SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  9
Télécharger pour lire hors ligne
Ch. Chassé




Le culte breton de Sainte-Anne et la vénération des Vierges
noires
In: Annales de Bretagne. Tome 52, numéro 1, 1945. pp. 60-67.




Citer ce document / Cite this document :

 Chassé Ch. Le culte breton de Sainte-Anne et la vénération des Vierges noires. In: Annales de Bretagne. Tome 52, numéro 1,
 1945. pp. 60-67.

 doi : 10.3406/abpo.1945.1833

 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1945_num_52_1_1833
Charles CHASSE




LE     CULTE         BRETON           DE     SAINTE-ANNE

                              ET LA

  VÉNÉRATION DES VIERGES                               NOIRES




   M. Emile Saillens, agrégé de l'Université et ancien boursier de
voyage autour du monde a publié à Paris aux Editions Univers
elles, Boulevard Saint-Germain (175 fr.) un livre bourré d'idées
sur Nos Vierges noires, leurs origines, et on peut dire que ce
problème, si passionnant de l'origine des Vierges noires n'a jamais
encore été traité avec autant de précision, l'auteur s'étant docu
menté de visu (ou par longues correspondances quand le voyage
lui était impossible) sur les statues dont il a dressé un minutieux
répertoire à travers toute la France. Sur l'intérêt que ce livre
offre en particulier à des lecteurs bretons, j'ai fait, en juillet 1945,
une communication à la Société Archéologique du Finistère et
j'espère que ce compte rendu paraîtra dans le bulletin, pour 1944,
de ladite Société, quand les circonstances permettront l'impres
sion fascicule jusqu'à présent retardé par le manque de
      d'un
papier. Comme je ne voudrais pas ici répéter des propos que
certains risqueraient de retrouver ailleurs avec lassitude, je vais
m'efforcer de m'en tenir dans ces pages à un point particulier sur
lequel le livre de Saillens me paraît conduire à d'intéressantes
réflexions. Il s'agit du culte de sainte Anne en Bretagne et du
rapport existant entre ce culte et celui des Vierges noires.
   Pour cela, je suis pourtant bien obligé de rappeler brièvement
quel est le thème essentiel de Nos Vierges noires. Saillens tend
à y prouver que le culte des Vierges noires est une survivance
de croyances très anciennes ayant pour objet des déesses-mères
gauloises que nos ancêtres représentaient avec ou sans un enfant
LE CULTE BRETON DÉ SAINTE-ANNE                   61
sur le bras : déesses-mères qui, suivant les- diverses régions et
les diverses époques avaient de grandes ressemblances avec
Gybèle et Isis. Quand une de ces statues anciennes était décou
verte, après l'instauration du christianisme, soit dans un champ,
soit dans les soubassements d'une chapelle, on ne manquait pas
d'ordinaire de saluer en l'œuvre d'art une représentation de la
mère de Jésus.
   Ces Vierges noires,, très nombreuses en Auvergne, sont assez
rares en Bretagne pour plusieurs raisons ; mais ce qui est spécial
à la Bretagne, c'est que certaines de ces statues noires y sont
devenues non pas comme ailleurs des statues de la Vierge, mais
bien de la grand'mère du Christ, c'est-à-dire de sainte Anne.
   De quand date le culte de sainte Anne en Bretagne? Il semble
que, sous sa forme chrétienne, il y ait été relativement récent,
le prénom d'Anne n'existant guère dans notre province avant
le xve siècle et le prénom de la duchesse Anne lui ayant été,
dit-on, transmis par Anne de Beaujeu. L'abbé Lallemand, Breton
et historien de sainte Anne d'Auray, estime que le culte de sainte
Anne doit remonter en Bretagne au vie siècle. D'après une tradi
tion que rapporte l'abbé Abgrall (Monuments du culte de sainte
Anne au diocèse de Quimper, Vannes, 1902), sainte Anne de la
Palud aurait remplacé au ve siècle une « Mater Casta ». « Cepen
dant, au vie siècle, dit Saillens, l'Occident ignorait encore com
ment s'appelait la mère de la Vierge. Ni les Ecritures, ni les Pères
des trois premiers siècles ne nomment sainte Anne. En 550,
Justinien élève une église à sainte Anne à Constantinople, mais
au vie siècle, dit Moreri, on n'affirmait pas encore, même en
Orient, que la mère de la Vierge s'appelait sainte Anne. Elle n'est
pleinement identifiée qu'au vme siècle. En France, son culte ne
progresse que lentement. C'est seulement en 1382 qu'elle figurera
au calendrier, et sa fête ne fut fixée qu'en 1584; jusqu'au xvie
siècle, même en Bretagne, aucune paroisse ne lui avait été dédiée».
   Mais avant la sainte Anne chrétienne, n'aurait-il pas existé
une déesse celtique dont le nom aurait ressemblé à celui d'Anne
et dont le souvenir aurait été ensuite confusément identifié à
l'aïeule du Christ? Que sainte Anne de la Palud ait remplacé au
62          ET LA VÉNÉRATION DES VIERGES NOIRES
ve siècle une « Mater Casta », « il n'y a, dit Saillens, rien d'imposs
iblecela pourvu qu'il s'agisse de la déesse celtique reprenant
        à
ses droits sur les Celtes en se christianisant ».
    « II existait chez les Celtes, dit Saillens, (appendice B), une
grande déesse nommée Dana ou Danu. Selon Mac Culloch (The
Religion of the ancient Celts, Edinburgh 1911), elle donna son
nom à tout le groupe de divinités celtiques et elle est appelée
leur mère. Elle était parente de la déesse Ana ou Anou, que
Cormac qualifie de Mater deorum hibernensium. Cormac associe
 d'ailleurs le nom Anou et le mot Ana (abondance). Deux collines
du Kerry sont appelées the Paps of Anon, « les Tétons d' Anon ».
 Impossible de ne pas songer ici à la déesse nourricière des Romains
Anna Perenna qui, elle-même, était l'Anna Pourna du brahman
isme. Si le celtique ana signifie abondance, le sanscrit anna
 signifie nourriture. L'Ana ou Dana celtique (dé signifie de la
 déesse) est donc une sœur de toutes ces déesses-mères portant
 un nom analogue à notre « marna » ; un des noms de Cybèle était
 Nanna et, chez les Germains, la belle Nanna était la femme du
 dieu Balder. »
    Ajoutons aux réflexions de Saillens que, dans les Noms de
 lieux, introduction à un ouvrage sur les Saints et l'organisation
 chrétienne de VArmorique bretonne, Largillière déclare, à propos
 de Tréanna (chapelle et nom de famille) : « II ne s'agit pas de
 sainte Anne, mère de la Vierge, dont le culte s'est répandu à la
 fin du moyen âge et qui n'a pas de Lok; il s'agit certainement
 d'un personnage celtique ».
     C'est au xvne siècle que le culte de sainte Anne a repris en
Bretagne une grande extension à la suite de l'apparition de
 sainte Anne à Nicolazic en 1623 dans le lieu qui fut, depuis,
 nommé Sainte-Anne d'Auray. Je dis : repris, car, si le culte de
 sainte Anne a fleuri alors avec une intensité que favorisèrent les
 prédications du Père Le Nobletz et du Père Maunoir, c'est que
le nom de sainte Anne réveillait dans les esprits, le souvenir de
manifestations religieuses encore assez récentes en l'honneur de
 cette sainte, sans parler des résonnances autrement lointaines
 que le nom familier d'Anne suscitait dans les esprits celtes. « D'où
LE CULTE BRETON DE SAINTE-ANNE                    63
vient la dévotion des Bretons pour la mère de Marie? Il nous est
impossible, disent les abbés Buléon (J.) et Le Garrec (E.) dans
leur Sainte-Anne d'Auray (1924, Vannes. Lafolye, 8°, 3 volumes),
de répondre à cette question ».
   En 1622, donc avant l'apparition à Nicolazic, une statue noire
de femme tenant un enfant sur ses genoux avait été découverte
dans la paroisse fmistérienne de Commana, -tandis qu'on creusait
les fondations de l'église et il avait été tout de suite décidé que ce
devait être une image de sainte Anne. « La tradition de Commana,
signale Saillens, insiste sur ce fait que la statuette fut trouvée
dans un coffret de pierre ». Commana signifierait « auge d'Anna ».
Mais le village avait porté ce nom avant la découverte du coffret.
Nous n'examinerons pas ce point d'étymologie. Contentons-nous
de noter que ce coffret (cf. Pradelles, Manosque, etc.) semble
annoncer une statuette funéraire (1).
   « Entre les dévotions de Bretagne — constatait le père Hugues
en 1634 (Histoire de la célèbre et miraculeuse dévotion de sainte
Anne de Bretagne, Paris) — celle de la glorieuse sainte Anne,
ayeule de Jésus-Christ, me semble des plus anciennes. Et à la
vérité, cela est remarquable qu'en toutes les paroisses il y aye
des marques d'un autel ou chapelle dédiées en son honneur ».
Or cette popularité ne pourrait être due à l'amour des Bretons
pour leur bonne duchesse car celle-ci mourut en 1514 et, quelque
temps déjà avant le temps où écrivait le père Hugues, « les autels
de sainte Anne étaient détruits, les chapelles ruinées, les images
sans vénération ». « En un siècle à peine, le culte de sainte Anne —
dit Saillens — n'avait pas eu le temps de conquérir la province
et de disparaître ».
   Un fait bien curieux dont peuvent témoigner tous les Bretons
est l'étrange tradition si enracinée chez les paysans de Bretagne
et d'après laquelle sainte Anne, née en Armorique, y aurait habité
avant d'aller vivre et mourir en Palestine. Ne faut-il pas discerner
dans cette légende un moyen de concilier une obscure vénération
pour une divinité ancienne avec les enseignements reçus à l'église?

