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Groupe L :
Argentin Manon
Cogniaux Corentin
Lambert Arnaud
Rambousek Pavel
Le développement des cabinets
d’avocats, une nécessité au sein d’un
marché en transition ?
LFIRM 2201 – ANALYSE ÉCONOMIQUE DE L’ENTREPRISE
Table des matières
Introduction................................................................................................................................. 1
Chapitre 1 : Le marché des services juridiques............................................................................... 2
Section 1 : Les défaillances du marché................................................................................................ 2
Section 2 : Les mutations du marché des services juridiques............................................................. 3
Chapitre 2 : Pourquoi les avocats décident-ils de s’associer ou de se regrouper ? ........................... 4
Section 1 : Les raisons de s’associer.................................................................................................... 4
Section 2 : Un projet commun à géométrie variable .......................................................................... 4
Chapitre 3 : Les cabinets multidisciplinaires : l’avenir des cabinets d’avocats ?............................... 6
Chapitre 4 : Quelques aspects de management du cabinet d’avocats............................................. 7
Section 1 : L’augmentation du capital humain du cabinet : la procédure de recrutement................ 7
Section 2 : La loyauté et la mobilité des collaborateurs ..................................................................... 8
Section 3 : La rémunération des avocats ............................................................................................ 9
Conclusion ................................................................................................................................. 10
Bibliographie.............................................................................................................................. 12
Nous tenons à remercier Me
Patrice Colette (cabinet Colette-Basecqz), Me
Thierry Corbeel (cabinet
solutio) et Me
Stanislas Van Wassenhove (cabinet Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte) pour le temps
qu’ils ont accepté de nous consacrer afin de répondre à nos nombreuses questions relatives à
l’exercice de leur profession commune.
1
Introduction
En notre qualité de jeunes juristes, nous avons pris conscience que nous connaissions bien peu le
marché des services juridiques qui nous tendra bientôt ses bras. Notre enseignement universitaire
s’est principalement concentré sur l’apprentissage des concepts juridiques que nous serons invités à
appliquer dans notre future vie professionnelle. Cependant, Ce dernier s’est peu porté sur les
structures professionnelles dans lesquelles nous ferons l’usage de nos acquis.
Nous avons donc décidé de nous intéresser aux cabinets d’avocats ainsi qu’aux formes qu’ils peuvent
prendre, leur fonctionnement ou encore leur composition dans la perspective de mieux saisir les
comportements de ces acteurs économiques particuliers. Pour y arriver, nous avons couplé nos
recherches théoriques à plusieurs entretiens que nous avons organisés avec quelques avocats.
Evidemment, l’étude d’un cabinet d’avocats ne peut se faire s’en s’intéresser à ceux qui le composent :
les avocats eux-mêmes. Les avocats, comme les médecins, exercent des professions dites « libérales ».
Ce sont donc des indépendants qui prestent des services de diverses natures (intellectuelle ou
médicale par exemple), contre rémunération, au profit de leurs clients1
. Cependant, nous constatons
que, contrairement aux médecins, les avocats sont perçus par la population comme des « gens
d’argent ». Le but de lucre semblant alors éluder le rôle social que jouent les avocats dans la défense
des intérêts de leurs clients. Ce constat paraît s’inscrire dans la doctrine économique majoritaire qu’a
décidé d’entériner dans son droit de la concurrence, l’Union européenne. De fait, les professions
libérales sont aujourd’hui considérées comme des « entreprises » et soumises à une série de règles
auxquelles elles échappaient jusqu’alors2
.
Dans ce travail nous allons essayer de comprendre les raisons qui poussent les avocats à s’associer, ou
se regrouper, au sein d’un cabinet d’avocats et la façon de concilier l’indépendance des avocats et
l’intégration au sein d’une structure organisée.
Pour ce faire, nous devrons d’abord saisir les mutations que vit le marché sur lequel prestent les
avocats. Nous examinerons ensuite les spécificités caractéristiques des cabinets d’avocats à l’aune du
projet commun que les associés désirent poursuivre. Nous présenterons également certaines
conséquences économiques de cet exercice en commun de la profession d’avocat et les nécessaires
aménagements qui en découlent pour assurer la pérennité et la rentabilité de ces structures. Nous
nous concentrerons, par exemple, sur les risques de conflit qui peuvent naître au sein de toute
structure humaine et les moyens envisagés pour limiter leur survenance.
Cet examen nous permettra alors de proposer une analyse sur le degré d’intégration des cabinets
d’avocats et de critiquer leur façon de valoriser leur projet commun et de limiter leurs coûts de
transaction.
1
La définition de profession libérale n’est pas unanime, voy. A., AUTENNE et N., THIRION, « L’avocat comme homo
oeconomicus : une reductio ab absurdum ? », R.P.S. – T.R.V., 2017/8, pp. 1012 à 1021
2
Tendance gouvernementale à nier les spécificités propres à certaines professions et les considérer comme des
« entreprises », des acteurs économiques comme les autres cf. ; RCO Matthews « The Economics of
Professional Ethics: Should the Professions be More Like Business? », 1991
2
Chapitre 1 : Le marché des services juridiques
Section 1 : Les défaillances du marché
De bien nombreuses règles s’imposent aux individus en fonction des qualités qu’ils cumulent. Les
avocats, comme nous l’avons vu supra, sont à la fois considérés comme des « entreprises » et comme
exerçant une « profession libérale ». Ainsi, les règles adoptées à l’égard de ces deux catégories
devront leur être appliquées dans la mesure de leur compatibilité.
Les premières ont été consolidées dans notre Code de droit économique afin d’assurer, entre autres,
le bon fonctionnement du marché intérieur. Les secondes, quant à elles, émanent de l’ordre
professionnel auquel appartient l’avocat et ont pour objectif de garantir que la profession d’avocat
conserve un degré élevé de qualité et d’honorabilité. Des conflits peuvent ponctuellement se
présenter entre ces deux ensembles de règles. C’est le cas, par exemple, lorsque les règles de
déontologie applicables à l’avocat vont limiter les possibilités offertes à tout acteur économique
d’exercer ses activités sur un marché le plus concurrentiel possible.
La doctrine économique n’a jamais pu trancher la question de savoir si les règles de déontologie qui
s’appliquent aux avocats limitaient ou, au contraire, maximisaient l’efficience du marché des services
juridiques. En effet, certains auteurs prônent la « déréglementation » alors que d’autres mettent en
lumière les défaillances du marché des services juridiques et constatent la nécessité d’une telle
réglementation. Une étude menée sous la direction d’O. FAVEREAU dépasse cette opposition stérile
entre ordre marchand et ordre professionnel. Cette dernière, très critique à l’égard de la libéralisation
de la réglementation européenne en matière de concurrence, tend à démontrer la nécessité et la
complémentarité des règles de déontologie qui s’appliquent aux avocats tout en doutant qu’elles
soient utilisées de la façon la plus efficace possible.
En effet, « le modèle du Marché dispose non pas de plus mais de moins de ressources de coordination
que le modèle de l’Ordre professionnel, pour résoudre les problèmes de prix et de qualité, que pose la
concurrence entre avocats – ce qui ne veut pas dire que ces ressources soient ipso facto utilisées par
l’Ordre au maximum de leurs potentialités »3
.
Dans la mesure où les coûts de transaction sont plus élevés sur un marché défaillant, il nous semble
important d’identifier les faiblesses du marché des services juridiques. Ces défaillances sont au
nombre de trois : l’asymétrie d’information entre le client et l’avocat, les effets externes négatifs qui
en découlent et le risque que ceux-ci déteignent sur la perception de la Justice4
.
Les services que fournissent les avocats relèvent de « l’économie de la connaissance ». C’est la raison
pour laquelle on peut les considérer comme des « biens de confiance ». En effet, les clients d’un avocat
ne possèdent généralement pas le savoir qui leur permettrait d’apprécier la qualité du service qu’on
leur propose. Ces derniers sont alors condamnés à faire confiance à leur conseil. Ils ne peuvent
3
O., FAVREAU, (dir.), « Les avocats entre ordre professionnel et ordre marchand - Concurrence par la qualité et
socio-économie d’une réglementation professionnelle », Rapport final du contrat de recherche CBN-Université
Paris X-CNRS, septembre 2008, p. 31, consulté sur : http://cnb.avocat.fr/Consequences-economiques-de-la-
liberalisation-du-marche-des-services-juridiques-entre-ordre-professionnel-et-ordre_a418.html
4
C. CHASERANT et S. HARNAY, “Déréglementer la profession d’avocat en France ? Les contradictions des
analyses économiques”, Revue Internationale de Droit Economique, 2010, vol. 2, pp. 151 et s.
3
qu’espérer avoir fait le choix d’un bon avocat (en dépit du risque de sélection adverse) et que ce
dernier ne profitera pas de leur crédulité pour augmenter inutilement le coût du service qu’ils
requièrent. Ces opportunismes marchands5
qui découlent du déficit informationnel d’une partie
contractante peuvent être compensés par certaines règles et mécanismes que nous développerons
plus tard.
Section 2 : Les mutations du marché des services juridiques
Le marché des services juridiques devient plus perméable et les frontières qui le séparent d’autres
marchés connexes tendent à disparaître à mesure que les litiges se complexifient et requièrent la
mobilisation de connaissances relevant de plusieurs disciplines.
Les avocats ont pour objectif premier de fournir à leurs clients des prestations intellectuelles6
. Ainsi,
la mobilisation de leurs connaissances, appliquées aux cas individuels qu’ils ont pris en charge,
constitue l’essentiel de leur activité7
. Face à la complexité toujours plus grande des litiges et l’évolution
constante du droit, la charge de travail qui s’impose à un seul avocat et l’obligation pour lui de se
spécialiser dans de trop nombreux domaines devient de moins en moins rationnellement
envisageable. De plus, les attentes et exigences des demandeurs de services juridiques sont de plus
en plus précises et hétérogènes.
