Enseignement et formation à distance : éléments de construction
Documcu d'aide à la formation pédagogique des tentraneurs (par Jacques Saury)
1. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 1
Introduction
Avec cette publication, nous avons préféré
réaliser et présenter un document d’aide à la
formation plutôt que de développer les arguments
théoriques et épistémologiques susceptibles
d’inspirer une approche « nouvelle » de la formation
des entraîneurs. Ce choix est sans doute le plus
utile pour les entraîneurs et les formateurs. C’est
également le plus ambitieux, car il englobe de fait
les deux objectifs. C’est enfin le plus périlleux
car si il suppose une réflexion approfondie sur la
conception de la formation, il prend également le
risque de sa mise à l'épreuve à travers un outil
concret. Cette introduction présente en quelques
pages les ancrages théoriques fondamentaux sous-
jacents à la conception de ce document. Compte-tenu
du caractère synthétique de leur présentation, nous
demandons au lecteur de ne pas juger ceux-ci
isolément, mais de considérer la façon dont ils
inspirent les contenus proposés.
Un document d’aide à la formation
pédagogique des entraîneurs de voile
Nous empruntons la notion d’aide à un courant de
l’ergonomie cognitive qui considère l’aide comme
l’un des principaux objets de la conception des
situations de travail. Dans cette perspective, la
conception en termes d’aide se distingue
fondamentalement de la conception en termes de
prothèse (Theureau et Jeffroy, 1994). Cette
distinction nous paraît particulièrement pertinente
pour la conception de documents susceptibles de
favoriser la formation en général, et la formation
des entraîneurs en particulier. Elle signifie que de
tels documents ne doivent pas prétendre se
substituer à l’activité de conception du formateur,
mais viser à favoriser la pertinence et l’efficacité
de cette activité de conception.
Le document proposé est conçu comme un document
d’aide à la formation pédagogique des entraîneurs de
2. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.2
voile. Il s’adresse aux entraîneurs et aux
formateurs d’entraîneurs intervenant dans différents
cadres, tout en étant plus précisément destiné à
être utilisé dans le cadre des formations
d’entraîneurs fédéraux de la FFV. A ce titre, il a
fait l’objet de deux expérimentations au cours des
années 1995 et 1996 (dans une version moins
achevée). Bien que son organisation prenne en compte
l’architecture générale des stages de formation « B1
et D1 Entraîneurs » de la FFV (en se limitant
notamment aux Modules Pédagogiques), celui-ci est
également conçu pour fournir à l’entraîneur des
points d’appui tout au long de sa « carrière »
d’entraîneur: son utilité dépasse le cadre limité
d’un stage de formation.
Une conception alternative à la Rationalité
Technique
La démarche de conception de ce document est
largement inspirée des travaux de Schön (1994,
1996a, 1996b). Cet auteur examine de façon critique
le caractère dominant dans les formations d’une
épistémologie de la pratique qualifiée de
« Rationalité Technique ». Cette critique nous
parait s’appliquer avec pertinence aux formations
d’entraîneurs et d’enseignants dans le domaine
sportif, et stimule actuellement quelques
propositions alternatives (Durand, Arzel et Saury,
1996). En résumé, le modèle de la Rationalité
Technique postule que la pratique des entraîneurs
consiste en l’application de principes d’efficacité
rationnels (généralement déduits des recherches
scientifiques). La plupart des « théories » et des
« méthodologies » de l’entraînement sportif sont
fondées sur ce modèle. Or il apparaît que la
compétence de l’entraîneur ne se réduit pas à la
mise en oeuvre d’une ingénierie. Les exigences
complexes des situations d’entraînement et la
singularité des relations entraîneurs-athlètes
soumettent les entraîneurs à des problèmes pratiques
mal-définis (Côté, Salmela, Trudel, Baria et Russel,
1995; Simon, 1973). Ceux-ci leur imposent de
recourir à une « réflexion en action » (Schön, 1994)
leur permettant de délimiter les problèmes à
résoudre, et de développer des connaissances
pratiques extrêmement contextualisées et adaptatives
à partir de leurs expériences pratiques.
L’alternative à laquelle nous nous référons dans
ce document est celle dite de la « pratique
3. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 3
réflexive » (Schön, 1994). Elle se traduit de façon
concrète dans ses contenus par:
• une approche de chaque thème à partir de cas
concrets et de références à des situations
pratiques;
• une aide à la délimitation des problèmes
pratiques;
• une attention singulière portée à l’expérience
pratique comme source d’apprentissage pour
l’entraîneur.
La prise en compte des spécificités de
l’entraînement
L’analyse de l’entraînement a longtemps emprunté
les modèles d’analyse de l’enseignement. Ainsi, dans
le cadre des formations d’entraîneur, les
compétences pédagogiques sont encore actuellement
analysées essentiellement en référence aux tâches
d’enseignement sportif. Or si certaines de leurs
tâches sont relativement comparables (par exemple
conduire une séance d’enseignement ou
d’entraînement), l’enseignant et l’entraîneur sont
également confrontés à des tâches spécifiques de
leur domaine, qu’il convient de prendre plus
précisément en considération.
4. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.4
Une adaptation du modèle de Côté et al. (1995)
(schéma ci-dessus) permet d’identifier les quatre
grands domaines à l’intérieur desquels s’inscrit
l’action de l’entraîneur. Ces domaines caractérisent
les composantes du « travail » de l’entraîneur.
L’organisation du document se réfère à ces quatre
domaines d’action de l’entraîneur: chaque domaine
constitue un Module de formation à l’intérieur du
document, lui-même subdivisé en plusieurs Thèmes,
recouvrant pour chacun d’entre eux une compétence
spécifique à développer par l’entraîneur.
L’analyse des connaissances et des
pratiques des entraîneurs experts en voile
La démarche et les contenus de cette formation
s’inspirent des résultats d’un programme de
recherche de terrain conduit dans une perspective
cognitive et ergonomique, et portant sur les
pratiques et les connaissances d’entraîneurs experts
en voile. Les développements actuels de ce programme
Développement des
performances des
régatiers
Entraînement Compétition
Organisation
Planification
Evaluation
Régulation
FACTEURS
DE
CONTEXTE
CARACTERISTIQUE
S
DE
Î
CARACTERISTIQUE
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Développement des
performances des
régatiers
Entraînement Compétition
Organisation
Planification
Evaluation
Régulation
FACTEURS
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CONTEXTE
CARACTERISTIQUE
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Î
CARACTERISTIQUE
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DES
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5. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 5
ont fait de publications antérieures (Saury et
Durand, 1995a, 1995b, 1995c). Les études accomplies
ont permis de cerner la nature des problèmes
pratiques spécifiques auxquels sont confrontés les
entraîneurs en voile, et la nature des compétences
et des connaissances qu’il semble important de
développer chez des entraîneurs de voile. Deux
aspects fondamentaux ressortent de cette analyse,
qui sont pris en compte de façon centrale dans les
contenus de ce document.
a) Les tâches auxquelles sont confrontés les
entraîneurs de voile, à l’entraînement et en
compétition sont complexes, incertaines,
singulières, dynamiques, et parfois conflictuelles.
Elles requièrent la mise en jeu de stratégies
d’anticipation et d’intervention extrêmement
flexibles. L’entraîneur doit apprendre conjointement
à:
• planifier son action de façon souple et
adaptative;
• ajuster et adapter finement son action en cours
de situation, voire improviser.
Par analogie avec l’activité du régatier,
complémentairement aux compétences « stratégiques »
(anticipation des événements, préparation) les
situations d’entraînement requièrent des compétences
« tactiques » chez l’entraîneur (adaptation en
situation, improvisation, opportunisme).
b) l’efficacité de l’entraînement est liée à une
forme de collaboration entre l’entraîneur et les
régatiers qui peut être assimilée à un travail
collectif (Saury et Durand, 1995b). L’entraînement
est d’autant plus efficace que l’entraîneur et le
régatier s’engagent dans une « régulation conjointe
de l’entraînement », c’est-à-dire lorsqu’ils
prennent en charge aussi activement l’un que l’autre
la conception et la régulation de l’entraînement, et
la résolution des problèmes auxquels ils sont
confrontés.
L’expérience comme source privilégiée
d’apprentissage
La référence à une épistémologie de la pratique
accordant à l’action le statut d’une connaissance
autonome s’accompagne logiquement d’une prise en
6. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.6
considération nouvelle de l’expérience pratique
dans le cadre de la formation. Celle-ci est
considérée comme une source d’apprentissage
privilégiée. Cependant, cet apprentissage suppose la
mise en jeu d’une démarche de réflexion sur la
pratique permettant de saisir cette expérience comme
un objet de connaissance, et de la « restructurer »
progressivement. En effet, apprendre de l’expérience
ne se limite pas à accumuler des expériences (chacun
sait qu'une telle "accumulation" peut également
conduire à des conduites sclérosées et peu
adaptatives). La démarche de formation sous-jacente
à la conception de ce document s’inscrit dans le
cadre du Tournant Réflexif qui marque acrtuellement
de nombreuses pratiques de formation d’adultes dans
des domaines professionnels divers (Schön, 1996a).
L’un des Thèmes de ce document a pour objectif de
favoriser le développement par l’entraîneur d’une
démarche lui permettant non seulement « d’apprendre
pour entraîner » mais aussi de façon complémentaire
« d’entraîner pour apprendre ». Cette démarche
emprunte également à des approches de la formation
basées sur l’explicitation de l'action et de
l’expérience (Vermersch, 1989, 1994).
Références
Côté, J., Salmela, J.H., Trudel, P., Baria, A., Russel, S.J. (1995). The coaching model: A grounded
assessment of expert gymnastic coaches’ knowledge, Journal of Sport and Exercise
Psychology, 17, 1-17.
Durand, M., Arzel, G., Saury, J. (1996). Les connaissances pratiques des entraîneurs et des
enseignants d’éducation physique: réflexion sur les conditions de leur développement.
Colloque STAPS bilan et perspetives, Toulouse.
Saury, J., Durand, M. (1995a). Experience and enactive knowledge of sailing expert coaches.
Proceedings of the AIESEP Congress, Wingate (Israel).
Saury, J., Durand, M. (1995b). Etude des connaissances pratiques des entraîneurs experts en voile: de
l’analyse des relations entraîneurs-athlètes à une approche de la situation d’entraînement
comme un travail collectif. Sport, 151, 25-39.
Saury, J., Durand, M. (1995c). Connaissances et pratiques des entraîneurs experts en voile. Rapport au
Ministère de la Jeunesse et des Sports.
Schön, D.A. (1994). Le praticien réflexif. A la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel.
Montréal: Les Editions Logiques.
Schön, D.A. (1996a) (Ed.). Le Tournant réflexif. Pratiques éducatives et études de cas. Montréal: Les
Editions Logiques.
7. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 7
Schön, D.A. (1996b). A la recherche d’une nouvelle épistémologie de la pratique et ce qu’elle
implique pour l’éducation des adultes. In J-M. Barbier (Ed.), Savoirs théoriques et savoirs
d’action, 201-222.