  (1) Saillens, Nos Vierges noires (p. 182).
64         ET LA VÉNÉRATION DES VIERGES NOIRES
Une autre anecdote très troublante au même point de vue est
celle que je cueille dans l'ouvrage en trois volumes que j'ai déjà
eu l'occasion de citer et où deux prêtres, Buléon et Le Garrec,
ont relaté en détail l'histoire de leur village de Sainte-Anne d'Au-
ray. Des marins ayant échappé à la mort au cours d'une tempête
avaient fait vœu d'aller remettre une offrande sur l'autel de
sainte Anne. Le prêtçe les voyant arriver pieds-nus, les félicite
de leur piété et se réjouit de ce qu'ils surviennent juste à temps
pour le commencement de la messe. Mais le capitaine et ses
hommes répondent, tout surpris, qu'ils n'ont pas promis d'en
tendre  la messe mais seulement de présenter une offrande. Pour
eux, donc, il ne paraissait exister aucun lien entre le christi
anismeet leur respect pré-chrétien pour l'être divin auquel ils
ils exprimaient leur reconnaissance.
  Dans ce livre de Buléon et Le Garrec, notoirement écrit dans
un but d'édification, j'ai d'ailleurs rencontré plusieurs autres
notations qui ont, à mes yeux, d'autant plus de valeur que n'étant
pas enregistrées comme les observations de Saillens avec l'inten
tion démontrer la continuité d'un même sentiment religieux
     de
à travers les âges, elles aboutissent cependant à confirmer les
théories énoncées par l'auteur du livre sur Nos Vierges noires.
   De même que Commana s'appelait Commana avant que la
statue n'y fut exhumée, le village morbihannais qui allait prendre
le nom de Sainte-Anne d'Auray se nommait « Ker-anna », avant
l'invention de la statue. C'est que, nous disent Buléon et Le Garr
ec, la conviction générale des habitants était qu'une chapelle
consacrée à sainte Anne se dressait bien longtemps auparavent
sur le champ où l'image miraculeuse allait être découverte.
Dans son Itinéraire de Bretagne, en 1636, Dubuisson-Aubenay
raconte qu'il a séjourné à deux reprises au village de Keranna
et « qu'on y est persuadé qu'autrefois il y avait eu là une église
de Sainte Anne et un chasteau dont on trouve encore en terre
les fondements qui sont de briques ». Nicolazic, lui, dit avoir
trouvé à Bocenno sur l'emplacement futur de la basilique de belles
tuiles de plusieurs couleurs « luisantes et fraîches à voir », Ces
tuiles paraissent avoir appartenu à des mosaïques de villas romai-
LE CULTE BRETON DE SAINTE-ANNE                    65
nés. Car, lorsqu'en 1869, on pratiqua des fouilles avant de cons
truire une nouvelle église, Lallemand signale (Annuaire du Morb
ihan, 1870) que les ouvriers y découvrirent des bronzes gallo-
romains. En tous les lieux bretons dits Bocenno, il est remarquab
le ait ainsi trouvé des traces de civilisation romaine et
      qu'on
Buléon et Le Garrec rappellent à ce propos que, presque dans
tous ces Bocennos, les statuettes exhumées représentent la nais
sance de Vénus et la Déesse-mère. (Voir A. de la Borderie, Hist
oire de la Bretagne (I. 183-184). « Nulle part — poursuivent ces
deux auteurs — dans aucun pays, on n'a signalé une telle abon
dance de statuettes, en l'honneur de ces divinités, comme si,
dans le domaine prédestiné à la Vierge Marie et à sainte Anne,
le démon avait voulu esquisser à l'avance une contrefaçon de
leur culte ». Ajoutons que, près de l'ancien temple de Keranna,
comme, d'ordinaire, auprès des lieux voués à un culte, il existait
une source et c'est à côté de cette source qu'eut lieu l'apparition
de sainte Anne à Nicolazic.
   Suivant la déposition de Nicolazic, sainte Anne, quand elle
a surgi devant lui, lui a déclaré : « Dans cette pièce de terre que
vous avez appelée le Bocenno, il y a eu une chapelle dédiée en
mon nom. Il y a 924 ans et 6 mois qu'elle a été renversée ». A s'en
tenir aux assertions de sainte Anne, ce serait donc en l'an 700 que
le temple aurait disparu. Quel aurait pu être ce temple encore
debout au vme siècle et y vénérait-on une forme chrétienne de
la Déesse-mère, à la fois Anna celtique et déjà sainte Anne?
Voilà qui n'est pas sans troubler l'esprit, d'autant que beaucoup
de chapelles bretonnes dédiées à sainte Anne sont, à ce que nous
disent Buléon et Le Garrec, bâties sur des ruines romaines et
nos deux auteurs, traitant de ce sujet, nous renvoient à un article
publié en 1912 par Marcille dans la Revue Morbihannaise sur
les Goh-iliz (goh-iliz ou goh-liz, ancienne église ou ancienne
ville?)
   Dans son livre sur les Grandeurs de sainte Anne, le P. Hugues
 écrit (p. 178) : « J'ay entendu moy-même de damoiselle Marie
 de Rohello, pour lors âgée de soixante ans, qu'estant fort petite,
 une ancienne gouvernante de la maison du Quennon la condui-
66   J       ET LA VÉNÉRATION DES VIERGES- NOIRES
