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Don Bosco annonce le premier départ des Soeurs missionnaires pour l'Amérique
Le 8 septembre - fête de la Sainte Vierge et premier samedi - la décision de Don Bosco pour un
premier départ des Filles de Marie-Auxiliatrice pour l'Amérique est communiquée à la
communauté: leur destination sera l'Uruguay.
A l'annonce de la belle nouvelle, un hymne de joie s'élève de tous les coeurs. Toutes sont
reconnaissantes à la Madone pour le choix qu'elle a voulu faire de si pauvres filles à lancer à travers
l'océan, pour le rachat de tant d'âmes assoiffées de lumière, de bien, de vie éternelle.
Mais une si grande joie est atténuée par une autre nouvelle: Don Costamagna a été choisi lui aussi
pour les missions d'Amérique!
Lui-même écrit à ce sujet: «Après avoir obtenu le premier départ de Soeurs missionnaires, le
théologien Cagliero a également obtenu de déloger le «benêt» de Mornèse pour accompagner les
Soeurs à Montevideo. C'est ainsi que se termine la triste histoire: Isaac en route vers le mont
Moriah»!
Si chaque Soeur voudrait être du nombre des missionnaires, c'est avec beaucoup de raison qu'elle
voudrait faire partie du groupe conduit par le directeur, mais la Mère répète le passage d'une lettre
qui exprime clairement la pensée de Don Bosco: «Que celles qui désirent se consacrer aux missions
étrangères, pour coopérer avec les Salésiens au salut des âmes, et particulièrement des filles, fassent
leur demande par écrit: on choisira ensuite! ».
C'est une compétition générale pour cette demande et chacune s'exprime dans les termes les plus
convaincants, espérant être parmi celles qui seront choisies.
Avec le retour de Don Costamagna à Mornèse, après le Chapitre général,4
l'étude de l'espagnol
s'intensifie dans la maison. Quelques-unes se consacrent aussi au français, parce que la fondation[p.
283]de Saint-Cyr, en France, est désormais proche, et on travaille à préparer le nécessaire pour
celles qui vont partir.
Pour l'instant, l'écho de l'affaire connue de l'école communale où un Salésien et une Soeur
institutrice5
prêtent leur concours est encore vivant à Mornèse. Quelqu'un, qui garde au coeur
l'ancienne rancune envers Don Bosco, insinue des hypothèses et des considérations plutôt
pessimistes: ces prêtres et ces nonnes de Don Bosco font si vite à déménager ou à mourir!... Et
l'administration communale perd de son autorité à leur céder renseignement et à permettre que
celui-ci soit exercé dans le collège même!
«Nous, taisons-nous et prions - dit la Mère quand on lui en fait la confidence. - La Madone et Don
Bosco savent tout, nous avons confiance en eux, demeurons en paix».
Les premières missionnaires
Le 27 septembre, on communique finalement le nom de celles qui ont été choisies pour l'Amérique:
Soeur Angela Vallese de Lu, directrice du groupe chanceux; Soeur Jeanne Borgna, native de
Buenos Aires, Soeur Angela Cassulo de Castelletto d'Orba, Soeur Angela Denegri de Mornèse,
Soeur Thérèse Gedda de Pecco (Turin), Soeur Thérèse Mazzarello dite Baroni.
Ces dernières s'occupent aussitôt d'obtenir de leurs familles l'autorisation requise, car c'est le désir
de Don Bosco que les parents participent en totale et chrétienne adhésion au nouveau et plus grand
sacrifice de leurs enfants et à leur mérite.
Départ de Don Costamagna
Le 28, Don Costamagna fait, avec un effort extraordinaire, sa conférence d'adieu à la communauté,
en développant les points suivants: le monde sous les pieds, dans le coeur toujours Jésus, dans la
4
Annexe n° 18.
5
Annexe n° 19.
tête, l'éternité.
Que chacune soit une copie vivante de la sainte Règle, la voie la plus courte pour aller au Ciel est
l'obéissance, prier les uns pour les autres, pour nous retrouver tous ensemble, un jour, au Paradis.
Le lendemain, samedi 29, il part pour Turin, et de là pour Caramagna pour saluer sa maman.
Plus qu'un départ, le sien est une fuite. Son coeur ne supporte pas de faire et de recevoir des
salutations d'adieu. Il laisse écrit sur les humbles pages de chronique: «Aujourd'hui, c'est le jour du
détachement: que le Seigneur me donne la force de faire en tout sa sainte volonté, et moi, après
avoir chanté avec Job: Sicut Domino placuit, ita factum est. Sit nomen Domini benedictum (Job I,
verset 21), je fais le premier pas et donne le triste adieu à cette sainte maison où, pendant trois ans et
plus, la miséricorde de Dieu a voulu me mettre sous les yeux tant de bons exemples, dont je n'ai pas
profité.
Adieu, donc!
«Je pars pour l'Amérique
mais non pas que je ne t'oublie:
je m'en vais, mais mon coeur reste ici...
Mes Soeurs, adieu!
«D'au-delà du vaste océan,
en priant le Dieu souverain,
je vous aurai toujours
gravées dans l'âme...
Mes Soeurs, adieu!
Don Santiago Costamagna!»
Les soeurs ont les larmes aux yeux, et le coeur reconnaissant, elles prient pour lui.[p. 287]
Compétition d'humilité pour le voyage à Rome
Le 9 étant le jour fixé pour l'audience pontificale, ceux qui partent devront se trouver à Rome dès la
veille. Les Soeurs missionnaires quitteront donc Mornèse dans la soirée du 6. Il est donc temps de
décider qui les accompagnera.
La Mère, souffrant alors de son rhumatisme aigu à la tête avec de violents maux d'oreilles, ne
pouvant y aller, ce sort reviendrait à Mère Pétronille; mais celle-ci, qui n'a jamais voyagé, cède sa
place à Mère Emilia Mosca, qui est plus apte; mais Mère Emilia - qui irait à Rome en volant - est
peinée de voir que les missionnaires ne seraient confiées qu'à elle seule.
Dans cette belle compétition d'humilité, la Mère dit résolue: «J'y vais: cela me revient et le Seigneur
y pensera». Et sans écouter les conseils de la prudence humaine, elle se prépare à partir.
Cérémonie d'adieu
Des six missionnaires qui partent deux seulement iront à Rome comme déléguées pour recevoir la
bénédiction du Saint Père: c'est ce que les conditions économiques imposent.
Puisque Soeur Angèle Vallese et Soeur Jeanne Borgna ne reviendront pas à Mornèse et resteront à
Gênes pour l'embarquement, Don Lemoyne fait le nécessaire pour une cérémonie d'adieu, comme
cela se fait à Turin pour les Salésiens. Aussi l'après midi du mardi 6, la petite chapelle est-elle
bondée de parents et d'amis. On chante les vêpres, comme dans les grandes solennités; puis font
suite les paroles d'adieu et d'encouragement que le bon directeur adresse à celles qui s'en vont et à
celles qui restent, en recommandant à toutes de prier les unes pour les autres, afin de conserver
l'esprit d'union et de charité.
Après la bénédiction du Saint-Sacrement, vient le chant, en chœur, des prières pour les voyageurs.
A la fin, la Mère se lève et se dirige vers la sortie. Les Sœurs [p. 288] la suivent, tout en laissant
libre cours aux larmes, qui ont été refoulées jusqu’alors.
Tous pleurent et se pressent pour dire encore un mot à leur fille, à leur soeur, a leur maîtresse, à
leurs amies. Les missionnaires sont si sereines dans le sacrifice des affections les plus chères que les
parents, bien qu’en pleurant, les bénissent et remercient Dieu de leur avoir accordé un si grand don.
