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-Congrès portuaire 1 & 2 Décembre 2017 à Sète
« Pour des ports méditerranéens efficients et créateurs de valeur »
Dr. Ouail OULMAKKI*
Résumé :
Le 1er et 2 décembre 2017 s’est déroulé à Sète, au sein du Parlement de la Mer le premier congrès
portuaire organisé par l’European Logistics Mediterranean Association ELMED. La conférence de
cette année s’articulait autour de trois thématiques interdépendantes en lien avec l’économie
maritime et portuaire en Méditerranée à savoir : la coopération, l’efficience et la valeur ajoutée au
sein des écosystèmes portuaires. Une rencontre au croisement entre le monde professionnel et
universitaire. Ce colloque a mobilisé d’une part, des experts, consultants, chargés de projets et des
chercheurs, et d’autre part, des industriels et des chargeurs venus échanger sur leurs expériences,
innovations tout en exprimant leurs besoins en terme d’offre logistique portuaire. Quatre pays
ont participé à cet évènement international dont la France, l’Italie, l’Espagne, la Turquie et le
Maroc et ayant rassemblé plus de 80 participants.
Mots clés : Méditerranée - Afrique - Coopération portuaire - Efficience logistique- Intermodalité -
Valeur ajoutée - Fluidité des flux - Création de valeur - Filières stratégiques
*Directeur des Programmes de Formation ELMED
Contact : oulmakkio@yahoo.fr
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Les actes du colloque
La Méditerranée est un espace maritime au croisement des flux du commerce
international, au cœur de globalisation des échanges sur la route maritime vers l’Europe.
Cette route maritime enregistre le passage de près de 100.000 navires par an, dont 20%
sont des porte-conteneurs. Entre polarisation des flux, et concentration spatiale autour
de certains hubs, la Méditerranée suscite plus que jamais l’intérêt des armateurs à la
recherche de plus de massification et d’économies d’échelle. Une course vers le
gigantisme maritime qui amène les ports de la Méditerranée à adapter leurs stratégies
vers de nouveaux modes de gouvernance et de coopération.
Source : BOURDIN. S, Conférence ELMED 2017
Néanmoins, ce constat masque une réalité beaucoup plus complexe, celle de l’asymétrie
dans la structure des flux maritimes entre les deux rives de la Méditerranée. L’Union
Européenne représente la grande part du trafic des pays Sud et Est méditerranéens, alors
que ces derniers ne contribuent que marginalement aux flux maritimes à destination de
l’Europe. Plus encore, le trafic entre les pays Sud méditerranéens ne dépasse pas 1% du
trafic total, ce qui signifie l’absence de corridors régionaux de transport maritime et la
faible intégration de cet espace économique. De ce point de vue, le trafic portuaire en
Méditerranée illustre l’asymétrie traditionnelle caractéristique des relations Nord-Sud.
Ainsi, les ports du Sud et Est méditerranéens captent seulement 30% du trafic contre 70%
pour les ports de la rive Nord.
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Afin d’apporter des éléments de réponse sur la question de l’intégration Nord-Sud
notamment en lien avec l’Afrique, Y. Alix, Délégué Général de la Fondation SEFACIL a
présenté dans une vision stratégique et prospective les évolutions récentes de l’industrie
maritime en Afrique (Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord) en lien avec les besoins
exprimés par les acteurs portuaires régionaux. Par exemple, le port de Sète souhaite
explorer le potentiel en terme de flux maritimes en Afrique à la fois pour les flux de
conteneurs, mais également pour les filières de l’agro-business par exemple. En ce sens,
la connaissance des spécificités des territoires africains demeure une variable clé pour
pouvoir réussir des projets de coopération et de mise en place de nouveaux corridors de
transport entre les ports de la Méditerranée et ceux de l’Afrique (Alix 2017).
En matière d’activité conteneurs, P&O ports ayant pris en charge le développement de
l’activité conteneurs a présenté les atouts géographiques et logistiques du port de Sète. Le
quai en eaux profondes inauguré cette année d’une longueur de 467 mètres représente
un des atouts majeurs permettant au ports de capter de nouveaux trafics en provenance
de l’Est de la Méditerranée, mais également du Sud notamment avec le Maroc. Selon P&O
un port attractif est celui qui est capable de communiquer sur ses projets stratégiques de
développement, d’agir sur la fléxi-adaptabilité de son offre logistique et de surfer sur le
Big-Data et l’économie du numérique comme opportunités de créer le changement en
étant proactif dans sa démarche.