sant avec une autre sœur en cet endroit du Bocenno ; elle lui
disait qu'il y avait eu autrefois là une chapelle de Sainte-Anne,
suivant la commune tradition et qu'elle luy faisait prier Dieu;
chose à mon avis très remarquable ». C'est à l'emplacement de
cette chapelle que, à en croire Nicolazic, ses bœufs s'effarou
chaient, chaque fois que sa charrue passait sur le lieu sacré.
D'après le témoignage de Nicolazic, sainte Anne lui a révélé que
l'ancienne chapelle existait avant qu'il y eût un village sur ce
point. Rien, dans cette révélation, ne contredit la vraisemblance
et Keranna, probablement, tout comme Commana a dû proba
blement   son nom à la présence d'un temple voué à une ancienne
divinité, peut-être l'Ana celtique. Sur ce fait, les deux abbés
apportent, un peu malgré eux, un argument nouveau quand ils
disent : « Si le village n'avait été créé qu'après le onzième siècle,
on l'eût appelé, non pas Ker-Anna mais plutôt Ker-Santez Anna
ou simplement Santez-Anna. C'est en effet au xve siècle que
l'on commence à instaurer d'une façon juridique les procès de
canonisation et à réserver au mot Saint une signification spé
ciale. A l'origine, ce qualificatif n'était pas accolé au nom du
personnage pour désigner les noms de lieux. On disait « Plo-Ermel,
Castel-Pol ».
    « De la chapelle primitive — affirment Buléon et Le Garrec —
 il ne reste d'intact que la statue de sainte Anne enfouie sous les
 décombres ». Quelle était exactement l'apparence de cette statue?
 Il nous est difficile de le préciser. Car, suivant Dubuisson dans
 son Itinéraire : « tous ceux qui ont vu cette image auxquels j'ai
 parlé disent qu'elle estoit fort mutilée et gastée et toutefois
reconnaissable. Elle avait trois pieds de haut et elle estoit de
bois très dur ». Il n'est pas stipulé, comme pour la statue de
Commana, qu'elle fût de couleur noire; mais le fait qu'elle était
de bois semble la rapprocher des autres Vierges noires. C'était,
dit en 1691 le Père de la Compagnie de Jésus qui publia à Vannes
la Gloire de sainte Anne d'Auray « une pièce de bois si défigurée
par la pourriture qu'ils (les excavateurs) ne purent juger sur
l'heure ce que c'était et, ainsi, l'ayant appuyée contre le prochain
fossé, ils l'y laissèrent cette nuit... Sitôt qu'il fit jour, retournant
la voir avec d'autres, ils n'y aperçurent que quelques ombres de
LE CULTE BRETON DE SAINTE-ANNE                     67
couleurs et quelques traits grossiers pour marque de ce qu'elle
avait été assez formé toutefois pour juger que c'était une an
cienne      statue de sainte Anne. A raison de quoi, les pères capucins
la firent, quelque temps après, retailler et peindre. Mais cela ne
fut fait que grossièrement ; le père Hugues de Saint-François,
premier prieur des Carmes en ce lieu, la fit tailler derechef, si
bien que, de trois pieds de hauteur à l'origine, elle se trouva
réduite à deux ».
       « Même si la statue n'avait pas été anéantie en 1790, nous ne
saurions donc nullement — dit Saillens — quel pouvait être
l'aspect de la « pièce de bois » exhumée en 1625. Pourquoi fallait-
il que ce fût une sainte Anne? Pour trois raisons puissantes mais
dont aucune n'était fournie par l'image elle-même puisqu'il
fallut la retailler deux fois avant qu'elle répondit à sa destina
tion.     Une de ces raisons était que le village de Nicolazic semblait
voué à sainte Anne. Une autre fut la rivalité régionale : Nicolazic
eut sa première vision un an après la découverte de la statue de
Gommana. Pour la raison enfin que le nom de sainte Anne éveil
lait     chez les Bretons des souvenirs bien plus anciens et, par consé
quent, plus puissants que celui de Marie ». Dans les récits concer
nant      Nicolazic, on ne peut manquer d'ailleurs d'être frappé par
cette circonstance que le clergé séculier accueillit d'abord avec assez
de mauvaise humeur la découverte de la statue et ne se résigna
 à honorer la relique que sous l'impulsion de la population laïque
laquelle avait subconsciemment reconnu en la statuette exhumée
l'image d'une divinité depuis longtemps vénérée dans le pays.
       J'avoue ne pas être assez profondément documenté sur
 l'histoire du culte de sainte Anne en Bretagne pour pouvoir
 présentement pousser plus loin cette étude, mais la confrontation
 entre les recherches de Saillens et celles effectuées par Buléon et
 Le Garrec me semblent en elles-mêmes assez suggestives pour que
 des érudits de notre province mènent plus avant ces investiga
 tions d'en tirer des déductions plus précises. Je n'ai voulu
           afin
 indiquer qu'une piste prometteuse et qui, sans doute, aboutira
  à d'assez curieux résultats.
                                                 Charles Chassé.

