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Groupe EAC
Groupe des Ecoles d’Arts et de Culture
Etablissement d’enseignement supérieur
Les ventes aux enchères d’art sur
internet :
un marché, des stratégies
Mémoire présenté et soutenu publiquement par
Brice DETUNE
Directrice de Recherche 2014 - 2015
Mme Caroline Schirman MBA Marché de l’Art
Jury de soutenance du mémoire de :
Brice DETUNE
Promotion 2014 – 2015
« Les ventes aux enchères d’art sur internet »
Président du Jury : Mme Claude Vivier Le Got
Présidente Directrice Générale du Groupe EAC
Directrice de Recherche : Mme Caroline Schirman
Professeur de droit au groupe EAC
Juriste spécialisée en droit de la culture
Membre du Jury : M. Michaël Gardie
Responsable relation presse, agence Véronique
Lopez
« L’EAC n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les mémoires de fin d’études. Elles sont propres à leurs auteurs. »
Remerciements :
Je tiens à remercier Mme Caroline Schirman pour m’avoir indiqué la voie à
suivre au cours de la rédaction de ce mémoire. Je souhaiterais aussi remercier
M. Pierre Naquin pour avoir répondu patiemment à mes questions au sujet du
marché de l’art en ligne. Enfin je remercie l’EAC de m’avoir donné l’opportunité
de présenter ce mémoire.
« Le marché de l’art a faim »
Thierry Ehrmann, président fondateur d’Artprice,
Communiqué de presse d’Artprice, Artprice : perspectives 2015, 21/12/14
Avant-propos
Le présent mémoire a pour vocation l’analyse des différentes stratégies des
sites internet organisant des ventes aux enchères en ligne. Ce phénomène
relativement récent m’a particulièrement intéressé car il est symptomatique d’un
changement sociologique du marché de l’art. Auparavant, les différents acteurs
de ce marché avaient plutôt tendance à rester discrets. Les clients, eux, allaient
le plus souvent chez leurs marchands habituels ou leurs maisons de vente
favorites et regardaient ce que ceux-ci avaient à leur proposer. Le monde
d’internet est très différent et même à l’opposé de cette logique. Face à la
multiplicité des possibilités, les clients se sentent bien souvent perdus, et toutes
les plateformes se font une concurrence très importante pour fidéliser le client.
De plus, les acheteurs sont à présent capables de faire confiance à une simple
photographie avant d’investir des sommes importantes !
Ainsi ce phénomène n’est pas un simple élargissement de la manière de
vendre de l’art. Il s’agit réellement d’une transformation qui est en train
d’impacter tout le marché de l’art.
Dans ce cadre je me suis demandé comment les maisons de vente,
virtuelles ou physiques, faisaient des affaires sur le web. Comment arriver à
convaincre le client d’acheter sur internet et comment se démarquer ?
Peu de littérature analytique existe sur le sujet et mes recherches ont été
difficiles à mener face à l’habituelle discrétion du monde de l’art. Toutefois,
beaucoup d’informations peuvent être trouvées dans la presse. En effet, le
phénomène étant relativement récent et se développant, il suscite beaucoup
d’intérêt de la part des différents journalistes qui essayent de comprendre
comment ce monde marche. La presse spécialisée du marché de l’art a donc
été une grande source d’information pour moi. Mon travail a consisté en la
compilation et l’analyse qui pouvait être faite de ces données. Partant de faits
concrets, j’explique les spécificités du marché de l’art virtuel puis je détaille les
stratégies des acteurs les plus importants afin de les évaluer et de les
comprendre.
Plan synthétique
Introduction ................................................................................. 8
I. Les spécificités du marché des ventes aux enchères sur
internet.................................................................................... 16
A. Cadre juridique ..................................................................................16
B. La clientèle des ventes aux enchères numériques............................28
C. Les objets vendus..............................................................................34
D. Le capital confiance...........................................................................43
E. Les écueils les plus courants.............................................................51
Conclusion ..................................................................................................57
II. Les différents modèles et stratégies .................................... 58
A. Les « brick and clicks » .....................................................................58
B. Les maisons de vente aux enchères virtuelles ..................................74
C. Les agrégateurs d’enchères ..............................................................87
D. Les intermédiaires ...........................................................................102
E. La stratégie idéale ...........................................................................106
Conclusion ................................................................................................113
Conclusion Générale............................................................... 114
Synthèse .................................................................................. 117
Index analytique ...................................................................... 124
Index des noms propres ......................................................... 126
Bibliographie............................................................................ 129
Annexes ................................................................................... 137
Table des matières en fin de mémoire
Page | 8
Introduction
Les ventes aux enchères d’art sur internet étaient sans aucun doute l’un
des sujets qui faisaient le plus sourire il y a encore une dizaine d’années. En
effet la première pensée qui venait alors à l’esprit était la tentative de Sotheby’s
de se lancer sur ce marché dès le début des années 2000, convaincue qu’il
serait porteur à l’avenir. Dans le cadre des premiers pas de Sotheby’s sur la
toile, la maison de vente avait signé un partenariat avec le nouveau géant des
enchères sur internet de l’époque – géant qui s’est depuis affirmé comme
absolument incontournable – eBay 1 . Malheureusement ce partenariat ne
fonctionna que fort peu puisqu’il ne dura qu’un an et amena peu de bénéfices
pour Sotheby’s, si ce n’est même une perte d’argent2. Cependant, à ce moment,
internet commençait à peine à être populaire. Il n’occupait pas encore dans
notre vie la place qu’on lui accorde maintenant. L’ADSL était à peine naissant et
Free, par exemple, qui est devenu par la suite le plus grand fournisseur
d’internet illimité en France pendant de nombreuses années, venait à peine
d’être créé3. En un mot, internet ne faisait pas encore partie des mœurs. Peut-
être ce partenariat était-il donc prématuré ?4,5,6,7 En tout cas tout porte à le
croire et notamment les résultats des ventes aux enchères sur internet les plus
récents. En effet, selon le rapport Hiscox et ArtTactic 2015, le marché de l’art
en ligne était évalué à 2,64 milliards USD en 2014 marquant une progression
de 68% par rapport à l’année précédente8,9. Sotheby’s le pense aussi puisque
1 Longo, Chiara, « Sotheby’s et eBay à la conquête de nouveaux marchés »,
LeJournaldesArts.fr, 16/07/14,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/122021/sotheby-s-et-ebay-a-la-
conquete-de-nouveaux-marches.php (consulté le 02 février 2015)
2 Vogel, Carol et Isaac, Mike, « A Wharol with your Moose Head? Sotheby’s teams with eBay »,
NYTimes.com, 14/07/14, http://www.nytimes.com/2014/07/14/arts/design/with-ebay-
partnership-sothebys-extends-potential-reach-by-145-million.html?_r=2 (consulté le 26
novembre 2014)
3 Le 18 février 1999
4 Holpuch, Amanda, « Sotheby’s and Ebay team up to stream high-end auctions online »,
theguardian.com, 14/07/2014, http://www.theguardian.com/technology/2014/jul/14/sothebys-
ebay-auctions-online (consulté le 7 février 2015)
5 Géniès, Bernard, « Acheter en ligne – croissance 2.0 », Challenges n°421, 19/02/15
6 Eggs, Nathalie, « eBay lance sa plateforme d’enchères en ligne d’œuvres d’art »,
LeJournaldesArts.fr, 09/10/14,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/123114/ebay-lance-sa-plateforme-d-
encheres-en-ligne-d-oeuvres-d-art.php (consulté le 03 mars 2015)
7 Thery, Eléonore, « Le bel avenir des ventes en ligne », Le Journal des Arts, n° 428, 30/01/15
8 Pour laquelle le marché de l’art en ligne était estimé à 1,57 milliards USD.
Page | 9
la maison de vente vient d’annoncer un nouveau partenariat avec eBay, le 14
juillet 201410,11,12. D’après les estimations, que ce soit de la TEFAF13, d’Hiscox14
ou de Skate15, le marché des ventes aux enchères sur internet devrait être de
plus en plus florissant dans les décennies à venir16.
Bien évidemment l’entrée d’internet dans les mœurs et l’arrivée des « digital
natives » sur le marché de l’art contribuent à son essor. Le rapport Hiscox et
ArtTactic 2014 suggère ainsi que 22% des 20-30 ans, les premiers « digital
natives », qui ont acheté une œuvre en ligne faisaient leur première acquisition
d’œuvres d’art par internet et non dans un lieu physique17, et il semblerait que
ce chiffre augmente. Cependant d’autres facteurs doivent être pris en compte.
Aussi, l’ouverture de la Chine, pays dont les habitants sont extrêmement férus
de nouvelles technologies et dont le marché de l’art est en constante
progression, au point de devenir le premier au monde, a fortement participé à
ces résultats. Il serait donc trop simpliste de penser que la progression du
marché de l’art en ligne est uniquement due à la popularité croissante d’internet
dans cette dernière décennie.
En matière d’art en ligne il existe de nombreux formats, allant de la vente
directe via le site internet d’une galerie qui propose les œuvres des artistes
qu’elle défend en e-commerce, aux ventes aux enchères prenant place sur
internet. C’est à cette dernière catégorie que nous nous intéresserons au cours
de ce mémoire. Cependant, au sein même des ventes aux enchères sur
9 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, 21/04/2015, accessible à
http://www.hiscox.fr/courtage/Portals/7/Resources/docs/artetclienteleprivee/14215%20-
%20Group%20-%20Hiscox%20online%20art%20trade%20report%20FR%20DIGITAL.pdf
10 Holpuch, Amanda, op. cit.
11 Vogel, Carol, « Gone in an Instant Auction: Christie’s ramps up Online-Only Sales »,
nytimes.com, 23/10/2014, http://www.nytimes.com/2014/10/26/arts/artsspecial/christies-
ramps-up-online-only-sales.html (consulté le 11 janvier 2015)
12 Vogel, Carol et Isaac, Mike, op. cit.
13 Rapport TEFAF sur le marché de l’art 2015, 12/03/14
14 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
15 Rapport Skate Printemps 2015, Skate’s art e-commerce and media report Spring 2015,
accessible à http://www.skatepress.com/wp-content/uploads/2015/03/Skates_Art_E-
Commerce_and_Media_Report_Spring_2015.pdf
16 Hiscox estime qu’il atteindra environ 6,3 milliards USD en 2019.
17 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2014, 30/04/2014, accessible à
http://www.hiscox.fr/courtage/Portals/7/Resources/docs/artetclienteleprivee/20140425%20-
%20Le%20rapport%20Hiscox%20du%20marche%20de%20l'art%20en%20ligne%202014.p
df
Page | 10
internet, quelques distinctions doivent être effectuées. Tout d’abord il faut
différencier :
- Les enchères Live au cours desquelles les enchères se déroulent
simultanément dans une maison de vente aux enchères physique et sur
internet. Dans ce contexte les internautes sont en compétition contre les
personnes qui sont en salle. En somme, il s’agit d’assister à une vente
sans avoir à se déplacer en salle de vente, ce qui peut être commode
notamment pour les personnes vivant à l’étranger. En effet, on a
quelques difficultés à imaginer des investisseurs asiatiques devoir se
déplacer systématiquement à New York pour suivre toutes les ventes
qui les intéressent par exemple. Cela permet aussi, potentiellement,
d’avoir un nombre de personnes supérieur à celui que la salle peut
accueillir. Ainsi le public touché est beaucoup plus large que lors
d’enchères physiques traditionnelles et surtout beaucoup plus
international. Cette internationalisation résout du même coup un
problème souvent épineux des maisons de vente qui est la question
d’où une œuvre se vendra le plus cher18, les enchères Live permettant
de couvrir plusieurs marchés simultanément. Toutefois si elles sont
populaires auprès des plus grosses maisons de vente du monde, de
Sotheby’s à Drouot en passant par Phillips, les plus grosses ventes,
telles que les ventes d’Automne, ne sont en général pas accessibles par
ce biais.
- Les enchères uniquement sur internet. Dans ce cas les internautes ne
sont en compétition qu’entre eux. Les avantages sont, bien évidemment,
de pouvoir toucher un large public très international, comme dans le cas
précédent, mais aussi de pouvoir présenter des milliers de lots par
heure puisque sur ce type de plateformes, en général, plusieurs ventes
ont lieu simultanément (bien que ce ne soit pas toujours le cas). De plus,
un très grand entrepôt suffit pour pouvoir stocker tous les lots vendus et
en attente. Ou plusieurs entrepôts si les lots ne sont pas dans le même
18 En effet suivant le type de bien et le marché, les œuvres sont souvent déplacées au sein des
grosses maisons de vente multinationales afin d’obtenir le prix le plus élevé possible pour un
lot.
Page | 11
pays. Enfin, pour qui débute sur le marché, les ventes uniquement en
ligne demandent une infrastructure moindre.
Cependant, cette première classification ne suffit pas. Toutes ces enchères,
Live ou sur internet uniquement, ne sont pas organisées de la même manière.
Aussi il existe trois formats principaux de ventes aux enchères sur internet :
- Le premier et le plus populaire est les enchères retransmises en vidéo. Il
s’agit donc d’un système qui requiert la présence de l’internaute à un
moment précis, impliquant qu’il soit « event-based ». Les enchères avec
vidéo les plus courantes sont le suivi d’enchères via le système Live, tel
que sur Christie’s Live par exemple19. Dans ce cas de figure une vidéo
permet de suivre la vente qui se déroule dans la salle comme si l’on s’y
trouvait et d’enchérir par le biais de son ordinateur. Toutefois certaines
enchères retransmises en vidéo se déroulent uniquement sur internet,
comme dans le cas d’Auctionata qui filme un expert présentant le lot et
l’adjugeant à des sessions auxquelles seuls les internautes participent.
En effet ces enchères sont filmées dans un studio de télévision ! Par la
suite je nommerai ces enchères avec vidéo, les « enchères
en streaming ».
- Le deuxième type d’enchères important est très similaire au précédent.
Il s’agit d’enchères sur internet qui ont des temps limités très courts,
comme lors d’une vente aux enchères classique. C’est-à-dire que les
lots sont présentés les uns après les autres aux personnes assistant à
la vente qui placent leurs enchères. Nous sommes donc, encore une
fois, dans un cas d’enchères « event-based ». La différence importante
avec le modèle précédent est l’absence de vidéo. L’acheteur n’a accès
qu’à un catalogue numérique qui comprend des photos et des
descriptions des lots. Ainsi, du point de vue de l’acheteur, il n’y a pas de
matérialité des lots et il doit faire confiance aux descriptions, aux photos
et éventuellement aux certificats d’authenticité20. Il est à noter que ce
type de ventes peut aussi bien être utilisé pour les enchères Live que
19 Site de Christie’s, https://www.christies.com/ (consulté de novembre 2014 à mai 2015) : voir
http://www.christies.com/Livebidding/index.aspx
20 Ceux-ci deviennent d’ailleurs extrêmement courants comme nous le verrons au cours de ce
mémoire dans la partie I.D.
Page | 12
pour les enchères uniquement sur internet ! Par la suite je nommerai ce
type les « enchères au marteau numérique ».
- Le dernier type, enfin, est constitué par les enchères purement en ligne
qui se déroulent sur un temps long, calquées sur le modèle d’eBay. Là
encore de nombreuses maisons de ventes aux enchères possèdent
leurs propres plateformes de ce qu’elles nomment les « online only
auctions ». Comme dans le cas précédent les objets ne sont jamais
présentés physiquement et l’acheteur doit faire confiance aux photos,
descriptions et certificats d’authenticité éventuels accompagnant les
objets. Cependant ici les enchères sur les objets peuvent durer une ou
deux semaines et non quelques minutes. Dans ce cas, l’enchérisseur
n’est donc pas obligé de se trouver derrière son ordinateur à un moment
précis. Chaque vente ferme à une heure précise, annoncée à l’avance
par le site internet, et le dernier enchérisseur remporte la vente. Et c’est
paradoxalement la faiblesse de ce système : contrairement à des ventes
aux enchères traditionnelles où à chaque fois qu’une personne enchérit
on redémarre un décompte dans l’attente potentielle d’autres intéressés,
ici le dernier à parler remporte l’enchère. Dans la réalité, cela oblige
donc les intéressés à rester derrière leur ordinateur au moment de la
clôture de l’enchère afin d’être sûr d’être le dernier, sauf dans les cas où
le système accepte des plafonds d’enchères. Grâce à ce dernier
système les enchères sont placées automatiquement jusqu’à hauteur du
plafond définit par l’enchérisseur pour un lot donné. Il est important de
remarquer par ailleurs qu’en matière d’ordinateur être le dernier à parler
peut s’avérer relativement ardu puisqu’il faut notamment tenir compte
des délais de latence d’internet. Bien souvent les enchérisseurs oublient
qu’internet est à présent rapide mais non instantané21. D’un autre côté,
ce système d’enchères permet aux sites qui organisent ce type de
ventes d’espérer faire monter les prix en attirant un maximum de
personnes. En effet, il suffit qu’une personne passe par hasard sur le
site et voit une vente qui l’intéresse pour qu’elle souhaite enchérir, le
temps long permettant de maximiser les chances de telles visites.
21 Nous reviendrons sur cette idée dans la partie I.E
Page | 13
Cependant ce cas de figures concernent plus les collectionneurs et
particuliers que les professionnels. Par la suite je nommerai ces ventes
les « enchères à la chandelle numérique» étant donné les similarités
entre ces types22.
S’intéresser aux ventes aux enchères sur internet est un vaste sujet qui
pose de nombreuses questions éthiques, sociologiques… Bien entendu elles
ne sont pas toutes traitables en un mémoire et demanderaient l’écriture de
livres entiers. Aussi je me concentrerai ici majoritairement sur la manière de
vendre des objets sur internet en utilisant le système des enchères. Ma
problématique dans le présent mémoire sera donc la suivante : quelles sont les
stratégies développées par les différents acteurs du marché des ventes aux
enchères d’art sur internet afin de répondre à ses spécificités ?
Pour répondre à cette question, je commencerai dans un premier temps par
effectuer une analyse générale du marché des ventes aux enchères en ligne tel
qu’il se comporte actuellement. En effet, il est très important de comprendre les
spécificités de ce marché si particulier et relativement nouveau afin d’analyser
la pertinence des stratégies mises en place par ses acteurs. Pour cela je
m’intéresserai à cinq points principaux :
- Le cadre juridique de ces enchères. Il n’est pas toujours évident de
déterminer sous quelle juridiction sont réalisées les ventes aux enchères
en ligne et celle-ci varie suivant les modèles adoptés. Comprendre de
quelles lois relèvent les différentes entreprises est primordial quant à
leurs stratégies d’établissement. De plus, je comparerai le droit français
avec le droit américain en matière de ventes d’œuvres d’art, ce qui
permettra peut-être d’éclairer le plus grand développement des maisons
de vente aux enchères d’art sur internet aux Etats-Unis
comparativement à l’Hexagone.
22 Dans les enchères à la chandelle traditionnelles les enchères cessent lorsque la chandelle
est éteinte et c’est le dernier enchérisseur qui remporte le lot. Nous sommes ici dans un cas
tout à fait similaire avec une chandelle particulièrement longue et dont l’on connait très
précisément le moment de l’extinction.
Page | 14
- Le type de clients qui participent aux ventes virtuelles. Dans cette partie
je m’intéresserai plutôt aux profils, comportements et buts de ces clients.
Connaitre les clients participant aux enchères permet notamment
d’apprécier la nature du phénomène et d’apprécier les différentes
stratégies mises en place.
- Le type de biens vendus, aussi bien d’un point de vue de leur nature
que de leur valeur. La nature même des lots adjugés pourrait être assez
révélatrice et il serait envisageable que l’art sur nouveaux médias, tel
que l’art vidéo, soit plus facile à vendre auprès d’une communauté
internet plutôt qu’en salle par exemple. Leur valeur quant à elle permet
de prendre en compte la prise de risque jugée acceptable par les
acheteurs ainsi que la confiance qu’ils placent en internet.
- Le capital confiance. Comment un site internet de vente aux enchères
en ligne arrive à convaincre des clients de dépenser plusieurs dizaines
de milliers, voire plusieurs centaines de milliers d’euros en ligne ? Cela
reste bien entendu une question récurrente qui ne peut être balayée
seulement sous prétexte de l’arrivée des « digital natives »
- Les écueils les plus courants auxquels sont confrontés les clients. Les
comprendre permet de mesurer l’impact des mesures mises en place
par les différents acteurs du marché afin d’y circonvenir. Ils permettent
aussi de comprendre les freins qui existent encore aux ventes aux
enchères sur internet et à l’augmentation de leur popularité.
Dans la deuxième partie, je présenterai les trois modèles d’entreprises
organisant des enchères les plus courants : les brick and clicks, les maisons de
vente aux enchères virtuelles et les agrégateurs d’enchères. Pour les détailler
je m’intéresserai dans chaque cas à quelques acteurs représentatifs de ces
catégories, dont les leaders bien évidemment, et je tenterai d’analyser leur
stratégie et d’évaluer leur efficacité. Comme nous le constaterons, lesdites
stratégies sont extrêmement différentes suivant les entreprises et notamment
suivant le type de ventes qu’elles organisent. Le potentiel de ce marché quant à
lui se développe en partie en corrélation avec ces stratégies car certains sites
ont à présent une telle influence qu’ils façonnent en partie l’avenir du marché et
Page | 15
définissent certains standards auxquels les potentiels concurrents ou
successeurs ne pourront plus déroger. Cependant d’autres pistes que les
modèles les plus courants se doivent d’être envisagées et il n’est pas sûr que
les sites internet actuels qui organisent ces ventes soient proches d’un modèle
de fonctionnement idéal. Aussi je m’intéresserai à la possible façon d’optimiser
les stratégies existant actuellement.
Page | 16
I. Les spécificités du marché des ventes aux
enchères sur internet
Afin d’apprécier le phénomène des enchères sur internet, il est important de
comprendre qui achète, quoi et comment. Cela impacte bien entendu très
fortement les stratégies mises en place par les différents acteurs du marché.
Mais avant tout il est important de se demander dans quel cadre juridique se
déroulent ces ventes, internet rendant l’application du droit souvent complexe
par sa nature mondiale et immatérielle.
A. Cadre juridique
Comprendre le cadre juridique dans lequel se déroule une enchère est
absolument primordial, les différentes législations existant dans le monde
étant extrêmement variées et n’ayant pas les mêmes conditions de
réglementation. Aussi, à la naissance de toute maison de vente virtuelle il
est important de se poser la question : du droit de quel pays mes ventes
vont-elles relever ? Je commencerai par exposer le droit qui concerne les
ventes aux enchères sur internet suivant leur modèle. Puis, à titre
d’exemple, je m’intéresserai aux différences entre la France23 et les Etats-
Unis afin de tenter d’expliquer la recrudescence de sites de vente aux
enchères en ligne en Amérique du Nord et leur absence en France.
