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    ANDRE TARDIEU


LA REVOLUTION A REFAIRE

             n

La profession

 arlementaire





      FLAMMARION
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR



                      Chez le meme éditeur:

LA RÉVOLUTION A REFAIRE:          tome I.    LE SOUVERAIN CAPTIF,
     1936, 45'   mille.
L NOTE DE SEMAL'lE, 1937, 12"         mille.
ALERTE AUX FRANÇAIS, 1936, 200'         mille.
SUR LA PEl'TE, Ig35, 52' mille.
LA RÉFORME DE L'ÉTAT, LES IDÉES MAÎTRESSES DB          « L'HEURI!
  DE LA DÉCISION ll, Ig34, Ise mille.
L'HEURE DE LA DÉCISION, Ig34, 2ge mille.
DEVANT LE PAYS, Ig32, I8e mille.
L'ÉPREUVE DU POUVOIR, Ig3I, 12 e          mille.


                      Chez d'autres éditeurs :

QUESTIONS DIPLOMATIQUES,       Félix Alcan, Paris 1904.
LA CONFÉRENOE D'ALGÉSIRAS,      troisième édition, Félix Alcan,
  Paris IglO.
LA    FRANCE     ET   LES ALLIANCES,   quatrième édition, Féla
     Alcan, Paris,    Iglo.
NOTES SUR LES ÉT.TS-UNIS, sixième édition,        Calmann-Lévy,
  Paris, 1917.
LE PRINCE DE BÜLOW, septième édition,              Calmann·Lévy,
  Paris, Ig31.
LE MYSTÈRE D'AGADIR,         tI:oisième édition, Calmann-Lévy,
  Paris, Ig12.
L'AMÉRIQUE EN ARMES, deuxième édition, E. Fasquelle,
   Paris, 1919.
LA PAIX, vingtième édition, Payot, Paris, Ig21.
THE TRUTII ABOUT THE TREATY (Bobbs-Merril), 30· mille.
SLESVIG PAA FREDSKONFERENCEN  (avec la collaboration de
  F. de Jessen), Copenhague, Ig26.
DEVANT L'OBSTACLE, vingtième édition, Emile-Paul, Paris,
  19 2 7.
FRANCE AND AIIIERICA,      Houghton Mifflin Co, 1927.
LE SLESVIG ET LA PAIX      (en collaboration avec F. de Jessen)
     Jules Meyn'ial, 1930.                                  ­
FRANCE IN DANGER,     Denis Archer, Londres,        1935.
ANDRÉ TARDIEU



 La Révolution à refaire

              Il




La profession

parlementaire





  ERNEST FLAMMARION, EDITEUR
Il a été tiré de cet ouvrage :

       vingt exemplaires lUI' papier du Japon

                   numérotél de 4 à 20,

soia:ante-'luinze exemplail'es lUI' papier de Hollande

                  numérotés de :U à 95,

      cent exemplaires lUI' papier vergé pur fil

                    Outhenin-Chalandl'e

                 numérotél de 96 à 495

  et lix cent loixante exemplaires sur papier al[a

                numérotés de 496 à 855.





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LA RÉVOLUTION A REFAIRE                           (1)




TOllE   1. - Le souveraIn captif. *

TOllE   II. - La professIon parlementaIre.           *

TOllE   III. -    Le sabotage des Intérêts généraux.

TOllE   IY. -     Le règne du matérIalisme.

TOME    V. -     Les Issues possibles.





                       TABLE DES MATIÈRES
                               DU TOME II


                               LE MÉTIER
CIIAPITRE PIIIlMIER. -    LA STRUCTURE DU MÉTIER.                   i3
1. Du mandat au métier. - Les caractères du man­
   dat (p. H). - L'évolution anglaise (p. i5). ­ L'évolution
   française (p. i6,. - Le sophisme de la représentation
   (p. D). - Les débuts du métier (p. i9). - La profession
   constituée (p. 20).
Il. Les cadres du métier. - La liberté d'accès (p. 23).
   - La ré éligibilité (p. 2'-). ­ Le cumul des mandat:; (p. 27).
   - La rétribution (p. 28). - Un métier solide (p. 30).
III. Statique et dynamique du métier. - L'obsession
   de la réélection (p. 33). - La non-représentation de l'in­
   térêt général (p. 34). - L'obsession de l'avancement
   (p. 35). - Le pugilat pour le pouvoir (p. 37). - Le fond
   des choses (p. 38).
CHAPITRE       II. -
                LA SUBSTANCE DU MÉTIER. . .                         40
1. L'intervention. -   Les origines lointaines de l'inter­
   vention (p. oU). - Comment on intervient (p. 44).
  (1) Les tomes parus sont marqu~ d'un astérisque.
6                     TABLE DES MATIÈRES

         L'ambassadeur-courtier (p. 4(5). - La mutuelle électo­
         rale (p. 4(6).
      IL La coalition. - Le nombre et la coalition (p. 4(7). ­
         Les coalitions d'autrefois (p. 49). -- La coalition contem­
         poraine (p. 51). - Coalition et métier (p. 53).
      III.	 La parole. - L'évolution de la parole publique (p. 55).
         - Le règne des robins (p. 58). - [Tne mauvaise prépara­
         tion (p. 59). - La tribune et les tribunes (p. 6i).

      COAPITRE   III. - LA TENDANCE DU MÉTIER • ••                     G3
      I.	 L'histoire du mouvement à gauche. - Le mouve­
       . ment à gauche avant	 1871 (p. 64). - Le mouvement à
         gauche depuis 187l.' (p. (6). - Les élections de gauche
         (p. 68). - La forme nouvelle du mouvement il gauche
         (p. (9). - L'exclusion des ralliés (p. 70). - L'exclusion
         des modérés (p. 12). - Le Front populaire 'p. 74).
      II.	 L'explication du mouvement à gauche. - Le
         nombre et la gauche (p. 75). - Les autres causes du
         mouvement il gauche (p. 78). - La qualité des hommes
         (p. 80). - Le mouvement à gauche et le métier (p. 82).
      III.	 Pas de résistance au mouvement à gauche. - La
         faillite des droites jusqu'à t!l75 (p. 84-). - Le t6 mai et
         ses lendemains (p. 85). - L'après-guerre (p. 87). - Les
         ligues (p. 88). - Hors du métier (p. 90).


                                 LE MILIEU

      CIIAPITRE  IV. - L'ATTRAIT PARLEMENTAIRE..                       95
~     1.	 Le prestige des assemblées. - Les prophètes du
         prestige (p. 96). - Les motifs intéressés (p. 99). ­
         Les motifs désintéressés (p. 100). - Prestige et profes­
         sion (p. 102).
1
      Il. L'esprit de corps et la camaraderie. - La solida­

         rité dans le pl'Ïvilège (p. 103). - La camaraderie parle­

'}       mentaire (p. 107). - Les limites de la camaraderie



~
1
          (p. 108).
TABLE DES MATIÈRES                           7
1Il. La presse et la profession. - L"évolution de la
   presse (p. fi 1). - Les parlementait'es et la presse
   (p. fi3). - La presse parlementaire (p. H4). - La pro­

   fessionparlementaire et la liberté de la presse (p. H 7).

   - Actions et réactions (p.U8).


       V. - LE CORPS A CORPS PARLEMEN­
CII.ŒTlIE
  TAIRE . . • • • • • • • . • • . . •       0   • • • • • • •    il9
1.	 Les individus. - Les origines de la duplicito (p. i20).
    - La duplicité démocratique (po i22). - La férocité
    parlementaire (p. i23). - Le mépris de la vtrité
    (po i26)0 - Le découragement des meilleurs (po i27)0           1


Il. Les partis. - La trahison, âme des partis (po i29)0 ­
   La trahison révolutionnaire (p. i32). - La trahison radi­
   cale-socialiste (p. i33). - La trahison conservatrice
  (p. i36).
Ill. Les chefs. - La recherche de la popularité (p. i38)0 ­
   La défaillance des chefs avant i87i (po i 39). - La défail­
   lance des chefs sous la Troisième République (p. i42).
   - Quelques vedettes (p. i45). - Les débuts de M. Thiers
   (p. H:7). - M. Thiet·s et la République (p. H9).

        VI. - LA MÉDIOCRITÉ PARLEMEN ­
ClIAPITRE
   TAIRE . • . . • . . . • . • • . • • . . • . • . • •           iai
l, Les idées. - La médiocrité du recrutement et du

   travail (po i52). - Le règne du cliché (p. i54). - Témoi­

   gnages sur la médiocrité (p. i57). - Médiocrité et métier

   (p. i60).
Il. Le rendement. - L'absentéisme (p. i(2). - La vio­

   lence (p. i(6). - La lenteur parlementaire (p. i67). - La

   mauvaise qualité des lois (p. f6J). - Quelques témoi­

   gnages sur le rendement (p. ni).

 III.	 Le discrédit. - Le détachement des élites (p. iï3).

    - La désaffection du p~uple (p. i 76). - Le complexe du

    discrédit (p. t 78). - Quand le mécontentement explose

   (p. i79).
8	                    TABLE DES MATIÈRES


                            LE DESPOTISME
     CUAPITRE    VII. - LES MODALITÉS DU DESPO­
        TISME PARLEMENTAIRE. . . . . . • • . . . . 181
     I.	 La doctrine du despotisme. - Les origines philoso­
        phiques et historiques (p. 182). - Le despotisme révolu­
        tionnaire (p. 184-). - Les deux Restaurations lp. 18;';). ­
        Le moderne despotisme (p. 186). - Quelques témoins
        (p. t88). - Despotisme et métier (p. lûl).
     Il. La tyrannie de la séance. - Les interpellations
        (p. 1931. - Un peu de statistique (p. 1!J4-). - Les vices

        du système (p. 195). - L'initiative gouvernementale

        (p. t97). - L'initiative parlementaire (p. 19~J. - « L'in­
        dépendance de la rep"ésentation » (p. ~OO).

      Ill. La tyrannie hors séance. - Les commissions

        (p. 202). - Les groupes (p. 205). - L'action individuelle
        (p. 207). - La vaine indignation des chefs (p. 210). ­

        Au cœur du métier (p. 212).

     CIIAPlfRE   VIII. -   L'ABSENCE DE FREINS . . . . . 2U­
     I. Le chef	 de l'État. -         Le rodage des ciJefs d'État
        (p. 215). - ~a Présidence de 1875 (p. 2t7). - Le prési­
        dent anéanti (p. 220). - Les al.t.ributions non-exercées

        (p. 22t). - La victoÏJ'e de la profession (p. 224-).
     II.	 Le chef du gouvernement. - Les origines de la fai-       ,
        blesse ministérielle (p. 226). - Sous la troisieme répu­
        blique (p. 228). - La règle du jeu (p. 23t). - Le gouyer­
        nement écrasé par les Chambres (p. 234-)..
     Ill. Les autres freins. - Pas de referendum (p. 236). ­
        Pas de dissolution (p. 238). - Pas de recours constitu­
        tionnel (p. 24-0). - L'usurpation sénatoriale (p. 24-2). ­
1       L'identité des deux Chamb"es (p. 2*5). - La dictature
        totale des assemblées (p. 247).
     CllAPITRB   IX. - LES EFFETS DU DESPOTISME
       PARLEMENTAIRE. . • • • • • . . • . • . . . . 250
     I. L'instabilité gouvernementale. - La stabilité du ré­
1	     gime (p. 250). - L'instabilité du gouvernement (p. 25t).
        - Les conséquences de l'instabilité (p. 2:i5): - L'insta­
        bilité et la profession (p. 256).
TABLE DES MATIÈRES                         9
11.	 L'irresponsabilité générale. -        L'irresponsabilité
   gouvernementale (p. 25R). - L'irresponsabilité parlemen­
   taire (p. 260). - L'irresponsabilité populaire (p. 262). ­
   L'irresponsabilité totale (p. 263).
III.	 - L'oppression des minorités. - La tradition d'op­
   pression (p. 264). - « La loi est Dieu » (p. 267). ­
   Aucune limite à l'oppression (p. 268). - L'oppression
   el le métier Ip. 270).


                        LA SERVITUDE

CUAPITRE    X. - LES TROIS ESCLAVAGES . . • • • 273
J. L'esclavage local. -           L'accord sur l'esclavage
   (p. 27-i). - L'élu asservi aux électeurs Ip. 275). - L'élu

   asservi au gouvernement (p. 278). - Un régime mal­
   sain (p. ~80).

Il.	 L'esclavage politique. - Les origines de l'escla ­
   vage politique (p. 281). - L"esclavage contemporain
   (p. 283). - Le rôle des groupes Ip. 2S~). - ( L'Art royal li
   (p. 286).
III. L'esclavage pécuniaire. - L'exemple américain
   (p. 288). - En France (p. 289). - Les petits services
   (p. 292).
CUAPITRE      XI. - LA CORRUPTION PARLEMEN ­
   TAIRE. . . . . . . . . . . . . . • . . . . .            . . 295
I.	 .Les précédents. - En Angleterre (p. 296). - Aux
   Etats-Unis (p. 2971. - La corruption politique sous la
   Révolution française (p. 2D8). - Les pourris Ip. 300). ­
   Restauration et Monarchie de juillet (p. 303). - L'avène­
   ment de la Troisième République (p. 305).
II.	 La corruption contemporaine. - La corruption par

    en haut (p. 306). - La « pourriture d'assemblée» (p. 307).

   - Les causes profondes (p. 3iO). - Le despotisme cor­

    rupteur (p. 312).

III. L'écharpe et la robe. - L'avocat, la loi et le juge
   (p. 314). - De l'usage à l'abus (p. 316). - Inutiles débats
   (p. 318). - Le mouvement à gauche et la corruption
    'p. 321).
10	                  TABLE DES IIIATIÈRES

CnAPITRE    XII. - LES SCANDALES PARLEMEN­
   TAIRES .    0   •••••    0   •   0   0   0   •   0   ••   0   •••   0   0



I.	 La chronicité des scandales. - Les débuts (p. 324,).
   - L'affaire Wilson (p. 325). - Le Panama (p. 326). ­
   Les scandales de l'avant-guerre (p. 328). - La guerre et
   l'après-guerre (p. 330). - Hanau, Oustric, Stavisky, Lévy
   (p. 331). - Le scandale et le métier (p. 333).
Il. Le mécanisme des scandales. -Ajournement(p. 334).
   - Négation (p. 335). - Reniement (p. 336). - Diversion
   (p. 337). - Contre-attaque (p. 338). - Appel li. la démo­

   cratie (p. 340).

III.	 La répression des scandales. - Les commissions
   d'enquHe (p. 3~2). - La justice (po 3-i6 ). - La polic'G
   (p. 350). - Où l'on retrouve la profession (p. 353).

CHAPITRE  XIII. - PREMIÈRES CONCLUSIONS                            0   0   0   355
L'unité des deux mensonges (p. 355). - L'unité des consé­
  quences (p. 3:;6). - L'ignorance du peuple (p. 357). ­
  Ce qui ne peut pas durer (p. 35:}). - Il Y faut une révo­
  lution (p. 3ûi).
CHAPITRE 1

         LA STRUCTURE DU MÉTIER



 1.	 DU MANDAT AU MÉTIER. - Les caractères du
    mandat. - L'évolution anglaise. - L'évolution fran ­
    çaise. - Le sophisme de la représentation. - Les
    débuts du métier. - La profession constituée.
 II.	 LES CADRES DU MÉTIER. - Pas de sélection à
    l'entrée. - Pas de limitation de durée. - Le cumul
    des mandats. - La rétribution. - Un métier solide.
 III.	 STATIQUE ET DYNAMIQUE DU MÉTIER. ­
    L'obsession de la réélection. - La non-représentation
    de l'intérêt général. - L'obsession de l'avancement.
    -- Le pugilat pour le pouvoir. - Le fond des choses.

    La 'vie publique de la France souffre de deux altéra­
 tions.
    D'une part, les principes, sur lesquels elle croit avoir
 fondé cette vie publique, sont outrageusement violés et le
 peuple est dessaisi, au profit de ses élus, des pouvoirs
 dont on lui fait honneur. D'autre part, les élus, qui
 détiennent ces pouvoirs, se comportent, non en manda­
 taires, mais en professionnels du métier parlementaire.
    A quoi le peuple est réduit par les assemblées, on le
 sait. Ce que sont les assemblées, on va le voir.
14            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE




                             1

               DU MANDAT AU MÉTIER


  Mandat parlementaire? Non. Le mandat appartient au
passé. De nos jours, il est devenu métier.

                            Les caractères du mandat.
   Mandat et métier ne sont point la même chose. Ce sont
choses différentes et même contraires. Le mandat est
mission de confiance, mission personnelle, mission limitée
dans sa durée et limitée dans son objet. Le mandataire
représente pour une tâche définie des mandants, qui le
connaissent et qu'il connaît. Aucun de ces caractères ne
s'attache au métier.
   On ne" peut pas concevoir un mandat impersonnel, nn
mandat perpétuel, un mandat universel. Dès qu'appa­
raissent ces trois traits, impersonnalité, perpétuité, univer­
salité, le mandat s'évanouit et sa place est à prendre. C'est
ainsi que du mandat on est passé au métier.
   Pendant des siècles, les assemblées locales, municipales,
régionales, nationales même eurent un mandat comme
origine. Les membres en étaient désignés, à titre tempo­
raire et bref, par leurs pairs, en des comices fermés.
Chaque ordre ou chaque classe de la société choisissait,
sans communiquer avec les autres, son représentant. Ce
représentant n'avait qualité de parler et d'agir qu'au nom
de ceux qui l'avaient choisi. Cette qualité résultait de la
communauté d'intérêts et de vie, qui existait entre eux
et lui.
   Les mandataires, ainsi créés, représentaient, non la
nation, mais des fragments de la nation généralement
impénétrables, souvent hostiles les uns aux autres. Ils ne
constituaient point des assemblées homogènes, totalisant,
dans une globalité de représentation, un pouvoir général.
Ils n'étaient que des délégués de catégories, - en Angle­
terre, délégués des villes, des comtés et des bourgs; en
France, délégués des nobles, des clercs et des bourgeois.
LE MÉTIER                         15
  Les hommes, à qui ce mandat était conféré, le redou­
taient d'ordinaire plus qu'ils ne le souhaitaient. Le dépla­
cement les dérangeait. La crainte de n'être pas remboursés
de leurs frais par des mandants rebelles à la dépense les
alarmait. On a connu des communes espagnoles qui, pour
ne pas payer, refusaient d'élire des mandataires. Nos
etats généraux de 1483, dont le rôle fut cependant impor­
tant, demandèrent modestement à être convoqués de nou­
veau au bout de douze ans.
   Ces assemblées courtes et rares avaient pour habituelle
mission de disputer au souverain l'argent, dont il avait
besoin. Elles étaient défenderesses et plaidaient la cause
des payeurs. Capables d'accorder les subsides, mais dési·
reuses de les refuser, elles se séparaient, dès qu'était vidée
la matière pour l'examen de laquelle elles avaient été
convoquées.
                                   L'évolution    an~lai8e.

  L'évolution, qui a conduit du mandat au métier, est
née des contingences et des commodités plutôt que d'une
vue de doctrine. Cela est vrai même de l'Angleterre, qui
passe pour avoir inventé le régime représentatif.
  Qu'arriva-t-il? Afin de ne pas multiplier les élections,
qui étaient une corvée pour tout le monde, on prit l'ha­
bitude de proroger les mandats. Comme on chargeait les
mandataires de placets pour le roi, on s'accoutuma à ce
qu'ils en présentassent de leur chef. Ainsi s'annonçaient,
sans que l'on y eût songé, deux traits essentiels de la
profession parlementaire, la permanence et l'initiative.
  Dès ce moment, les élus grandissent en considération.
Parce que leur mandat dure; parce que les sollic.itations,
qu'on leur confie, sont souvent accueillies; parce que le
pouvoir central, en quête de points d'appui, les cOJ;)sulte
quelquefois sur de grandes questions de paix ou de
guerre, les assemblées anglaises prennent, dès la fin du
xVO siècle, figure de pouvoir public. Elles ne participent
pas à l'action de l'exécutif. Elles ne le contrôlent pas. Elles
ne f('nt pas de lois. Mais elles sont des associées du sou­
verain.
   Le principe ainsi posé va porter ses fruits. Le pouvoir
de voter les subsides conduira à la surveillance de leur
emploi. Le pouvoir de présenter les pétitions deviendra
16            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

celui de proposer des lois, voire même de réclamer des
mises en accusation. Le sauf-conduit délivré flUX élus
pour leur voyage se muera en inviolabilité. La fréquence
croissante des réunions aboutira à l'annualité de l'impôt.
   Le grand changement, celui dont sortira la profession
parlementaire, ne viendra que beaucoup plus tard. C'est
seulement au XVIII" siècle que les auteurs, tels que Blacks­
tone, écriront que « chaque membre du Parlement est une
partie de la représentation du royaume ». C'en est fini,
dès lors, des mandataires spécialisés, qui ne parlaient
qu'au nom de leurs mandants. Désormais l'assemblée est
une et s'affirme dans son unité, comme l'expression de la
nation. De là à prétendre gouverner, il n'y a qu'un pas.
  Ce pas a été franchi en 1782, quand les Communes, en
vertu de leur mandat général, renversèrent - c'était la
première fois - le ministère North. En même temps se
consolida la séparation, commencée deux siècles plus tôt,
du Parlement en deux Chambres. Ainsi s'atténuait le carac­
tère d'assemblée de vassaux, qu'avait eu d'abord la
Chambre des lords. Ainsi s'accentuait le cadre permanent
des activités professionnelles.
  Il y a, dès ce moment, en Angleterre, des familles qui
feront, pour des siècles, métier de s'y consacrer.

                                L'évolution françaist-.
    La France, après avoir suivi l'Angleterre avec quelque
retard, l'a, au XVIII" siècle, rattrapée et dépassée.
    Depuis les assemblées de Charlemagne jusqu'à la Révo­
lution, elle n'avait jamais conçu ses J::tats généraux comme
un instrument de gouvernement. A part Philippe Pot, qui
fit en 1483 figure d,'origiqal, personne ne prétendait que
le peuple fût le donateur du pouvoir. Ni en 1303, ni en
1614, les Etats généraux ne présentèrent de véritables
remontrances. Ce soin était laissé aux magistrats, membres
des Parlements et propriétaires des charges qu'ils avaient
achetées.
    Quand le roi était faible et la situation troublée, les
J::tats généraux devenaient séditieux. Quand le roi était
fort, ou bien ils procédaient par supplication; ou bien ils
ne se réunissaient point. Dans tous les cas, le pouvoir
central finissait par obtenir l'argent, dont H avait besoin:
LE ~lÉTIER                        17
c'était « l'aide ), à laquelle s'ajoutait le c conseil ), d'où
sortit la pétition.
   Ce consentement de l'impôt fut la base initiale des
assemblées françaises. Le rôle propre des mandataires
élus était d'octroyer ou de refuser cette aide. Nous retrou­
verons ce droit dans les constitutions révolutionnaires,
dans les Chartes de 1814 et 1830, dans la Constitution de
1848. C'était l'écho de la déclaration anglaise de 1689 :
 c Tout impôt levé sans le consentement des Communes
est illégal. )
   Rien, par contre, dans nos Etats généraux, n'annonçait
le pouvoir de légiférer, ni le caractère national du man­
dat. Les mandats étaient locaux et impératifs, - précisés,
de Charles VII à Louis XVI, par des « cahiers ) toujours
très respectueux de l'autorité royale. Personne ne conce­
vait que chaque député représentât la nation. Chaque dé­
puté ne représentait que son ordre et que sa ville. Le plus
souvent, les trois ordres étaient d'ailleurs plus occupés il
batailler les uns contre les autres qu'à revendiquer en­
semble un pouvoir politique solidaire.
   Au fond, ces réunions n'étaient guère désirées. Les rois,
devenus absolus, s'en offensaient. Les élus savaient que,
sous le nom d'aide et conseil, c'est toujours une note à
payer qui leur serait finalement présentée. Quand
Louis XVI convoqua les f:tats de 1789, il y avait cent
soixante-quinze ans que, malgré bien des orages, on avait
laissé dormir cette vieille procédure.

