposition sur ce qu’on appelle les prix des produits à la découpe, qui, pour l’heure, diffèrent fortement et conduisent parfois à des ventes à perte par rapport au coût de revient. Cette proposition devrait être faite aujourd’hui. Sur cette base, je prendrai un arrêté. S’il n’y a pas de proposition, je prendrai quand même un arrêté, comme je l’ai fait pour l’encadrement des promotions commerciales. Nous essayons, vous l’avez très bien dit, de réorganiser l’ensemble de cette filière. Cela vaut pour tous les échelons de la filière, en particulier pour la production, qui doit assumer une partie de cette organisation. On connaît trop bien ce qu’est la concurrence entre tous les acteurs, notamment dans le domaine de la production. Ils doivent maintenant travailler ensemble.