Simon, H.A. (1973). The structure of ill-structured problems. Artificial Intelligence, 4, 181-201.
Theureau, J., Jeffroy, F. (1994). Ergonomie des situations informatisées. Toulouse: Octares.
Vermersch, P. (1989). Expliciter l’expérience. Education permanente, 100-101, 123-132.
Vermersch, P. (1994). L’entretien d’explicitation. Paris: ESF.
Document d’aide à
la formation
pédagogique des
entraîneurs de
voile
9. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 9
Sommaire
Présentation du document ________________________________________________________ 11
Apprendre à se former comme entraîneur
(1)
Identifier le « travail » de l’entraîneur de voile et les compétences à développer _____________ 19
Développer des compétences spécifiques pour agir
efficacement
ORGANISATION ET PLANIFICATION
Favoriser la construction de projets individuels de préparation __________________________ 27
Organiser l’équipe pour un entraînement collectif _____________________________________ 34
Planifier et programmer la saison_________________________________________________ 42
ENTRAINEMENT
Préparer les séances d’entraînement________________________________________________ 53
Conduire les entraînements _______________________________________________________ 70
Organiser des séances d’analyse au retour des entraînements____________________________ 88
COMPETITION
Intervenir au cours des compétitions________________________________________________ 97
Analyser les régates avec les régatiers _____________________________________________ 106
EVALUATION ET REGULATION
Evaluer l’activité et les performances de chaque régatier ______________________________ 115
Surveiller l’évolution des performances et réguler le programme________________________ 126
10. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.10
Apprendre à se former comme entraîneur
(2)
Apprendre de l’expérience_______________________________________________________ 135
11. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 11
Formation pédagogique des entraîneurs de voile
Présentation
du document
Ce document est un outil, conçu comme une aide à la
formation des entraîneurs. Il s’adresse
conjointement aux formateurs et aux entraîneurs-
stagiaires. Il vise à aider les deux partenaires à
orienter et organiser leur travail, au sein de la
démarche de formation proposée. Cette présentation
permet d’avoir une perception globale de la
formation, et d’entrer rapidement dans le vif du
sujet. Elle résume les quatre aspects essentiels de
la conception du document:
1) la philosophie et les fondements de cette
démarche de formation, qualifiée de
« pragmatique »,
2) l’organisation de la formation sur deux axes:
« apprendre à se former comme entraîneur » et
« développer des compétences spécifiques pour
agir efficacement »,
3) le découpage des contenus au sein de Modules
et de Thèmes,
4) l’organisation du contenu de chaque Thème.
1 - Un outil pour une démarche pragmatique
de formation des entraîneurs: philosophie
générale
« Savoir entraîner » une équipe en voile, c’est
avant tout savoir agir. Agir, lors des entraînements
et des compétitions afin de favoriser les progrès et
les performances de jeunes régatiers. Agir pour
stimuler leur goût pour la voile, leur plaisir de
naviguer et d’apprendre, leur goût pour l’effort et
la compétition... Si l’entraînement est une
pratique, pourquoi insister sur le caractère
pragmatique de cette démarche de formation ? Toute
formation à une pratique n’est elle pas
nécessairement pragmatique ? Passons sur les mots,
mais soyons clair sur le fond: cette démarche est
pragmatique parce qu’elle accorde à l’action, au
concret et à l’expérience un rôle essentiel dans le
développement de connaissances et de compétences
d’entraîneur. Comment ? D’abord en mettant en jeu
une relation particulière entre la théorie et la
pratique. Ensuite en s’appuyant sur l’étude
approfondie des pratiques et des connaissances
d’entraîneurs chevronnés. Enfin en prenant en compte
12. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.12
l’expérience et sa restructuration permanente comme
une dimension capitale de la formation.
a) Théorie et pratique: partir de l’action et
du concret
L’idée centrale est que l’entraînement ne se
réduit pas à l’application d’une théorie, fut-elle
élaborée par des experts. Cela signifie que si des
principes théoriques « fondamentaux » d’entraînement
sont utiles à l’action de l’entraîneur et à sa
compréhension des situations pratiques, ceux-ci sont
souvent trop généraux pour lui permettre de faire
face à la singularité des situations concrètes, dont
chacun a pu remarquer qu’elles se présentent
rarement « comme dans les livres » ! Les situations
doivent être délimitées, ou redéfinies chaque fois.
En conséquence, les principes doivent être à
réadaptés, ajustés, ou spécifiés différemment chaque
fois afin de répondre aux exigences des situations
pratiques, ce qui relève d’avantage d’une activité
d’interprétation et de bricolage de solutions « sur
mesures » que de l’application exclusive d’une
« méthode » rationnelle précisément planifiée.
C’est à ce travail d’interprétation et de bricolage
que cette formation accorde son plus vif intérêt,
car il permet progressivement de construire des
connaissances pratiques nouvelles, efficaces dans
les situations réelles rencontrées par l’entraîneur.
Celles-ci permettent progressivement d’élaborer des
solutions pratiques plus adaptées et ainsi de
combler les lacunes des principes généraux. En bref,
théorie et pratique peuvent et doivent mutuellement
s’enrichir, et cela dès les premiers pas de
l’entraîneur dans la formation: l’entraîneur doit
donc dès le début apprendre pour entraîner mais
aussi (et surtout) entraîner pour apprendre.
b) La prise en compte de l’étude des
pratiques et des connaissances d’entraîneurs
chevronnés
La démarche et les contenus de cette formation
ont été conçus en relation avec une analyse
approfondie des pratiques et des connaissances
d’entraîneurs experts en voile. Bien entendu, il ne
s’agit pas de prendre ces entraîneurs comme modèle.
Cela n’aurait aucun sens de vouloir imiter les
comportements, attitudes et trucs d’entraîneurs
olympiques lorsque l’on entraîne une jeune équipe
d’Optimist ! Cependant cette analyse permet de
cerner la nature des problèmes pratiques spécifiques
auxquels sont confrontés les entraîneurs en voile,
et la nature des compétences et des connaissances
qui doivent être développées. Il s’agit là de
13. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 13
caractéristiques fondamentales de l’entraînement en
voile, qu’il est essentiel de prendre en compte dès
les premiers niveaux de formation. Deux
caractéristiques fondamentales ressortent de cette
analyse:
1) les tâches auxquelles sont confrontés les
entraîneurs de voile, à l’entraînement et en
compétition sont complexes, incertaines,
singulières. Elles requièrent une capacité
importante de planification et d’anticipation mais
également une grande adaptabilité et une grande
flexibilité. L’entraîneur doit simultanément
apprendre à planifier et à improviser ! Par analogie
avec l’activité du régatier, complémentairement aux
compétences « stratégiques » (anticipation des
événements, préparation) les situations
d’entraînement requièrent des compétences
« tactiques » chez l’entraîneur (adaptation en
situation, improvisation, opportunisme).
2) l’efficacité de l’entraînement est liée à une
forme de collaboration entre l’entraîneur et les
régatiers qui peut être assimilée à un travail
collectif. L’entraînement est d’autant plus efficace
que l’entraîneur et le régatier s’engagent dans la
mise en commun et la confrontation de leurs points
de vue, et prennent en charge aussi activement l’un
que l’autre la conception de l’entraînement et la
résolution des problèmes auxquels ils sont
confrontés.
c) Expérience, pratique réflexive et
développement des compétences
Nous l’avons déjà dit plus haut, cette démarche
de formation considère la pratique comme une source
de connaissances nouvelles et efficaces pour
l’entraîneur. Soyons lucides: l’accumulation
d’expériences pratiques peut également être une
source de stéréotypie et de sclérose ! Une longue
durée d’expérience chez un entraîneur ne garantit
pas automatiquement ses progrès, même si elle est
indispensable à ceux-ci. Développer ses
connaissances et compétences d’entraîneur sur la
base des expériences pratiques exige une attitude et
une démarche particulières, que nous qualifions
d’engagement dans une pratique réflexive. Cette
formation propose donc conjointement aux
entraîneurs stagiaires et aux formateurs de
s’engager dans une pratique réflexive, basée sur
l’explicitation et l’analyse de leurs expériences
propres, et sur la transmission et la confrontation
de ces expériences. Il s’agit de faciliter une
restructuration progressive de ces expériences.
14. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.14
2 - L’organisation de la formation autour
de deux axes
La formation s’organise autour de deux axes
complémentaires.
Le premier, intitulé « Apprendre à se former
comme entraîneur » articule deux objectifs:
• favoriser l’engagement actif des stagiaires
dans la formation, en leur permettant de situer
clairement les composantes du « travail » pour
lequel ils se forment, et la nature des
compétences qu’ils doivent acquérir;
• favoriser l’acquisition d’une démarche de
« pratique réflexive », permettant à chaque
expérience pratique de devenir une source
d’apprentissage. Cette partie vise à stimuler
l’engagement de l’entraîneur stagiaire dans une
démarche permanente de perfectionnement, bien
au-delà des limites du stage de formation.
Le deuxième, intitulé « Développer des
compétences spécifiques pour agir efficacement »
doit permettre d’initier un travail visant le
développement des compétences requises pour faire
face efficacement aux tâches relatives aux quatre
domaines dans lesquels l’entraîneur doit agir:
organisation et planification, entraînement,
compétition, évaluation et régulation.
3 - Les Modules et les Thèmes
Les contenus de la formation se répartissent au
sein de six Modules de formation subdivisés en
Thèmes de formation. Chaque Module correspond à un
domaine d’action de l’entraîneur. Chaque Thèmes
identifie une compétence spécifique à développer à
l’intérieur de ce domaine.
MODULES THEMES DE FORMATION
Apprendre à se former comme entraîneur (1)
Identifier le « travail » de l’entraîneur de voile, et les compétences à développer
Développer des compétences spécifiques pour agir efficacement
Organisation 1 Favoriser la construction de projets individuels de préparation
et 2 Organiser l’équipe pour un entraînement collectif
Planification 3 Planifier et programmer la saison
1 Préparer les séances d’entraînement
Entraînement 2 Conduire les entraînements
15. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 15
3 Organiser des séances d’analyse au retour des entraînements
1 Intervenir au cours des compétitions
Compétition 2 Analyser les régates avec les régatiers
Evaluation et 1 Evaluer l’activité et les performances de chaque régatier
Régulation 2 Surveiller l’évolution des performances et réguler le programme
Apprendre à se former comme entraîneur (2)
Apprendre de l’expérience
4 - L’organisation des contenus de chaque
Thème
Les contenus de chaque Thème sont organisés selon
la même démarche de présentation. Ils présentent
successivement:
• un court résumé, permettant au lecteur de
prendre rapidement connaissance des objectifs
et des contenus du Thème,
• une première partie, intitulée cas concrets,
présentant des exemples significatifs de la
façon dont les questions relatives au Thème
apparaissent dans les situations pratiques,
• une seconde partie, intitulée délimitation du
problème, conçue pour aider l’entraîneur à
« voir » ou à « comprendre » des problèmes
pratiques complexes de façon à être en mesure
de les résoudre. En d’autres termes, il s’agit
d’une aide à la définition de problèmes, qui
sont en pratique très mal définis. Cette partie
se conclut systématiquement par la formulation
des objectifs de formation correspondant au
Thème,
• une troisième partie, intitulée points d’appui
possibles pour l’entraîneur, proposant un
ensemble de connaissances susceptibles de
favoriser le développement des compétences
visées chez l’entraîneur,
• une sélection de références utiles, regroupant
les sources bibliographiques utilisées pour la
rédaction du Thème concerné, ainsi que les
références de documents permettant un
approfondissement de ce Thème.
16. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.16
5 - L’utilisation du document comme une
aide à la formation par les formateurs et
les entraîneurs
a) Un document d’aide, pas une méthode ni un
programme de formation
Ce document peut être utilement exploité comme
une aide à la conception et à la conduite de stages
de formation d’entraîneurs. La notion de document
d’aide n’est pas neutre. Elle signifie que ce
document ne prétend pas remplacer l’activité de
conception du formateur, mais vise à favoriser sa
pertinence et son efficacité. En conséquence, en
dépit du fait que ses contenus sont organisés en un
système très structuré, ceux-ci peuvent (et doivent)
se prêter à de multiples usages, à de multiples
transformations, réorganisations, enrichissements, à
l’initiative des formateurs et des entraîneurs. Le
choix du terme d’aide souligne bien qu’il ne s’agit
ni d’une méthode, ni d’un programme de formation, ni
d’un référentiel de contenus, ni d’un guide à
respecter. La pertinence de la formation dépend
avant toute chose de « ce qui se passe » dans
l’interaction entre le formateur et le stagiaire, et
ce qui en émerge (heureusement !) ne dépend d’aucune
méthode, fut-elle la « meilleure du monde ».
b) Démarche de présentation des contenus et
démarche de formation
Nous ne proposons donc aucun mode d’emploi, mais
seulement quelques mots sur la démarche de
présentation des contenus au sein de chaque Thème,
afin de faciliter l’usage du document. De façon
schématique, dans chaque Thème les contenus sont
présentés dans leur ordre d’importance en terme
d’aide, des contenus les plus essentiels aux
contenus les plus accessoires, ou adaptables.
1) Le plus important est que chaque Thème fasse
l’objet d’un travail de formation, même si celui-ci
ne s’organise pas conformément contenus proposés. La
simple lecture du résumé peut par exemple aider le
formateur à concevoir une séquence de formation sur
la base de ses connaissances et expériences
personnelles. L’essentiel est que tous les Thèmes
soient abordés, car ils recouvrent des compétences
requises chez un entraîneur.
2) Dans la majeure partie des cas, il nous semble
plus intéressant d’aborder le Thème à partir
d’exemples de situations pratiques, que sur la base
17. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 17
de connaissances ou de principes abstraits. Le
formateur et l’entraîneur peuvent trouver une source
d’inspiration dans les Cas concrets présentés dans
chaque Thème. Ceux-ci sont parfois assez typiques et
peuvent être discutés comme tels. Cependant, ils
sont avant tout destinés à stimuler la recherche par
l’entraîneur et le formateur d’exemples concrets
puisés dans leur propre expérience (ce qui explique
la présentation des cas de façon très schématique ou
allusive dans le document).
3) Nous considérons que pour chaque Thème il est
plus important d’apprendre à comprendre les
situations concrètes, et à « voir » les problèmes
qu’elles posent, que d’aborder le Thème par les
connaissances qui s’y rattachent. Mais c’est
également plus difficile ! La partie Délimitation du
problème fournit une aide à ce travail de
« problématisation ». Elle est conçue pour aider les
entraîneurs et les formateurs à « donner du sens »
aux connaissances abordées dans le Thème.
4) Enfin, la partie Points d’appui possibles pour
l’entraîneur est peut-être la moins essentielle en
terme d’aide à la formation, bien qu’elle représente
la partie la plus volumineuse du document. Elle
présente des connaissances qui sont susceptibles de
constituer des Points d’appui pour l’atteinte des
objectifs de formation visés dans le Thème.
Cependant, leur choix est nécessairement partiel et
discutable... les formateurs sauront les enrichir ou
les remplacer par de plus adaptées.
c) Un instrument de perfectionnement
permanent
Ce document est conçu comme un instrument de
perfectionnement permanent pour l’entraîneur. Cela
signifie qu’il n’est pas « formaté » en relation
étroite avec l’organisation d’un type de stage de
formation (par exemple B1 Entraîneur 1er degré, ou
Entraîneur 2è degré). Il s’inscrit dans une
perspective de formation plus large et aussi plus
ambitieuse, visant à aider l’entraîneur à
restructurer son expérience et à « établir des
relations » avec les Thèmes et les connaissances
abordés en formation tout au long de ses expériences
pratiques.
Références utiles
Cette démarche de formation prend essentiellement
appui au plan théorique
18. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.18
• sur les apports de courants de recherche-action
en formation: celui des « pratiques
réflexives » (Schön, 1994, 1996), et celui des
pratiques d’explicitation (Vermersch, 1989,
1994).
• sur des travaux Nord-Américains sur les
connaissances et la formation des entraîneurs
(Bloom et Salmela, 1995; Côté, Salmela, Trudel,
Baria et Russel, 1995; Salmela, Russel, Côté et
Baria, 1994);
• sur les résultats d’un programme de recherche
sur les connaissances et les pratiques des
entraîneurs experts en voile (Saury, 1996;
Saury et Durand, 1995).
- Bloom, G.A., Salmela, J.H. (1995). Opinion des entraîneurs experts sur la formation des aspirants
entraîneurs. Sport, 151, 46-51.
- Côté, J., Salmela, J.H., Trudel, P., Baria, A., Russel, S.J. (1995). The coaching model: A grounded
assessment of expert gymnastic coaches’ knowledge, Journal of Sport and Exercise
Psychology, 17, 1-17.
- Salmela, J.H., Russell, S.J., Côté, J., Baria, A. (1994). The structure of knowledge of expert coaches.
In J.R. Nitsch & R. Seiler (Eds.), Movement and sport: Psychological Foundations and
effects (pp.56-65). Sankt Augustin: Academia Verlag.
- Saury, J. (1996). De l’analyse des pratiques à la formation des entraîneurs. Mémento Technique de la
FFV - L’entraînement de haut niveau.
- Saury, J., Durand, M. (1995). Etude des connaissances pratiques des entraîneurs experts en voile: de
l’analyse des relations entraîneurs-athlètes à une approche de la situation d’entraînement
comme un travail collectif. Sport, 151, 25-39.
- Saury, J., Durand, M. (1995). Connaissances et pratiques des entraîneurs experts en voile. Rapport au
Ministère de la Jeunesse et des Sports.
- Schön, D.A. (1994). Le praticien réflexif. A la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel.
Montréal: Les Editions Logiques.
- Schön, D.A. (1996) (Ed.). Pratiques éducatives et études de cas. Montréal: Les Editions Logiques.
- Vermersch, P. (1989). Expliciter l’expérience. Education permanente, 100-101, 123-132.
- Vermersch, P. (1994). L’entretien d’explicitation. Paris: ESF.
19. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 19
Se former comme entraîneur (1)
Identifier le
« travail » de
l’entraîneur
de voile et
les
compétences à
développer
Un régatier pourrait-il s’engager efficacement dans
un entraînement sans connaître les caractéristiques
des tâches de compétition à affronter ? La réponse
est évidente: tout entraînement impose à celui qui
s’entraîne de savoir clairement dans quel(s) but(s)
il s’entraîne. Pourtant nous oublions parfois que
cette évidence s’impose pour tout type
d’apprentissage ou d’entraînement, y compris celui
qui conduit à développer des compétences
d’entraîneur. A quelles tâches l’entraîneur doit-il
faire face ? Quel type de difficultés présentent
ces tâches ? Dans quels domaines imposent-elles à
l’entraîneur d’agir, d’acquérir des connaissances
et des compétences ? Ces domaines sont-ils
spécifiques de l’entraînement, ou sont-ils par
exemple partagés par les moniteurs ? Par un travail
sur ce thème, l’entraîneur doit pouvoir répondre à
ces questions. A l’issue de ce travail, il doit
savoir dans quel(s) but(s) il se forme, c’est-à-
dire cerner les aspects essentiels du travail
auquel il se prépare, et quelles compétences il
doit développer.
1 - Partir de questions concrètes
• Quelles différences y-a-t-il entre l’action
pédagogique du moniteur et celle de l’entraîneur
?
Les entraîneurs s’engageant dans la formation sont
parfois déjà moniteurs fédéraux. Ils ont déjà suivi
une formation pédagogique. De ce fait, ils peuvent
s’interroger sur le caractère spécifique de
l’action pédagogique de l’entraîneur. Ces
compétences pédagogiques sont elles les mêmes?
Qu’en pensez-vous ?
20. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.20
• Que doit-on faire lorsque l’on entraîne une
équipe de club ?
La question est volontairement très ouverte afin de
stimuler la réflexion la plus large sur le travail
de l’entraîneur. Posée collectivement à un petit
groupe d’entraîneurs, elle peut générer de
nombreuses propositions, discussions, et
confrontation de points de vue.
• Entraîner consiste-t-il à appliquer une méthode
d’entraînement ?
De nombreux ouvrages proposent des « théories » et
des méthodes « scientifiques » d’entraînement.
L’entraînement consiste-t-il à appliquer
rigoureusement une méthode ?
• L’entraînement: une affaire de méthode ou
d’intuition ?
On présente parfois l’entraînement à la fois comme
« une science » et comme « un art ». Que peut
concrètement recouvrir cette distinction ?
• L’entraîneur prescrit, le régatier exécute: qu’en
pensez-vous ?
Comment cette relation se concrétise-t-elle dans
la pratique ?
2 - Identifier le « travail » et les
compétences de l’entraîneur: délimitation
du problème
En termes triviaux, il s’agit pour l’entraîneur
stagiaire de « savoir où il va » (diriger son action
vers des buts d’apprentissage), « comment il devra y
aller » (quelles compétences il devra développer),
et « pourquoi il devra aborder tel ou tel thème »
(comprendre l’utilité de la formation pour atteindre
ces buts). En bref: son problème est de donner un
sens à son engagement dans la formation.
L’objectif de cette partie est de permettre au
stagiaire de situer les domaines d’action de
l’entraîneur, les tâches auxquelles il est confronté
et les compétences nécessaires pour y faire face,
afin de mieux se repérer dans la formation, et de
comprendre l’organisation des Modules de formation,
et des Thèmes composant chaque module:
• à chaque domaine d’action est associé un Module de
formation,
• à chaque tâche est associée un Thème de formation,
permettant le développement d’une compétence
spécifique.
21. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 21
3 - Points d’appui possibles pour
l’entraîneur
L'entraînement peut être vu comme un « travail »,
même dans le cadre d’une pratique non
professionnelle. C'est une activité finalisée visant
à faire face à une mission particulière: favoriser
le développement sportif d’une équipe de régatiers.