                 Le sophisme de la représentaHon.
   Avec la Révolution, tout va changer. La notion de
représentation nationale, d'abord timidement introduite,
à la suite des Anglais, va tout envahir et mettre la prOfes­
sion à la place du mandat.
   On commence par supprimer le vote par ordre et par
lui substituer le vote par tête. La mission d'aide et conseil
devient pouvoir constituant. Bientôt· les constituants se
feront gouvernants en se saisissant de la législation et de
l'administration. La loi de 1791 proclame que la Constitu­
tion française est représentative. C'en est fini du mandat.
Le métier va naître.
   Certains protestent, qui peut-être prévoyaient les suites,
18            LA PROFESSION PARLE!IENTAIRE

et Us prononcen~ un rappel aux principes. Pétion disait :
   Les membres du corps législatif sont des mandataires. Les
citoyens, qui les ont choisis, sont des commettants.
   Donc ces représentants sont assujettis à la volonté de ceux
de qui ils tiennent leur mission.
   Nous ne voyons aucune différence entre ces mandataires et
les mandataires ordinaires.
   Les uns et les autres agissent au même titre. Hs ont les
mêmes obligations et les mêmes devoirs.
   Dans cette voie de prudence, on prend même certaines
pJ;'écautions : limitation de la durée du mandat; non-réélï­
gibilité. Mais le courant inverse est trop fort. Il emporte
tout. Un obscur député, nommé Dupont, le résume crûment
en s'écriant :
  Ce ne sont pas des ~tats généraux périodiques que nous avons
institués, mais une assemblée nationale permanente.
  Ce n'est pas pour venir de temps en temps voir ce qui sc
passe dans l'administration que la nation envoie des députés.
  C'est pour prendre une part active à l'administration.
  Tout est dans ces quelques paroles, - la permanence,
le caractère national du mandat, l'omnipotence. Burke
avait déjà marqué le coup et montré qu'on tournait le dos
aux précédents. Il avait écrit, quelques mois plus tôt:
  Vos représentants se sont écartés des instructions qu'ils
avaient reçues du peuple et qui étaient la seule source de leur
autorité...
  L'assemblée, pour obtenir et assurer son pouvoir, a agi
d'après les principes les plus opposés à ceux qu'elle paraît
suivre.
  Bientôt ce fut la Convention. Alors, sous le couvert
d'un mandat désormais périmé, c'est la totalité de la puis­
sance publique qu'usurpe la petite fraction d'élus, qui
mène l'assemblée. Elle fait les lois. Elle gouverne. Elle
administre. Elle juge. Elle commande aux ministres. Elle
nomme aux emplois. Elle dépose le roi. Elle l'emprisonne.
Elle le guillotine. Elle se déclare en permanence. Elle
exerce le pouvoir absolu.
   La notion du mandat personnel et temporaire s'évanouit
si complètement; la notion du métier, qui doit durer ct
LE MÉTIER                         19
nourrir son homme, s'établit si impérieusement que
la Convention expirante imposera il l'assemblée suivante,
par un décret arbitraire, l'absorption des deux tiers de
ses membres. Ainsi la profession exproprie le peuple, dont
elle affirme la souveraineté, pour substituer à son choix
les convenances de sa durée.
   Sous le Consulat et sous l'Empire, qui remplacent la
volonté du peuple par la volonté du maître, il n'y a plus
trace du mandat et les assemblées votent par ordre. Mais
tandis que le mandat disparaît, le métier se consolide. Il
y aura toujours, un Corps législatif. Il y aura toujours un
Sénat. Leur contrôle et leur initiative seront égaux à zéro.
Mais ils organiseront le métier avec un incomparable
succès. Ils réclameront et ils obtiendront tantôt une aug-
mentation de salaire; tantôt une dotation; tantôt l'héré-
dité; tantôt le droit d'être indéfiniment rééligibles.
   Les pires tragédies de l'histoire française laisseront
intacte cette professionnelle vigilance et, en 1815 comme
en 1814, les Sénateurs de l'Empire auront l'unique ambi-
tion d'entrer dans la Chambre des pairs de Louis XVIII.
Ce sont déjà des gens de métier.

                                 Les débuts du métier.
   Louis XVIII, en oct1'Oyant à la France le régime repré-
sentatif, auquel il avait pris goût en Angleterre, a précipité
le mouvement.
  Dès ce moment, l'esprit professionnel a si parfaitement
dénaturé le mandat que la plus violemment réactionnaire
des Chambres de la Restauration, celle de 1815, qui a
mérité le nom de Chambre introuvable, sera la plus
ardente à affirmer les revendications du mandat-métier;
à les affirmer contre le pouvoir royal, dont elle était
passionnée; à exiger, au delà des stipulations de la Charte,
le maximum de prérogatives : contrôle des dépenses,
initiative, amendement, interpellations sur les pétitions.
  Le m04vement continuera sous Louis-Philippe et
M. Thiers, au seuil de sa longue et illustre carrière, sera
le premier type de ce politicien professionnel, qui en-
combre l'histoire de notre temps. M. Guizot déclarera ~on
alarme de voir que les députés se considèrent comme
investis d'un mandat illimité. L'Assemblée nationale et
20            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

l'Assemblée législath'e de 1848 sortiront de cette concep­
tion.
   Le Second Empire lui-même n'y échappera pas. Son
Corps législatif, bridé par le Conseil d'État, trouvera dans
l'esprit de métier, avec la complicité de son président, le
duc de Morny, le stimulant de son réveil. Et, de transition
en transition, on arrivera à l'Empire libéral, qui confiera
ses destinées aux professionnels de la politique.
   La Troisième République, à peine née, s'est orientée
dans le même sens. L'Assemblée nationale n'avait reçu
qu'un mandat : faire la paix. Elle a fait une constitution.
Par contre, et bien qu'elle fût en majorité composée
d'hommes qui n'étaient point des professionnels, elle s'est,
en quelques mois, si fortement éprise du métier parlemen­
taire qu'elle en a été la fondatrice.
   Possédant, en vertu des textes et des faits, un pouvoir
plus absolu que celui de la Convention, elle en a reven­
diqué tous les privilèges, sans se soucier du vœu de ses
mandants. Elle a tout sacrifié à sa durée, même ses convic­
tions. Quand M. Édouard Laboulaye lui a dit en 1875 qu'il
lui fallait choisir entre constituer ou s'en aller, elle a
constitué. Elle a voté la République, dont elle ne voulait
pas, pour éviter d'être dissoute.
   Pis encore. Après avoir rétabli à son profit le cl'Îme de
lèse-majesté, elle a de nouveau affirmé son esprit de corps
lors de la désignation des sénateurs inamovibles. Il fallait
trouver soixante-quinze noms de qualité. L'idée ne vint à
personne, pas plus à droite qu'à gauche, qu'on plit les
chercher hors de l'assemblée. Et l'on élut soixante-quinze
députés.
   Ce qui s'est passé depuis, et qui est plus près de nous,
fait l'objet de ce volume. La transformation du man­
dat en métier a créé la dictature des majorités, la ruine
de l'autorité et la servitude des élus. Nul n'en conteste
les ravages. Mais nul ne propose d'y mettre fin. La guerre
de 1914, qui a changé tant de choses dans l'ordre matériel
et dans l'ordre moral, a laissé intacte, avec tous ses attri·
buts, la profession parlementaire.

                            La profession constituée.
  Les Américains, qui ne pensent pas que le peuple souve­
LE MÉTIER                            21
rain, incapable d'exercer sa souveraineté par lui-même,
puisse, de ce fait, la déléguer à ses élus, ont fixé des
limites écrites à l'omnipotence de la représentation et
d~fini un certain nombre de choses, -      liberté des églises;
compétences du jury; publicité des débats de justice;
droit d'association, de réunion, de pétition; liberté de la
presse, - à quoi les élus n'ont pas le droit de toucher.
   Rien de tel dans nos lois de ~875, où tout est sous-en­
tendu. Il en est résulté que rien, chez nous, n'a mis obstacle
au dessaisissement du peqple par le métier et à l'immo­
lation des principes sur l'autel de la profession.
   Alors le jeu commence. Par les brigues électorales; par
la mutilation deA'effectif qui vote et de la compétence des
votants; par le découpage des circonscriptions; par les
abstentions tolérées; le scrutin majoritaire d'arrondisse­
ment; la rééligibilité indéfinie; le cumul des mandats; la
quasi-permanence des assemblées, l'ancien mandataire
gratuit, désormais rétribué et pensionné, tient, comme
Arlequin, sa boutique sur les marches du Palais.
   C'est un métier comme un autre, qu'on exerce, suivant
des règles fixes, avec un automatisme qui rappelle les
animaux-machine de Descartes - un métier qui mène à
tout, à condition d'y rester.
    Les règles, qui régissent cette profession, sont complexes
à ce point que, sans épuiser la matière, feu M. Eugène
Pierre, Secrétaire général de la Chambre des députés, lui a
 consacré trois gros volumes de quatorze cents pages cha­
 cun. C'est le bréviaire des rites. Les premières assemblées
 de Grande-Bretagne et de France n'avaient rien prévu de
 tel.
    M. Raymond Poincaré, à qui sans doute l'occasion a
 manqué, dans une longue vie chargée d'honneurs et de
 pouvoirs, de guérir ce mal, le qualifiait naguère aussi sévè­
 rement que moi en écrivant :
   La députation devient un emploi, un métier, une fonction,
au lieu de rester un contrat de bonne foi, - ce qui est en droit
civil la définition du mandat - entre les électeurs et les élus ...
  On s'achemine ainsi vers l'heure où la députation sera, sauf
rare exception, le luxe de la richesse ou le gagne-pain des poli­
ticiens d'aventure.        .
   On fait, de nos jours, métier d'être député, sénateur et
22            LA PROFESSION PARLEMENTAIlE

ministre. On décide de devenir parlementaire, comme
jadis on décidait d'être prêtre c pour être tranquille ) ;
comme on décide de devenir épicier, médecin ou sous­
préfet. Le député, pal·tie composante de l'organe appelé
Parlement, s'absorbe dans cet organe. Et, comme l'organe
lui-même, il aspire à l'éternité, avec la conscience illu­
soire de représenter, sans limites de compétence, la
France entière. Ce n'est plus un mandat. Ce n'est même
plus un métier. C'est une charge. C'est un privilège.
   Pour exercer ce privilège, un corps professionnel s'est
formé, dont la fonction est de détenir le souveraineté
usurpée sur le peuple. La profession a créé cette classe.
Mais la classe a développé la profession, dont elle vit.
Au xx· siècle, le cycle du phénomène est révolu. Et la
France, sans y regarder de trop près, voit dans ses élus les
interprètes de sa volonté. L'habitude aidant, elle ignore
que sa prétendue souveraineté n'est que la matière pre­
mière de l'industrie parlementaire.
   CeUe transformation et cette spoliation sont les maHres
tl"aits du régime contemporain. 1'1. Taine et sa génération
semblent les avoir ignorés, faute sans doute d'en avoir
connu l'achèvement. La profession parlementaire, désor­
mais établie dans les mœurs, domine la politique de la
France. Définir sa structure, son objet, ses tendances, son
milieu, ses moyens, ses effets, son despotisme, ses ser­
vitudes, c'est expliquer aux consciences alarmées les
conditions de la vie française.



                             II

               LES CADRES DU MÉTIER


  Il n'est pas de métier plus fortement charpenté que le
métier parlementaire. Les profits, qu'il comporte, ne se
retrouvent en aucun autre.
  Ces profils sont au nombre de six : totale liberté d'ac­
cès; totale liberté de durée; totale liberté d'exten'sion;
salaire régulier; retraite assurée; avantages en nature.
LE MÉTIER                        23

                                     La liberté d'accès.

   Erasme disait que pour être cocher, il faut apprendre
son état, mais que, pour être prince, il suffit de naître.
   Il en va de même pour être parlementaire. Il suffit
d'avoir vingt-cinq ans, s'il s'agit de la Chambre; quarante,
s'il s'agit du Sénat. Comme les systèmes aristocratiques
de l'antiquité, notre démocratie préfère, pour son recrute­
ment, le critérium physique de l'âge au critérium intel­
lectuel et moral.
   La profession parlementaire est la seule à rentrée de
laquelle ne soient exigés ni titres, ni diplômes, ni concours,
ni examen, ni compétence quelconque, ni même capacité
physique. Le candidat, qui, comme on dit, " se porte :),
est seul juge de sa valeur. Ainsi que les marquis de Mo­
lière, il est censé tout savoir sans avoir rien appris. Les
Américains imposent aux immigrants des conditions d'ins­
truction. La Révolution française en imposait aux élec­
teurs. La Troisième République tout en se recommandant
de la science, se place, pour le choix de ses élus, sous le
signe de l'ignorance.
   J'entends bien qu'il en a toujours été ainsi et que déjà,
au dire de Platon, les Athéniens s'adressaient aux techni·
ciens pour les petites choses et, pour les grandes, aux
amateurs. Je n'ignore pas non plus que des professeurs
de droit ont doctriné la supériorité, pour les postes de
direction, de ce qu'ils appellent l'amateurisme. Il n'en
demeure pas moins que, par sa facilité d'accès, l'activité
parlementaire est la plus séduisante des carrières. Et c'est
il ce titre que je l'étudie. C'est très exactement la seule
pour laquelle on accorde des blancs-seings à des incompé­
tents et à des inconnus.
   Un second avantage, qui se lie au premier, est dans le
grand nombre des places disponibles. On a souvent re­
connu qu'il serait sage dé réduire aux proportions desJ
Chambres des États-Unis le nombre des députés et le
nombre des sénateurs. Mais, chaque fois qu'on s'en est
occupé, on a augmenté ce nombre, au lieu de le réduire:
39 députés de plus, quand on a institué le scrutin de liste
en 1885 ; 23 de plus, lorsqu'on l'a supprimé en 1927. La
proposition Hovelacque de 1893, qui tendait à réduire
                                                   2
24            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

d'un tiers l'effectif de la Chambre, fut repoussée d'enthou­
siasme. La 'loi 'fe 19~9 avait fixé cet effectif à 584. Il se
montait en 1937 à 618.
   Il Y avait eu, aux élections de 1902, 2.515 candidats. On
cn compta 5.635, aux élections de 1932.

                                         La   rééll~lbllité.

   tlu à vingt-cinq ans, on peut, d'autre part, se flatter
de l'espoir ,de rester, sa vie durant, en état d'activité par­
lementaire, - d'abord parce qu'on a le droit d'être indéfi­
niment réélu; ensuite, et conséquemment, parce que la
profession parlementaire est la seule qui ne connaisse pas
de limite d'âge.
   Les hommes de la Révolution, que les Français du
KX" siècle invoquent à tort et à tra,'crs, ne pensaient pas
que ce f(rt aIle bonne chose. A peine issus du mandat,
encore fidèles à ses exigences et inspirés de son esprit,
redoutant le règne du métier, beaucoup d'entre eux récla­
maient la brièveté du terme et, plus encore, l'interdiction
d'être réélu.
   A la Constituante, tout le monde était là-dessus d'ac­
cord. Les uns, comme le représentant Hardy, s'appuyaient
sur l'exemple de l'antiquité. Hs invoquaient la réélection
des Décemvirs, annonciatrice .de la perte de la liberté et
les proscriptions de Marius, après qu'il eut été sept fois
nomfDé consul. Les autres, attaquant de front le problèmt!,
donnaient; contre la durée et contre le renouvellement
indéfini du mandat, des raisons, qui, de nos jours, feraient
seandale et qui étaient pourtant de bonnes raisons. On les
in'VQqua pareillement à la Législative.'                     .
   Le Girondin Buzot disait que c: la continuation des
pouvoirs et des fonctions est un principe de corruption :t.
 Il ajoutait que les nouveaux élus valent mieu'X que les
 anciens, ,parce que, moins compétents peut-être, ils sont
 aussi moins corrompus. Et il allait au fond des choses
 en dénonçant « les ambitieux, qui voudront se faire de
la législature un métier et pour qui toute mesure sera
bonne, pourvu qu'ils réussissent à se faire réélire :t.
  Un autre représentant, dont le nom n'a pas connu la
gloire - il s'appelait Prugnon - avançait le 16 mai 1791
ce clairvoyant pronostic :
LE MÉTIER                            25
   Le jour où la France aura des représentants perpétuels (c'est­
 à-dire indéfiniment rééligibles) sera le dernier jour de la liberté.
   C'est assez que le pouvoir législatif réside dans une Chambre
 unique, sans y ajouter l'incontestable danger de la réélection.
   Le plus terrible des despotismes est celui qui porte le cos­
 tume de la liberté.
   Veut-on des cautions plus notoires et plus « pures » ?
 Ecoutons le citoyen Barère :
    La réélection indéfinie met les hommes à la place des insti­
 tutions. Elle crée les natteurs du peuple qui deviennent bien­
 tôt ses maUres ou ses tyrans.
    Elle corrompt à la fois le gouvernement et la législaLure, le
 législateur qui se vend et le minisLre qui l'achète.
    Le ministre, au lieu de tenir les rênes du gouveTnement,
 tient le tableau des places qu'il peut donner aux parents du
 législateur.
    Voulez-vous mieux encore? Voici, toujours dans le
 même sens, contre les longs mandats, contre la rééligibiIité,
 la sentence de Maximilien Robespierre : « A mesure que
 ['élu, s'il est rééligible, approchera de la fin de sa carrière,
 il songera plus à son canton qu'à sa patrie; plus à lui­
 même qu'à ses commettants. » Cent ans plus tard, avec
 l'épreuve du fait, un écrivain de gauche, M. Robert de
 Jouvenel, montrera ce que devient un régime où tout-Ie­
 monde se perpétue.                     .
    Les assemblées révolutionnaires ont d'abord essayé de
 profiter de ces bons conseils. La première a interdit la
 réélection de ses membres. La troisième a fixé à douze
 mois la durée du mandat. Une autre a proposé un mandat
 de quatre ans, avec possibilité de révocation. Mais que
 pesait tout cela en face du sophisme de la représentation,
-     de la représentation totale, souveraine, profession­
nelle ?
    Au nom de la souveraineté du peuple, Thouret, Duport.
Le Chapelier ont donc réclamé, dès le début, la rééligibilité
indéfinie. On les écouta avec faveur et, uue fois lancé, on
ne s'arrêta plus. On vit la Convention naissante sup­
primer la Constitution. On la vit, expirante, imposer à
l'Assemblée suivante le repêchage des deux tiers de son
effectif. 0!1 vit ensuite le Premier Empire accorder la
rééligibilité perpétuelle; le Second y ajouter la pratique de
~             LA PROFESSION PARLE}lENTAIRE

la candidatl:lre officielle, au bénéfice des sortants. On vit
enfin l'Assemblée nationale de 1875 conféter à soixante­
quinze de ses membres la dignité de sénateurs inamo­
vibles.
   A ce régime d'éternité dans le mandat, on a cherché des
excuses. On a dit que, même mauvais, ce régime était
nécessaire pour obtenir un minimum de stabilité gouver­
nementale et parlementaire. Ce n'est pas vrai. C'est sous
le régime de la rééligibilité indéfinie que la France, en
soixante-six ans, a consommé plus de cent ministères. Et
c'est sous le même régime qu'on a vu sortir des Chamooes,
par échec électoral, des hommes tels que MM. Albert de
Jlun, Jules Ferry, Paul de Cassagnac, Jacques Piou, Cle­
menceau, Jaurès.
   Aussi bien, si l'on souhaite la durée, on n'a, en ce qui
concerne le gouvernement, qu'à modifier le jeu de la res­
ponsabilité ministérielle; en ce qui concerne les députés,
qu'à voter soit UJ1 mandat plus long, soit le renouvellement
partiel. La rééligibilité ne se justifie quc dans le cas de
dissolution. On a, an surplus, constaté que le~ plus désin­
téressées de nos assemblées, celles de 1789, de '1848, de
1871 et de 1919, avaient été celles aussi où la réélection
on bien n'avait pas joué, ou bien n'avait que peu joué.
   Les députés et les sénateurs sont en fait inamovibles.
Le pays est convaincu qu'il élit les premiers pour quatre
ans et les seconds pour neuf ans. En réalité, et à consi­
dérer les deux Chambres qui sont des vases communi­
cants, il les élit pour beaucoup plus longtemps. Les
Chambres de 1940 seront, à raison de 60 %, composées en
majorité de membres qui ont, dans l'une ou dans
l'autre, débuté en 1920, ou même avant. En d'autres termes,
les assemblées, grâce à 'la rééligibilité, ne se renouvellent
pas aussi vile que le pays. La représentation élue n'cst
 jamais contemporaine de la génération qui l'élit. Elle
 exprime, dans sa majorité, la formation et l'esprit d'il y
 a vingt-cinq ans.
   .Les États-Unis ont, dans leurs lois, disposé que, dans
 certains cas d'ailleurs exceptionnels, les électeurs pour­
 raient révoqu~r leurs élus, s'ils jugeaient que ces élus ont
 cessé de les représenter fidèlement. Une telle disposition
 déchaînerait, au Luxembourg et au Palais-Bourbon, une
 explosion d'indignation. Quand, en 1917, M. Emmanuel
LE lllÉTI-ER                      27
Brousse proposa la non-rééligibHité des sorta,n,ts, peu s'en
fallut qu'il ne mt jetil à la Seine. Le mandat parlementaire
est tenu par ses détemeurs comme d'essence permanente.
Ils estiment que c'est leur bien, ainsi qu'.une étude de
notaire est le bien de son propriétaire.
   Par voie de conséquence, la rééligibilité indéfinie en­
traîne l'absence de limite d'âge. Les Chambres votent
constamment des lois pour fixer l'âge auquel un fonction­
naire leur paraît incapable de l'emplir plus avant sa fonc­
tîon. Elles n'en ont jamais voté pour elles-mêmes. Tout le
'monde a connu d'estimés collègues qui, bien que frappés
de paralysie générale, posaient à nouveau leur candidature
et qui, bien que personne n'ignorât leur état, étaient une
foi's de plus élus.
   On a même connu des battus, qui, ayant exercé cin­
quante ans le métier, ne se résignaient pas à penser qu'ils
 ne l'eKerceraient plus et revenaient machinalement s'as­
seoir sur les banquettes, dont les huissiers les écartaient
doucement.
                                  Le eum•• des mandats.