L’une des solutions pour pallier ce problème, consiste, pour les avocats, à se réunir afin d’exercer
ensemble leur profession commune. Nous notons, qu’une fois constitué, un cabinet d’avocats
pourrait, dans le cadre de sa stratégie de croissance, pour les mêmes raisons, augmenter le nombre
de praticiens qui le composent.
L’un des avocats que nous avons interrogés a évoqué une évolution qui aura, sans aucun doute,
d’importantes implications sur l’exercice de la profession d’avocat : l’automatisation de prestations
juridiques simples et standardisées.
Le développement technologique de l’intelligence artificielle permet déjà à certains cabinets d’avocats
de faire d’importantes économies d’échelle. En effet, à considérer que les coûts engagés pour utiliser
cette technologie (en ayant recours à des prestataires externes spécialisés) soient fixes, le coût moyen
de « production » d’une prestation automatisée réduit au fur et à mesure des utilisations du système
informatisé par les clients.
Nous faisons remarquer, que la dépendance à ce service externalisé au rendement élevé pourrait
entraîner un phénomène de « hold-up ». Les prestataires en charge du bon fonctionnement du
système pourraient être tentés de renégocier le prix d’utilisation à la hausse dès que le cabinet ne
pourra plus se permettre de se séparer de cette technologie.
5
L’aléa moral et l’anti-sélection voy. C. CHASERANT et S. HARNAY, op. cit., p. 152.
6
J-P., DE BANDT, « le barreau et les alternative business structures » in E. VAN DEN HAUTE (coord.) Liber
amicorum François Glansdorff et Pierre Legros, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 189 à 201 ; Pour une analyse du
capital humain, voy. P., MILGROM et J., ROBERT., économie, organisation et management , Bruxelles, De Boeck,
2003, pp. 450 à 456
7
S., VAN WASSENHOVE, Le management du cabinet d’avocats : de la croissance à la durabilité, Limal, Anthemis,
2013, pp. 133 à 147
4
Au demeurant, ce développement technologique rendra de moins en moins attractives les prestations
généralistes des avocats. Ceux-ci devront alors se distinguer de la machine en offrant des services
juridiques complexes ou des qualités humaines non reproductibles (comme l’écoute et l’empathie).
Chapitre 2 : Pourquoi les avocats décident-ils de s’associer ou de se regrouper ?
Section 1 : Les raisons de s’associer
Les avocats peuvent exercer leur activité comme indépendants – personnes physiques. En effet, ils ne
sont pas tenus d’intégrer un cabinet pour pouvoir fournir leurs prestations sur le marché des services
juridiques.
Cependant, nous constatons que de plus en plus d’avocats cherchent à intégrer une structure
organisée et prester leurs services entourés de leurs confrères8
. Nous nous sommes questionnés sur
les raisons qui déterminaient ce choix des avocats qui consiste à préférer la collégialité à une pratique
solitaire de leur métier.
L’une des raisons d’exercer ensemble la profession d’avocat, nous venons de le voir, découle des
capacités limitées des avocats dans un marché en pleine évolution. Cependant, d’autres raisons
peuvent expliquer l’intérêt personnel d’un avocat à rejoindre un projet collectif.
Cette volonté d’engagement des avocats pourrait être justifiée par le désir d’engranger ensemble un
profit supérieur à celui qu’on obtiendrait en sommant les prestations individuelles des avocats s’ils
avaient exercé en tant que personnes physiques.
Une autre raison, très pragmatique, consiste simplement à vouloir réduire, en les mutualisant, une
série de coûts fixes communs aux avocats du cabinet9
. Les cabinets peuvent alors réaliser certaines
économies de gamme.
Eugene Fama et Michael Jensen10
, par exemple, démontrent que le fait pour les avocats de s’associer
et de devenir propriétaires de leur cabinet constitue un incitant à fournir un travail de meilleure qualité
et à contrôler leurs pairs afin que chacun des associés puissent profiter du bénéfice résiduel de leur
travail.
Section 2 : Un projet commun à géométrie variable
8
Environ 80% des avocats belges, voy. M., FYON, R., DELSAUX, et G., DRION, « L’admission et l’exclusion d’associés
dans les cabinets d’avocats » H. CULOT (coord.) Les avocats et la réforme du droit des sociétés et du droit
économique, Bruxelles, Larcier, 2019, p. 84
9
Pour une analyse des coûts engendrés par un cabinet, voy. M., FONTAINE, Etude de faisabilité économique et
modèles de financement d’un projet pilote de cabinet d’avocats dédiés à l’aide juridique, mars 2019, consulté
sur http://latribune.avocats.be/wp-content/uploads/2020/04/Etude-de-faisabilit%C3%A9-%C3%A9conomique-
Rapport-synth%C3%A9tique.pdf
10
E.,FAMA et M., C., JENSEN, « Separation of Ownership and Control », Journal of Law and Economics, Vol. 26,
June 1983. consultable sur SSRN: https://ssrn.com/abstract=94034
5
Les avocats qui décident d’exercer ensemble leur profession devront établir un projet commun. Ce
projet commun des avocats associés déterminera la nature de la structure qu’ils entendent mettre en
place et le degré d’implication qu’ils auront vis-à-vis d’elle11
.
Le projet commun qui décide les avocats à se réunir se compose de plusieurs éléments : une vision
commune (un objectif à long terme à réaliser), une mission commune (les moyens à mettre en place
vis-à-vis des clients pour réaliser l’objectif) et un ensemble de valeurs partagées par les porteurs du
projet12
.
Souvent résumé à quelques lignes sur le site internet des cabinets, le projet commun est pourtant
indispensable à la pérennité du cabinet. Il offre plus qu’une somme d’ambitions individuelles. Ce
projet commun instaure une stratégie commune (de recrutement, de gouvernance, de paiement des
collaborateurs et de rémunération des associés, de choix de spécialisation, etc.) que poursuivront les
avocats exerçant au sein du cabinet. Il est dès lors essentiel qu’un consensus clair existe entre les
associés sur la nature de leurs liens et les valeurs dont ils seront les garants.
Nous avons pu constater que les avocats qui participaient au projet commun mettaient en place une
série de règles auxquelles ils acceptaient de se soumettre afin de s’évaluer et de s’autoréguler. Ces
règles donnent l’assurance que le travail en équipe qu’ils entreprendront sera le plus efficace possible.
Ces valeurs communes sont souvent sous-estimées par les associés d’un cabinet. En effet les raisons
qui poussent les avocats à constituer ensemble le cabinet sont généralement pragmatiques : une
réputation, un portefeuille de clients ou une expertise dans une branche du droit. Néanmoins, les
qualités qui font un bon avocat n’en font pas forcément un bon associé au regard du projet commun
du cabinet. Par exemple, un associé ambitieux ne trouverait pas suffisamment de gratification
égotique et financière dans un cabinet qui prône la solidarité, une réflexion commune sur les dossiers
ou un partage de la clientèle13
.
Il va de soi que le projet initialement porté par les associés entrepreneurs pourra évoluer au fil du
temps et se détacher de la vision initiale de ses fondateurs, le cabinet deviendra alors un objet propre,
distinct de ceux qui l’ont créé. Ce phénomène est appelé : l’autonomisation du projet. Cela se produit
fréquemment à l’occasion d’une révision du projet commun lorsque des associés quittent le cabinet
ou quand de nouveaux y entrent par exemple.
D’après nos lectures, nous avons pu constater que les avocats, quoiqu’ils décident de se regrouper ou
s’associer, restent des esprits libres et des acteurs économiques mobiles. En effet, selon que le projet
commun au cœur de tout cabinet d’avocats continue ou cesse de leur convenir, ils se maintiendront
dans le cabinet ou le quitteront. De plus, toute inconséquence lors de l’établissement du projet
commun pourrait, dans le pire des cas, entraîner la dissolution du cabinet. En effet, en l’absence de
mécanisme de résolution des conflits validés par les associés14
, la survenance de conflits d’agence,
alors insolubles, ne peuvent mener qu’à l’abandon du projet commun.
11
F.,BLONDE, Associations d’avocats, le choix de la réussite, 27 novembre 2009, consulté sur
https://www.lexgo.be/fr/management/2009/11/associations-d-aoavocats-le-choix-de-la-r-ussite,34673.html
12
S., VAN WASSENHOVE, op. cit., pp.19 à 60
13
L., MARLIERE, Quel avocat pour le 21ème
siècle ?, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 198 à 203
14
Nous faisons remarquer que les règles de déontologie de l’avocat prévoient des mécanismes supplétifs de
résolution (discrète et digne) des conflits entre associés devant des juridictions arbitrales ou à l’amiable devant
le bâtonnier de l’ordre des avocats.
6
Selon nous, ce projet commun peut s’apprécier comme un contrat relationnel à la lumière de la théorie
contractualiste des organisations. En effet, le projet commun des associés consiste pour eux, à établir
un plan d’action (le plus précis et détaillé possible)15
concernant les relations longues qu’ils
entretiendront au sein du cabinet. Face à l’impossibilité de pouvoir lire l’avenir et anticiper les
événements imprévus qui pourraient survenir au cours de la vie du cabinet, les associés devront
prévoir des mécanismes de coordination et de pilotage de leurs relations.
Afin de dépasser la distinction entre l’isolement et la collégialité, nous avons remarqué qu’il existait
différents degrés d’exercice en commun de la profession d’avocat.