La Mère et les missionnaires partent de Mornèse à Rome
Le soir, la Mère et les deux missionnaires quittent Mornèse pour se rendre à Sampierdarena et se
joindre aux Salésiens qui vont à Rome.
Elles passent la nuit chez les bonnes dames qui s’occupent de la lingerie et de la cuisine de cet
hospice, où elles sont si bien reçues. Quelle joie pour Sœur Vallese d’y trouver aussi Don Cagliero,
qu’elle n’avait pas encore vu, depuis son retour d’Amérique !
Au souper, alors qu’on prend les derniers arrangements pour le voyage, Mère Mazzarello dit à Don
Cagliero : « Monsieur le directeur, ne vous semble-t-il pas qu’en allant à Rome je vais faire perdre
de l’estime pour l’Institut ? Le Saint-Père croira voir, dans la Supérieure générale, une Sœur
instruite, et il n’aura devant lui qu’une pauvre ignorante ».
Don Cagliero sourit et il encourage la Mère à y aller malgré tout. Puis, tourné vers les deux Sœurs
et les autres présents, y compris Don Costamagna et Don Paul Albera, directeur de la maison, il dit
a mi-voix : « Retenons la leçon ».
Le lendemain, on part pour Rome, en compagnie de Don Jean Cagliero.[p. 289]
A Rome
Arrivés à Rome, on trouve une bonne hospitalité à l'hospice des pèlerins, dans des appartements
séparés pour les Salésiens et pour les Soeurs, mais ils ne trouvent rien à manger, parce que l'hospice
n'offre qu'un seul repas à deux heures de l'après-midi.
Comment faire? Les Salésiens ont faim! Les Soeurs ne disent rien, mais... Mère Mazzarello, sans
craindre l'obscurité ni les nouveautés de Rome, prend avec elle Soeur Borgna et, comme si elle était
à Mornèse, va dans les magasins les plus proches s'approvisionner de fruits, de pain et de fromage,
pour tout le monde.
Le matin suivant - vendredi 9 - levées tôt, bien reposées, les Soeurs assistent à plusieurs messes
dans la chapelle de l'hospice, ensuite un peu de déjeuner, et en route pour visiter la Basilique de
Saint-Pierre, avant de monter les escaliers du Vatican pour l'audience pontificale.
Vers midi, tous sont dans l'attente du Saint-Père.
Précédé d'un groupe de gendarmes, de gardes pontificaux et de prélats, voici le Pape, porté sur la
«sedia gestatoria». Son visage porte les traces de la souffrance, à cause de sa santé fortement
secouée.
Saisissant l'occasion de la dédicace de la Basilique de Latran, dont c'est le jour anniversaire, le
Saint-Père parle de la bonté de l'Eglise envers ses fils obéissants et de la sévérité de Dieu envers les
fils rebelles qui ne veulent pas la reconnaître comme Mère.
Il parle longuement de Don Bosco et de la grande grâce d'être les fils et les filles d'un si grand père.
Il montre sa satisfaction et aussi sa surprise d'apprendre que tout le groupe prosterné à ses pieds
demande la bénédiction papale pour partir ensuite dans les missions d'Amérique, et il demande à
Don Cagliero: «Où Don Bosco prend-il tous ces gens-là?».
- Sainteté, c'est la divine Providence qui les lui envoie. Le Pape joint les mains, lève les yeux au ciel
et s'écrie: «Oh, divine Providence! ".[p. 290]
A ce moment, Mère Mazzarello, émue et humble, dit tout doucement sans quitter des yeux la
vénérée figure de Pie IX: «O Seigneur, bénissez votre Vicaire!».
Don Cagliero présente ensuite la Supérieure générale des Filles de Marie-Auxiliatrice. Le Saint-
Père la félicite ainsi que les Soeurs. Il ajoute avec tendresse qu'elles ont de la chance et que le
Seigneur les bénit parce qu'elles sont les filles de Don Bosco; qu'elles vont avoir, elles aussi, un
vaste champ de travail évangélique et que, véritablement soucieuses et aimantes, elles feront
beaucoup de bien en préservant du mal beaucoup de jeunes filles négligées par leurs parents; que
dans les missions elles sauveront beaucoup de pauvres sauvages en leur apprenant à connaître Dieu,
à l'aimer et à le servir sur terre, pour le rejoindre au ciel.
Il termine par sa bénédiction: «Mes bons fils et mes bonnes filles, que notre Bénédiction
Apostolique descende sur vous, sur vos pères et mères et vos parents, sur vos confrères et consœurs,
afin que s'étendent la gloire de Dieu, le bien de l'Eglise et le salut des âmes. Au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit. Amen!».
Le Pape admet ensuite tous ceux qui sont présents à baiser le saint anneau.
Aux deux missionnaires, il laisse comme souvenir d'être comme les grandes vasques des fontaines,
qui reçoivent l'eau et la reversent au profit de tous: c'est-à-dire des vasques de vertu et de savoir, au
profit de leurs semblables. Et après avoir posé ses deux mains sur la tête de chacune, il ajoute
paternellement: «Que Dieu vous bénisse, afin que vous puissiez faire beaucoup, beaucoup de
bien!».
Les missionnaires sont émues et émerveillées. La Mère ne parle pas: toute son âme est recueillie
dans ses yeux, et même à la sortie, quand les Soeurs lui demandent avec insistance son impression,
elle dit seulement son admiration pour la grande bonté du Pape.
Puis, en hâte, on se dirige vers l'hospice pour le dîner. Elles sont attendues par la voiture mise à leur
disposition par un coopérateur pour les visites à Rome, en compagnie du confrère Musso, maître
cordonnier et néo-missionnaire.[p. 291]
L'après-midi, tous vont ensemble aux catacombes de saint Callixte. Bien qu'à Rome le climat soit
ordinairement plutôt tempéré, la fraîcheur se fait aussi sentir, et la pauvre Mère, que les
rhumatismes ne laissent pas en paix un seul instant, s'est enveloppée la tête de son châle.
Pendant la visite des catacombes, elle s'aperçoit que l'abbé salésien Charles Pane, tremble de froid à
la suite d'une crise de fièvre paludéenne qui l'afflige depuis des mois. La Mère enlève alors son
châle et le présente tout simplement à l'abbé en le priant de vouloir s'en servir pour éviter une plus
grave maladie.
Le pauvre fiévreux s'en défend un peu, mais il est obligé d'accepter sur les insistances de la Mère,
pour avoir chaud.
Le châle change donc de propriétaire, et les Soeurs regardent avec peine la Mère qui souffre. Celle-
ci sourit à ses filles, sort de sa poche un petit foulard de soie noire à rayures violettes, s'en couvre la
tête malade, et ne l'enlève plus lorsqu'elles sortent dans Rome.
Rentrées à l'hospice, vers la tombée du jour, la Mère pense que les Salésiens et les Soeurs
prendraient volontiers un casse croûte. Elle va de nouveau avec Soeur Borgna faire des achats,
pourvoyant aussi pour le petit déjeuner. C'est ainsi que les rues voisines de l'hospice voient une
supérieure générale, la tête recouverte d'un petit foulard noir et violet, chargée de pain et de fruits.
Elle ne pense pas à elle, toutes ses sollicitudes et ses attentions sont pour les autres. Heureusement
qu'à l'hospice il y a des oreillers pour donner un certain bien-être à sa pauvre tête malade. A
Mornèse, elle n'en dispose pas! Quand le rhumatisme l'assaille et que ses oreilles la font beaucoup
souffrir, elle se contente d'un petit escabeau en bois pour tenir soulevée sa tête endolorie. Si
quelqu'une va lui chercher quelque chose de moins dur, elle s'empresse de dire: «Non, cela me
suffit, nous sommes des pauvres! ».