   Ce qu'on vient de lire est relatif à "1'extension indéfinie
du métier dans le temps. Il s'y ajoute l'extension indéfinie
du mandat dans l'espace. 'La seconde n'est pas moins péril­
leuse que la première.
   -Quiconque a conquis un mandat électif aspire, soit pour
le fortifier, soit pour le remplacer, à en conquérir un
autre. Quiconque a été élu député aspire à devenir séna­
teur. Quiconque est député ou sénateur aspire à être, en
outrc, conseiller municipal, mail1e du chef-lieu, conseiller
général, Président de l'Assemblée départementale.
   Au mandat, qui s'exerce à Paris, on ajoute ainsi les
mandats locaux, qui, par leur faisceau, créent ces puis­
sances féodales, dont parlait naguère un écrivain radical.
Qu'on soit déplJ1té ou qu'on soit sénateur; qu'on soit
réduit au terme bref ou qu'on bénéficie du terme long,
 c'est la même chose. L'essentiel est de disposer de tous les
 mandats régionaux en addition au mandat national.
    En vain remarquerait-on que ces mandats sont d'es­
 sen,ces différentes et rt,~présentent des j'ntérêts parfois
 contradictoires. Il ne s'agit que de les cumuler dans un
 iontérêt de personne ct de métier. On a supprimé en lS89
28             LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

 le droit pour un seul homme de se présenter dans plu·
sieurs circonscriptions, ce cumul n'ayant qu'un sens poli·
 tique. Mais on a laissé subsister le droit de représenter
 plusieurs fois, à des titres variés, la même circonscription,
 ce cumul ayant, à défaut de sens politique, un sens tout
 à fait positif de profit électoral et professionnel. Lorsque,
en 1910, M. l'Abbé Lemire proposa d'interdire ce cumul,
 il fut battu haut la main.
    De là sont nées les tyrannies locales, par où s'exprime
le plus efficacement la dictature parlementaire et qui sont
 l'essence du métier. Feu M. Henry Chéron était à Caen,
 chef·lieu de son département du Calvados, un vrai souve­
rain. De même, au' Mans, chef-lieu de son département de
la Sarthe, M. Joseph Caillaux est souverain. Et, de même,
à Grenoble, chef-lieu de son département de l'Isère,
M. Léon Perrier. Chacun de ces messieurs possédait ou
possède dans sa Préfecture le pouvoir absolu. Chacun y
disposait ou y dispose d'un bureau, d'une chambre, d'un
lit, d'une baignoire" d'un chef de cabinet et de nombreux
secrétaires. C'est la profession réalisée au maximum.
    Un seul cumul de mandats était autrefois interdit, sinon
pat· la loi, du moins par l'usage : celui du mandat légis­
latif avec le mandat de conseiller municipal de Paris.
Depuis la guerre, cette interdiction a disparu et, sans
distinction de nuances, les conseillers municipaux de
Paris restent à l'Hôtel de Ville, quand ils sont nommés
députés. Il arrive même que les députés de la Seine ou
d'ailleurs posent leur candidature au Conseil Municipal
de Paris, sans cesser, pour cela, d'être députés.
    Et, consid~rant le métier, je demande une fois de plus,
s'il en est un meilleur.
                                          La rétribution.
   Cette profession po"ssède, d'autre part, l'avantage d'être,
il l'inverse de beaucoup d'autres, régulièrement rému­
nérée.
   La rémunération parlementaire date de loin el, dès lors
que l'élection est à la base, elle est logique. Puisque, sans
<:ondition, n'importe qui peut être élu député ou séna­
teur, il faut que ceux des élus, qui n'ont aucune autre
ressource, puissent vivre de leur mandat. Faute de quoi,
les électeurs ne pourraient pas voter pour un pauvre et
LE MÉTIER                         29

le droit de choisir ne serait pas aussi large que le droit
de voter.
 . Le général Cavaignac disait, en 1848, que le refus d'in­
demniser les élus équivaudrait à un véritable ostracisme
et que, au surplus, rien ne coûte plus cher que ce qui est
gratuit. Les Anglais, qui re se décidèrent qu'en 1911 à
instituer l'indemnité parlementaire, la motivèrent en
signalant qu'il valait mieux que les députés fussent payés
par le Trésor plutôt que par des organisations particu­
lières, syndicats ou comités.
   Des contemporains plus brutaux ont justifié l'indemnité
parlementaire par la double nécessité de protéger contre
les tentations l'indépendance de l'électeur et l'indépen­
dance de l'élu. M. Maurice Berteaux, agent de change mil­
lionnaire de la Bourse de Paris et député d'extrême­
gauche, professait que l'indemnité est nécessaire, si l'on
ne veut pas que les députés fassent des affaires finan­
cières.
   Disons moins injurieusement que l'indemnité est néces­
saire, parce que le métier coûte cher. L'élu doit régler, au
moins en partie, les dépenses de l'élection d celles du
journal local. Il doit supporter le poids des dons petits,
mais nombreux, qu'il est obligé de prodiguer aux mutua­
lités, aux caisses de secour:, aux lyres, aux harmonies,
aux fanfares, aux conscrits, aux anciens soldats, aux
médaillés, aux nouveau-nés et aux vieillards de sa cir­
conscription. Les Américains admettent qu'un député de
grande ville a, par an, 10.000 dollars de frais. N'est-il
pas d'ailleurs de publique notoriété que les parlementaires
s'endettent et que l'indemnité de beaucoup d'entre eux
est frappée de saisie?
   Aussi bien, il n'y. a pas que l'élu. Il y a sa famille, sa
femme, ses enfants, qui le plus souvent vivent en province,
tandis que lui vit à Paris. Donc deux installations; deux
loyers; deux budgets. L'indemnité est, par conséquent,
légitime et il serait injuste d'en discuter le principe; voire
même les augmentations.
   Ces augmentations, depuis qu'il y a des assemblées, ont
été nombreuses. Nous ne sommes plus au temps des Etats
généraux, où les électeurs de chaque circonscription, ­
et non pas la totalité des contribuables français, - sub­
venaient aux frais de leurs élus : ce qui représentait, en
30            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

     1789, une indemnité de 700 à 1.000 Cran cs par mois. Nous
     ne sommes plus au temps de Louis XVIII et de Louis-Phi­
     lippe, où les élus ne recevaient rien.
        Après une véhémente campagne de la Société des Amis
     du peuple, qui agita la Monarchie de Juillet, la Seconde
     République rétablit l'indemnité. La Troisième a fait de
     même et l'a fixée à des taux variables : 9.000 francs jus­
     qu'en 1906; 15.000 francs de 1906 à 192().; 27.000 francs
     de 1920 à 1926 ; 45.000 de 1926 à 1929 ; 60.000 francs de
     1929 à 1937 : 67.200 Cranes depuis le mois de juillet 1937.
     Il convient de déduire de ces chiffres les veliseIllents
     pour la retraite, le chemin de fer et la buvette, ainsi que
     les prélèvements résultant des décrets-lois Doumergue de
     1934 et des décrets-lois Laval de 1935. L'indemnité parle­
     mentaire nette était, en 1937, de 55.000 franes environ.
        Ce salaire offre t01:1S les caractères d'un salaire profes­
     sionnel. Il est régulieli. Il est payable mensuellemen·t. Il
     est dO, quand la Chambre ne siège pas, aussi bien que
     quand elle siège. Il comporte une retraite, qui peut
     atteindre, après trente-deux ans, à un chiffre assez voisi·n
     du montant de l'indemnité. La retraite, qui ClIt, dans les
     débuts, le simple versement d'une Mutuelle de secours,
     est depuis 1914, payée par une caisse officielle, à laquelle
     participent les intéressés et !~ Tresor. La profession s'est
     consolidée.
        Au salaire et à la retraite s'ajoutent les avantages en
     nature. Un transport à peu près. gratuit sur les chemins
     de fer nationaux; un transport totalement gratuit sur les
     chemins de fer et tramways départementaux constituent
     des attraits supplémentaires pour des hommes, qui, sans
     ce mandat, eussent continué à payer leur place, comme
     tout le monde.
        Depuis 1924, les parlementaires jouissent, en outre, de la
     gratuité de la correspondance, qu'ils a.vaient longtemps
      désirée. Le Président de la Chambre, Armand Marrast, se
     plaignait, en 1848, que les députés se fissent adresser, sous
      son couvert, en violation des règlements postaux, leur COIT­
      respond'Bnce. C'est aujourd'hui sous ce même cou"ert et
      le plus légalement du monde que les membres des deux
      Chambres expédient leur cou.nriel1.
        Faut-il citer les mHJe autres commodités dont profitent
      nos assemblées?- Faut-il parler de la buvette, où ils se




1
LE MÉTliER                        31
ravitaillent? EUe 4t'@Ûta, cette buvette, à M. Clemenceau
la, Présid'ence de la Chambre, parce que, ayant vu son
collègue radical Michou, emp'Eir ses poches de sandwiches
et d'ailes de poulet, il les vida silencieusement de leur
col1ltenu. Sur quoi, M. Miehou vota pour M. Méline. Faut-il
parler du café au lait du matin, qui, augmenté des petits
pains, diminue les notes d'hôtel? Faut-il parler des
journaux et de ce vieux député, par ailleurs millionnaire,
qui avait l'incroyable manie d'emporter chaque soir de
la salle de lecture, en le détachant de son cadre, l'exem­
plaire du Temps? Faut-il rappeler que le Sénat, quand on
discute le budget, sert à déjeuner aux deux ChambreA?
Tout cela renforce l'état d'esprit professionnel, en même
temps qu'il le manifeste. La profession devient un club,
en même temps qu'un gagne-pain.
    Les Chambres sont, sur le chapitre de leur vie maté­
rielle, intraitables et leur indemnité a pris pour elles une
importance morale autant que pratique. Elles n'admettent
pas qu'on la discute. Elles n'admettent pas qu'on s'en
occupe. Les Chambres ont revendiqué et obtenu ce q,u'clles
 n'accepteraient pour personne : le refus de tout contrôle
financier. Elles établissent, seules, leur budget et ne per­
 mettent à qui que ce S(1it de s'en mêler.
    La notion d'indemnité s'est si fortement installée daus les
 rqœurs qu'elle s'est étendue, par une interprétation favo­
 rable du silence de la loi, à d'autres mandats encore;
 à celui de conseiller municipal de Paris; à celui de maire,
 voi're de conseiller municipal, de quelques grandes "illes.
 Il est entendu, là comme ailleurs, que le métier doit nour­
 rir son homme.
    II convient de noter que le vœu général des élus est
 qu'on parle de leur rétribution le moins possible. Quand
 il s'agit d'augmenter l'indemnité, on vote en silence et
 très-vite. Les 15.000 francs de 1906 ont été enlevés en un
 tour de passe-passe. Les augmentations suivantes ont été
 soustraites' le plus possible aux débats publics. On a
 voté dans les deux Chambres simultanément convoquées,
 sans discuter. Le public n'a pas protesté, sauf pour les
 15.000 de 1906. Les 7.200 de 1937 ont passé, comme lettre
 à la poste, en même temps qu'une augmentation <:l'impôts
 de 10 mi.IJillJrds, sans que· l"on votât à' leur sujet.      '
    Cependant je ne p'F'oteste, ni ne CQnteste. Je ne prétends
32             LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

pas, avec un grand auteur du siècle dernier, que le salaire
attaché à la fonction représentative soit devenu, dahs
cette fonction, l'objet principal. Je ne dis pas non plus,
avec Proudhon, que la pensée d'un homme en place, o'est
son traitement. Je crois que ce salaire était inévitable et
que, somme toute, il est juste.
   Mais je dis aussi que, dès lors qu'il existe, il n'y Il plus
mandat, - il y a métier.
                                        Un mêticr     solid~.

   Ce métier est aujourd'hui l'un des plus solidement orga­
nisés qui soient. Et, dans la mesure même où il est soli­
dement constitué, il est la négation de ce qu'on nommait
autrefois fonction représentative.
   Ce que l'on persiste à appeler la Chambre est le syndi­
cat professionnel de la profession parlementaire. C'est
une association alimentaire, une Mutuelle, qui vit et se
développe pour ses fins propres, parce que son méca­
nisme est plus fort que son idéal.
   Possibilité illimitée d'entrer, de durer, de s'étendre, de
se développer, - ces caractères de la profession suf·
fisent à en expliquer l'histoire. Dès lors qu'elle est ce
qu'elle est, il n'y a pas lieu de s'étonner qu'elle ait créé
le milieu, qui en vit et qui, au travers des chances contra­
dictoires de la partie politique, a toujours conservé l'ancre
fixe du métier.
   Ce milieu, à qui les anciens opposants à l'Empire
avaient fourni ses premiers cadres et où Mme Charles
Floquet, aux environs de 1885, se plaisait à saluer une
aristocratie naissante, n'a pas cessé, depuis lors, de s'élar­
gir, assurant ainsi aux plus médiocres la possibilité de
mener - dans quelles conditions, on va le voir - les
affaires du pays.

                              III
      STATIQUE ET DYNAMIQUE DU MÉTIER

  Dans ce bâtis professionnel, avec ses larges portes, ses
vastes perspectives, sa caisse, ses rites, sa solidité à toute
LE MÉTIElil                         '33
ép~uve,  des hommes vivent et circulen.t~ Ils sont mûs pal'
les mobiles humains, passions, ambitions, sympathies,
hal es, qu'encadre et que nourrit la profession.
   Q and on fait un métrer, c'est pour y réussir. On réussit
dan'! le métier palTlementaire, si l'on remplit c.teux condi­
tions, dont l'une est statique et l'autre d'ynamique. La pre­
mière, qui est de conservation, est de se faire réélire. La
seconde, qui est de développement, est d'accéder au pou­
voir. La structure de la profession étant ce qu'elle est, ces
deux mobiles jouent, dans leur plein, sur tous ceux qui
l'embrassent et qu1la pratiquent.

                         L'obsession de la réélection.
   Le mobile, que j'appelle statique, naît de la faculté indé·
finie d'être réélu et de cumuler les mandats. Cette fa.culté
existant, les hommes ne peuvent pas, étant hommes, ne
point obéir à ce mobile.
   En rendant les députés perpétuellement rééligibles, on
les a rendus perpétuellement candidats. Candidat, on le
fut pour être éhl. Ou le sera pour être réélu. On le sera,
parce qu'on l'a été une fois. On le sera éternellement.
C'est la loi commune des petits et des grands. Il en résulte
que nous avons, non. des assemblées d'élus, mais des assem­
hlées de candidats. C'est la faute des institutions.
   Le député cherche des électeurs, comme le médecin
cherche des malades et l'avocat des clients. L'élection
devient ainsi la grande affaire du régime. Elle domiD~ les
relations des parlementaires avec le pay.s, les relations
des parlementaires entre eux, les relations des parlemen­
 taires avec le gouvernement.
   M. Goblet disait en 1902 :

  Le mandat électoral n'est, plus au]ourd'hui ce qu'il était.
  Il semble qu'on ait fait de la députation une place qu'il s'agit
de conquérir, puis de conserver à tout prix.

   JJl est de fait que, chez les parlementaires, le besoin
de durer prime les autres besoins. Beaucoup d'entre eux,
s'ils. n'étaient pas réélus, ne seraient plus rien. La réélec­
tion es~ ainsi devenue, d'ans la profession, pLus qu'un souci,
- une obsession.
34            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

   - Regardez, disait un garde des Sceaux, aux appllu­
dissements de la Chambre, regardez dans vos circonsc~p­
tions J
   Les élus d'hier, candidats de demain, y regardent à tel
point que nombre d'entre eux ne voient plus rien d'autre.
A la nécessité d'être réélus, la plupart sacrifient leurs
amitiés, leurs partis, leurs convictions. Ce ne sont pas les
élus du peuple français : ce sont les délégués des circons­
criptions.

       La   non-l'epr~sentationde       l'intérêt général.
   Cela revient à dire que la notion sophistiquée de repré­
sentation nationale, que nous avons vu tout à l'heure créer
le métier, est sortie épuisée de cette création.
   La représentation de la France une et indivisible n'est
qu'une fiction. Chaque député représente la six-centième
partie de la France, et rien d'autre. Chacune de ces frac­
tions est représentée : l'ensemble ne l'est pas. Chacun
s'intéresse passionnément, par besoin d'être réélu, à ce
qui est agréable à la fraction qu'il représente et se désin­
téresse de ce qui est nécessaire à la collectivité. Disons
que, la représentation ayant tué le mandat au profit du
métier, le métier, à son tour, a tué la représentation.
   Il n'est point de question militaire, financière ou sociale
qui ne soit considérée d'abord sous l'angle de l'intérêt
électoral. Cela signifie que, dans presque tous les "otes,
un débat cornélien peut s'ouvrir entre ce qu'exige l'inté·
rêt public et ce que commande l'intérêt électoral. Dès que
ce conflit est ouvert, l'intérêt public est en danger.
   Il arrive que, pOul' être réélu, on mette le budget en
déficit par des Iibéra:Jités démagogiques; la sécurité en
péril par des diminutions d'effectifs et d'armements; la
justice en quenouille par des débauches d'amnisties. L'ex­
 périence prouve qu'on improvise d'ordinaire les mesures
 sociales, les réductions du temps de service, les augmen­
 tations de dépenses à la veille des élections. « C'est de là,
 disait M. Rouvier en 1913, que vient le déficit. :) Ainsi le
 veut la loi statique du métier, qui assure de scrupuleux
 serviteurs à chaque six-centième partie de la France, mais
 n'en prépare pas à la France. La conservation de l'élu est
 le grand intérêt qui domine le reste.
LE y";'TlER                      35
   C'est pourquoi nul débat ne passionne autant les
Chambres que la discussion d'une loi électorale. M. Jules
Ferry ne se trompait pas, quand, au début de la Troisième
République, il disait que la loi municipale et la nomina­
tion des maires étaient pour la Chambre « la chair de sa
chair et les os de ses os ). C'est une question de loi
électorale qui a causé la chute rapide de M. Gambetta,
lequel cependant avait prévu le danger : « Je sais, décla·
rait-il, combien il est délicat d'entretenir une assemblée
des conditions de sa naissance et de sa renaissance. ) Les
discussions des lois électorales en 1885, 1919, 1927 et 1931
furent parmi les plus tumultueuses de l'histoire parlemen ­
taire.
   On retrouve cette obsession de durer dans les sourdes
colères, q'iji accueillent tout essai de changp.r quelque
chose soit aux conditions, soit à la durée du mandat. En
1934, M. Doumergue fut liquidé en quelques heures, parce
qu'il souhaitait simplifier la procédure de dissolution. En
ce temps-là, tel de mes collègues, duc et millionnaire, me
demandait si M. Doumergue se moquait du monde :
   - Croit-il, questionnait-il, que ce soit la même chose
d'être élu pour deux ans où d'être élu pour quatre ans?
Pense-t-il qu'il soit facile, quand on a échelonné sur
quatre ans ses amortissements de frais, de ne disposer
que de deux ans?
   Pareillement, quand il fut battu aux élections de 1932,
M. Marcel Cachin, qui ne se doutait pas de la compensa­
tion sénatoriale à laquelle il était destiné, me reprocha,
avec des sanglots dans la gorge, de « lui avoir ôté le pain
de la bouche ). La volonté de persévérer dans l'être mène,
sans distinction de partis, la profession. Elle n'a rien à
voir avec l'intérêt général. .

                       L'obsf'ssion de l'avancem<>nt.
   A côté du mobile statique, joue le mobile dynamique.
Non content de durer, l'élu veut avancer.
   Quand on devient sous-préfet, c'est avec la résolution
de devenir, quelque jour, préfet. Quand on devient député,
c'est avec le propos de devenir ministre. Tout élu voit
dans l'accession au pouvoir un droit et une nécessité.
Dans chaque imagination parlementaire resplendit le eur­
36            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

SilS honorum : Sous-secrétaire d'mat, Ministre, Président
du Conseil, Président d'assemblée, Président de la Répu­
blique. Pourquoi les soldats seraient-ils seuls à avoir dans
leur giberne un· bâton de maréchal?
   En vue de l'avancement, les élus livrent, dans les assem­
blées, une bataille dure. Ceux que les Anglais appellent les
en-dehors, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas au gouveEne­
ment, sont en lutte perpétuelle contre les en-dedans, c'est~
à-dire ceux qui y sont. L'assassinat de l'exécutif est
un besoin professionnel aussi impérieux que la réélection.
Il est superflu d'ajouter' que les deu", mobiles se rejoignent,
la réélection étant la condition de l'accession nu pou'Voir
et l'accession au pouvoir facilitant la réélection.
   Le phénomène date de loin. Seules, nos premières assem­
blées ont tenté d'y parer. La Constituante avait interdit à
ses membres d'accepter du gouvernelllen,t aucune place,
même celle de ministre. La Constitution de 1791 fixait un
intervalle de deux ans, à dater de la fin du mandat, avant
 qu'un ancien député pût recevoir un emploi puhlic. Il
 fallut attendre huit ans pour qu:on acceptât, en 1799, le
 cumul du mandat parlementaire et de la fonction minis­
 térielle.
    On s'est, depuis lors, installé dans ceUe tradition. Déjà,
 sous le roi Louis-Philippe, on dénonçait « les candidats
 ministres, qui ne peuvent plus vivre sans portefeuilles :.
 Le Journal des Débats écrivait :
  Tout homme, qui Il passé aux affaires, ne fût-ce que trois
jours, tout homme qui a contresigné une ordonnance, se croit
en droit, du jour où H n'cst plus ministre, de faire de sa per­
sonne échec à la royauté.
  C'est l'abandonner que de le. laisser partir. C'est le trahir...
  Et ce n'est pas tQut : li côté des hommes, qui ont été
ministres, il y a ceux qui vculent le devenir.
   M. Augustin Thier~ disait que, pour cette raison, la
 Chambre des députés est le parti adverse du gouverne­
 ment.
   Cette lutte entre les élus pour le' pouvoir absorbe autant
 d'énergies que la lutte de chaq,ue élu pour la réélection,.
 Les vainqueurs de ce sport sont appelés à gou~el'ner la
 France. C'est un mode de recrutement aussi bête, disait
 en 1883 M. Louis Andrieux, que si, dans les Conseils géné­
LE MÉTIER                        37
raux, on remplaçait le Préfet par le membre, dont la
proposition a été adoptée malgré le Préfet. Il est fou d'of­
frir les portefeuilles, comme prix des joutes parlemen­
taires, à ceux qui triomphent dans ces joutes.
  Nous subissons ce régime depuis 1871. Il nous a valu
plus de cent crises ministérièlles. Il nous en vaudra tant
qu'il durera, puisqu'il exige que ceux qui ne sont pas en
place fassent partir ceux qui y sont. C'est la loi dynamique
de la vie parlementaire.
                         Le   pu~ilat   pOUl' le pouvoir.
   Le régime étant ce qu'il est, les moyens manquent de
corriger le mal. Mais le régime peut être changé et l'on
aurait tort de croire qu'il soit, même en République, une
nécessité.
   J'entends bien qu'on le retrouvc, à quelques nuances
près, en Angletel"re, au Canada, en Australie. Mais les
Etats-Unis et la Suisse ont su l'éviter. Le Président amé­
ricain ne prend pas ses ministres dans les Chambres et
les Chambres ne peuvent pas les renverser. Quand un
Président a fini son mandat, ses ministres disparaissent
avec lui et l'on n'entend d'ordinaire plus parler d'eux :
le pugilat parlementaire en est diminué d'autant. En.
Suisse, il est d'usage que les ministres, sauf de très rares
exceptions, restent indéfiniment à leur poste : la paix in­
térieure des assemblées en est la conséquence. Quant aux
Anglais, grâce à la dissolution et au système des grands
partis, ils évitent la plupart des malfaçons dont la France
est affligée.
   Dans le système français, les vices se portent au maxi­
mum et ne comportent ni frein, ni contre-partie. Dès que le
candidat est élu, il est candidat à être réélu. Et il est can­
didat à être ministre. La potion du mandat précaire et
révocable s'évanouit en son esprit pour faire place, dans
les deux cas, à un sentiment de domaine éminent et de·
légitime propriété.
   J'en ai fait l'expérience, quand, en 1930, constituant
mon second cabinet, je me suis privé du concours de
quelques collèguès, qui s'étaient révélés inégaux à leur
tâche. J'ai mesuré, avec des nuances d'expression quî
variaient suivant les tempéraments, la puissance de cette
38             LA   PROFESSI~iN   PABLEMENTAIRE

notion de base. Les u,ns m'ont témoigné une koide et
douloureuse répFobatïon. Les autres m'ont p<>ursuivi d'une
haine inexpiable, dont j'ai pu connaître l'efficacité. T0US
estimaient que j'avais man<!Jué à la règle du jeu et que je
leur avais porté un préjudice.
   Cela est si vrai que, pour conjo,rer ce danger, on a pri~
la fâcheuse habitude, ignorée des Anglais, de fatre entrer
dans le ministère nouveau des membres du ministère
ancien : c'est ce qu'on appelle c: Fepêcher >, de même
que l'on dit qu'on « dédouane 10 ceux que 1'011 fait mi­
nistres pour la p-remière f(i)is., M. Waldeck-Rousseau notait,
à ce propos : « Nous avons vu refaire des ministères avec
les m<>rceaux des ministères tombés et, dans certains
cabinets, on aurait pu retrouver les échantillons de tous
ceux qui les avaient précédés. :) M. Clemenceau disait
plus sommairement : c: J'ai renversé beaucoup de minis­
tères. Mais c'était toujou.rs le même. :.
   Ces mœurs, 'lui sont celles du Sénat aussi bien que
celles de la Cha'IIIlbre', manifestent l'impéFieuse unité du
mobile dynamique du métier. Développer le mandat après
avoir fait le nécessaire pOUl" y durer, voilà le but. L'acti­
vité des élus &pparaît ainsi partagée entre deux ordres de
travaux tantôt parallèles et tantôt eonve11'gen-ts : le travail
de circonscription et le travail de coul€)ir ; l'intrigue élec­
toral'e et l'intrigo,e gouvex:-nementale.
   Dira-t-olll que je vois trop noir et qu'H' y a, dans les
assemblées, des hommes qui veulent être ministres p01l'l'
appliquer lean idées? Je l'admets. Mais, en ce qui con­
cerne le d·yaamisme de la profession, cela ne change
rien au résultat. Dans les deux cas, c'est le pugilat. Le
deToir et le profit se rejoignent dans la même embuscade.