Trois options s’offrent aux avocats qui désirent exercer avec d’autres leur profession commune16
. Les
deux premières options sont : le groupement au sein d’une association de frais et l’association au sein
d’une société d’avocats. Les avocats peuvent décider de simplement partager certains frais et
ressources (et diminuer ainsi certains de leurs coûts)17
ou peuvent décider de partager tant leurs frais
et leurs ressources que leurs bénéfices dans le cadre d’une société18
.
Nous notons qu’outre ces deux hypothèses qui visent la constitution d’un projet de structure
d’exercice en commun de la profession d’avocat, il est loisible à l’avocat de choisir une troisième option
en rejoignant l’un de ces projets en qualité de collaborateur19
et non d’associé.
Chapitre 3 : Les cabinets multidisciplinaires : l’avenir des cabinets d’avocats ?
Nous avons eu l’occasion de critiquer la position adoptée par l’Union européenne en matière de
libéralisation des règles du marché intérieur dans le premier chapitre de ce travail. Cependant, force
est de constater que le droit européen et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne
ont aussi permis de tempérer les disproportions de certaines règles déontologiques.
En effet, les cabinets d’avocats sont des structures qui cultivent « l’entre-soi » professionnel. Les
statuts de sociétés d’avocats prévoient que seules les personnes qui ont rempli les conditions d’accès
à la profession d’avocat20
peuvent devenir des associés du cabinet. Cette culture était renforcée par
les codes de déontologie qui, craignant que ne soient mises en péril l’indépendance et la dignité qui
siéent à la profession d’avocat, interdisaient aux tiers non-juristes21
d’entrer au capital des sociétés
d’avocats ou d’y travailler.
Les cabinets se composaient alors uniquement d’avocats et les cabinets multidisciplinaires ne
pouvaient pas se développer ou s’installer en Belgique. Face à l’internationalisation grandissante de
15
Selon la théorie des contrats incomplets, le projet commun sera toujours imparfait et incomplet en raison de
la rationalité limitée des cocontractants
16
. M., FYON, R., DELSAUX, et G., DRION, « L’admission et l’exclusion d’associés dans les cabinets d’avocats », op.
cit., pp. 91 – 92 ; S., VAN WASSENHOVE, op. cit., pp. 43 - 46
17
L’hypothèse du groupement au sein d’une association de frais
18
L’hypothèse de l’association au sein d’un cabinet d’avocats
19
Ce statut d’avocat collaborateur du cabinet peut évoluer. Il n’est pas rare, après plusieurs années
d’ancienneté au sein du cabinet, qu’un collaborateur se voit offrir la possibilité d’en devenir un associé.
20
C. jud., art. 428
21
Sous réserves de quelques exceptions
7
la profession et à la concurrence des cabinets anglo-saxons beaucoup plus libéraux22
, cette vision était
amenée à disparaître. Le législateur européen soutenu par la CJUE23
a entamé un processus de
libéralisation des structures de cabinets et de leur mode de financement. Ces assouplissements si
nécessaires soient-ils, doivent malgré tout, être mis en balance avec les principes fondamentaux de la
profession d’avocat (tels que l’indépendance, les conflits d’intérêt ou le secret professionnel).
Le droit des sociétés ne s’est jamais opposé à la création de cabinets multidisciplinaires en Belgique, il
n’en est pas de même des règles de déontologie. Si autrefois, les codes de déontologie interdisaient
de façon systématique et généralisée la création de telles structures, ils ne peuvent aujourd’hui porter
atteinte aux règles de la concurrence européenne qu’à condition de répondre au test de légalité, de
nécessité et de proportionnalité.
En l’espèce, nous constatons que les codes de déontologie belges créent par contre une discrimination
entre les cabinets multidisciplinaires étrangers qui font une demande d’installation en Belgique et les
cabinets multidisciplinaires créés en Belgique24
.
Plusieurs des avocats que nous avons interrogés nous ont expliqué l’intérêt pour leurs cabinets
respectifs de se constituer un réseau avec d’autres prestataires de service non-juristes (notamment
des comptables) qui peuvent servir de relais entre le cabinet et de nouveaux clients. Ces comptables
peuvent également fournir de l’information aux cabinets sur les besoins que manifeste leur clientèle
pour des produits spécifiques qu’ils ne trouvent pas sur le marché des services juridiques.
Nous pensons donc à l’instar de Mes
Corbeel et Van Wassenhove, que la croissance des cabinets
d’avocats pourrait, à l’avenir, passer par le caractère multidisciplinaire qu’ils entendraient poursuivre.
Dans cette hypothèse, les coûts pourraient être réduits pour le consommateur final en limitant les
navettes et intermédiaires.
En ce qui concerne la participation de tiers non-avocats au capital des cabinets, les codes de
déontologie continuent d’imposer certaines conditions. En effet, seuls certains types de tiers non-
juristes préalablement identifiés peuvent entrer au capital de ces sociétés et pour autant qu’ils
respectent certaines conditions (notamment une intervention minoritaire en termes de financement,
de gestion et de prise de décision).
Chapitre 4 : Quelques aspects de management du cabinet d’avocats
Section 1 : L’augmentation du capital humain du cabinet : la procédure de recrutement
Nous avons vu supra, que les procédures de recrutement de nouveaux collaborateurs au sein du
cabinet (désormais constitué) peuvent s’inscrire dans une stratégie de spécialisation ou de croissance
22
Legal service Act adopté en 2007 permet la création d’Alternative Business Structures (ABS). Ces structures
commerciales regroupent des juristes et des non-juristes et le capital peut même être détenu de façon
majoritaire par les professions non-juridiques Ces structures restent controversées dans la doctrine cf.
23
CJCE, 19 février 2002, J.C.J. Wouters c/ Algemene Raad van de Nederlandse van Advocaten, aff. C-309/99,
2002 I-01577, ECLI:EU:C:2002:98
24
Les cabinets multidisciplinaires belges ne peuvent être constitués alors que des cabinets étrangers sont
autorisés à prester leur service sur le territoire du Royaume voy. M., FYON, R., DELSAUX, et G., DRION,
« L’admission et l’exclusion d’associés dans les cabinets d’avocats », op. cit., pp. 109 - 113
8
du cabinet. Par exemple, ce dernier pourrait chercher à requérir les connaissances particulières d’un
avocat afin de compléter son offre sur le marché des services juridiques et devenir plus attractif vis-à-
vis de la concurrence.
Le résultat des entretiens que nous avons eus avec quelques cabinets d’avocats, nous invite à
considérer la procédure de recrutement mise en place au sein de ceux-ci. De fait, la recherche du
candidat idéal passe en principe par une mise à l’épreuve de ce dernier afin de déterminer ses
compétences25
.
Tout d’abord, nous constatons que l’appréciation de la qualité d’un futur associé ou collaborateur ne
peut être réalisée que par un autre avocat26
. En effet, il existe un risque d’asymétrie d’information
entre des recruteurs professionnels non-juristes et le candidat avocat. Les spécificités des
qualifications requises ne peuvent être pleinement perçues par une personne qui n’exerce pas la
profession d’avocat.
Bien que, comme nous venons de le voir, les avocats semblent être les seuls à pouvoir analyser les
compétences de leurs confrères, ils ne sont pas formés aux techniques de recrutement. Selon Me
Corbeel, une formation au recrutement devrait être enseignée à tous les avocats lors des cours CAPPA
organisés par le barreau. Il propose également de faire appel à des « chasseurs de têtes »
indépendants, dignes de confiance et spécialisés dans la recherche de profils de juristes.
Nous constatons que les deux options proposées par Me
Corbeel peuvent avoir des implications
économiques différentes. En effet, la première permettrait de maintenir cette compétence dans le
giron des cabinets en limitant le coût d’un apprentissage des techniques de recrutement pour leurs
membres. De fait, l’ordre professionnel le prendrait en charge lors de la formation de tout avocat. La
seconde option quant à elle propose d’externaliser cette charge en la confiant à d’autres acteurs du
marché ce qui réduit également les coûts pour le cabinet qui se libère du temps mais reste conditionné
à la confiance et la spécialisation de ses cocontractants. Une balance des coûts-bénéfices permettra
au cabinet de choisir l’option qu’il estime la plus avantageuse pour lui.
Section 2 : La loyauté et la mobilité des collaborateurs
L’un des devoirs qui incombent aux avocats en leur qualité de membres d’un ordre professionnel,
consiste à former leurs futurs confrères (et/ou concurrents). Dans une logique purement marchande,
ce devoir de formation pourrait entraîner une inefficience préjudiciable au marché des services
juridiques. En effet, eu égard aux coûts supportés par l’avocat « senior » lors de la formation de
l’avocat « junior » et du risque de déloyauté de ce dernier, l’avocat formateur pourrait avoir intérêt à
retenir certaines informations essentielles et proposer une formation de moindre qualité au jeune
avocat. Nous y voyons là, les effets néfastes d’un hasard moral. Il semble évident que, dans cette
hypothèse, le consommateur final des services juridiques en subirait un préjudicie tout comme la
Justice, perçue comme bien public.
25
M., CAHN, Les 4 règles d’or en management du cabinet d’avocats, consulté sur https://lexd.eu/les-4-regles-
dor-du-management-en-cabinet-davocats/
26
O., FAVREAU, (dir.), op. cit., pp. 19 à 21
9
Les intervenants que nous avons eu l’occasion d’interroger ont émis certaines craintes par rapport à
ce phénomène dit de « turn-over »27
. Nous pensons que cela découle de la taille plutôt réduite de ces
cabinets28
qui, en raison de leur esprit d’entreprise « familial » et de leurs moyens limités, craignent
d’investir pécuniairement et de s’investir émotionnellement dans la formation d’un jeune avocat. Un
cabinet de plus grande envergure, grand pourvoyeur d’emplois et qui peut se targuer d’une certaine
renommée craindra moins le départ d’un jeune collaborateur qu’il aura formé considérant que cela
pourra être mis au compte des pertes et profits29
.