1. Les enchères Live
Ce type d’enchère est sans aucun doute le plus facile à aborder
d’un point de vue juridique. En effet, dans ce cadre tout se passe
comme si la personne assistait à la vente aux enchères, aussi il n’y a
absolument aucune différence vis-à-vis des obligations légales
habituelles qui encadrent les ventes aux enchères. Concrètement, si
une personne enchérit de cette manière à une vente qui a lieu à
23 Toutes les données citées dans ce chapitre concernant le cadre juridique en France peuvent
être trouvées dans l’ouvrage Droit du marché de l’art, cinquième édition, Paris, Dalloz, 2013
Page | 17
Christie’s New York, elle devra se soumettre à la législation de l’Etat de
New York. Si en revanche elle enchérit sur une œuvre vendue à
Londres ce sera alors à la législation qui régit le marché de l’art en
Angleterre que la vente sera soumise. Finalement le seul vrai problème
que peut poser ce type d’enchères d’un point de vue légal est le suivi
des acheteurs et notamment les vérifications d’identité ainsi que
l’origine des fonds utilisés pour payer. On se retrouve ainsi en présence
de problématiques similaires à celles des ventes aux enchères
traditionnelles si ce n’est que les technologies permettant d’y
circonvenir ne sont pas encore tout à fait au point. Il est vrai qu’il reste
très facile d’usurper une identité sur internet24. Certaines maisons ont
décidé pour cela de forcer l’inscription au moins 24h avant une vente ;
Sotheby’s, par exemple, oblige toute personne n’ayant jamais enchéri
via sa plateforme à s’inscrire au moins avant de participer à une vente
aux enchères afin de vérifier l’identité de l’acheteur et sa solvabilité.
D’autres ont décidé de mettre en place des procédures d’inscriptions
compliquées afin de décourager la majorité des personnes qui
pourraient avoir de mauvaises intentions.
En somme ces ventes sont une extension des ventes habituelles et
ne comportent que peu de différences, ce qui explique probablement
leur succès.
2. Les enchères uniquement sur internet
Les choses se corsent quelque peu lorsqu’il s’agit de ventes aux
enchères qui n’ont aucune matérialité, les obligations n’étant
absolument pas les mêmes25. D’un point de vue de la taxation et de la
réglementation, elles sont régies par le pays dans lequel le site internet
est hébergé. Du moins en théorie car certaines jurisprudences
24 Goulan, Valérie, « Les conséquences d’une usurpation d’identité », Lefigaro.fr, mis à jour le
22/04/2014, http://www.lefigaro.fr/assurance/2014/04/04/05005-20140404ARTFIG00219-les-
consequences-d-une-usurpation-d-identite.php (consulté le 18 février 2015)
25 Anne-Hélène Decaux, Directrice du Marketing et de la Communication à ArtViatic
(commentaire lors d’un échange, le 13/05/15)
Page | 18
françaises contredisent ce point26. En effet, il a parfois été considéré
que si les objets se trouvaient en France et que la publicité de la vente
était faite dans des catalogues français, par exemple, la vente serait
soumise au droit français peu importe l’emplacement du site internet27.
En réalité, d’un point de vue contractuel, le droit auquel le site sera
soumis sera celui que le site lui-même aura défini28. En effet, internet
n’ayant aucune matérialité, les sites peuvent en théorie choisir de quel
droit dépendre pour peu qu’il ne soit pas prouvé qu’ils tentent de
frauder par ce biais29. Dans la réalité, la majorité des sites définissent
leur siège social comme lieu du contrat, impliquant donc que ce dernier
doit répondre aux lois contractuelles de l’emplacement du siège social.
En général, la législation à laquelle est soumise la vente est précisée
dans les conditions lors de l’inscription sur le site internet, ce qui permet
à ce dernier de se défausser, quand bien même la personne ne les
aurait pas lues. Ainsi tout est possible, ce qui permet de vendre à
l’international en profitant de très faibles taxes, le but étant bien
entendu de se positionner dans un pays qui ait une fiscalité
intéressante mais aussi une devise intéressante. Il est en effet courant
de pouvoir payer soit en US Dollars (USD) soit en Euros (€) et il faut
par la suite tenir compte du taux de conversion que l’entreprise pourrait
avoir à appliquer pour rapatrier l’argent, à moins de montages
financiers plus complexes bien évidemment.
Un dernier point important en matière juridique lorsque l’on aborde
les enchères uniquement sur internet est la non-obligation de
publication des résultats de vente, qui rend le marché extrêmement
opaque.
26 Voir notamment l’affaire N@rt, TGI Paris, 3 mai 2000
27 Droit du marché de l’art, op. cit.
28 Ibidem
29 Le but est bien entendu d’éviter un site qui serait basé en France et qui définirait que ses
enchères dépendent d’un droit plus avantageux afin de ne pas payer de taxes ou de se
soustraire aux obligations légales régissant les enchères en France.
Page | 19
3. Les agrégateurs d’enchères
Les agrégateurs d’enchères sont une catégorie spécifique de
modèle que nous verrons plus loin dans le chapitre II. Il suffit de dire ici
qu’ils se contentent de rendre des enchères numériques pour le compte
de maisons de vente physiques. Ils agissent donc sous mandat d’une
maison de vente physique. Aussi, le vendeur est légalement la maison
de vente qui commissionne l’agrégateur d’enchères et non le site
internet en lui-même, quand bien même les enchères organisées ne
seraient pas Live mais uniquement sur internet. Dans ce cadre, les
ventes réalisées sur de tels sites sont soumises aux lois dont dépend la
maison de vente aux enchères proposant le lot.
4. Comparaison entre le droit américain et le droit français
Dans le cadre des ventes Live, les différences sont les mêmes que
celles qui existent dans le cadre des ventes physiques. Aussi en France,
jusqu’en 2011, selon la loi du 10 juillet 200030 encadrant les ventes
volontaires, ces dernières devaient être menées par des sociétés de
forme commerciale qui employaient des personnes habilitées à mener
des enchères en France. De plus ces sociétés devaient avoir obtenu
l’agrément du Conseil des Ventes, lequel requérait par exemple une
preuve de la solvabilité de ladite entreprise commerciale. Il était donc
très complexe de débuter un commerce de vente aux enchères en ligne,
le Conseil des Ventes exerçant un monopole et étant souvent peu
enclin à attribuer de nouveaux agréments.
Cependant la loi 2011-850, du 20 juillet 201131, a profondément
modifié cet état de fait. Reconnu comme la loi de libéralisation des
enchères32,33,34, elle a défini des « opérateurs de ventes volontaires »
30 Voir Annexe A
31 Voir Annexe B
32 Fournol, Alexis « Vers une réforme de la réforme sur les ventes aux enchères »,
LeJournaldesArts.fr, 07/11/14,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/123771/vers-une-reforme-de-la-
reforme-sur-les-ventes-aux-encheres.php (consulté le 05/01/15)
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(les OVV) qui peuvent organiser des ventes aux enchères35. Dans le
cas de ventes publiques, une entreprise, qui n’a plus besoin d’être
commerciale soit dit en passant, n’a plus non plus qu’à posséder en
son sein au moins une personne ayant l’habilitation à diriger des
enchères publiques suivant la loi française. Pour obtenir cette
habilitation, trois possibilités : par une formation diplômante spécifique,
par l’expérience professionnelle acquise auprès d’un commissaire-
priseur ou d’une société de ventes volontaires, par une accréditation
pour exercer la profession dans un des pays membre de l’Union
Européenne. De plus, les opérateurs de ventes volontaires n’ont plus à
obtenir un agrément de la part du Conseil des Ventes et doivent
uniquement faire une déclaration auprès de ce dernier36. Cette loi a
donc fait disparaître le monopole du Conseil de Ventes qui n’a plus le
droit d’interdire à une personne d’exercer en ne lui fournissant pas un
agrément, tout en lui donnant cependant plus de pouvoir légal en lui
permettant d’introduire aisément des recours en justice37,38. Par ailleurs,
le courtage en ligne n’est que peu réglementé depuis cette loi. En effet,
le législateur a reconnu que les courtiers n’organisaient pas de ventes39
et se contentaient d’agir au nom d’un vendeur. Aussi pour être reconnu
comme tel il faut que le courtier ni ne garantisse à l’acheteur qu’un lot
lui sera adjugé car il a placé l’enchère la plus haute40 ni ne prenne en
charge l’expertise et la description de l’objet. De plus, pour être
reconnus comme tels, ces courtiers doivent clairement mentionner leur
statut afin qu’il n’y ait pas confusion auprès du client. Il est évident que
ce changement a permis l’établissement de nouveaux acteurs sur le
marché de l’art en France. Par ailleurs cette loi a obligé les sites
33 Malvoisin, Armelle, « ventes aux enchères : les surprises de la réforme », Le Journal des Arts,
n° 340, 04/02/2011
34 Malvoisin, Armelle, « Le marché des ventes aux enchères bousculé », Le Journal des Arts, n°
354, 07/10/2011
35 Castelain, Jean-Christophe, « Premier bilan de la loi de juillet 2011 », Le Journal des Arts, n°
396, 06/09/13
36 Malvoisin, Armelle, 07/10/2011, op. cit.
37 Castelain, Jean-Christophe, op. cit.
38 Malvoisin, Armelle, 07/10/2011, op. cit.
39 Communiqué du Journal des Arts, « eBay n’est pas une maison de ventes », Le Journal des
Arts, n° 373, 06/07/12
40 Ibidem
Page | 21
internet qui souhaiteraient organiser des enchères à posséder des tiers
de confiance, soit des opérateurs qui séquestrent les montants des
transactions41, tout en supprimant les tiers de confiance garantissant
les expertises42. Malgré tout, il est malheureusement très difficile de
trouver des tiers de confiance français, même pour séquestrer les
fonds43.
On peut mentionner le cas
d’Artprice afin d’illustrer ce
changement de législation. Thierry
Ehrmann, qui en est le président
fondateur, souhaitait de longue date
fonder un site de vente aux enchères
sur internet basé en France. Or la loi
du 10 juillet 2000 l’en empêchait
puisqu’il n’employait pas de personne
possédant l’habilité à exercer -
problème qui pouvait être aisément
résolu - mais surtout parce qu’il ne
possédait pas l’agrément du Conseil
des Ventes afin d’organiser des ventes
aux enchères. Bien entendu ce dernier n’entendait pas le lui donner.
Thierry Ehrmann, pour supprimer le problème, avait donc décidé
d’ouvrir un site internet aux Etats-Unis et avait créé à ces fins
l’entreprise Artmarket.com qui détient à 100% Artprice Inc. à présent.
Toutefois, suite à la loi du 20 juillet 2011, il décida de débuter les
enchères sur internet sous le nom Artprice en étant basé en France dès
201244. Le premier frein pour le site fut de trouver des tiers de confiance.
41 Bizien, Thomas, « Thierry Ehrmann livre un premier bilan de son site de ventes en ligne »,
LeJournaldesArts.fr, 09/03/12,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/98524/thierry-ehrmann-livre-un-
premier-bilan-de-son-site-de-ventes-en-ligne.php (consulté le 25 avril 2015)
42 Belot, Laure, « Acheter des œuvres d’art d’un simple clic », LeMonde.fr, 25/06/12,
http://www.lemonde.fr/vous/article/2012/06/25/acheter-des-uvres-d-art-d-un-simple-
clic_1723689_3238.html (consulté le 28 janvier 2015)
43 Ibidem
44 Bizien, Thomas, op. cit.
Figure 1 : Portrait de Thierry Ehrmann
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N’en ayant pas trouvé de français, Artprice en utilisa un étranger, ce qui
suscita la méfiance du Conseil des Ventes45. Ce dernier, bien qu’ayant
perdu son monopole en 2011, tenta de freiner ces ventes en infligeant
quantité de procès à Artprice en l’attaquant sur différents points46, si
bien qu’Artprice dut déclarer qu’il n’était non pas un site d’enchères en
ligne mais un site de courtage, ne garantissant pas l’adjudication au
plus offrant47. Ainsi si l’on regarde le site d’Artprice, on constate qu’il
s’agit d’un site de vente aux enchères d’œuvres d’art qui est très
similaire dans son fonctionnement à eBay48. En effet, Artprice ne peut
ni décrire les objets ni vérifier leur authenticité, ce qui implique qu’il n’y
a absolument aucune expertise de la part de l’entreprise. Artprice
envisage cependant en 2015 de faire rentrer Artprice Inc. dans une
bourse anglo-saxonne sous le nom Artmarket.com, possiblement le
Nasdaq, afin d’enfin réellement mener des enchères sur internet49 .
Ainsi comme le montre cet exemple, si cette loi de libéralisation a
bénéficié à de nombreuses maisons anglo-saxonnes par exemple, le
marché n’est toujours pas libéralisé50.
Mais pourquoi vouloir se constituer spécifiquement dans un pays
anglo-saxon ? Bien évidemment parce que ces pays sont plus libéraux
quant à l’organisation d’enchères. Dans le cas des Etats-Unis par
exemple, il n’existe pas de règle fédérale qui définirait le statut de
« Auctioneer »51 et les lois dépendent de chaque état. Toutefois, si l’on
observe le cas de New York, il n’existe aucune formation obligatoire
45 Ibidem
46 Communiqué de presse d’Artprice, Artprice : perspectives 2015, 21/12/14,
http://www.actusnews.com/communique.php?ID=ACTUS-0-38293 (consulté le 25 janvier
2015)
47 Communiqué du Journal des Arts, « Suspension de l’action en référé du CVV contre
Artprice », LeJournaldesArts.fr, 13/01/12,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/96412/suspension-de-l-action-en-
refere-du-cvv-contre-artprice.php (consulté le 25 avril 2015)
48 Voir le site d’Artprice, catégorie enchères, http://www.artprice.com/marketplace/auction-ads
(consulté le 02 février 2015)
49 Communiqué de presse d’Artprice, op. cit.
50 Castelain, Jean-Christophe, op. cit.
51 Statut qui est le plus proche de celui des commissaires-priseurs en France
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afin d’organiser des ventes aux enchères52. Il suffit de payer à l’état des
frais de licence, laquelle sert d’autorisation d’exercer, qui s’élèvent à
200 USD par an. Dans le cas d’une maison de vente aux enchères
physique qui organise aussi des ventes sur internet, l’emplacement
peut difficilement être modifié. Ainsi pour Heritage Auctions, qui est
situé à Dallas, le site internet HA.com qui organise les ventes aux
enchères pour son compte est soumis aux lois du Texas. Ces dernières
obligent, elles, à suivre une formation spécifique et à avoir un agrément
afin d’exercer la profession et de ce fait le site internet doit posséder au
moins un membre dans sa structure en capacité d’exercer. Ce n’est fort
heureusement pas tâche ardue dans le cas de ce site internet puisqu’il
est adossé à une maison de vente physique. En revanche dans le cas
d’une maison de vente aux enchères purement virtuelle, cette dernière
peut choisir où s’implanter. Paddle8, par exemple, a choisi d’établir son
siège social à New York et définit clairement que les contrats établis le
sont sous la juridiction de cet état53. Aussi il lui suffit de payer une
licence d’exercice auprès de l’état, comme susmentionné, afin de
pouvoir réaliser des ventes aux enchères en ligne. On peut comprendre
donc le plus grand attrait d’un pays comme les Etats-Unis face à la
France pour une entreprise qui souhaiterait organiser des ventes
uniquement en ligne, sans attache physique.
La question de la libéralisation des ventes aux enchères n’est
cependant pas la seule qui rebute certains acteurs. Ainsi, le droit de
suite, généralisé à l’Europe par la directive européenne du 27
septembre 200154,55 et qui existe depuis 1920 en France (au taux de 3%
52 Pour la réglementation voir le site de l’état de New York, particulièrement
http://www.nyc.gov/html/dca/html/licenses/036-071.shtml et
http://www.nyc.gov/html/dca/downloads/pdf/auctioneer_law_rules.pdf (consulté le 20 janvier
2015)
53 Voir Annexe F
54 Voir Annexe C
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depuis la loi du 11 mars 1957 jusqu’en 2007), peut aussi être considéré
comme une mesure économiquement répulsive. Toutes les ventes aux
enchères se déroulant en France y sont soumises.
Pour simplifier, je présenterai la situation depuis la loi du 1er août
200656 qui correspond à la mise en accord de la France avec la
directive européenne de 2001 mentionné plus haut.
Dans le cadre du droit de suite, dans certains cas, un pourcentage
du produit d’une vente doit être reversé à l’artiste ayant produit l’œuvre
qui est l’objet de ladite vente, ou bien à sa famille s’il est décédé. Le
droit de suite est intégré au droit d’auteur et est donc valable 70 ans
après la mort de l’artiste pour toutes les œuvres originales non
reproductibles. Il est non transférable, contrairement à la propriété
intellectuelle. De plus, le droit de suite s’applique aux artistes français, à
ceux de la communauté européenne, à ceux ressortissant d’un pays qui
applique le droit de suite et aux artistes qui ont établi leur résidence en
France pendant plus de cinq ans, ont participé à la vie artistique
française et en ont fait la demande auprès du ministère de la culture.
Cette mesure n’est ainsi pas cantonnée aux artistes de nationalité
française. Enfin, pour s’appliquer selon les termes français, il faut que la
vente ait lieu en France avec un prélèvement de TVA française.
Le droit de suite ne s’applique pas sur le premier marché mais sur
le second marché. De plus il ne s’applique pas si le vendeur a acquis
l’œuvre directement de l’auteur moins de trois ans avant cette vente et
que le prix de vente ne dépasse pas 10 000 euros.
Concrètement, en France, selon le décret du 9 mai 200757 qui
précise les conditions d’application de la loi du 1er août 2006, les
tranches prélevées sont distribuées comme suit :
- 4% de 0 à 50 000 €
55 Eggs, Nathalie, « Le droit de suite fait débat au Royaume-Uni », LeJournaldesArts.fr,
11/09/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/122414/le-droit-de-suite-
fait-debat-au-royaume-uni.php (consulté le 04 janvier 2015)
56 Voir Annexe D
57 Voir Annexe E
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- 3% de 50 000,01 à 200 000 €
- 1% de 200 000,01 à 350 000 €
- 0,5% de 350 000,01 à 500 000 €
- 0, 25% au-delà de 500 000€
Par ailleurs, le droit de suite est plafonné à un montant maximal de
12 500 € et est payable par le vendeur, sans pouvoir être taxé par
contrat à l’acquéreur.
Prenons un exemple afin d’expliciter sont utilisation : dans le cas où
une œuvre serait vendue aux enchères pour 40 000 €, 1 600 € - soit 4%
du montant puisque l’on est dans la première tranche - seraient
reversés à l’artiste ou à sa famille (pour peu que l’on soit dans les
conditions citées plus haut, soit en l’occurrence que l’artiste soit vivant
ou décédé depuis moins de 70 ans). On comprend donc pourquoi
nombre d’acteurs du marché de l’art rechignent à débuter en France.
Qui plus est, comme nous le verrons par la suite, une grande quantité
d’objets vendus aux enchères sur internet ont une valeur comprise
entre 5 000 et 100 000 USD, soit entre 4 500 € et 92 000 €, et
rentreraient donc dans les tranches les plus taxées du droit de suite.
Il est à noter, comme l’implique la présence d’une directive
européenne, que tous les pays européens doivent à présent l’appliquer.
Ceci pose notamment de nombreux problèmes au Royaume-Uni où l’on
souhaiterait purement et simplement le supprimer58,59.
Aux Etats-Unis ce droit de suite n’existe pas, sauf en Californie,
rendant bien entendu le pays plus attirant pour qui souhaiterait débuter
des ventes aux enchères en ligne, particulièrement sur des tranches de
prix inférieures.
58 Eggs, Nathalie, 11/09/14, op cit
59 Le Bec, Marion, « Une nouvelle consultation sur le droit de suite lancée en Grande-Bretagne
sur internet », LeJournaldesArts.fr, 18/04/14,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/120441/une-nouvelle-consultation-
sur-le-droit-de-suite-lancee-en-grande-bretagne-sur-internet.php (consulté le 2 mai 2015)
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La France essaye toutefois de faire évoluer son système et il est à
noter le projet de loi Macron. Ce dernier vise à supprimer le statut de
commissaire-priseur et à créer des commissaires de justice60,61. Pour
faire simple, cela permettrait aux huissiers de justice et mandataires
judiciaires de pouvoir réaliser des ventes publiques en les intégrant à
ce nouveau statut dans lequel seraient aussi présents les actuels
commissaires-priseurs. Bien entendu de nombreux commissaires-
priseurs clament que cela serait problématique car les huissiers de
justice, par exemple, n’ont aucune formation en art et ne pourraient pas
ainsi décemment réaliser une expertise d’œuvre d’art 62 . Force est
d’avouer tout de même que cela aurait aussi pour effet de libéraliser le
marché et que plus de sites de ventes aux enchères en ligne pourraient
sûrement s’épanouir, pouvant recruter potentiellement un plus grand
nombre de personnes habilitées à mener des enchères en leur sein
comme le demande la loi du 20 juillet 2011.
En somme, il est évident pour tout site d’enchères qu’il vaut mieux
s’implanter aux Etats-Unis qu’en France. Alors que les premiers n’ont
que très peu de lois et voient de manière relativement positive l’arrivée
de ces nouvelles entreprises, la France leur oppose de nombreuses lois,
notamment parce que le Conseil de Ventes souhaite garder le contrôle
des ventes aux enchères. Ainsi la libéralisation du domaine, qui se
60 Fournol, Alexis, « La loi Macron veut dissoudre les commissaires-priseurs judiciaires »,
LeJournaldesArts.fr, 11/12/14,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/125376/la-loi-macron-veut-
dissoudre-les-commissaires-priseurs-judiciaires.php (consulté le 03/03/15)
61 De Rochebouet, Béatrice, « Les commissaires-priseurs brandissent le marteau de la colère »,
Lefigaro.fr, 10/12/14, http://www.lefigaro.fr/culture/2014/12/10/03004-
20141210ARTFIG00207-les-commissaires-priseurs-brandissent-le-marteau-de-la-colere.php
(consulté le 10 février 2015)
62 Ibidem
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produit finalement par nécessité de compétitivité vis-à-vis du marché,
est extrêmement lente.63
Conclusion
Comme nous l’avons vu dans cette partie, il est en général assez facile
à présent de définir le droit auquel se rattache une vente aux enchères. En
effet, après quelques balbutiements, le droit s’est adapté à ces nouvelles
formes d’enchères, bien qu’il soit encore susceptible d’évoluer quelque peu.
Dans la majorité des cas, qui plus est, le droit auquel se rattachent les
ventes menées sur une plateforme est clairement indiqué.
Dans ce cadre, la majorité des acteurs qui souhaitent mener des
enchères en ligne évitent de se rattacher au droit français qui n’est pas des
plus avantageux pour eux. Ils lui préfèrent bien souvent des lieux à la
législation plus permissive en matière d’enchères, comme les Etats-Unis.
63 Communiqué de presse d’Artprice, op. cit.
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B. La clientèle des ventes aux enchères numériques
Comprendre la nature de la clientèle des ventes aux enchères sur
internet est très important pour établir les stratégies à mettre en place sur
les différentes plateformes. Cela permet tout simplement de comprendre
leurs attentes. Connaître la clientèle qui y participe permet aussi de définir
s’il s’agit d’un phénomène de fond ou de mode, ce qui est primordial pour
envisager l’avenir, ou non, de ce type de ventes.
1. Une clientèle relativement jeune et inexpérimentée
Selon le rapport Hiscox 201564, 27% des acheteurs en ligne en
2014 étaient dans la catégorie d’âge des 20 – 30 ans 65 . Cela
représente donc une clientèle très jeune qui est inhabituellement
conséquente par rapport à l’âge moyen des investisseurs en art.