Que recouvre cette mission ? Cette partie propose de
la schématiser en quatre domaines d’action, dont
chacun recouvre des tâches, dont l’accomplissement
requiert des compétences spécifiques.
a) Les quatre domaines d’action de
l’entraîneur
Nous situerons ces domaines d’action en nous
inspirant d’un modèle proposé par Côté et al. (1995)
afin de caractériser les différentes composantes du
travail des entraîneurs sportifs. Ce modèle
(intitulé Coaching model) présente le processus de
préparation sportive en identifiant son but, ses
composantes centrales et ses composantes
périphériques. Les composantes centrales sont
relatives aux quatre domaines d’action des
entraîneurs (cf. Schéma ci-après):
1) Organisation et planification de la
préparation sur la saison,
2) Entraînement: animation de séances ou de
sessions d’entraînement,
3) Compétition: supervision et intervention
auprès des régatiers en compétition,
4) Evaluation et régulation: adaptation du
programme en fonction de l’évolution des
performances au cours de la saison.
22. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.22
Modèle général du processus de préparation (d’après
le coaching Model, Côté et al., 1995)
b) Domaines / Modules, et compétences
spécifiques / Thèmes
Chacun des domaines d’action de l’entraîneur
comporte plusieurs tâches. Par exemple le domaine de
l’entraînement amène l’entraîneur de voile à
réaliser trois types de tâches pour lesquelles il
doit développer des compétences particulières:
préparer les séances d’entraînement, conduire les
entraînements, et organiser des séances d’analyse au
retour des entraînements. Dans le cadre de la
formation, chaque domaine d’action est associé à un
Module de formation, et chaque tâche (ainsi que les
compétences liées à celle-ci) est associée à un
Thème de formation.
Module ORGANISATION et PLANIFICATION
- Thème 1: Favoriser la construction de
projets individuels de préparation
- Thème 2: Organiser l’équipe pour un
entraînement collectif
- Thème 3: Planifier et programmer la saison
Module ENTRAINEMENT
- Thème 1: Préparer les séances
d’entraînement
- Thème 2: Conduire les entraînements
- Thème 3: Organiser des séances d’analyse au
retour des entraînements
Développement des
performances des
régatiers
Entraînement Compétition
Organisation
Planification
Evaluation
Régulation
FACTEURS
DE
CONTEXTE
CARACTERISTIQUE
S
DE
Î
CARACTERISTIQUE
S
DES
É
23. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 23
Module COMPETITION
- Thème 1: Intervenir au cours des
compétitions
- Thème 2: Analyser les régates avec les
régatiers
Module EVALUATION et REGULATION
- Thème 1: Evaluer l’activité et les
performances de chaque régatier
- Thème 2: Surveiller l’évolution des
performances et réguler le programme
c) La nature des tâches et des compétences de
l’entraîneur de voile
D'une façon générale, le travail de l'entraîneur
consiste en la réalisation de tâches qui ne peuvent
être intégralement prescrites, à l'exception de
certains domaines limités de la préparation. Par
exemple, même lorsqu’il a scrupuleusement et
précisément préparé une séance d’entraînement, prévu
tous les aléas imaginables, examiné toutes les
éventualités (mais quel entraîneur a-t-il le temps
de faire cela ?), il est bien rare en voile que
l’entraîneur puisse faire « ce qu’il avait prévu » !
Il est toujours contraint de s’adapter aux
situations de façon chaque fois singulière. Cela
tient, aux caractéristiques des situations
d'entraînement et de compétition, que l’on peut
résumer en 5 points:
1) la complexité: les éléments qui interviennent
dans les situations d’entraînement ou de
compétition sont extrêmement nombreux, et
interagissent entre eux de façon permanente;
2) l’incertitude: les conditions de vent et de mer
sont en partie imprévisibles, ainsi que l'activité
des régatiers, leur investissement, leur
motivation, la rapidité de leurs progrès, etc.
3) la singularité: chaque situation, chaque journée
d'entraînement, chaque compétition, n'est jamais
strictement identique à une autre, c’est à chaque
fois une « histoire nouvelle »: ce qui a
« marché » la veille ne « marche » pas
nécessairement le lendemain !;
4) le dynamisme: les situations évoluent sans cesse,
les données des problèmes changent en permanence,
que ce soit au cours des entraînements, des
compétitions, ou au cours d’une saison;
5) les contradictions et conflits: il peut y avoir,
par exemple, des contradictions ou des oppositions
entre les objectifs de l'entraîneur et ceux des
régatiers, mais aussi à l'intérieur même de
l'équipe des régatiers; comme il peut y avoir des
24. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.24
contradictions entre les projets individuels des
régatiers et le projet collectif de l’équipe (la
voile est un sport individuel !).
d) Le type de compétences à développer
Les compétences spécifiques à développer par les
entraîneurs ne seront pas analysées dans le détail
ici. Chacun des Thèmes de formation est précisément
destiné au développement de chacune d’elle. Dans
cette partie seront seulement soulignées certaines
de leurs caractéristiques essentielles, communes à
l’ensemble des Thèmes.
•••• Compétences à « délimiter » les problèmes à
résoudre
Les caractéristiques citées plus haut font que
les situations d'entraînement se présentent rarement
comme des « problèmes bien définis », qu'il suffit
de résoudre à l'aide d'une procédure connue. Ce sont
souvent au contraire des « problèmes mal définis »,
ambigus, ou contradictoires, sources de dilemmes
pour l'entraîneur, mais qui exigent pourtant une
réponse rapide ! Ces situations doivent être
« vues », ou « comprises » par l’entraîneur d’une
façon qui leur permet de s’y adapter efficacement et
de résoudre les problèmes qu’elles posent. Il s’agit
pour l’entraîneur de développer une « intelligence »
des situations pratiques, lui permettant de
« cadrer », ou « délimiter » celles-ci.
•••• Compétences « stratégiques » et compétences
« tactiques » de l’entraîneur
Par analogie avec l’activité du régatier, on peut
considérer que l’entraîneur doit simultanément
développer des compétences « stratégiques » et des
compétences « tactiques ». Les premières permettent
d’anticiper le plus possible sur les événements
susceptibles de se produire, et de prévoir des
adaptations par avance. Les secondes permettent à
l’entraîneur de s’adapter aux événements réels.
Traditionnellement les formations des entraîneurs
privilégient le développement de compétences
« stratégiques », valorisant la planification. La
démarche proposée accorde au contraire une grande
importance aux compétences « tactiques », c’est-à-
dire au développement d’une grande adaptabilité des
entraîneurs, qui doivent être capable de trouver en
situation des solutions aux événements imprévus, et
d’improviser si nécessaire. La pertinence de
25. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 25
l’action est jugée à son adéquation aux situations,
non pas à sa conformité au plan prévu.
•••• Compétences à collaborer avec les régatiers
Si l’entraîneur « entraîne », seul le régatier
« s'entraîne » à proprement parler. L'efficacité des
actions de l'entraîneur ne peuvent donc pas être
dissociées de l'activité et des performances des
régatiers. De plus, on peut considérer que
l’entraîneur de voile ne dispose que d’un point de
vue très partiel sur l’activité des régatiers, et
d’un nombre limité d’informations pertinentes pour
adapter son entraînement. En conséquence, La
collaboration entraîneur-régatier est un élément
crucial de l'efficacité de l'entraînement en voile.
Cette collaboration doit conduire à un engagement
actif des deux partenaires dans la conception et
l’adaptation des entraînements, et à la mise en
commun et la confrontation permanente de leurs
points de vue. A ce titre l’entraînement doit
davantage être conçu comme un travail collectif que
comme la mise en jeu d’une relation au sein de
laquelle l’entraîneur conçoit et prescrit et le
régatier exécute.
•••• Compétences à « apprendre par
l’entraînement »
La pratique de l’entraînement constitue, dès les
premières expériences d’entraîneur, une source
importante d’apprentissage et de développement de
compétences. Cependant cet apprentissage par la
pratique n’accompagne pas nécessairement
l’accumulation des expériences. Il requiert le
développement par l’entraîneur d’une capacité
particulière à tirer profit de ses expériences, qui
se traduit par:
- une attitude vis-à-vis de la pratique,
considérant que celle-ci n’est pas la simple
exécution d’un plan, mais une véritable
« connaissance » à part entière,
- la mise en jeu d’une « réflexion sur sa
pratique », permettant aux expériences vécues de
devenir des objets de connaissance et de
préparation des actions futures,
- l’ouverture aux points de vue des autres
(formateur, entraîneur, régatier) comme moyen
d’enrichissement de ses connaissances.
26. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.26
Références utiles
- Côté, J., Salmela, J.H., Trudel, P., Baria, A., Russel, S.J. (1995). The coaching model: A grounded
assessment of expert gymnastic coaches’ knowledge, Journal of Sport and Exercise
Psychology, 17, 1-17.
- Saury, J. (1996). De l’analyse des pratiques à la formation des entraîneurs. Mémento Technique de la
FFV - L’entraînement de haut niveau.
- Saury, J. (1996). L’entraîneur de haut niveau: quelles compétences ?. Mémento Technique de la FFV
- L’entraînement de haut niveau.
- Saury, J. (1994). Qu’est-ce que l’entraînement ? Effet de zoom sur l’entraînement en voile. Les
Cahiers de l’ENV, 17, 15-22.
- Saury, J. (1994). Entraîner / S’entraîner. L’entraîneur entraîne, le régatier s’entraîne. Les Cahiers de
l’ENV, 17, 23-28.
- Saury, J., Durand, M. (1995). Etude des connaissances pratiques des entraîneurs experts en voile: de
l’analyse des relations entraîneurs-athlètes à une approche de la situation d’entraînement
comme un travail collectif. Sport, 151, 25-39.
27. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 27
Agir efficacement: Organisation et
planification (1)
Favoriser la
construction
de projets
individuels de
préparation
Chaque régatier doit progressivement apprendre à
« gérer » sa propre préparation: se fixer des
objectifs, définir des thèmes de perfectionnement
prioritaires au sein d’un programme...
L’acquisition de cette compétence n’est ni
immédiate, ni facile pour un jeune régatier. Elle
entre dans le cadre d’un long processus d’accès à
l’autonomie. L’entraîneur doit favoriser autant que
possible cet apprentissage, fondamental parce
qu’il permettra au régatier de « savoir
s’entraîner », par une meilleure connaissance de
soi et de ses possibilités, et par une meilleure
évaluation des exigences du sport pratiqué. La
première étape de cet apprentissage consiste à
savoir se fixer des objectifs de saison et à
formuler une stratégie de préparation. Les
contenus proposés dans cette partie sont conçus
pour aider l’entraîneur à accompagner chaque
régatier vers ce but, afin qu’il devienne un
partenaire actif de leur collaboration à
l’entraînement et en compétition.
1 - Cas concrets
• « ...si les régatiers n’ont pas de projet
individuel clair, le travail de l’équipe ne peut
être structuré... »
Selon cette remarque d’un entraîneur, l’efficacité
de l’entraînement collectif de l’équipe dépend de
ce que chaque régatier est pleinement investi dans
un projet personnel.
• « ...avoir un projet, c’est avant tout une
question de motivation et d’investissement
personnel, mais c’est aussi un apprentissage... »
La notion de « projet » est à la mode. C’est aussi
une idée un peu vague. Malgré son apparente
évidence, cela ne semble pas très facile de
construire un projet. Comment l’entraîneur peut-il
aider un régatier dans ce but ?
28. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.28
• « ...ils sont passifs, ils attendent que
l’entraîneur dirige le programme... »
La passivité des régatiers (qui font par exemple
du « convoyage » dans un comparatif de vitesse)
peut témoigner d’un décalage entre ce qui est jugé
utile par l’entraîneur et ce qui intéresse
réellement les régatiers. Quel s sont leurs
objectifs propres ?
• « Ce que l’on fait, ça ne sert à rien... moi il
faut que je fasse des départs ! »
Les entraîneurs essuient parfois des reproches des
régatiers. Lorsque les divergences portent sur le
choix des objectifs prioritaires d’entraînement, il
faut nécessairement en discuter, car le régatier ne
s’entraînera efficacement que dans des situations
qu’il juge utiles de son point de vue. Cela peut
être une bonne occasion de fixer des objectifs
communs pour les entraînements suivants.
• « ...un projet, c’est aussi une sorte
d’engagement, de responsabilisation, cela doit
être explicite et écrit... »
S’imposer d’écrire le projet favorise-t-il sa
conception ? Beaucoup d’entraîneurs le pensent.
29. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 29
2 - La construction d’un projet individuel:
délimitation du problème
Chaque exemple présenté ci-dessus concrétise de
façon singulière le « problème » de la construction
(ou non) par le régatier d’un projet individuel qui
lui permettrait de s’engager activement dans sa
préparation, et dans sa collaboration avec
l’entraîneur. L’intervention de l’entraîneur pour
favoriser la construction d’un tel projet est
délicate. D’un côté il s’agit d’aider effectivement
le régatier, et de ne pas se contenter de se dire «
il doit être autonome donc je le laisse se
débrouiller ». De l’autre, il faut que cette aide ne
détermine pas trop les choix du régatier, ce qui
pourrait avoir des conséquences inverses au but
visé. Afin d’agir de façon pertinente, il est
essentiel de considérer que cette compétence résulte
d’un apprentissage long et progressif. Mais il
s’agit d’un apprentissage fondamental, qui concourt
au développement du « savoir s’entraîner » du
régatier. Le rôle de l’entraîneur consiste donc à
accompagner et à baliser cet apprentissage, dès les
premiers niveaux de régate.
La réflexion sur ce thème vise à favoriser la
mise en oeuvre par l’entraîneur d’une démarche
permettant d’engager le jeune régatier dans cet
apprentissage particulier. Cette démarche comprend
deux objectifs:
1) aider le régatier à se fixer et expliciter des
objectifs et une stratégie de perfectionnement
sur la saison
2) mettre en oeuvre une procédure de suivi et de
régulation de chaque projet individuel au cours
de la saison.
3 - Points d’appui possibles pour
l’entraîneur
a) Expliciter les objectifs visés pour la
saison et la stratégie choisie
L’explicitation du projet par le régatier, c’est-
à-dire sa « mise en mots », est la première
condition nécessaire à l’engagement d’une
collaboration sur ce thème avec l’entraîneur. Tant
30. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.30
que celui-ci reste implicite, flou ou allusif, il ne
donne aucune prise possible à l’entraîneur, ni au
régatier lui-même, et ne permet pas d’orienter les
actions d’entraînement sur des buts précis, clairs
et partagés. Deux éléments essentiels du projet
doivent être explicités, et notifiés par écrit: les
objectifs de la saison et la stratégie permettant
d’atteindre les objectifs.
•••• Objectifs de la saison: performances
attendues et thèmes de perfectionnement
prioritaires
Deux registres d’objectifs de saison peuvent être
distingués: les objectifs décrits en terme de
performances attendues, et ceux décrits en terme de
thèmes de perfectionnement. Il est important que le
régatier se fixe des objectifs dans les deux
registres.
Registre d’objectifs Exemples
Performances attendues
• Faire dans les cinq premiers du championnat départemental
• Faire dans les 3 premiers du championnat de ligue, et me
qualifier pour le championnat de France « jeune »
• Faire dans les dix premiers du championnat de France
« jeune »
Thèmes de perfectionnement
• Travailler cette saison essentiellement sur:
- au niveau technique: le gain sous le vent au allures
portantes
- au niveau tactique: maîtrise de mon placement au départ
- au niveau stratégique: automatiser une méthode d’analyse
de plan d’eau
- au niveau physique: systématiser une PP. de récupération:
étirements et échauffements...
Attention: cette démarche est inutile si la
définition des objectifs se limite à un pur exercice
formel ou si elle répond à une injonction dénuée de
sens: « puisqu’il faut que je me fixe des objectifs
je vais m’en fixer... ». Ces objectifs doivent
répondre à quatre critères:
1) Etre réalistes. Il ne s’agit pas par exemple de
se fixer comme objectif de saison de devenir
« champion de France » si l’on n’a jamais remporté
une seule compétition départementale !
2) Représenter un progrès. Il serait en effet peu
stimulant et inutile de se fixer un objectif trop
aisément accessible, où déjà atteint.
3) Etre pertinents au regard des compétences du
régatier. Par exemple, il serait « aberrant »
qu’un régatier abordant une nouvelle série se fixe
comme objectif de « tester et optimiser de
nouveaux matériels ». Il serait par contre plus
31. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 31
adapté de le focaliser sur les acquisitions
techniques et tactiques « de base » sur cette
série.
4) Etre définis en termes opérationnels (pour les
objectifs de perfectionnement) c’est-à-dire assez
précisément pour pouvoir orienter concrètement le
travail à l’entraînement et en compétition.
« Progresser en tactique » par exemple n’est pas
un objectif de perfectionnement suffisamment
précis: des progrès doivent-ils être faits
(surtout) dans la « perception et l’exploitation
des oscillations du vent » ? Dans le « marquage
d’adversaire proches » ? Dans « le placement sur
les lignes de départ » ?
En résumé, pour être bénéfique à la préparation,
l’explicitation des objectifs de saison doit
découler d’une réflexion authentique et lucide du
régatier sur ses chances de succès dans les
compétitions phares de la saison, sur ses
possibilités de progrès, sur ses « points forts et
points faibles », etc. Le rôle de l’entraîneur est
de stimuler, d’animer et de guider cette réflexion,
en faisant préciser ses objectifs par le régatier,
et en lui donnant son point de vue sur leur
formulation.
•••• Stratégie: exploiter au mieux les temps
d’entraînement et de compétition de la
saison
L’explicitation de la stratégie consiste à
définir les moyens qui seront mis en jeu pour
atteindre les objectifs. Concrètement, il s’agit
pour le régatier de répartir et de situer ses thèmes
prioritaires de perfectionnement dans les sessions
d’entraînement et dans les compétitions programmées.
Par exemple, un équipage de double pourra décider de
focaliser particulièrement son entraînement lors des
trois premiers stages de la saison sur
l’automatisation de leurs actions lors des
manoeuvres, et sur la définition d’un code de
communication... La construction de cette stratégie
peut s’inspirer de la même démarche que celle qui
est présentée dans le Thème 3 du module Organisation
et Planification dans le cadre des principes de
planification au cours de la saison.
b) Une démarche de « suivi » individuel
régulier
Aussi précis, réalistes et adaptés que puissent
être les objectifs et la stratégie définis en début
de saison, l’évolution réelle de la préparation et
les circonstances particulières survenues au cours
32. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.32
de la saison imposent à l’entraîneur comme au
régatier de perpétuels ajustements du projet
initial. Il est par conséquent important pour
l’entraîneur d’exercer un « suivi » de l’évolution
des performances et des progrès de chaque régatier
tout au cours de la saison. Celui-ci doit donner
lieu si nécessaire à la re-discussion et à la
redéfinition du projet entre l’entraîneur et le
régatier. De nouvelles priorités peuvent être
envisagées, de nouveaux objectifs... Parmi les
moyens favorisant un tel suivi, deux semblent
particulièrement intéressants: le carnet du
régatier, et les discussions individuelles avec le
régatier.
•••• Un outil pratique: le carnet du régatier
Il s’agit d’un carnet personnel dans lequel le
régatier consigne par écrit tous les éléments de son
projet de saison et de son « suivi »:
- objectifs de la saison,
- thèmes de perfectionnement des stages et
compétitions,
- performances réalisées au cours des régates,
- bilan personnel à l’issue de chaque régate,
- synthèse du bilan fait avec l’entraîneur,
- etc...
En outre, un tel carnet peut également permettre
au régatier de consigner des informations relatives
à tous les aspects de la régate ou de l’entraînement
dont il souhaite conserver une mémoire, devenant une
sorte de « journal de bord »:
- tableaux de réglages,
- observations sur les sites de régate,
- schémas de configurations tactiques,
- notes concernant les règles de course,
- conseils nutritionnels,
- etc...
•••• Les discussions individuelles périodiques
avec le régatier
Comme cela a été souligné plus haut, la « mise en
mot » du projet (son explicitation par écrit) est
importante pour fournir à l’entraîneur et au
régatier une base commune et explicite de travail.
Le « suivi » du projet impose de ce fait des
discussions périodiques approfondies entre
l’entraîneur et le régatier, portant sur l’évolution
de la saison au regard des attentes du régatier, sur
ses difficultés, sur ses préoccupations... Ces
discussions peuvent s’engager de façon plus ou moins
formelle. Elles peuvent par exemple saisir
l’opportunité d’un moment de disponibilité commun,
33. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 33
ou d’un déplacement avec le régatier. Elles peuvent
également être instituées de façon plus rigoureuse.
L’essentiel est que ces discussions soient
effectives, car elles sont essentielles à une
collaboration efficace des deux partenaires: en
termes triviaux, elles permettent périodiquement de
« faire le point » et (éventuellement) de
« rectifier le tir ».
34. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.34
Agir efficacement: Organisation et
planification (2)
Organiser
l’équipe pour
un
entraînement
collectif
La voile est un sport individuel dans lequel
l’entraînement s’organise généralement sous une
forme collective, depuis l’école de sport jusqu’aux
équipes olympiques. Cette organisation est une
nécessité: les régatiers doivent impérativement se
comparer et se confronter à d’autres régatiers pour
optimiser leur entraînement. C’est aussi un atout
pour l’entraînement: l’organisation en « équipe »
permet de gérer collectivement les tâches
d’organisation, les déplacements, de créer un
sentiment d’appartenance à un groupe, une émulation
entre les régatiers. Cependant, cette organisation
crée des contraintes auxquelles l’entraîneur doit
s’adapter. Chaque régatier a par exemple une
personnalité et des affinités particulières qui le
prédisposent plus ou moins bien à une participation
à un travail d’équipe. Mais la contrainte
principale provient surtout de ce que les
« partenaires » de l’équipe de voile sont également
concurrents: ils peuvent avoir des projets plus ou
moins conciliables et des stratégies plus ou moins
« coopératives ». L’objectif de cette partie est
d’aider l’entraîneur à délimiter un cadre commun
viable pour la préparation collective de son
équipe.