Comment les cabinets d’avocats pourraient-ils renforcer la loyauté de leurs collaborateurs afin de
réduire les craintes qui limitent souvent leurs démarches de recrutement. Nous pensons que les
incitants auront toujours plus d’effets que la crainte d’éventuelles sanctions. En effet, vu l’inefficacité
des clauses de non-concurrence, nous doutons que les risques de poursuite judiciaire en cas
d’inexécution aient un impact significatif sur le comportement opportuniste des jeunes avocats.
Cependant, un incitant à la loyauté par le biais d’un espoir d’accession au statut d’associé ou en
développant une culture d’entreprise plus humaine nous paraît avoir plus d’impact sur le jeune
collaborateur. Cette vision est d’ailleurs partagée par le cabinet Colette-Basecqz.
Section 3 : La rémunération des avocats
Me
Corbeel a particulièrement attiré notre attention sur la rémunération des avocats. Les questions
qui touchent à l’argent sont souvent créatrices de conflits au sein des organisations. Celles-ci peuvent
parfois constituer un élément d’instabilité des relations interpersonnelles entre les associés et
collaborateurs.
Il est important que les associés, au moment de la constitution (ou de la révision) de leur projet
commun, déterminent précisément une politique de partage des profits cohérente avec la vision et le
degré d’intégration que ses associés entendent mettre en place. Aucune intégration opérationnelle ne
peut exister si l’on maintient un système de rémunération individualiste30
.
Il existe trois modèles de répartition du profit entre associés d’un cabinet : le modèle égalitaire, le
modèle flexible et le modèle du « eat what you kill »31
.
Cependant, il est à noter que la transparence des cabinets à propos des types d’honoraires32
qu’ils
pratiquent peut avoir un impact positif sur le fait qu’un client choisisse un cabinet plutôt qu’un autre.
La majorité des avocats proposent des honoraires sur base d’un taux horaire. Or, selon Me
Corbeel,
cette méthode de calcul des honoraires rebute de plus en plus les clients. En effet, ces derniers ne
peuvent évaluer le nombre d’heures nécessaires à la résolution de leur problème et par conséquent,
le prix final qu’ils devront payer pour avoir bénéficié du service de l’avocat.
27
Déloyauté d’un collaborateur qui après avoir reçu sa formation au sein d’un cabinet, le quitte pour répondre
à une offre d’emploi plus alléchante
28
Entre 4 et 7 associés et collaborateurs
29
O., FAVREAU (dir.), op. cit., pp. 27 à 30
30
S., VAN WASSENHOVE, op. cit., p. 72
31
Pour plus d’informations voy. S., VAN WASSENHOVE, op. cit., pp. 73 et s.
32
Imposé par les règles de déontologie
10
Me
Corbeel ajoute que cette solution ne satisfait pas plus les avocats. En effet, bien que cette méthode
génère peu de coûts de gestion pour le cabinet en raison de sa simplicité comptable, il est possible
d’assurer à l’avocat une meilleure rentabilité financière en proposant un prix forfaitaire auquel vient
s’adjoindre un honoraire qui consiste en un pourcentage sur l’enjeu du litige (success fees). Les clients
qui payent leur avocat au taux horaire n’acceptent généralement pas de payer des « success fees ».
Aucune méthode de calcul des honoraires n’est parfaite. Le forfait permet certes au client de mieux
anticiper ses coûts mais impose à l’avocat d’apprécier le juste prix des prestations qu’il fournit dans
son forfait pour rester rentable.
Les « success fees » incitent sûrement l’avocat à s’investir davantage dans ses dossiers tout en créant
un risque qu’il se précipite sur la première solution positive venue, et ce, même si cette dernière n’offre
pas le meilleur résultat possible à son client. Par ailleurs, les règles de déontologie interdisent que la
rémunération de l’avocat soit entièrement basée sur le résultat du litige33
.
Conclusion
Les cabinets d’avocats sont effectivement, comme nous en avions l’intuition au départ, des structures
particulières. Cependant, ils ne le sont peut-être pas autant que nous l’imaginions.
Nous avons pu constater que les raisons pour lesquelles les avocats s’associaient tiennent surtout à la
volonté de fournir des prestations plus complexes et valorisables sur le marché. Placé dans un
environnement toujours plus concurrentiel, ils se doivent d’être plus flexibles, solidaires et redéfinir
régulièrement leurs stratégies comme c’est le cas de n’importe quel acteur économique.
Nous pensions que l’indépendance des avocats se concilierait difficilement avec l’idée d’une hiérarchie
propre à toutes les firmes (selon Coase). Cependant, nous l’avons vu, les avocats qui acceptent de
s’associer dans un cabinet intégré (par opposition aux associations de frais) sont prêts à faire certaines
concessions pour assurer la viabilité à long terme de leur projet commun. La coordination de leurs
relations au sein du cabinet engendre des coûts lorsque le projet commun doit être défini ou redéfini.
Toutefois, si le projet commun, même incomplet, prévoit suffisamment de garde-fous, les désaccords
entre les associés devraient être limités et solutionnables sans engendrer d’excessifs coûts
supplémentaires.
Nous avons constaté que l’asymétrie d’information est l’un des principaux problèmes auquel sont
confrontés les avocats. Cette asymétrie d’information s’exerce tant entre les associés et les
collaborateurs du cabinet qu’entre les avocats et leurs clients.
Nous avons identifié quelques solutions que les cabinets ou les barreaux pourraient mettre en place
pour éviter le recrutement de « passagers clandestins »34
au sein des cabinets.
Pour éviter un déficit de confiance des clients vis-à-vis de la profession d’avocat, il est essentiel de
limiter les comportements opportunistes des avocats. Fort heureusement, l’ordre des avocats, en
édictant ses codes de déontologie, permet de réduire le phénomène de sélection adverse et d’aléa
33
Cette solution n’est pas condamnée aux Etats-Unis où les « contingent fees » sont admises.
34
Terme faisant référence aux problèmes d’asymétrie d’information dans toute « production en équipe »
identifiés par A. ALCHIAN et H. DEMSETZ
11
moral35
. L’intégration au sein d’un cabinet pourrait également réduire le phénomène de hasard moral.
En effet, pour qu’il ne soit pas porté atteinte à la réputation du cabinet, et par extension aux avocats
qui le composent et pour éviter que la responsabilité du cabinet ne soit engagée, les associés et
collaborateurs du cabinet devront se soumettre au contrôle de leurs pairs36
.
35
En imposant des règles d’accès à la profession (l’exigence d’un diplôme de droit), on assure au client un
degré minimum de qualité des avocats qu’il rencontrera sur le marché. En prévoyant une procédure de
réduction des honoraires excessifs demandés par l’avocat, le client est prémuni des potentiels abus de son
conseil.
36
C’est encore plus marquant quand le cabinet prend la forme d’une société à responsabilité illimitée. Pour
plus de développements sur la modification des comportements des avocats voy. R., C., O., MATTHEWS, « The
Economics of Professional Ethics: Should the Professions be More Like Business? »,
The Economic Journal, Vol. 101, No. 407 (Jul., 1991), pp. 737-750
12
Bibliographie
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13
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Le développement des cabinets d’avocats, une nécessité au sein d’un marché en transition

  • 1. 0 Groupe L : Argentin Manon Cogniaux Corentin Lambert Arnaud Rambousek Pavel Le développement des cabinets d’avocats, une nécessité au sein d’un marché en transition ? LFIRM 2201 – ANALYSE ÉCONOMIQUE DE L’ENTREPRISE
  • 2. Table des matières Introduction................................................................................................................................. 1 Chapitre 1 : Le marché des services juridiques............................................................................... 2 Section 1 : Les défaillances du marché................................................................................................ 2 Section 2 : Les mutations du marché des services juridiques............................................................. 3 Chapitre 2 : Pourquoi les avocats décident-ils de s’associer ou de se regrouper ? ........................... 4 Section 1 : Les raisons de s’associer.................................................................................................... 4 Section 2 : Un projet commun à géométrie variable .......................................................................... 4 Chapitre 3 : Les cabinets multidisciplinaires : l’avenir des cabinets d’avocats ?............................... 6 Chapitre 4 : Quelques aspects de management du cabinet d’avocats............................................. 7 Section 1 : L’augmentation du capital humain du cabinet : la procédure de recrutement................ 7 Section 2 : La loyauté et la mobilité des collaborateurs ..................................................................... 8 Section 3 : La rémunération des avocats ............................................................................................ 9 Conclusion ................................................................................................................................. 10 Bibliographie.............................................................................................................................. 12 Nous tenons à remercier Me Patrice Colette (cabinet Colette-Basecqz), Me Thierry Corbeel (cabinet solutio) et Me Stanislas Van Wassenhove (cabinet Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte) pour le temps qu’ils ont accepté de nous consacrer afin de répondre à nos nombreuses questions relatives à l’exercice de leur profession commune.