Quelles explications pouvons-nous avancer ? La première, et celle qui
paraît la plus simple, est l’habitude qu’a cette génération d’utiliser
internet. En effet il s’agit là de « digital natives » qui ont grandi avec un
ordinateur et pour qui il est normal de faire ses courses en ligne, l’art
n’étant après tout qu’un bien de consommation parmi tant d’autres.
Dans ce cadre ils sont plus enclins à dépenser des sommes
relativement importantes sur le web que des personnes plus âgées qui
font souvent une confiance moindre à internet.
Malgré tout, ce n’est sûrement pas la seule explication qui peut être
avancée, car si ces personnes ont des facilités avec internet, on est en
droit de se demander pourquoi ils ne se déplaçaient pas pour autant en
salle de vente auparavant. C’est là qu’il faut se tourner vers le côté
intimidant des salles de vente dont parlent certains rapports. Il
semblerait d’après ceux-ci que se déplacer en salle soit une expérience
qui peut être jugée comme éprouvante66 pour qui n’en a pas l’habitude
64 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
65 Ils étaient 22% en 2013 comme mentionné dans l’introduction du présent mémoire
66 Toujours selon le rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit., 45%
des acheteurs en ligne trouvent l’expérience sur internet moins intimidante que celle en salle
ou en galerie
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et dans le cas de la tranche 20 – 30 ans il s’agit majoritairement de
jeunes acheteurs qui découvrent le marché (20% des 20-30 ans qui ont
acheté de l’art sur internet en 2014 n’avaient jamais réalisé d’achats en
physique auparavant67,68). Aussi pour eux il s’agit de pallier à ce côté
intimidant en utilisant un point d’accès qui permet l’anonymat, tout du
moins du point de vue des autres acheteurs, puisque seule la salle de
vente ou le site internet connaît l’identité des enchérisseurs.
Enfin un dernier point qui a son importance que je me dois de
mentionner ici et sur lequel nous reviendrons plus tard lorsque nous
aborderons la valeur des objets vendus est que les objets vendus sur
internet sont de valeur relativement faible69. Cela permet bien entendu
dans ce cas d’élargir le marché à plus de budgets. De plus, il est plus
facile de regarder sur internet ce qui est vendu plutôt que de se fournir
un catalogue de vente physique et de se déplacer en maison de vente,
action qui requiert du temps et de l’argent. Ceci, bien évidemment, dans
le cas où la maison de vente qui vendrait de tels objets se trouverait à
distance raisonnable du lieu habituel de résidence de l’acheteur et où
elle organiserait des ventes cataloguées. La majorité des biens vendus
se situant sur une part inférieure de marché et s’adressant à des
personnes qui n’ont pas un budget important, le déplacement même
jusqu’à une salle de vente pourrait parfois représenter un
investissement.
Il semblerait ainsi que les enchères d’art en ligne s’apprêtent à
façonner toute une génération qui aura pris pour habitude d’acquérir de
l’art via internet et qui y aura même fait ses premières armes. On
pourrait voir cela comme un tournant sociologique et un changement
d’habitude de consommation dans ce domaine. En effet, jusqu’à
récemment il était considéré qu’une œuvre d’art devait être vue avant
d’être acquise et il s’agit d’un habituel frein pour ceux qui hésitent à
67 Thery, Eléonore, op. cit.
68 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
69 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
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acheter en ligne 70 . Or nous nous trouvons face à une nouvelle
génération qui ne considère plus cela comme une vérité universelle et
qui considère, de la même manière, qu’internet est devenu
suffisamment omniprésent dans nos vies pour l’utiliser afin d’acquérir
de l’art71.
2. Une quête d’investissement
Fait nouveau qui fait prendre conscience de la forte valeur
spéculative qui est associée à l’art bien qu’elle soit souvent surfaite72,
de nombreux acheteurs espèrent par ailleurs pouvoir retirer un gain
substantiel de leur achat lors d’une éventuelle revente73. Cela se situe
tout à fait dans la nouvelle logique du monde de l’art dans lequel de
nombreuses personnes investissent en considérant qu’il s’agit d’un
« asset » comme un autre sur lequel capitaliser. Aussi il est très difficile
de savoir s’il s’agit d’une tendance qui est caractéristique du marché de
l’art en ligne ou qui est plus générale et s’étend à tous les nouveaux
venus dans le monde de l’art.
Ce que l’on peut dire cependant c’est que beaucoup de plateformes
existent et que les clients d’art en ligne ne se contentent pas d’acheter
sur une seule d’entre elles puisque 79% des sondés pour le rapport
Hiscox 2015 signalent avoir achetés sur plusieurs sites internet
différents74 . Bien que cela ne soit pas spécifique aux enchères et
s’étende à toutes les formes de vente d’art en ligne, il n’y a pas de
raison de penser que les statistiques soient différentes dans le cas des
ventes aux enchères en ligne. Ce comportement qui consiste à acheter
sur un maximum de plateformes différentes peut sans aucun doute être
assimilé à celui de clients qui sont à la recherche de la bonne affaire,
70 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
71 Echange avec Laurent Colson, directeur de la galerie Luohan, le 08 juin 2015
72 Moulin, Raymonde, L’artiste, l’institution et le marché, Malesherbes, collection Champs Arts,
édition Flammarion, 1992 (réédité en 1997), particulièrement les chapitres I et II
73 « 63% des sondés citent également le « potentiel de valeur » ou le retour sur
investissement », Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.,
page 15
74 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit., page 15. 57% ont
acheté sur deux ou trois plateformes et 22% sur plus de trois plateformes.
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de l’objet tant convoité. D’ailleurs un grand nombre de personnes
sondées pour le rapport Hiscox 2015 indiquent qu’elles achètent de l’art
sur internet car cela leur permet de trouver des biens qu’elles ne
trouveraient pas habituellement en galerie ou en salle des ventes75.
Aussi cela s’inscrit pleinement dans la volonté de considérer qu’il s’agit
d’un investissement : le client cherche le lot rare qu’il peut acheter à
faible coût en espérant plus tard le revendre à un prix bien plus élevé.
Les plateformes de ventes aux enchères sont si nombreuses et les
ventes si régulières qu’il y a potentiellement plusieurs centaines de
ventes simultanément, de telle sorte qu’il est impossible de savoir ce
qui est vendu partout dans le monde au même instant, laissant plus
d’opportunités pour acheter à bas coût. De plus, comme je l’ai souligné
plus haut, les résultats des ventes aux enchères sur internet ne sont
pas publiés, ce qui bien entendu facilite la revente puisqu’un éventuel
intéressé pour un rachat n’a absolument aucun moyen de savoir à quel
prix l’œuvre a été acheté par son actuel propriétaire76.
Enfin d’un point de vue investissement pur, il n’est pas négligeable
de devoir passer moins de temps à trouver les denrées. Lorsque l’on
considère l’optimisation du temps et le rendement, acheter sur internet
présente de bien meilleures perspectives qu’acheter en salle des
ventes, la dernière option demandant souvent un temps considérable.
Cependant acheter de l’art comme investissement demande un
minimum d’expérience afin de ne pas se tromper, ce qui est
incompatible avec le nombre important de jeunes inexpérimentés.
Ayant conscience de ce phénomène, des sites de vente aux enchères
comme HA.com proposent des vidéos qui enseignent aux nouveaux
venus les coulisses du monde l’art et de la création d’une collection77.
75 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
76 Clark, Garth, « Garth Clark reports: Christie’s hides online auction results », CFile.com,
12/11/14, https://cfileonline.org/marketplace-garth-clark-reports-christies-hides-online-
auction-results/ (consulté le 05 avril 2015)
77 Communiqué de Heritage Auction, « Heritage Auctions launches website redesign of
HA.com », Coinweek.com, 20/07/13, http://www.coinweek.com/people-in-the-news/new-
websites/heritage-auctions-launches-website-redesign-of-ha-com/ (consulté le 15 mai 2015)
Page | 32
3. Une clientèle mondiale
Bien évidemment l’avantage majeur des ventes aux enchères sur
internet est leur capacité de mondialisation. En théorie l’acheteur peut
venir de n’importe quel endroit dans le monde. On constate notamment
une importante fréquentation des clients asiatiques qui sont de grands
habitués des investissements en ligne et que cela ne dérange pas de
dépenser des sommes relativement importantes sur internet. Par
ailleurs cette internationalisation, et particulièrement cette forte
présence de clients asiatiques, se constate sur tout type de plateformes
confondues, que ce soit sur celles aux enchères purement en ligne ou
en Live. Ainsi, parmi les quelques 70 000 inscrits sur DrouotLive,
plateforme de vente aux enchères en streaming Live de la maison de
vente Drouot, la moitié est étrangère78. Cette mondialisation des ventes
permet bien entendu de toucher un public plus large et de faire
connaître à certains endroits du monde des artistes qui y sont peu
connus. C’est par exemple le cas avec de certains artistes
contemporains indiens comme nous le verrons dans la partie suivante.
Toutefois tous ne se situent pas au même niveau et les clients ne
payeront pas tous le même prix suivant leur pays de résidence
puisqu’ils devront notamment ajouter les frais de port et les taxes
d’importation. Aussi le risque est de voir des acheteurs internationaux
qui se replient majoritairement vers des sites internet qui sont locaux
afin de réduire ces coûts, souvent importants et peu pris en compte lors
de l’achat.
Sur le long terme il est donc probable que la clientèle soit
relativement locale 79 pour le tout-venant, ce qui est confirmé par
exemple par les résultats d’Auctionata, site de vente aux enchères basé
à Berlin, qui affirme vendre en majorité à des européens, ceux-ci
78 Interview d’Olivier Lange, Club Innovation & Culture France, 21/10/14, http://www.club-
innovation-culture.fr/olivier-lange-drouot-le-montant-adjuge-sur-nos-plateformes-Live-a-
augmente-de-45-entre-le-1er-semestre-2013-et-2014/ (consulté le 20 mai 2015)
79 Comprendre locale dans un sens large, avec des découpages tels que l’Europe de l’Ouest,
l’Amérique du nord… et non par pays. Il s’agit donc déjà d’une augmentation de la base
clientèle à n’en pas douter, bien que moins importante que ce qui pourrait être envisagé.
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représentant 65% des acheteurs 80 , 81 . En revanche, les lots plus
exceptionnels, eux, pourront toujours être acquis par une clientèle
internationale qui prêtera moins attention aux frais supplémentaires. Il
est donc probable qu’il faille prévoir des enchères à deux vitesses,
suivant le type de clientèle visée.
Conclusion
En somme, nous faisons face à de nombreux jeunes inexpérimentés
qui font leurs premières armes dans le marché de l’art sur internet et non
plus en salle. Le fait qu’ils ne soient pas habitués à ce monde implique qu’il
faille prévoir des fonctionnements de sites relativement simples afin qu’ils
comprennent rapidement ce qu’ils vont devoir payer si le lot leur est adjugé
par exemple. De plus, de nombreux enchérisseurs virtuels s’intéressent à
l’art en tant qu’investissement. Enfin si la clientèle est internationale
potentiellement, elle ne l’est pas systématiquement. Les seules vraies
enchères en ligne attirant une clientèle internationale étant celles incluant
des lots particulièrement intéressants ou de grande valeur, leurs acheteurs
potentiels étant plus enclins à payer des frais supplémentaires pour les
acquérir.
Dans tous les cas, il semblerait que nous nous situions à l’aube d’un
changement de pratiques dans le marché de l’art et que les enchères sur
internet, et plus généralement la vente d’art sur internet, ne soient pas
qu’un simple effet de mode.
80 Communiqué de presse d’Auctionata, Auctionata successfully closes 2014 with 163% sales
increase for total sales of €31.5 million ($41 million), 18/02/15, accessible à
https://auctionata.com/intl/press/press-releases (consulté le 09 mai 2015)
81 Eggs, Nathalie, « La maison de ventes en ligne Auctionata augmente son CA de 163% en
2014), LeJournaldesArts.fr, 24/02/15,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/126990/la-maison-de-ventes-en-
ligne-auctionata-augmente-son-ca-de-163--en-2014.php (consulté le 03 mars 2015)
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C. Les objets vendus
Après avoir examiné la clientèle qui participe aux enchères en ligne, il
est important de s’intéresser à ce que cette clientèle achète afin de
comprendre ce qu’elle cherche.
1. Des prix relativement bas
Globalement les prix atteints par les ventes aux enchères sur
internet sont relativement bas bien qu’il n’existe pas d’enregistrements
officiels des résultats82 . Il est ainsi estimé que 84% des objets et
œuvres d’art vendus l’année dernière sur internet ont été acquis pour
moins de 15 000 USD83, soit moins de 13 700 €. Ceci explique en partie
le produit total des ventes sur internet relativement bas qui a été
présenté par les rapports Hiscox 2015 et TEFAF 2015 : 2,64 milliards
USD d’après le premier84, soit 4,8% du marché mondial des ventes
d’art85, 6,36 milliards USD d’après le second86, soit 6% du marché
mondial. Bien entendu il y a plusieurs raisons à ces prix, la première
d’entre elles étant la nouveauté du produit en elle-même qui pousse les
clients à la prudence. Toutefois il est très fréquent d’ajouter à cela des
questions tant quant à l’authenticité des produits vendus - laquelle
toucherait 66% des acheteurs en lignes et de ceux qui envisagent
d’acheter en ligne87 - qu’à la possible non correspondance entre l’image
du produit et le produit88,89. Comme nous le verrons plus loin, les
maisons de vente développent des stratégies très diverses afin de
82 Nous reviendrons sur ce point plus tard qui est souvent cité comme un des problèmes
majeurs des ventes en lignes de manière générale
83 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
84 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
85 Le marché mondial est estimé à environ 55,2 milliards USD selon (33)
86 Rapport TEFAF sur le marché de l’art 2015, op. cit.
87 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
88 Ibidem
89 A ce sujet, l’on peut aussi préciser que cela vient d’une méconnaissance profonde du public
du fonctionnement d’un ordinateur. La majorité des écrans de particuliers ne sont
absolument pas calibrés, montrant ainsi des couleurs qui sont fausses, ce qui explique le
manque de correspondance parfois constaté entre l’objet présenté en ligne et l’objet
physique. Ces fausses couleurs sont particulièrement remarquables sur les produits Apple
qui sont extrêmement saturés.
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répondre à ces problématiques qui restent cependant une
préoccupation visiblement constante des futurs acheteurs en ligne90.
Ceci est dû en grande partie à la nature intrinsèque d’internet qui
empêche de physiquement voir l’objet, élément qui rassurait en général
les potentiels acquéreurs 91 . Certaines maisons de vente virtuelles
tentent au contraire d’en faire une force, comme Auctionata, en
avançant que l’époque des preview avant enchères est révolue, l’objet
étant directement consultable sur le catalogue virtuel92. Malgré cette
affirmation et si cette stratégie semble relativement bien porter ses
fruits pour le site allemand, ce n’est certainement pas le cas de toutes
les plateformes d’enchères en ligne. De plus, malgré ces affirmations,
Auctionata reconnaît volontiers une explosion de son chiffre d’affaire
depuis le début des enchères en streaming dans son propre studio de
télévision93,94. Ceci montre bien que le fait de voir l’œuvre, même par le
biais d’une vidéo, rassure les clients, lui donnant sans aucun doute une
certaine matérialité95.
Penser que ce serait là les seules raisons à ces prix relativement
bas ne serait qu’avoir une vision très sommaire du phénomène. En effet,
il s’agit aussi d’une volonté des maisons de vente virtuelles qui, d’elles-
mêmes, annoncent vouloir se positionner sur le mid-market 96 , 97 .
D’après ces entreprises, ce secteur ne serait que peu couvert par les
enchères physiques, ces dernières ne répondant donc pas à la
demande de tous les clients98. Les maisons de vente traditionnelles qui
offrent la possibilité d’enchérir en Live suivent globalement la même
90 Entretien avec Pierre Naquin, fondateur d’A&F Markets et professeur d’e-commerce à l’EAC,
le 06 mai 2015
91 Adam, Georgina, « Bidding in pyjamas », FinancialTimes.com, 26/11/10,
http://www.ft.com/cms/s/2/6a530cb0-f81a-11df-8875-00144feab49a.html (consulté le 05 mai
2015)
92 Site d’Auctionata, https://auctionata.com/intl (consulté le 10 mai 2015)
93 Ghorashi, Hannah, « Auctionata secures $45 M. in latest funding round», Artnews.com,
30/03/15, http://www.artnews.com/2015/03/30/auctionata-secures-45-m-in-latest-funding-
round/ (consulté le 02/04/14)
94 Communiqué de presse d’Auctionata, Online auction house Auctionata closes €42 million
funding round, 30/03/15, accessible à https://auctionata.com/intl/press/press-releases
(consulté le 09 mai 2015)
95 Vogel, Carol, op. cit.
96 Eggs, Nathalie, 24/02/15, op. cit.
97 Zawisza, Marie, « Les ‘’pure players‘’ du marché de l’art », L’Œil, n° 673, novembre 2014
98 Eggs, Nathalie, 24/02/15, op. cit.
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logique, les ventes les plus importantes de l’année n’étant en général
pas ouvertes à ce type d’enchères99.
Cependant, il est tout à fait possible de vendre des œuvres à des
prix élevés uniquement sur internet, comme l’a prouvé par exemple la
vente d’un Richard Serra en mai 2014 sur le site de Christie’s. Vendu
en online-only, soit uniquement sur la base d’une photographie, cette
œuvre a été adjugée pour 905 000 USD100,101,102,103,104. Les ventes en
Live ont par ailleurs tendance à attirer des sommes supérieures105,
ainsi la maison de vente Bukowskis a vendu une œuvre d’August
Strindberg pour 1,9 millions USD en décembre 2014 via ce système106.
Auctionata prétend par ailleurs détenir le record de vente aux enchères
uniquement sur internet avec une œuvre d’Egon Schiele vendue le 21
juin 2013107 pour presque 1,9 millions €, soit environ 2,4 millions USD
au moment de la vente, mais cette fois en incluant le buyer’s
premium108,109. Or Auctionata utilise un système de streaming, comme
nous le verrons dans le chapitre II, ce qui tend une fois de plus à
prouver que la présence de la vidéo permet d’atteindre des prix plus
élevés.
99 Adam, Georgina, op. cit.
100 Duray, Dan « Swedish auction house sells work to online bidder for $ 1.9 M. », Artnews.com,
12/12/14, http://www.artnews.com/2014/12/12/swedish-auction-house-sells-work-to-online-
bidder-for-1-9-m/ (consulté le 05 mars 2015)
101 Géniès, Bernard, op. cit.
102 Vogel, Carol, op. cit.
103 Kazakina, Katya, « Unsold Warhol nickel vanishes in opaque online auction »,
Bloomberg.com, 01/08/14, http://www.bloomberg.com/news/articles/2014-08-01/unsold-
warhol-nickel-vanishes-in-opaque-online-auction (consulté le 02 avril 2015)
104 Jovanovic, Rozalia, « Richard Serra’s market distorted by online auctions », Artnet.com,
03/08/14, https://news.artnet.com/in-brief/richard-serras-market-distorted-by-online-auctions-
71382 (consulté le 12 décembre 2014)
105 Vogel, Carol, op. cit.
106 Duray, Dan, 12/12/14, op. cit.
107 Voir Annexe H
108 Résultats de l’enchère Auctionata Auction No.9 du 21/06/13,
https://auctionata.com/intl/s/62/paintings-works-on-paper-and-sculptures#objects (consulté le
19 décembre 2014)
109 Communiqué de presse d’Auctionata, Auctionata breaks online record: Egon Schiele’s
« reclining woman » auctioned Live for €1.8 million (US$2.4 million), 24/06/13, accessible à
https://auctionata.com/intl/press/press-releases, (consulté le 09 mai 2015)
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2. Les œuvres emblématiques et les nouvelles œuvres
De manière peu surprenante, les objets qui sont le plus facilement
vendus sont des œuvres emblématiques qui sont facilement
identifiables. Cela explique par exemple le prix que nous avons
exposé plus haut concernant le Richard Serra vendu par Christie’s.
Ces objets ont pour avantage d’être facilement reconnus de tous. Les
acheteurs ont ainsi la sensation qu’ils ne seront pas déçus par leur
acquisition, quand bien même ils ne peuvent voir l’œuvre
physiquement.
Toutefois nous pouvons remarquer plusieurs dynamiques sous-
jacentes qui peuvent contribuer à expliquer ce phénomène. Tout
d’abord le nombre de jeunes inexpérimentés contribue probablement
à cette recrudescence d’œuvres emblématiques dans les résultats. Ne
connaissant que peu le marché, il s’agit d’une population qui ne
souhaite prendre que peu de risque. De plus la tendance à l’achat
d’œuvres d’art en tant qu’investissement contribue sans aucun doute
à cette tendance ; la capacité d’une œuvre à être reconnue facilement
lui permet d’avoir une plus grande liquidité110.
La recrudescence d’œuvres emblématiques à des prix
relativement élevés est caractéristique du marché de l’art de manière
général en ce moment et ne peut être attribué spécifiquement au
marché des ventes aux enchères sur internet. Toutefois il vrai que ce
phénomène est amplifié sur ce dernier type marché.
Les ventes sur internet ont aussi permis de créer un marché pour
certains artistes qui étaient auparavant peu présents en vente aux
enchères. Le phénomène de découverte d’artistes sur internet n’est
pas nouveau, cependant il s’agit là d’une nouvelle étape qui consiste
en leur monétarisation et à l’établissement de leur cote sur le marché
110 Une œuvre reconnaissable est facilement revendable et permet donc d’en disposer
facilement. Ainsi en cas de besoin le propriétaire peut rapidement l’échanger contre une
somme d’argent.
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international. Ainsi on peut citer la vente Saffronart des 12 et 13 mars
2008 111 qui a permis d’établir des records pour 21 artistes
contemporains indiens112. Qui plus est, cette vente a rapporté 7,2
millions USD, bien au-dessus de l’estimation haute avant la vente qui
était de 5,1 millions USD113. Enfin, il est important de remarquer que
25% des acheteurs assistant à cette vente n’étaient pas indiens. Ce
phénomène ne s’est sûrement pas ralenti puisque la vente des 3 et 4
septembre 2008 a apporté des résultats similaires avec 86 lots sur les
130 présentés114 dépassant leur estimation haute115. Dans ce dernier
cas, 45% des acheteurs étaient étrangers, dont une grande majorité
était basée aux Etats-Unis116. Finalement ce n’est qu’à partir de 2011
que Saffronart a commencé à estimer correctement les lots vendus et
à rentrer dans ses prévisions117. Aussi il est tout à fait évident que
dans ce cas nous sommes face à un site internet qui ne connaissait
pas le succès, ou non, qu’auraient les lots présentés et que leur
estimation s’est faite à tâtons. De plus, il s’agissait majoritairement
d’artistes qui sont difficilement achetables en dehors de l’Inde, ce qui
compliquait fortement l’établissement de leur cote, et la présence de
nombreux acheteurs étrangers a sans aucun doute contribué à tirer
les prix vers le haut de manière inattendue. Les ventes Saffronart ont
ainsi permis l’établissement de la cote de nombreux artistes indiens à
l’international.