Les jours qui restent sont consacrés aux visites à la Basilique et aux monuments de la Rome
chrétienne.
Elles ont même la chance d'assister, à saint Jean-de-Latran, à la consécration de quelques évêques et
d'assister à une messe en chant grégorien. La Mère sait tirer de tout des motifs de dévotion [p. 292]
filiale pour le Pape, de vénération profonde pour les saints apôtres et martyrs, qui précisément à
Rome ont confessé Jésus-Christ, en versant leur sang pour la foi, et devant tant de trésors d'art et de
religion, elle s'écrie souvent: «Comme le Paradis sera beau! ».
Attente et arrivée à Sampierdarena
Le soir du 12, on repart en train pour Gênes et, le lendemain 13, on arrive à Sampierdarena.
N'y trouvant pas les autres venues de Mornèse, la Mère craint quelque malheur.
Mais elles arrivent enfin en compagnie de Mère Emilia Mosca et de Mère Henriette Sorbone.
- Pourquoi si tard?..
«Nous serions venues hier soir, si, dès l'aube, nous n'en avions pas été empêchées d'abord par un
brouillard très épais qui empêchait de voir à quelques mètres de distance, et ensuite par une pluie
diluvienne et continue qui inondait toutes les routes; et enfin, un vent si terrible au point de rendre
inutiles toutes nos insistances. Mère Pétronille et le directeur n'ont pas voulu que nous partions.
Alors, puisque le temps pressait, on a essayé d'avoir une voiture pour arriver au moins à Ovada, y
passer la nuit et repartir tôt ce matin.
Mais personne n'a voulu bouger par ce temps-là, et à aucun prix. Tout le monde disait que c'était
aller au-devant de la mort. Il fallait cependant partir, au moins pendant la nuit. Qu'a fait Mère
économe? Elle s'est fait prêter un char avec des bœufs et l'a fait venir sous le portique. Puis, avec de
grosses baguettes très bien liées ensemble et placées en arc sur le char, elle a formé une espèce de
pavillon en cousant sur les arcs de bonnes couvertures rembourrées qui, tombant de part et d'autre,
formaient une voiture d'un nouveau genre, mais commode et solide, avec des chaises et de la paille
pour sièges. Nous mettre en route sans l'essayer,[p. 293] non; alors, certaines d'entre nous sont
entrées dans la nouvelle arche de Noé; d'autres se sont munies de lanternes et, en chantant des
hymnes à la Madone, elles ont entouré le char à l'essai. Une belle récréation qui, vu le soir
exceptionnel, dura jusqu'à 10 heures et demie. Ensuite, prières et toutes au repos: nous aussi, mais
pour peu de temps.
La pluie continuait sans interruption et le directeur ne savait que décider. Ce char était un abri trop
faible contre un tel déluge du ciel. La pluie qui tombait à verse pouvait facilement le soulever de
terre et le jeter qui sait où; dans la meilleure des hypothèses, le pas trop lent des bœufs nous aurait
probablement fait rater le train.
C'est alors qu'arriva le secrétaire Traverso. Ayant appris notre embarras, il se présenta pour
transporter, à l'aube, sur son cabriolet la Soeur la plus faible qui ne résisterait pas à la marche.
C'était déjà quelque chose!
A minuit, nous nous levons et nous allons à la chapelle pour prier et faire la sainte communion. Il
n'y a pas de temps à perdre. Il pleut toujours, mais non plus avec la violence d'avant. Après avoir
salué en silence notre belle maison de Mornèse et Mornèse lui-même, et après avoir encore reçu une
bénédiction du directeur, nous allumons les lanternes et nous nous mettons en route.
Un brave coopérateur salésien vient à notre rencontre et nous dit: «Me voici! Je viens vous
accompagner. N'ayez pas peur et vous, Monsieur le directeur, soyez tranquille, je connais les routes
et nous nous en tirerons sans danger».
Nous sommes parties avec ce nouvel archange saint Raphaël, réellement au courant et sûr, et, à
l'aube, nous avons été rejointes par le cabriolet. Et maintenant, nous voilà ici.
Mais comme ils sont bons les coopérateurs salésiens! Dites-le, Mère, à Don Bosco. Ils nous ont
aussi tiré d'affaire pour les passeports, et n'ont épargné leurs pas ni à Novi, ni à Gênes! ».
A l'hospice, tout le monde est affairé pour les missionnaires et pour l'arrivée de Don Bosco, et les
Soeurs s'affairent aussi pour préparer et emballer tout ce qui pourra être nécessaire pour la
célébration de la sainte messe sur le navire.[p. 294]
L'Image de l'Auxiliatrice part aussi avec les missionnaires
Avant que Don Costamagna ne quitte Mornèse, le tableau de Marie Auxiliatrice, celui que Don
Pestarino lui-même s'était fait offrir et bénir par Don Bosco pour sa chère petite église, avait disparu
de la chapelle du collège.
C'était une des premières et rares reproductions de la Madone du Valdocco, la première image qui
avait représenté aux «Filles» la divine inspiratrice de l'œuvre salésienne. Toutes avaient pensé que
le directeur l'avait emportée dans la maison Carante pour se consoler devant l'Auxiliatrice de la
peine que le départ lui causait, et on en attendait une prompte restitution. Don Costamagna la remet
maintenant à Soeur Thérèse Mazzarello, avec l'ordre de ne la céder à personne, de la lui garder
jusqu'à l'arrivée en terre américaine, parce qu'il compte la porter à sa nouvelle destination et la
conserver en souvenir de Mornèse. Qui peut l'en empêcher? D'autre part, les missionnaires aussi
s'en réjouissent, et elles conservent le tableau comme un précieux dépôt, quasi comme un talisman.
Peu après, alors qu'elles sont toutes autour des supérieures pour ces derniers moments d'adieu, Don
Cagliero se présente avec une autre belle peinture sur toile: Marie Auxiliatrice, qui tient dans ses
bras un gracieux Enfant Jésus souriant. «Je l'ai volé dans la sacristie du Valdocco - dit-il en
plaisantant - je l'ai volé pour vous. Il a été peint par un monsieur qui souffrait des yeux et qui était
sur le point de devenir aveugle. Il a eu recours à Don Bosco qui, après avoir guidé pendant un
moment le pinceau sur la toile, l'a béni. Depuis lors, le malade s'est trouvé parfaitement guéri et il
nous a fait cadeau de cette Madone si belle».
C'est donc un tableau miraculeux: rien que de le voir est une cause de joie!
Don Bosco l'a béni et il l'envoie aux missionnaires.
«Emportez-le avec vous, et que la Madone vous bénisse et vous accompagne durant le long
voyage».[p. 295]
Souvenirs, bénédictions, larmes d'adieu
L'heure du repos venue, la chambre qui a servi il y a quelques jours pour celles qui partaient à
Rome doit suffire pour toutes les neuf. Il n'y a que deux lits, mais on met deux matelas par terre et
elles s'arrangent comme elles peuvent, en quittant seulement leur habit et leurs chaussures. Aucune
ne dort: ce sont les dernières heures à passer ensemble.
Le matin du 14, mercredi, Don Bosco célèbre très tôt. Puis, il confesse les missionnaires qui se
présentent pour une dernière absolution et un dernier souvenir.