  • 3. 1 Introduction En notre qualité de jeunes juristes, nous avons pris conscience que nous connaissions bien peu le marché des services juridiques qui nous tendra bientôt ses bras. Notre enseignement universitaire s’est principalement concentré sur l’apprentissage des concepts juridiques que nous serons invités à appliquer dans notre future vie professionnelle. Cependant, Ce dernier s’est peu porté sur les structures professionnelles dans lesquelles nous ferons l’usage de nos acquis. Nous avons donc décidé de nous intéresser aux cabinets d’avocats ainsi qu’aux formes qu’ils peuvent prendre, leur fonctionnement ou encore leur composition dans la perspective de mieux saisir les comportements de ces acteurs économiques particuliers. Pour y arriver, nous avons couplé nos recherches théoriques à plusieurs entretiens que nous avons organisés avec quelques avocats. Evidemment, l’étude d’un cabinet d’avocats ne peut se faire s’en s’intéresser à ceux qui le composent : les avocats eux-mêmes. Les avocats, comme les médecins, exercent des professions dites « libérales ». Ce sont donc des indépendants qui prestent des services de diverses natures (intellectuelle ou médicale par exemple), contre rémunération, au profit de leurs clients1 . Cependant, nous constatons que, contrairement aux médecins, les avocats sont perçus par la population comme des « gens d’argent ». Le but de lucre semblant alors éluder le rôle social que jouent les avocats dans la défense des intérêts de leurs clients. Ce constat paraît s’inscrire dans la doctrine économique majoritaire qu’a décidé d’entériner dans son droit de la concurrence, l’Union européenne. De fait, les professions libérales sont aujourd’hui considérées comme des « entreprises » et soumises à une série de règles auxquelles elles échappaient jusqu’alors2 . Dans ce travail nous allons essayer de comprendre les raisons qui poussent les avocats à s’associer, ou se regrouper, au sein d’un cabinet d’avocats et la façon de concilier l’indépendance des avocats et l’intégration au sein d’une structure organisée. Pour ce faire, nous devrons d’abord saisir les mutations que vit le marché sur lequel prestent les avocats. Nous examinerons ensuite les spécificités caractéristiques des cabinets d’avocats à l’aune du projet commun que les associés désirent poursuivre. Nous présenterons également certaines conséquences économiques de cet exercice en commun de la profession d’avocat et les nécessaires aménagements qui en découlent pour assurer la pérennité et la rentabilité de ces structures. Nous nous concentrerons, par exemple, sur les risques de conflit qui peuvent naître au sein de toute structure humaine et les moyens envisagés pour limiter leur survenance. Cet examen nous permettra alors de proposer une analyse sur le degré d’intégration des cabinets d’avocats et de critiquer leur façon de valoriser leur projet commun et de limiter leurs coûts de transaction. 1 La définition de profession libérale n’est pas unanime, voy. A., AUTENNE et N., THIRION, « L’avocat comme homo oeconomicus : une reductio ab absurdum ? », R.P.S. – T.R.V., 2017/8, pp. 1012 à 1021 2 Tendance gouvernementale à nier les spécificités propres à certaines professions et les considérer comme des « entreprises », des acteurs économiques comme les autres cf. ; RCO Matthews « The Economics of Professional Ethics: Should the Professions be More Like Business? », 1991
  • 4. 2 Chapitre 1 : Le marché des services juridiques Section 1 : Les défaillances du marché De bien nombreuses règles s’imposent aux individus en fonction des qualités qu’ils cumulent. Les avocats, comme nous l’avons vu supra, sont à la fois considérés comme des « entreprises » et comme exerçant une « profession libérale ». Ainsi, les règles adoptées à l’égard de ces deux catégories devront leur être appliquées dans la mesure de leur compatibilité. Les premières ont été consolidées dans notre Code de droit économique afin d’assurer, entre autres, le bon fonctionnement du marché intérieur. Les secondes, quant à elles, émanent de l’ordre professionnel auquel appartient l’avocat et ont pour objectif de garantir que la profession d’avocat conserve un degré élevé de qualité et d’honorabilité. Des conflits peuvent ponctuellement se présenter entre ces deux ensembles de règles. C’est le cas, par exemple, lorsque les règles de déontologie applicables à l’avocat vont limiter les possibilités offertes à tout acteur économique d’exercer ses activités sur un marché le plus concurrentiel possible. La doctrine économique n’a jamais pu trancher la question de savoir si les règles de déontologie qui s’appliquent aux avocats limitaient ou, au contraire, maximisaient l’efficience du marché des services juridiques. En effet, certains auteurs prônent la « déréglementation » alors que d’autres mettent en lumière les défaillances du marché des services juridiques et constatent la nécessité d’une telle réglementation. Une étude menée sous la direction d’O. FAVEREAU dépasse cette opposition stérile entre ordre marchand et ordre professionnel. Cette dernière, très critique à l’égard de la libéralisation de la réglementation européenne en matière de concurrence, tend à démontrer la nécessité et la complémentarité des règles de déontologie qui s’appliquent aux avocats tout en doutant qu’elles soient utilisées de la façon la plus efficace possible. En effet, « le modèle du Marché dispose non pas de plus mais de moins de ressources de coordination que le modèle de l’Ordre professionnel, pour résoudre les problèmes de prix et de qualité, que pose la concurrence entre avocats – ce qui ne veut pas dire que ces ressources soient ipso facto utilisées par l’Ordre au maximum de leurs potentialités »3 . Dans la mesure où les coûts de transaction sont plus élevés sur un marché défaillant, il nous semble important d’identifier les faiblesses du marché des services juridiques. Ces défaillances sont au nombre de trois : l’asymétrie d’information entre le client et l’avocat, les effets externes négatifs qui en découlent et le risque que ceux-ci déteignent sur la perception de la Justice4 . Les services que fournissent les avocats relèvent de « l’économie de la connaissance ». C’est la raison pour laquelle on peut les considérer comme des « biens de confiance ». En effet, les clients d’un avocat ne possèdent généralement pas le savoir qui leur permettrait d’apprécier la qualité du service qu’on leur propose. Ces derniers sont alors condamnés à faire confiance à leur conseil. Ils ne peuvent 3 O., FAVREAU, (dir.), « Les avocats entre ordre professionnel et ordre marchand - Concurrence par la qualité et socio-économie d’une réglementation professionnelle », Rapport final du contrat de recherche CBN-Université Paris X-CNRS, septembre 2008, p. 31, consulté sur : http://cnb.avocat.fr/Consequences-economiques-de-la- liberalisation-du-marche-des-services-juridiques-entre-ordre-professionnel-et-ordre_a418.html 4 C. CHASERANT et S. HARNAY, “Déréglementer la profession d’avocat en France ? Les contradictions des analyses économiques”, Revue Internationale de Droit Economique, 2010, vol. 2, pp. 151 et s.
  • 5. 3 qu’espérer avoir fait le choix d’un bon avocat (en dépit du risque de sélection adverse) et que ce dernier ne profitera pas de leur crédulité pour augmenter inutilement le coût du service qu’ils requièrent. Ces opportunismes marchands5 qui découlent du déficit informationnel d’une partie contractante peuvent être compensés par certaines règles et mécanismes que nous développerons plus tard. Section 2 : Les mutations du marché des services juridiques Le marché des services juridiques devient plus perméable et les frontières qui le séparent d’autres marchés connexes tendent à disparaître à mesure que les litiges se complexifient et requièrent la mobilisation de connaissances relevant de plusieurs disciplines. Les avocats ont pour objectif premier de fournir à leurs clients des prestations intellectuelles6 . Ainsi, la mobilisation de leurs connaissances, appliquées aux cas individuels qu’ils ont pris en charge, constitue l’essentiel de leur activité7 . Face à la complexité toujours plus grande des litiges et l’évolution constante du droit, la charge de travail qui s’impose à un seul avocat et l’obligation pour lui de se spécialiser dans de trop nombreux domaines devient de moins en moins rationnellement envisageable. De plus, les attentes et exigences des demandeurs de services juridiques sont de plus en plus précises et hétérogènes. L’une des solutions pour pallier ce problème, consiste, pour les avocats, à se réunir afin d’exercer ensemble leur profession commune. Nous notons, qu’une fois constitué, un cabinet d’avocats pourrait, dans le cadre de sa stratégie de croissance, pour les mêmes raisons, augmenter le nombre de praticiens qui le composent. L’un des avocats que nous avons interrogés a évoqué une évolution qui aura, sans aucun doute, d’importantes implications sur l’exercice de la profession d’avocat : l’automatisation de prestations juridiques simples et standardisées. Le développement technologique de l’intelligence artificielle permet déjà à certains cabinets d’avocats de faire d’importantes économies d’échelle. En effet, à considérer que les coûts engagés pour utiliser cette technologie (en ayant recours à des prestataires externes spécialisés) soient fixes, le coût moyen de « production » d’une prestation automatisée réduit au fur et à mesure des utilisations du système informatisé par les clients. Nous faisons remarquer, que la dépendance à ce service externalisé au rendement élevé pourrait entraîner un phénomène de « hold-up ». Les prestataires en charge du bon fonctionnement du système pourraient être tentés de renégocier le prix d’utilisation à la hausse dès que le cabinet ne pourra plus se permettre de se séparer de cette technologie. 5 L’aléa moral et l’anti-sélection voy. C. CHASERANT et S. HARNAY, op. cit., p. 152. 6 J-P., DE BANDT, « le barreau et les alternative business structures » in E. VAN DEN HAUTE (coord.) Liber amicorum François Glansdorff et Pierre Legros, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 189 à 201 ; Pour une analyse du capital humain, voy. P., MILGROM et J., ROBERT., économie, organisation et management , Bruxelles, De Boeck, 2003, pp. 450 à 456 7 S., VAN WASSENHOVE, Le management du cabinet d’avocats : de la croissance à la durabilité, Limal, Anthemis, 2013, pp. 133 à 147