111 Kinsella, Eileen, « $7.2M online sale of India’s art sets 21 records et Saffronart »,
Artnews.com, 01/04/08, http://www.artnews.com/2008/04/01/7-2m-online-sale-of-indias-art-
sets-21-records-at-saffronart/ (consulté le 22 avril 2015)
112 Le lot le plus cher était Subodh Gupta, Idol thief I, 2005, vendu pour 1,1 millions USD avec
une estimation prévente entre 500 000 et 700 000 USD
113 Cela représente tout de même 40% de plus que l’estimation haute.
114 Le taux de ravalé à cette vente était de 20%, en réalité 104 lots ont été vendus, portant ainsi
le taux de lots vendus dépassant leur estimation haute à 83%
115 Grant, Daniel, « Contemporary Indian art soars at Saffronart online auction », Artnews.com,
16/09/08, http://www.artnews.com/2008/09/16/contemporary-indian-art-soars-at-saffronart-
online-auction/ (consulté le 22 avril 2015)
116 Ibidem
117 Kinsella, Eileen, « Indian Art fetches solid prices at online auction », Artnews.com, 02/08/11,
http://www.artnews.com/2011/02/08/indian-art-fetches-solid-prices-at-online-auction/
(consulté le 23 avril 2015)
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3. Typologie des œuvres vendues
En plus de ces considérations générales, il existe une typologie
des œuvres vendues établie par le rapport Hiscox 2015118. Celui-ci
détermine six catégories119 :
- Les peintures viennent en première position. En théorie
relativement plates, bien certains artistes contemporains dérogent
à cette généralité, une image peut suffire pour apprécier l’œuvre.
Toutefois, les prix sont en général relativement élevés et
demandent donc un investissement plus conséquent. Leur
avantage, cependant, est d’être unique. L’unicité de la pièce
permet bien entendu d’obtenir des prix plus élevés mais permet
aussi une revente à un tarif plus intéressant, ce qui peut attirer de
nombreux investisseurs qui considèrent l’art comme un « asset »
parmi tant d’autres. Ainsi, si l’achat de telles œuvres est assez
risqué, le gain potentiel est plus important.
- Les lithographies et reproductions viennent en deuxième position.
Ceci n’est pas surprenant puisqu’il n’existe pas de mauvaises
surprises, les photos ne pouvant que peu diverger entre ce que
l’on voit à l’écran et la réalité120. Il faut aussi remarquer que l’on se
situe sur des œuvres facilement reconnaissables puisque l’on
parle souvent de reproductions d’œuvres qui sont extrêmement
connues, combinant ainsi les avantages de la conformité et de
l’identification. Le secteur qui marche le mieux est les
reproductions à tirage limité, tentant ainsi de compenser le
relativement mauvais investissement qu’elles représentent
puisqu’elles sont très difficiles à revendre.
- Les photographies sont la troisième catégorie d’œuvres les mieux
vendues sur internet. Ceci n’est pas surprenant puisqu’il n’existe
également pas de mauvaises surprises avec les photographies.
118 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
119 Ces catégories sont définies pour le marché de l’art en ligne et non spécifiquement pour les
ventes aux enchères en ligne, ce qui peut être considéré comme partiellement
problématique. Toutefois il s’agit là de la seule source existante sur la question.
120 Les écrans non calibrés des particuliers peuvent cependant amener à des désagréments
Page | 40
En effet, ce que l’on voit à l’écran est très peu susceptible d’être
fortement différent du produit réel, comme avec les lithographies.
L’explosion du marché en ligne de la photographie n’est
probablement pas attribuable au seul fait que ces enchères se
déroulent sur internet et a probablement un rapport plus général à
l’importance plus grande que prend la photographie sur le marché
de l’art.
- Les sculptures, enfin, viennent en quatrième position du
classement Hiscox. Il semble logique qu’il s’en vende une quantité
inférieure notamment parce qu’une quantité inférieure de sculpture
est disponible sur le marché. Il faut ajouter à cela qu’il est
extrêmement compliqué de juger de la qualité d’une sculpture à
partir d’une simple image, ce qui représente sans aucun doute un
frein à l’achat. Cependant les sculptures se situent sur un créneau
de prix supérieur, étant le plus régulièrement celles qui sont
vendues pour plus de 50 000 €. A ce titre elles ne doivent pas être
négligées : leur volume est faible mais leur rendement est
important. Enfin, de la même manière qu’avec la peinture, dans le
cas d’une sculpture on se situe sur une pièce unique, ce qui
représente donc un intérêt accru pour un enchérisseur du type
investisseur.
- Les dessins représentent une part croissante du marché de l’art
en ligne. Ce phénomène est plus difficilement explicable. Peut-
être cela est-il attribuable à la clientèle inexpérimentée qui a de
plus grandes facilités à comprendre un dessin plutôt qu’une œuvre
plus abstraite ? Dans tous les cas le dessin a encore une fois
l’avantage de pouvoir être facilement reproductible en
photographie.
- Les nouvelles formes d’art liées aux nouveaux médias semblent
être les grandes absentes de ce classement ! Ainsi l’art vidéo, par
exemple, ne représente toujours qu’un très faible pourcentage des
ventes en ligne, alors qu’il serait assez facile de présenter ce type
d’œuvre dans un catalogue virtuel ; en vérité bien plus aisé que
dans un catalogue d’enchères traditionnel. Ceci nous apprend que
Page | 41
le marché de l’art vidéo, et de l’art utilisant les nouvelles
technologies plus largement, est toujours en devenir et met du
temps à s’épanouir. Après tout la photographie existe depuis 1839
et son marché ne commence à prendre de l’ampleur que depuis
quelques années. Il n’est donc pas surprenant que le marché de
l’art vidéo ait besoin d’encore un peu de temps pour atteindre une
certaine maturité.
En somme il semblerait que les œuvres les plus vendues sur
internet correspondent à plusieurs critères :
- Elles doivent en général pouvoir être facilement représentées sur
une photographie, si bien que l’on doit avoir suffisamment
confiance en cette dernière pour ne pas avoir besoin de voir
l’original.
- Elles doivent souvent être aisément reconnaissables, ce qui
explique en partie le grand nombre de lithographies vendues
Il est très intéressant de noter par ailleurs que de nombreuses
personnes disent se rendre sur les sites d’enchères sur internet afin
de trouver des objets qu’ils ne trouveraient pas sans ce médium121,122.
Bien entendu, les maisons de vente font le tri dans ce qu’elles
proposent, ce qui limite quelque peu la demande. Toutefois un site
internet qui ne ferait absolument aucun tri ne pourrait perdurer bien
longtemps, étant trop coûteux. Ainsi les maisons de vente virtuelles ne
prennent que peu de risques supplémentaires, contrairement aux
conceptions habituelles des acheteurs. De plus il y a presque moins
de choix puisque les œuvres facilement reproductibles en
photographie sont très fortement favorisées et on ne voit que très peu
de meubles design par exemple ! En réalité il n’existe pas un panel
plus large sur internet, mais la recherche est facilitée ! Lors
121 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
122 Entretien avec Pierre Naquin, op. cit.
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d’enchères physiques il faut se déplacer, ce qui oblige parfois à faire
de longs trajets pour aller récupérer certaines pièces. De plus toutes
ne sont pas cataloguées. Mais un professionnel qui est spécialisé
dans un domaine pourra toujours trouver ce qu’il veut. En revanche, le
particulier ou le jeune investisseur ne connaissent pas les arcanes du
métier et ne prendront pas le temps de les apprendre, cela ne les
concernant pas. Aussi, il leur semble très difficile de trouver une pièce.
Internet leur permet de contourner facilement cet obstacle et de les
trouver grâce à des moteurs de recherche performants Qui plus est, il
est très courant qu’ils ne sachent pas ce qu’ils souhaitent acquérir,
étant peu familiers avec le marché de l’art. Or les sites de vente aux
enchères proposent très souvent du contenu, au lieu de purement et
simplement présenter les ventes, permettant ainsi à un novice de
découvrir le milieu. Bien entendu les sites les plus réputés seront ainsi,
à terme, amenés à définir les œuvres qui auront de la valeur ou non
sur le mid-market grâce à cette influence sur les consommateurs dont
le goût aura été formé par leur bon vouloir.
Conclusion
Pour résumer, on peut signaler que les objets vendus sur internet
appartiennent en général au mid-market et sont donc le plus souvent
adjugés à des prix compris entre 5 000 et 100 000 USD. Ils sont également
aisément identifiables et facilement représentables en photographie.
Contrairement à de nombreuses conceptions, internet ne propose pas une
importante quantité d’objets introuvables en salle, c’est uniquement la
recherche de l’objet qui est plus aisée grâce à ce médium. Les seuls cas où
cela pourrait être considéré comme faux sont celui de jeunes artistes que
les maisons de vente ne souhaitent pas présenter aux enchères, celui
d’artistes étrangers peu représentés à l’étranger, et le cas d’artistes qui
considèrent qu’il leur faut à présent profiter du rayonnement d’internet afin
de lancer ou consolider leur carrière.
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D. Le capital confiance
Si les objets se situent sur le mid-market et sont donc de valeur
moyenne, il reste tout de même relativement compliqué pour un site
internet de se démarquer des autres. Comment convaincre les acheteurs
d’acheter sur sa plateforme plutôt qu’une autre ? Parmi les éléments
importants se trouve la capacité du site à mettre l’internaute en confiance,
nouvelle donnée très importante du commerce en ligne.
1. Faire confiance à un site
Bien que l’on se situe sur le mid-market, et donc sur des œuvres
qui ont des valeurs relativement basses, il s’agit toujours d’un marché
qui représente des sommes importantes. A ce titre il est tout à fait
primordial que la confiance s’instaure entre le client et le vendeur, au
même titre qu’elle s’installe habituellement entre une galerie et un
client.
Toutefois comment faire confiance à un site internet ? On peut
comprendre que cela ne soit pas aisé pour beaucoup de personnes
puisqu’il ne s’agit que d’une entité virtuelle qui n’a aucune existence
physique et l’on se trouve donc dans un cas où l’on sait qu’il n’y aura
pas de bureau des réclamations en cas de problèmes. Il s’agit sans
aucun doute d’un élément contraignant pour les enchérisseurs qui
souhaitent acquérir des œuvres de haute valeur et qui pourraient
trouver que leur achat ne correspond pas à ce qui été annoncé sur le
site internet.
Pour ne pas aider ces possibles hésitations, peu de ces sites
publient leurs résultats123. Ceci qui pourrait, d’après certains experts,
entamer le peu de confiance établie avec peine entre les clients et les
sites internet 124 , 125 . Ainsi des sites comme Auctionata ou
123 Kazakina, Katya, op. cit.
124 Houël, Alexandra, « Le marché de l’art global doit-il craindre l’opacité des ventes d’œuvres
d’art en ligne ? », 23/09/13,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/114414/le-marche-de-l-art-global-
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LiveAuctioneers choisissent de publier leurs résultats d’enchères
malgré l’absence d’obligation légale126 . Il est vrai que cette non-
publication habituelle garde ce marché dans une certaine opacité qui
peut le discréditer. Le client ne sait pas si l’œuvre qu’il souhaite
acheter a vraiment la valeur estimée par le site internet ou non. Il ne
sait pas non plus si ce site a vendu beaucoup d’œuvres à ce prix par
le passé ou non. De même les ravalés ne sont pas publiés. Autant
d’éléments qui impactent la cote des artistes mais qui sont des
données inconnues sur internet127,128. D’un autre côté, cela fait le jeu
de nombreux investisseurs, le prix d’achat n’étant pas divulgué,
revendre un objet au prix souhaité n’en est que plus facile comme
nous l’avons évoqué plus tôt129.
En somme faire confiance à un site internet peut être un
processus relativement long qui peut freiner l’arrivée de nouveaux
acteurs sur ce marché. Toutefois il existe des techniques mises en
œuvre par les différentes plateformes afin de pallier à ce problème.
2. Les valeurs sûres
La technique la plus courante est sans hésitation celle que je
nomme « des valeurs sûres ».
Les plus favorisés à ce jeu sont sans aucun doute les maisons de
vente aux enchères traditionnelles comme Christie’s 130 . En effet
personne ne remet en doute le sérieux de Christie’s, aussi il est
extrêmement facile d’acheter sur le site de la maison de vente en se
sentant en toute confiance. Et Christie’s en a parfaitement confiance,
faisant très peu de promotion autour de ses ventes sur internet, elle
applique une politique qui consiste à laisser le client venir à elle
doit-il-craindre-l-opacite-des-ventes-d-oeuvres-d-art-en-ligne-.php (consulté le 20 novembre
2014)
125 Clark, Garth, op. cit.
126 Kazakina, Katya, op. cit.
127 Houël, Alexandra, op. cit.
128 Kazakina, Katya, op. cit.
129 Clark, Garth, op. cit.
130 Géniès, Bernard, op. cit.
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comme nous le verrons plus en détail dans le chapitre II. La maison
de vente part en effet du principe qu’elle est reconnue et que si les
clients souhaitent acheter en ligne ils viendront d’eux-mêmes regarder
ce qu’elle propose.
Si un site n’est pas associé à une maison traditionnelle il lui faut
gagner cette légitimité. Pour cela il lui faut donc trouver des
partenaires qui sont respectés. Paddle8 a par exemple choisi de
s’associer à des grands noms du monde de l’art ! En effet, cette
plateforme est soutenue de manière publique par Damien Hirst ou
encore Jay Jopling. LiveAuctioneers a décidé de faire entrer à son
capital Bessemer Venture Partners131, notamment connu pour avoir
investi dans Skype, Linkedin, Yelp ou encore Pinterest132. Auctionata
a suivi un modèle similaire plus tôt en 2015 en faisant rentrer dans
son capital de grands groupes du monde entier comme Hearst
Ventures (New York), Kreos Capital (Londres) et Yuan Capital (Hong
Kong)133. Ses associations indiquent ainsi à tous les professionnels du
monde de l’art que ces sites sont considérés comme respectables.
Cela n’impacte pas directement les usagers bien entendu, qui eux
n’entendront probablement jamais parler de ces entrées aux capitaux
des différents sites. Toutefois la reconnaissance par les pairs leur
permet de faire leur chemin dans le milieu. C’est donc avant tout le
milieu de l’art qui les considère comme légitime. Ainsi lorsqu’un client
potentiel sera à la recherche d’un site d’enchères sur internet, le site
qui aura atteint ce statut arrivera dans les premiers résultats et
beaucoup de commentaires favorables existeront à son sujet.
131 Eggs, Nathalie, « LiveAuctioneers s’ouvre à un fonds d’investissement »,
LeJournaldesArts.fr, 20/11/14,
http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/124215/LiveAuctioneers-s-ouvre-a-
un-fonds-d-investissement.php (consulté le 18 janvier 2015)
132 Duray, Dan, « Liveauctioneers raises $47.6 M. in venture capital », Artnews.com, 19/11/14,
http://www.artnews.com/2014/11/19/liveauctioneers-raises-47-6-m-in-venture-capital/
(consulté le 9 mars 2015)
133 Ghorashi, Hannah, op. cit.
Page | 46
3. L’e-réputation
Les commentaires sont en effet la nouvelle arme des internautes.
Dans un univers où il n’est pas possible de vérifier ce qui est dit
puisque l’on ne peut pas physiquement être sûr des produits et
prestations proposées par les différents sites internet et étant donné
qu’il est extrêmement difficile de trouver le propriétaire d’un site internet,
les internautes se basent très souvent sur une communauté virtuelle
afin de faire leurs choix.
Cela peut paraître anodin dans le choix d’un site de vente aux
enchères d’art. Cependant, d’après le dernier rapport Hiscox beaucoup
de personnes trouvent leur plateforme de vente de prédilection suite à
des recommandations et se basent sur des références en la matière
d’après les réseaux sociaux 134 . Cela montre aussi qu’il est très
important pour les différents sites d’enchères d’être présents dans le
paysage des réseaux sociaux, tels que Facebook ou Twitter 135 . Il
semblerait que beaucoup aient négligé cet aspect, se prévalant d’un
côté traditionnel des ventes aux enchères. En effet, habituellement il
s’agit d’un monde qui est plutôt fermé dont les différents acteurs,
vendeurs ou acheteurs, cherchent volontairement à garder une certaine
discrétion. Cependant ce type de stratégie n’est pas compatible avec
les modèles d’entreprises virtuelles, ce qui pousse le monde de l’art à
revoir ses bases sociologiques. Ainsi l’on se déplace vers un mid-
market de l’art qui est beaucoup plus ouvert, beaucoup plus accessible
et surtout dont les noms des différents acteurs, bien loin de se cacher,
cherchent au contraire à se faire connaître.
Mais aussi, contrôler son e-réputation est une chose extrêmement
ardue. Un des avantages d’internet est l’instantanéité. Toutefois ce peut
aussi être un de ses inconvénients. Alors qu’il est facile de cacher un
événement isolé qui surviendrait en salle de vente, cacher un
événement sur internet est proche de l’impossible. Les acteurs
134 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
135 Rapport Skate Printemps 2015, op. cit.
Page | 47
traditionnels comme Sotheby’s ne maîtrisent que peu ces outils136 et
cela explique sûrement en partie la manière dont la maison de vente se
fait distancer par Christie’s par exemple qui, elle, essaye de développer
sa communication sur les réseaux sociaux137. Cela donne clairement un
avantage aux nouveaux venus qui se basent uniquement sur internet et
qui sont rompus à ces techniques.
Il est par ailleurs très intéressant de constater que les sites de
vente aux enchères en ligne ne laissent pas la possibilité de poster des
commentaires, ce qui est fortement inhabituel. Cela est aussi
symptomatique de modèles qui maîtrisent mal les outils du web 2.0 et
qui entendent opérer une simple transposition des manières de faire
des ventes physiques au virtuel. Bien entendu cela peut fonctionner
pour les ventes Live puisque les clients viennent pour acheter des
objets spécifiques à une vente et utilisent la plateforme pour ne pas
avoir à se déplacer. En revanche, ce n’est pas une technique probante
lorsque l’on se tourne vers les enchères uniquement en ligne.
4. Les gages de confiance, rassurer l’internaute
Etant donné les investissements demandés, tous les gages de
confiance ci-dessus ne suffisent pas toujours aux internautes. Ou plus
exactement, dans un certain nombre de cas elles suffisent aux
internautes qui sont rompus aux techniques du marché de l’art et qui
ont déjà décidé de faire leurs achats d’art sur ces plateformes sans
pour autant attirer suffisamment de nouveaux clients potentiels. Or,
comme nous le verrons plus loin, la majorité des modèles demandent
une base de clients très importante, impliquant donc qu’il est primordial
d’en attirer le plus grand nombre possible. Comme nous l’avons déjà
souligné plus haut, la plupart des clients achètent sur de multiples
plateformes et ne sont pas particulièrement fidèle à une plateforme. Il
136 Holpuch, Amanda, op. cit.
137 Rapport Skate Printemps 2015, op. cit.
Page | 48
s’agit là clairement d’un comportement relativement nouveau qui n’est
pas spécifique à internet mais plutôt au marché de l’art tel qu’il est
conçu actuellement. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs influents,
notamment asiatiques, qui n’ont pas les mêmes conceptions des
affaires, il n’est plus très commun d’être fidèle à une maison de vente
particulière. Le phénomène est amplifié sur la toile puisque dans ce cas
le client est à la recherche d’objets spécifiques et va donc sur le site qui
propose ceux qu’il désire, mais il reste similaire aux nouvelles
dynamiques observables dans le monde physique. La fidélisation
deviendra sûrement un enjeu à terme et se produira peut-être en partie
grâce à la qualité du contenu proposé par le site, ou plus
particulièrement de ce qu’il choisira de promouvoir. D’après certains
spécialistes, il n’y aura probablement de la place que pour une poignée
d’acteurs138, il est donc indispensable d’être plus attractif que les autres
tout de suite pour les sites de vente aux enchères sur internet.
Pour cela, le gage le plus courant est l’emploi d’experts. Auctionata
par exemple se vante de recourir aux services de plus de 200 experts
partout dans le monde 139 . Expertissim s’est créé sur la base
d’experts140. Ces experts permettent de donner de la crédibilité au site
en signifiant que les prix ne sont pas fixés au hasard, mais plutôt par
des personnes qualifiées qui pourraient parfaitement être les mêmes
que celles qui fixeraient le prix d’un objet dans une maison de vente
traditionnelle.
Ces experts ne servent pas qu’à crédibiliser la vente puisqu’ils
offrent aussi, en général, des estimations des biens pour les internautes,
d’après simple photo dans le cas de Paddle8 par exemple. Ainsi il
s’instaure un dialogue entre le client et la plateforme, un échange, qui
lui permet d’humaniser la structure et de se sentir en confiance. En
faisant cela, les différentes plateformes signifient que c’est un monde
qui est ouvert à tous, n’importe quel individu qui pense avoir un objet de
138 C’est notamment la position de M Pierre Naquin, fondateur d'A&F Markets et directeur de
publication d’AMA (Art Media Agency)
139 Site d’Auctionata, op. cit.
140 Zawisza, Marie, op. cit.
Page | 49
valeur pouvant soumettre sa photo et savoir très rapidement si en effet
c’est le cas ou non. Le côté expertise est probablement l’un de ceux qui
attire le plus les nouveaux clients qui n’ont ainsi pas besoin de se
déplacer pour savoir s’ils possèdent des objets de valeur.
Il est à noter que les certificats d’authenticité et les états de
conservation se généralisent. Suivant le rapport Hiscox il s’agit d’une
volonté des acheteurs 141 . Ainsi de nombreuses plateformes les
proposent presque systématiquement. Ceci a bien entendu pour effet
de rassurer le client, bien qu’un certificat d’authenticité n’ait légalement
que peu de valeur.
Enfin, afin de mettre en confiance les nouveaux arrivants, de
nombreux sites choisissent la carte de la transparence. Signifiant qu’ils
n’ont rien à cacher, certains, comme Auctionata, permettent d’obtenir
une estimation du coût total d’un objet, frais et transport inclus. De la
même manière ils rendent de plus en plus souvent publics les résultats
des enchères passées comme évoqué plus haut.
Conclusion
En matière d’achat en ligne, la confiance est absolument primordiale.
Ce besoin de confiance explique aussi sûrement en partie pourquoi de
nombreux spécialistes estiment qu’il n’y a de la place que pour quelques
acteurs sur ce marché : celui qui a acquis la confiance des internautes aura
gagné, ceux-ci n’étant pas prêt à changer pour une plateforme inconnue.
Dans ce contexte s’imposer en tant que nouvel acteur serait faire preuve
d’un véritable tour de force.
141 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
Page | 50
Afin d’obtenir cette confiance les différents sites redoublent
d’ingéniosité, soit en s’adossant à des maisons traditionnelles, ou en
cherchant le soutien d’investisseurs réputés.
Page | 51
E. Les écueils les plus courants
En dehors de ces problèmes de mise en confiance du client, il existe
des écueils qui sont très courants et auxquels les clients ne sont pas
toujours attentifs. Pourtant certains de ces pièges communs peuvent
grandement affecter le prix ou même faire perdre le lot. Egalement, tomber
dans certains d’entre eux peut gravement entamer le capital confiance que
les sites mettent tant de temps à établir avec leurs clients.
1. Les problèmes de connexion
Les problèmes de connexion internet sont extrêmement courants et
peuvent sembler tout à fait banals. En réalité, si banals que beaucoup
ne souhaiteraient certainement pas les mentionner. Il est vrai qu’avec
une mauvaise connexion internet il n’est pas possible de faire des
achats en ligne, cela est évident ! Toutefois il ne faudrait pas oublier la
portée de cette réalité des faits. Il existe des pays où avoir une
connexion internet fiable est relativement rare et où, quel que soit la
richesse de la personne, elle ne pourra être en permanence en ligne.