Soeur Jeanne Borgna, comme pour chasser ses larmes, dès qu'elle est hors de l'église, dit au milieu
du groupe silencieux et recueilli: «Le bon Père m'a dit: Souvenez-vous que vous allez en Amérique
pour faire la guerre au péché. Et aussi: Vous direz trois Angele Dei, tous les jours, durant le voyage
jusqu'à destination. Ne vous semble-t-il pas que c'est une belle pénitence pour mes gros péchés?».
Au dehors, il pleut et le vent souffle, et cependant, à neuf heures et demie, les Soeurs et les
Salésiens se trouvent sur le navire. Mère Mazzarello visite cabine après cabine, couchette après
couchette, pour se rendre compte que rien ne manque de ce qui puisse soulager les Soeurs des
incommodités du voyage. Puis, comme si le coeur éprouvait encore le besoin de se donner et de se
donner encore à ces filles qu'elle pense ne plus revoir, elle s'entretient avec chacune en particulier,
parle à toutes ensemble, s'arrange pour les conduire elle-même là où se trouve Don Bosco, pour
qu'il leur répète une de ses paroles si efficaces. Don Bosco sourit, parle, réconforte, pendant que
Don Cagliero essaie de les maintenir toutes joyeuses par la promesse de poignées d'âmes et celle
d'un prochain au revoir. Mais, finalement, il faut descendre. L'ordre a été répété - pour les non
voyageurs - de quitter le navire: il faut obéir.
Les Salésiens et les Soeurs s'agenouillent autour de Don Bosco, et le Père lève la main pour les
bénir.
On regrette de ne pouvoir disposer d'un appareil photographique. Mais on sait aussi qu'une fois
encore s'élèverait la voix [p. 296] de Don Costamagna pour répéter, comme aux jours de son départ
de Mornèse, quand on lui proposait de faire photographier les Soeurs missionnaires: «Oui, oui, pour
quand nous serons cinq mètres sous terre!...».
Les yeux du Fondateur sont pleins de larmes, il se hâte vers l'échelle pour essuyer, sans être vu, les
pleurs qu'il ne peut retenir et sa main tremble tellement qu'en remettant son mouchoir en poche il le
laisse tomber. Alors, très leste, Soeur Borgna le lui remplace par un autre fraîchement lavé, tandis
qu'elle baise pieusement celui qui est baigné des larmes du Père. Elle sait que ce sont les larmes
d'un saint. Ce mouchoir essuiera ensuite des larmes en Amérique...
La Mère aussi donne son dernier adieu. Les Soeurs répondent par un cri réprimé: «Mère, Mère!»;
elle est déjà au bas de l'échelle, elle met déjà le pied dans la barquette où les deux soeurs qui
l'accompagnent sont montées et l'attendent.
Tout le monde s'est mis en place; on prend le large sur les flots agités, le vent emporte le chapeau de
Don Bosco. Heureusement, Mère Emilia, attentive à chaque mouvement du supérieur, réussit à le
saisir alors qu'il effleure déjà l'eau.
Du haut du pont, le groupe ému salue. Don Bosco jette un dernier long regard, Mère Mazzarello
retient avec peine ses larmes. Don Cagliero voudrait dire une plaisanterie pour détendre
l'atmosphère, mais il n'y parvient pas.
«Je veux aimer Marie»
A un certain moment, arrive de la mer une onde sonore. C'est Don Costamagna au piano, qui
accompagne le chœur des missionnaires: «Je veux aimer Marie». Le chant se perd au loin.
Doux souvenir! Le jour où Don Costamagna le composait à Mornèse, comme il n'y avait pas
d'instrument dans la maison Carante, il s'était arrêté à la sacristie, et là, il essayait et répétait sur
l'harmonium, les premières notes surtout, qui ne voulaient pas venir: «Je veux aimer Marie»... La
maison était tellement inondée [p. 297] par ce son, qu'à l'ouvroir on ne pouvait s'entendre qu'en
élevant la voix. La Mère qui, tout en travaillant, parlait aux postulantes et aux novices, avait changé
de place plusieurs fois, mais cette ritournelle: «Je veux aimer Marie» semblait la poursuivre partout.
A la fin, avec le plus doux sourire et une expression d'impatience subtile, elle avait dit: «Allez un
peu dire à Monsieur le directeur que non seulement lui veut aimer Marie mais que nous voulons
l'aimer nous aussi. Et qu'il reste tranquille!...».
«Père, est-ce que J'irai en Amérique?»
Le retour à Sampierdarena est silencieux, parce qu'on comprend bien que le coeur de ceux qui
restent est sur le navire avec le coeur de ceux qui s'en vont.
Tous montés dans le même tram, Don Bosco dit en souriant, à la sortie d'un petit tunnel: «Comme
on comprend que nous sommes faits pour la lumière».
Alors, Mère Mazzarello, suivant sa propre pensée, lui demande:
- Père, est-ce que j'irai en Amérique?
- Vous? Vous y irez quand j'irai moi!
Le sujet aiguise les désirs des deux jeunes compagnes de Mère Mazzarello, et Mère Emilia
demande à son tour:
- Et moi, Père, est-ce que j'irai?
Don Bosco répond à voix basse quelque chose qui échappe aux autres, et aussitôt Mère Henriette
dit:
- Et moi, Père?
- Vous? Nous vous enverrons dans les Indes.
Oui, vous vous sauverez et elles se sauveront...!
Avant de repartir, la Mère et les deux Soeurs vont encore revoir [p. 298]Don Bosco. Mère Emilia,
qui est restée un instant seule avec le Père lui demande une confiance filiale: «Est-ce que Je me
sauverai?».
Après avoir réfléchi un instant, Don Bosco répond: «Oui, vous vous sauverez». Et après un autre
moment de réflexion, il ajoute: «Vous n'irez pas seule au Paradis, mais toutes les Filles de Marie-
Auxiliatrice qui mourront dans l'Institut, et aussi tous leurs parents jusqu’à la 4e
génération»: «Et
après un autre moment: «Et elles se sauveront aussi toutes les pensionnaires qui mourront dans nos
maisons».
Si les missionnaires avaient entendu cette consolante assurance, elles auraient encore plus joui du
sacrifice qu'elles offraient au Seigneur, mais elles le sauront, elles le sauront elles aussi grâce aux
premières lettres qui partiront de Mornèse pour l'Amérique.
Premières nouvelles du voyage
Novembre s'achève avec de bonnes nouvelles des missionnaires, qui sont à l'escale du Détroit de
Gibraltar.
Elles ont subi les premiers ennuis de la mer démontée, mais sans être privées de la communion
quotidienne. Elles ont assisté à la messe de précepte que Don Costamagna a célébrée sur le pont et à
laquelle ont aussi assisté les passagers catholiques du Savoie.
Grâce à la courtoisie de certains messieurs, presque tous espagnols, elles sont passées en première
classe vers la poupe, où elles sont plus libres de se récréer et de s'entretenir entre elles avec la joie
habituelle de Mornèse. Quelques bonnes dames se sont déjà approchées d'elles, et tous les jours -
plusieurs fois par jour -.elles peuvent se trouver au milieu des petits enfants, les réjouir par quelques
jeux, les occuper à un petit travail et, surtout, les catéchiser.
Lorsqu'elles se retirent, le soir, dans le petit salon laissé à leur disposition, et qu'elles entonnent les
cantiques de Mornèse, spécialement le Solchiamo un mare infido... - nous sillonnons une [p. 299]
mer perfide, les voyageurs forment un groupe au-dehors pour écouter le chant à la Vierge bénie.
Au milieu des attentions générales et bienveillantes dont elles sont l'objet, elles sentent qu'elles ont
avec elles tous les coeurs restés au pays. Alors, se ranime l'espérance d'un grand bien dans leur
«terre promise»! Que de chaleureuses salutations pour la Mère, les consœurs, les chers parents!