  • 6. 4 Au demeurant, ce développement technologique rendra de moins en moins attractives les prestations généralistes des avocats. Ceux-ci devront alors se distinguer de la machine en offrant des services juridiques complexes ou des qualités humaines non reproductibles (comme l’écoute et l’empathie). Chapitre 2 : Pourquoi les avocats décident-ils de s’associer ou de se regrouper ? Section 1 : Les raisons de s’associer Les avocats peuvent exercer leur activité comme indépendants – personnes physiques. En effet, ils ne sont pas tenus d’intégrer un cabinet pour pouvoir fournir leurs prestations sur le marché des services juridiques. Cependant, nous constatons que de plus en plus d’avocats cherchent à intégrer une structure organisée et prester leurs services entourés de leurs confrères8 . Nous nous sommes questionnés sur les raisons qui déterminaient ce choix des avocats qui consiste à préférer la collégialité à une pratique solitaire de leur métier. L’une des raisons d’exercer ensemble la profession d’avocat, nous venons de le voir, découle des capacités limitées des avocats dans un marché en pleine évolution. Cependant, d’autres raisons peuvent expliquer l’intérêt personnel d’un avocat à rejoindre un projet collectif. Cette volonté d’engagement des avocats pourrait être justifiée par le désir d’engranger ensemble un profit supérieur à celui qu’on obtiendrait en sommant les prestations individuelles des avocats s’ils avaient exercé en tant que personnes physiques. Une autre raison, très pragmatique, consiste simplement à vouloir réduire, en les mutualisant, une série de coûts fixes communs aux avocats du cabinet9 . Les cabinets peuvent alors réaliser certaines économies de gamme. Eugene Fama et Michael Jensen10 , par exemple, démontrent que le fait pour les avocats de s’associer et de devenir propriétaires de leur cabinet constitue un incitant à fournir un travail de meilleure qualité et à contrôler leurs pairs afin que chacun des associés puissent profiter du bénéfice résiduel de leur travail. Section 2 : Un projet commun à géométrie variable 8 Environ 80% des avocats belges, voy. M., FYON, R., DELSAUX, et G., DRION, « L’admission et l’exclusion d’associés dans les cabinets d’avocats » H. CULOT (coord.) Les avocats et la réforme du droit des sociétés et du droit économique, Bruxelles, Larcier, 2019, p. 84 9 Pour une analyse des coûts engendrés par un cabinet, voy. M., FONTAINE, Etude de faisabilité économique et modèles de financement d’un projet pilote de cabinet d’avocats dédiés à l’aide juridique, mars 2019, consulté sur http://latribune.avocats.be/wp-content/uploads/2020/04/Etude-de-faisabilit%C3%A9-%C3%A9conomique- Rapport-synth%C3%A9tique.pdf 10 E.,FAMA et M., C., JENSEN, « Separation of Ownership and Control », Journal of Law and Economics, Vol. 26, June 1983. consultable sur SSRN: https://ssrn.com/abstract=94034
  • 7. 5 Les avocats qui décident d’exercer ensemble leur profession devront établir un projet commun. Ce projet commun des avocats associés déterminera la nature de la structure qu’ils entendent mettre en place et le degré d’implication qu’ils auront vis-à-vis d’elle11 . Le projet commun qui décide les avocats à se réunir se compose de plusieurs éléments : une vision commune (un objectif à long terme à réaliser), une mission commune (les moyens à mettre en place vis-à-vis des clients pour réaliser l’objectif) et un ensemble de valeurs partagées par les porteurs du projet12 . Souvent résumé à quelques lignes sur le site internet des cabinets, le projet commun est pourtant indispensable à la pérennité du cabinet. Il offre plus qu’une somme d’ambitions individuelles. Ce projet commun instaure une stratégie commune (de recrutement, de gouvernance, de paiement des collaborateurs et de rémunération des associés, de choix de spécialisation, etc.) que poursuivront les avocats exerçant au sein du cabinet. Il est dès lors essentiel qu’un consensus clair existe entre les associés sur la nature de leurs liens et les valeurs dont ils seront les garants. Nous avons pu constater que les avocats qui participaient au projet commun mettaient en place une série de règles auxquelles ils acceptaient de se soumettre afin de s’évaluer et de s’autoréguler. Ces règles donnent l’assurance que le travail en équipe qu’ils entreprendront sera le plus efficace possible. Ces valeurs communes sont souvent sous-estimées par les associés d’un cabinet. En effet les raisons qui poussent les avocats à constituer ensemble le cabinet sont généralement pragmatiques : une réputation, un portefeuille de clients ou une expertise dans une branche du droit. Néanmoins, les qualités qui font un bon avocat n’en font pas forcément un bon associé au regard du projet commun du cabinet. Par exemple, un associé ambitieux ne trouverait pas suffisamment de gratification égotique et financière dans un cabinet qui prône la solidarité, une réflexion commune sur les dossiers ou un partage de la clientèle13 . Il va de soi que le projet initialement porté par les associés entrepreneurs pourra évoluer au fil du temps et se détacher de la vision initiale de ses fondateurs, le cabinet deviendra alors un objet propre, distinct de ceux qui l’ont créé. Ce phénomène est appelé : l’autonomisation du projet. Cela se produit fréquemment à l’occasion d’une révision du projet commun lorsque des associés quittent le cabinet ou quand de nouveaux y entrent par exemple. D’après nos lectures, nous avons pu constater que les avocats, quoiqu’ils décident de se regrouper ou s’associer, restent des esprits libres et des acteurs économiques mobiles. En effet, selon que le projet commun au cœur de tout cabinet d’avocats continue ou cesse de leur convenir, ils se maintiendront dans le cabinet ou le quitteront. De plus, toute inconséquence lors de l’établissement du projet commun pourrait, dans le pire des cas, entraîner la dissolution du cabinet. En effet, en l’absence de mécanisme de résolution des conflits validés par les associés14 , la survenance de conflits d’agence, alors insolubles, ne peuvent mener qu’à l’abandon du projet commun. 11 F.,BLONDE, Associations d’avocats, le choix de la réussite, 27 novembre 2009, consulté sur https://www.lexgo.be/fr/management/2009/11/associations-d-aoavocats-le-choix-de-la-r-ussite,34673.html 12 S., VAN WASSENHOVE, op. cit., pp.19 à 60 13 L., MARLIERE, Quel avocat pour le 21ème siècle ?, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 198 à 203 14 Nous faisons remarquer que les règles de déontologie de l’avocat prévoient des mécanismes supplétifs de résolution (discrète et digne) des conflits entre associés devant des juridictions arbitrales ou à l’amiable devant le bâtonnier de l’ordre des avocats.
  • 8. 6 Selon nous, ce projet commun peut s’apprécier comme un contrat relationnel à la lumière de la théorie contractualiste des organisations. En effet, le projet commun des associés consiste pour eux, à établir un plan d’action (le plus précis et détaillé possible)15 concernant les relations longues qu’ils entretiendront au sein du cabinet. Face à l’impossibilité de pouvoir lire l’avenir et anticiper les événements imprévus qui pourraient survenir au cours de la vie du cabinet, les associés devront prévoir des mécanismes de coordination et de pilotage de leurs relations. Afin de dépasser la distinction entre l’isolement et la collégialité, nous avons remarqué qu’il existait différents degrés d’exercice en commun de la profession d’avocat. Trois options s’offrent aux avocats qui désirent exercer avec d’autres leur profession commune16 . Les deux premières options sont : le groupement au sein d’une association de frais et l’association au sein d’une société d’avocats. Les avocats peuvent décider de simplement partager certains frais et ressources (et diminuer ainsi certains de leurs coûts)17 ou peuvent décider de partager tant leurs frais et leurs ressources que leurs bénéfices dans le cadre d’une société18 . Nous notons qu’outre ces deux hypothèses qui visent la constitution d’un projet de structure d’exercice en commun de la profession d’avocat, il est loisible à l’avocat de choisir une troisième option en rejoignant l’un de ces projets en qualité de collaborateur19 et non d’associé. Chapitre 3 : Les cabinets multidisciplinaires : l’avenir des cabinets d’avocats ? Nous avons eu l’occasion de critiquer la position adoptée par l’Union européenne en matière de libéralisation des règles du marché intérieur dans le premier chapitre de ce travail. Cependant, force est de constater que le droit européen et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ont aussi permis de tempérer les disproportions de certaines règles déontologiques. En effet, les cabinets d’avocats sont des structures qui cultivent « l’entre-soi » professionnel. Les statuts de sociétés d’avocats prévoient que seules les personnes qui ont rempli les conditions d’accès à la profession d’avocat20 peuvent devenir des associés du cabinet. Cette culture était renforcée par les codes de déontologie qui, craignant que ne soient mises en péril l’indépendance et la dignité qui siéent à la profession d’avocat, interdisaient aux tiers non-juristes21 d’entrer au capital des sociétés d’avocats ou d’y travailler. Les cabinets se composaient alors uniquement d’avocats et les cabinets multidisciplinaires ne pouvaient pas se développer ou s’installer en Belgique. Face à l’internationalisation grandissante de 15 Selon la théorie des contrats incomplets, le projet commun sera toujours imparfait et incomplet en raison de la rationalité limitée des cocontractants 16 . M., FYON, R., DELSAUX, et G., DRION, « L’admission et l’exclusion d’associés dans les cabinets d’avocats », op. cit., pp. 91 – 92 ; S., VAN WASSENHOVE, op. cit., pp. 43 - 46 17 L’hypothèse du groupement au sein d’une association de frais 18 L’hypothèse de l’association au sein d’un cabinet d’avocats 19 Ce statut d’avocat collaborateur du cabinet peut évoluer. Il n’est pas rare, après plusieurs années d’ancienneté au sein du cabinet, qu’un collaborateur se voit offrir la possibilité d’en devenir un associé. 20 C. jud., art. 428 21 Sous réserves de quelques exceptions