                                      Le fond des ehosé8.
    Dessaisissement dl] peuple a.t1 profit ~s~ mand.!'tai~es
  et transTormation des mandataires en p.rofessionnels <J!!.Ï
  veulent aurer et grandir, voilà le fonif des choses. En
  consolidant le méli'er pa,r la réél.igibilité, le cumul et le
  salaire, on a fiaM de ces deux mobiles le ressort    profond
. de notre vie politique.
    A peu près rien de ce qui se passe dans nos assemblées
  n'est intelligible, si l'on s'obstine à penser qu'eUes sont
LE MÉTIER                          39
     composées des mandataires d'un peuple libre et souverain.
     La clarté se fait, si l'on admet qu'elles sont la réunion de
     quelques oentaines de professionnels, avec leur organisa-
     tion, leur hiérarchie, leurs prérogatives et leurs ambi-
     tions, - mûs par les deux mobiles du métier.
        Dans ce métier, tout appartient aux professionnels, et à
     eux seuls. A l'inverse des États-Unis, où, depuis Lincoln,
     il n'y a eu que quatre présidents, qui eussent passé par
     le Congrès, en France, saef le maréchal de Mac-Mahon,
     tou~ les Pr~sj9@ts de la Rép'upligue son! venus. de!> ballCS}
     parl~~~n!!l!!,es, sans aucune prohibition de méiITocrité
     individuel.ie. La cardère est tetal.itaire.
        Entrer, après cette vue à vol d'oiSëau, dans la maison;
     suivre les hommes qui l'habitent, dans leurs activités de
     chaque jour; observer leurs tendances; décrire le milieu
     qu'ils forment ; J!!~!.guer jusqu'où von! le}!espotisxne l)!(ils

l
    le~rcent ~la senvitudC.éiWiIS" siiDi.S~nt, - c'est l'objet de
     ce ffi're, examen clinique du mal français.
CHAPITRE II


        LA SUBSTANCE DU MÉTIER


1.	 L'INTERVENTION. - Les origines lointaines de
   l'intervention. - Comment on intervient. - L'ambas­
   sadeur-courtier. - La Mutuelle électorale.
II.	 LA COALITION. - Le no:;nbre et la coalition. ­
   Les coalitions d'autrefois. - La coalition contempo ­
   raine. - Coalition et métier.
III.	 LA PAROLE. - L'évolution de la parole publique.
   - Le règne des robins. - Une mauvaise préparation.
   - La tribune et les tribunes.

  La profession parlementaire, substituée au mandat, n'a
pas le même objet que lui.
  Le mandat s'appliquait au vote des crédits, au contrôle
des dépenses et il l'élaboration des lois.
  La profession est dominée, en vertu de ses deux lois
statique et dynamique, par l'intervention, par la coalition,
par la parole.


                            1

                   L'INTERVENTION

 La forme essentielle et dominante de l'activité parle ­
mentaire, c'est l'intervention.
LE MÉTIER                          41
  L'intervention est le moyen qu'emploie, pour se satjr
faire, l'intérêt statique de la profession : conservation ,par
réélection. Pour être réélu, il faut donner des plac~s. Pour
en donner, il faut en obtenir. Pour en obtenir, il' faut en
demander.
  L'intervention est la substance de la profession parle­
mentaire.

         Les origines lointaineFl de l'intervention.
   C'est une pratique qui date de loin. Au lendemain du
Premier Empire, dans la fleur du régime électif et cons­
titionnel, que Louis XVIII avait octroyé, un publiciste
avisé, qui se nommait Fiévée, professait que, tant qu'il y
aurait· en France deux hommes vivants, l'un solliciterait
l'autre pour être pourvu d'une place. Cette loi n'ayant
point cessé d'être vraie, le rôle des élus s'est défin.J. par la
recherche des places, que désirent les électeurs.
   En 1830, on racontait que La Fayette avait recommandé
au roi 70.000 demandes : c'est ce qu'on appelait l'insur­
rection des solliciteurs. Deux ou trois sous-préfets nom­
més dans ces conditions se présentèrent complètement
ivres à une réception des Tuileries. On ne leur infligea
qu'une remontrance. Au même moment, la Société des
condamnés politiques revendiquait pour ses membres < la
part du banquet national due aux avant-gardes des héros
de juillet ~. On chantait, dans un vaudeville, ce couplet
dont l'ancienneté accuse l'éternelle vérité
                   Qu'on nous place 1
                   Et que justice se fasse
                   Qu'on nous place,
                   Tous eri masse !
                   Que les placés
                   Soien t chassés 1

  Tout le monde, en ce temps-là, signalait la fièvre de
sollicitation, qui assaillait les corps élus. M. de Tocque­
"HIe la déplorait. M. de Kératry écrivait :
  Chacun semble décidé à vivre aux dépens du Trésor.
  Nous voulons qu'il nous loge; qu'il nous pensionne; qu'il
nous dispense, par les bourses universitair~s, d'élever nos
.,~,

                       LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

          fants ; qu'il fournisse des dots à nos filles par la transmis­
        Si~  des places et une liste civile à nos petits-fils par le Grand
        Livr~e la Dette publique.
          Si l'~s'enquiert de nos titres, nous répondons gravement
        que nous ~ns déjà reçu et que c'est pour cette raison qu'il
        faut que nous'I.'.eœvions encore.
                         ''',
          J'ai sous les yeux ùne lettre inédite, qu'un notaire giron­
        din de la même époque écrivait à un de ses cousins, député
        du Lot. li disait :

           Dans le siècle où nous sommes, les électeurs n'em'oient à la
        Chambre des députés que des hommes qui, par leurs intrigues
        ou leurs démarches, ·peuvent leur procurer les ·places ou les
        avancements qu'ils convoitent.
          Ils disent ouvertement que leur député ,est leur homme
        d'affaires à Paris.
           Ainsi, mon ami, ce n'est plus ou, pour mieux dire, cela n'a
        jamais été l'intérêt de la patrie qui dirige l'opinion des élec­
        teun.                      1

          C'est leur intérêt personnel qui les fait mouvoir.

           La candidature officielle du Second Empire utilisa,
        comme on sait, par l'action de ses préfets tout-puissants,
        cette mendicité générale. L'Assemblée nationale y resta
        fidèle. Le duc de Broglie s'en indignait dans ses circu­
        laires, mais permettait il ses ministres de la cultiver. On
        se souvient de la prodigalité que le duc Decazes et M. de
        Fourtou, de leur cabinet ministériel, réservaient à leur
        immense clientèle.
           M. de Marcère écrivait, dans son rapport sur la loi élec­
        torale de 1875 :                       .

          Le corps électoral d'une circonscl'iption songe principalement
        à lui-même et à ses affaires.
          Il perd un peu de vue les intérêts généraux du pays.
          I! donne une sorte de mandat privé, de mandat spécial aux
        intérêts locaux, à son député, qui, de son côté, et non sans
        préoccupation de l'élection prochaine, soigne avec prédilection'
        les intérêts de ses mandants.
          Et M. Gambetta, quelques mois plus tard, dénonçait, à
        son tour, cette industrie nouvelle du « placement élec­
        tOl'al >, devenue la principale occupation des députés.
LE MÉTIER                            43
  Un député du centre confessait que beaucoup <d'élus sont
appréciés dans leurs départements d'après le nombre pius
ou moins grand de faveurs obtenues par leur canal. Le
député Talandicr, loin de s'en excuser, proclamait que le
budget n'est pas seulement nécessaire pour fournir les
dépenses publiques, mais qu'il doit être « le plus puissant
organe pour créer le bien-être de la nation -et des classes
laborieuses >.
  A mesure que, dans les années suivantes, la profession
parlementaire s'est organisée, l'abus de l'intervention s'est
fait plus scandaleux et les défenseurs les plus obstinés du
statu quo n'ont pas pu s'empêcher de le signaler. M. Ribot"
qui n'était point un homme de fer et n'avait pas l'âme
réformatrice, reconnaissait que le régime républicain
« ressemblait beaucoup à l'ancienne monarchie, où tout
dépendait de la favel!lr >. M. Poincaré se plaignait que les
élus fussent devenus des commissionnaires et il ajoutait :

   Au lieu d'aV-oÎl° a:ffaire à un représentant du peuple, qui ne
lui doit compte que de sa conduite politique, l'électeur assiège
l'élu par sa correspondance et souvent par sa présence réelle.
   Il le harcèle et le député cherche à s'en débarrasser en s'en
déchargeant quelquefois sur son voisin, quelquefois sur le
sous-préfet, quelquefois sur le brigadier de gendarmerie ou
sur le juge de paix.
   Mais si l'électeur pousse la curiosité jusqu'à venir au centre,
le député s'en décharge sur les ministres.
   Est-ee la faute des électeurs P Est-ce la faute des élus P Nulle­
ment.
   C'est la faute du réghne.

  M. Poincaré a répété la même chose en 1912. Il l'a répétée
en 1926, sans malheureusement profiter, pour apporter des
remèdes, de l'absolu pouvoir, dont il disposait alors. 11
précisait sa pensée en ces termes :
  Nous sommes obligés cl 'employer la plus grande partie de
natre activité à des besognes fastidieuses, à des démarches
ingrates.
  Nous arrivons, sous la pression' des Influences locales, à consi·
dérer notre ingérence quotidienne dans les questions admi­
nistratives comme une nécessité vitale pour conserver notre
mandat.                                                            ­
H             LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

  Il Y a moins de dix ans, un député de mérite, M. Lafa­
gette, écrivait que, à cause de cela c'est grâce à leurs dé­
fauts plus qu'à leurs qualités que les candidats triomphent.

                               Comment on intervient.
     La Chambre est organisée' spécialement pour l'interven­
  tion.
     Elle compte une centaine de « groupes de défense :.,
  où, sans distinction de parti, ses membres se rencontrent
 pour systématiser cette intervention. Il y a des groupes
 très-nombreux pour la défense v.iticole, forestière, pay­
 sanne; pour la défense de l'automobile, de l'aéronautique,
 de l'élevage, des matériaux français, de l'artisanat, des
 cheminots, des blessés du poumon, des anciens combat­
 tants, des ayants-droit à la carte du combattant, de la
 démocratie rurale; des vieux travailleurs non pensionnés,
 des marchands forains, des médaillés du travail,des bouil~
 leurs de cru, des rentiers viagers, des planteurs de bette­
 raves, des locataires, des inscrits maritimes, des travail­
 leurs de l'etat, des retraités, des sapeurs-pompiers, des
 receveurs-buralistes, des douaniers, du personnel des
 administration centrales, du personnel des P. T. T., du
 personnel des polices de France.
    Les élus sont' ainsi embrigadés dans l'armée offensive
 de l'intervention. Gaspillage du budget; négligence des
 intérêts généraux; favoritisme; intolérance; instabi­
lité; matérialisme; corruption en sont la conséquence et
j'y reviendrai. Qu'il suffise de noter ici que le métier, dans
ses bases publiques, a pour tâche maîtresse, cette inter­
vention collective et permanente.
    A l'intervention collective s'ajoute l'intervention indi­
viduelle, à quoi chacun des élus consacre le meilleur de
son temps. Le député est tenu de répondre à un volumi­
neux ,courrier. Pour lui faciliter sa tâche, la questure lui
assure, outre la franchise postale, dont j'ai parlé plus haut,
des formules imprimées de lettres aux ministres, dont il
suffit d,e remplir les blancs avec le nom et l'adresse du
solliciteur. Mais, comme on craint que l'imprimé, à force
de servir, n'épuise son effet, on lui préfère d'ordinaire la
lettre autographe. De l'aube à la nuit, entre les séances et
pendant les séances, on voit les .députés, assis côte à côte
LE 1IIlÉTIEiB                     45
comme des éooliers, réd:iger soU dans des salles spéciales,
soit même dans l'hémicycle, cette énorme correspon­
dance.
  De même qu'on a préféré ,la lettre autographe àla lettre
imprimée, on préfère d'aiHeurs le plus souvent à celle-ci
la c démarche ~ personnelle. Cela signifie que, tous les
jO'llrs, les neuf-dixièmes des députés et des sénateurs, élus
pour contrôler le budget et pour vot.er les lois, courent les
administrations publiques pour y 'disperser leurs recom­
mandations. On les voit chez les ministres, chez les secré­
taires des ministres, chez les ·fonctionnaires des minis­
tères. On les retrouve également en province dans Ies
services de l'État, des départements et des communes.
   Il s'agit, pour être réélu, ·d'obtenir ce que les électeurs
demandent. Et les électeurs demandent tout ce qui peut
être demandé, - voire même quelque chose en plus.
Nominations, avancements, mutations, affectations mili­
taires, décorations, subventions, remise d'impôts, pallse­
droits de toutes sortes, c'est le travail quotidien du métier.
   L'administration ,de Ia justice n'est pas exclue de ce
travail : demandes d'amnistie, de .grâces, de réductions de
peine, de non-lieux, de mises en liberté provisoire, pres­
sions sur les Parquets et sur les tribunaux.

                               L'ambassadea·r-eoartier.
   L'écrivain radical, qui, tout en enseignant la philo­
sophie dans nos lycées, signe du nom d'Alain des écrits
de partisaQ, a véridiquement reconnu que le mandat légis­
latif est celui d'un ambassadeur-courtier.
   L'électeur entend que son bulletin de vote réalise pour
lui la promesse du ciel sur la terre. Il se sent, en face de
l'ttat, dans .la position d'un porteur de créances, que les
élus sont chargés de recouvrer. Le député et le séna1eur
voient la plus grande partie de leur temps absorbée par
l'accomplissement de leur rôle de commissionnaires, su­
perbureaucrates de leurs régions. Ce sont de fidèles gens
d'affaires, soucieux des consignes ou des exigences que
formulent les groupements syndicaux ou les individus;
désireux de satisfaire tout le monde; zélés à s'en aller,
sur place, s'enquérir des vœux de tout le monde. Le
député est lin procureur attentif qui défen.d de son mieux
46             LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

 les intérêts particuliers, à lui confiés, dont dépend sa réé­
 lcction.
    Il est si parfaitement cxact que c'est là l'essentiel de
l'activité parlementaire que nombre d'élus ticnnent à jour
la statistique de leurs démarches; le nombre de lettres'
reçues; le nombre de lettres répondues; le pourcentage
des solutions obtenues, pour s'en glorifier ensuite comme
 candidats. J'ai sous les yeux une profession de foi où je
lis : « J'ai reçu de vous 196.000 lettres, dont 58.000 ont cu
satisfaction. ) M. Clemenceau disait en y pensant : c Occu­
pation d'un genre tout spécial! >
   Cette occupation est, plus ou moins, celle des élus, en
tous pays de régime électif. En Suisse, il y eut un temps,
où, dans le canton de Schwitz, les partis se divisaient en
 « hommes du bétail à corne> et en « hommes des pieds
fourchus » ..-- ce qui signifiait que l'intérêt matériel, base
de l'intervention, dominait l'élection. Un délégué du Texas
disait à la Convention républicaine de 1880 : c Est-ce que
nous venons ici pour autre chose que pour les emplois? )
   L'usage de l'intervention parlementaire s'est, depuis
quelques années, beaucoup développé en Angleterre, où
il était, il y a trente ans, à peu près ignoré. Il y tient
cependant moins de place qu'en France, parce que les
Anglais ne possèdent pas la formidable centralisation
administrative, que nous avons b,éritée de Louis XIV et
de Napoléon. Plus le pouvoir est centralisé, plus promet
d'être efficace l'action qu'on exerce sur lui.

                               La   ~fotuclle   électorale.
   Avais-je tort de dire que l'intervention est la substance
du métier parlementaire? Ai-je tort, cela étant, de répéter
que c'est bien d'un métier qu'il s'agit, et non pas d'un
mandat? La recherche des résultats électoraux, par le
moyen de l'intervention, précise le caractère de ce que
j'ai appelé tout à l'heure une Mutuelle électorale. Comment
parler de mandat, quand il n'y a pas indépendance?
   Lorsq~'on se fait nommer député, c'est, sauf de très
rares exceptions, moins pour voter des lois et contrôler la
politique générale que pour administrer, par l'intermé­
diaire des autres pouvoirs, une partie du territoire natio­
nal. La fabrication même des lois est souvent utilisée pour
LE MÉTIER                         47
l'accomplissement de la tâche fondamentale, qui consiste
à couronner, grâce aux ministres, les vœux des électeurs.
   Et je dis qu'on retrouve dans tout cela les éléments nor­
maux d'un métier, mais nullement les bases d'un mandat,
ni celles d'un régime politique et d'un régime national.



                             II
                     LA COALITION

  La coalition est, avec l'intervention, à la base du régime
électif et de la profession parlementaire.
  L'un"e et l'autre se ramènent à la recherche du nombre
par où il est entendu que s'exprime, réelle ou non, la
souveraineté.
                           Le nombre et la coalition.
   Qu'il s'agisse d'être élu ou d'accéder au pouvoir, on De
peut pas travailler seul. En politique, les isolés ne comptent
pas.
   Qu'est-ce qu'une majorité électorale? C'est sur le nom
d'un citoyen, qu'on appelle candidat, la rencontre de
quelques milliers d'autres citoyens, qui ne sont pas iden­
tiques les uns aux autres et qu'il a fallu réunir et amal­
gamer pour faire la majorité. C'est une coalition d'in­
dividus.
   Qu'est-ce qu'une majorité gouvernementale? C'est, en
soutien d'un ministère, l'association de partis et de
gl'oupes, qui, bien que différents les uns des autres, ont
résolu de se rapprocher pour voter de la même façon en
faveur des mêmes personnes. C'est une coalition de collec­
tivités.
   Au sommet donc, aussi bien qu'à la base, pour entrer
dans les Chambres aussi bien que pour entrer dans les
gouvernements, il ne suffit pas d'avoir, par l'intervention,
satisfait ceux qui votent. Il faut encore réaliser et main­
tenir, par un continuel travail de rapprochement, les
votes obtenus. C'est essentiellement l'objet de la coalition,
par laquelle s'obtient au maximum la consécration du
nombre légal.
                                                    3
48            LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

   Les assemblées vivellt en état de coalition permanente;
d'abord, parce qu'elles sont nées d'élections,c'est:à:dire
de coalitions; ensuite, parce qu'elles sont tTOp diVIsées
pour qu'un parti s'en puisse rendre maître. Aucun parti,
depuis 1871, n'a disposé à la Chamhre française de la
majorité absolue.
   S'inscrire à un parti, soit comme candidat, soit comme
élu, c'est se coaliser, c'est-à-dire aliéner, en échange d'un
appui nécessaire, une part de sa liberté et de ses idées,
si l'on en a. Notre régime de scrutin à deux tours pose le
problème avec simplicité. Au ballottage, l'électeur, qui
reporte sa voix d'un candidat sur un autre, fait, à lui
seul, de la coalition. L'élu, qui bénéficie de ces reports,
est l'élu d'une coalition.
    A la Chambre, cela recommence. Quand le député nou­
veau s'inscrit à un groupe, il se coalise, le p.lus souvent
sans savoir pourquoi, ou pour des raisons secondaires,
telles que l'entrée dans une commission, avec d'autres
 députés. Il pose ainsi les bases des coalitions ultérieures
 que développera le jeu parlementaire. Chaque groupe est
 fragment de coalition.
    Quand un gouvernement se constitue, il passe la rev~
 des groupes, qui, dans les Chambres françaises, sont par­
 ticulièrement nombreux. Et, en puisant des membres dans
 quelques-uns d'entre eux, il se définit, par sa naissance
 même, gouvernement de coalition.
    Ce sont également des déplacements de groupes, qui
 décident, par la suite, de la chute des gouvernements ainsi
 formés. Les ministères durent autant que dure l'associa­
 tion des groupes, dont ils sont sortis. Dès que cette asso­
  ciation s'affaiblit et que, contre elle, s'en form~ une autre
 plus forte, le ministère disparaît. Tout gouvernement nait
  d'une coalition et meurt d'une coalition.
    C'est dire la place immense que liennent les coalitions
  dans la vie des assemblées et dans la pDofession parlemen·
  taire. Ce régime, pas plus que celui de l'interventiQn, n'est
  propre à fortifier les convictions. Qui se coalise s'émas­
  cule. et toutes les coalitions politiques ont l'équivoque à
  leur base. Les élus aboutissent ainsi à une dévaluation
  générale des principes. Ils avaient commencé comme can­
  didats. Ils continuent comme députés.
LE MÉTIER                        49
                           Les coalitions d'autl"efois.
    Depuis qu'existe le régime électif, les partis n'ont cessé
de faire des coalitions dans les circonscriptions et dans
les assemblées. On en a vu', dès le début, qui paraissaient
inconcevables.                                           .
    Dans la Chambre introuvable de 1815, il Y eut des gens
pour rêver d'une alliance électorale entre l'extrême-droite
et l'extrême-gauche, qui, dans la faible mesure où elles
pensaient l'une et l'autre, ne pensaient pas la même chose.
M. de Genoude, légitimiste, disait un peu plus tard aux
hommes de gauche : « Si nous n'avons pas le même para··
dis, nous avons le même enfer. » Et, pour préciser l'ac-
cord, au moins sur l'enfer, la Gazette de FI'anoe de
l'époque réclamait le suffrage universel, voire même l'ap-
pel au peuple.
    Une coalition plus forte et plus durable, a laquelle les
Cent Jour~ avaient donné naissance, se noua, à la même
époque, entre les éléments révolutionnaires et les éléments
bonapartistes. On y discernait, à la fois, la rencontre de
certaines idées simples ct un désir réciproque de se
duper. Louis-Philippe, lors du retour des Cendres, essaya
de s'attacher le mouvement. La campagne des banquets
et la révolution de 1848 prouvèrent qu'il n'y avait pas
réussi. La coalition, utilisée par lui en 1830, prit contre
lui sa revanche par l'élection de Louis-Bonaparte et par
le 2 décembre. Pour plus de cinquante ans, d'abord en
préparant l'Empil'e, ensuite en le faisant vivre, cette coa-
 lition a' dominé l'histoire de France.
    On trouvait là réunis les restes grognons du personnel
 de l'Empire; une bourgeoisie libérale, dont l'aveuglement
 rêvait d'aboutir par cette voie à un régime quasi britan-
 niql,le ; une jeunesse républicaine, qui ne savait pas bien
 ce qu'elle voulait; de rares éléments ouvriers. Ce sont ces
 éléments qui saluaient du cri de « Vive la République ~
 telle pièce napoléonienne représentée en province sous
 Louis-Philippe. M. Béranger fut le barde de cette coalition,
 qui, en combattant les deux Restaurations au nom de la
 liberté, finit par créer le Second Empire.
    Sous la Monarchie de Juillet, les coalitions parlemen-
 taires furent innombrables et immorales. On se souvient
 de celles de 1837 et 1842, qui fl.lrent les instruments de la
50             LA PROFESSION PARLEMENTAIRE

lutte des chefs entre eux. On a vu M. Thiers renversé par
la coaliti.Q.l1 de toutes les droites qui étaient loin d'avoir
toutes la même doctrine; M. de Broglie abattu par la
coalition de l'extrême-droite, des bonapartistes et des
républicains. MM. Guizot, Molé, Pasquier ont utilisé, en
sens divers et les uns contre les autres, ce moyen classique
de gouvernement.
   La Troisième République n'a été organisée par la roya­
liste Assemblée nationale que parce que les républicaiDs
lurent, pendant ces premières années, maîtres en l'art
de se coaliser. M. Thiers s'était servi de tout le monde,
recevant alternativement à la Préfecture de Versailles
Mo le Comte d'Haussonville ct les radicaux fraflcs-maçons
de Lyon. Après sa chute, c'est M. Gambetta, qui fut le
gr.and fabricateur de la coalition républicaine.
    Cette coalition s'est développée et compliquée a"ec le
régime des groupes, qui n'a, depuis lors, jamais cessé de
régner. Comme, pour former une majorité, il fallait tou­
jours cinq à six groupes, on a pris l'habitude de regarder
de moins en moins aux idées et de ne s'attacher qu'au
 résultat numérique. La nécessité de la coalition a eu pour
effet de rejeter les programmes au second plan. Intervenir,
 pour être réélus; se coaliser, pour être ministres : les
 deux lois du métier se dégageaient en force sur un fonds
 de scepticisme.
    Sous les présidences de MM. Grévy, Carnot, Casimir
 Périer et Félix Faure, les coalitions eurent UR nom, qui
 ne signifiait pas toujours la même chose. Elles s'appelaient
 concentration. La concentration se faisait généralement il.
 gauche par l'addition de quelques transfuges radicaux,
 qui n'engageaient qu'eux-mêmes. Il arrivait aussi qu'elle
 se fit à droite, auquel cas les radicaux ne tardaient pas,
 pour en sortir, à chercher plus à gauche des remplaçants.
    Sons la Présidence de M. l!mile Loubet et sous celles de
 ses successeurs, les coalitions parlementaires ont exagéré
 et ~implifié les coalitions élect.orales. Elles ont tendu, sous
 l'épithète républicaine, à associer les bourgeois actuels du
 parti radical aux bourgeois virtuels du parti socialiste;
 les « nantis > et les c à nantir >, cependant que, de
 l'autre côté, des éléments non moins hétérogènes se grou­
 paient sous l'épithète nationale. L'affaire Dreyfus, par les
 chocs ard-ents qu'eUe provoqua, avait aceéléré le .phéno­
LE MÉTIER                             51
mène. Le mélange, né de la coalition, était des deux parts,
innommable. Des anarchistes d'action directe voisinaient
avec M. Scheurer-Kestner. Des communards cotoyaient, il
la Ligue des patriotes, des bourgeois conservateurs.
   Il faut remonter à cc temps-là pour saisir les indices
naissants de la coalition, qui, après s'être appelée Cartel
des gauches, est devenue Front populaire. Il ne s'agit,
en l'espèce, ni d'un caprice, ni d'un accident et tout ce
qui est arrivé de nos jours se préparait depuis longtemps.
Le peuple, bien que volé tant de fois par les bourgeois du
profit des révolutions faites par lui, a gardé le golit des
bourgeois. Les bourgeois, terrifiés par la Commune, ont,
depuis lors, ouvert leurs rangs, comme M. de Lamartine
le leur avait conseillé. Dans nos provinces, où le classe­
 ment s'exprime par le cléricalisme et l'anticléricalisme,
l'alliance entre radicaux et socialistes est de tradition.
 C'est la coalition normale.
    Ce qU'OR appelle aujourd'hui Front populaire est le type
 achevé de la coalition politique. En le retenant comme
 témoignage, on est assuré d'y trouver tous les traits qui
 la caractérisent et qui sont affaire, non de doctrine, mais
 de métier.
                            La coalition contemporaine.
   Aux premiers contacts électoraux et parlementaires
entre les radicaux et les socialistes, M. Poincaré demanda,
si l'on prétendait marier l'eau et le feu. Avant lui, },f. Mé­
line avait prononcé avec encore plus de précision :
  Je dénonce ce dualisme gouvernemental, qui, selon les
temps, les circonstances, les milieux où J '-on parle, la clientèle
que l'on veut .flatter, -présente au pays, tantôt la face .propriété,
capital, liberté; tantôt la face suppression de la propriété, du
capital et de la liberté.
   M. Méline avait assurément raison de s'attaquer ainsi
 aux bases d'une coalition, que réprouvent éga1ement le bon
'Sens et la morale. Vingt-cinq ans après lui, dans la cam­
 pagne électorale de 1932, j'ai dit, le 28 avril et le 4 mai,
 la même chose, de façon plus directe, en déclarant :
   Les neuf-dixièmes du programme radical seraient inexécu­
 tables par le Cartel des gauches.
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Andre Tardieu-LA-REVOLUTION-A-REFAIRE-tome-2-La-Profession-Parlementaire-Paris-1937