Quel désir d'être rappelées dans les prières de tous et spécialement du saint Fondateur et Père Don
Bosco.6
6
De la lettre de Don Costamagna à Don Bosco du 19 novembre 1877, cf. «Bollettino salesiano. gennaio 1878, p. 3
(original aux Arch. Centr. Salés.).

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  • 1. Don Bosco annonce le premier départ des Soeurs missionnaires pour l'Amérique Le 8 septembre - fête de la Sainte Vierge et premier samedi - la décision de Don Bosco pour un premier départ des Filles de Marie-Auxiliatrice pour l'Amérique est communiquée à la communauté: leur destination sera l'Uruguay. A l'annonce de la belle nouvelle, un hymne de joie s'élève de tous les coeurs. Toutes sont reconnaissantes à la Madone pour le choix qu'elle a voulu faire de si pauvres filles à lancer à travers l'océan, pour le rachat de tant d'âmes assoiffées de lumière, de bien, de vie éternelle. Mais une si grande joie est atténuée par une autre nouvelle: Don Costamagna a été choisi lui aussi pour les missions d'Amérique! Lui-même écrit à ce sujet: «Après avoir obtenu le premier départ de Soeurs missionnaires, le théologien Cagliero a également obtenu de déloger le «benêt» de Mornèse pour accompagner les Soeurs à Montevideo. C'est ainsi que se termine la triste histoire: Isaac en route vers le mont Moriah»! Si chaque Soeur voudrait être du nombre des missionnaires, c'est avec beaucoup de raison qu'elle voudrait faire partie du groupe conduit par le directeur, mais la Mère répète le passage d'une lettre qui exprime clairement la pensée de Don Bosco: «Que celles qui désirent se consacrer aux missions étrangères, pour coopérer avec les Salésiens au salut des âmes, et particulièrement des filles, fassent leur demande par écrit: on choisira ensuite! ». C'est une compétition générale pour cette demande et chacune s'exprime dans les termes les plus convaincants, espérant être parmi celles qui seront choisies. Avec le retour de Don Costamagna à Mornèse, après le Chapitre général,4 l'étude de l'espagnol s'intensifie dans la maison. Quelques-unes se consacrent aussi au français, parce que la fondation[p. 283]de Saint-Cyr, en France, est désormais proche, et on travaille à préparer le nécessaire pour celles qui vont partir. Pour l'instant, l'écho de l'affaire connue de l'école communale où un Salésien et une Soeur institutrice5 prêtent leur concours est encore vivant à Mornèse. Quelqu'un, qui garde au coeur l'ancienne rancune envers Don Bosco, insinue des hypothèses et des considérations plutôt pessimistes: ces prêtres et ces nonnes de Don Bosco font si vite à déménager ou à mourir!... Et l'administration communale perd de son autorité à leur céder renseignement et à permettre que celui-ci soit exercé dans le collège même! «Nous, taisons-nous et prions - dit la Mère quand on lui en fait la confidence. - La Madone et Don Bosco savent tout, nous avons confiance en eux, demeurons en paix». Les premières missionnaires Le 27 septembre, on communique finalement le nom de celles qui ont été choisies pour l'Amérique: Soeur Angela Vallese de Lu, directrice du groupe chanceux; Soeur Jeanne Borgna, native de Buenos Aires, Soeur Angela Cassulo de Castelletto d'Orba, Soeur Angela Denegri de Mornèse, Soeur Thérèse Gedda de Pecco (Turin), Soeur Thérèse Mazzarello dite Baroni. Ces dernières s'occupent aussitôt d'obtenir de leurs familles l'autorisation requise, car c'est le désir de Don Bosco que les parents participent en totale et chrétienne adhésion au nouveau et plus grand sacrifice de leurs enfants et à leur mérite. Départ de Don Costamagna Le 28, Don Costamagna fait, avec un effort extraordinaire, sa conférence d'adieu à la communauté, en développant les points suivants: le monde sous les pieds, dans le coeur toujours Jésus, dans la 4 Annexe n° 18. 5 Annexe n° 19.
  • 2. tête, l'éternité. Que chacune soit une copie vivante de la sainte Règle, la voie la plus courte pour aller au Ciel est l'obéissance, prier les uns pour les autres, pour nous retrouver tous ensemble, un jour, au Paradis. Le lendemain, samedi 29, il part pour Turin, et de là pour Caramagna pour saluer sa maman. Plus qu'un départ, le sien est une fuite. Son coeur ne supporte pas de faire et de recevoir des salutations d'adieu. Il laisse écrit sur les humbles pages de chronique: «Aujourd'hui, c'est le jour du détachement: que le Seigneur me donne la force de faire en tout sa sainte volonté, et moi, après avoir chanté avec Job: Sicut Domino placuit, ita factum est. Sit nomen Domini benedictum (Job I, verset 21), je fais le premier pas et donne le triste adieu à cette sainte maison où, pendant trois ans et plus, la miséricorde de Dieu a voulu me mettre sous les yeux tant de bons exemples, dont je n'ai pas profité. Adieu, donc! «Je pars pour l'Amérique mais non pas que je ne t'oublie: je m'en vais, mais mon coeur reste ici... Mes Soeurs, adieu! «D'au-delà du vaste océan, en priant le Dieu souverain, je vous aurai toujours gravées dans l'âme... Mes Soeurs, adieu! Don Santiago Costamagna!» Les soeurs ont les larmes aux yeux, et le coeur reconnaissant, elles prient pour lui.[p. 287] Compétition d'humilité pour le voyage à Rome Le 9 étant le jour fixé pour l'audience pontificale, ceux qui partent devront se trouver à Rome dès la veille. Les Soeurs missionnaires quitteront donc Mornèse dans la soirée du 6. Il est donc temps de décider qui les accompagnera. La Mère, souffrant alors de son rhumatisme aigu à la tête avec de violents maux d'oreilles, ne pouvant y aller, ce sort reviendrait à Mère Pétronille; mais celle-ci, qui n'a jamais voyagé, cède sa place à Mère Emilia Mosca, qui est plus apte; mais Mère Emilia - qui irait à Rome en volant - est peinée de voir que les missionnaires ne seraient confiées qu'à elle seule. Dans cette belle compétition d'humilité, la Mère dit résolue: «J'y vais: cela me revient et le Seigneur y pensera». Et sans écouter les conseils de la prudence humaine, elle se prépare à partir. Cérémonie d'adieu Des six missionnaires qui partent deux seulement iront à Rome comme déléguées pour recevoir la bénédiction du Saint Père: c'est ce que les conditions économiques imposent. Puisque Soeur Angèle Vallese et Soeur Jeanne Borgna ne reviendront pas à Mornèse et resteront à Gênes pour l'embarquement, Don Lemoyne fait le nécessaire pour une cérémonie d'adieu, comme cela se fait à Turin pour les Salésiens. Aussi l'après midi du mardi 6, la petite chapelle est-elle bondée de parents et d'amis. On chante les vêpres, comme dans les grandes solennités; puis font suite les paroles d'adieu et d'encouragement que le bon directeur adresse à celles qui s'en vont et à