1 - Cas concrets
• « A l’entraînement il ne joue pas le jeu... et
lors des réunions, il n’échange pas, il garde
tout pour lui... »
Ce type de comportement rappelle que la voile est
un sport individuel, et qu’au sein d’une même
équipe les régatiers sont concurrents.
• « On devait faire surtout des comparatifs de
vitesse mais lui voulait faire des départs... »
Dans une équipe, tous les régatiers ne sont pas
nécessairement « en phase », ils n’ont pas au même
instant les mêmes intérêts, les mêmes besoins, les
35. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 35
mêmes objectifs. Comment concilier cette
hétérogénéité ?
• « Il est encore en retard, on perd chaque fois du
temps à cause de lui... ! »
Tout travail collectif suppose des règles de vie et
d’organisation collectives...
• « On ne discute jamais ensemble de ces problèmes,
ils sont toujours réglés au cas par cas par
l’entraîneur... »
Comment doivent être prises les décisions au sein
de l’équipe ? Comment doivent être réglés les
problèmes ? Collectivement ? Par l’entraîneur ?
Démocratiquement ?
• « ...il faut retrouver dans l’équipe l’esprit
d’une équipe de sports collectifs... »
Que signifie en voile un « esprit d’équipe » ? Une
solidarité ? Une « mise en commun » permanente ?
L’équipe de voile est-elle comparable à une équipe
de sports collectifs ?
36. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.36
2 - Organiser l’équipe pour un entraînement
collectif: délimitation du problème
Ainsi que l’illustrent les exemples présentés ci-
dessus, les problèmes essentiels auxquels
l’entraîneur est confronté dans l’instauration d’une
organisation de l’équipe dans le but d’un
entraînement collectif sont de deux ordres, en
partie interdépendants:
1) problèmes liés à la dualité « partenaire-
adversaire » existant au sein des équipes de
voile légère,
2) problèmes d’organisation pratique de
l’entraînement.
Ces problèmes sont particulièrement importants à
comprendre pour l’entraîneur, car on peut observer
qu’ils sont souvent à l’origine de conflits au sein
de l’équipe et de baisses d’investissement des
régatiers dans leur entraînement.
L’équipe de voile est un groupe de régatiers
s’entraînant sous la supervision d’un entraîneur au
sein d’un club. Mais qu’y-a-t-il de commun entre une
équipe de voile et une équipe de sport collectif ?
Le même mot est utilisé dans les deux cas, bien
qu’il recouvre des réalités très différentes... et
cette confusion obscurcit souvent une bonne
compréhension par les entraîneurs des événements qui
se produisent au sein de leur « équipe ». En basket-
ball ou en football, les équipiers sont des
partenaires en raison du fait que leurs actions sont
interdépendantes et qu’ils coopèrent vers l’atteinte
d’un but commun. Ils sont partenaires dans la
réalisation même de la performance, qui est une
performance collective. A l’inverse, en voile les
partenaires d’une même équipe collaborent pas à
l’atteinte d’un but commun en terme de performance.
On pourrait même considérer qu’en compétition ils se
fixent des buts contradictoires: ils sont
adversaires, non pas partenaires.
Le problème essentiel de l’entraîneur est de
favoriser une organisation viable de l’équipe qui
prend en compte délibérément le fait que les
régatiers sont simultanément des adversaires en
compétition et des partenaires pour l’entraînement.
Le travail en équipe désigne également une forme
pratique d’organisation de l’entraînement, basée sur
la mise en place par l’entraîneur de situations et
de séances (sur l’eau et en salle) destinées à
coordonner l’entraînement des régatiers de l’équipe,
37. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 37
ou à faire approfondir collectivement par ceux-ci
tel ou tel thème de la préparation. Une organisation
pratique rigoureuse est une condition clé de
l’efficacité de l’entraînement: par exemple, un
comparatif de vitesse perd l’essentiel de son
intérêt si les régatiers ne se placent pas
rapidement, et simultanément en position d’égalité
par rapport au vent; les transitions entre les
situations sont une source de perte de temps si les
régatiers ne se regroupent pas systématiquement à
proximité de l’entraîneur afin d’écouter ses
consignes sitôt l’exercice accompli; l’ambiance dans
l’équipe a tendance à se dégrader si la majeure
partie de l’équipe est contrainte d’attendre
quelques retardataires avant de démarrer les
situation... Bref, cette organisation indispensable
est également la source de problèmes quotidiens pour
l’entraîneur, qu’il doit apprendre à résoudre grâce
à l’instauration de procédures d’organisation
collectives, qui deviennent des habitudes de travail
de l’équipe.
Trois objectifs de formation peuvent concourir à
l’instauration d’une organisation collective
efficace:
1) structurer le collectif d’entraînement autour
d’un projet commun compatible avec les intérêts
individuels, c’est-à-dire avant tout un projet
fixant le cadre d’un « partenariat pour
l’entraînement »;
2) instaurer des relations équitables avec chacun
des régatiers;
3) instaurer des habitudes collectives
d’entraînement et d’échange: un langage et des
routines partagées.
3 - Points d’appui possibles pour aider
l’entraîneur à organiser l’équipe
a) S’entraîner collectivement en voile
•••• Se comparer directement: une nécessité pour
l’efficacité de l’entraînement en voile
Dans certains sports, la performance est
individuelle et elle est également mesurable de
façon objective (sprints ou sauts en athlétisme par
exemple, ou natation). Dans ces sports
l’entraînement au sein d’une équipe peut relever
38. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.38
d’un choix individuel, mais il est aussi possible de
s’entraîner efficacement seul avec un entraîneur
personnel. En voile, cela est très différent, et le
même choix serait peu pertinent. Les régatiers ne
peuvent mesurer objectivement leurs performances
grâce à un décamètre ou un chronomètre par exemple.
Ils ont besoin de se comparer directement à d’autres
régatiers pour évaluer leur vitesse dans des
conditions particulières, l’efficacité de leurs
manoeuvres, la pertinence de leurs décisions
tactiques... L’entraînement avec d’autres régatiers
(si possible de niveau comparable ou connu) est par
conséquent une condition essentielle pour pouvoir
s’évaluer, tester des solutions et progresser, bref
pour pouvoir s’entraîner activement et efficacement.
On peut presque dire que les régatiers sont toujours
contraints de s’entraîner avec leurs adversaires (et
donc d’accepter « d’entraîner » ces adversaires par
la même occasion !).
•••• Un cadre explicite pour la collaboration
des « partenaires d’entraînement »
Jouer simultanément le double rôle d’adversaire
en compétition et de partenaire pour l’entraînement
ne se réalise pas toujours sans difficulté. Cette
dualité peut même être une source de conflits
chroniques si elle n’est pas explicitement prise en
compte dans un cadre de fonctionnement partagé par
l’ensemble de l’équipe. Il n’est pas aisé de
détailler a priori les caractéristiques d’un « bon »
cadre, tant il est important que celui-ci soit
construit par l’entraîneur et les régatiers (cela
peut produire des cadres de fonctionnement très
différents d’une équipe à l’autre). Cependant, il
doit favoriser l’adhésion de chaque régatier de
l’équipe aux 4 conditions minimales d’une
collaboration viable:
1) « Jouer le jeu totalement », c’est-à-dire
s’impliquer de façon intense et authentique dans
les situations d’entraînement et dans les séances
d’analyse collectives,
2) Prendre part activement aux décisions collectives
engageant l’ensemble de l’équipe: choix du
programme de compétitions, discussions sur les
lieux de stage, discussion des thèmes
prioritaires de la séance future...
3) Respecter les contraintes temporelles et
matérielles de l’organisation collective: être à
l’heure à la mise à l’eau, au bilan, avoir
préparé le matériel requis, participer aux tâches
de la logistique collective, etc.
4) Exprimer son point de vue sur le fonctionnement
collectif et plus généralement sur les thèmes
39. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 39
touchant à la préparation, même si celui-ci
manifeste un désaccord (à condition qu’il se
situe dans une visée constructive !).
•••• L’expression de valeurs de coopération et
de solidarité
S’entraîner collectivement ne relève pas
uniquement d’une organisation « fonctionnelle »
permettant d’accroître l’efficacité de
l’entraînement. La notion d’équipe possède également
une dimension éthique: elle est l’expression de
valeurs de coopération et de solidarité. Au-delà de
leur rivalité sur le plan d’eau, les régatiers
peuvent développer un réel sentiment d’appartenance
à un groupe « de copains » fondé sur toute une
histoire commune et des expériences partagées (des
bons moments, des moments difficiles...), favorisant
le respect mutuel et la solidarité. Ils peuvent
aussi développer un désir de réussite pour
l’ensemble de l’équipe, et tirer une satisfaction
profonde des victoires acquises par ses partenaires.
L’entraîneur a manifestement un rôle important dans
le développement de ces valeurs chez les jeunes
régatiers. Grâce à ces attitudes et ses
comportements, il peut avoir une puissante influence
éducative à ce niveau.
b) Le sentiment de justice: une condition de
cohésion de l’équipe
La relation de l’entraîneur avec chaque régatier
a une singularité. Chacune est marquée
affectivement, chacune s’est construite au cours
d’une histoire particulière, et chacune possède un
caractère en partie privé. Ces caractéristiques sont
communes à de nombreuses relations humaines.
Cependant, dans le cadre de l’entraînement, et afin
d’assurer la cohésion d’une équipe (en particulier
dans un sport individuel), elles imposent à
l’entraîneur d’adopter une règle de conduite
essentielle: avoir une action équitable vis-à-vis
des régatiers de l’équipe. Celle-ci peut se traduire
à deux niveaux: le partage des informations et des
décisions avec les régatiers, et le « postulat des
chances de succès de chaque régatier ».
•••• Le partage des informations et des
décisions
Ce principe vise à favoriser le sentiment de
chacun des régatiers d’être informé autant que les
autres et d’avoir le même droit qu’eux dans le choix
des décisions concernant l’équipe. Toutes les
informations concernant l’équipe sont fournies à
40. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.40
chaque athlète, et les décisions engageant l’équipe
discutées collectivement. Cela permet d’éviter par
exemple que certains régatiers puissent être
considérés par les autres « dans les petits
papiers » de l’entraîneur, ou comme ayant une
influence plus forte sur ses décisions par leurs
affinités manifestes...
•••• Le « postulat des chances de succès de
chaque régatier »
Un postulat est une proposition que l’on admet a
priori, sans la discuter. Pour l’entraîneur,
postuler les chances de succès de chaque régatier
signifie qu’il doit essayer d’aider chacun d’entre
eux à progresser avec la même énergie, le même
engagement, la même compétence... Il s’agit d’une
attitude extrêmement bénéfique: d’une part elle
permet à chaque régatier de développer sa confiance
en ses propres chances et donc sa motivation,
d’autre part elle favorise le renforcement du
sentiment d’équité (ou de justice) éprouvé par
chacun des régatiers dans leur relation avec
l’entraîneur. Cette attitude évite que l’on prête à
l’entraîneur le désir de favoriser tel ou tel
régatier, ce qui aurait des conséquences néfastes
sur l’ambiance et la cohésion au sein de l’équipe.
c) Les habitudes de l’équipe: des
automatismes collectifs et un langage commun
pour une coopération efficace
L’organisation pratique de l’entraînement résulte
d’un réel apprentissage collectif. Pour développer
son efficacité à l’entraînement, l’équipe doit
progressivement se doter d’automatismes collectifs,
lui permettant de perdre le minimum de temps dans la
mise en place des situations, et d’un langage commun
lui permettant d’échanger des informations de façon
précise, économique et dénuée d’ambiguïté. Les
automatismes collectifs, ou routines d’organisation
sont des procédures mises en place systématiquement
dans la réalisation des situations d’entraînement,
mais également dans l’organisation plus générale
d’une séance d’entraînement, ou de la préparation à
une manche de régate. Le langage commun consiste en
l’instauration d’un code spécifique, connu de chaque
membre de l’équipe, permettant de se comprendre
rapidement.
42. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.42
Agir efficacement: Organisation et
planification (3)
Planifier
et programmer
la saison
L’entraînement d’une équipe de régatiers est un
processus à long terme: ses résultats se
manifestent toujours de façon retardée par rapport
à l’activité d’entraînement elle-même. Aussi, il
est nécessaire que l’entraîneur engage l’équipe
dans une véritable « stratégie collective » de
préparation à l’échelle de chaque saison sportive.
L’élaboration de cette stratégie consiste pour
l’entraîneur à « planifier » l’entraînement de la
saison, c’est-à-dire à anticiper son déroulement en
vue d’atteindre les objectifs de développement et
de performance souhaités. Mais est-il possible de
planifier précisément une saison de préparation en
voile, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur
son déroulement ? Comment l’entraîneur doit-il
programmer les stages et les compétitions de cette
préparation ? Comment doit-il organiser les thèmes
de perfectionnement au sein d’un tel programme ?
Les principes généraux de planification de
l’entraînement (utilisés par exemple de façon
systématique dans une préparation physique)
peuvent-ils s’adapter aux spécificités de la voile
? Cette partie focalise l’entraîneur sur ces
questions, et l’aide à concevoir sa planification
et sa programmation de saison de manière
pragmatique, alliant rigueur et flexibilité.
1 - Cas concrets
• « En voile, on ne peut pas planifier
l’entraînement... car on ne peut prévoir les
conditions météorologiques... »
Effectivement, l’environnement est plus stable et
certain en athlétisme ou en natation. Peut-on dire
pour autant qu’il est impossible de planifier
l’entraînement en voile ?
• « Planifier l’entraînement... c’est bon pour le
haut niveau ! »
La planification de l’entraînement est-elle
réservée à une pratique très intensive ? Une
organisation « logique » de l’entraînement dans le
temps ne participe-t-elle pas à la formation des
régatiers dès les plus jeunes catégories ?
43. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 43
• « ...le calendrier des régates détermine
fortement le programme... et il y a trop de
compétitions importantes... l’entraîneur a peu de
marge de manoeuvre... »
Le programme d’entraînement est-il totalement dicté
par le calendrier des régates ?
• « Chaque régatier a ses activités, ses
contraintes, qu’il est impossible de concilier
dans un programme commun... »
Scolarité, loisirs, périodes de vacances... comment
gérer cela dans un même programme ?
• « Jouer sa vie à toutes les régates »
Cette formule illustre le cas des jeunes régatiers
pour lesquels chaque compétition est une
compétition « où il faut gagner ». Mais à vouloir
toujours « être à fond », ces régatiers ne peuvent
jamais approfondir suffisamment chaque thème de
l’entraînement.
44. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.44
2 - Planifier et programmer la saison:
délimitation du problème
Les problèmes soulevés par les cas présentés sont
complexes, et sans doute illustrent-ils l’absence de
méthode infaillible permettant d’anticiper et
d’organiser la préparation sportive à moyen ou long
terme en voile. Trop d’aléas et de contraintes
paraissent empêcher tout projet de planification:
les conditions météorologiques qui seront
rencontrées à telle ou telle période de la saison
sont incertaines, l’évolution de la progression des
régatiers est peu prévisible, des événements
inattendus peuvent empêcher l’organisation d’un
stage programmé, une compétition peut être annulée à
la dernière heure... etc.
L’entraîneur ne doit pas abandonner pour autant
l’idée de planifier l’entraînement, en préférant par
exemple ne faire confiance qu’à ses capacités
d’improvisation et d’adaptation aux situations. Il
doit au contraire apprendre à mettre en oeuvre une
forme de planification qui puisse s’adapter de façon
flexible aux contraintes spécifiques de la pratique
de la voile. Si il est illusoire de penser qu’il est
possible de prévoir le plan de chacune des séances
d’entraînement de la saison dans un ensemble
structuré de cycles et de mico-cycles, l’entraîneur
ne doit pas perdre de vue que tout entraînement
sportif exige le respect d’un certain nombre de
principes généraux, qui doivent orienter et
organiser l’action de l’entraîneur et celle de
l’athlète au cours de la préparation, sans pour
autant la déterminer de façon étroite dans le
détail.
Le développement par les entraîneurs d’une
compétence à planifier la préparation d’une équipe
de régatiers à l’échelle de la saison impose donc
l’intégration d’une démarche permettant de spécifier
et de concrétiser les principes généraux des modèles
de la planification de l’entraînement en les
adaptant aux contraintes particulières de cette
activité. Trois objectifs de formation concourent au
développement de cette démarche:
1) construire un programme tenant compte des
contraintes temporelles: dates-butoir du
calendrier et disponibilités des régatiers;
2) spécifier les thèmes de perfectionnement
prioritaires dans les différentes phases de la
45. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 45
saison en fonction des principes d’efficacité de
l’entraînement;
3) formaliser le programme de l’équipe par écrit
afin de constituer un cadre de travail explicite ,
et un référentiel partagé par tous.
3 - Points d’appui possibles pour aider
l’entraîneur à planifier et programmer la
saison
La démarche proposée s’inspire conjointement de
l’analyse des pratiques effectives des entraîneurs
de voile et de la connaissance des principes
fondamentaux de planification de l’entraînement
sportif. Elle possède par conséquent un caractère
résolument pragmatique, tout en étant compatible
avec les modèles généraux de l’entraînement.
a) Construire un calendrier de saison en
fonction des contraintes temporelles
Cette étape est le niveau le plus élémentaire de
la planification. Elle est cependant essentielle, et
doit être effectuée en priorité, car la
planification des thèmes de travail de la saison
(2ème étape) se construit sur la base de ce
planning. Elle vise à baliser les temps de la
préparation entre le moment du « début » de la
saison et le moment qui concrétise la « fin de
saison ». La « fin de saison » coïncide le plus
souvent avec la compétition choisie comme objectif
majeur de la saison, ou régate-cible. Le « début »
se situe généralement à l’automne, après la période
des régates-cible de la saison précédente, et
parfois après des vacances méritées ! Ce balisage
est fortement conditionné par deux types de
contraintes:
1) le calendrier des régates,
2) les disponibilités temporelles des régatiers.
Celles-ci déterminent le choix des régates que
l’équipe disputera au cours de la saison et les
créneaux utilisables pour l’entraînement.
L’entraîneur et les athlètes doivent donc d’abord
« faire le point » ensemble sur ces aspects au début
de la saison.
•••• Régates « à objectif de performance » et
régates « à objectif de perfectionnement ».
Dans un premier temps l’entraîneur et les
régatiers doivent décider des compétitions retenues
dans le programme de l’équipe, et identifier les
46. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.46
régates-cible, c’est-à-dire celles dans lesquelles
il est attendu que les régatiers réalisent leurs
meilleures performances. Il est important de
distinguer clairement deux types de régates dans le
planning de la saison: des régates « à objectif de
performance » et des régates « à objectif de
perfectionnement », concernant l’équipe dans sa
globalité, mais prenant également en compte les
objectifs individuels (cf. Thème: Favoriser la
construction de projets individuels de préparation).
Cette distinction permet d’exploiter certaines
régates comme des occasions privilégiées de
perfectionnement sur des aspects particuliers de la
performance (par exemple tester systématiquement des
tactiques de départ, ou s’imposer une procédure
d’analyse du plan d’eau), et d’éviter la tendance
des régatiers à « jouer leur vie à toutes les
épreuves » sans discernement.
•••• Le calendrier des entraînements
Le second temps consiste à décider du calendrier
des périodes d’entraînement, en tenant compte à la
fois de la programmation des compétitions (accomplie
à l’étape précédente), et des disponibilités des
régatiers aux différentes périodes de l’année. Les
séquences d’entraînement peuvent ainsi être
programmées sous forme de séances ou de journées
d’entraînement (en semaine ou le week-end), de
stages, de stages sur les sites de compétition, etc.
Leur nombre et leur durée dépend de nombreux
paramètres qui doivent être pris en compte de façon
singulière par chaque équipe, et discutés avec
l’entourage des régatiers (notamment les parents,
les enseignants et le médecin lorsqu’il s’agit de
jeunes régatiers dont la pratique devient plus
intensive): contraintes scolaires, financières, état
de santé et forme physique, compatibilité avec les
autres activités du régatier...
De cette étape résulte la trame temporelle de la
préparation durant toute la saison: des échéances
(les compétitions) et des « espaces » utilisables
pour l’entraînement. Elle peut déjà donner lieu à la
formalisation du calendrier de la saison, document
de référence de base pour toute l’équipe. (cf.
exemple ci-après: programme d’une équipe de ligue
de la série Equipe).
Programme sportif 95/96 Equipe de Ligue Equipe Le 2 octobre 1995
Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier Février
1 V D SL Sables M Brest V L J Entrain 1
2 S L J S M V autonome 2
3 D M V D M S 3
4 L M S L J D 4
5 M J D M V L 5
6 M V Réservé L M S M 6
47. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 47
Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier Février
7 J S M J Entrain D M 7
8 V D M V La Baule L J 8
9 S L J S M V 9
10 D M V D M S 10
11 L M S Entrain L J D 11
12 M J D SNO M V L 12
13 M V L M S M 13
14 J S M J D M 14
15 V D SL SNO M V L J Entrain 15
16 S L J S M V autonome 16
17 D M V D M S 17
18 L M S L J Entrain D 18
19 M J D SL Angers M V autonome L 19
20 M V L M S M 20
21 J S Entrain M J Entrain D M 21
22 V D La Baule M V La Baule L J 22
23 S Entrain L J S M V 23
24 D La Baule M V D M S 24
25 L M S L J D 25
26 M J D M V L 26
27 M V L M S M 27
28 J S M J D M 28
29 V D SIL M V L J 29
30 S L J S M 30
31 M JUHON D M 31
Mars Avril Mai Juin Juillet Août
1 V L M S SL Sables L J 1
2 S M J D M V 2
3 D M V L M S 3
4 L J S M J D 4
5 M Stage V D M V L 5
6 M ENV S SIL L J S M 6
7 J Quiberon D Plérin M V D M 7
8 V L M S L J 8
9 S M J D M V 9
10 D M V L M S 10
11 L J S Entrain M J Equipée D 11
12 M V D La Baule M V Bleue L 12
13 M S L J S Cherbourg M 13
14 J D M V D M 14
15 V L M S L J 15
16 S M Stage J D M V 16
17 D SL Angers M Prépa V SIL L M S 17
18 L J 1/2 N S M J D 18
19 M V La Baule D M V L 19
20 M S Ou L J S M 20
21 J D Piriac M V D M Stage 21
22 V L M S L Europe J Prépa 22
23 S M J D M St Quai V 23
24 D Réservé M V L M Portrieux S 24
25 L J S M J D 25
26 M V D M V L France 26
27 M S L J S M Cap d’Agde 27
28 J D SL Pornic M V D M Date ? 28
29 V L M S L J 29
30 S Entrain M J D M V 30
31 D La Baule V M S 31
Entraîneur : Philippe DELHAYE. Ligue de Voile des Pays de la Loire.