  • 9. 7 la profession et à la concurrence des cabinets anglo-saxons beaucoup plus libéraux22 , cette vision était amenée à disparaître. Le législateur européen soutenu par la CJUE23 a entamé un processus de libéralisation des structures de cabinets et de leur mode de financement. Ces assouplissements si nécessaires soient-ils, doivent malgré tout, être mis en balance avec les principes fondamentaux de la profession d’avocat (tels que l’indépendance, les conflits d’intérêt ou le secret professionnel). Le droit des sociétés ne s’est jamais opposé à la création de cabinets multidisciplinaires en Belgique, il n’en est pas de même des règles de déontologie. Si autrefois, les codes de déontologie interdisaient de façon systématique et généralisée la création de telles structures, ils ne peuvent aujourd’hui porter atteinte aux règles de la concurrence européenne qu’à condition de répondre au test de légalité, de nécessité et de proportionnalité. En l’espèce, nous constatons que les codes de déontologie belges créent par contre une discrimination entre les cabinets multidisciplinaires étrangers qui font une demande d’installation en Belgique et les cabinets multidisciplinaires créés en Belgique24 . Plusieurs des avocats que nous avons interrogés nous ont expliqué l’intérêt pour leurs cabinets respectifs de se constituer un réseau avec d’autres prestataires de service non-juristes (notamment des comptables) qui peuvent servir de relais entre le cabinet et de nouveaux clients. Ces comptables peuvent également fournir de l’information aux cabinets sur les besoins que manifeste leur clientèle pour des produits spécifiques qu’ils ne trouvent pas sur le marché des services juridiques. Nous pensons donc à l’instar de Mes Corbeel et Van Wassenhove, que la croissance des cabinets d’avocats pourrait, à l’avenir, passer par le caractère multidisciplinaire qu’ils entendraient poursuivre. Dans cette hypothèse, les coûts pourraient être réduits pour le consommateur final en limitant les navettes et intermédiaires. En ce qui concerne la participation de tiers non-avocats au capital des cabinets, les codes de déontologie continuent d’imposer certaines conditions. En effet, seuls certains types de tiers non- juristes préalablement identifiés peuvent entrer au capital de ces sociétés et pour autant qu’ils respectent certaines conditions (notamment une intervention minoritaire en termes de financement, de gestion et de prise de décision). Chapitre 4 : Quelques aspects de management du cabinet d’avocats Section 1 : L’augmentation du capital humain du cabinet : la procédure de recrutement Nous avons vu supra, que les procédures de recrutement de nouveaux collaborateurs au sein du cabinet (désormais constitué) peuvent s’inscrire dans une stratégie de spécialisation ou de croissance 22 Legal service Act adopté en 2007 permet la création d’Alternative Business Structures (ABS). Ces structures commerciales regroupent des juristes et des non-juristes et le capital peut même être détenu de façon majoritaire par les professions non-juridiques Ces structures restent controversées dans la doctrine cf. 23 CJCE, 19 février 2002, J.C.J. Wouters c/ Algemene Raad van de Nederlandse van Advocaten, aff. C-309/99, 2002 I-01577, ECLI:EU:C:2002:98 24 Les cabinets multidisciplinaires belges ne peuvent être constitués alors que des cabinets étrangers sont autorisés à prester leur service sur le territoire du Royaume voy. M., FYON, R., DELSAUX, et G., DRION, « L’admission et l’exclusion d’associés dans les cabinets d’avocats », op. cit., pp. 109 - 113
  • 10. 8 du cabinet. Par exemple, ce dernier pourrait chercher à requérir les connaissances particulières d’un avocat afin de compléter son offre sur le marché des services juridiques et devenir plus attractif vis-à- vis de la concurrence. Le résultat des entretiens que nous avons eus avec quelques cabinets d’avocats, nous invite à considérer la procédure de recrutement mise en place au sein de ceux-ci. De fait, la recherche du candidat idéal passe en principe par une mise à l’épreuve de ce dernier afin de déterminer ses compétences25 . Tout d’abord, nous constatons que l’appréciation de la qualité d’un futur associé ou collaborateur ne peut être réalisée que par un autre avocat26 . En effet, il existe un risque d’asymétrie d’information entre des recruteurs professionnels non-juristes et le candidat avocat. Les spécificités des qualifications requises ne peuvent être pleinement perçues par une personne qui n’exerce pas la profession d’avocat. Bien que, comme nous venons de le voir, les avocats semblent être les seuls à pouvoir analyser les compétences de leurs confrères, ils ne sont pas formés aux techniques de recrutement. Selon Me Corbeel, une formation au recrutement devrait être enseignée à tous les avocats lors des cours CAPPA organisés par le barreau. Il propose également de faire appel à des « chasseurs de têtes » indépendants, dignes de confiance et spécialisés dans la recherche de profils de juristes. Nous constatons que les deux options proposées par Me Corbeel peuvent avoir des implications économiques différentes. En effet, la première permettrait de maintenir cette compétence dans le giron des cabinets en limitant le coût d’un apprentissage des techniques de recrutement pour leurs membres. De fait, l’ordre professionnel le prendrait en charge lors de la formation de tout avocat. La seconde option quant à elle propose d’externaliser cette charge en la confiant à d’autres acteurs du marché ce qui réduit également les coûts pour le cabinet qui se libère du temps mais reste conditionné à la confiance et la spécialisation de ses cocontractants. Une balance des coûts-bénéfices permettra au cabinet de choisir l’option qu’il estime la plus avantageuse pour lui. Section 2 : La loyauté et la mobilité des collaborateurs L’un des devoirs qui incombent aux avocats en leur qualité de membres d’un ordre professionnel, consiste à former leurs futurs confrères (et/ou concurrents). Dans une logique purement marchande, ce devoir de formation pourrait entraîner une inefficience préjudiciable au marché des services juridiques. En effet, eu égard aux coûts supportés par l’avocat « senior » lors de la formation de l’avocat « junior » et du risque de déloyauté de ce dernier, l’avocat formateur pourrait avoir intérêt à retenir certaines informations essentielles et proposer une formation de moindre qualité au jeune avocat. Nous y voyons là, les effets néfastes d’un hasard moral. Il semble évident que, dans cette hypothèse, le consommateur final des services juridiques en subirait un préjudicie tout comme la Justice, perçue comme bien public. 25 M., CAHN, Les 4 règles d’or en management du cabinet d’avocats, consulté sur https://lexd.eu/les-4-regles- dor-du-management-en-cabinet-davocats/ 26 O., FAVREAU, (dir.), op. cit., pp. 19 à 21
  • 11. 9 Les intervenants que nous avons eu l’occasion d’interroger ont émis certaines craintes par rapport à ce phénomène dit de « turn-over »27 . Nous pensons que cela découle de la taille plutôt réduite de ces cabinets28 qui, en raison de leur esprit d’entreprise « familial » et de leurs moyens limités, craignent d’investir pécuniairement et de s’investir émotionnellement dans la formation d’un jeune avocat. Un cabinet de plus grande envergure, grand pourvoyeur d’emplois et qui peut se targuer d’une certaine renommée craindra moins le départ d’un jeune collaborateur qu’il aura formé considérant que cela pourra être mis au compte des pertes et profits29 . Comment les cabinets d’avocats pourraient-ils renforcer la loyauté de leurs collaborateurs afin de réduire les craintes qui limitent souvent leurs démarches de recrutement. Nous pensons que les incitants auront toujours plus d’effets que la crainte d’éventuelles sanctions. En effet, vu l’inefficacité des clauses de non-concurrence, nous doutons que les risques de poursuite judiciaire en cas d’inexécution aient un impact significatif sur le comportement opportuniste des jeunes avocats. Cependant, un incitant à la loyauté par le biais d’un espoir d’accession au statut d’associé ou en développant une culture d’entreprise plus humaine nous paraît avoir plus d’impact sur le jeune collaborateur. Cette vision est d’ailleurs partagée par le cabinet Colette-Basecqz. Section 3 : La rémunération des avocats Me Corbeel a particulièrement attiré notre attention sur la rémunération des avocats. Les questions qui touchent à l’argent sont souvent créatrices de conflits au sein des organisations. Celles-ci peuvent parfois constituer un élément d’instabilité des relations interpersonnelles entre les associés et collaborateurs. Il est important que les associés, au moment de la constitution (ou de la révision) de leur projet commun, déterminent précisément une politique de partage des profits cohérente avec la vision et le degré d’intégration que ses associés entendent mettre en place. Aucune intégration opérationnelle ne peut exister si l’on maintient un système de rémunération individualiste30 . Il existe trois modèles de répartition du profit entre associés d’un cabinet : le modèle égalitaire, le modèle flexible et le modèle du « eat what you kill »31 . Cependant, il est à noter que la transparence des cabinets à propos des types d’honoraires32 qu’ils pratiquent peut avoir un impact positif sur le fait qu’un client choisisse un cabinet plutôt qu’un autre. La majorité des avocats proposent des honoraires sur base d’un taux horaire. Or, selon Me Corbeel, cette méthode de calcul des honoraires rebute de plus en plus les clients. En effet, ces derniers ne peuvent évaluer le nombre d’heures nécessaires à la résolution de leur problème et par conséquent, le prix final qu’ils devront payer pour avoir bénéficié du service de l’avocat. 27 Déloyauté d’un collaborateur qui après avoir reçu sa formation au sein d’un cabinet, le quitte pour répondre à une offre d’emploi plus alléchante 28 Entre 4 et 7 associés et collaborateurs 29 O., FAVREAU (dir.), op. cit., pp. 27 à 30 30 S., VAN WASSENHOVE, op. cit., p. 72 31 Pour plus d’informations voy. S., VAN WASSENHOVE, op. cit., pp. 73 et s. 32 Imposé par les règles de déontologie