Bien entendu il s’agit d’une large frange de la potentielle clientèle
mondiale qui est perdue par ce biais, dont une partie dans les pays
émergents qui seraient pourtant probablement des moteurs très
dynamiques du marché.
Hors le cas évident d’absence pure et simple de connexion internet,
il existe des cas de déconnexion lors d’une enchère. C’est un
phénomène qui peut être très courant lors de certaines enchères qui
drainent un nombre important de personnes, ce qui oblige, bien
entendu, les différentes plateformes à avoir des serveurs suffisamment
performants pour pouvoir accueillir toutes les personnes enregistrées
sans être saturées 142 . Il s’agit là sans aucun doute d’un coût
relativement conséquent qui ne doit pas être négligé. La plateforme doit
142 Ce problème était particulièrement courant au début des années 2000. A présent la majorité
des serveurs peuvent accueillir jusqu’à 400 enchérisseurs virtuelles, ce qui représente un
nombre important mais pas pour autant inatteignable.
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Detune - Memoire - EAC - Final

  • 1. Groupe EAC Groupe des Ecoles d’Arts et de Culture Etablissement d’enseignement supérieur Les ventes aux enchères d’art sur internet : un marché, des stratégies Mémoire présenté et soutenu publiquement par Brice DETUNE Directrice de Recherche 2014 - 2015 Mme Caroline Schirman MBA Marché de l’Art
  • 2.
  • 3. Jury de soutenance du mémoire de : Brice DETUNE Promotion 2014 – 2015 « Les ventes aux enchères d’art sur internet » Président du Jury : Mme Claude Vivier Le Got Présidente Directrice Générale du Groupe EAC Directrice de Recherche : Mme Caroline Schirman Professeur de droit au groupe EAC Juriste spécialisée en droit de la culture Membre du Jury : M. Michaël Gardie Responsable relation presse, agence Véronique Lopez « L’EAC n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires de fin d’études. Elles sont propres à leurs auteurs. »
  • 4. Remerciements : Je tiens à remercier Mme Caroline Schirman pour m’avoir indiqué la voie à suivre au cours de la rédaction de ce mémoire. Je souhaiterais aussi remercier M. Pierre Naquin pour avoir répondu patiemment à mes questions au sujet du marché de l’art en ligne. Enfin je remercie l’EAC de m’avoir donné l’opportunité de présenter ce mémoire.
  • 5. « Le marché de l’art a faim » Thierry Ehrmann, président fondateur d’Artprice, Communiqué de presse d’Artprice, Artprice : perspectives 2015, 21/12/14
  • 6. Avant-propos Le présent mémoire a pour vocation l’analyse des différentes stratégies des sites internet organisant des ventes aux enchères en ligne. Ce phénomène relativement récent m’a particulièrement intéressé car il est symptomatique d’un changement sociologique du marché de l’art. Auparavant, les différents acteurs de ce marché avaient plutôt tendance à rester discrets. Les clients, eux, allaient le plus souvent chez leurs marchands habituels ou leurs maisons de vente favorites et regardaient ce que ceux-ci avaient à leur proposer. Le monde d’internet est très différent et même à l’opposé de cette logique. Face à la multiplicité des possibilités, les clients se sentent bien souvent perdus, et toutes les plateformes se font une concurrence très importante pour fidéliser le client. De plus, les acheteurs sont à présent capables de faire confiance à une simple photographie avant d’investir des sommes importantes ! Ainsi ce phénomène n’est pas un simple élargissement de la manière de vendre de l’art. Il s’agit réellement d’une transformation qui est en train d’impacter tout le marché de l’art. Dans ce cadre je me suis demandé comment les maisons de vente, virtuelles ou physiques, faisaient des affaires sur le web. Comment arriver à convaincre le client d’acheter sur internet et comment se démarquer ? Peu de littérature analytique existe sur le sujet et mes recherches ont été difficiles à mener face à l’habituelle discrétion du monde de l’art. Toutefois, beaucoup d’informations peuvent être trouvées dans la presse. En effet, le phénomène étant relativement récent et se développant, il suscite beaucoup d’intérêt de la part des différents journalistes qui essayent de comprendre comment ce monde marche. La presse spécialisée du marché de l’art a donc été une grande source d’information pour moi. Mon travail a consisté en la compilation et l’analyse qui pouvait être faite de ces données. Partant de faits concrets, j’explique les spécificités du marché de l’art virtuel puis je détaille les stratégies des acteurs les plus importants afin de les évaluer et de les comprendre.
  • 7. Plan synthétique Introduction ................................................................................. 8 I. Les spécificités du marché des ventes aux enchères sur internet.................................................................................... 16 A. Cadre juridique ..................................................................................16 B. La clientèle des ventes aux enchères numériques............................28 C. Les objets vendus..............................................................................34 D. Le capital confiance...........................................................................43 E. Les écueils les plus courants.............................................................51 Conclusion ..................................................................................................57 II. Les différents modèles et stratégies .................................... 58 A. Les « brick and clicks » .....................................................................58 B. Les maisons de vente aux enchères virtuelles ..................................74 C. Les agrégateurs d’enchères ..............................................................87 D. Les intermédiaires ...........................................................................102 E. La stratégie idéale ...........................................................................106 Conclusion ................................................................................................113 Conclusion Générale............................................................... 114 Synthèse .................................................................................. 117 Index analytique ...................................................................... 124 Index des noms propres ......................................................... 126 Bibliographie............................................................................ 129 Annexes ................................................................................... 137 Table des matières en fin de mémoire
  • 8. Page | 8 Introduction Les ventes aux enchères d’art sur internet étaient sans aucun doute l’un des sujets qui faisaient le plus sourire il y a encore une dizaine d’années. En effet la première pensée qui venait alors à l’esprit était la tentative de Sotheby’s de se lancer sur ce marché dès le début des années 2000, convaincue qu’il serait porteur à l’avenir. Dans le cadre des premiers pas de Sotheby’s sur la toile, la maison de vente avait signé un partenariat avec le nouveau géant des enchères sur internet de l’époque – géant qui s’est depuis affirmé comme absolument incontournable – eBay 1 . Malheureusement ce partenariat ne fonctionna que fort peu puisqu’il ne dura qu’un an et amena peu de bénéfices pour Sotheby’s, si ce n’est même une perte d’argent2. Cependant, à ce moment, internet commençait à peine à être populaire. Il n’occupait pas encore dans notre vie la place qu’on lui accorde maintenant. L’ADSL était à peine naissant et Free, par exemple, qui est devenu par la suite le plus grand fournisseur d’internet illimité en France pendant de nombreuses années, venait à peine d’être créé3. En un mot, internet ne faisait pas encore partie des mœurs. Peut- être ce partenariat était-il donc prématuré ?4,5,6,7 En tout cas tout porte à le croire et notamment les résultats des ventes aux enchères sur internet les plus récents. En effet, selon le rapport Hiscox et ArtTactic 2015, le marché de l’art en ligne était évalué à 2,64 milliards USD en 2014 marquant une progression de 68% par rapport à l’année précédente8,9. Sotheby’s le pense aussi puisque 1 Longo, Chiara, « Sotheby’s et eBay à la conquête de nouveaux marchés », LeJournaldesArts.fr, 16/07/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/122021/sotheby-s-et-ebay-a-la- conquete-de-nouveaux-marches.php (consulté le 02 février 2015) 2 Vogel, Carol et Isaac, Mike, « A Wharol with your Moose Head? Sotheby’s teams with eBay », NYTimes.com, 14/07/14, http://www.nytimes.com/2014/07/14/arts/design/with-ebay- partnership-sothebys-extends-potential-reach-by-145-million.html?_r=2 (consulté le 26 novembre 2014) 3 Le 18 février 1999 4 Holpuch, Amanda, « Sotheby’s and Ebay team up to stream high-end auctions online », theguardian.com, 14/07/2014, http://www.theguardian.com/technology/2014/jul/14/sothebys- ebay-auctions-online (consulté le 7 février 2015) 5 Géniès, Bernard, « Acheter en ligne – croissance 2.0 », Challenges n°421, 19/02/15 6 Eggs, Nathalie, « eBay lance sa plateforme d’enchères en ligne d’œuvres d’art », LeJournaldesArts.fr, 09/10/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/123114/ebay-lance-sa-plateforme-d- encheres-en-ligne-d-oeuvres-d-art.php (consulté le 03 mars 2015) 7 Thery, Eléonore, « Le bel avenir des ventes en ligne », Le Journal des Arts, n° 428, 30/01/15 8 Pour laquelle le marché de l’art en ligne était estimé à 1,57 milliards USD.
  • 9. Page | 9 la maison de vente vient d’annoncer un nouveau partenariat avec eBay, le 14 juillet 201410,11,12. D’après les estimations, que ce soit de la TEFAF13, d’Hiscox14 ou de Skate15, le marché des ventes aux enchères sur internet devrait être de plus en plus florissant dans les décennies à venir16. Bien évidemment l’entrée d’internet dans les mœurs et l’arrivée des « digital natives » sur le marché de l’art contribuent à son essor. Le rapport Hiscox et ArtTactic 2014 suggère ainsi que 22% des 20-30 ans, les premiers « digital natives », qui ont acheté une œuvre en ligne faisaient leur première acquisition d’œuvres d’art par internet et non dans un lieu physique17, et il semblerait que ce chiffre augmente. Cependant d’autres facteurs doivent être pris en compte. Aussi, l’ouverture de la Chine, pays dont les habitants sont extrêmement férus de nouvelles technologies et dont le marché de l’art est en constante progression, au point de devenir le premier au monde, a fortement participé à ces résultats. Il serait donc trop simpliste de penser que la progression du marché de l’art en ligne est uniquement due à la popularité croissante d’internet dans cette dernière décennie. En matière d’art en ligne il existe de nombreux formats, allant de la vente directe via le site internet d’une galerie qui propose les œuvres des artistes qu’elle défend en e-commerce, aux ventes aux enchères prenant place sur internet. C’est à cette dernière catégorie que nous nous intéresserons au cours de ce mémoire. Cependant, au sein même des ventes aux enchères sur 9 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, 21/04/2015, accessible à http://www.hiscox.fr/courtage/Portals/7/Resources/docs/artetclienteleprivee/14215%20- %20Group%20-%20Hiscox%20online%20art%20trade%20report%20FR%20DIGITAL.pdf 10 Holpuch, Amanda, op. cit. 11 Vogel, Carol, « Gone in an Instant Auction: Christie’s ramps up Online-Only Sales », nytimes.com, 23/10/2014, http://www.nytimes.com/2014/10/26/arts/artsspecial/christies- ramps-up-online-only-sales.html (consulté le 11 janvier 2015) 12 Vogel, Carol et Isaac, Mike, op. cit. 13 Rapport TEFAF sur le marché de l’art 2015, 12/03/14 14 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 15 Rapport Skate Printemps 2015, Skate’s art e-commerce and media report Spring 2015, accessible à http://www.skatepress.com/wp-content/uploads/2015/03/Skates_Art_E- Commerce_and_Media_Report_Spring_2015.pdf 16 Hiscox estime qu’il atteindra environ 6,3 milliards USD en 2019. 17 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2014, 30/04/2014, accessible à http://www.hiscox.fr/courtage/Portals/7/Resources/docs/artetclienteleprivee/20140425%20- %20Le%20rapport%20Hiscox%20du%20marche%20de%20l'art%20en%20ligne%202014.p df
  • 10. Page | 10 internet, quelques distinctions doivent être effectuées. Tout d’abord il faut différencier : - Les enchères Live au cours desquelles les enchères se déroulent simultanément dans une maison de vente aux enchères physique et sur internet. Dans ce contexte les internautes sont en compétition contre les personnes qui sont en salle. En somme, il s’agit d’assister à une vente sans avoir à se déplacer en salle de vente, ce qui peut être commode notamment pour les personnes vivant à l’étranger. En effet, on a quelques difficultés à imaginer des investisseurs asiatiques devoir se déplacer systématiquement à New York pour suivre toutes les ventes qui les intéressent par exemple. Cela permet aussi, potentiellement, d’avoir un nombre de personnes supérieur à celui que la salle peut accueillir. Ainsi le public touché est beaucoup plus large que lors d’enchères physiques traditionnelles et surtout beaucoup plus international. Cette internationalisation résout du même coup un problème souvent épineux des maisons de vente qui est la question d’où une œuvre se vendra le plus cher18, les enchères Live permettant de couvrir plusieurs marchés simultanément. Toutefois si elles sont populaires auprès des plus grosses maisons de vente du monde, de Sotheby’s à Drouot en passant par Phillips, les plus grosses ventes, telles que les ventes d’Automne, ne sont en général pas accessibles par ce biais. - Les enchères uniquement sur internet. Dans ce cas les internautes ne sont en compétition qu’entre eux. Les avantages sont, bien évidemment, de pouvoir toucher un large public très international, comme dans le cas précédent, mais aussi de pouvoir présenter des milliers de lots par heure puisque sur ce type de plateformes, en général, plusieurs ventes ont lieu simultanément (bien que ce ne soit pas toujours le cas). De plus, un très grand entrepôt suffit pour pouvoir stocker tous les lots vendus et en attente. Ou plusieurs entrepôts si les lots ne sont pas dans le même 18 En effet suivant le type de bien et le marché, les œuvres sont souvent déplacées au sein des grosses maisons de vente multinationales afin d’obtenir le prix le plus élevé possible pour un lot.
  • 11. Page | 11 pays. Enfin, pour qui débute sur le marché, les ventes uniquement en ligne demandent une infrastructure moindre. Cependant, cette première classification ne suffit pas. Toutes ces enchères, Live ou sur internet uniquement, ne sont pas organisées de la même manière. Aussi il existe trois formats principaux de ventes aux enchères sur internet : - Le premier et le plus populaire est les enchères retransmises en vidéo. Il s’agit donc d’un système qui requiert la présence de l’internaute à un moment précis, impliquant qu’il soit « event-based ». Les enchères avec vidéo les plus courantes sont le suivi d’enchères via le système Live, tel que sur Christie’s Live par exemple19. Dans ce cas de figure une vidéo permet de suivre la vente qui se déroule dans la salle comme si l’on s’y trouvait et d’enchérir par le biais de son ordinateur. Toutefois certaines enchères retransmises en vidéo se déroulent uniquement sur internet, comme dans le cas d’Auctionata qui filme un expert présentant le lot et l’adjugeant à des sessions auxquelles seuls les internautes participent. En effet ces enchères sont filmées dans un studio de télévision ! Par la suite je nommerai ces enchères avec vidéo, les « enchères en streaming ». - Le deuxième type d’enchères important est très similaire au précédent. Il s’agit d’enchères sur internet qui ont des temps limités très courts, comme lors d’une vente aux enchères classique. C’est-à-dire que les lots sont présentés les uns après les autres aux personnes assistant à la vente qui placent leurs enchères. Nous sommes donc, encore une fois, dans un cas d’enchères « event-based ». La différence importante avec le modèle précédent est l’absence de vidéo. L’acheteur n’a accès qu’à un catalogue numérique qui comprend des photos et des descriptions des lots. Ainsi, du point de vue de l’acheteur, il n’y a pas de matérialité des lots et il doit faire confiance aux descriptions, aux photos et éventuellement aux certificats d’authenticité20. Il est à noter que ce type de ventes peut aussi bien être utilisé pour les enchères Live que 19 Site de Christie’s, https://www.christies.com/ (consulté de novembre 2014 à mai 2015) : voir http://www.christies.com/Livebidding/index.aspx 20 Ceux-ci deviennent d’ailleurs extrêmement courants comme nous le verrons au cours de ce mémoire dans la partie I.D.
  • 12. Page | 12 pour les enchères uniquement sur internet ! Par la suite je nommerai ce type les « enchères au marteau numérique ». - Le dernier type, enfin, est constitué par les enchères purement en ligne qui se déroulent sur un temps long, calquées sur le modèle d’eBay. Là encore de nombreuses maisons de ventes aux enchères possèdent leurs propres plateformes de ce qu’elles nomment les « online only auctions ». Comme dans le cas précédent les objets ne sont jamais présentés physiquement et l’acheteur doit faire confiance aux photos, descriptions et certificats d’authenticité éventuels accompagnant les objets. Cependant ici les enchères sur les objets peuvent durer une ou deux semaines et non quelques minutes. Dans ce cas, l’enchérisseur n’est donc pas obligé de se trouver derrière son ordinateur à un moment précis. Chaque vente ferme à une heure précise, annoncée à l’avance par le site internet, et le dernier enchérisseur remporte la vente. Et c’est paradoxalement la faiblesse de ce système : contrairement à des ventes aux enchères traditionnelles où à chaque fois qu’une personne enchérit on redémarre un décompte dans l’attente potentielle d’autres intéressés, ici le dernier à parler remporte l’enchère. Dans la réalité, cela oblige donc les intéressés à rester derrière leur ordinateur au moment de la clôture de l’enchère afin d’être sûr d’être le dernier, sauf dans les cas où le système accepte des plafonds d’enchères. Grâce à ce dernier système les enchères sont placées automatiquement jusqu’à hauteur du plafond définit par l’enchérisseur pour un lot donné. Il est important de remarquer par ailleurs qu’en matière d’ordinateur être le dernier à parler peut s’avérer relativement ardu puisqu’il faut notamment tenir compte des délais de latence d’internet. Bien souvent les enchérisseurs oublient qu’internet est à présent rapide mais non instantané21. D’un autre côté, ce système d’enchères permet aux sites qui organisent ce type de ventes d’espérer faire monter les prix en attirant un maximum de personnes. En effet, il suffit qu’une personne passe par hasard sur le site et voit une vente qui l’intéresse pour qu’elle souhaite enchérir, le temps long permettant de maximiser les chances de telles visites. 21 Nous reviendrons sur cette idée dans la partie I.E
  • 13. Page | 13 Cependant ce cas de figures concernent plus les collectionneurs et particuliers que les professionnels. Par la suite je nommerai ces ventes les « enchères à la chandelle numérique» étant donné les similarités entre ces types22. S’intéresser aux ventes aux enchères sur internet est un vaste sujet qui pose de nombreuses questions éthiques, sociologiques… Bien entendu elles ne sont pas toutes traitables en un mémoire et demanderaient l’écriture de livres entiers. Aussi je me concentrerai ici majoritairement sur la manière de vendre des objets sur internet en utilisant le système des enchères. Ma problématique dans le présent mémoire sera donc la suivante : quelles sont les stratégies développées par les différents acteurs du marché des ventes aux enchères d’art sur internet afin de répondre à ses spécificités ? Pour répondre à cette question, je commencerai dans un premier temps par effectuer une analyse générale du marché des ventes aux enchères en ligne tel qu’il se comporte actuellement. En effet, il est très important de comprendre les spécificités de ce marché si particulier et relativement nouveau afin d’analyser la pertinence des stratégies mises en place par ses acteurs. Pour cela je m’intéresserai à cinq points principaux : - Le cadre juridique de ces enchères. Il n’est pas toujours évident de déterminer sous quelle juridiction sont réalisées les ventes aux enchères en ligne et celle-ci varie suivant les modèles adoptés. Comprendre de quelles lois relèvent les différentes entreprises est primordial quant à leurs stratégies d’établissement. De plus, je comparerai le droit français avec le droit américain en matière de ventes d’œuvres d’art, ce qui permettra peut-être d’éclairer le plus grand développement des maisons de vente aux enchères d’art sur internet aux Etats-Unis comparativement à l’Hexagone. 22 Dans les enchères à la chandelle traditionnelles les enchères cessent lorsque la chandelle est éteinte et c’est le dernier enchérisseur qui remporte le lot. Nous sommes ici dans un cas tout à fait similaire avec une chandelle particulièrement longue et dont l’on connait très précisément le moment de l’extinction.
  • 14. Page | 14 - Le type de clients qui participent aux ventes virtuelles. Dans cette partie je m’intéresserai plutôt aux profils, comportements et buts de ces clients. Connaitre les clients participant aux enchères permet notamment d’apprécier la nature du phénomène et d’apprécier les différentes stratégies mises en place. - Le type de biens vendus, aussi bien d’un point de vue de leur nature que de leur valeur. La nature même des lots adjugés pourrait être assez révélatrice et il serait envisageable que l’art sur nouveaux médias, tel que l’art vidéo, soit plus facile à vendre auprès d’une communauté internet plutôt qu’en salle par exemple. Leur valeur quant à elle permet de prendre en compte la prise de risque jugée acceptable par les acheteurs ainsi que la confiance qu’ils placent en internet. - Le capital confiance. Comment un site internet de vente aux enchères en ligne arrive à convaincre des clients de dépenser plusieurs dizaines de milliers, voire plusieurs centaines de milliers d’euros en ligne ? Cela reste bien entendu une question récurrente qui ne peut être balayée seulement sous prétexte de l’arrivée des « digital natives » - Les écueils les plus courants auxquels sont confrontés les clients. Les comprendre permet de mesurer l’impact des mesures mises en place par les différents acteurs du marché afin d’y circonvenir. Ils permettent aussi de comprendre les freins qui existent encore aux ventes aux enchères sur internet et à l’augmentation de leur popularité. Dans la deuxième partie, je présenterai les trois modèles d’entreprises organisant des enchères les plus courants : les brick and clicks, les maisons de vente aux enchères virtuelles et les agrégateurs d’enchères. Pour les détailler je m’intéresserai dans chaque cas à quelques acteurs représentatifs de ces catégories, dont les leaders bien évidemment, et je tenterai d’analyser leur stratégie et d’évaluer leur efficacité. Comme nous le constaterons, lesdites stratégies sont extrêmement différentes suivant les entreprises et notamment suivant le type de ventes qu’elles organisent. Le potentiel de ce marché quant à lui se développe en partie en corrélation avec ces stratégies car certains sites ont à présent une telle influence qu’ils façonnent en partie l’avenir du marché et
  • 15. Page | 15 définissent certains standards auxquels les potentiels concurrents ou successeurs ne pourront plus déroger. Cependant d’autres pistes que les modèles les plus courants se doivent d’être envisagées et il n’est pas sûr que les sites internet actuels qui organisent ces ventes soient proches d’un modèle de fonctionnement idéal. Aussi je m’intéresserai à la possible façon d’optimiser les stratégies existant actuellement.