  • 1. , ANDRE TARDIEU LA REVOLUTION A REFAIRE n La profession arlementaire FLAMMARION
  • 2.
  • 3. OUVRAGES DU MÊME AUTEUR Chez le meme éditeur: LA RÉVOLUTION A REFAIRE: tome I. LE SOUVERAIN CAPTIF, 1936, 45' mille. L NOTE DE SEMAL'lE, 1937, 12" mille. ALERTE AUX FRANÇAIS, 1936, 200' mille. SUR LA PEl'TE, Ig35, 52' mille. LA RÉFORME DE L'ÉTAT, LES IDÉES MAÎTRESSES DB « L'HEURI! DE LA DÉCISION ll, Ig34, Ise mille. L'HEURE DE LA DÉCISION, Ig34, 2ge mille. DEVANT LE PAYS, Ig32, I8e mille. L'ÉPREUVE DU POUVOIR, Ig3I, 12 e mille. Chez d'autres éditeurs : QUESTIONS DIPLOMATIQUES, Félix Alcan, Paris 1904. LA CONFÉRENOE D'ALGÉSIRAS, troisième édition, Félix Alcan, Paris IglO. LA FRANCE ET LES ALLIANCES, quatrième édition, Féla Alcan, Paris, Iglo. NOTES SUR LES ÉT.TS-UNIS, sixième édition, Calmann-Lévy, Paris, 1917. LE PRINCE DE BÜLOW, septième édition, Calmann·Lévy, Paris, Ig31. LE MYSTÈRE D'AGADIR, tI:oisième édition, Calmann-Lévy, Paris, Ig12. L'AMÉRIQUE EN ARMES, deuxième édition, E. Fasquelle, Paris, 1919. LA PAIX, vingtième édition, Payot, Paris, Ig21. THE TRUTII ABOUT THE TREATY (Bobbs-Merril), 30· mille. SLESVIG PAA FREDSKONFERENCEN (avec la collaboration de F. de Jessen), Copenhague, Ig26. DEVANT L'OBSTACLE, vingtième édition, Emile-Paul, Paris, 19 2 7. FRANCE AND AIIIERICA, Houghton Mifflin Co, 1927. LE SLESVIG ET LA PAIX (en collaboration avec F. de Jessen) Jules Meyn'ial, 1930. ­ FRANCE IN DANGER, Denis Archer, Londres, 1935.
  • 4. ANDRÉ TARDIEU La Révolution à refaire Il La profession parlementaire ERNEST FLAMMARION, EDITEUR
  • 5. Il a été tiré de cet ouvrage : vingt exemplaires lUI' papier du Japon numérotél de 4 à 20, soia:ante-'luinze exemplail'es lUI' papier de Hollande numérotés de :U à 95, cent exemplaires lUI' papier vergé pur fil Outhenin-Chalandl'e numérotél de 96 à 495 et lix cent loixante exemplaires sur papier al[a numérotés de 496 à 855. Droils de traduction, de reproduclion et d'adaptation réservés pour tous les pays, Copyright J037, by ERNEST FLAMMARION
  • 6. LA RÉVOLUTION A REFAIRE (1) TOllE 1. - Le souveraIn captif. * TOllE II. - La professIon parlementaIre. * TOllE III. - Le sabotage des Intérêts généraux. TOllE IY. - Le règne du matérIalisme. TOME V. - Les Issues possibles. TABLE DES MATIÈRES DU TOME II LE MÉTIER CIIAPITRE PIIIlMIER. - LA STRUCTURE DU MÉTIER. i3 1. Du mandat au métier. - Les caractères du man­ dat (p. H). - L'évolution anglaise (p. i5). ­ L'évolution française (p. i6,. - Le sophisme de la représentation (p. D). - Les débuts du métier (p. i9). - La profession constituée (p. 20). Il. Les cadres du métier. - La liberté d'accès (p. 23). - La ré éligibilité (p. 2'-). ­ Le cumul des mandat:; (p. 27). - La rétribution (p. 28). - Un métier solide (p. 30). III. Statique et dynamique du métier. - L'obsession de la réélection (p. 33). - La non-représentation de l'in­ térêt général (p. 34). - L'obsession de l'avancement (p. 35). - Le pugilat pour le pouvoir (p. 37). - Le fond des choses (p. 38). CHAPITRE II. - LA SUBSTANCE DU MÉTIER. . . 40 1. L'intervention. - Les origines lointaines de l'inter­ vention (p. oU). - Comment on intervient (p. 44). (1) Les tomes parus sont marqu~ d'un astérisque.
  • 7. 6 TABLE DES MATIÈRES L'ambassadeur-courtier (p. 4(5). - La mutuelle électo­ rale (p. 4(6). IL La coalition. - Le nombre et la coalition (p. 4(7). ­ Les coalitions d'autrefois (p. 49). -- La coalition contem­ poraine (p. 51). - Coalition et métier (p. 53). III. La parole. - L'évolution de la parole publique (p. 55). - Le règne des robins (p. 58). - [Tne mauvaise prépara­ tion (p. 59). - La tribune et les tribunes (p. 6i). COAPITRE III. - LA TENDANCE DU MÉTIER • •• G3 I. L'histoire du mouvement à gauche. - Le mouve­ . ment à gauche avant 1871 (p. 64). - Le mouvement à gauche depuis 187l.' (p. (6). - Les élections de gauche (p. 68). - La forme nouvelle du mouvement il gauche (p. (9). - L'exclusion des ralliés (p. 70). - L'exclusion des modérés (p. 12). - Le Front populaire 'p. 74). II. L'explication du mouvement à gauche. - Le nombre et la gauche (p. 75). - Les autres causes du mouvement il gauche (p. 78). - La qualité des hommes (p. 80). - Le mouvement à gauche et le métier (p. 82). III. Pas de résistance au mouvement à gauche. - La faillite des droites jusqu'à t!l75 (p. 84-). - Le t6 mai et ses lendemains (p. 85). - L'après-guerre (p. 87). - Les ligues (p. 88). - Hors du métier (p. 90). LE MILIEU CIIAPITRE IV. - L'ATTRAIT PARLEMENTAIRE.. 95 ~ 1. Le prestige des assemblées. - Les prophètes du prestige (p. 96). - Les motifs intéressés (p. 99). ­ Les motifs désintéressés (p. 100). - Prestige et profes­ sion (p. 102). 1 Il. L'esprit de corps et la camaraderie. - La solida­ rité dans le pl'Ïvilège (p. 103). - La camaraderie parle­ '} mentaire (p. 107). - Les limites de la camaraderie ~ 1 (p. 108).
  • 8. TABLE DES MATIÈRES 7 1Il. La presse et la profession. - L"évolution de la presse (p. fi 1). - Les parlementait'es et la presse (p. fi3). - La presse parlementaire (p. H4). - La pro­ fessionparlementaire et la liberté de la presse (p. H 7). - Actions et réactions (p.U8). V. - LE CORPS A CORPS PARLEMEN­ CII.ŒTlIE TAIRE . . • • • • • • • . • • . . • 0 • • • • • • • il9 1. Les individus. - Les origines de la duplicito (p. i20). - La duplicité démocratique (po i22). - La férocité parlementaire (p. i23). - Le mépris de la vtrité (po i26)0 - Le découragement des meilleurs (po i27)0 1 Il. Les partis. - La trahison, âme des partis (po i29)0 ­ La trahison révolutionnaire (p. i32). - La trahison radi­ cale-socialiste (p. i33). - La trahison conservatrice (p. i36). Ill. Les chefs. - La recherche de la popularité (p. i38)0 ­ La défaillance des chefs avant i87i (po i 39). - La défail­ lance des chefs sous la Troisième République (p. i42). - Quelques vedettes (p. i45). - Les débuts de M. Thiers (p. H:7). - M. Thiet·s et la République (p. H9). VI. - LA MÉDIOCRITÉ PARLEMEN ­ ClIAPITRE TAIRE . • . . • . . . • . • • . • • . . • . • . • • iai l, Les idées. - La médiocrité du recrutement et du travail (po i52). - Le règne du cliché (p. i54). - Témoi­ gnages sur la médiocrité (p. i57). - Médiocrité et métier (p. i60). Il. Le rendement. - L'absentéisme (p. i(2). - La vio­ lence (p. i(6). - La lenteur parlementaire (p. i67). - La mauvaise qualité des lois (p. f6J). - Quelques témoi­ gnages sur le rendement (p. ni). III. Le discrédit. - Le détachement des élites (p. iï3). - La désaffection du p~uple (p. i 76). - Le complexe du discrédit (p. t 78). - Quand le mécontentement explose (p. i79).
  • 9. 8 TABLE DES MATIÈRES LE DESPOTISME CUAPITRE VII. - LES MODALITÉS DU DESPO­ TISME PARLEMENTAIRE. . . . . . • • . . . . 181 I. La doctrine du despotisme. - Les origines philoso­ phiques et historiques (p. 182). - Le despotisme révolu­ tionnaire (p. 184-). - Les deux Restaurations lp. 18;';). ­ Le moderne despotisme (p. 186). - Quelques témoins (p. t88). - Despotisme et métier (p. lûl). Il. La tyrannie de la séance. - Les interpellations (p. 1931. - Un peu de statistique (p. 1!J4-). - Les vices du système (p. 195). - L'initiative gouvernementale (p. t97). - L'initiative parlementaire (p. 19~J. - « L'in­ dépendance de la rep"ésentation » (p. ~OO). Ill. La tyrannie hors séance. - Les commissions (p. 202). - Les groupes (p. 205). - L'action individuelle (p. 207). - La vaine indignation des chefs (p. 210). ­ Au cœur du métier (p. 212). CIIAPlfRE VIII. - L'ABSENCE DE FREINS . . . . . 2U­ I. Le chef de l'État. - Le rodage des ciJefs d'État (p. 215). - ~a Présidence de 1875 (p. 2t7). - Le prési­ dent anéanti (p. 220). - Les al.t.ributions non-exercées (p. 22t). - La victoÏJ'e de la profession (p. 224-). II. Le chef du gouvernement. - Les origines de la fai- , blesse ministérielle (p. 226). - Sous la troisieme répu­ blique (p. 228). - La règle du jeu (p. 23t). - Le gouyer­ nement écrasé par les Chambres (p. 234-).. Ill. Les autres freins. - Pas de referendum (p. 236). ­ Pas de dissolution (p. 238). - Pas de recours constitu­ tionnel (p. 24-0). - L'usurpation sénatoriale (p. 24-2). ­ 1 L'identité des deux Chamb"es (p. 2*5). - La dictature totale des assemblées (p. 247). CllAPITRB IX. - LES EFFETS DU DESPOTISME PARLEMENTAIRE. . • • • • • . . • . • . . . . 250 I. L'instabilité gouvernementale. - La stabilité du ré­ 1 gime (p. 250). - L'instabilité du gouvernement (p. 25t). - Les conséquences de l'instabilité (p. 2:i5): - L'insta­ bilité et la profession (p. 256).
  • 10. TABLE DES MATIÈRES 9 11. L'irresponsabilité générale. - L'irresponsabilité gouvernementale (p. 25R). - L'irresponsabilité parlemen­ taire (p. 260). - L'irresponsabilité populaire (p. 262). ­ L'irresponsabilité totale (p. 263). III. - L'oppression des minorités. - La tradition d'op­ pression (p. 264). - « La loi est Dieu » (p. 267). ­ Aucune limite à l'oppression (p. 268). - L'oppression el le métier Ip. 270). LA SERVITUDE CUAPITRE X. - LES TROIS ESCLAVAGES . . • • • 273 J. L'esclavage local. - L'accord sur l'esclavage (p. 27-i). - L'élu asservi aux électeurs Ip. 275). - L'élu asservi au gouvernement (p. 278). - Un régime mal­ sain (p. ~80). Il. L'esclavage politique. - Les origines de l'escla ­ vage politique (p. 281). - L"esclavage contemporain (p. 283). - Le rôle des groupes Ip. 2S~). - ( L'Art royal li (p. 286). III. L'esclavage pécuniaire. - L'exemple américain (p. 288). - En France (p. 289). - Les petits services (p. 292). CUAPITRE XI. - LA CORRUPTION PARLEMEN ­ TAIRE. . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . 295 I. .Les précédents. - En Angleterre (p. 296). - Aux Etats-Unis (p. 2971. - La corruption politique sous la Révolution française (p. 2D8). - Les pourris Ip. 300). ­ Restauration et Monarchie de juillet (p. 303). - L'avène­ ment de la Troisième République (p. 305). II. La corruption contemporaine. - La corruption par en haut (p. 306). - La « pourriture d'assemblée» (p. 307). - Les causes profondes (p. 3iO). - Le despotisme cor­ rupteur (p. 312). III. L'écharpe et la robe. - L'avocat, la loi et le juge (p. 314). - De l'usage à l'abus (p. 316). - Inutiles débats (p. 318). - Le mouvement à gauche et la corruption 'p. 321).
  • 11. 10 TABLE DES IIIATIÈRES CnAPITRE XII. - LES SCANDALES PARLEMEN­ TAIRES . 0 ••••• 0 • 0 0 0 • 0 •• 0 ••• 0 0 I. La chronicité des scandales. - Les débuts (p. 324,). - L'affaire Wilson (p. 325). - Le Panama (p. 326). ­ Les scandales de l'avant-guerre (p. 328). - La guerre et l'après-guerre (p. 330). - Hanau, Oustric, Stavisky, Lévy (p. 331). - Le scandale et le métier (p. 333). Il. Le mécanisme des scandales. -Ajournement(p. 334). - Négation (p. 335). - Reniement (p. 336). - Diversion (p. 337). - Contre-attaque (p. 338). - Appel li. la démo­ cratie (p. 340). III. La répression des scandales. - Les commissions d'enquHe (p. 3~2). - La justice (po 3-i6 ). - La polic'G (p. 350). - Où l'on retrouve la profession (p. 353). CHAPITRE XIII. - PREMIÈRES CONCLUSIONS 0 0 0 355 L'unité des deux mensonges (p. 355). - L'unité des consé­ quences (p. 3:;6). - L'ignorance du peuple (p. 357). ­ Ce qui ne peut pas durer (p. 35:}). - Il Y faut une révo­ lution (p. 3ûi).
  • 12.
  • 13.
  • 14. CHAPITRE 1 LA STRUCTURE DU MÉTIER 1. DU MANDAT AU MÉTIER. - Les caractères du mandat. - L'évolution anglaise. - L'évolution fran ­ çaise. - Le sophisme de la représentation. - Les débuts du métier. - La profession constituée. II. LES CADRES DU MÉTIER. - Pas de sélection à l'entrée. - Pas de limitation de durée. - Le cumul des mandats. - La rétribution. - Un métier solide. III. STATIQUE ET DYNAMIQUE DU MÉTIER. ­ L'obsession de la réélection. - La non-représentation de l'intérêt général. - L'obsession de l'avancement. -- Le pugilat pour le pouvoir. - Le fond des choses. La 'vie publique de la France souffre de deux altéra­ tions. D'une part, les principes, sur lesquels elle croit avoir fondé cette vie publique, sont outrageusement violés et le peuple est dessaisi, au profit de ses élus, des pouvoirs dont on lui fait honneur. D'autre part, les élus, qui détiennent ces pouvoirs, se comportent, non en manda­ taires, mais en professionnels du métier parlementaire. A quoi le peuple est réduit par les assemblées, on le sait. Ce que sont les assemblées, on va le voir.
  • 15. 14 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE 1 DU MANDAT AU MÉTIER Mandat parlementaire? Non. Le mandat appartient au passé. De nos jours, il est devenu métier. Les caractères du mandat. Mandat et métier ne sont point la même chose. Ce sont choses différentes et même contraires. Le mandat est mission de confiance, mission personnelle, mission limitée dans sa durée et limitée dans son objet. Le mandataire représente pour une tâche définie des mandants, qui le connaissent et qu'il connaît. Aucun de ces caractères ne s'attache au métier. On ne" peut pas concevoir un mandat impersonnel, nn mandat perpétuel, un mandat universel. Dès qu'appa­ raissent ces trois traits, impersonnalité, perpétuité, univer­ salité, le mandat s'évanouit et sa place est à prendre. C'est ainsi que du mandat on est passé au métier. Pendant des siècles, les assemblées locales, municipales, régionales, nationales même eurent un mandat comme origine. Les membres en étaient désignés, à titre tempo­ raire et bref, par leurs pairs, en des comices fermés. Chaque ordre ou chaque classe de la société choisissait, sans communiquer avec les autres, son représentant. Ce représentant n'avait qualité de parler et d'agir qu'au nom de ceux qui l'avaient choisi. Cette qualité résultait de la communauté d'intérêts et de vie, qui existait entre eux et lui. Les mandataires, ainsi créés, représentaient, non la nation, mais des fragments de la nation généralement impénétrables, souvent hostiles les uns aux autres. Ils ne constituaient point des assemblées homogènes, totalisant, dans une globalité de représentation, un pouvoir général. Ils n'étaient que des délégués de catégories, - en Angle­ terre, délégués des villes, des comtés et des bourgs; en France, délégués des nobles, des clercs et des bourgeois.
  • 16. LE MÉTIER 15 Les hommes, à qui ce mandat était conféré, le redou­ taient d'ordinaire plus qu'ils ne le souhaitaient. Le dépla­ cement les dérangeait. La crainte de n'être pas remboursés de leurs frais par des mandants rebelles à la dépense les alarmait. On a connu des communes espagnoles qui, pour ne pas payer, refusaient d'élire des mandataires. Nos etats généraux de 1483, dont le rôle fut cependant impor­ tant, demandèrent modestement à être convoqués de nou­ veau au bout de douze ans. Ces assemblées courtes et rares avaient pour habituelle mission de disputer au souverain l'argent, dont il avait besoin. Elles étaient défenderesses et plaidaient la cause des payeurs. Capables d'accorder les subsides, mais dési· reuses de les refuser, elles se séparaient, dès qu'était vidée la matière pour l'examen de laquelle elles avaient été convoquées. L'évolution an~lai8e. L'évolution, qui a conduit du mandat au métier, est née des contingences et des commodités plutôt que d'une vue de doctrine. Cela est vrai même de l'Angleterre, qui passe pour avoir inventé le régime représentatif. Qu'arriva-t-il? Afin de ne pas multiplier les élections, qui étaient une corvée pour tout le monde, on prit l'ha­ bitude de proroger les mandats. Comme on chargeait les mandataires de placets pour le roi, on s'accoutuma à ce qu'ils en présentassent de leur chef. Ainsi s'annonçaient, sans que l'on y eût songé, deux traits essentiels de la profession parlementaire, la permanence et l'initiative. Dès ce moment, les élus grandissent en considération. Parce que leur mandat dure; parce que les sollic.itations, qu'on leur confie, sont souvent accueillies; parce que le pouvoir central, en quête de points d'appui, les cOJ;)sulte quelquefois sur de grandes questions de paix ou de guerre, les assemblées anglaises prennent, dès la fin du xVO siècle, figure de pouvoir public. Elles ne participent pas à l'action de l'exécutif. Elles ne le contrôlent pas. Elles ne f('nt pas de lois. Mais elles sont des associées du sou­ verain. Le principe ainsi posé va porter ses fruits. Le pouvoir de voter les subsides conduira à la surveillance de leur emploi. Le pouvoir de présenter les pétitions deviendra
  • 17. 16 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE celui de proposer des lois, voire même de réclamer des mises en accusation. Le sauf-conduit délivré flUX élus pour leur voyage se muera en inviolabilité. La fréquence croissante des réunions aboutira à l'annualité de l'impôt. Le grand changement, celui dont sortira la profession parlementaire, ne viendra que beaucoup plus tard. C'est seulement au XVIII" siècle que les auteurs, tels que Blacks­ tone, écriront que « chaque membre du Parlement est une partie de la représentation du royaume ». C'en est fini, dès lors, des mandataires spécialisés, qui ne parlaient qu'au nom de leurs mandants. Désormais l'assemblée est une et s'affirme dans son unité, comme l'expression de la nation. De là à prétendre gouverner, il n'y a qu'un pas. Ce pas a été franchi en 1782, quand les Communes, en vertu de leur mandat général, renversèrent - c'était la première fois - le ministère North. En même temps se consolida la séparation, commencée deux siècles plus tôt, du Parlement en deux Chambres. Ainsi s'atténuait le carac­ tère d'assemblée de vassaux, qu'avait eu d'abord la Chambre des lords. Ainsi s'accentuait le cadre permanent des activités professionnelles. Il y a, dès ce moment, en Angleterre, des familles qui feront, pour des siècles, métier de s'y consacrer. L'évolution françaist-. La France, après avoir suivi l'Angleterre avec quelque retard, l'a, au XVIII" siècle, rattrapée et dépassée. Depuis les assemblées de Charlemagne jusqu'à la Révo­ lution, elle n'avait jamais conçu ses J::tats généraux comme un instrument de gouvernement. A part Philippe Pot, qui fit en 1483 figure d,'origiqal, personne ne prétendait que le peuple fût le donateur du pouvoir. Ni en 1303, ni en 1614, les Etats généraux ne présentèrent de véritables remontrances. Ce soin était laissé aux magistrats, membres des Parlements et propriétaires des charges qu'ils avaient achetées. Quand le roi était faible et la situation troublée, les J::tats généraux devenaient séditieux. Quand le roi était fort, ou bien ils procédaient par supplication; ou bien ils ne se réunissaient point. Dans tous les cas, le pouvoir central finissait par obtenir l'argent, dont H avait besoin:
  • 18. LE ~lÉTIER 17 c'était « l'aide ), à laquelle s'ajoutait le c conseil ), d'où sortit la pétition. Ce consentement de l'impôt fut la base initiale des assemblées françaises. Le rôle propre des mandataires élus était d'octroyer ou de refuser cette aide. Nous retrou­ verons ce droit dans les constitutions révolutionnaires, dans les Chartes de 1814 et 1830, dans la Constitution de 1848. C'était l'écho de la déclaration anglaise de 1689 : c Tout impôt levé sans le consentement des Communes est illégal. ) Rien, par contre, dans nos Etats généraux, n'annonçait le pouvoir de légiférer, ni le caractère national du man­ dat. Les mandats étaient locaux et impératifs, - précisés, de Charles VII à Louis XVI, par des « cahiers ) toujours très respectueux de l'autorité royale. Personne ne conce­ vait que chaque député représentât la nation. Chaque dé­ puté ne représentait que son ordre et que sa ville. Le plus souvent, les trois ordres étaient d'ailleurs plus occupés il batailler les uns contre les autres qu'à revendiquer en­ semble un pouvoir politique solidaire. Au fond, ces réunions n'étaient guère désirées. Les rois, devenus absolus, s'en offensaient. Les élus savaient que, sous le nom d'aide et conseil, c'est toujours une note à payer qui leur serait finalement présentée. Quand Louis XVI convoqua les f:tats de 1789, il y avait cent soixante-quinze ans que, malgré bien des orages, on avait laissé dormir cette vieille procédure. Le sophisme de la représentaHon. Avec la Révolution, tout va changer. La notion de représentation nationale, d'abord timidement introduite, à la suite des Anglais, va tout envahir et mettre la prOfes­ sion à la place du mandat. On commence par supprimer le vote par ordre et par lui substituer le vote par tête. La mission d'aide et conseil devient pouvoir constituant. Bientôt· les constituants se feront gouvernants en se saisissant de la législation et de l'administration. La loi de 1791 proclame que la Constitu­ tion française est représentative. C'en est fini du mandat. Le métier va naître. Certains protestent, qui peut-être prévoyaient les suites,
  • 19. 18 LA PROFESSION PARLE!IENTAIRE et Us prononcen~ un rappel aux principes. Pétion disait : Les membres du corps législatif sont des mandataires. Les citoyens, qui les ont choisis, sont des commettants. Donc ces représentants sont assujettis à la volonté de ceux de qui ils tiennent leur mission. Nous ne voyons aucune différence entre ces mandataires et les mandataires ordinaires. Les uns et les autres agissent au même titre. Hs ont les mêmes obligations et les mêmes devoirs. Dans cette voie de prudence, on prend même certaines pJ;'écautions : limitation de la durée du mandat; non-réélï­ gibilité. Mais le courant inverse est trop fort. Il emporte tout. Un obscur député, nommé Dupont, le résume crûment en s'écriant : Ce ne sont pas des ~tats généraux périodiques que nous avons institués, mais une assemblée nationale permanente. Ce n'est pas pour venir de temps en temps voir ce qui sc passe dans l'administration que la nation envoie des députés. C'est pour prendre une part active à l'administration. Tout est dans ces quelques paroles, - la permanence, le caractère national du mandat, l'omnipotence. Burke avait déjà marqué le coup et montré qu'on tournait le dos aux précédents. Il avait écrit, quelques mois plus tôt: Vos représentants se sont écartés des instructions qu'ils avaient reçues du peuple et qui étaient la seule source de leur autorité... L'assemblée, pour obtenir et assurer son pouvoir, a agi d'après les principes les plus opposés à ceux qu'elle paraît suivre. Bientôt ce fut la Convention. Alors, sous le couvert d'un mandat désormais périmé, c'est la totalité de la puis­ sance publique qu'usurpe la petite fraction d'élus, qui mène l'assemblée. Elle fait les lois. Elle gouverne. Elle administre. Elle juge. Elle commande aux ministres. Elle nomme aux emplois. Elle dépose le roi. Elle l'emprisonne. Elle le guillotine. Elle se déclare en permanence. Elle exerce le pouvoir absolu. La notion du mandat personnel et temporaire s'évanouit si complètement; la notion du métier, qui doit durer ct