Contenu connexe

Tendances

Eglises du Pays de Fouesnant - jwdye0
Eglises du Pays de Fouesnant -  jwdye0Eglises du Pays de Fouesnant -  jwdye0
Eglises du Pays de Fouesnant - jwdye0Foenizella.com
 
Livret visite d'une église
Livret visite d'une égliseLivret visite d'une église
Livret visite d'une églisekt42 catechisme
 
Saint jean baptiste-marie vianney
Saint jean baptiste-marie vianney Saint jean baptiste-marie vianney
Saint jean baptiste-marie vianney Martin M Flynn
 
Le cycle de l'année liturgique
Le cycle de l'année liturgiqueLe cycle de l'année liturgique
Le cycle de l'année liturgiquekt42 catechisme
 
Eglises du Pays de Fouesnant - moq
Eglises du Pays de Fouesnant - moqEglises du Pays de Fouesnant - moq
Eglises du Pays de Fouesnant - moqFoenizella.com
 
Propositions Semaine Sainte-2021
Propositions Semaine Sainte-2021Propositions Semaine Sainte-2021
Propositions Semaine Sainte-2021JeunesCathosBw
 
Chroniques de Fouesnant - lmey
Chroniques de Fouesnant -   lmeyChroniques de Fouesnant -   lmey
Chroniques de Fouesnant - lmeyFoenizella.com
 
Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme
Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme  Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme
Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme kt42 catechisme
 
Fátima Histoire des Apparitions
Fátima   Histoire des ApparitionsFátima   Histoire des Apparitions
Fátima Histoire des ApparitionsMartin M Flynn
 
Liber sacramentorum (tome_4)
Liber sacramentorum (tome_4)Liber sacramentorum (tome_4)
Liber sacramentorum (tome_4)BRIAN MOORE
 
Mision en Carabuco Bolivia fra
Mision en Carabuco Bolivia fraMision en Carabuco Bolivia fra
Mision en Carabuco Bolivia fraMaike Loes
 
Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...
Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...
Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...BRIAN MOORE
 
Chroniques de Fouesnant - zjf
Chroniques de Fouesnant -  zjfChroniques de Fouesnant -  zjf
Chroniques de Fouesnant - zjfFoenizella.com
 
Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...
Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...
Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...DIOCESE SAINT-ÉTIENNE
 

Tendances (17)

Eglises du Pays de Fouesnant - jwdye0
Eglises du Pays de Fouesnant -  jwdye0Eglises du Pays de Fouesnant -  jwdye0
Eglises du Pays de Fouesnant - jwdye0
 
Livret visite d'une église
Livret visite d'une égliseLivret visite d'une église
Livret visite d'une église
 
Therese soubiran
Therese soubiranTherese soubiran
Therese soubiran
 
Saint jean baptiste-marie vianney
Saint jean baptiste-marie vianney Saint jean baptiste-marie vianney
Saint jean baptiste-marie vianney
 
Le cycle de l'année liturgique
Le cycle de l'année liturgiqueLe cycle de l'année liturgique
Le cycle de l'année liturgique
 
Eglises du Pays de Fouesnant - moq
Eglises du Pays de Fouesnant - moqEglises du Pays de Fouesnant - moq
Eglises du Pays de Fouesnant - moq
 
Propositions Semaine Sainte-2021
Propositions Semaine Sainte-2021Propositions Semaine Sainte-2021
Propositions Semaine Sainte-2021
 
Soeur. Agustina Rivas - Martyre de la Miséricorde
Soeur. Agustina Rivas - Martyre de la MiséricordeSoeur. Agustina Rivas - Martyre de la Miséricorde
Soeur. Agustina Rivas - Martyre de la Miséricorde
 
Chroniques de Fouesnant - lmey
Chroniques de Fouesnant -   lmeyChroniques de Fouesnant -   lmey
Chroniques de Fouesnant - lmey
 
Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme
Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme  Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme
Livret de caté : activités sur l'Eglise et l’œcuménisme
 
Fátima Histoire des Apparitions
Fátima   Histoire des ApparitionsFátima   Histoire des Apparitions
Fátima Histoire des Apparitions
 
Servante de Dieu Agustina rivas (27 septembre)
Servante de Dieu Agustina rivas (27 septembre) Servante de Dieu Agustina rivas (27 septembre)
Servante de Dieu Agustina rivas (27 septembre)
 
Liber sacramentorum (tome_4)
Liber sacramentorum (tome_4)Liber sacramentorum (tome_4)
Liber sacramentorum (tome_4)
 
Mision en Carabuco Bolivia fra
Mision en Carabuco Bolivia fraMision en Carabuco Bolivia fra
Mision en Carabuco Bolivia fra
 
Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...
Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...
Explication litterale, historique_et_dogmatique_des_prieres_et_des_ceremonies...
 
Chroniques de Fouesnant - zjf
Chroniques de Fouesnant -  zjfChroniques de Fouesnant -  zjf
Chroniques de Fouesnant - zjf
 
Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...
Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...
Lettre du diocèse de Saint-Etiennespéciale ordination épiscopale de Mgr Sylva...
 

En vedette

Expression d'une protéine recombinante
Expression d'une protéine recombinanteExpression d'une protéine recombinante
Expression d'une protéine recombinantetutankanson
 
Les verbs-pronominaux (1)
Les verbs-pronominaux (1)Les verbs-pronominaux (1)
Les verbs-pronominaux (1)panchan panchan
 
Résumé de la charte Café Numérique
Résumé de la charte Café NumériqueRésumé de la charte Café Numérique
Résumé de la charte Café NumériqueJeremy Corman
 
Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...
Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...
Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...Agence interactive KOPERNIK
 
Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011
Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011
Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011Corinne Poncet-Lacroix
 

En vedette (8)

Devoir 2 sts1 sio
Devoir 2 sts1 sioDevoir 2 sts1 sio
Devoir 2 sts1 sio
 
Comment booster votre e-commerce en 2013 ?
Comment booster votre e-commerce en 2013 ?Comment booster votre e-commerce en 2013 ?
Comment booster votre e-commerce en 2013 ?
 