  • 16. Page | 16 I. Les spécificités du marché des ventes aux enchères sur internet Afin d’apprécier le phénomène des enchères sur internet, il est important de comprendre qui achète, quoi et comment. Cela impacte bien entendu très fortement les stratégies mises en place par les différents acteurs du marché. Mais avant tout il est important de se demander dans quel cadre juridique se déroulent ces ventes, internet rendant l’application du droit souvent complexe par sa nature mondiale et immatérielle. A. Cadre juridique Comprendre le cadre juridique dans lequel se déroule une enchère est absolument primordial, les différentes législations existant dans le monde étant extrêmement variées et n’ayant pas les mêmes conditions de réglementation. Aussi, à la naissance de toute maison de vente virtuelle il est important de se poser la question : du droit de quel pays mes ventes vont-elles relever ? Je commencerai par exposer le droit qui concerne les ventes aux enchères sur internet suivant leur modèle. Puis, à titre d’exemple, je m’intéresserai aux différences entre la France23 et les Etats- Unis afin de tenter d’expliquer la recrudescence de sites de vente aux enchères en ligne en Amérique du Nord et leur absence en France. 1. Les enchères Live Ce type d’enchère est sans aucun doute le plus facile à aborder d’un point de vue juridique. En effet, dans ce cadre tout se passe comme si la personne assistait à la vente aux enchères, aussi il n’y a absolument aucune différence vis-à-vis des obligations légales habituelles qui encadrent les ventes aux enchères. Concrètement, si une personne enchérit de cette manière à une vente qui a lieu à 23 Toutes les données citées dans ce chapitre concernant le cadre juridique en France peuvent être trouvées dans l’ouvrage Droit du marché de l’art, cinquième édition, Paris, Dalloz, 2013
  • 17. Page | 17 Christie’s New York, elle devra se soumettre à la législation de l’Etat de New York. Si en revanche elle enchérit sur une œuvre vendue à Londres ce sera alors à la législation qui régit le marché de l’art en Angleterre que la vente sera soumise. Finalement le seul vrai problème que peut poser ce type d’enchères d’un point de vue légal est le suivi des acheteurs et notamment les vérifications d’identité ainsi que l’origine des fonds utilisés pour payer. On se retrouve ainsi en présence de problématiques similaires à celles des ventes aux enchères traditionnelles si ce n’est que les technologies permettant d’y circonvenir ne sont pas encore tout à fait au point. Il est vrai qu’il reste très facile d’usurper une identité sur internet24. Certaines maisons ont décidé pour cela de forcer l’inscription au moins 24h avant une vente ; Sotheby’s, par exemple, oblige toute personne n’ayant jamais enchéri via sa plateforme à s’inscrire au moins avant de participer à une vente aux enchères afin de vérifier l’identité de l’acheteur et sa solvabilité. D’autres ont décidé de mettre en place des procédures d’inscriptions compliquées afin de décourager la majorité des personnes qui pourraient avoir de mauvaises intentions. En somme ces ventes sont une extension des ventes habituelles et ne comportent que peu de différences, ce qui explique probablement leur succès. 2. Les enchères uniquement sur internet Les choses se corsent quelque peu lorsqu’il s’agit de ventes aux enchères qui n’ont aucune matérialité, les obligations n’étant absolument pas les mêmes25. D’un point de vue de la taxation et de la réglementation, elles sont régies par le pays dans lequel le site internet est hébergé. Du moins en théorie car certaines jurisprudences 24 Goulan, Valérie, « Les conséquences d’une usurpation d’identité », Lefigaro.fr, mis à jour le 22/04/2014, http://www.lefigaro.fr/assurance/2014/04/04/05005-20140404ARTFIG00219-les- consequences-d-une-usurpation-d-identite.php (consulté le 18 février 2015) 25 Anne-Hélène Decaux, Directrice du Marketing et de la Communication à ArtViatic (commentaire lors d’un échange, le 13/05/15)
  • 18. Page | 18 françaises contredisent ce point26. En effet, il a parfois été considéré que si les objets se trouvaient en France et que la publicité de la vente était faite dans des catalogues français, par exemple, la vente serait soumise au droit français peu importe l’emplacement du site internet27. En réalité, d’un point de vue contractuel, le droit auquel le site sera soumis sera celui que le site lui-même aura défini28. En effet, internet n’ayant aucune matérialité, les sites peuvent en théorie choisir de quel droit dépendre pour peu qu’il ne soit pas prouvé qu’ils tentent de frauder par ce biais29. Dans la réalité, la majorité des sites définissent leur siège social comme lieu du contrat, impliquant donc que ce dernier doit répondre aux lois contractuelles de l’emplacement du siège social. En général, la législation à laquelle est soumise la vente est précisée dans les conditions lors de l’inscription sur le site internet, ce qui permet à ce dernier de se défausser, quand bien même la personne ne les aurait pas lues. Ainsi tout est possible, ce qui permet de vendre à l’international en profitant de très faibles taxes, le but étant bien entendu de se positionner dans un pays qui ait une fiscalité intéressante mais aussi une devise intéressante. Il est en effet courant de pouvoir payer soit en US Dollars (USD) soit en Euros (€) et il faut par la suite tenir compte du taux de conversion que l’entreprise pourrait avoir à appliquer pour rapatrier l’argent, à moins de montages financiers plus complexes bien évidemment. Un dernier point important en matière juridique lorsque l’on aborde les enchères uniquement sur internet est la non-obligation de publication des résultats de vente, qui rend le marché extrêmement opaque. 26 Voir notamment l’affaire N@rt, TGI Paris, 3 mai 2000 27 Droit du marché de l’art, op. cit. 28 Ibidem 29 Le but est bien entendu d’éviter un site qui serait basé en France et qui définirait que ses enchères dépendent d’un droit plus avantageux afin de ne pas payer de taxes ou de se soustraire aux obligations légales régissant les enchères en France.
  • 19. Page | 19 3. Les agrégateurs d’enchères Les agrégateurs d’enchères sont une catégorie spécifique de modèle que nous verrons plus loin dans le chapitre II. Il suffit de dire ici qu’ils se contentent de rendre des enchères numériques pour le compte de maisons de vente physiques. Ils agissent donc sous mandat d’une maison de vente physique. Aussi, le vendeur est légalement la maison de vente qui commissionne l’agrégateur d’enchères et non le site internet en lui-même, quand bien même les enchères organisées ne seraient pas Live mais uniquement sur internet. Dans ce cadre, les ventes réalisées sur de tels sites sont soumises aux lois dont dépend la maison de vente aux enchères proposant le lot. 4. Comparaison entre le droit américain et le droit français Dans le cadre des ventes Live, les différences sont les mêmes que celles qui existent dans le cadre des ventes physiques. Aussi en France, jusqu’en 2011, selon la loi du 10 juillet 200030 encadrant les ventes volontaires, ces dernières devaient être menées par des sociétés de forme commerciale qui employaient des personnes habilitées à mener des enchères en France. De plus ces sociétés devaient avoir obtenu l’agrément du Conseil des Ventes, lequel requérait par exemple une preuve de la solvabilité de ladite entreprise commerciale. Il était donc très complexe de débuter un commerce de vente aux enchères en ligne, le Conseil des Ventes exerçant un monopole et étant souvent peu enclin à attribuer de nouveaux agréments. Cependant la loi 2011-850, du 20 juillet 201131, a profondément modifié cet état de fait. Reconnu comme la loi de libéralisation des enchères32,33,34, elle a défini des « opérateurs de ventes volontaires » 30 Voir Annexe A 31 Voir Annexe B 32 Fournol, Alexis « Vers une réforme de la réforme sur les ventes aux enchères », LeJournaldesArts.fr, 07/11/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/123771/vers-une-reforme-de-la- reforme-sur-les-ventes-aux-encheres.php (consulté le 05/01/15)
  • 20. Page | 20 (les OVV) qui peuvent organiser des ventes aux enchères35. Dans le cas de ventes publiques, une entreprise, qui n’a plus besoin d’être commerciale soit dit en passant, n’a plus non plus qu’à posséder en son sein au moins une personne ayant l’habilitation à diriger des enchères publiques suivant la loi française. Pour obtenir cette habilitation, trois possibilités : par une formation diplômante spécifique, par l’expérience professionnelle acquise auprès d’un commissaire- priseur ou d’une société de ventes volontaires, par une accréditation pour exercer la profession dans un des pays membre de l’Union Européenne. De plus, les opérateurs de ventes volontaires n’ont plus à obtenir un agrément de la part du Conseil des Ventes et doivent uniquement faire une déclaration auprès de ce dernier36. Cette loi a donc fait disparaître le monopole du Conseil de Ventes qui n’a plus le droit d’interdire à une personne d’exercer en ne lui fournissant pas un agrément, tout en lui donnant cependant plus de pouvoir légal en lui permettant d’introduire aisément des recours en justice37,38. Par ailleurs, le courtage en ligne n’est que peu réglementé depuis cette loi. En effet, le législateur a reconnu que les courtiers n’organisaient pas de ventes39 et se contentaient d’agir au nom d’un vendeur. Aussi pour être reconnu comme tel il faut que le courtier ni ne garantisse à l’acheteur qu’un lot lui sera adjugé car il a placé l’enchère la plus haute40 ni ne prenne en charge l’expertise et la description de l’objet. De plus, pour être reconnus comme tels, ces courtiers doivent clairement mentionner leur statut afin qu’il n’y ait pas confusion auprès du client. Il est évident que ce changement a permis l’établissement de nouveaux acteurs sur le marché de l’art en France. Par ailleurs cette loi a obligé les sites 33 Malvoisin, Armelle, « ventes aux enchères : les surprises de la réforme », Le Journal des Arts, n° 340, 04/02/2011 34 Malvoisin, Armelle, « Le marché des ventes aux enchères bousculé », Le Journal des Arts, n° 354, 07/10/2011 35 Castelain, Jean-Christophe, « Premier bilan de la loi de juillet 2011 », Le Journal des Arts, n° 396, 06/09/13 36 Malvoisin, Armelle, 07/10/2011, op. cit. 37 Castelain, Jean-Christophe, op. cit. 38 Malvoisin, Armelle, 07/10/2011, op. cit. 39 Communiqué du Journal des Arts, « eBay n’est pas une maison de ventes », Le Journal des Arts, n° 373, 06/07/12 40 Ibidem
  • 21. Page | 21 internet qui souhaiteraient organiser des enchères à posséder des tiers de confiance, soit des opérateurs qui séquestrent les montants des transactions41, tout en supprimant les tiers de confiance garantissant les expertises42. Malgré tout, il est malheureusement très difficile de trouver des tiers de confiance français, même pour séquestrer les fonds43. On peut mentionner le cas d’Artprice afin d’illustrer ce changement de législation. Thierry Ehrmann, qui en est le président fondateur, souhaitait de longue date fonder un site de vente aux enchères sur internet basé en France. Or la loi du 10 juillet 2000 l’en empêchait puisqu’il n’employait pas de personne possédant l’habilité à exercer - problème qui pouvait être aisément résolu - mais surtout parce qu’il ne possédait pas l’agrément du Conseil des Ventes afin d’organiser des ventes aux enchères. Bien entendu ce dernier n’entendait pas le lui donner. Thierry Ehrmann, pour supprimer le problème, avait donc décidé d’ouvrir un site internet aux Etats-Unis et avait créé à ces fins l’entreprise Artmarket.com qui détient à 100% Artprice Inc. à présent. Toutefois, suite à la loi du 20 juillet 2011, il décida de débuter les enchères sur internet sous le nom Artprice en étant basé en France dès 201244. Le premier frein pour le site fut de trouver des tiers de confiance. 41 Bizien, Thomas, « Thierry Ehrmann livre un premier bilan de son site de ventes en ligne », LeJournaldesArts.fr, 09/03/12, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/98524/thierry-ehrmann-livre-un- premier-bilan-de-son-site-de-ventes-en-ligne.php (consulté le 25 avril 2015) 42 Belot, Laure, « Acheter des œuvres d’art d’un simple clic », LeMonde.fr, 25/06/12, http://www.lemonde.fr/vous/article/2012/06/25/acheter-des-uvres-d-art-d-un-simple- clic_1723689_3238.html (consulté le 28 janvier 2015) 43 Ibidem 44 Bizien, Thomas, op. cit. Figure 1 : Portrait de Thierry Ehrmann
  • 22. Page | 22 N’en ayant pas trouvé de français, Artprice en utilisa un étranger, ce qui suscita la méfiance du Conseil des Ventes45. Ce dernier, bien qu’ayant perdu son monopole en 2011, tenta de freiner ces ventes en infligeant quantité de procès à Artprice en l’attaquant sur différents points46, si bien qu’Artprice dut déclarer qu’il n’était non pas un site d’enchères en ligne mais un site de courtage, ne garantissant pas l’adjudication au plus offrant47. Ainsi si l’on regarde le site d’Artprice, on constate qu’il s’agit d’un site de vente aux enchères d’œuvres d’art qui est très similaire dans son fonctionnement à eBay48. En effet, Artprice ne peut ni décrire les objets ni vérifier leur authenticité, ce qui implique qu’il n’y a absolument aucune expertise de la part de l’entreprise. Artprice envisage cependant en 2015 de faire rentrer Artprice Inc. dans une bourse anglo-saxonne sous le nom Artmarket.com, possiblement le Nasdaq, afin d’enfin réellement mener des enchères sur internet49 . Ainsi comme le montre cet exemple, si cette loi de libéralisation a bénéficié à de nombreuses maisons anglo-saxonnes par exemple, le marché n’est toujours pas libéralisé50. Mais pourquoi vouloir se constituer spécifiquement dans un pays anglo-saxon ? Bien évidemment parce que ces pays sont plus libéraux quant à l’organisation d’enchères. Dans le cas des Etats-Unis par exemple, il n’existe pas de règle fédérale qui définirait le statut de « Auctioneer »51 et les lois dépendent de chaque état. Toutefois, si l’on observe le cas de New York, il n’existe aucune formation obligatoire 45 Ibidem 46 Communiqué de presse d’Artprice, Artprice : perspectives 2015, 21/12/14, http://www.actusnews.com/communique.php?ID=ACTUS-0-38293 (consulté le 25 janvier 2015) 47 Communiqué du Journal des Arts, « Suspension de l’action en référé du CVV contre Artprice », LeJournaldesArts.fr, 13/01/12, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/96412/suspension-de-l-action-en- refere-du-cvv-contre-artprice.php (consulté le 25 avril 2015) 48 Voir le site d’Artprice, catégorie enchères, http://www.artprice.com/marketplace/auction-ads (consulté le 02 février 2015) 49 Communiqué de presse d’Artprice, op. cit. 50 Castelain, Jean-Christophe, op. cit. 51 Statut qui est le plus proche de celui des commissaires-priseurs en France
  • 23. Page | 23 afin d’organiser des ventes aux enchères52. Il suffit de payer à l’état des frais de licence, laquelle sert d’autorisation d’exercer, qui s’élèvent à 200 USD par an. Dans le cas d’une maison de vente aux enchères physique qui organise aussi des ventes sur internet, l’emplacement peut difficilement être modifié. Ainsi pour Heritage Auctions, qui est situé à Dallas, le site internet HA.com qui organise les ventes aux enchères pour son compte est soumis aux lois du Texas. Ces dernières obligent, elles, à suivre une formation spécifique et à avoir un agrément afin d’exercer la profession et de ce fait le site internet doit posséder au moins un membre dans sa structure en capacité d’exercer. Ce n’est fort heureusement pas tâche ardue dans le cas de ce site internet puisqu’il est adossé à une maison de vente physique. En revanche dans le cas d’une maison de vente aux enchères purement virtuelle, cette dernière peut choisir où s’implanter. Paddle8, par exemple, a choisi d’établir son siège social à New York et définit clairement que les contrats établis le sont sous la juridiction de cet état53. Aussi il lui suffit de payer une licence d’exercice auprès de l’état, comme susmentionné, afin de pouvoir réaliser des ventes aux enchères en ligne. On peut comprendre donc le plus grand attrait d’un pays comme les Etats-Unis face à la France pour une entreprise qui souhaiterait organiser des ventes uniquement en ligne, sans attache physique. La question de la libéralisation des ventes aux enchères n’est cependant pas la seule qui rebute certains acteurs. Ainsi, le droit de suite, généralisé à l’Europe par la directive européenne du 27 septembre 200154,55 et qui existe depuis 1920 en France (au taux de 3% 52 Pour la réglementation voir le site de l’état de New York, particulièrement http://www.nyc.gov/html/dca/html/licenses/036-071.shtml et http://www.nyc.gov/html/dca/downloads/pdf/auctioneer_law_rules.pdf (consulté le 20 janvier 2015) 53 Voir Annexe F 54 Voir Annexe C
  • 24. Page | 24 depuis la loi du 11 mars 1957 jusqu’en 2007), peut aussi être considéré comme une mesure économiquement répulsive. Toutes les ventes aux enchères se déroulant en France y sont soumises. Pour simplifier, je présenterai la situation depuis la loi du 1er août 200656 qui correspond à la mise en accord de la France avec la directive européenne de 2001 mentionné plus haut. Dans le cadre du droit de suite, dans certains cas, un pourcentage du produit d’une vente doit être reversé à l’artiste ayant produit l’œuvre qui est l’objet de ladite vente, ou bien à sa famille s’il est décédé. Le droit de suite est intégré au droit d’auteur et est donc valable 70 ans après la mort de l’artiste pour toutes les œuvres originales non reproductibles. Il est non transférable, contrairement à la propriété intellectuelle. De plus, le droit de suite s’applique aux artistes français, à ceux de la communauté européenne, à ceux ressortissant d’un pays qui applique le droit de suite et aux artistes qui ont établi leur résidence en France pendant plus de cinq ans, ont participé à la vie artistique française et en ont fait la demande auprès du ministère de la culture. Cette mesure n’est ainsi pas cantonnée aux artistes de nationalité française. Enfin, pour s’appliquer selon les termes français, il faut que la vente ait lieu en France avec un prélèvement de TVA française. Le droit de suite ne s’applique pas sur le premier marché mais sur le second marché. De plus il ne s’applique pas si le vendeur a acquis l’œuvre directement de l’auteur moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10 000 euros. Concrètement, en France, selon le décret du 9 mai 200757 qui précise les conditions d’application de la loi du 1er août 2006, les tranches prélevées sont distribuées comme suit : - 4% de 0 à 50 000 € 55 Eggs, Nathalie, « Le droit de suite fait débat au Royaume-Uni », LeJournaldesArts.fr, 11/09/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/122414/le-droit-de-suite- fait-debat-au-royaume-uni.php (consulté le 04 janvier 2015) 56 Voir Annexe D 57 Voir Annexe E
  • 25. Page | 25 - 3% de 50 000,01 à 200 000 € - 1% de 200 000,01 à 350 000 € - 0,5% de 350 000,01 à 500 000 € - 0, 25% au-delà de 500 000€ Par ailleurs, le droit de suite est plafonné à un montant maximal de 12 500 € et est payable par le vendeur, sans pouvoir être taxé par contrat à l’acquéreur. Prenons un exemple afin d’expliciter sont utilisation : dans le cas où une œuvre serait vendue aux enchères pour 40 000 €, 1 600 € - soit 4% du montant puisque l’on est dans la première tranche - seraient reversés à l’artiste ou à sa famille (pour peu que l’on soit dans les conditions citées plus haut, soit en l’occurrence que l’artiste soit vivant ou décédé depuis moins de 70 ans). On comprend donc pourquoi nombre d’acteurs du marché de l’art rechignent à débuter en France. Qui plus est, comme nous le verrons par la suite, une grande quantité d’objets vendus aux enchères sur internet ont une valeur comprise entre 5 000 et 100 000 USD, soit entre 4 500 € et 92 000 €, et rentreraient donc dans les tranches les plus taxées du droit de suite. Il est à noter, comme l’implique la présence d’une directive européenne, que tous les pays européens doivent à présent l’appliquer. Ceci pose notamment de nombreux problèmes au Royaume-Uni où l’on souhaiterait purement et simplement le supprimer58,59. Aux Etats-Unis ce droit de suite n’existe pas, sauf en Californie, rendant bien entendu le pays plus attirant pour qui souhaiterait débuter des ventes aux enchères en ligne, particulièrement sur des tranches de prix inférieures. 58 Eggs, Nathalie, 11/09/14, op cit 59 Le Bec, Marion, « Une nouvelle consultation sur le droit de suite lancée en Grande-Bretagne sur internet », LeJournaldesArts.fr, 18/04/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/120441/une-nouvelle-consultation- sur-le-droit-de-suite-lancee-en-grande-bretagne-sur-internet.php (consulté le 2 mai 2015)
  • 26. Page | 26 La France essaye toutefois de faire évoluer son système et il est à noter le projet de loi Macron. Ce dernier vise à supprimer le statut de commissaire-priseur et à créer des commissaires de justice60,61. Pour faire simple, cela permettrait aux huissiers de justice et mandataires judiciaires de pouvoir réaliser des ventes publiques en les intégrant à ce nouveau statut dans lequel seraient aussi présents les actuels commissaires-priseurs. Bien entendu de nombreux commissaires- priseurs clament que cela serait problématique car les huissiers de justice, par exemple, n’ont aucune formation en art et ne pourraient pas ainsi décemment réaliser une expertise d’œuvre d’art 62 . Force est d’avouer tout de même que cela aurait aussi pour effet de libéraliser le marché et que plus de sites de ventes aux enchères en ligne pourraient sûrement s’épanouir, pouvant recruter potentiellement un plus grand nombre de personnes habilitées à mener des enchères en leur sein comme le demande la loi du 20 juillet 2011. En somme, il est évident pour tout site d’enchères qu’il vaut mieux s’implanter aux Etats-Unis qu’en France. Alors que les premiers n’ont que très peu de lois et voient de manière relativement positive l’arrivée de ces nouvelles entreprises, la France leur oppose de nombreuses lois, notamment parce que le Conseil de Ventes souhaite garder le contrôle des ventes aux enchères. Ainsi la libéralisation du domaine, qui se 60 Fournol, Alexis, « La loi Macron veut dissoudre les commissaires-priseurs judiciaires », LeJournaldesArts.fr, 11/12/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/125376/la-loi-macron-veut- dissoudre-les-commissaires-priseurs-judiciaires.php (consulté le 03/03/15) 61 De Rochebouet, Béatrice, « Les commissaires-priseurs brandissent le marteau de la colère », Lefigaro.fr, 10/12/14, http://www.lefigaro.fr/culture/2014/12/10/03004- 20141210ARTFIG00207-les-commissaires-priseurs-brandissent-le-marteau-de-la-colere.php (consulté le 10 février 2015) 62 Ibidem
  • 27. Page | 27 produit finalement par nécessité de compétitivité vis-à-vis du marché, est extrêmement lente.63 Conclusion Comme nous l’avons vu dans cette partie, il est en général assez facile à présent de définir le droit auquel se rattache une vente aux enchères. En effet, après quelques balbutiements, le droit s’est adapté à ces nouvelles formes d’enchères, bien qu’il soit encore susceptible d’évoluer quelque peu. Dans la majorité des cas, qui plus est, le droit auquel se rattachent les ventes menées sur une plateforme est clairement indiqué. Dans ce cadre, la majorité des acteurs qui souhaitent mener des enchères en ligne évitent de se rattacher au droit français qui n’est pas des plus avantageux pour eux. Ils lui préfèrent bien souvent des lieux à la législation plus permissive en matière d’enchères, comme les Etats-Unis. 63 Communiqué de presse d’Artprice, op. cit.