  • 20. LE MÉTIER 19 nourrir son homme, s'établit si impérieusement que la Convention expirante imposera il l'assemblée suivante, par un décret arbitraire, l'absorption des deux tiers de ses membres. Ainsi la profession exproprie le peuple, dont elle affirme la souveraineté, pour substituer à son choix les convenances de sa durée. Sous le Consulat et sous l'Empire, qui remplacent la volonté du peuple par la volonté du maître, il n'y a plus trace du mandat et les assemblées votent par ordre. Mais tandis que le mandat disparaît, le métier se consolide. Il y aura toujours, un Corps législatif. Il y aura toujours un Sénat. Leur contrôle et leur initiative seront égaux à zéro. Mais ils organiseront le métier avec un incomparable succès. Ils réclameront et ils obtiendront tantôt une aug- mentation de salaire; tantôt une dotation; tantôt l'héré- dité; tantôt le droit d'être indéfiniment rééligibles. Les pires tragédies de l'histoire française laisseront intacte cette professionnelle vigilance et, en 1815 comme en 1814, les Sénateurs de l'Empire auront l'unique ambi- tion d'entrer dans la Chambre des pairs de Louis XVIII. Ce sont déjà des gens de métier. Les débuts du métier. Louis XVIII, en oct1'Oyant à la France le régime repré- sentatif, auquel il avait pris goût en Angleterre, a précipité le mouvement. Dès ce moment, l'esprit professionnel a si parfaitement dénaturé le mandat que la plus violemment réactionnaire des Chambres de la Restauration, celle de 1815, qui a mérité le nom de Chambre introuvable, sera la plus ardente à affirmer les revendications du mandat-métier; à les affirmer contre le pouvoir royal, dont elle était passionnée; à exiger, au delà des stipulations de la Charte, le maximum de prérogatives : contrôle des dépenses, initiative, amendement, interpellations sur les pétitions. Le m04vement continuera sous Louis-Philippe et M. Thiers, au seuil de sa longue et illustre carrière, sera le premier type de ce politicien professionnel, qui en- combre l'histoire de notre temps. M. Guizot déclarera ~on alarme de voir que les députés se considèrent comme investis d'un mandat illimité. L'Assemblée nationale et
  • 21. 20 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE l'Assemblée législath'e de 1848 sortiront de cette concep­ tion. Le Second Empire lui-même n'y échappera pas. Son Corps législatif, bridé par le Conseil d'État, trouvera dans l'esprit de métier, avec la complicité de son président, le duc de Morny, le stimulant de son réveil. Et, de transition en transition, on arrivera à l'Empire libéral, qui confiera ses destinées aux professionnels de la politique. La Troisième République, à peine née, s'est orientée dans le même sens. L'Assemblée nationale n'avait reçu qu'un mandat : faire la paix. Elle a fait une constitution. Par contre, et bien qu'elle fût en majorité composée d'hommes qui n'étaient point des professionnels, elle s'est, en quelques mois, si fortement éprise du métier parlemen­ taire qu'elle en a été la fondatrice. Possédant, en vertu des textes et des faits, un pouvoir plus absolu que celui de la Convention, elle en a reven­ diqué tous les privilèges, sans se soucier du vœu de ses mandants. Elle a tout sacrifié à sa durée, même ses convic­ tions. Quand M. Édouard Laboulaye lui a dit en 1875 qu'il lui fallait choisir entre constituer ou s'en aller, elle a constitué. Elle a voté la République, dont elle ne voulait pas, pour éviter d'être dissoute. Pis encore. Après avoir rétabli à son profit le cl'Îme de lèse-majesté, elle a de nouveau affirmé son esprit de corps lors de la désignation des sénateurs inamovibles. Il fallait trouver soixante-quinze noms de qualité. L'idée ne vint à personne, pas plus à droite qu'à gauche, qu'on plit les chercher hors de l'assemblée. Et l'on élut soixante-quinze députés. Ce qui s'est passé depuis, et qui est plus près de nous, fait l'objet de ce volume. La transformation du man­ dat en métier a créé la dictature des majorités, la ruine de l'autorité et la servitude des élus. Nul n'en conteste les ravages. Mais nul ne propose d'y mettre fin. La guerre de 1914, qui a changé tant de choses dans l'ordre matériel et dans l'ordre moral, a laissé intacte, avec tous ses attri· buts, la profession parlementaire. La profession constituée. Les Américains, qui ne pensent pas que le peuple souve­
  • 22. LE MÉTIER 21 rain, incapable d'exercer sa souveraineté par lui-même, puisse, de ce fait, la déléguer à ses élus, ont fixé des limites écrites à l'omnipotence de la représentation et d~fini un certain nombre de choses, - liberté des églises; compétences du jury; publicité des débats de justice; droit d'association, de réunion, de pétition; liberté de la presse, - à quoi les élus n'ont pas le droit de toucher. Rien de tel dans nos lois de ~875, où tout est sous-en­ tendu. Il en est résulté que rien, chez nous, n'a mis obstacle au dessaisissement du peqple par le métier et à l'immo­ lation des principes sur l'autel de la profession. Alors le jeu commence. Par les brigues électorales; par la mutilation deA'effectif qui vote et de la compétence des votants; par le découpage des circonscriptions; par les abstentions tolérées; le scrutin majoritaire d'arrondisse­ ment; la rééligibilité indéfinie; le cumul des mandats; la quasi-permanence des assemblées, l'ancien mandataire gratuit, désormais rétribué et pensionné, tient, comme Arlequin, sa boutique sur les marches du Palais. C'est un métier comme un autre, qu'on exerce, suivant des règles fixes, avec un automatisme qui rappelle les animaux-machine de Descartes - un métier qui mène à tout, à condition d'y rester. Les règles, qui régissent cette profession, sont complexes à ce point que, sans épuiser la matière, feu M. Eugène Pierre, Secrétaire général de la Chambre des députés, lui a consacré trois gros volumes de quatorze cents pages cha­ cun. C'est le bréviaire des rites. Les premières assemblées de Grande-Bretagne et de France n'avaient rien prévu de tel. M. Raymond Poincaré, à qui sans doute l'occasion a manqué, dans une longue vie chargée d'honneurs et de pouvoirs, de guérir ce mal, le qualifiait naguère aussi sévè­ rement que moi en écrivant : La députation devient un emploi, un métier, une fonction, au lieu de rester un contrat de bonne foi, - ce qui est en droit civil la définition du mandat - entre les électeurs et les élus ... On s'achemine ainsi vers l'heure où la députation sera, sauf rare exception, le luxe de la richesse ou le gagne-pain des poli­ ticiens d'aventure. . On fait, de nos jours, métier d'être député, sénateur et
  • 23. 22 LA PROFESSION PARLEMENTAIlE ministre. On décide de devenir parlementaire, comme jadis on décidait d'être prêtre c pour être tranquille ) ; comme on décide de devenir épicier, médecin ou sous­ préfet. Le député, pal·tie composante de l'organe appelé Parlement, s'absorbe dans cet organe. Et, comme l'organe lui-même, il aspire à l'éternité, avec la conscience illu­ soire de représenter, sans limites de compétence, la France entière. Ce n'est plus un mandat. Ce n'est même plus un métier. C'est une charge. C'est un privilège. Pour exercer ce privilège, un corps professionnel s'est formé, dont la fonction est de détenir le souveraineté usurpée sur le peuple. La profession a créé cette classe. Mais la classe a développé la profession, dont elle vit. Au xx· siècle, le cycle du phénomène est révolu. Et la France, sans y regarder de trop près, voit dans ses élus les interprètes de sa volonté. L'habitude aidant, elle ignore que sa prétendue souveraineté n'est que la matière pre­ mière de l'industrie parlementaire. CeUe transformation et cette spoliation sont les maHres tl"aits du régime contemporain. 1'1. Taine et sa génération semblent les avoir ignorés, faute sans doute d'en avoir connu l'achèvement. La profession parlementaire, désor­ mais établie dans les mœurs, domine la politique de la France. Définir sa structure, son objet, ses tendances, son milieu, ses moyens, ses effets, son despotisme, ses ser­ vitudes, c'est expliquer aux consciences alarmées les conditions de la vie française. II LES CADRES DU MÉTIER Il n'est pas de métier plus fortement charpenté que le métier parlementaire. Les profits, qu'il comporte, ne se retrouvent en aucun autre. Ces profils sont au nombre de six : totale liberté d'ac­ cès; totale liberté de durée; totale liberté d'exten'sion; salaire régulier; retraite assurée; avantages en nature.
  • 24. LE MÉTIER 23 La liberté d'accès. Erasme disait que pour être cocher, il faut apprendre son état, mais que, pour être prince, il suffit de naître. Il en va de même pour être parlementaire. Il suffit d'avoir vingt-cinq ans, s'il s'agit de la Chambre; quarante, s'il s'agit du Sénat. Comme les systèmes aristocratiques de l'antiquité, notre démocratie préfère, pour son recrute­ ment, le critérium physique de l'âge au critérium intel­ lectuel et moral. La profession parlementaire est la seule à rentrée de laquelle ne soient exigés ni titres, ni diplômes, ni concours, ni examen, ni compétence quelconque, ni même capacité physique. Le candidat, qui, comme on dit, " se porte :), est seul juge de sa valeur. Ainsi que les marquis de Mo­ lière, il est censé tout savoir sans avoir rien appris. Les Américains imposent aux immigrants des conditions d'ins­ truction. La Révolution française en imposait aux élec­ teurs. La Troisième République tout en se recommandant de la science, se place, pour le choix de ses élus, sous le signe de l'ignorance. J'entends bien qu'il en a toujours été ainsi et que déjà, au dire de Platon, les Athéniens s'adressaient aux techni· ciens pour les petites choses et, pour les grandes, aux amateurs. Je n'ignore pas non plus que des professeurs de droit ont doctriné la supériorité, pour les postes de direction, de ce qu'ils appellent l'amateurisme. Il n'en demeure pas moins que, par sa facilité d'accès, l'activité parlementaire est la plus séduisante des carrières. Et c'est il ce titre que je l'étudie. C'est très exactement la seule pour laquelle on accorde des blancs-seings à des incompé­ tents et à des inconnus. Un second avantage, qui se lie au premier, est dans le grand nombre des places disponibles. On a souvent re­ connu qu'il serait sage dé réduire aux proportions desJ Chambres des États-Unis le nombre des députés et le nombre des sénateurs. Mais, chaque fois qu'on s'en est occupé, on a augmenté ce nombre, au lieu de le réduire: 39 députés de plus, quand on a institué le scrutin de liste en 1885 ; 23 de plus, lorsqu'on l'a supprimé en 1927. La proposition Hovelacque de 1893, qui tendait à réduire 2
  • 25. 24 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE d'un tiers l'effectif de la Chambre, fut repoussée d'enthou­ siasme. La 'loi 'fe 19~9 avait fixé cet effectif à 584. Il se montait en 1937 à 618. Il Y avait eu, aux élections de 1902, 2.515 candidats. On cn compta 5.635, aux élections de 1932. La rééll~lbllité. tlu à vingt-cinq ans, on peut, d'autre part, se flatter de l'espoir ,de rester, sa vie durant, en état d'activité par­ lementaire, - d'abord parce qu'on a le droit d'être indéfi­ niment réélu; ensuite, et conséquemment, parce que la profession parlementaire est la seule qui ne connaisse pas de limite d'âge. Les hommes de la Révolution, que les Français du KX" siècle invoquent à tort et à tra,'crs, ne pensaient pas que ce f(rt aIle bonne chose. A peine issus du mandat, encore fidèles à ses exigences et inspirés de son esprit, redoutant le règne du métier, beaucoup d'entre eux récla­ maient la brièveté du terme et, plus encore, l'interdiction d'être réélu. A la Constituante, tout le monde était là-dessus d'ac­ cord. Les uns, comme le représentant Hardy, s'appuyaient sur l'exemple de l'antiquité. Hs invoquaient la réélection des Décemvirs, annonciatrice .de la perte de la liberté et les proscriptions de Marius, après qu'il eut été sept fois nomfDé consul. Les autres, attaquant de front le problèmt!, donnaient; contre la durée et contre le renouvellement indéfini du mandat, des raisons, qui, de nos jours, feraient seandale et qui étaient pourtant de bonnes raisons. On les in'VQqua pareillement à la Législative.' . Le Girondin Buzot disait que c: la continuation des pouvoirs et des fonctions est un principe de corruption :t. Il ajoutait que les nouveaux élus valent mieu'X que les anciens, ,parce que, moins compétents peut-être, ils sont aussi moins corrompus. Et il allait au fond des choses en dénonçant « les ambitieux, qui voudront se faire de la législature un métier et pour qui toute mesure sera bonne, pourvu qu'ils réussissent à se faire réélire :t. Un autre représentant, dont le nom n'a pas connu la gloire - il s'appelait Prugnon - avançait le 16 mai 1791 ce clairvoyant pronostic :
  • 26. LE MÉTIER 25 Le jour où la France aura des représentants perpétuels (c'est­ à-dire indéfiniment rééligibles) sera le dernier jour de la liberté. C'est assez que le pouvoir législatif réside dans une Chambre unique, sans y ajouter l'incontestable danger de la réélection. Le plus terrible des despotismes est celui qui porte le cos­ tume de la liberté. Veut-on des cautions plus notoires et plus « pures » ? Ecoutons le citoyen Barère : La réélection indéfinie met les hommes à la place des insti­ tutions. Elle crée les natteurs du peuple qui deviennent bien­ tôt ses maUres ou ses tyrans. Elle corrompt à la fois le gouvernement et la législaLure, le législateur qui se vend et le minisLre qui l'achète. Le ministre, au lieu de tenir les rênes du gouveTnement, tient le tableau des places qu'il peut donner aux parents du législateur. Voulez-vous mieux encore? Voici, toujours dans le même sens, contre les longs mandats, contre la rééligibiIité, la sentence de Maximilien Robespierre : « A mesure que ['élu, s'il est rééligible, approchera de la fin de sa carrière, il songera plus à son canton qu'à sa patrie; plus à lui­ même qu'à ses commettants. » Cent ans plus tard, avec l'épreuve du fait, un écrivain de gauche, M. Robert de Jouvenel, montrera ce que devient un régime où tout-Ie­ monde se perpétue. . Les assemblées révolutionnaires ont d'abord essayé de profiter de ces bons conseils. La première a interdit la réélection de ses membres. La troisième a fixé à douze mois la durée du mandat. Une autre a proposé un mandat de quatre ans, avec possibilité de révocation. Mais que pesait tout cela en face du sophisme de la représentation, - de la représentation totale, souveraine, profession­ nelle ? Au nom de la souveraineté du peuple, Thouret, Duport. Le Chapelier ont donc réclamé, dès le début, la rééligibilité indéfinie. On les écouta avec faveur et, uue fois lancé, on ne s'arrêta plus. On vit la Convention naissante sup­ primer la Constitution. On la vit, expirante, imposer à l'Assemblée suivante le repêchage des deux tiers de son effectif. 0!1 vit ensuite le Premier Empire accorder la rééligibilité perpétuelle; le Second y ajouter la pratique de
  • 27. ~ LA PROFESSION PARLE}lENTAIRE la candidatl:lre officielle, au bénéfice des sortants. On vit enfin l'Assemblée nationale de 1875 conféter à soixante­ quinze de ses membres la dignité de sénateurs inamo­ vibles. A ce régime d'éternité dans le mandat, on a cherché des excuses. On a dit que, même mauvais, ce régime était nécessaire pour obtenir un minimum de stabilité gouver­ nementale et parlementaire. Ce n'est pas vrai. C'est sous le régime de la rééligibilité indéfinie que la France, en soixante-six ans, a consommé plus de cent ministères. Et c'est sous le même régime qu'on a vu sortir des Chamooes, par échec électoral, des hommes tels que MM. Albert de Jlun, Jules Ferry, Paul de Cassagnac, Jacques Piou, Cle­ menceau, Jaurès. Aussi bien, si l'on souhaite la durée, on n'a, en ce qui concerne le gouvernement, qu'à modifier le jeu de la res­ ponsabilité ministérielle; en ce qui concerne les députés, qu'à voter soit UJ1 mandat plus long, soit le renouvellement partiel. La rééligibilité ne se justifie quc dans le cas de dissolution. On a, an surplus, constaté que le~ plus désin­ téressées de nos assemblées, celles de 1789, de '1848, de 1871 et de 1919, avaient été celles aussi où la réélection on bien n'avait pas joué, ou bien n'avait que peu joué. Les députés et les sénateurs sont en fait inamovibles. Le pays est convaincu qu'il élit les premiers pour quatre ans et les seconds pour neuf ans. En réalité, et à consi­ dérer les deux Chambres qui sont des vases communi­ cants, il les élit pour beaucoup plus longtemps. Les Chambres de 1940 seront, à raison de 60 %, composées en majorité de membres qui ont, dans l'une ou dans l'autre, débuté en 1920, ou même avant. En d'autres termes, les assemblées, grâce à 'la rééligibilité, ne se renouvellent pas aussi vile que le pays. La représentation élue n'cst jamais contemporaine de la génération qui l'élit. Elle exprime, dans sa majorité, la formation et l'esprit d'il y a vingt-cinq ans. .Les États-Unis ont, dans leurs lois, disposé que, dans certains cas d'ailleurs exceptionnels, les électeurs pour­ raient révoqu~r leurs élus, s'ils jugeaient que ces élus ont cessé de les représenter fidèlement. Une telle disposition déchaînerait, au Luxembourg et au Palais-Bourbon, une explosion d'indignation. Quand, en 1917, M. Emmanuel
  • 28. LE lllÉTI-ER 27 Brousse proposa la non-rééligibHité des sorta,n,ts, peu s'en fallut qu'il ne mt jetil à la Seine. Le mandat parlementaire est tenu par ses détemeurs comme d'essence permanente. Ils estiment que c'est leur bien, ainsi qu'.une étude de notaire est le bien de son propriétaire. Par voie de conséquence, la rééligibilité indéfinie en­ traîne l'absence de limite d'âge. Les Chambres votent constamment des lois pour fixer l'âge auquel un fonction­ naire leur paraît incapable de l'emplir plus avant sa fonc­ tîon. Elles n'en ont jamais voté pour elles-mêmes. Tout le 'monde a connu d'estimés collègues qui, bien que frappés de paralysie générale, posaient à nouveau leur candidature et qui, bien que personne n'ignorât leur état, étaient une foi's de plus élus. On a même connu des battus, qui, ayant exercé cin­ quante ans le métier, ne se résignaient pas à penser qu'ils ne l'eKerceraient plus et revenaient machinalement s'as­ seoir sur les banquettes, dont les huissiers les écartaient doucement. Le eum•• des mandats. Ce qu'on vient de lire est relatif à "1'extension indéfinie du métier dans le temps. Il s'y ajoute l'extension indéfinie du mandat dans l'espace. 'La seconde n'est pas moins péril­ leuse que la première. -Quiconque a conquis un mandat électif aspire, soit pour le fortifier, soit pour le remplacer, à en conquérir un autre. Quiconque a été élu député aspire à devenir séna­ teur. Quiconque est député ou sénateur aspire à être, en outrc, conseiller municipal, mail1e du chef-lieu, conseiller général, Président de l'Assemblée départementale. Au mandat, qui s'exerce à Paris, on ajoute ainsi les mandats locaux, qui, par leur faisceau, créent ces puis­ sances féodales, dont parlait naguère un écrivain radical. Qu'on soit déplJ1té ou qu'on soit sénateur; qu'on soit réduit au terme bref ou qu'on bénéficie du terme long, c'est la même chose. L'essentiel est de disposer de tous les mandats régionaux en addition au mandat national. En vain remarquerait-on que ces mandats sont d'es­ sen,ces différentes et rt,~présentent des j'ntérêts parfois contradictoires. Il ne s'agit que de les cumuler dans un iontérêt de personne ct de métier. On a supprimé en lS89
  • 29. 28 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE le droit pour un seul homme de se présenter dans plu· sieurs circonscriptions, ce cumul n'ayant qu'un sens poli· tique. Mais on a laissé subsister le droit de représenter plusieurs fois, à des titres variés, la même circonscription, ce cumul ayant, à défaut de sens politique, un sens tout à fait positif de profit électoral et professionnel. Lorsque, en 1910, M. l'Abbé Lemire proposa d'interdire ce cumul, il fut battu haut la main. De là sont nées les tyrannies locales, par où s'exprime le plus efficacement la dictature parlementaire et qui sont l'essence du métier. Feu M. Henry Chéron était à Caen, chef·lieu de son département du Calvados, un vrai souve­ rain. De même, au' Mans, chef-lieu de son département de la Sarthe, M. Joseph Caillaux est souverain. Et, de même, à Grenoble, chef-lieu de son département de l'Isère, M. Léon Perrier. Chacun de ces messieurs possédait ou possède dans sa Préfecture le pouvoir absolu. Chacun y disposait ou y dispose d'un bureau, d'une chambre, d'un lit, d'une baignoire" d'un chef de cabinet et de nombreux secrétaires. C'est la profession réalisée au maximum. Un seul cumul de mandats était autrefois interdit, sinon pat· la loi, du moins par l'usage : celui du mandat légis­ latif avec le mandat de conseiller municipal de Paris. Depuis la guerre, cette interdiction a disparu et, sans distinction de nuances, les conseillers municipaux de Paris restent à l'Hôtel de Ville, quand ils sont nommés députés. Il arrive même que les députés de la Seine ou d'ailleurs posent leur candidature au Conseil Municipal de Paris, sans cesser, pour cela, d'être députés. Et, consid~rant le métier, je demande une fois de plus, s'il en est un meilleur. La rétribution. Cette profession po"ssède, d'autre part, l'avantage d'être, il l'inverse de beaucoup d'autres, régulièrement rému­ nérée. La rémunération parlementaire date de loin el, dès lors que l'élection est à la base, elle est logique. Puisque, sans <:ondition, n'importe qui peut être élu député ou séna­ teur, il faut que ceux des élus, qui n'ont aucune autre ressource, puissent vivre de leur mandat. Faute de quoi, les électeurs ne pourraient pas voter pour un pauvre et
  • 30. LE MÉTIER 29 le droit de choisir ne serait pas aussi large que le droit de voter. . Le général Cavaignac disait, en 1848, que le refus d'in­ demniser les élus équivaudrait à un véritable ostracisme et que, au surplus, rien ne coûte plus cher que ce qui est gratuit. Les Anglais, qui re se décidèrent qu'en 1911 à instituer l'indemnité parlementaire, la motivèrent en signalant qu'il valait mieux que les députés fussent payés par le Trésor plutôt que par des organisations particu­ lières, syndicats ou comités. Des contemporains plus brutaux ont justifié l'indemnité parlementaire par la double nécessité de protéger contre les tentations l'indépendance de l'électeur et l'indépen­ dance de l'élu. M. Maurice Berteaux, agent de change mil­ lionnaire de la Bourse de Paris et député d'extrême­ gauche, professait que l'indemnité est nécessaire, si l'on ne veut pas que les députés fassent des affaires finan­ cières. Disons moins injurieusement que l'indemnité est néces­ saire, parce que le métier coûte cher. L'élu doit régler, au moins en partie, les dépenses de l'élection d celles du journal local. Il doit supporter le poids des dons petits, mais nombreux, qu'il est obligé de prodiguer aux mutua­ lités, aux caisses de secour:, aux lyres, aux harmonies, aux fanfares, aux conscrits, aux anciens soldats, aux médaillés, aux nouveau-nés et aux vieillards de sa cir­ conscription. Les Américains admettent qu'un député de grande ville a, par an, 10.000 dollars de frais. N'est-il pas d'ailleurs de publique notoriété que les parlementaires s'endettent et que l'indemnité de beaucoup d'entre eux est frappée de saisie? Aussi bien, il n'y. a pas que l'élu. Il y a sa famille, sa femme, ses enfants, qui le plus souvent vivent en province, tandis que lui vit à Paris. Donc deux installations; deux loyers; deux budgets. L'indemnité est, par conséquent, légitime et il serait injuste d'en discuter le principe; voire même les augmentations. Ces augmentations, depuis qu'il y a des assemblées, ont été nombreuses. Nous ne sommes plus au temps des Etats généraux, où les électeurs de chaque circonscription, ­ et non pas la totalité des contribuables français, - sub­ venaient aux frais de leurs élus : ce qui représentait, en