Newsletter n1
Newsletter n1Newsletter n1
Newsletter n1
 
Expression d'une protéine recombinante
Expression d'une protéine recombinanteExpression d'une protéine recombinante
Expression d'une protéine recombinante
 
Les verbs-pronominaux (1)
Les verbs-pronominaux (1)Les verbs-pronominaux (1)
Les verbs-pronominaux (1)
 
Résumé de la charte Café Numérique
Résumé de la charte Café NumériqueRésumé de la charte Café Numérique
Résumé de la charte Café Numérique
 
Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...
Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...
Quel rôle pour les advergames et les edumarket games dans la communication pr...
 
Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011
Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011
Données personnelles et protection de la vie privée 14 12 2011
 

Similaire à Article abpo 0003-391x_1945_num_52_1_1833

Les Santons de Provence
Les Santons de ProvenceLes Santons de Provence
Les Santons de Provencetave1221
 
Sainte Agnès, vierge et Martyre.pptx
Sainte Agnès, vierge et Martyre.pptxSainte Agnès, vierge et Martyre.pptx
Sainte Agnès, vierge et Martyre.pptxMartin M Flynn
 
Sainte Lucie Vierge et Martyre
Sainte Lucie Vierge et MartyreSainte Lucie Vierge et Martyre
Sainte Lucie Vierge et MartyreMartin M Flynn
 
Eglises du Pays de Fouesnant - pxywd
Eglises du Pays de Fouesnant -  pxywdEglises du Pays de Fouesnant -  pxywd
Eglises du Pays de Fouesnant - pxywdFoenizella.com
 
Sainte Agathe, Vierge et Martyr
Sainte Agathe, Vierge et MartyrSainte Agathe, Vierge et Martyr
Sainte Agathe, Vierge et MartyrMartin M Flynn
 
Liber sacramentorum (tome_6)
Liber sacramentorum (tome_6)Liber sacramentorum (tome_6)
Liber sacramentorum (tome_6)BRIAN MOORE
 
SAINT ANTOINE DU DESERT.pptx
SAINT ANTOINE DU DESERT.pptxSAINT ANTOINE DU DESERT.pptx
SAINT ANTOINE DU DESERT.pptxMartin M Flynn
 
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926Francis Batt
 
Symbolique du premier art chrétien - Jean Guyon
Symbolique du premier art chrétien - Jean GuyonSymbolique du premier art chrétien - Jean Guyon
Symbolique du premier art chrétien - Jean Guyonicm13
 
CARNAVAL ET CARÊME.pptx
CARNAVAL ET CARÊME.pptxCARNAVAL ET CARÊME.pptx
CARNAVAL ET CARÊME.pptxMartin M Flynn
 
Saint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptx
Saint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptxSaint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptx
Saint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptxMartin M Flynn
 
BEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUST
BEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUSTBEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUST
BEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUSTEditions La Dondaine
 
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptxSainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptxMartin M Flynn
 
Saint Nicolas Père Noël
Saint Nicolas   Père NoëlSaint Nicolas   Père Noël
Saint Nicolas Père NoëlMartin M Flynn
 
Le tresor de Rennes le Château
Le tresor de Rennes le ChâteauLe tresor de Rennes le Château
Le tresor de Rennes le Châteaukavitakhemka
 
Coutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea Jiului
Coutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea JiuluiCoutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea Jiului
Coutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea JiuluiMarinela
 

Similaire à Article abpo 0003-391x_1945_num_52_1_1833 (20)

Sainte Cécile.pptx
Sainte Cécile.pptxSainte Cécile.pptx
Sainte Cécile.pptx
 
Les Santons de Provence
Les Santons de ProvenceLes Santons de Provence
Les Santons de Provence
 
Sainte Agnès, vierge et Martyre.pptx
Sainte Agnès, vierge et Martyre.pptxSainte Agnès, vierge et Martyre.pptx
Sainte Agnès, vierge et Martyre.pptx
 
Le saint suaire f fev 28@@@
Le saint suaire  f fev 28@@@Le saint suaire  f fev 28@@@
Le saint suaire f fev 28@@@
 
Sainte Lucie Vierge et Martyre
Sainte Lucie Vierge et MartyreSainte Lucie Vierge et Martyre
Sainte Lucie Vierge et Martyre
 
Eglises du Pays de Fouesnant - pxywd
Eglises du Pays de Fouesnant -  pxywdEglises du Pays de Fouesnant -  pxywd
Eglises du Pays de Fouesnant - pxywd
 
Sainte Agathe, Vierge et Martyr
Sainte Agathe, Vierge et MartyrSainte Agathe, Vierge et Martyr
Sainte Agathe, Vierge et Martyr
 
Liber sacramentorum (tome_6)
Liber sacramentorum (tome_6)Liber sacramentorum (tome_6)
Liber sacramentorum (tome_6)
 
SAINT ANTOINE DU DESERT.pptx
SAINT ANTOINE DU DESERT.pptxSAINT ANTOINE DU DESERT.pptx
SAINT ANTOINE DU DESERT.pptx
 
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
 
Symbolique du premier art chrétien - Jean Guyon
Symbolique du premier art chrétien - Jean GuyonSymbolique du premier art chrétien - Jean Guyon
Symbolique du premier art chrétien - Jean Guyon
 
CARNAVAL ET CARÊME.pptx
CARNAVAL ET CARÊME.pptxCARNAVAL ET CARÊME.pptx
CARNAVAL ET CARÊME.pptx
 
Saint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptx
Saint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptxSaint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptx
Saint Bruno, Fondateur de les Carthusiens.pptx
 
BEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUST
BEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUSTBEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUST
BEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUST
 
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptxSainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
 
Paques
PaquesPaques
Paques
 
Saint Nicolas Père Noël
Saint Nicolas   Père NoëlSaint Nicolas   Père Noël
Saint Nicolas Père Noël
 
À propos de quelques Cythères méconnues.pdf
À propos de quelques Cythères méconnues.pdfÀ propos de quelques Cythères méconnues.pdf
À propos de quelques Cythères méconnues.pdf
 
Le tresor de Rennes le Château
Le tresor de Rennes le ChâteauLe tresor de Rennes le Château
Le tresor de Rennes le Château
 
Coutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea Jiului
Coutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea JiuluiCoutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea Jiului
Coutumes et fêtes d'automne -Vulcan,Valea Jiului
 

Article abpo 0003-391x_1945_num_52_1_1833

  • 1. Ch. Chassé Le culte breton de Sainte-Anne et la vénération des Vierges noires In: Annales de Bretagne. Tome 52, numéro 1, 1945. pp. 60-67. Citer ce document / Cite this document : Chassé Ch. Le culte breton de Sainte-Anne et la vénération des Vierges noires. In: Annales de Bretagne. Tome 52, numéro 1, 1945. pp. 60-67. doi : 10.3406/abpo.1945.1833 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1945_num_52_1_1833
  • 2. Charles CHASSE LE CULTE BRETON DE SAINTE-ANNE ET LA VÉNÉRATION DES VIERGES NOIRES M. Emile Saillens, agrégé de l'Université et ancien boursier de voyage autour du monde a publié à Paris aux Editions Univers elles, Boulevard Saint-Germain (175 fr.) un livre bourré d'idées sur Nos Vierges noires, leurs origines, et on peut dire que ce problème, si passionnant de l'origine des Vierges noires n'a jamais encore été traité avec autant de précision, l'auteur s'étant docu menté de visu (ou par longues correspondances quand le voyage lui était impossible) sur les statues dont il a dressé un minutieux répertoire à travers toute la France. Sur l'intérêt que ce livre offre en particulier à des lecteurs bretons, j'ai fait, en juillet 1945, une communication à la Société Archéologique du Finistère et j'espère que ce compte rendu paraîtra dans le bulletin, pour 1944, de ladite Société, quand les circonstances permettront l'impres sion fascicule jusqu'à présent retardé par le manque de d'un papier. Comme je ne voudrais pas ici répéter des propos que certains risqueraient de retrouver ailleurs avec lassitude, je vais m'efforcer de m'en tenir dans ces pages à un point particulier sur lequel le livre de Saillens me paraît conduire à d'intéressantes réflexions. Il s'agit du culte de sainte Anne en Bretagne et du rapport existant entre ce culte et celui des Vierges noires. Pour cela, je suis pourtant bien obligé de rappeler brièvement quel est le thème essentiel de Nos Vierges noires. Saillens tend à y prouver que le culte des Vierges noires est une survivance de croyances très anciennes ayant pour objet des déesses-mères gauloises que nos ancêtres représentaient avec ou sans un enfant
  • 3. LE CULTE BRETON DÉ SAINTE-ANNE 61 sur le bras : déesses-mères qui, suivant les- diverses régions et les diverses époques avaient de grandes ressemblances avec Gybèle et Isis. Quand une de ces statues anciennes était décou verte, après l'instauration du christianisme, soit dans un champ, soit dans les soubassements d'une chapelle, on ne manquait pas d'ordinaire de saluer en l'œuvre d'art une représentation de la mère de Jésus. Ces Vierges noires,, très nombreuses en Auvergne, sont assez rares en Bretagne pour plusieurs raisons ; mais ce qui est spécial à la Bretagne, c'est que certaines de ces statues noires y sont devenues non pas comme ailleurs des statues de la Vierge, mais bien de la grand'mère du Christ, c'est-à-dire de sainte Anne. De quand date le culte de sainte Anne en Bretagne? Il semble que, sous sa forme chrétienne, il y ait été relativement récent, le prénom d'Anne n'existant guère dans notre province avant le xve siècle et le prénom de la duchesse Anne lui ayant été, dit-on, transmis par Anne de Beaujeu. L'abbé Lallemand, Breton et historien de sainte Anne d'Auray, estime que le culte de sainte Anne doit remonter en Bretagne au vie siècle. D'après une tradi tion que rapporte l'abbé Abgrall (Monuments du culte de sainte Anne au diocèse de Quimper, Vannes, 1902), sainte Anne de la Palud aurait remplacé au ve siècle une « Mater Casta ». « Cepen dant, au vie siècle, dit Saillens, l'Occident ignorait encore com ment s'appelait la mère de la Vierge. Ni les Ecritures, ni les Pères des trois premiers siècles ne nomment sainte Anne. En 550, Justinien élève une église à sainte Anne à Constantinople, mais au vie siècle, dit Moreri, on n'affirmait pas encore, même en Orient, que la mère de la Vierge s'appelait sainte Anne. Elle n'est pleinement identifiée qu'au vme siècle. En France, son culte ne progresse que lentement. C'est seulement en 1382 qu'elle figurera au calendrier, et sa fête ne fut fixée qu'en 1584; jusqu'au xvie siècle, même en Bretagne, aucune paroisse ne lui avait été dédiée». Mais avant la sainte Anne chrétienne, n'aurait-il pas existé une déesse celtique dont le nom aurait ressemblé à celui d'Anne et dont le souvenir aurait été ensuite confusément identifié à l'aïeule du Christ? Que sainte Anne de la Palud ait remplacé au
  • 4. 62 ET LA VÉNÉRATION DES VIERGES NOIRES ve siècle une « Mater Casta », « il n'y a, dit Saillens, rien d'imposs iblecela pourvu qu'il s'agisse de la déesse celtique reprenant à ses droits sur les Celtes en se christianisant ». « II existait chez les Celtes, dit Saillens, (appendice B), une grande déesse nommée Dana ou Danu. Selon Mac Culloch (The Religion of the ancient Celts, Edinburgh 1911), elle donna son nom à tout le groupe de divinités celtiques et elle est appelée leur mère. Elle était parente de la déesse Ana ou Anou, que Cormac qualifie de Mater deorum hibernensium. Cormac associe d'ailleurs le nom Anou et le mot Ana (abondance). Deux collines du Kerry sont appelées the Paps of Anon, « les Tétons d' Anon ». Impossible de ne pas songer ici à la déesse nourricière des Romains Anna Perenna qui, elle-même, était l'Anna Pourna du brahman isme. Si le celtique ana signifie abondance, le sanscrit anna signifie nourriture. L'Ana ou Dana celtique (dé signifie de la déesse) est donc une sœur de toutes ces déesses-mères portant un nom analogue à notre « marna » ; un des noms de Cybèle était Nanna et, chez les Germains, la belle Nanna était la femme du dieu Balder. » Ajoutons aux réflexions de Saillens que, dans les Noms de lieux, introduction à un ouvrage sur les Saints et l'organisation chrétienne de VArmorique bretonne, Largillière déclare, à propos de Tréanna (chapelle et nom de famille) : « II ne s'agit pas de sainte Anne, mère de la Vierge, dont le culte s'est répandu à la fin du moyen âge et qui n'a pas de Lok; il s'agit certainement d'un personnage celtique ». C'est au xvne siècle que le culte de sainte Anne a repris en Bretagne une grande extension à la suite de l'apparition de sainte Anne à Nicolazic en 1623 dans le lieu qui fut, depuis, nommé Sainte-Anne d'Auray. Je dis : repris, car, si le culte de sainte Anne a fleuri alors avec une intensité que favorisèrent les prédications du Père Le Nobletz et du Père Maunoir, c'est que le nom de sainte Anne réveillait dans les esprits, le souvenir de manifestations religieuses encore assez récentes en l'honneur de cette sainte, sans parler des résonnances autrement lointaines que le nom familier d'Anne suscitait dans les esprits celtes. « D'où