  • 28. Page | 28 B. La clientèle des ventes aux enchères numériques Comprendre la nature de la clientèle des ventes aux enchères sur internet est très important pour établir les stratégies à mettre en place sur les différentes plateformes. Cela permet tout simplement de comprendre leurs attentes. Connaître la clientèle qui y participe permet aussi de définir s’il s’agit d’un phénomène de fond ou de mode, ce qui est primordial pour envisager l’avenir, ou non, de ce type de ventes. 1. Une clientèle relativement jeune et inexpérimentée Selon le rapport Hiscox 201564, 27% des acheteurs en ligne en 2014 étaient dans la catégorie d’âge des 20 – 30 ans 65 . Cela représente donc une clientèle très jeune qui est inhabituellement conséquente par rapport à l’âge moyen des investisseurs en art. Quelles explications pouvons-nous avancer ? La première, et celle qui paraît la plus simple, est l’habitude qu’a cette génération d’utiliser internet. En effet il s’agit là de « digital natives » qui ont grandi avec un ordinateur et pour qui il est normal de faire ses courses en ligne, l’art n’étant après tout qu’un bien de consommation parmi tant d’autres. Dans ce cadre ils sont plus enclins à dépenser des sommes relativement importantes sur le web que des personnes plus âgées qui font souvent une confiance moindre à internet. Malgré tout, ce n’est sûrement pas la seule explication qui peut être avancée, car si ces personnes ont des facilités avec internet, on est en droit de se demander pourquoi ils ne se déplaçaient pas pour autant en salle de vente auparavant. C’est là qu’il faut se tourner vers le côté intimidant des salles de vente dont parlent certains rapports. Il semblerait d’après ceux-ci que se déplacer en salle soit une expérience qui peut être jugée comme éprouvante66 pour qui n’en a pas l’habitude 64 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 65 Ils étaient 22% en 2013 comme mentionné dans l’introduction du présent mémoire 66 Toujours selon le rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit., 45% des acheteurs en ligne trouvent l’expérience sur internet moins intimidante que celle en salle ou en galerie
  • 29. Page | 29 et dans le cas de la tranche 20 – 30 ans il s’agit majoritairement de jeunes acheteurs qui découvrent le marché (20% des 20-30 ans qui ont acheté de l’art sur internet en 2014 n’avaient jamais réalisé d’achats en physique auparavant67,68). Aussi pour eux il s’agit de pallier à ce côté intimidant en utilisant un point d’accès qui permet l’anonymat, tout du moins du point de vue des autres acheteurs, puisque seule la salle de vente ou le site internet connaît l’identité des enchérisseurs. Enfin un dernier point qui a son importance que je me dois de mentionner ici et sur lequel nous reviendrons plus tard lorsque nous aborderons la valeur des objets vendus est que les objets vendus sur internet sont de valeur relativement faible69. Cela permet bien entendu dans ce cas d’élargir le marché à plus de budgets. De plus, il est plus facile de regarder sur internet ce qui est vendu plutôt que de se fournir un catalogue de vente physique et de se déplacer en maison de vente, action qui requiert du temps et de l’argent. Ceci, bien évidemment, dans le cas où la maison de vente qui vendrait de tels objets se trouverait à distance raisonnable du lieu habituel de résidence de l’acheteur et où elle organiserait des ventes cataloguées. La majorité des biens vendus se situant sur une part inférieure de marché et s’adressant à des personnes qui n’ont pas un budget important, le déplacement même jusqu’à une salle de vente pourrait parfois représenter un investissement. Il semblerait ainsi que les enchères d’art en ligne s’apprêtent à façonner toute une génération qui aura pris pour habitude d’acquérir de l’art via internet et qui y aura même fait ses premières armes. On pourrait voir cela comme un tournant sociologique et un changement d’habitude de consommation dans ce domaine. En effet, jusqu’à récemment il était considéré qu’une œuvre d’art devait être vue avant d’être acquise et il s’agit d’un habituel frein pour ceux qui hésitent à 67 Thery, Eléonore, op. cit. 68 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 69 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
  • 30. Page | 30 acheter en ligne 70 . Or nous nous trouvons face à une nouvelle génération qui ne considère plus cela comme une vérité universelle et qui considère, de la même manière, qu’internet est devenu suffisamment omniprésent dans nos vies pour l’utiliser afin d’acquérir de l’art71. 2. Une quête d’investissement Fait nouveau qui fait prendre conscience de la forte valeur spéculative qui est associée à l’art bien qu’elle soit souvent surfaite72, de nombreux acheteurs espèrent par ailleurs pouvoir retirer un gain substantiel de leur achat lors d’une éventuelle revente73. Cela se situe tout à fait dans la nouvelle logique du monde de l’art dans lequel de nombreuses personnes investissent en considérant qu’il s’agit d’un « asset » comme un autre sur lequel capitaliser. Aussi il est très difficile de savoir s’il s’agit d’une tendance qui est caractéristique du marché de l’art en ligne ou qui est plus générale et s’étend à tous les nouveaux venus dans le monde de l’art. Ce que l’on peut dire cependant c’est que beaucoup de plateformes existent et que les clients d’art en ligne ne se contentent pas d’acheter sur une seule d’entre elles puisque 79% des sondés pour le rapport Hiscox 2015 signalent avoir achetés sur plusieurs sites internet différents74 . Bien que cela ne soit pas spécifique aux enchères et s’étende à toutes les formes de vente d’art en ligne, il n’y a pas de raison de penser que les statistiques soient différentes dans le cas des ventes aux enchères en ligne. Ce comportement qui consiste à acheter sur un maximum de plateformes différentes peut sans aucun doute être assimilé à celui de clients qui sont à la recherche de la bonne affaire, 70 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 71 Echange avec Laurent Colson, directeur de la galerie Luohan, le 08 juin 2015 72 Moulin, Raymonde, L’artiste, l’institution et le marché, Malesherbes, collection Champs Arts, édition Flammarion, 1992 (réédité en 1997), particulièrement les chapitres I et II 73 « 63% des sondés citent également le « potentiel de valeur » ou le retour sur investissement », Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit., page 15 74 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit., page 15. 57% ont acheté sur deux ou trois plateformes et 22% sur plus de trois plateformes.
  • 31. Page | 31 de l’objet tant convoité. D’ailleurs un grand nombre de personnes sondées pour le rapport Hiscox 2015 indiquent qu’elles achètent de l’art sur internet car cela leur permet de trouver des biens qu’elles ne trouveraient pas habituellement en galerie ou en salle des ventes75. Aussi cela s’inscrit pleinement dans la volonté de considérer qu’il s’agit d’un investissement : le client cherche le lot rare qu’il peut acheter à faible coût en espérant plus tard le revendre à un prix bien plus élevé. Les plateformes de ventes aux enchères sont si nombreuses et les ventes si régulières qu’il y a potentiellement plusieurs centaines de ventes simultanément, de telle sorte qu’il est impossible de savoir ce qui est vendu partout dans le monde au même instant, laissant plus d’opportunités pour acheter à bas coût. De plus, comme je l’ai souligné plus haut, les résultats des ventes aux enchères sur internet ne sont pas publiés, ce qui bien entendu facilite la revente puisqu’un éventuel intéressé pour un rachat n’a absolument aucun moyen de savoir à quel prix l’œuvre a été acheté par son actuel propriétaire76. Enfin d’un point de vue investissement pur, il n’est pas négligeable de devoir passer moins de temps à trouver les denrées. Lorsque l’on considère l’optimisation du temps et le rendement, acheter sur internet présente de bien meilleures perspectives qu’acheter en salle des ventes, la dernière option demandant souvent un temps considérable. Cependant acheter de l’art comme investissement demande un minimum d’expérience afin de ne pas se tromper, ce qui est incompatible avec le nombre important de jeunes inexpérimentés. Ayant conscience de ce phénomène, des sites de vente aux enchères comme HA.com proposent des vidéos qui enseignent aux nouveaux venus les coulisses du monde l’art et de la création d’une collection77. 75 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 76 Clark, Garth, « Garth Clark reports: Christie’s hides online auction results », CFile.com, 12/11/14, https://cfileonline.org/marketplace-garth-clark-reports-christies-hides-online- auction-results/ (consulté le 05 avril 2015) 77 Communiqué de Heritage Auction, « Heritage Auctions launches website redesign of HA.com », Coinweek.com, 20/07/13, http://www.coinweek.com/people-in-the-news/new- websites/heritage-auctions-launches-website-redesign-of-ha-com/ (consulté le 15 mai 2015)
  • 32. Page | 32 3. Une clientèle mondiale Bien évidemment l’avantage majeur des ventes aux enchères sur internet est leur capacité de mondialisation. En théorie l’acheteur peut venir de n’importe quel endroit dans le monde. On constate notamment une importante fréquentation des clients asiatiques qui sont de grands habitués des investissements en ligne et que cela ne dérange pas de dépenser des sommes relativement importantes sur internet. Par ailleurs cette internationalisation, et particulièrement cette forte présence de clients asiatiques, se constate sur tout type de plateformes confondues, que ce soit sur celles aux enchères purement en ligne ou en Live. Ainsi, parmi les quelques 70 000 inscrits sur DrouotLive, plateforme de vente aux enchères en streaming Live de la maison de vente Drouot, la moitié est étrangère78. Cette mondialisation des ventes permet bien entendu de toucher un public plus large et de faire connaître à certains endroits du monde des artistes qui y sont peu connus. C’est par exemple le cas avec de certains artistes contemporains indiens comme nous le verrons dans la partie suivante. Toutefois tous ne se situent pas au même niveau et les clients ne payeront pas tous le même prix suivant leur pays de résidence puisqu’ils devront notamment ajouter les frais de port et les taxes d’importation. Aussi le risque est de voir des acheteurs internationaux qui se replient majoritairement vers des sites internet qui sont locaux afin de réduire ces coûts, souvent importants et peu pris en compte lors de l’achat. Sur le long terme il est donc probable que la clientèle soit relativement locale 79 pour le tout-venant, ce qui est confirmé par exemple par les résultats d’Auctionata, site de vente aux enchères basé à Berlin, qui affirme vendre en majorité à des européens, ceux-ci 78 Interview d’Olivier Lange, Club Innovation & Culture France, 21/10/14, http://www.club- innovation-culture.fr/olivier-lange-drouot-le-montant-adjuge-sur-nos-plateformes-Live-a- augmente-de-45-entre-le-1er-semestre-2013-et-2014/ (consulté le 20 mai 2015) 79 Comprendre locale dans un sens large, avec des découpages tels que l’Europe de l’Ouest, l’Amérique du nord… et non par pays. Il s’agit donc déjà d’une augmentation de la base clientèle à n’en pas douter, bien que moins importante que ce qui pourrait être envisagé.
  • 33. Page | 33 représentant 65% des acheteurs 80 , 81 . En revanche, les lots plus exceptionnels, eux, pourront toujours être acquis par une clientèle internationale qui prêtera moins attention aux frais supplémentaires. Il est donc probable qu’il faille prévoir des enchères à deux vitesses, suivant le type de clientèle visée. Conclusion En somme, nous faisons face à de nombreux jeunes inexpérimentés qui font leurs premières armes dans le marché de l’art sur internet et non plus en salle. Le fait qu’ils ne soient pas habitués à ce monde implique qu’il faille prévoir des fonctionnements de sites relativement simples afin qu’ils comprennent rapidement ce qu’ils vont devoir payer si le lot leur est adjugé par exemple. De plus, de nombreux enchérisseurs virtuels s’intéressent à l’art en tant qu’investissement. Enfin si la clientèle est internationale potentiellement, elle ne l’est pas systématiquement. Les seules vraies enchères en ligne attirant une clientèle internationale étant celles incluant des lots particulièrement intéressants ou de grande valeur, leurs acheteurs potentiels étant plus enclins à payer des frais supplémentaires pour les acquérir. Dans tous les cas, il semblerait que nous nous situions à l’aube d’un changement de pratiques dans le marché de l’art et que les enchères sur internet, et plus généralement la vente d’art sur internet, ne soient pas qu’un simple effet de mode. 80 Communiqué de presse d’Auctionata, Auctionata successfully closes 2014 with 163% sales increase for total sales of €31.5 million ($41 million), 18/02/15, accessible à https://auctionata.com/intl/press/press-releases (consulté le 09 mai 2015) 81 Eggs, Nathalie, « La maison de ventes en ligne Auctionata augmente son CA de 163% en 2014), LeJournaldesArts.fr, 24/02/15, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/126990/la-maison-de-ventes-en- ligne-auctionata-augmente-son-ca-de-163--en-2014.php (consulté le 03 mars 2015)
  • 34. Page | 34 C. Les objets vendus Après avoir examiné la clientèle qui participe aux enchères en ligne, il est important de s’intéresser à ce que cette clientèle achète afin de comprendre ce qu’elle cherche. 1. Des prix relativement bas Globalement les prix atteints par les ventes aux enchères sur internet sont relativement bas bien qu’il n’existe pas d’enregistrements officiels des résultats82 . Il est ainsi estimé que 84% des objets et œuvres d’art vendus l’année dernière sur internet ont été acquis pour moins de 15 000 USD83, soit moins de 13 700 €. Ceci explique en partie le produit total des ventes sur internet relativement bas qui a été présenté par les rapports Hiscox 2015 et TEFAF 2015 : 2,64 milliards USD d’après le premier84, soit 4,8% du marché mondial des ventes d’art85, 6,36 milliards USD d’après le second86, soit 6% du marché mondial. Bien entendu il y a plusieurs raisons à ces prix, la première d’entre elles étant la nouveauté du produit en elle-même qui pousse les clients à la prudence. Toutefois il est très fréquent d’ajouter à cela des questions tant quant à l’authenticité des produits vendus - laquelle toucherait 66% des acheteurs en lignes et de ceux qui envisagent d’acheter en ligne87 - qu’à la possible non correspondance entre l’image du produit et le produit88,89. Comme nous le verrons plus loin, les maisons de vente développent des stratégies très diverses afin de 82 Nous reviendrons sur ce point plus tard qui est souvent cité comme un des problèmes majeurs des ventes en lignes de manière générale 83 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 84 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 85 Le marché mondial est estimé à environ 55,2 milliards USD selon (33) 86 Rapport TEFAF sur le marché de l’art 2015, op. cit. 87 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 88 Ibidem 89 A ce sujet, l’on peut aussi préciser que cela vient d’une méconnaissance profonde du public du fonctionnement d’un ordinateur. La majorité des écrans de particuliers ne sont absolument pas calibrés, montrant ainsi des couleurs qui sont fausses, ce qui explique le manque de correspondance parfois constaté entre l’objet présenté en ligne et l’objet physique. Ces fausses couleurs sont particulièrement remarquables sur les produits Apple qui sont extrêmement saturés.
  • 35. Page | 35 répondre à ces problématiques qui restent cependant une préoccupation visiblement constante des futurs acheteurs en ligne90. Ceci est dû en grande partie à la nature intrinsèque d’internet qui empêche de physiquement voir l’objet, élément qui rassurait en général les potentiels acquéreurs 91 . Certaines maisons de vente virtuelles tentent au contraire d’en faire une force, comme Auctionata, en avançant que l’époque des preview avant enchères est révolue, l’objet étant directement consultable sur le catalogue virtuel92. Malgré cette affirmation et si cette stratégie semble relativement bien porter ses fruits pour le site allemand, ce n’est certainement pas le cas de toutes les plateformes d’enchères en ligne. De plus, malgré ces affirmations, Auctionata reconnaît volontiers une explosion de son chiffre d’affaire depuis le début des enchères en streaming dans son propre studio de télévision93,94. Ceci montre bien que le fait de voir l’œuvre, même par le biais d’une vidéo, rassure les clients, lui donnant sans aucun doute une certaine matérialité95. Penser que ce serait là les seules raisons à ces prix relativement bas ne serait qu’avoir une vision très sommaire du phénomène. En effet, il s’agit aussi d’une volonté des maisons de vente virtuelles qui, d’elles- mêmes, annoncent vouloir se positionner sur le mid-market 96 , 97 . D’après ces entreprises, ce secteur ne serait que peu couvert par les enchères physiques, ces dernières ne répondant donc pas à la demande de tous les clients98. Les maisons de vente traditionnelles qui offrent la possibilité d’enchérir en Live suivent globalement la même 90 Entretien avec Pierre Naquin, fondateur d’A&F Markets et professeur d’e-commerce à l’EAC, le 06 mai 2015 91 Adam, Georgina, « Bidding in pyjamas », FinancialTimes.com, 26/11/10, http://www.ft.com/cms/s/2/6a530cb0-f81a-11df-8875-00144feab49a.html (consulté le 05 mai 2015) 92 Site d’Auctionata, https://auctionata.com/intl (consulté le 10 mai 2015) 93 Ghorashi, Hannah, « Auctionata secures $45 M. in latest funding round», Artnews.com, 30/03/15, http://www.artnews.com/2015/03/30/auctionata-secures-45-m-in-latest-funding- round/ (consulté le 02/04/14) 94 Communiqué de presse d’Auctionata, Online auction house Auctionata closes €42 million funding round, 30/03/15, accessible à https://auctionata.com/intl/press/press-releases (consulté le 09 mai 2015) 95 Vogel, Carol, op. cit. 96 Eggs, Nathalie, 24/02/15, op. cit. 97 Zawisza, Marie, « Les ‘’pure players‘’ du marché de l’art », L’Œil, n° 673, novembre 2014 98 Eggs, Nathalie, 24/02/15, op. cit.
  • 36. Page | 36 logique, les ventes les plus importantes de l’année n’étant en général pas ouvertes à ce type d’enchères99. Cependant, il est tout à fait possible de vendre des œuvres à des prix élevés uniquement sur internet, comme l’a prouvé par exemple la vente d’un Richard Serra en mai 2014 sur le site de Christie’s. Vendu en online-only, soit uniquement sur la base d’une photographie, cette œuvre a été adjugée pour 905 000 USD100,101,102,103,104. Les ventes en Live ont par ailleurs tendance à attirer des sommes supérieures105, ainsi la maison de vente Bukowskis a vendu une œuvre d’August Strindberg pour 1,9 millions USD en décembre 2014 via ce système106. Auctionata prétend par ailleurs détenir le record de vente aux enchères uniquement sur internet avec une œuvre d’Egon Schiele vendue le 21 juin 2013107 pour presque 1,9 millions €, soit environ 2,4 millions USD au moment de la vente, mais cette fois en incluant le buyer’s premium108,109. Or Auctionata utilise un système de streaming, comme nous le verrons dans le chapitre II, ce qui tend une fois de plus à prouver que la présence de la vidéo permet d’atteindre des prix plus élevés. 99 Adam, Georgina, op. cit. 100 Duray, Dan « Swedish auction house sells work to online bidder for $ 1.9 M. », Artnews.com, 12/12/14, http://www.artnews.com/2014/12/12/swedish-auction-house-sells-work-to-online- bidder-for-1-9-m/ (consulté le 05 mars 2015) 101 Géniès, Bernard, op. cit. 102 Vogel, Carol, op. cit. 103 Kazakina, Katya, « Unsold Warhol nickel vanishes in opaque online auction », Bloomberg.com, 01/08/14, http://www.bloomberg.com/news/articles/2014-08-01/unsold- warhol-nickel-vanishes-in-opaque-online-auction (consulté le 02 avril 2015) 104 Jovanovic, Rozalia, « Richard Serra’s market distorted by online auctions », Artnet.com, 03/08/14, https://news.artnet.com/in-brief/richard-serras-market-distorted-by-online-auctions- 71382 (consulté le 12 décembre 2014) 105 Vogel, Carol, op. cit. 106 Duray, Dan, 12/12/14, op. cit. 107 Voir Annexe H 108 Résultats de l’enchère Auctionata Auction No.9 du 21/06/13, https://auctionata.com/intl/s/62/paintings-works-on-paper-and-sculptures#objects (consulté le 19 décembre 2014) 109 Communiqué de presse d’Auctionata, Auctionata breaks online record: Egon Schiele’s « reclining woman » auctioned Live for €1.8 million (US$2.4 million), 24/06/13, accessible à https://auctionata.com/intl/press/press-releases, (consulté le 09 mai 2015)
  • 37. Page | 37 2. Les œuvres emblématiques et les nouvelles œuvres De manière peu surprenante, les objets qui sont le plus facilement vendus sont des œuvres emblématiques qui sont facilement identifiables. Cela explique par exemple le prix que nous avons exposé plus haut concernant le Richard Serra vendu par Christie’s. Ces objets ont pour avantage d’être facilement reconnus de tous. Les acheteurs ont ainsi la sensation qu’ils ne seront pas déçus par leur acquisition, quand bien même ils ne peuvent voir l’œuvre physiquement. Toutefois nous pouvons remarquer plusieurs dynamiques sous- jacentes qui peuvent contribuer à expliquer ce phénomène. Tout d’abord le nombre de jeunes inexpérimentés contribue probablement à cette recrudescence d’œuvres emblématiques dans les résultats. Ne connaissant que peu le marché, il s’agit d’une population qui ne souhaite prendre que peu de risque. De plus la tendance à l’achat d’œuvres d’art en tant qu’investissement contribue sans aucun doute à cette tendance ; la capacité d’une œuvre à être reconnue facilement lui permet d’avoir une plus grande liquidité110. La recrudescence d’œuvres emblématiques à des prix relativement élevés est caractéristique du marché de l’art de manière général en ce moment et ne peut être attribué spécifiquement au marché des ventes aux enchères sur internet. Toutefois il vrai que ce phénomène est amplifié sur ce dernier type marché. Les ventes sur internet ont aussi permis de créer un marché pour certains artistes qui étaient auparavant peu présents en vente aux enchères. Le phénomène de découverte d’artistes sur internet n’est pas nouveau, cependant il s’agit là d’une nouvelle étape qui consiste en leur monétarisation et à l’établissement de leur cote sur le marché 110 Une œuvre reconnaissable est facilement revendable et permet donc d’en disposer facilement. Ainsi en cas de besoin le propriétaire peut rapidement l’échanger contre une somme d’argent.