  • 3. celles qui restent, en recommandant à toutes de prier les unes pour les autres, afin de conserver l'esprit d'union et de charité. Après la bénédiction du Saint-Sacrement, vient le chant, en chœur, des prières pour les voyageurs. A la fin, la Mère se lève et se dirige vers la sortie. Les Sœurs [p. 288] la suivent, tout en laissant libre cours aux larmes, qui ont été refoulées jusqu’alors. Tous pleurent et se pressent pour dire encore un mot à leur fille, à leur soeur, a leur maîtresse, à leurs amies. Les missionnaires sont si sereines dans le sacrifice des affections les plus chères que les parents, bien qu’en pleurant, les bénissent et remercient Dieu de leur avoir accordé un si grand don. La Mère et les missionnaires partent de Mornèse à Rome Le soir, la Mère et les deux missionnaires quittent Mornèse pour se rendre à Sampierdarena et se joindre aux Salésiens qui vont à Rome. Elles passent la nuit chez les bonnes dames qui s’occupent de la lingerie et de la cuisine de cet hospice, où elles sont si bien reçues. Quelle joie pour Sœur Vallese d’y trouver aussi Don Cagliero, qu’elle n’avait pas encore vu, depuis son retour d’Amérique ! Au souper, alors qu’on prend les derniers arrangements pour le voyage, Mère Mazzarello dit à Don Cagliero : « Monsieur le directeur, ne vous semble-t-il pas qu’en allant à Rome je vais faire perdre de l’estime pour l’Institut ? Le Saint-Père croira voir, dans la Supérieure générale, une Sœur instruite, et il n’aura devant lui qu’une pauvre ignorante ». Don Cagliero sourit et il encourage la Mère à y aller malgré tout. Puis, tourné vers les deux Sœurs et les autres présents, y compris Don Costamagna et Don Paul Albera, directeur de la maison, il dit a mi-voix : « Retenons la leçon ». Le lendemain, on part pour Rome, en compagnie de Don Jean Cagliero.[p. 289] A Rome Arrivés à Rome, on trouve une bonne hospitalité à l'hospice des pèlerins, dans des appartements séparés pour les Salésiens et pour les Soeurs, mais ils ne trouvent rien à manger, parce que l'hospice n'offre qu'un seul repas à deux heures de l'après-midi. Comment faire? Les Salésiens ont faim! Les Soeurs ne disent rien, mais... Mère Mazzarello, sans craindre l'obscurité ni les nouveautés de Rome, prend avec elle Soeur Borgna et, comme si elle était à Mornèse, va dans les magasins les plus proches s'approvisionner de fruits, de pain et de fromage, pour tout le monde. Le matin suivant - vendredi 9 - levées tôt, bien reposées, les Soeurs assistent à plusieurs messes dans la chapelle de l'hospice, ensuite un peu de déjeuner, et en route pour visiter la Basilique de Saint-Pierre, avant de monter les escaliers du Vatican pour l'audience pontificale. Vers midi, tous sont dans l'attente du Saint-Père. Précédé d'un groupe de gendarmes, de gardes pontificaux et de prélats, voici le Pape, porté sur la «sedia gestatoria». Son visage porte les traces de la souffrance, à cause de sa santé fortement secouée. Saisissant l'occasion de la dédicace de la Basilique de Latran, dont c'est le jour anniversaire, le Saint-Père parle de la bonté de l'Eglise envers ses fils obéissants et de la sévérité de Dieu envers les fils rebelles qui ne veulent pas la reconnaître comme Mère. Il parle longuement de Don Bosco et de la grande grâce d'être les fils et les filles d'un si grand père. Il montre sa satisfaction et aussi sa surprise d'apprendre que tout le groupe prosterné à ses pieds demande la bénédiction papale pour partir ensuite dans les missions d'Amérique, et il demande à Don Cagliero: «Où Don Bosco prend-il tous ces gens-là?».
  • 4. - Sainteté, c'est la divine Providence qui les lui envoie. Le Pape joint les mains, lève les yeux au ciel et s'écrie: «Oh, divine Providence! ".[p. 290] A ce moment, Mère Mazzarello, émue et humble, dit tout doucement sans quitter des yeux la vénérée figure de Pie IX: «O Seigneur, bénissez votre Vicaire!». Don Cagliero présente ensuite la Supérieure générale des Filles de Marie-Auxiliatrice. Le Saint- Père la félicite ainsi que les Soeurs. Il ajoute avec tendresse qu'elles ont de la chance et que le Seigneur les bénit parce qu'elles sont les filles de Don Bosco; qu'elles vont avoir, elles aussi, un vaste champ de travail évangélique et que, véritablement soucieuses et aimantes, elles feront beaucoup de bien en préservant du mal beaucoup de jeunes filles négligées par leurs parents; que dans les missions elles sauveront beaucoup de pauvres sauvages en leur apprenant à connaître Dieu, à l'aimer et à le servir sur terre, pour le rejoindre au ciel. Il termine par sa bénédiction: «Mes bons fils et mes bonnes filles, que notre Bénédiction Apostolique descende sur vous, sur vos pères et mères et vos parents, sur vos confrères et consœurs, afin que s'étendent la gloire de Dieu, le bien de l'Eglise et le salut des âmes. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen!». Le Pape admet ensuite tous ceux qui sont présents à baiser le saint anneau. Aux deux missionnaires, il laisse comme souvenir d'être comme les grandes vasques des fontaines, qui reçoivent l'eau et la reversent au profit de tous: c'est-à-dire des vasques de vertu et de savoir, au profit de leurs semblables. Et après avoir posé ses deux mains sur la tête de chacune, il ajoute paternellement: «Que Dieu vous bénisse, afin que vous puissiez faire beaucoup, beaucoup de bien!». Les missionnaires sont émues et émerveillées. La Mère ne parle pas: toute son âme est recueillie dans ses yeux, et même à la sortie, quand les Soeurs lui demandent avec insistance son impression, elle dit seulement son admiration pour la grande bonté du Pape. Puis, en hâte, on se dirige vers l'hospice pour le dîner. Elles sont attendues par la voiture mise à leur disposition par un coopérateur pour les visites à Rome, en compagnie du confrère Musso, maître cordonnier et néo-missionnaire.[p. 291] L'après-midi, tous vont ensemble aux catacombes de saint Callixte. Bien qu'à Rome le climat soit ordinairement plutôt tempéré, la fraîcheur se fait aussi sentir, et la pauvre Mère, que les rhumatismes ne laissent pas en paix un seul instant, s'est enveloppée la tête de son châle. Pendant la visite des catacombes, elle s'aperçoit que l'abbé salésien Charles Pane, tremble de froid à la suite d'une crise de fièvre paludéenne qui l'afflige depuis des mois. La Mère enlève alors son châle et le présente tout simplement à l'abbé en le priant de vouloir s'en servir pour éviter une plus grave maladie. Le pauvre fiévreux s'en défend un peu, mais il est obligé d'accepter sur les insistances de la Mère, pour avoir chaud. Le châle change donc de propriétaire, et les Soeurs regardent avec peine la Mère qui souffre. Celle- ci sourit à ses filles, sort de sa poche un petit foulard de soie noire à rayures violettes, s'en couvre la tête malade, et ne l'enlève plus lorsqu'elles sortent dans Rome. Rentrées à l'hospice, vers la tombée du jour, la Mère pense que les Salésiens et les Soeurs prendraient volontiers un casse croûte. Elle va de nouveau avec Soeur Borgna faire des achats, pourvoyant aussi pour le petit déjeuner. C'est ainsi que les rues voisines de l'hospice voient une supérieure générale, la tête recouverte d'un petit foulard noir et violet, chargée de pain et de fruits. Elle ne pense pas à elle, toutes ses sollicitudes et ses attentions sont pour les autres. Heureusement qu'à l'hospice il y a des oreillers pour donner un certain bien-être à sa pauvre tête malade. A Mornèse, elle n'en dispose pas! Quand le rhumatisme l'assaille et que ses oreilles la font beaucoup souffrir, elle se contente d'un petit escabeau en bois pour tenir soulevée sa tête endolorie. Si