  • 5. LE CULTE BRETON DE SAINTE-ANNE 63 vient la dévotion des Bretons pour la mère de Marie? Il nous est impossible, disent les abbés Buléon (J.) et Le Garrec (E.) dans leur Sainte-Anne d'Auray (1924, Vannes. Lafolye, 8°, 3 volumes), de répondre à cette question ». En 1622, donc avant l'apparition à Nicolazic, une statue noire de femme tenant un enfant sur ses genoux avait été découverte dans la paroisse fmistérienne de Commana, -tandis qu'on creusait les fondations de l'église et il avait été tout de suite décidé que ce devait être une image de sainte Anne. « La tradition de Commana, signale Saillens, insiste sur ce fait que la statuette fut trouvée dans un coffret de pierre ». Commana signifierait « auge d'Anna ». Mais le village avait porté ce nom avant la découverte du coffret. Nous n'examinerons pas ce point d'étymologie. Contentons-nous de noter que ce coffret (cf. Pradelles, Manosque, etc.) semble annoncer une statuette funéraire (1). « Entre les dévotions de Bretagne — constatait le père Hugues en 1634 (Histoire de la célèbre et miraculeuse dévotion de sainte Anne de Bretagne, Paris) — celle de la glorieuse sainte Anne, ayeule de Jésus-Christ, me semble des plus anciennes. Et à la vérité, cela est remarquable qu'en toutes les paroisses il y aye des marques d'un autel ou chapelle dédiées en son honneur ». Or cette popularité ne pourrait être due à l'amour des Bretons pour leur bonne duchesse car celle-ci mourut en 1514 et, quelque temps déjà avant le temps où écrivait le père Hugues, « les autels de sainte Anne étaient détruits, les chapelles ruinées, les images sans vénération ». « En un siècle à peine, le culte de sainte Anne — dit Saillens — n'avait pas eu le temps de conquérir la province et de disparaître ». Un fait bien curieux dont peuvent témoigner tous les Bretons est l'étrange tradition si enracinée chez les paysans de Bretagne et d'après laquelle sainte Anne, née en Armorique, y aurait habité avant d'aller vivre et mourir en Palestine. Ne faut-il pas discerner dans cette légende un moyen de concilier une obscure vénération pour une divinité ancienne avec les enseignements reçus à l'église? (1) Saillens, Nos Vierges noires (p. 182).
  • 6. 64 ET LA VÉNÉRATION DES VIERGES NOIRES Une autre anecdote très troublante au même point de vue est celle que je cueille dans l'ouvrage en trois volumes que j'ai déjà eu l'occasion de citer et où deux prêtres, Buléon et Le Garrec, ont relaté en détail l'histoire de leur village de Sainte-Anne d'Au- ray. Des marins ayant échappé à la mort au cours d'une tempête avaient fait vœu d'aller remettre une offrande sur l'autel de sainte Anne. Le prêtçe les voyant arriver pieds-nus, les félicite de leur piété et se réjouit de ce qu'ils surviennent juste à temps pour le commencement de la messe. Mais le capitaine et ses hommes répondent, tout surpris, qu'ils n'ont pas promis d'en tendre la messe mais seulement de présenter une offrande. Pour eux, donc, il ne paraissait exister aucun lien entre le christi anismeet leur respect pré-chrétien pour l'être divin auquel ils ils exprimaient leur reconnaissance. Dans ce livre de Buléon et Le Garrec, notoirement écrit dans un but d'édification, j'ai d'ailleurs rencontré plusieurs autres notations qui ont, à mes yeux, d'autant plus de valeur que n'étant pas enregistrées comme les observations de Saillens avec l'inten tion démontrer la continuité d'un même sentiment religieux de à travers les âges, elles aboutissent cependant à confirmer les théories énoncées par l'auteur du livre sur Nos Vierges noires. De même que Commana s'appelait Commana avant que la statue n'y fut exhumée, le village morbihannais qui allait prendre le nom de Sainte-Anne d'Auray se nommait « Ker-anna », avant l'invention de la statue. C'est que, nous disent Buléon et Le Garr ec, la conviction générale des habitants était qu'une chapelle consacrée à sainte Anne se dressait bien longtemps auparavent sur le champ où l'image miraculeuse allait être découverte. Dans son Itinéraire de Bretagne, en 1636, Dubuisson-Aubenay raconte qu'il a séjourné à deux reprises au village de Keranna et « qu'on y est persuadé qu'autrefois il y avait eu là une église de Sainte Anne et un chasteau dont on trouve encore en terre les fondements qui sont de briques ». Nicolazic, lui, dit avoir trouvé à Bocenno sur l'emplacement futur de la basilique de belles tuiles de plusieurs couleurs « luisantes et fraîches à voir », Ces tuiles paraissent avoir appartenu à des mosaïques de villas romai-
