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HISTOIRE DE LA MÉDECINE 51
Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1881)
J-M MOUTHON
Né le 16 Septembre 1796 à Bragette, sur la commune Il y rapporta « ses observations propres à démontrer la loi
de Garat, près d’Angoulême dans une famille peu fortunée, de coïncidence des inflammations du cœur avec le
J-B Bouillaud fréquenta le lycée. Surnommé « le petit rhumatisme articulaire, précédées d’une exposition
campagnard », il y enleva les premières places, obtenant historique des recherches statistiques de l’auteur sur cette
même le prix d’excellence en 1813. Il se rendit à Paris en matière ». C’est en comparant l’auscultation chez les
Janvier 1814, aidé par son oncle, Jean Bouillaud, mêmes malades avant et après la crise de rhumatisme
chirurgien major des Armées au 36e régiment de ligne, qui articulaire, qu’il nota « un fort bruit de râpe après,
avait été décoré par l’Empereur à Austerlitz. Il finança en comparable à celui d’une scie ou d’un soufflet, entendu
partie les études de son neveu. autrefois en cas d’induration chronique, de végétations des
valvules du cœur, avec rétrécissement d’un ou de plusieurs
Durant les Cent jours (mars-juin 1815), Jean-Baptiste orifices, auxquels ces valvules ou soupapes vivantes sont
s’enrôla dans le troisième régiment de hussards à Dôle. annexées ». Puis il ajouta : « Alors je me rappelai quelques
Licencié, il ne revint aux études médicales qu’en 1816, cas de maladie aigue du cœur, pendant le cours de laquelle
année où il fut reçu Externe et en 1818, Interne des j’avais entendu un bruit de souffle et de râpe, et
hôpitaux et hospices civils. En 1819-1820, il partagea avec poursuivant mes recherches avec cette persévérance sans
Gabriel Andral (1797-1870) le prix de l’Ecole pratique. Le laquelle on ne vient à bout de rien, je ne tardai pas à
23 Août 1823, il soutint sa thèse de doctorat à la faculté reconnaître qu’une véritable phlegmasie de la membrane
de médecine de Paris : « Essai sur le diagnostic des interne du cœur et spécialement les valvules sur lesquelles
anévrismes de l’aorte, et spécialement sur les signes que elle se replie, était la cause de ce singulier bruit de soufflet
fournit l’auscultation dans cette maladie ». En préambule il ou de râpe que j’avais été si surpris d’entendre chez les
cita une phrase de Corvisart : « Le but désirable, l’unique rhumatisants ». Il préconisa donc l’interrogatoire répété et
but même de la médecine pratique, doit être de s’efforcer à précis, qui lui fit retrouver d’autres crises antérieures de
reconnaître les maladies organiques à des signes certains, à rhumatisme articulaire. Le traitement préconisé reposait
des symptômes constants ». sur les saignées locales pour soulager la fièvre
rhumatismale, les cataplasmes, les vésicatoires (topiques
Dès 1824, Bouillaud participa à la rédaction du Traité destinés à provoquer le soulèvement de l’épiderme, à base
des maladies du cœur et des vaisseaux sous la direction du de cantharide), promenés sur les diverses articulations, et
professeur J.J. Bertin. Par la suite, il fit paraître plusieurs la compression modérée sur les zônes inflammatoires.
ouvrages importants : Bouillaud rapporta de très nombreuses observations.
• en 1825, un Traité clinique et physiologique de
l’encéphalite et ses suites, des Recherches cliniques Dans son « Traité pratique, théorique et statistique du
pour servir à l’histoire de la phlébite et des choléra-morbus de Paris, appuyé sur un grand nombre
Recherches sur la perte de la parole. d’observations recueillies à l’hôpital de la Pitié » (Paris,
• en 1826, un Traité clinique et expérimental des Baillière, 1832). Bouillaud qualifia cette épidémie de
fièvres essentielles dévastatrice, tant en Russie, Pologne, Autriche, Prusse et
• en 1832, année de l’épidémie, des remarques sur Angleterre qu’à Paris. Il publia un décompte statistique
« le choléra » à Paris dans le quartier de la Sorbonne (XIéme arrondissement de
l’époque) en insistant sur les rues de la Parcheminerie et
Surtout en 1840, il publia un Traité clinique du de la Huchette. Sur une population de 11.945 personnes
rhumatisme articulaire et de la loi de coïncidence des (5934 hommes et 6011 femmes), 719 furent atteintes et
inflammations du cœur avec cette maladie (Paris, Baillière). 228 en moururent en quelques semaines, touchant
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essentiellement les jeunes âgés de 26 à 30 ans, avec une neurologie, en soulignant l’influence des lésions des lobes
prédominance féminine. La cause et le mécanisme de antérieurs du cerveau sur la fonction du langage.
survenue de cette maladie restaient incompréhensibles et
la thérapeutique par antiphlogistiques peu efficace. Chevalier de la Légion d’honneur dès 1833, il parvint
jusqu’au grade de Commandeur dans l’Ordre Impérial. Il
C’est dire que les différentes études, recherches et fut aussi élu à deux reprises député de la Charente. Son
publications permirent à J-B Bouillaud de franchir les épouse décéda en 1870 et il renonça à sa chaire de
étapes de sa carrière hospitalière et d’enseignant à la Clinique en 1875, pour se retirer près d’Angoulême. Il
Faculté de médecine. Admis à l’Académie royale de mourut à Paris le 29 Octobre 1881.