  • 31. 30 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE 1789, une indemnité de 700 à 1.000 Cran cs par mois. Nous ne sommes plus au temps de Louis XVIII et de Louis-Phi­ lippe, où les élus ne recevaient rien. Après une véhémente campagne de la Société des Amis du peuple, qui agita la Monarchie de Juillet, la Seconde République rétablit l'indemnité. La Troisième a fait de même et l'a fixée à des taux variables : 9.000 francs jus­ qu'en 1906; 15.000 francs de 1906 à 192().; 27.000 francs de 1920 à 1926 ; 45.000 de 1926 à 1929 ; 60.000 francs de 1929 à 1937 : 67.200 Cranes depuis le mois de juillet 1937. Il convient de déduire de ces chiffres les veliseIllents pour la retraite, le chemin de fer et la buvette, ainsi que les prélèvements résultant des décrets-lois Doumergue de 1934 et des décrets-lois Laval de 1935. L'indemnité parle­ mentaire nette était, en 1937, de 55.000 franes environ. Ce salaire offre t01:1S les caractères d'un salaire profes­ sionnel. Il est régulieli. Il est payable mensuellemen·t. Il est dO, quand la Chambre ne siège pas, aussi bien que quand elle siège. Il comporte une retraite, qui peut atteindre, après trente-deux ans, à un chiffre assez voisi·n du montant de l'indemnité. La retraite, qui ClIt, dans les débuts, le simple versement d'une Mutuelle de secours, est depuis 1914, payée par une caisse officielle, à laquelle participent les intéressés et !~ Tresor. La profession s'est consolidée. Au salaire et à la retraite s'ajoutent les avantages en nature. Un transport à peu près. gratuit sur les chemins de fer nationaux; un transport totalement gratuit sur les chemins de fer et tramways départementaux constituent des attraits supplémentaires pour des hommes, qui, sans ce mandat, eussent continué à payer leur place, comme tout le monde. Depuis 1924, les parlementaires jouissent, en outre, de la gratuité de la correspondance, qu'ils a.vaient longtemps désirée. Le Président de la Chambre, Armand Marrast, se plaignait, en 1848, que les députés se fissent adresser, sous son couvert, en violation des règlements postaux, leur COIT­ respond'Bnce. C'est aujourd'hui sous ce même cou"ert et le plus légalement du monde que les membres des deux Chambres expédient leur cou.nriel1. Faut-il citer les mHJe autres commodités dont profitent nos assemblées?- Faut-il parler de la buvette, où ils se 1
  • 32. LE MÉTliER 31 ravitaillent? EUe 4t'@Ûta, cette buvette, à M. Clemenceau la, Présid'ence de la Chambre, parce que, ayant vu son collègue radical Michou, emp'Eir ses poches de sandwiches et d'ailes de poulet, il les vida silencieusement de leur col1ltenu. Sur quoi, M. Miehou vota pour M. Méline. Faut-il parler du café au lait du matin, qui, augmenté des petits pains, diminue les notes d'hôtel? Faut-il parler des journaux et de ce vieux député, par ailleurs millionnaire, qui avait l'incroyable manie d'emporter chaque soir de la salle de lecture, en le détachant de son cadre, l'exem­ plaire du Temps? Faut-il rappeler que le Sénat, quand on discute le budget, sert à déjeuner aux deux ChambreA? Tout cela renforce l'état d'esprit professionnel, en même temps qu'il le manifeste. La profession devient un club, en même temps qu'un gagne-pain. Les Chambres sont, sur le chapitre de leur vie maté­ rielle, intraitables et leur indemnité a pris pour elles une importance morale autant que pratique. Elles n'admettent pas qu'on la discute. Elles n'admettent pas qu'on s'en occupe. Les Chambres ont revendiqué et obtenu ce q,u'clles n'accepteraient pour personne : le refus de tout contrôle financier. Elles établissent, seules, leur budget et ne per­ mettent à qui que ce S(1it de s'en mêler. La notion d'indemnité s'est si fortement installée daus les rqœurs qu'elle s'est étendue, par une interprétation favo­ rable du silence de la loi, à d'autres mandats encore; à celui de conseiller municipal de Paris; à celui de maire, voi're de conseiller municipal, de quelques grandes "illes. Il est entendu, là comme ailleurs, que le métier doit nour­ rir son homme. II convient de noter que le vœu général des élus est qu'on parle de leur rétribution le moins possible. Quand il s'agit d'augmenter l'indemnité, on vote en silence et très-vite. Les 15.000 francs de 1906 ont été enlevés en un tour de passe-passe. Les augmentations suivantes ont été soustraites' le plus possible aux débats publics. On a voté dans les deux Chambres simultanément convoquées, sans discuter. Le public n'a pas protesté, sauf pour les 15.000 de 1906. Les 7.200 de 1937 ont passé, comme lettre à la poste, en même temps qu'une augmentation <:l'impôts de 10 mi.IJillJrds, sans que· l"on votât à' leur sujet. ' Cependant je ne p'F'oteste, ni ne CQnteste. Je ne prétends
  • 33. 32 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE pas, avec un grand auteur du siècle dernier, que le salaire attaché à la fonction représentative soit devenu, dahs cette fonction, l'objet principal. Je ne dis pas non plus, avec Proudhon, que la pensée d'un homme en place, o'est son traitement. Je crois que ce salaire était inévitable et que, somme toute, il est juste. Mais je dis aussi que, dès lors qu'il existe, il n'y Il plus mandat, - il y a métier. Un mêticr solid~. Ce métier est aujourd'hui l'un des plus solidement orga­ nisés qui soient. Et, dans la mesure même où il est soli­ dement constitué, il est la négation de ce qu'on nommait autrefois fonction représentative. Ce que l'on persiste à appeler la Chambre est le syndi­ cat professionnel de la profession parlementaire. C'est une association alimentaire, une Mutuelle, qui vit et se développe pour ses fins propres, parce que son méca­ nisme est plus fort que son idéal. Possibilité illimitée d'entrer, de durer, de s'étendre, de se développer, - ces caractères de la profession suf· fisent à en expliquer l'histoire. Dès lors qu'elle est ce qu'elle est, il n'y a pas lieu de s'étonner qu'elle ait créé le milieu, qui en vit et qui, au travers des chances contra­ dictoires de la partie politique, a toujours conservé l'ancre fixe du métier. Ce milieu, à qui les anciens opposants à l'Empire avaient fourni ses premiers cadres et où Mme Charles Floquet, aux environs de 1885, se plaisait à saluer une aristocratie naissante, n'a pas cessé, depuis lors, de s'élar­ gir, assurant ainsi aux plus médiocres la possibilité de mener - dans quelles conditions, on va le voir - les affaires du pays. III STATIQUE ET DYNAMIQUE DU MÉTIER Dans ce bâtis professionnel, avec ses larges portes, ses vastes perspectives, sa caisse, ses rites, sa solidité à toute
  • 34. LE MÉTIElil '33 ép~uve, des hommes vivent et circulen.t~ Ils sont mûs pal' les mobiles humains, passions, ambitions, sympathies, hal es, qu'encadre et que nourrit la profession. Q and on fait un métrer, c'est pour y réussir. On réussit dan'! le métier palTlementaire, si l'on remplit c.teux condi­ tions, dont l'une est statique et l'autre d'ynamique. La pre­ mière, qui est de conservation, est de se faire réélire. La seconde, qui est de développement, est d'accéder au pou­ voir. La structure de la profession étant ce qu'elle est, ces deux mobiles jouent, dans leur plein, sur tous ceux qui l'embrassent et qu1la pratiquent. L'obsession de la réélection. Le mobile, que j'appelle statique, naît de la faculté indé· finie d'être réélu et de cumuler les mandats. Cette fa.culté existant, les hommes ne peuvent pas, étant hommes, ne point obéir à ce mobile. En rendant les députés perpétuellement rééligibles, on les a rendus perpétuellement candidats. Candidat, on le fut pour être éhl. Ou le sera pour être réélu. On le sera, parce qu'on l'a été une fois. On le sera éternellement. C'est la loi commune des petits et des grands. Il en résulte que nous avons, non. des assemblées d'élus, mais des assem­ hlées de candidats. C'est la faute des institutions. Le député cherche des électeurs, comme le médecin cherche des malades et l'avocat des clients. L'élection devient ainsi la grande affaire du régime. Elle domiD~ les relations des parlementaires avec le pay.s, les relations des parlementaires entre eux, les relations des parlemen­ taires avec le gouvernement. M. Goblet disait en 1902 : Le mandat électoral n'est, plus au]ourd'hui ce qu'il était. Il semble qu'on ait fait de la députation une place qu'il s'agit de conquérir, puis de conserver à tout prix. JJl est de fait que, chez les parlementaires, le besoin de durer prime les autres besoins. Beaucoup d'entre eux, s'ils. n'étaient pas réélus, ne seraient plus rien. La réélec­ tion es~ ainsi devenue, d'ans la profession, pLus qu'un souci, - une obsession.
  • 35. 34 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE - Regardez, disait un garde des Sceaux, aux appllu­ dissements de la Chambre, regardez dans vos circonsc~p­ tions J Les élus d'hier, candidats de demain, y regardent à tel point que nombre d'entre eux ne voient plus rien d'autre. A la nécessité d'être réélus, la plupart sacrifient leurs amitiés, leurs partis, leurs convictions. Ce ne sont pas les élus du peuple français : ce sont les délégués des circons­ criptions. La non-l'epr~sentationde l'intérêt général. Cela revient à dire que la notion sophistiquée de repré­ sentation nationale, que nous avons vu tout à l'heure créer le métier, est sortie épuisée de cette création. La représentation de la France une et indivisible n'est qu'une fiction. Chaque député représente la six-centième partie de la France, et rien d'autre. Chacune de ces frac­ tions est représentée : l'ensemble ne l'est pas. Chacun s'intéresse passionnément, par besoin d'être réélu, à ce qui est agréable à la fraction qu'il représente et se désin­ téresse de ce qui est nécessaire à la collectivité. Disons que, la représentation ayant tué le mandat au profit du métier, le métier, à son tour, a tué la représentation. Il n'est point de question militaire, financière ou sociale qui ne soit considérée d'abord sous l'angle de l'intérêt électoral. Cela signifie que, dans presque tous les "otes, un débat cornélien peut s'ouvrir entre ce qu'exige l'inté· rêt public et ce que commande l'intérêt électoral. Dès que ce conflit est ouvert, l'intérêt public est en danger. Il arrive que, pOul' être réélu, on mette le budget en déficit par des Iibéra:Jités démagogiques; la sécurité en péril par des diminutions d'effectifs et d'armements; la justice en quenouille par des débauches d'amnisties. L'ex­ périence prouve qu'on improvise d'ordinaire les mesures sociales, les réductions du temps de service, les augmen­ tations de dépenses à la veille des élections. « C'est de là, disait M. Rouvier en 1913, que vient le déficit. :) Ainsi le veut la loi statique du métier, qui assure de scrupuleux serviteurs à chaque six-centième partie de la France, mais n'en prépare pas à la France. La conservation de l'élu est le grand intérêt qui domine le reste.
  • 36. LE y";'TlER 35 C'est pourquoi nul débat ne passionne autant les Chambres que la discussion d'une loi électorale. M. Jules Ferry ne se trompait pas, quand, au début de la Troisième République, il disait que la loi municipale et la nomina­ tion des maires étaient pour la Chambre « la chair de sa chair et les os de ses os ). C'est une question de loi électorale qui a causé la chute rapide de M. Gambetta, lequel cependant avait prévu le danger : « Je sais, décla· rait-il, combien il est délicat d'entretenir une assemblée des conditions de sa naissance et de sa renaissance. ) Les discussions des lois électorales en 1885, 1919, 1927 et 1931 furent parmi les plus tumultueuses de l'histoire parlemen ­ taire. On retrouve cette obsession de durer dans les sourdes colères, q'iji accueillent tout essai de changp.r quelque chose soit aux conditions, soit à la durée du mandat. En 1934, M. Doumergue fut liquidé en quelques heures, parce qu'il souhaitait simplifier la procédure de dissolution. En ce temps-là, tel de mes collègues, duc et millionnaire, me demandait si M. Doumergue se moquait du monde : - Croit-il, questionnait-il, que ce soit la même chose d'être élu pour deux ans où d'être élu pour quatre ans? Pense-t-il qu'il soit facile, quand on a échelonné sur quatre ans ses amortissements de frais, de ne disposer que de deux ans? Pareillement, quand il fut battu aux élections de 1932, M. Marcel Cachin, qui ne se doutait pas de la compensa­ tion sénatoriale à laquelle il était destiné, me reprocha, avec des sanglots dans la gorge, de « lui avoir ôté le pain de la bouche ). La volonté de persévérer dans l'être mène, sans distinction de partis, la profession. Elle n'a rien à voir avec l'intérêt général. . L'obsf'ssion de l'avancem<>nt. A côté du mobile statique, joue le mobile dynamique. Non content de durer, l'élu veut avancer. Quand on devient sous-préfet, c'est avec la résolution de devenir, quelque jour, préfet. Quand on devient député, c'est avec le propos de devenir ministre. Tout élu voit dans l'accession au pouvoir un droit et une nécessité. Dans chaque imagination parlementaire resplendit le eur­
  • 37. 36 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE SilS honorum : Sous-secrétaire d'mat, Ministre, Président du Conseil, Président d'assemblée, Président de la Répu­ blique. Pourquoi les soldats seraient-ils seuls à avoir dans leur giberne un· bâton de maréchal? En vue de l'avancement, les élus livrent, dans les assem­ blées, une bataille dure. Ceux que les Anglais appellent les en-dehors, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas au gouveEne­ ment, sont en lutte perpétuelle contre les en-dedans, c'est~ à-dire ceux qui y sont. L'assassinat de l'exécutif est un besoin professionnel aussi impérieux que la réélection. Il est superflu d'ajouter' que les deu", mobiles se rejoignent, la réélection étant la condition de l'accession nu pou'Voir et l'accession au pouvoir facilitant la réélection. Le phénomène date de loin. Seules, nos premières assem­ blées ont tenté d'y parer. La Constituante avait interdit à ses membres d'accepter du gouvernelllen,t aucune place, même celle de ministre. La Constitution de 1791 fixait un intervalle de deux ans, à dater de la fin du mandat, avant qu'un ancien député pût recevoir un emploi puhlic. Il fallut attendre huit ans pour qu:on acceptât, en 1799, le cumul du mandat parlementaire et de la fonction minis­ térielle. On s'est, depuis lors, installé dans ceUe tradition. Déjà, sous le roi Louis-Philippe, on dénonçait « les candidats ministres, qui ne peuvent plus vivre sans portefeuilles :. Le Journal des Débats écrivait : Tout homme, qui Il passé aux affaires, ne fût-ce que trois jours, tout homme qui a contresigné une ordonnance, se croit en droit, du jour où H n'cst plus ministre, de faire de sa per­ sonne échec à la royauté. C'est l'abandonner que de le. laisser partir. C'est le trahir... Et ce n'est pas tQut : li côté des hommes, qui ont été ministres, il y a ceux qui vculent le devenir. M. Augustin Thier~ disait que, pour cette raison, la Chambre des députés est le parti adverse du gouverne­ ment. Cette lutte entre les élus pour le' pouvoir absorbe autant d'énergies que la lutte de chaq,ue élu pour la réélection,. Les vainqueurs de ce sport sont appelés à gou~el'ner la France. C'est un mode de recrutement aussi bête, disait en 1883 M. Louis Andrieux, que si, dans les Conseils géné­
  • 38. LE MÉTIER 37 raux, on remplaçait le Préfet par le membre, dont la proposition a été adoptée malgré le Préfet. Il est fou d'of­ frir les portefeuilles, comme prix des joutes parlemen­ taires, à ceux qui triomphent dans ces joutes. Nous subissons ce régime depuis 1871. Il nous a valu plus de cent crises ministérièlles. Il nous en vaudra tant qu'il durera, puisqu'il exige que ceux qui ne sont pas en place fassent partir ceux qui y sont. C'est la loi dynamique de la vie parlementaire. Le pu~ilat pOUl' le pouvoir. Le régime étant ce qu'il est, les moyens manquent de corriger le mal. Mais le régime peut être changé et l'on aurait tort de croire qu'il soit, même en République, une nécessité. J'entends bien qu'on le retrouvc, à quelques nuances près, en Angletel"re, au Canada, en Australie. Mais les Etats-Unis et la Suisse ont su l'éviter. Le Président amé­ ricain ne prend pas ses ministres dans les Chambres et les Chambres ne peuvent pas les renverser. Quand un Président a fini son mandat, ses ministres disparaissent avec lui et l'on n'entend d'ordinaire plus parler d'eux : le pugilat parlementaire en est diminué d'autant. En. Suisse, il est d'usage que les ministres, sauf de très rares exceptions, restent indéfiniment à leur poste : la paix in­ térieure des assemblées en est la conséquence. Quant aux Anglais, grâce à la dissolution et au système des grands partis, ils évitent la plupart des malfaçons dont la France est affligée. Dans le système français, les vices se portent au maxi­ mum et ne comportent ni frein, ni contre-partie. Dès que le candidat est élu, il est candidat à être réélu. Et il est can­ didat à être ministre. La potion du mandat précaire et révocable s'évanouit en son esprit pour faire place, dans les deux cas, à un sentiment de domaine éminent et de· légitime propriété. J'en ai fait l'expérience, quand, en 1930, constituant mon second cabinet, je me suis privé du concours de quelques collèguès, qui s'étaient révélés inégaux à leur tâche. J'ai mesuré, avec des nuances d'expression quî variaient suivant les tempéraments, la puissance de cette
  • 39. 38 LA PROFESSI~iN PABLEMENTAIRE notion de base. Les u,ns m'ont témoigné une koide et douloureuse répFobatïon. Les autres m'ont p<>ursuivi d'une haine inexpiable, dont j'ai pu connaître l'efficacité. T0US estimaient que j'avais man<!Jué à la règle du jeu et que je leur avais porté un préjudice. Cela est si vrai que, pour conjo,rer ce danger, on a pri~ la fâcheuse habitude, ignorée des Anglais, de fatre entrer dans le ministère nouveau des membres du ministère ancien : c'est ce qu'on appelle c: Fepêcher >, de même que l'on dit qu'on « dédouane 10 ceux que 1'011 fait mi­ nistres pour la p-remière f(i)is., M. Waldeck-Rousseau notait, à ce propos : « Nous avons vu refaire des ministères avec les m<>rceaux des ministères tombés et, dans certains cabinets, on aurait pu retrouver les échantillons de tous ceux qui les avaient précédés. :) M. Clemenceau disait plus sommairement : c: J'ai renversé beaucoup de minis­ tères. Mais c'était toujou.rs le même. :. Ces mœurs, 'lui sont celles du Sénat aussi bien que celles de la Cha'IIIlbre', manifestent l'impéFieuse unité du mobile dynamique du métier. Développer le mandat après avoir fait le nécessaire pOUl" y durer, voilà le but. L'acti­ vité des élus &pparaît ainsi partagée entre deux ordres de travaux tantôt parallèles et tantôt eonve11'gen-ts : le travail de circonscription et le travail de coul€)ir ; l'intrigue élec­ toral'e et l'intrigo,e gouvex:-nementale. Dira-t-olll que je vois trop noir et qu'H' y a, dans les assemblées, des hommes qui veulent être ministres p01l'l' appliquer lean idées? Je l'admets. Mais, en ce qui con­ cerne le d·yaamisme de la profession, cela ne change rien au résultat. Dans les deux cas, c'est le pugilat. Le deToir et le profit se rejoignent dans la même embuscade. Le fond des ehosé8. Dessaisissement dl] peuple a.t1 profit ~s~ mand.!'tai~es et transTormation des mandataires en p.rofessionnels <J!!.Ï veulent aurer et grandir, voilà le fonif des choses. En consolidant le méli'er pa,r la réél.igibilité, le cumul et le salaire, on a fiaM de ces deux mobiles le ressort profond . de notre vie politique. A peu près rien de ce qui se passe dans nos assemblées n'est intelligible, si l'on s'obstine à penser qu'eUes sont
  • 40. LE MÉTIER 39 composées des mandataires d'un peuple libre et souverain. La clarté se fait, si l'on admet qu'elles sont la réunion de quelques oentaines de professionnels, avec leur organisa- tion, leur hiérarchie, leurs prérogatives et leurs ambi- tions, - mûs par les deux mobiles du métier. Dans ce métier, tout appartient aux professionnels, et à eux seuls. A l'inverse des États-Unis, où, depuis Lincoln, il n'y a eu que quatre présidents, qui eussent passé par le Congrès, en France, saef le maréchal de Mac-Mahon, tou~ les Pr~sj9@ts de la Rép'upligue son! venus. de!> ballCS} parl~~~n!!l!!,es, sans aucune prohibition de méiITocrité individuel.ie. La cardère est tetal.itaire. Entrer, après cette vue à vol d'oiSëau, dans la maison; suivre les hommes qui l'habitent, dans leurs activités de chaque jour; observer leurs tendances; décrire le milieu qu'ils forment ; J!!~!.guer jusqu'où von! le}!espotisxne l)!(ils l le~rcent ~la senvitudC.éiWiIS" siiDi.S~nt, - c'est l'objet de ce ffi're, examen clinique du mal français.
  • 41. CHAPITRE II LA SUBSTANCE DU MÉTIER 1. L'INTERVENTION. - Les origines lointaines de l'intervention. - Comment on intervient. - L'ambas­ sadeur-courtier. - La Mutuelle électorale. II. LA COALITION. - Le no:;nbre et la coalition. ­ Les coalitions d'autrefois. - La coalition contempo ­ raine. - Coalition et métier. III. LA PAROLE. - L'évolution de la parole publique. - Le règne des robins. - Une mauvaise préparation. - La tribune et les tribunes. La profession parlementaire, substituée au mandat, n'a pas le même objet que lui. Le mandat s'appliquait au vote des crédits, au contrôle des dépenses et il l'élaboration des lois. La profession est dominée, en vertu de ses deux lois statique et dynamique, par l'intervention, par la coalition, par la parole. 1 L'INTERVENTION La forme essentielle et dominante de l'activité parle ­ mentaire, c'est l'intervention.