  • 5. quelqu'une va lui chercher quelque chose de moins dur, elle s'empresse de dire: «Non, cela me suffit, nous sommes des pauvres! ». Les jours qui restent sont consacrés aux visites à la Basilique et aux monuments de la Rome chrétienne. Elles ont même la chance d'assister, à saint Jean-de-Latran, à la consécration de quelques évêques et d'assister à une messe en chant grégorien. La Mère sait tirer de tout des motifs de dévotion [p. 292] filiale pour le Pape, de vénération profonde pour les saints apôtres et martyrs, qui précisément à Rome ont confessé Jésus-Christ, en versant leur sang pour la foi, et devant tant de trésors d'art et de religion, elle s'écrie souvent: «Comme le Paradis sera beau! ». Attente et arrivée à Sampierdarena Le soir du 12, on repart en train pour Gênes et, le lendemain 13, on arrive à Sampierdarena. N'y trouvant pas les autres venues de Mornèse, la Mère craint quelque malheur. Mais elles arrivent enfin en compagnie de Mère Emilia Mosca et de Mère Henriette Sorbone. - Pourquoi si tard?.. «Nous serions venues hier soir, si, dès l'aube, nous n'en avions pas été empêchées d'abord par un brouillard très épais qui empêchait de voir à quelques mètres de distance, et ensuite par une pluie diluvienne et continue qui inondait toutes les routes; et enfin, un vent si terrible au point de rendre inutiles toutes nos insistances. Mère Pétronille et le directeur n'ont pas voulu que nous partions. Alors, puisque le temps pressait, on a essayé d'avoir une voiture pour arriver au moins à Ovada, y passer la nuit et repartir tôt ce matin. Mais personne n'a voulu bouger par ce temps-là, et à aucun prix. Tout le monde disait que c'était aller au-devant de la mort. Il fallait cependant partir, au moins pendant la nuit. Qu'a fait Mère économe? Elle s'est fait prêter un char avec des bœufs et l'a fait venir sous le portique. Puis, avec de grosses baguettes très bien liées ensemble et placées en arc sur le char, elle a formé une espèce de pavillon en cousant sur les arcs de bonnes couvertures rembourrées qui, tombant de part et d'autre, formaient une voiture d'un nouveau genre, mais commode et solide, avec des chaises et de la paille pour sièges. Nous mettre en route sans l'essayer,[p. 293] non; alors, certaines d'entre nous sont entrées dans la nouvelle arche de Noé; d'autres se sont munies de lanternes et, en chantant des hymnes à la Madone, elles ont entouré le char à l'essai. Une belle récréation qui, vu le soir exceptionnel, dura jusqu'à 10 heures et demie. Ensuite, prières et toutes au repos: nous aussi, mais pour peu de temps. La pluie continuait sans interruption et le directeur ne savait que décider. Ce char était un abri trop faible contre un tel déluge du ciel. La pluie qui tombait à verse pouvait facilement le soulever de terre et le jeter qui sait où; dans la meilleure des hypothèses, le pas trop lent des bœufs nous aurait probablement fait rater le train. C'est alors qu'arriva le secrétaire Traverso. Ayant appris notre embarras, il se présenta pour transporter, à l'aube, sur son cabriolet la Soeur la plus faible qui ne résisterait pas à la marche. C'était déjà quelque chose! A minuit, nous nous levons et nous allons à la chapelle pour prier et faire la sainte communion. Il n'y a pas de temps à perdre. Il pleut toujours, mais non plus avec la violence d'avant. Après avoir salué en silence notre belle maison de Mornèse et Mornèse lui-même, et après avoir encore reçu une bénédiction du directeur, nous allumons les lanternes et nous nous mettons en route. Un brave coopérateur salésien vient à notre rencontre et nous dit: «Me voici! Je viens vous accompagner. N'ayez pas peur et vous, Monsieur le directeur, soyez tranquille, je connais les routes et nous nous en tirerons sans danger». Nous sommes parties avec ce nouvel archange saint Raphaël, réellement au courant et sûr, et, à
  • 6. l'aube, nous avons été rejointes par le cabriolet. Et maintenant, nous voilà ici. Mais comme ils sont bons les coopérateurs salésiens! Dites-le, Mère, à Don Bosco. Ils nous ont aussi tiré d'affaire pour les passeports, et n'ont épargné leurs pas ni à Novi, ni à Gênes! ». A l'hospice, tout le monde est affairé pour les missionnaires et pour l'arrivée de Don Bosco, et les Soeurs s'affairent aussi pour préparer et emballer tout ce qui pourra être nécessaire pour la célébration de la sainte messe sur le navire.[p. 294] L'Image de l'Auxiliatrice part aussi avec les missionnaires Avant que Don Costamagna ne quitte Mornèse, le tableau de Marie Auxiliatrice, celui que Don Pestarino lui-même s'était fait offrir et bénir par Don Bosco pour sa chère petite église, avait disparu de la chapelle du collège. C'était une des premières et rares reproductions de la Madone du Valdocco, la première image qui avait représenté aux «Filles» la divine inspiratrice de l'œuvre salésienne. Toutes avaient pensé que le directeur l'avait emportée dans la maison Carante pour se consoler devant l'Auxiliatrice de la peine que le départ lui causait, et on en attendait une prompte restitution. Don Costamagna la remet maintenant à Soeur Thérèse Mazzarello, avec l'ordre de ne la céder à personne, de la lui garder jusqu'à l'arrivée en terre américaine, parce qu'il compte la porter à sa nouvelle destination et la conserver en souvenir de Mornèse. Qui peut l'en empêcher? D'autre part, les missionnaires aussi s'en réjouissent, et elles conservent le tableau comme un précieux dépôt, quasi comme un talisman. Peu après, alors qu'elles sont toutes autour des supérieures pour ces derniers moments d'adieu, Don Cagliero se présente avec une autre belle peinture sur toile: Marie Auxiliatrice, qui tient dans ses bras un gracieux Enfant Jésus souriant. «Je l'ai volé dans la sacristie du Valdocco - dit-il en plaisantant - je l'ai volé pour vous. Il a été peint par un monsieur qui souffrait des yeux et qui était sur le point de devenir aveugle. Il a eu recours à Don Bosco qui, après avoir guidé pendant un moment le pinceau sur la toile, l'a béni. Depuis lors, le malade s'est trouvé parfaitement guéri et il nous a fait cadeau de cette Madone si belle». C'est donc un tableau miraculeux: rien que de le voir est une cause de joie! Don Bosco l'a béni et il l'envoie aux missionnaires. «Emportez-le avec vous, et que la Madone vous bénisse et vous accompagne durant le long voyage».[p. 295] Souvenirs, bénédictions, larmes d'adieu L'heure du repos venue, la chambre qui a servi il y a quelques jours pour celles qui partaient à Rome doit suffire pour toutes les neuf. Il n'y a que deux lits, mais on met deux matelas par terre et elles s'arrangent comme elles peuvent, en quittant seulement leur habit et leurs chaussures. Aucune ne dort: ce sont les dernières heures à passer ensemble. Le matin du 14, mercredi, Don Bosco célèbre très tôt. Puis, il confesse les missionnaires qui se présentent pour une dernière absolution et un dernier souvenir. Soeur Jeanne Borgna, comme pour chasser ses larmes, dès qu'elle est hors de l'église, dit au milieu du groupe silencieux et recueilli: «Le bon Père m'a dit: Souvenez-vous que vous allez en Amérique pour faire la guerre au péché. Et aussi: Vous direz trois Angele Dei, tous les jours, durant le voyage jusqu'à destination. Ne vous semble-t-il pas que c'est une belle pénitence pour mes gros péchés?». Au dehors, il pleut et le vent souffle, et cependant, à neuf heures et demie, les Soeurs et les Salésiens se trouvent sur le navire. Mère Mazzarello visite cabine après cabine, couchette après couchette, pour se rendre compte que rien ne manque de ce qui puisse soulager les Soeurs des incommodités du voyage. Puis, comme si le coeur éprouvait encore le besoin de se donner et de se donner encore à ces filles qu'elle pense ne plus revoir, elle s'entretient avec chacune en particulier, parle à toutes ensemble, s'arrange pour les conduire elle-même là où se trouve Don Bosco, pour