Ce congrès était également l’occasion de présenter certaines évolutions récentes dans les
modèles de coopération portuaire et de l’intermodalité avancée autour du bassin
méditerranéen. EKOL, une entreprise turque spécialisée dans le transport intermodal a
présenté son expérience actuelle avec le port de Sète grâce à une autoroute ferroviaire
reliant Izmir à Sète en 48 heures. Après transbordement, le fret est acheminé par voie
ferroviaire jusqu’à Paris. EKOL souhaite mettre en place de nouveaux corridors de
transport régional à courte distance en capitalisant sur son expérience actuelle avec le
port de Sète. Parmi les perspectives évoquées, l’ouverture sur la rive Sud, notamment le
Maroc via le port de Tanger-Med.
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Source : EKOL, Conférence ELMED 2017
En ce sens, le projet de l’Ecole Européenne du Short Sea Intitulé TransLogMed a permis
de prolonger le débat autour de la question des autoroutes de la mer dans une vision
globale déjà déployée dans certains espaces maritimes en Europe.
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Source : DIAZ. A, Conférence ELMED 2017
La nouveauté du projet TransLogMed réside d’une part, dans son offre logistique autour
d’un modèle logistique Door-to-Door dont le maillon maritime constitue le noyau central,
et d’autre part, dans l’échelle géographique visée à savoir les pays de la rive Sud de la
Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Jordanie) en lien avec les pays de l’Europe
Occidentale en particulier la France, l’Espagne et l’Italie. L’Ecole Européenne du Short Sea
pilote ce projet en collaboration avec des partenaires comme GNV, Grimaldi Lines, Port
de Barcelone, Port de Civitavecchia, Port de Gênes. Ce projet a été labélisé par l’Union pour
la Méditerranée (UpM) depuis Octobre 2017 et s’étend sur la période 2017-2021.
Des industriels comme le groupe italien Golden Lady ont présenté leur modèle de supply
chain privilégiant la route, tout en restant très ouvert sur un report modal vers le
maritime ou pour des schémas logistiques intermodaux comme ceux mis en place par
EKOL.
Ce congrès était également l’occasion de mettre en évidence l’importance stratégique et
le potentiel de développement de certaines filières comme les vracs solides et les vracs
liquides en Méditerranée de manière générale, et plus spécifiquement au sein des ports
de la région Occitanie à savoir le port de Sète, le port de Port Vendres et le port de Port la
Nouvelle. Les filières des matériaux de construction (ciment par exemple) représentent
des marchés stratégiques pour les ports de la Méditerranée, notamment ceux de la région
Occitanie en raison de la demande croissante en Europe.
DsG consulants, précise que certains ports régionaux ont besoin de plus d’investissment
en infrastructure physique, tandis que d’autres doivent focaliser sur la conception d’un
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nouveau modèle de gouvernance permettant de proposer des services innovants dans un
cadre logistique évolutif.
Le question du Green Shipping a été soulevée, car rappelons le, la Méditerranée enregistre
la passage de 30% du trafic mondial d’hydrocarbures. Les question de l’environnement et
de la protection des écosystèmes marins est primordiale dans ce débat.
La figue ci-dessous présente une vision stratégique de l’évolution de certaines filières :
Source : DsG Consultants, Conférence ELMED 2017
Par ailleurs, l’interopérabilité des ports demeure en effet, un enjeu déterminant de leur
efficience. Nathalie Fabbe-Costes (2017) précise que les ports doivent saisir l’opportunité
actuelle qu’offre les nouvelles technologies. Les smart networks autour de l’économie
digitale sont un cadre favorable à l’innovation et à l’émergence de nouvelles pratiques
grâce au partage de l’information et à la mise en réseau des acteurs eu sein de
l’écosystème portuaire.
En ce qui concerne la capacité d’un port à créer de la valeur ajoutée, Nathalie Fabbe-Costes
(2017) évoque le rôle du volontarisme stratégique à la fois dans la gouvernance, le
positionnement et l’agilité de l’offre logistique. En ce sens, les stratégies de différenciation
basées sur l’innovation ou la co-innovation organisationnelle et digitale représentent le
nouveau cadre d’analyse de la concurrence et permettront aux ports d’être proactifs.
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Source : Fabbe-Costes. N, Conférence ELMED 2017
Enfin, selon Y Alix, les nouveaux défis de la gestion portuaire placent les débats autour de
la question des modèles de gouvernance, leur flexibilité et leur capacité d’intégrer des
variables nouvelles comme l’environnement, la sécurité des données, etc...
En ce sens, Y Alix considère que le concept du smart port englobe des variables qui vont
au-delà du déploiement de nouvelles technologies. Le smart port est avant tout un état
d’esprit et une volonté globale d’induire le changement au sein de l’écosystème portuaire
en mobilisant certes, les nouvelles technologies, la digitalisation, l’économie du
numérique comme supports et non pas comme finalité.
Source : ALIX. Y, Conférence ELMED 2017
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Qu’en est-il à l’échelle mondiale ?