CTR coordonnateur:Bernard DUVAL. Délégué de série: Jean Garros.
48. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.48
b) Spécifier les thèmes prioritaires de
perfectionnement dans les différentes phases
de la saison
Cette étape est une étape stratégique. Il s’agit
de prévoir les objectifs et des thèmes de
perfectionnement auxquels une priorité sera accordée
aux différents moments de la saison afin d’optimiser
les chances de progrès et de réussite des régatiers.
Cette anticipation est particulièrement délicate en
raison des incertitudes qui pèsent sur le
déroulement effectif de la saison. D’une part, la
pertinence des objectifs et des situations
d’entraînement en voile est étroitement liée aux
conditions météorologiques, qui sont par nature peu
prévisibles. D’autre part, la vitesse des progrès,
l’évolution des performances, les fluctuations de
l’état de forme ou du degré de motivation des
régatiers au cours de la saison sont loin de relever
d’une « science exacte ». La planification des
thèmes prioritaires de perfectionnement au cours
d’une saison doit par conséquent plutôt relever
d’une stratégie flexible que d’un programme à
exécuter « tel que prévu ».
Une telle stratégie flexible est mise en oeuvre
de façon générale dans l’entraînement en voile. Elle
est présentée ci-dessous sous une forme schématique
qui fait apparaître à la fois sa pertinence pratique
et son respect d’un principe fondamental de
l’entraînement: l’orientation de l’entraînement
(aussi appelé principe d’orientation « du général au
spécifique »). Ce principe amène l’entraîneur à
prévoir l’enchaînement des thèmes prioritaires de
perfectionnement au cours de la saison de façon à
mettre progressivement l’accent sur des thèmes de
plus en plus « spécifiques » à mesure que la
préparation se rapproche des régates-cible. Un thème
de perfectionnement est d’autant plus « spécifique »
qu’il soumet les régatiers à des situations aux
caractéristiques proches de celles de la compétition
(sur le plan des sollicitations physiques,
cognitives et affectives).
L’orientation de l’entraînement en voile du
général au spécifique
Entraînement sur l’eau « technico-tactique »
intégrant progressivement l’ensemble des dimensions de la
compétition, ou centré sur un thème de perfectionnement particulier
Vitesse-
Manoeuvres
Dominante
Trajectoires
Vitesse-Manoeuvres
Trajectoires/vent
Dominante
Attaque-défense
Vitesse-Manoeuvres
Trajectoires/vent
Attaque-défense
+ Enjeu et
Dominante
Vitesse
Manoeuvres
Situations de
compétition
intégrant la
totalité des
dimensions de
l’activité de
Situations de
préparation à
terre
- préparation
physique
générale,
- entraînement
GENERAL SPECIFIQUEORIENTE
49. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 49
Ainsi la saison sportive peut-elle être planifiée
sous la forme d’un enchaînement de phases marquées
par des dominantes dans l’entraînement, susceptible
de fournir un fil conducteur et une cohérence
d’ensemble au travail mené au cours des
entraînements et des régates de chaque phase.
Insistons bien sur le fait qu’il s’agit de
« dominantes », et non pas d’une succession de
phases exclusivement centrées sur un thème.
Concrètement, il est important de s’entraîner sur
tous les thèmes de perfectionnement à chaque phase
de la saison, mais il est pertinent de mettre
davantage l’accent sur les thèmes visant
l’optimisation de la vitesse et l’efficacité dans
les manoeuvres en début de saison, et de privilégier
les thèmes portant sur l’adaptation à des situations
tactique complexes de régate dans la phase
d’affûtage à proximité des régates-cible.
De cette étape résulte la prévision des
dominantes du travail de perfectionnement lors de
chaque phase de la saison, et des thèmes
prioritaires devant orienter ce travail au cours de
chaque séquence d’entraînement et de chaque régate
« à objectif de perfectionnement ». Le tableau ci-
dessous résume ces dominantes en les spécifiant pour
l’équipe dont le programme de saison a été donné en
exemple plus haut.
Dominantes de l’entraînement de l’équipe de ligue des Pays de la Loire
Série Equipe (P. Delhaye)
Thème dominant de l’année: optimiser la communication au sein des équipages
Septembre - Novembre
Entraînements
• Essais de réglages
• Création ou reprise des cahiers d’entraînement
• Mise au point de fiches individualisées de retour de séances
• Travail sur la relation et les compétences complémentaires barreur-
équipier
• Longues séances de conduite - exploitation de conditions météo variées
• Apports techniques et théoriques variés
Régates
• INTERLIGUE de Toussaint:
• tester et faire évoluer les réglages
• évaluer les écarts / meilleurs équipages du nord de la France
• LIGUES:
• acquérir des habitudes d’auto-entraînement individuel et en
équipe (échauffements, réglages)
Entraînements
• Conduite: stabiliser les niveaux de conduite
50. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996.50
Mars - Avril
• Spécifier les rôles à bord
• Apports et séances autour de thèmes tactiques et stratégiques: quantifier
et qualifier les variations du vent, du courant, de l’état de la mer au
regard des indices présents sur le plan d’eau
Régates
• INTERLIGUE de Plérin et 1/2 National de La Baule:
• chercher le vent frais pour privilégier la prise d’informations et
les échanges sur la stratégie
• LIGUES:
• privilégier la construction de projets stratégiques et échanger
collectivement à ces sujets.
Mai - Juillet
Entraînements
• Réception de voiles neuves et mâts neufs: travail sur les réglages
• Dominante tactique et stratégie
Régates
• INTERLIGUE de La Rochelle:
• mise en évidence des points à travailler au niveau tactique
• EQUIPEE BLEUE
• travail sur le matériel et confrontation des réglages (1ère régate
nationale
• exploiter les différents types de courses pour travailler des
points particuliers suivant les problèmes rencontrés par les
équipages
• CHALLENGE EUROPEEN (1 équipage sélectionné)
• pas d’objectif de classement
• objectif prioritaire: chercher le contact et privilégier les aspects
tactiques sur toutes les phases de regroupement (départs,
recroisements, passage de marques, arrivée)
Août
• CHAMPIONNAT DE FRANCE
• objectif sportif de l’année
• gestion des contraintes liées à un objectif de performance
• urgence du travail de construction / analyse conjointe des
manches
c) Formaliser le programme par écrit
Enfin, il est important que le programme soit
formalisé précisément (calendrier des entraînements
et des compétitions) sous forme écrite, et
communiqué à chacun des régatiers. Ainsi, ce
document peut contribuer à l’institution d’un cadre
de travail explicite et d’un référentiel commun,
favorisant la responsabilisation de chacun
(l’entraîneur comme le régatier) dans la réalisation
du programme.
51. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 51
Références utiles
- Guével, A. (1994). Rappel des principes fondamentaux en programmation et planification de
l’entraînement physique. Actes du 3ème Colloque des Entraîneurs de la FFV, ENV, 55-70.
- Manno, R. (1992). Les bases de l’entraînement sportif. Paris: Ed. Revue EPS.
- Monier, G., Chedeville, J., Denis, C. (1993). Voile: manuel de l’entraîneur. Mémento Technique de
la FFV.
- Platonov, V.N. (1988). L’entraînement sportif, théorie et méthodologie. Ed. Revue EPS.
- Saury, J. (1994). « Voir la performance et l’entraînement comme des systèmes complexes ». Les
Cahiers de l’ENV, 17, 5-14.
- Saury, J., Leblanc, S. (1992). La performance et l’entraînement en voile: réflexions et propositions
de modèles. Les Cahiers de l’ENV, 13, 52-63.
53. Formation pédagogique des entraîneurs de voile
J.Saury. Ecole Nationale de Voile. 1996. 53
Agir efficacement: Entraînement (1)
Préparer les
séances
d’entraînement
La conduite d'une séance d'entraînement est une
tâche trop complexe pour que l'entraîneur puisse
s'y engager efficacement sans « avoir une idée »
assez claire de son intervention; sans avoir prévu
un certain nombre de thèmes de travail et de
situations d'entraînement; ou sans avoir envisagé
des alternatives possibles en fonction des
conditions de vent et de mer, etc. Cette
anticipation est d’autant plus nécessaire que
l’entraîneur est peu expérimenté. La préparation de
la séance vise à organiser l’action de l’entraîneur
vers des objectifs de perfectionnement des
régatiers. Elle vise également à anticiper au
maximum sur les événements futurs probables afin de
réagir plus rapidement et plus efficacement pendant
la séance. Mais comment concilier la double
exigence anticiper / s’adapter ? Dans ce thème une
démarche « stratégique » de préparation est
proposée, par analogie avec la distinction entre
les composantes « stratégiques » et « tactiques »
de l’activité du régatier. Elle est constituée de
trois objectifs principaux de formation: acquérir
un répertoire de situations-type, enrichir son
répertoire personnel de situations, et mettre en
oeuvre des « organisateurs stratégiques » de la
préparation.
1 - Cas concrets
• « Il est inutile de préparer trop précisément
les exercices... les conditions changent et l’on
doit nécessairement changer son plan,
improviser... »
Une séance d’entraînement peut-elle être improvisée
? Observons qu’en jazz, seuls des musiciens
chevronnés savent improviser ! L’improvisation: un
signe de compétence... ou de paresse désinvolte ?
• « Il faut essayer de prévoir tout ce qui
pourrait arriver... »
Si le vent faiblit, alors j’orienterai le travail
sur des comparatifs de vitesse; mais si il est trop
instable, alors je proposerai des situations de
manoeuvres... (la technique du « si, alors... »)
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• « Dans une séance d’entraînement, on doit
toujours globalement répéter les mêmes
exercices... »
Cela peut s’expliquer: la régate c’est toujours un
départ, du près, du largue, des virements, etc.
Mais qu’en pensez-vous ? Il arrive souvent que des
régatiers se plaignent du manque d’originalité des
séances d’entraînement.
• « Dans une séance, il faut un peu tout
travailler: la vitesse, la tactique, les
manoeuvres... »
Travailler sur l’ensemble des thèmes de la régate
à chaque séance ou travailler sur quelques
dominantes ?
• « En fait, c’est le bilan de la séance précédente
qui est le moment de préparation le plus
efficace: les problèmes à travailler
ressortent... »
Cela permet à chaque séance d’entraînement d’être
la suite de « l’histoire » de la précédente
séance...