  • 12. 10 Me Corbeel ajoute que cette solution ne satisfait pas plus les avocats. En effet, bien que cette méthode génère peu de coûts de gestion pour le cabinet en raison de sa simplicité comptable, il est possible d’assurer à l’avocat une meilleure rentabilité financière en proposant un prix forfaitaire auquel vient s’adjoindre un honoraire qui consiste en un pourcentage sur l’enjeu du litige (success fees). Les clients qui payent leur avocat au taux horaire n’acceptent généralement pas de payer des « success fees ». Aucune méthode de calcul des honoraires n’est parfaite. Le forfait permet certes au client de mieux anticiper ses coûts mais impose à l’avocat d’apprécier le juste prix des prestations qu’il fournit dans son forfait pour rester rentable. Les « success fees » incitent sûrement l’avocat à s’investir davantage dans ses dossiers tout en créant un risque qu’il se précipite sur la première solution positive venue, et ce, même si cette dernière n’offre pas le meilleur résultat possible à son client. Par ailleurs, les règles de déontologie interdisent que la rémunération de l’avocat soit entièrement basée sur le résultat du litige33 . Conclusion Les cabinets d’avocats sont effectivement, comme nous en avions l’intuition au départ, des structures particulières. Cependant, ils ne le sont peut-être pas autant que nous l’imaginions. Nous avons pu constater que les raisons pour lesquelles les avocats s’associaient tiennent surtout à la volonté de fournir des prestations plus complexes et valorisables sur le marché. Placé dans un environnement toujours plus concurrentiel, ils se doivent d’être plus flexibles, solidaires et redéfinir régulièrement leurs stratégies comme c’est le cas de n’importe quel acteur économique. Nous pensions que l’indépendance des avocats se concilierait difficilement avec l’idée d’une hiérarchie propre à toutes les firmes (selon Coase). Cependant, nous l’avons vu, les avocats qui acceptent de s’associer dans un cabinet intégré (par opposition aux associations de frais) sont prêts à faire certaines concessions pour assurer la viabilité à long terme de leur projet commun. La coordination de leurs relations au sein du cabinet engendre des coûts lorsque le projet commun doit être défini ou redéfini. Toutefois, si le projet commun, même incomplet, prévoit suffisamment de garde-fous, les désaccords entre les associés devraient être limités et solutionnables sans engendrer d’excessifs coûts supplémentaires. Nous avons constaté que l’asymétrie d’information est l’un des principaux problèmes auquel sont confrontés les avocats. Cette asymétrie d’information s’exerce tant entre les associés et les collaborateurs du cabinet qu’entre les avocats et leurs clients. Nous avons identifié quelques solutions que les cabinets ou les barreaux pourraient mettre en place pour éviter le recrutement de « passagers clandestins »34 au sein des cabinets. Pour éviter un déficit de confiance des clients vis-à-vis de la profession d’avocat, il est essentiel de limiter les comportements opportunistes des avocats. Fort heureusement, l’ordre des avocats, en édictant ses codes de déontologie, permet de réduire le phénomène de sélection adverse et d’aléa 33 Cette solution n’est pas condamnée aux Etats-Unis où les « contingent fees » sont admises. 34 Terme faisant référence aux problèmes d’asymétrie d’information dans toute « production en équipe » identifiés par A. ALCHIAN et H. DEMSETZ
  • 13. 11 moral35 . L’intégration au sein d’un cabinet pourrait également réduire le phénomène de hasard moral. En effet, pour qu’il ne soit pas porté atteinte à la réputation du cabinet, et par extension aux avocats qui le composent et pour éviter que la responsabilité du cabinet ne soit engagée, les associés et collaborateurs du cabinet devront se soumettre au contrôle de leurs pairs36 . 35 En imposant des règles d’accès à la profession (l’exigence d’un diplôme de droit), on assure au client un degré minimum de qualité des avocats qu’il rencontrera sur le marché. En prévoyant une procédure de réduction des honoraires excessifs demandés par l’avocat, le client est prémuni des potentiels abus de son conseil. 36 C’est encore plus marquant quand le cabinet prend la forme d’une société à responsabilité illimitée. Pour plus de développements sur la modification des comportements des avocats voy. R., C., O., MATTHEWS, « The Economics of Professional Ethics: Should the Professions be More Like Business? », The Economic Journal, Vol. 101, No. 407 (Jul., 1991), pp. 737-750
  • 14. 12 Bibliographie AUTENNE, A. et THIRION, N., « L’avocat comme homo oeconomicus : une reductio ab absurdum ? », R.P.S. – T.R.V., 2017/8, pp. 1012 à 1021 BLONDÉ, F., Associations d’avocats, le choix de la réussite, 27 novembre 2009, consulté sur https://www.lexgo.be/fr/management/2009/11/associations-d-aoavocats-le-choix-de-la-r- ussite,34673.html BUYLE, J-P., « la participation de tiers dans les cabinets d’avocats : nouvelle forme de gestion patrimoniale ou nouvelles sources de financement des cabinets » La société professionnelle d’avocats : actualités déontologiques, fiscales, comptables et financières, Limal, Anthemis, 2010, pp. 65-91 CAHN, M., Les 4 règles d’or en management du cabinet d’avocats, consulté sur https://lexd.eu/les-4- regles-dor-du-management-en-cabinet-davocats/ CHASERANT, C. et HARNAY, S., “Déréglementer la profession d’avocat en France ? Les contradictions des analyses économiques”, Revue Internationale de Droit Economique, 2010, vol. 2, pp. 148 et s. CHASERANT, C. et HARNAY, S., “Rationalité et (dé)réglementation de la profession d’avocat : une analyse de la concurrence sur le marché des services juridiques”, Revue Internationale de Droit Economique, 2016, vol. 67, pp. 171-183. D’AMORE, P., Dans un cabinet d’avocats, le management est collectif, il faut construire le consensus avec méthode, 1 avril 2016, consulté sur https://www.magazine-decideurs.com/news/dans-un- cabinet-d-avocats-le-management-est-collectif-il-faut-construire-le-consensus-avec-methode DE BANDT, J-P., « le barreau et les alternative business structures » E. VAN DEN HAUTE (coord.) Liber amicorum François Glansdorff et Pierre Legros, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 189 à 201 DE PIERPONT, G., « Qu’advient-il du cabinet d’avocats constitué sous la forme d’une société de droit commun ou d’une société en nom collectif », L’avocat et la réforme du droit des sociétés et du droit économique, Bruxelles, Larcier, 2019, pp. 56 à 81 DIEUX, X., « 1. - Le nouveau Code des sociétés (et des associations) : une « anonymisation » silencieuse » in La société à responsabilité limitée, Bruxelles, Éditions Larcier, 2019, pp. 9-40 FAVREAU, O. (dir.), “Les avocats entre ordre professionnel et ordre marchand - Concurrence par la qualité et socio-économie d’une réglementation professionnelle”, Rapport final du contrat de recherche CBN-Université Paris X-CNRS, septembre 2008, pp. 1-189, consulté sur : http://cnb.avocat.fr/Consequences-economiques-de-la-liberalisation-du-marche-des-services- juridiques-entre-ordre-professionnel-et-ordre_a418.html. FONTAINE, M., Etude de faisabilité économique et modèles de financement d’un projet pilote de cabinet d’avocats dédiés à l’aide juridique, mars 2019, consulté sur http://latribune.avocats.be/wp- content/uploads/2020/04/Etude-de-faisabilit%C3%A9-%C3%A9conomique-Rapport- synth%C3%A9tique.pdf
  • 15. 13 FYON, M., DELSAUX, R. et DRION, G., « L’admission et l’exclusion d’associés dans les cabinets d’avocats » H. CULOT (coord.) Les avocats et la réforme du droit des sociétés et du droit économique, Bruxelles, Larcier, 2019, pp. 83 à 140 HARNAY, S. (dir.), Rapport pour le GIP Mission de recherche Droit et Justice, Régulations professionnelles et pluralisme juridique : une analyse économique de la profession d’avocat, octobre 2013, pp. 47 à 57, consulté sur http://www.gip-recherche-justice.fr/wp- content/uploads/2018/07/Rapport_DEF_GIP_Avocats_Pluralisme_2013.pdf JORIS, J-L., « la participation de tiers dans le capital des cabinets d’avocats » E. VAN DEN HAUTE (coord.) Liber amicorum François Glansdorff et Pierre Legros, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 628 et s. MALHERBE, P., « les modes d’exercice des professions juridiques en Belgique » Les professions juridiques, Bruxelles, Bruylant, 2013 MARLIÈRE, L., Quel avocat pour le 21ème siècle ?, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 197 à 207 NAVEZ, E.-J., NAVEZ, A., « Chapitre 4 - La société à responsabilité limitée » in Le Code des sociétés et des associations, Bruxelles, Larcier, 2019, pp. 99-168 PETRIE, N., Développement du leadership : Les tendances de demain, consulté sur http://www.theenablers.be/sites/default/files/2017-03/Developpement_du_leadership.pdf VAN WASSENHOVE, S., Le management du cabinet d’avocats : de la croissance à la durabilité, Limal, Anthemis, 2013, pp. 19 à 85, 123 à 139, 167 à 190