  • 38. Page | 38 international. Ainsi on peut citer la vente Saffronart des 12 et 13 mars 2008 111 qui a permis d’établir des records pour 21 artistes contemporains indiens112. Qui plus est, cette vente a rapporté 7,2 millions USD, bien au-dessus de l’estimation haute avant la vente qui était de 5,1 millions USD113. Enfin, il est important de remarquer que 25% des acheteurs assistant à cette vente n’étaient pas indiens. Ce phénomène ne s’est sûrement pas ralenti puisque la vente des 3 et 4 septembre 2008 a apporté des résultats similaires avec 86 lots sur les 130 présentés114 dépassant leur estimation haute115. Dans ce dernier cas, 45% des acheteurs étaient étrangers, dont une grande majorité était basée aux Etats-Unis116. Finalement ce n’est qu’à partir de 2011 que Saffronart a commencé à estimer correctement les lots vendus et à rentrer dans ses prévisions117. Aussi il est tout à fait évident que dans ce cas nous sommes face à un site internet qui ne connaissait pas le succès, ou non, qu’auraient les lots présentés et que leur estimation s’est faite à tâtons. De plus, il s’agissait majoritairement d’artistes qui sont difficilement achetables en dehors de l’Inde, ce qui compliquait fortement l’établissement de leur cote, et la présence de nombreux acheteurs étrangers a sans aucun doute contribué à tirer les prix vers le haut de manière inattendue. Les ventes Saffronart ont ainsi permis l’établissement de la cote de nombreux artistes indiens à l’international. 111 Kinsella, Eileen, « $7.2M online sale of India’s art sets 21 records et Saffronart », Artnews.com, 01/04/08, http://www.artnews.com/2008/04/01/7-2m-online-sale-of-indias-art- sets-21-records-at-saffronart/ (consulté le 22 avril 2015) 112 Le lot le plus cher était Subodh Gupta, Idol thief I, 2005, vendu pour 1,1 millions USD avec une estimation prévente entre 500 000 et 700 000 USD 113 Cela représente tout de même 40% de plus que l’estimation haute. 114 Le taux de ravalé à cette vente était de 20%, en réalité 104 lots ont été vendus, portant ainsi le taux de lots vendus dépassant leur estimation haute à 83% 115 Grant, Daniel, « Contemporary Indian art soars at Saffronart online auction », Artnews.com, 16/09/08, http://www.artnews.com/2008/09/16/contemporary-indian-art-soars-at-saffronart- online-auction/ (consulté le 22 avril 2015) 116 Ibidem 117 Kinsella, Eileen, « Indian Art fetches solid prices at online auction », Artnews.com, 02/08/11, http://www.artnews.com/2011/02/08/indian-art-fetches-solid-prices-at-online-auction/ (consulté le 23 avril 2015)
  • 39. Page | 39 3. Typologie des œuvres vendues En plus de ces considérations générales, il existe une typologie des œuvres vendues établie par le rapport Hiscox 2015118. Celui-ci détermine six catégories119 : - Les peintures viennent en première position. En théorie relativement plates, bien certains artistes contemporains dérogent à cette généralité, une image peut suffire pour apprécier l’œuvre. Toutefois, les prix sont en général relativement élevés et demandent donc un investissement plus conséquent. Leur avantage, cependant, est d’être unique. L’unicité de la pièce permet bien entendu d’obtenir des prix plus élevés mais permet aussi une revente à un tarif plus intéressant, ce qui peut attirer de nombreux investisseurs qui considèrent l’art comme un « asset » parmi tant d’autres. Ainsi, si l’achat de telles œuvres est assez risqué, le gain potentiel est plus important. - Les lithographies et reproductions viennent en deuxième position. Ceci n’est pas surprenant puisqu’il n’existe pas de mauvaises surprises, les photos ne pouvant que peu diverger entre ce que l’on voit à l’écran et la réalité120. Il faut aussi remarquer que l’on se situe sur des œuvres facilement reconnaissables puisque l’on parle souvent de reproductions d’œuvres qui sont extrêmement connues, combinant ainsi les avantages de la conformité et de l’identification. Le secteur qui marche le mieux est les reproductions à tirage limité, tentant ainsi de compenser le relativement mauvais investissement qu’elles représentent puisqu’elles sont très difficiles à revendre. - Les photographies sont la troisième catégorie d’œuvres les mieux vendues sur internet. Ceci n’est pas surprenant puisqu’il n’existe également pas de mauvaises surprises avec les photographies. 118 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 119 Ces catégories sont définies pour le marché de l’art en ligne et non spécifiquement pour les ventes aux enchères en ligne, ce qui peut être considéré comme partiellement problématique. Toutefois il s’agit là de la seule source existante sur la question. 120 Les écrans non calibrés des particuliers peuvent cependant amener à des désagréments
  • 40. Page | 40 En effet, ce que l’on voit à l’écran est très peu susceptible d’être fortement différent du produit réel, comme avec les lithographies. L’explosion du marché en ligne de la photographie n’est probablement pas attribuable au seul fait que ces enchères se déroulent sur internet et a probablement un rapport plus général à l’importance plus grande que prend la photographie sur le marché de l’art. - Les sculptures, enfin, viennent en quatrième position du classement Hiscox. Il semble logique qu’il s’en vende une quantité inférieure notamment parce qu’une quantité inférieure de sculpture est disponible sur le marché. Il faut ajouter à cela qu’il est extrêmement compliqué de juger de la qualité d’une sculpture à partir d’une simple image, ce qui représente sans aucun doute un frein à l’achat. Cependant les sculptures se situent sur un créneau de prix supérieur, étant le plus régulièrement celles qui sont vendues pour plus de 50 000 €. A ce titre elles ne doivent pas être négligées : leur volume est faible mais leur rendement est important. Enfin, de la même manière qu’avec la peinture, dans le cas d’une sculpture on se situe sur une pièce unique, ce qui représente donc un intérêt accru pour un enchérisseur du type investisseur. - Les dessins représentent une part croissante du marché de l’art en ligne. Ce phénomène est plus difficilement explicable. Peut- être cela est-il attribuable à la clientèle inexpérimentée qui a de plus grandes facilités à comprendre un dessin plutôt qu’une œuvre plus abstraite ? Dans tous les cas le dessin a encore une fois l’avantage de pouvoir être facilement reproductible en photographie. - Les nouvelles formes d’art liées aux nouveaux médias semblent être les grandes absentes de ce classement ! Ainsi l’art vidéo, par exemple, ne représente toujours qu’un très faible pourcentage des ventes en ligne, alors qu’il serait assez facile de présenter ce type d’œuvre dans un catalogue virtuel ; en vérité bien plus aisé que dans un catalogue d’enchères traditionnel. Ceci nous apprend que
  • 41. Page | 41 le marché de l’art vidéo, et de l’art utilisant les nouvelles technologies plus largement, est toujours en devenir et met du temps à s’épanouir. Après tout la photographie existe depuis 1839 et son marché ne commence à prendre de l’ampleur que depuis quelques années. Il n’est donc pas surprenant que le marché de l’art vidéo ait besoin d’encore un peu de temps pour atteindre une certaine maturité. En somme il semblerait que les œuvres les plus vendues sur internet correspondent à plusieurs critères : - Elles doivent en général pouvoir être facilement représentées sur une photographie, si bien que l’on doit avoir suffisamment confiance en cette dernière pour ne pas avoir besoin de voir l’original. - Elles doivent souvent être aisément reconnaissables, ce qui explique en partie le grand nombre de lithographies vendues Il est très intéressant de noter par ailleurs que de nombreuses personnes disent se rendre sur les sites d’enchères sur internet afin de trouver des objets qu’ils ne trouveraient pas sans ce médium121,122. Bien entendu, les maisons de vente font le tri dans ce qu’elles proposent, ce qui limite quelque peu la demande. Toutefois un site internet qui ne ferait absolument aucun tri ne pourrait perdurer bien longtemps, étant trop coûteux. Ainsi les maisons de vente virtuelles ne prennent que peu de risques supplémentaires, contrairement aux conceptions habituelles des acheteurs. De plus il y a presque moins de choix puisque les œuvres facilement reproductibles en photographie sont très fortement favorisées et on ne voit que très peu de meubles design par exemple ! En réalité il n’existe pas un panel plus large sur internet, mais la recherche est facilitée ! Lors 121 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 122 Entretien avec Pierre Naquin, op. cit.
  • 42. Page | 42 d’enchères physiques il faut se déplacer, ce qui oblige parfois à faire de longs trajets pour aller récupérer certaines pièces. De plus toutes ne sont pas cataloguées. Mais un professionnel qui est spécialisé dans un domaine pourra toujours trouver ce qu’il veut. En revanche, le particulier ou le jeune investisseur ne connaissent pas les arcanes du métier et ne prendront pas le temps de les apprendre, cela ne les concernant pas. Aussi, il leur semble très difficile de trouver une pièce. Internet leur permet de contourner facilement cet obstacle et de les trouver grâce à des moteurs de recherche performants Qui plus est, il est très courant qu’ils ne sachent pas ce qu’ils souhaitent acquérir, étant peu familiers avec le marché de l’art. Or les sites de vente aux enchères proposent très souvent du contenu, au lieu de purement et simplement présenter les ventes, permettant ainsi à un novice de découvrir le milieu. Bien entendu les sites les plus réputés seront ainsi, à terme, amenés à définir les œuvres qui auront de la valeur ou non sur le mid-market grâce à cette influence sur les consommateurs dont le goût aura été formé par leur bon vouloir. Conclusion Pour résumer, on peut signaler que les objets vendus sur internet appartiennent en général au mid-market et sont donc le plus souvent adjugés à des prix compris entre 5 000 et 100 000 USD. Ils sont également aisément identifiables et facilement représentables en photographie. Contrairement à de nombreuses conceptions, internet ne propose pas une importante quantité d’objets introuvables en salle, c’est uniquement la recherche de l’objet qui est plus aisée grâce à ce médium. Les seuls cas où cela pourrait être considéré comme faux sont celui de jeunes artistes que les maisons de vente ne souhaitent pas présenter aux enchères, celui d’artistes étrangers peu représentés à l’étranger, et le cas d’artistes qui considèrent qu’il leur faut à présent profiter du rayonnement d’internet afin de lancer ou consolider leur carrière.
  • 43. Page | 43 D. Le capital confiance Si les objets se situent sur le mid-market et sont donc de valeur moyenne, il reste tout de même relativement compliqué pour un site internet de se démarquer des autres. Comment convaincre les acheteurs d’acheter sur sa plateforme plutôt qu’une autre ? Parmi les éléments importants se trouve la capacité du site à mettre l’internaute en confiance, nouvelle donnée très importante du commerce en ligne. 1. Faire confiance à un site Bien que l’on se situe sur le mid-market, et donc sur des œuvres qui ont des valeurs relativement basses, il s’agit toujours d’un marché qui représente des sommes importantes. A ce titre il est tout à fait primordial que la confiance s’instaure entre le client et le vendeur, au même titre qu’elle s’installe habituellement entre une galerie et un client. Toutefois comment faire confiance à un site internet ? On peut comprendre que cela ne soit pas aisé pour beaucoup de personnes puisqu’il ne s’agit que d’une entité virtuelle qui n’a aucune existence physique et l’on se trouve donc dans un cas où l’on sait qu’il n’y aura pas de bureau des réclamations en cas de problèmes. Il s’agit sans aucun doute d’un élément contraignant pour les enchérisseurs qui souhaitent acquérir des œuvres de haute valeur et qui pourraient trouver que leur achat ne correspond pas à ce qui été annoncé sur le site internet. Pour ne pas aider ces possibles hésitations, peu de ces sites publient leurs résultats123. Ceci qui pourrait, d’après certains experts, entamer le peu de confiance établie avec peine entre les clients et les sites internet 124 , 125 . Ainsi des sites comme Auctionata ou 123 Kazakina, Katya, op. cit. 124 Houël, Alexandra, « Le marché de l’art global doit-il craindre l’opacité des ventes d’œuvres d’art en ligne ? », 23/09/13, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/114414/le-marche-de-l-art-global-
  • 44. Page | 44 LiveAuctioneers choisissent de publier leurs résultats d’enchères malgré l’absence d’obligation légale126 . Il est vrai que cette non- publication habituelle garde ce marché dans une certaine opacité qui peut le discréditer. Le client ne sait pas si l’œuvre qu’il souhaite acheter a vraiment la valeur estimée par le site internet ou non. Il ne sait pas non plus si ce site a vendu beaucoup d’œuvres à ce prix par le passé ou non. De même les ravalés ne sont pas publiés. Autant d’éléments qui impactent la cote des artistes mais qui sont des données inconnues sur internet127,128. D’un autre côté, cela fait le jeu de nombreux investisseurs, le prix d’achat n’étant pas divulgué, revendre un objet au prix souhaité n’en est que plus facile comme nous l’avons évoqué plus tôt129. En somme faire confiance à un site internet peut être un processus relativement long qui peut freiner l’arrivée de nouveaux acteurs sur ce marché. Toutefois il existe des techniques mises en œuvre par les différentes plateformes afin de pallier à ce problème. 2. Les valeurs sûres La technique la plus courante est sans hésitation celle que je nomme « des valeurs sûres ». Les plus favorisés à ce jeu sont sans aucun doute les maisons de vente aux enchères traditionnelles comme Christie’s 130 . En effet personne ne remet en doute le sérieux de Christie’s, aussi il est extrêmement facile d’acheter sur le site de la maison de vente en se sentant en toute confiance. Et Christie’s en a parfaitement confiance, faisant très peu de promotion autour de ses ventes sur internet, elle applique une politique qui consiste à laisser le client venir à elle doit-il-craindre-l-opacite-des-ventes-d-oeuvres-d-art-en-ligne-.php (consulté le 20 novembre 2014) 125 Clark, Garth, op. cit. 126 Kazakina, Katya, op. cit. 127 Houël, Alexandra, op. cit. 128 Kazakina, Katya, op. cit. 129 Clark, Garth, op. cit. 130 Géniès, Bernard, op. cit.
  • 45. Page | 45 comme nous le verrons plus en détail dans le chapitre II. La maison de vente part en effet du principe qu’elle est reconnue et que si les clients souhaitent acheter en ligne ils viendront d’eux-mêmes regarder ce qu’elle propose. Si un site n’est pas associé à une maison traditionnelle il lui faut gagner cette légitimité. Pour cela il lui faut donc trouver des partenaires qui sont respectés. Paddle8 a par exemple choisi de s’associer à des grands noms du monde de l’art ! En effet, cette plateforme est soutenue de manière publique par Damien Hirst ou encore Jay Jopling. LiveAuctioneers a décidé de faire entrer à son capital Bessemer Venture Partners131, notamment connu pour avoir investi dans Skype, Linkedin, Yelp ou encore Pinterest132. Auctionata a suivi un modèle similaire plus tôt en 2015 en faisant rentrer dans son capital de grands groupes du monde entier comme Hearst Ventures (New York), Kreos Capital (Londres) et Yuan Capital (Hong Kong)133. Ses associations indiquent ainsi à tous les professionnels du monde de l’art que ces sites sont considérés comme respectables. Cela n’impacte pas directement les usagers bien entendu, qui eux n’entendront probablement jamais parler de ces entrées aux capitaux des différents sites. Toutefois la reconnaissance par les pairs leur permet de faire leur chemin dans le milieu. C’est donc avant tout le milieu de l’art qui les considère comme légitime. Ainsi lorsqu’un client potentiel sera à la recherche d’un site d’enchères sur internet, le site qui aura atteint ce statut arrivera dans les premiers résultats et beaucoup de commentaires favorables existeront à son sujet. 131 Eggs, Nathalie, « LiveAuctioneers s’ouvre à un fonds d’investissement », LeJournaldesArts.fr, 20/11/14, http://www.lejournaldesarts.fr/site/archives/docs_article/124215/LiveAuctioneers-s-ouvre-a- un-fonds-d-investissement.php (consulté le 18 janvier 2015) 132 Duray, Dan, « Liveauctioneers raises $47.6 M. in venture capital », Artnews.com, 19/11/14, http://www.artnews.com/2014/11/19/liveauctioneers-raises-47-6-m-in-venture-capital/ (consulté le 9 mars 2015) 133 Ghorashi, Hannah, op. cit.
  • 46. Page | 46 3. L’e-réputation Les commentaires sont en effet la nouvelle arme des internautes. Dans un univers où il n’est pas possible de vérifier ce qui est dit puisque l’on ne peut pas physiquement être sûr des produits et prestations proposées par les différents sites internet et étant donné qu’il est extrêmement difficile de trouver le propriétaire d’un site internet, les internautes se basent très souvent sur une communauté virtuelle afin de faire leurs choix. Cela peut paraître anodin dans le choix d’un site de vente aux enchères d’art. Cependant, d’après le dernier rapport Hiscox beaucoup de personnes trouvent leur plateforme de vente de prédilection suite à des recommandations et se basent sur des références en la matière d’après les réseaux sociaux 134 . Cela montre aussi qu’il est très important pour les différents sites d’enchères d’être présents dans le paysage des réseaux sociaux, tels que Facebook ou Twitter 135 . Il semblerait que beaucoup aient négligé cet aspect, se prévalant d’un côté traditionnel des ventes aux enchères. En effet, habituellement il s’agit d’un monde qui est plutôt fermé dont les différents acteurs, vendeurs ou acheteurs, cherchent volontairement à garder une certaine discrétion. Cependant ce type de stratégie n’est pas compatible avec les modèles d’entreprises virtuelles, ce qui pousse le monde de l’art à revoir ses bases sociologiques. Ainsi l’on se déplace vers un mid- market de l’art qui est beaucoup plus ouvert, beaucoup plus accessible et surtout dont les noms des différents acteurs, bien loin de se cacher, cherchent au contraire à se faire connaître. Mais aussi, contrôler son e-réputation est une chose extrêmement ardue. Un des avantages d’internet est l’instantanéité. Toutefois ce peut aussi être un de ses inconvénients. Alors qu’il est facile de cacher un événement isolé qui surviendrait en salle de vente, cacher un événement sur internet est proche de l’impossible. Les acteurs 134 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit. 135 Rapport Skate Printemps 2015, op. cit.
  • 47. Page | 47 traditionnels comme Sotheby’s ne maîtrisent que peu ces outils136 et cela explique sûrement en partie la manière dont la maison de vente se fait distancer par Christie’s par exemple qui, elle, essaye de développer sa communication sur les réseaux sociaux137. Cela donne clairement un avantage aux nouveaux venus qui se basent uniquement sur internet et qui sont rompus à ces techniques. Il est par ailleurs très intéressant de constater que les sites de vente aux enchères en ligne ne laissent pas la possibilité de poster des commentaires, ce qui est fortement inhabituel. Cela est aussi symptomatique de modèles qui maîtrisent mal les outils du web 2.0 et qui entendent opérer une simple transposition des manières de faire des ventes physiques au virtuel. Bien entendu cela peut fonctionner pour les ventes Live puisque les clients viennent pour acheter des objets spécifiques à une vente et utilisent la plateforme pour ne pas avoir à se déplacer. En revanche, ce n’est pas une technique probante lorsque l’on se tourne vers les enchères uniquement en ligne. 4. Les gages de confiance, rassurer l’internaute Etant donné les investissements demandés, tous les gages de confiance ci-dessus ne suffisent pas toujours aux internautes. Ou plus exactement, dans un certain nombre de cas elles suffisent aux internautes qui sont rompus aux techniques du marché de l’art et qui ont déjà décidé de faire leurs achats d’art sur ces plateformes sans pour autant attirer suffisamment de nouveaux clients potentiels. Or, comme nous le verrons plus loin, la majorité des modèles demandent une base de clients très importante, impliquant donc qu’il est primordial d’en attirer le plus grand nombre possible. Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, la plupart des clients achètent sur de multiples plateformes et ne sont pas particulièrement fidèle à une plateforme. Il 136 Holpuch, Amanda, op. cit. 137 Rapport Skate Printemps 2015, op. cit.
  • 48. Page | 48 s’agit là clairement d’un comportement relativement nouveau qui n’est pas spécifique à internet mais plutôt au marché de l’art tel qu’il est conçu actuellement. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs influents, notamment asiatiques, qui n’ont pas les mêmes conceptions des affaires, il n’est plus très commun d’être fidèle à une maison de vente particulière. Le phénomène est amplifié sur la toile puisque dans ce cas le client est à la recherche d’objets spécifiques et va donc sur le site qui propose ceux qu’il désire, mais il reste similaire aux nouvelles dynamiques observables dans le monde physique. La fidélisation deviendra sûrement un enjeu à terme et se produira peut-être en partie grâce à la qualité du contenu proposé par le site, ou plus particulièrement de ce qu’il choisira de promouvoir. D’après certains spécialistes, il n’y aura probablement de la place que pour une poignée d’acteurs138, il est donc indispensable d’être plus attractif que les autres tout de suite pour les sites de vente aux enchères sur internet. Pour cela, le gage le plus courant est l’emploi d’experts. Auctionata par exemple se vante de recourir aux services de plus de 200 experts partout dans le monde 139 . Expertissim s’est créé sur la base d’experts140. Ces experts permettent de donner de la crédibilité au site en signifiant que les prix ne sont pas fixés au hasard, mais plutôt par des personnes qualifiées qui pourraient parfaitement être les mêmes que celles qui fixeraient le prix d’un objet dans une maison de vente traditionnelle. Ces experts ne servent pas qu’à crédibiliser la vente puisqu’ils offrent aussi, en général, des estimations des biens pour les internautes, d’après simple photo dans le cas de Paddle8 par exemple. Ainsi il s’instaure un dialogue entre le client et la plateforme, un échange, qui lui permet d’humaniser la structure et de se sentir en confiance. En faisant cela, les différentes plateformes signifient que c’est un monde qui est ouvert à tous, n’importe quel individu qui pense avoir un objet de 138 C’est notamment la position de M Pierre Naquin, fondateur d'A&F Markets et directeur de publication d’AMA (Art Media Agency) 139 Site d’Auctionata, op. cit. 140 Zawisza, Marie, op. cit.
  • 49. Page | 49 valeur pouvant soumettre sa photo et savoir très rapidement si en effet c’est le cas ou non. Le côté expertise est probablement l’un de ceux qui attire le plus les nouveaux clients qui n’ont ainsi pas besoin de se déplacer pour savoir s’ils possèdent des objets de valeur. Il est à noter que les certificats d’authenticité et les états de conservation se généralisent. Suivant le rapport Hiscox il s’agit d’une volonté des acheteurs 141 . Ainsi de nombreuses plateformes les proposent presque systématiquement. Ceci a bien entendu pour effet de rassurer le client, bien qu’un certificat d’authenticité n’ait légalement que peu de valeur. Enfin, afin de mettre en confiance les nouveaux arrivants, de nombreux sites choisissent la carte de la transparence. Signifiant qu’ils n’ont rien à cacher, certains, comme Auctionata, permettent d’obtenir une estimation du coût total d’un objet, frais et transport inclus. De la même manière ils rendent de plus en plus souvent publics les résultats des enchères passées comme évoqué plus haut. Conclusion En matière d’achat en ligne, la confiance est absolument primordiale. Ce besoin de confiance explique aussi sûrement en partie pourquoi de nombreux spécialistes estiment qu’il n’y a de la place que pour quelques acteurs sur ce marché : celui qui a acquis la confiance des internautes aura gagné, ceux-ci n’étant pas prêt à changer pour une plateforme inconnue. Dans ce contexte s’imposer en tant que nouvel acteur serait faire preuve d’un véritable tour de force. 141 Rapport Hicox et ArtTactic sur le marché de l’art en ligne 2015, op. cit.
  • 50. Page | 50 Afin d’obtenir cette confiance les différents sites redoublent d’ingéniosité, soit en s’adossant à des maisons traditionnelles, ou en cherchant le soutien d’investisseurs réputés.
  • 51. Page | 51 E. Les écueils les plus courants En dehors de ces problèmes de mise en confiance du client, il existe des écueils qui sont très courants et auxquels les clients ne sont pas toujours attentifs. Pourtant certains de ces pièges communs peuvent grandement affecter le prix ou même faire perdre le lot. Egalement, tomber dans certains d’entre eux peut gravement entamer le capital confiance que les sites mettent tant de temps à établir avec leurs clients. 1. Les problèmes de connexion Les problèmes de connexion internet sont extrêmement courants et peuvent sembler tout à fait banals. En réalité, si banals que beaucoup ne souhaiteraient certainement pas les mentionner. Il est vrai qu’avec une mauvaise connexion internet il n’est pas possible de faire des achats en ligne, cela est évident ! Toutefois il ne faudrait pas oublier la portée de cette réalité des faits. Il existe des pays où avoir une connexion internet fiable est relativement rare et où, quel que soit la richesse de la personne, elle ne pourra être en permanence en ligne. Bien entendu il s’agit d’une large frange de la potentielle clientèle mondiale qui est perdue par ce biais, dont une partie dans les pays émergents qui seraient pourtant probablement des moteurs très dynamiques du marché. Hors le cas évident d’absence pure et simple de connexion internet, il existe des cas de déconnexion lors d’une enchère. C’est un phénomène qui peut être très courant lors de certaines enchères qui drainent un nombre important de personnes, ce qui oblige, bien entendu, les différentes plateformes à avoir des serveurs suffisamment performants pour pouvoir accueillir toutes les personnes enregistrées sans être saturées 142 . Il s’agit là sans aucun doute d’un coût relativement conséquent qui ne doit pas être négligé. La plateforme doit 142 Ce problème était particulièrement courant au début des années 2000. A présent la majorité des serveurs peuvent accueillir jusqu’à 400 enchérisseurs virtuelles, ce qui représente un nombre important mais pas pour autant inatteignable.