  • 42. LE MÉTIER 41 L'intervention est le moyen qu'emploie, pour se satjr faire, l'intérêt statique de la profession : conservation ,par réélection. Pour être réélu, il faut donner des plac~s. Pour en donner, il faut en obtenir. Pour en obtenir, il' faut en demander. L'intervention est la substance de la profession parle­ mentaire. Les origines lointaineFl de l'intervention. C'est une pratique qui date de loin. Au lendemain du Premier Empire, dans la fleur du régime électif et cons­ titionnel, que Louis XVIII avait octroyé, un publiciste avisé, qui se nommait Fiévée, professait que, tant qu'il y aurait· en France deux hommes vivants, l'un solliciterait l'autre pour être pourvu d'une place. Cette loi n'ayant point cessé d'être vraie, le rôle des élus s'est défin.J. par la recherche des places, que désirent les électeurs. En 1830, on racontait que La Fayette avait recommandé au roi 70.000 demandes : c'est ce qu'on appelait l'insur­ rection des solliciteurs. Deux ou trois sous-préfets nom­ més dans ces conditions se présentèrent complètement ivres à une réception des Tuileries. On ne leur infligea qu'une remontrance. Au même moment, la Société des condamnés politiques revendiquait pour ses membres < la part du banquet national due aux avant-gardes des héros de juillet ~. On chantait, dans un vaudeville, ce couplet dont l'ancienneté accuse l'éternelle vérité Qu'on nous place 1 Et que justice se fasse Qu'on nous place, Tous eri masse ! Que les placés Soien t chassés 1 Tout le monde, en ce temps-là, signalait la fièvre de sollicitation, qui assaillait les corps élus. M. de Tocque­ "HIe la déplorait. M. de Kératry écrivait : Chacun semble décidé à vivre aux dépens du Trésor. Nous voulons qu'il nous loge; qu'il nous pensionne; qu'il nous dispense, par les bourses universitair~s, d'élever nos
  • 43. .,~, LA PROFESSION PARLEMENTAIRE fants ; qu'il fournisse des dots à nos filles par la transmis­ Si~ des places et une liste civile à nos petits-fils par le Grand Livr~e la Dette publique. Si l'~s'enquiert de nos titres, nous répondons gravement que nous ~ns déjà reçu et que c'est pour cette raison qu'il faut que nous'I.'.eœvions encore. ''', J'ai sous les yeux ùne lettre inédite, qu'un notaire giron­ din de la même époque écrivait à un de ses cousins, député du Lot. li disait : Dans le siècle où nous sommes, les électeurs n'em'oient à la Chambre des députés que des hommes qui, par leurs intrigues ou leurs démarches, ·peuvent leur procurer les ·places ou les avancements qu'ils convoitent. Ils disent ouvertement que leur député ,est leur homme d'affaires à Paris. Ainsi, mon ami, ce n'est plus ou, pour mieux dire, cela n'a jamais été l'intérêt de la patrie qui dirige l'opinion des élec­ teun. 1 C'est leur intérêt personnel qui les fait mouvoir. La candidature officielle du Second Empire utilisa, comme on sait, par l'action de ses préfets tout-puissants, cette mendicité générale. L'Assemblée nationale y resta fidèle. Le duc de Broglie s'en indignait dans ses circu­ laires, mais permettait il ses ministres de la cultiver. On se souvient de la prodigalité que le duc Decazes et M. de Fourtou, de leur cabinet ministériel, réservaient à leur immense clientèle. M. de Marcère écrivait, dans son rapport sur la loi élec­ torale de 1875 : . Le corps électoral d'une circonscl'iption songe principalement à lui-même et à ses affaires. Il perd un peu de vue les intérêts généraux du pays. I! donne une sorte de mandat privé, de mandat spécial aux intérêts locaux, à son député, qui, de son côté, et non sans préoccupation de l'élection prochaine, soigne avec prédilection' les intérêts de ses mandants. Et M. Gambetta, quelques mois plus tard, dénonçait, à son tour, cette industrie nouvelle du « placement élec­ tOl'al >, devenue la principale occupation des députés.
  • 44. LE MÉTIER 43 Un député du centre confessait que beaucoup <d'élus sont appréciés dans leurs départements d'après le nombre pius ou moins grand de faveurs obtenues par leur canal. Le député Talandicr, loin de s'en excuser, proclamait que le budget n'est pas seulement nécessaire pour fournir les dépenses publiques, mais qu'il doit être « le plus puissant organe pour créer le bien-être de la nation -et des classes laborieuses >. A mesure que, dans les années suivantes, la profession parlementaire s'est organisée, l'abus de l'intervention s'est fait plus scandaleux et les défenseurs les plus obstinés du statu quo n'ont pas pu s'empêcher de le signaler. M. Ribot" qui n'était point un homme de fer et n'avait pas l'âme réformatrice, reconnaissait que le régime républicain « ressemblait beaucoup à l'ancienne monarchie, où tout dépendait de la favel!lr >. M. Poincaré se plaignait que les élus fussent devenus des commissionnaires et il ajoutait : Au lieu d'aV-oÎl° a:ffaire à un représentant du peuple, qui ne lui doit compte que de sa conduite politique, l'électeur assiège l'élu par sa correspondance et souvent par sa présence réelle. Il le harcèle et le député cherche à s'en débarrasser en s'en déchargeant quelquefois sur son voisin, quelquefois sur le sous-préfet, quelquefois sur le brigadier de gendarmerie ou sur le juge de paix. Mais si l'électeur pousse la curiosité jusqu'à venir au centre, le député s'en décharge sur les ministres. Est-ee la faute des électeurs P Est-ce la faute des élus P Nulle­ ment. C'est la faute du réghne. M. Poincaré a répété la même chose en 1912. Il l'a répétée en 1926, sans malheureusement profiter, pour apporter des remèdes, de l'absolu pouvoir, dont il disposait alors. 11 précisait sa pensée en ces termes : Nous sommes obligés cl 'employer la plus grande partie de natre activité à des besognes fastidieuses, à des démarches ingrates. Nous arrivons, sous la pression' des Influences locales, à consi· dérer notre ingérence quotidienne dans les questions admi­ nistratives comme une nécessité vitale pour conserver notre mandat. ­
  • 45. H LA PROFESSION PARLEMENTAIRE Il Y a moins de dix ans, un député de mérite, M. Lafa­ gette, écrivait que, à cause de cela c'est grâce à leurs dé­ fauts plus qu'à leurs qualités que les candidats triomphent. Comment on intervient. La Chambre est organisée' spécialement pour l'interven­ tion. Elle compte une centaine de « groupes de défense :., où, sans distinction de parti, ses membres se rencontrent pour systématiser cette intervention. Il y a des groupes très-nombreux pour la défense v.iticole, forestière, pay­ sanne; pour la défense de l'automobile, de l'aéronautique, de l'élevage, des matériaux français, de l'artisanat, des cheminots, des blessés du poumon, des anciens combat­ tants, des ayants-droit à la carte du combattant, de la démocratie rurale; des vieux travailleurs non pensionnés, des marchands forains, des médaillés du travail,des bouil~ leurs de cru, des rentiers viagers, des planteurs de bette­ raves, des locataires, des inscrits maritimes, des travail­ leurs de l'etat, des retraités, des sapeurs-pompiers, des receveurs-buralistes, des douaniers, du personnel des administration centrales, du personnel des P. T. T., du personnel des polices de France. Les élus sont' ainsi embrigadés dans l'armée offensive de l'intervention. Gaspillage du budget; négligence des intérêts généraux; favoritisme; intolérance; instabi­ lité; matérialisme; corruption en sont la conséquence et j'y reviendrai. Qu'il suffise de noter ici que le métier, dans ses bases publiques, a pour tâche maîtresse, cette inter­ vention collective et permanente. A l'intervention collective s'ajoute l'intervention indi­ viduelle, à quoi chacun des élus consacre le meilleur de son temps. Le député est tenu de répondre à un volumi­ neux ,courrier. Pour lui faciliter sa tâche, la questure lui assure, outre la franchise postale, dont j'ai parlé plus haut, des formules imprimées de lettres aux ministres, dont il suffit d,e remplir les blancs avec le nom et l'adresse du solliciteur. Mais, comme on craint que l'imprimé, à force de servir, n'épuise son effet, on lui préfère d'ordinaire la lettre autographe. De l'aube à la nuit, entre les séances et pendant les séances, on voit les .députés, assis côte à côte
  • 46. LE 1IIlÉTIEiB 45 comme des éooliers, réd:iger soU dans des salles spéciales, soit même dans l'hémicycle, cette énorme correspon­ dance. De même qu'on a préféré ,la lettre autographe àla lettre imprimée, on préfère d'aiHeurs le plus souvent à celle-ci la c démarche ~ personnelle. Cela signifie que, tous les jO'llrs, les neuf-dixièmes des députés et des sénateurs, élus pour contrôler le budget et pour vot.er les lois, courent les administrations publiques pour y 'disperser leurs recom­ mandations. On les voit chez les ministres, chez les secré­ taires des ministres, chez les ·fonctionnaires des minis­ tères. On les retrouve également en province dans Ies services de l'État, des départements et des communes. Il s'agit, pour être réélu, ·d'obtenir ce que les électeurs demandent. Et les électeurs demandent tout ce qui peut être demandé, - voire même quelque chose en plus. Nominations, avancements, mutations, affectations mili­ taires, décorations, subventions, remise d'impôts, pallse­ droits de toutes sortes, c'est le travail quotidien du métier. L'administration ,de Ia justice n'est pas exclue de ce travail : demandes d'amnistie, de .grâces, de réductions de peine, de non-lieux, de mises en liberté provisoire, pres­ sions sur les Parquets et sur les tribunaux. L'ambassadea·r-eoartier. L'écrivain radical, qui, tout en enseignant la philo­ sophie dans nos lycées, signe du nom d'Alain des écrits de partisaQ, a véridiquement reconnu que le mandat légis­ latif est celui d'un ambassadeur-courtier. L'électeur entend que son bulletin de vote réalise pour lui la promesse du ciel sur la terre. Il se sent, en face de l'ttat, dans .la position d'un porteur de créances, que les élus sont chargés de recouvrer. Le député et le séna1eur voient la plus grande partie de leur temps absorbée par l'accomplissement de leur rôle de commissionnaires, su­ perbureaucrates de leurs régions. Ce sont de fidèles gens d'affaires, soucieux des consignes ou des exigences que formulent les groupements syndicaux ou les individus; désireux de satisfaire tout le monde; zélés à s'en aller, sur place, s'enquérir des vœux de tout le monde. Le député est lin procureur attentif qui défen.d de son mieux
  • 47. 46 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE les intérêts particuliers, à lui confiés, dont dépend sa réé­ lcction. Il est si parfaitement cxact que c'est là l'essentiel de l'activité parlementaire que nombre d'élus ticnnent à jour la statistique de leurs démarches; le nombre de lettres' reçues; le nombre de lettres répondues; le pourcentage des solutions obtenues, pour s'en glorifier ensuite comme candidats. J'ai sous les yeux une profession de foi où je lis : « J'ai reçu de vous 196.000 lettres, dont 58.000 ont cu satisfaction. ) M. Clemenceau disait en y pensant : c Occu­ pation d'un genre tout spécial! > Cette occupation est, plus ou moins, celle des élus, en tous pays de régime électif. En Suisse, il y eut un temps, où, dans le canton de Schwitz, les partis se divisaient en « hommes du bétail à corne> et en « hommes des pieds fourchus » ..-- ce qui signifiait que l'intérêt matériel, base de l'intervention, dominait l'élection. Un délégué du Texas disait à la Convention républicaine de 1880 : c Est-ce que nous venons ici pour autre chose que pour les emplois? ) L'usage de l'intervention parlementaire s'est, depuis quelques années, beaucoup développé en Angleterre, où il était, il y a trente ans, à peu près ignoré. Il y tient cependant moins de place qu'en France, parce que les Anglais ne possèdent pas la formidable centralisation administrative, que nous avons b,éritée de Louis XIV et de Napoléon. Plus le pouvoir est centralisé, plus promet d'être efficace l'action qu'on exerce sur lui. La ~fotuclle électorale. Avais-je tort de dire que l'intervention est la substance du métier parlementaire? Ai-je tort, cela étant, de répéter que c'est bien d'un métier qu'il s'agit, et non pas d'un mandat? La recherche des résultats électoraux, par le moyen de l'intervention, précise le caractère de ce que j'ai appelé tout à l'heure une Mutuelle électorale. Comment parler de mandat, quand il n'y a pas indépendance? Lorsq~'on se fait nommer député, c'est, sauf de très rares exceptions, moins pour voter des lois et contrôler la politique générale que pour administrer, par l'intermé­ diaire des autres pouvoirs, une partie du territoire natio­ nal. La fabrication même des lois est souvent utilisée pour
  • 48. LE MÉTIER 47 l'accomplissement de la tâche fondamentale, qui consiste à couronner, grâce aux ministres, les vœux des électeurs. Et je dis qu'on retrouve dans tout cela les éléments nor­ maux d'un métier, mais nullement les bases d'un mandat, ni celles d'un régime politique et d'un régime national. II LA COALITION La coalition est, avec l'intervention, à la base du régime électif et de la profession parlementaire. L'un"e et l'autre se ramènent à la recherche du nombre par où il est entendu que s'exprime, réelle ou non, la souveraineté. Le nombre et la coalition. Qu'il s'agisse d'être élu ou d'accéder au pouvoir, on De peut pas travailler seul. En politique, les isolés ne comptent pas. Qu'est-ce qu'une majorité électorale? C'est sur le nom d'un citoyen, qu'on appelle candidat, la rencontre de quelques milliers d'autres citoyens, qui ne sont pas iden­ tiques les uns aux autres et qu'il a fallu réunir et amal­ gamer pour faire la majorité. C'est une coalition d'in­ dividus. Qu'est-ce qu'une majorité gouvernementale? C'est, en soutien d'un ministère, l'association de partis et de gl'oupes, qui, bien que différents les uns des autres, ont résolu de se rapprocher pour voter de la même façon en faveur des mêmes personnes. C'est une coalition de collec­ tivités. Au sommet donc, aussi bien qu'à la base, pour entrer dans les Chambres aussi bien que pour entrer dans les gouvernements, il ne suffit pas d'avoir, par l'intervention, satisfait ceux qui votent. Il faut encore réaliser et main­ tenir, par un continuel travail de rapprochement, les votes obtenus. C'est essentiellement l'objet de la coalition, par laquelle s'obtient au maximum la consécration du nombre légal. 3
  • 49. 48 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE Les assemblées vivellt en état de coalition permanente; d'abord, parce qu'elles sont nées d'élections,c'est:à:dire de coalitions; ensuite, parce qu'elles sont tTOp diVIsées pour qu'un parti s'en puisse rendre maître. Aucun parti, depuis 1871, n'a disposé à la Chamhre française de la majorité absolue. S'inscrire à un parti, soit comme candidat, soit comme élu, c'est se coaliser, c'est-à-dire aliéner, en échange d'un appui nécessaire, une part de sa liberté et de ses idées, si l'on en a. Notre régime de scrutin à deux tours pose le problème avec simplicité. Au ballottage, l'électeur, qui reporte sa voix d'un candidat sur un autre, fait, à lui seul, de la coalition. L'élu, qui bénéficie de ces reports, est l'élu d'une coalition. A la Chambre, cela recommence. Quand le député nou­ veau s'inscrit à un groupe, il se coalise, le p.lus souvent sans savoir pourquoi, ou pour des raisons secondaires, telles que l'entrée dans une commission, avec d'autres députés. Il pose ainsi les bases des coalitions ultérieures que développera le jeu parlementaire. Chaque groupe est fragment de coalition. Quand un gouvernement se constitue, il passe la rev~ des groupes, qui, dans les Chambres françaises, sont par­ ticulièrement nombreux. Et, en puisant des membres dans quelques-uns d'entre eux, il se définit, par sa naissance même, gouvernement de coalition. Ce sont également des déplacements de groupes, qui décident, par la suite, de la chute des gouvernements ainsi formés. Les ministères durent autant que dure l'associa­ tion des groupes, dont ils sont sortis. Dès que cette asso­ ciation s'affaiblit et que, contre elle, s'en form~ une autre plus forte, le ministère disparaît. Tout gouvernement nait d'une coalition et meurt d'une coalition. C'est dire la place immense que liennent les coalitions dans la vie des assemblées et dans la pDofession parlemen· taire. Ce régime, pas plus que celui de l'interventiQn, n'est propre à fortifier les convictions. Qui se coalise s'émas­ cule. et toutes les coalitions politiques ont l'équivoque à leur base. Les élus aboutissent ainsi à une dévaluation générale des principes. Ils avaient commencé comme can­ didats. Ils continuent comme députés.
  • 50. LE MÉTIER 49 Les coalitions d'autl"efois. Depuis qu'existe le régime électif, les partis n'ont cessé de faire des coalitions dans les circonscriptions et dans les assemblées. On en a vu', dès le début, qui paraissaient inconcevables. . Dans la Chambre introuvable de 1815, il Y eut des gens pour rêver d'une alliance électorale entre l'extrême-droite et l'extrême-gauche, qui, dans la faible mesure où elles pensaient l'une et l'autre, ne pensaient pas la même chose. M. de Genoude, légitimiste, disait un peu plus tard aux hommes de gauche : « Si nous n'avons pas le même para·· dis, nous avons le même enfer. » Et, pour préciser l'ac- cord, au moins sur l'enfer, la Gazette de FI'anoe de l'époque réclamait le suffrage universel, voire même l'ap- pel au peuple. Une coalition plus forte et plus durable, a laquelle les Cent Jour~ avaient donné naissance, se noua, à la même époque, entre les éléments révolutionnaires et les éléments bonapartistes. On y discernait, à la fois, la rencontre de certaines idées simples ct un désir réciproque de se duper. Louis-Philippe, lors du retour des Cendres, essaya de s'attacher le mouvement. La campagne des banquets et la révolution de 1848 prouvèrent qu'il n'y avait pas réussi. La coalition, utilisée par lui en 1830, prit contre lui sa revanche par l'élection de Louis-Bonaparte et par le 2 décembre. Pour plus de cinquante ans, d'abord en préparant l'Empil'e, ensuite en le faisant vivre, cette coa- lition a' dominé l'histoire de France. On trouvait là réunis les restes grognons du personnel de l'Empire; une bourgeoisie libérale, dont l'aveuglement rêvait d'aboutir par cette voie à un régime quasi britan- niql,le ; une jeunesse républicaine, qui ne savait pas bien ce qu'elle voulait; de rares éléments ouvriers. Ce sont ces éléments qui saluaient du cri de « Vive la République ~ telle pièce napoléonienne représentée en province sous Louis-Philippe. M. Béranger fut le barde de cette coalition, qui, en combattant les deux Restaurations au nom de la liberté, finit par créer le Second Empire. Sous la Monarchie de Juillet, les coalitions parlemen- taires furent innombrables et immorales. On se souvient de celles de 1837 et 1842, qui fl.lrent les instruments de la
  • 51. 50 LA PROFESSION PARLEMENTAIRE lutte des chefs entre eux. On a vu M. Thiers renversé par la coaliti.Q.l1 de toutes les droites qui étaient loin d'avoir toutes la même doctrine; M. de Broglie abattu par la coalition de l'extrême-droite, des bonapartistes et des républicains. MM. Guizot, Molé, Pasquier ont utilisé, en sens divers et les uns contre les autres, ce moyen classique de gouvernement. La Troisième République n'a été organisée par la roya­ liste Assemblée nationale que parce que les républicaiDs lurent, pendant ces premières années, maîtres en l'art de se coaliser. M. Thiers s'était servi de tout le monde, recevant alternativement à la Préfecture de Versailles Mo le Comte d'Haussonville ct les radicaux fraflcs-maçons de Lyon. Après sa chute, c'est M. Gambetta, qui fut le gr.and fabricateur de la coalition républicaine. Cette coalition s'est développée et compliquée a"ec le régime des groupes, qui n'a, depuis lors, jamais cessé de régner. Comme, pour former une majorité, il fallait tou­ jours cinq à six groupes, on a pris l'habitude de regarder de moins en moins aux idées et de ne s'attacher qu'au résultat numérique. La nécessité de la coalition a eu pour effet de rejeter les programmes au second plan. Intervenir, pour être réélus; se coaliser, pour être ministres : les deux lois du métier se dégageaient en force sur un fonds de scepticisme. Sous les présidences de MM. Grévy, Carnot, Casimir Périer et Félix Faure, les coalitions eurent UR nom, qui ne signifiait pas toujours la même chose. Elles s'appelaient concentration. La concentration se faisait généralement il. gauche par l'addition de quelques transfuges radicaux, qui n'engageaient qu'eux-mêmes. Il arrivait aussi qu'elle se fit à droite, auquel cas les radicaux ne tardaient pas, pour en sortir, à chercher plus à gauche des remplaçants. Sons la Présidence de M. l!mile Loubet et sous celles de ses successeurs, les coalitions parlementaires ont exagéré et ~implifié les coalitions élect.orales. Elles ont tendu, sous l'épithète républicaine, à associer les bourgeois actuels du parti radical aux bourgeois virtuels du parti socialiste; les « nantis > et les c à nantir >, cependant que, de l'autre côté, des éléments non moins hétérogènes se grou­ paient sous l'épithète nationale. L'affaire Dreyfus, par les chocs ard-ents qu'eUe provoqua, avait aceéléré le .phéno­
  • 52. LE MÉTIER 51 mène. Le mélange, né de la coalition, était des deux parts, innommable. Des anarchistes d'action directe voisinaient avec M. Scheurer-Kestner. Des communards cotoyaient, il la Ligue des patriotes, des bourgeois conservateurs. Il faut remonter à cc temps-là pour saisir les indices naissants de la coalition, qui, après s'être appelée Cartel des gauches, est devenue Front populaire. Il ne s'agit, en l'espèce, ni d'un caprice, ni d'un accident et tout ce qui est arrivé de nos jours se préparait depuis longtemps. Le peuple, bien que volé tant de fois par les bourgeois du profit des révolutions faites par lui, a gardé le golit des bourgeois. Les bourgeois, terrifiés par la Commune, ont, depuis lors, ouvert leurs rangs, comme M. de Lamartine le leur avait conseillé. Dans nos provinces, où le classe­ ment s'exprime par le cléricalisme et l'anticléricalisme, l'alliance entre radicaux et socialistes est de tradition. C'est la coalition normale. Ce qU'OR appelle aujourd'hui Front populaire est le type achevé de la coalition politique. En le retenant comme témoignage, on est assuré d'y trouver tous les traits qui la caractérisent et qui sont affaire, non de doctrine, mais de métier. La coalition contemporaine. Aux premiers contacts électoraux et parlementaires entre les radicaux et les socialistes, M. Poincaré demanda, si l'on prétendait marier l'eau et le feu. Avant lui, },f. Mé­ line avait prononcé avec encore plus de précision : Je dénonce ce dualisme gouvernemental, qui, selon les temps, les circonstances, les milieux où J '-on parle, la clientèle que l'on veut .flatter, -présente au pays, tantôt la face .propriété, capital, liberté; tantôt la face suppression de la propriété, du capital et de la liberté. M. Méline avait assurément raison de s'attaquer ainsi aux bases d'une coalition, que réprouvent éga1ement le bon 'Sens et la morale. Vingt-cinq ans après lui, dans la cam­ pagne électorale de 1932, j'ai dit, le 28 avril et le 4 mai, la même chose, de façon plus directe, en déclarant : Les neuf-dixièmes du programme radical seraient inexécu­ tables par le Cartel des gauches.