L’industrie maritime en Méditerranée connait des restructurations profondes qui
s’inscrivent dans une tendance mondiale dictée par deux éléments majeurs. D’une part, la
Chine devenue depuis 2013 la première puissance commerciale devant les Etats-Unis, et
d’autre part, le lancement d’une nouvelle stratégie économique autour du « made in China
2025 » calquée sur le modèle industriel Allemand de l’industrie 4.0. Ces éléments se sont
traduits au niveau des armements par l’accélération d’alliances stratégiques qualifiées
d’intégration horizontale, prenant la forme de fusion et d’acquisition. Depuis 2017, on ne
compte plus que trois alliances Est-Ouest : 2M, Ocean Alliance et The Alliance. Cosco
Shipping faisant partie d’Ocean Alliance est désormais présent en Méditerranée au port
du Pirée dans le cadre d’une stratégie de redéploiement de la Chine sur la route vers
l’Europe. Le même constat est observé en Afrique avec China Merchant au port de
Djibouti, au Sri Lanka ou encore au Pakistan. Cette course vers un gigantisme maritime
que traduisent ces alliances stratégiques agit directement sur les capacités des navires et
impose aux infrastructures portuaires une adaptation des investissements en vue de
rester connectés aux chaînes logistiques internationales.
Parallèlement à cette logique de concentration horizontale, les armateurs développent de
nouvelles stratégies d’intégration verticale en proposant des services de porte à porte. Les
armateurs développent de nouvelles fonctions logistiques en contrôlant à la fois la
manutention portuaire, mais en proposant aussi du transport terrestre massifié. Ils
localisant leurs centres de transbordement de conteneurs à l’intérieur du pays en vue de
fluidifier les trafics en l’organisant eux-mêmes.
En définitive, l’activité portuaire doit faire face à une visibilité réduite et une évolution
incertaine. Les ports de petite ou moyenne taille pourraient être amenés à jouer un rôle
majeur dans le commerce mondial sous l’impulsion des nouvelles stratégies chinoises à
la lumière des éléments évoqués ci-dessous. Les cycles de vie logistique seront de plus en
plus modulables c’est-à-dire nécessitant de part de tous les acteurs une fléxi-adaptabilité
des schémas logistique. Ce constat pose d’emblée la question de l’interopérabilité des
ports et de la compétition versus coopétition. Celle-ci constitue sans doute le nouveau
cadre d’analyse stratégique de l’évolution de l’industrie maritime au niveau mondial sans
omettre les considérations d’ordre géopolitique qui peuvent impacter la géographie des
flux du commerce international et des réseaux de transport qui y sont adossés.
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Les conférences sont disponibles en ligne sur : www.elmed-log.com
ALIX. Y., « L’industrie maritime en Afrique : approches stratégiques et prospectives », Fondation SEFACIL.
ALIX. Y., « Les nouveaux défis de la gestion portuaire », Fondation SEFACIL.
BOURDIN. S., « Polarisation du trafic de conteneurs en Méditerranée », Normandie Business School.
DIAZ ALONZO. A., « Le projet TransLogMed : les autoroutes de la mer en Méditerranée », Ecole Européenne
du Short Sea Shipping.
FABBE-COSTES. N., « Les enjeux de l’interopérabilité des ports vus comme des interfaces de connexion et
de création de valeur », CRET LOG, Université Aix-Marseille.
HAGEDOR. R., « Contrôle intégral de votre Supply Chain grâce à des connexions simples », Consumer Goods
Forum, Paris.
MAYER. S., VOLAND. A., « Le partenariat pour une offre adaptée et un meilleur accompagnement aux
changements », Kuenhe Nagel.
NOOTHOVEN. B., « Comment améliorer l’efficience portuaire », P&O Ports.
ROBERT. S., DOUTRES. S., « Evolution des principaux flux de vracs solides en Méditerranée et opportunités
pour les ports régionaux : focus sur les produits énergétiques, agro-alimentaires et matériaux de
construction », DsG Consultants.
SHARIKAHYA. T., « La coopération portuaire en Méditerranée ; l’expérience Sète-Izmir », Société EKOL.
Nous tenons à remercier tous nos partenaires et sponsors, nos conférenciers et nos participants
pour avoir assisté, animé et débattu lors de ces deux journées
-Nous remercions notre invité spécial, le Dr. Yann Alix Délégué Général de la Fondation SEFACIL,
partenaire de ce premier forum portuaire à Sète pour sa participation et ses deux conférences !
Remerciements :
L’auteur tiens à remercier Thierry Blayac, Professeur des Universités spécialiste en économie des transports.
Arnaud Rieutord, Directeur Commercial du port de Sète pour ses remarques et sa collaboration ainsi que
toute l’équipe ELMED.