  • 7. qu'il leur répète une de ses paroles si efficaces. Don Bosco sourit, parle, réconforte, pendant que Don Cagliero essaie de les maintenir toutes joyeuses par la promesse de poignées d'âmes et celle d'un prochain au revoir. Mais, finalement, il faut descendre. L'ordre a été répété - pour les non voyageurs - de quitter le navire: il faut obéir. Les Salésiens et les Soeurs s'agenouillent autour de Don Bosco, et le Père lève la main pour les bénir. On regrette de ne pouvoir disposer d'un appareil photographique. Mais on sait aussi qu'une fois encore s'élèverait la voix [p. 296] de Don Costamagna pour répéter, comme aux jours de son départ de Mornèse, quand on lui proposait de faire photographier les Soeurs missionnaires: «Oui, oui, pour quand nous serons cinq mètres sous terre!...». Les yeux du Fondateur sont pleins de larmes, il se hâte vers l'échelle pour essuyer, sans être vu, les pleurs qu'il ne peut retenir et sa main tremble tellement qu'en remettant son mouchoir en poche il le laisse tomber. Alors, très leste, Soeur Borgna le lui remplace par un autre fraîchement lavé, tandis qu'elle baise pieusement celui qui est baigné des larmes du Père. Elle sait que ce sont les larmes d'un saint. Ce mouchoir essuiera ensuite des larmes en Amérique... La Mère aussi donne son dernier adieu. Les Soeurs répondent par un cri réprimé: «Mère, Mère!»; elle est déjà au bas de l'échelle, elle met déjà le pied dans la barquette où les deux soeurs qui l'accompagnent sont montées et l'attendent. Tout le monde s'est mis en place; on prend le large sur les flots agités, le vent emporte le chapeau de Don Bosco. Heureusement, Mère Emilia, attentive à chaque mouvement du supérieur, réussit à le saisir alors qu'il effleure déjà l'eau. Du haut du pont, le groupe ému salue. Don Bosco jette un dernier long regard, Mère Mazzarello retient avec peine ses larmes. Don Cagliero voudrait dire une plaisanterie pour détendre l'atmosphère, mais il n'y parvient pas. «Je veux aimer Marie» A un certain moment, arrive de la mer une onde sonore. C'est Don Costamagna au piano, qui accompagne le chœur des missionnaires: «Je veux aimer Marie». Le chant se perd au loin. Doux souvenir! Le jour où Don Costamagna le composait à Mornèse, comme il n'y avait pas d'instrument dans la maison Carante, il s'était arrêté à la sacristie, et là, il essayait et répétait sur l'harmonium, les premières notes surtout, qui ne voulaient pas venir: «Je veux aimer Marie»... La maison était tellement inondée [p. 297] par ce son, qu'à l'ouvroir on ne pouvait s'entendre qu'en élevant la voix. La Mère qui, tout en travaillant, parlait aux postulantes et aux novices, avait changé de place plusieurs fois, mais cette ritournelle: «Je veux aimer Marie» semblait la poursuivre partout. A la fin, avec le plus doux sourire et une expression d'impatience subtile, elle avait dit: «Allez un peu dire à Monsieur le directeur que non seulement lui veut aimer Marie mais que nous voulons l'aimer nous aussi. Et qu'il reste tranquille!...». «Père, est-ce que J'irai en Amérique?» Le retour à Sampierdarena est silencieux, parce qu'on comprend bien que le coeur de ceux qui restent est sur le navire avec le coeur de ceux qui s'en vont. Tous montés dans le même tram, Don Bosco dit en souriant, à la sortie d'un petit tunnel: «Comme on comprend que nous sommes faits pour la lumière». Alors, Mère Mazzarello, suivant sa propre pensée, lui demande: - Père, est-ce que j'irai en Amérique? - Vous? Vous y irez quand j'irai moi! Le sujet aiguise les désirs des deux jeunes compagnes de Mère Mazzarello, et Mère Emilia
  • 8. demande à son tour: - Et moi, Père, est-ce que j'irai? Don Bosco répond à voix basse quelque chose qui échappe aux autres, et aussitôt Mère Henriette dit: - Et moi, Père? - Vous? Nous vous enverrons dans les Indes. Oui, vous vous sauverez et elles se sauveront...! Avant de repartir, la Mère et les deux Soeurs vont encore revoir [p. 298]Don Bosco. Mère Emilia, qui est restée un instant seule avec le Père lui demande une confiance filiale: «Est-ce que Je me sauverai?». Après avoir réfléchi un instant, Don Bosco répond: «Oui, vous vous sauverez». Et après un autre moment de réflexion, il ajoute: «Vous n'irez pas seule au Paradis, mais toutes les Filles de Marie- Auxiliatrice qui mourront dans l'Institut, et aussi tous leurs parents jusqu’à la 4e génération»: «Et après un autre moment: «Et elles se sauveront aussi toutes les pensionnaires qui mourront dans nos maisons». Si les missionnaires avaient entendu cette consolante assurance, elles auraient encore plus joui du sacrifice qu'elles offraient au Seigneur, mais elles le sauront, elles le sauront elles aussi grâce aux premières lettres qui partiront de Mornèse pour l'Amérique. Premières nouvelles du voyage Novembre s'achève avec de bonnes nouvelles des missionnaires, qui sont à l'escale du Détroit de Gibraltar. Elles ont subi les premiers ennuis de la mer démontée, mais sans être privées de la communion quotidienne. Elles ont assisté à la messe de précepte que Don Costamagna a célébrée sur le pont et à laquelle ont aussi assisté les passagers catholiques du Savoie. Grâce à la courtoisie de certains messieurs, presque tous espagnols, elles sont passées en première classe vers la poupe, où elles sont plus libres de se récréer et de s'entretenir entre elles avec la joie habituelle de Mornèse. Quelques bonnes dames se sont déjà approchées d'elles, et tous les jours - plusieurs fois par jour -.elles peuvent se trouver au milieu des petits enfants, les réjouir par quelques jeux, les occuper à un petit travail et, surtout, les catéchiser. Lorsqu'elles se retirent, le soir, dans le petit salon laissé à leur disposition, et qu'elles entonnent les cantiques de Mornèse, spécialement le Solchiamo un mare infido... - nous sillonnons une [p. 299] mer perfide, les voyageurs forment un groupe au-dehors pour écouter le chant à la Vierge bénie. Au milieu des attentions générales et bienveillantes dont elles sont l'objet, elles sentent qu'elles ont avec elles tous les coeurs restés au pays. Alors, se ranime l'espérance d'un grand bien dans leur «terre promise»! Que de chaleureuses salutations pour la Mère, les consœurs, les chers parents! Quel désir d'être rappelées dans les prières de tous et spécialement du saint Fondateur et Père Don Bosco.6 6 De la lettre de Don Costamagna à Don Bosco du 19 novembre 1877, cf. «Bollettino salesiano. gennaio 1878, p. 3 (original aux Arch. Centr. Salés.).