médecine dès 1826, il fut reçu en 1831 à l’Agrégation
(épreuve en latin) et médecin au bureau central des Le 16 Mai 1885, fut inaugurée à Angoulême la statue
hôpitaux. Au début de la même année, il échoua au du professeur J-B Bouillaud. « La Santé publique » souligna
concours de la chaire de Physiologie, derrière Bérard, qui « la grande affluence de personnes, d’esprits d’élite des
obtint six voix sur les onze votants. Mais le 09 Août 1831, deux Charente » à cette cérémonie. Etaient présents
il a été nommé professeur à la chaire de Clinique Interne, notamment Vulpian, Cornil, Laboulbène, Potain, Henri
qui fut occupée par Corvisart et Laennec. En 1827 et 1830, Roger, Léon Labbé, ses élèves pour la plupart, ainsi que ses
il avait publié ses « Recherches cliniques et expérimentales trois filles, ses petits enfants et le Dr. Ernest Auburtin, son
sur les fonctions du cerveau ». gendre. Le professeur Vulpian, pour l’Institut (Académie
des Sciences), souligna « l’habileté du praticien,
La « Notice sur les titres et travaux de J-B Bouillaud », l’éloquence du professeur et le talent littéraire de
candidat élu à la place vacante dans la section de l’écrivain », tout en rappelant ses principales publications,
médecine et de chirurgie de l’Académie des Sciences en portant notamment sur les maladies cardiaques et
1868, a permis d’apprendre qu’il fut aussi membre du vasculaires. Le Professeur Laboulbène, délégué par la
conseil de l’Université. Le 02 Mars 1848, il fut installé Faculté de médecine de Paris, souligna « au lit des malades
doyen de la faculté de médecine de Paris succédant à sa ponctualité proverbiale, les voyant tous, même les moins
Orfila. L’examen de la gestion de son prédécesseur fut intéressants pour le sujet du cours après, à l’amphi, son
alors estimé « grave et irrégulier », ce qui entraîna des talent, sa sagesse et la science raisonnée, sachant douter et
dissensions et finalement la révocation de Bouillaud en attendre pour le diagnostic ». Il rappela que ses deux
1849, objet d’un mémoire qu’il adressa à l’Assemblée petits-fils furent reçus au concours du Conseil d’Etat, l’un
nationale et au ministre de l’Instruction publique. Il fut d’eux étant mort peu après. Au nom de l’Académie de
aussi ancien président de l’Académie impériale de médecine, J. Bergeron retraça la vie de Bouillaud, en
médecine, et président du premier Congrès médical insistant sur les énormes progrès qu’il accomplit pour la
international à Paris en 1867. connaissance des maladies de l’appareil cardio-
circulatoire, de la neurologie et du choléra. Par contre, on
En 1865, il rédigea une « Discussion sur l’organologie regrettait qu’il n’ait pas délaissé progressivement en
phrénologique en général et sur la localisation du langage thérapeutique les saignées et les antiphlogistiques. Il n’en
articulé en particulier ». Plus tard, furent publiées dans le resta pas moins une grande figure médicale parisienne et
bulletin de l’Académie des Sciences (t LXXXV, séances des française.
6 et 13 Août 1877) un texte de onze pages, rédigé par
Bouillaud : « Nouvelles considérations sur la localisation Sources
des centres cérébraux régulateurs des mouvements
coordonnés du langage articulé et du langage écrit ». Il y A la Bibliothèque interuniversitaire de médecine,
précisait : « parmi les nombreuses facultés distinctes et Paris, (bium)
spéciales dont se compose le riche trésor des facultés - Bouillaud J., Essai sur le diagnostic des anévrysmes de
motrices, sensitives, intellectuelles et volitives l’aorte et spécialement sur les signes que fournit
(volontaires), il en est trois dont seul l’homme possède le l’auscultation dans cette maladie, Paris, 1823, n°146
glorieux privilège… : la parole, la lecture et l’écriture ». A - Bouillaud J-B, Traité pratique, théorique et statistique
l’aide de deux observations cliniques, Bouillaud précisait la du choléra-morbus de Paris, Paris Baillière, 1832
localisation dans les lobes antérieurs, tout en soulignant - Bouillaud J-B, Traité clinique du rhumatisme
l’étroite alliance langage oral/ langage écrit. Après Gall, le articulaire et de la loi de coïncidence des
phrénologue et Broca qui a découvert le siège de l’aphasie, inflammations du cœur avec cette maladie, Paris,
Bouillaud apporta sa contribution à cette partie de la Baillière, 1840
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- Nouvelles considérations sur la localisation des centres la Faculté de médecine de Paris et à la gestion de M.
cérébraux régulateurs des mouvements coordonnés du Orfila, ancien doyen de la même faculté, Paris,
langage articulé et du langage écrit, par Mr Bouillaud, Baillière, 1849
Institut de France, Académie des sciences, t LXXXV, A la Bibliothèque de l’Académie de médecine
séances des 6 et 13 Août 1877, 11 p. - Lansac de, Encyclopédie biographique du XIXe siècle, 8e
- Inauguration de la statue de Mr le professeur J-B catégorie, 1ére partie, médecins célèbres, Paris, 1843
Bouillaud à Angoulême le 16 Mai 1885, Paris, Alcan- - Notice sur les titres et travaux de J-B Bouillaud, Paris,
Lévy, 1885 1868
- Bouillaud J-B, Mémoire sur les faits relatifs à la
révocation de M. Bouillaud des fonctions de doyen de J-M Mouthon
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