  • 7. LE CULTE BRETON DE SAINTE-ANNE 65 nés. Car, lorsqu'en 1869, on pratiqua des fouilles avant de cons truire une nouvelle église, Lallemand signale (Annuaire du Morb ihan, 1870) que les ouvriers y découvrirent des bronzes gallo- romains. En tous les lieux bretons dits Bocenno, il est remarquab le ait ainsi trouvé des traces de civilisation romaine et qu'on Buléon et Le Garrec rappellent à ce propos que, presque dans tous ces Bocennos, les statuettes exhumées représentent la nais sance de Vénus et la Déesse-mère. (Voir A. de la Borderie, Hist oire de la Bretagne (I. 183-184). « Nulle part — poursuivent ces deux auteurs — dans aucun pays, on n'a signalé une telle abon dance de statuettes, en l'honneur de ces divinités, comme si, dans le domaine prédestiné à la Vierge Marie et à sainte Anne, le démon avait voulu esquisser à l'avance une contrefaçon de leur culte ». Ajoutons que, près de l'ancien temple de Keranna, comme, d'ordinaire, auprès des lieux voués à un culte, il existait une source et c'est à côté de cette source qu'eut lieu l'apparition de sainte Anne à Nicolazic. Suivant la déposition de Nicolazic, sainte Anne, quand elle a surgi devant lui, lui a déclaré : « Dans cette pièce de terre que vous avez appelée le Bocenno, il y a eu une chapelle dédiée en mon nom. Il y a 924 ans et 6 mois qu'elle a été renversée ». A s'en tenir aux assertions de sainte Anne, ce serait donc en l'an 700 que le temple aurait disparu. Quel aurait pu être ce temple encore debout au vme siècle et y vénérait-on une forme chrétienne de la Déesse-mère, à la fois Anna celtique et déjà sainte Anne? Voilà qui n'est pas sans troubler l'esprit, d'autant que beaucoup de chapelles bretonnes dédiées à sainte Anne sont, à ce que nous disent Buléon et Le Garrec, bâties sur des ruines romaines et nos deux auteurs, traitant de ce sujet, nous renvoient à un article publié en 1912 par Marcille dans la Revue Morbihannaise sur les Goh-iliz (goh-iliz ou goh-liz, ancienne église ou ancienne ville?) Dans son livre sur les Grandeurs de sainte Anne, le P. Hugues écrit (p. 178) : « J'ay entendu moy-même de damoiselle Marie de Rohello, pour lors âgée de soixante ans, qu'estant fort petite, une ancienne gouvernante de la maison du Quennon la condui-
  • 8. 66 J ET LA VÉNÉRATION DES VIERGES- NOIRES sant avec une autre sœur en cet endroit du Bocenno ; elle lui disait qu'il y avait eu autrefois là une chapelle de Sainte-Anne, suivant la commune tradition et qu'elle luy faisait prier Dieu; chose à mon avis très remarquable ». C'est à l'emplacement de cette chapelle que, à en croire Nicolazic, ses bœufs s'effarou chaient, chaque fois que sa charrue passait sur le lieu sacré. D'après le témoignage de Nicolazic, sainte Anne lui a révélé que l'ancienne chapelle existait avant qu'il y eût un village sur ce point. Rien, dans cette révélation, ne contredit la vraisemblance et Keranna, probablement, tout comme Commana a dû proba blement son nom à la présence d'un temple voué à une ancienne divinité, peut-être l'Ana celtique. Sur ce fait, les deux abbés apportent, un peu malgré eux, un argument nouveau quand ils disent : « Si le village n'avait été créé qu'après le onzième siècle, on l'eût appelé, non pas Ker-Anna mais plutôt Ker-Santez Anna ou simplement Santez-Anna. C'est en effet au xve siècle que l'on commence à instaurer d'une façon juridique les procès de canonisation et à réserver au mot Saint une signification spé ciale. A l'origine, ce qualificatif n'était pas accolé au nom du personnage pour désigner les noms de lieux. On disait « Plo-Ermel, Castel-Pol ». « De la chapelle primitive — affirment Buléon et Le Garrec — il ne reste d'intact que la statue de sainte Anne enfouie sous les décombres ». Quelle était exactement l'apparence de cette statue? Il nous est difficile de le préciser. Car, suivant Dubuisson dans son Itinéraire : « tous ceux qui ont vu cette image auxquels j'ai parlé disent qu'elle estoit fort mutilée et gastée et toutefois reconnaissable. Elle avait trois pieds de haut et elle estoit de bois très dur ». Il n'est pas stipulé, comme pour la statue de Commana, qu'elle fût de couleur noire; mais le fait qu'elle était de bois semble la rapprocher des autres Vierges noires. C'était, dit en 1691 le Père de la Compagnie de Jésus qui publia à Vannes la Gloire de sainte Anne d'Auray « une pièce de bois si défigurée par la pourriture qu'ils (les excavateurs) ne purent juger sur l'heure ce que c'était et, ainsi, l'ayant appuyée contre le prochain fossé, ils l'y laissèrent cette nuit... Sitôt qu'il fit jour, retournant la voir avec d'autres, ils n'y aperçurent que quelques ombres de
  • 9. LE CULTE BRETON DE SAINTE-ANNE 67 couleurs et quelques traits grossiers pour marque de ce qu'elle avait été assez formé toutefois pour juger que c'était une an cienne statue de sainte Anne. A raison de quoi, les pères capucins la firent, quelque temps après, retailler et peindre. Mais cela ne fut fait que grossièrement ; le père Hugues de Saint-François, premier prieur des Carmes en ce lieu, la fit tailler derechef, si bien que, de trois pieds de hauteur à l'origine, elle se trouva réduite à deux ». « Même si la statue n'avait pas été anéantie en 1790, nous ne saurions donc nullement — dit Saillens — quel pouvait être l'aspect de la « pièce de bois » exhumée en 1625. Pourquoi fallait- il que ce fût une sainte Anne? Pour trois raisons puissantes mais dont aucune n'était fournie par l'image elle-même puisqu'il fallut la retailler deux fois avant qu'elle répondit à sa destina tion. Une de ces raisons était que le village de Nicolazic semblait voué à sainte Anne. Une autre fut la rivalité régionale : Nicolazic eut sa première vision un an après la découverte de la statue de Gommana. Pour la raison enfin que le nom de sainte Anne éveil lait chez les Bretons des souvenirs bien plus anciens et, par consé quent, plus puissants que celui de Marie ». Dans les récits concer nant Nicolazic, on ne peut manquer d'ailleurs d'être frappé par cette circonstance que le clergé séculier accueillit d'abord avec assez de mauvaise humeur la découverte de la statue et ne se résigna à honorer la relique que sous l'impulsion de la population laïque laquelle avait subconsciemment reconnu en la statuette exhumée l'image d'une divinité depuis longtemps vénérée dans le pays. J'avoue ne pas être assez profondément documenté sur l'histoire du culte de sainte Anne en Bretagne pour pouvoir présentement pousser plus loin cette étude, mais la confrontation entre les recherches de Saillens et celles effectuées par Buléon et Le Garrec me semblent en elles-mêmes assez suggestives pour que des érudits de notre province mènent plus avant ces investiga tions d'en tirer des déductions plus précises. Je n'ai voulu afin indiquer qu'une piste prometteuse et qui, sans doute, aboutira à d'assez curieux résultats. Charles Chassé.