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Entreprises & Culture Numérique
2
Tousdroitsdereproduction,d’adaptationetd’exécutionréservéspourtouspays,notammentlatraduction,laréimpression,
l’exposition, la photocopie du texte, des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore
ou visuel, la reproduction par scanner, par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation dans une base
de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 n’autorise une reproduction intégrale ou partielle
que moyennant le paiement de droits spécifiques. Elle sanctionne toute représentation, reproduction, contrefaçon,
photocopie, et toute conservation dans une base de données par quelque procédé que ce soit.
© 2013 CIGREF, 21 avenue de Messine, 75008 Paris
Entreprises & Culture Numérique
3
Septembre 2013
Entreprises
&
Culture Numérique
Entreprises & Culture Numérique
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Remerciements
Savoir mobiliser l’intelligence collective de ses membres est une condition
nécessaire pour permettre la rédaction d’un ouvrage collectif. Au sein d’un
Réseau de plus de 130 Grandes Entreprises, le point de vue des Membres
est porté par les personnalités élues par leurs pairs au sein du Conseil
d’administration lors de l’Assemblée générale.
Dès lors, il convient d’emblée de remercier tous les Administrateurs qui, depuis
de nombreux mois ont accepté de contribuer à réunir, identifier et formuler
les thèmes singuliers contenus dans cet ouvrage :
Cette compétence est nécessaire, mais pas suffisante ! Il convient également de « piloter la réflexion » pour
retenir et sélectionner les idées forces, surtout s’il s’agit d’exprimer dans un ouvrage tel que celui-ci, les
convictions d’une Association dont l’histoire a jalonné le développement informatique des entreprises
depuis 1970.
Que soient ici remerciés tout particulièrement les Administrateurs membres du Bureau, qui, avec le
Président Pascal Buffard (AXA), ont piloté la rédaction de chacun des 7 chapitres :
Savoir mobiliser l’intelligence collective pour sélectionner les convictions CIGREF, n’exclut pas de vouloir
en vérifier l’audience auprès d’acteurs du monde économique.
Que soient ici remerciés les membres du Comité de lecture qui ont spontanément accepté de formuler
leurs recommandations quant à la pertinence des convictions CIGREF :
Enfin, qu’il me soit permis de remercier l’équipe des permanents du CIGREF qui a contribué efficacement
à ce travail collectif et tout particulièrement Anne-Sophie Boisard et Sophie Bouteiller qui ont coordonné
la rédaction finale de cet ouvrage.
- Renaud de Barbuat (Thales),
- Jean Chavinier (Pernod-Ricard),
- Philippe Courqueux (Cora),
- Michel Delattre (Groupe La Poste),
- Régis Delayat (SCOR),
- Bruno Brocheton (Euro Disney),
- Bernard Duverneuil (Essilor International),
- Jean-Marc Lagoutte (Danone),
- Caroline Apffel (Spencer Stuart),
- Jean-Pierre Arnaud (Professeur au CNAM)
- Professeur Ahmed Bounfour
(Rapporteur général du programme ISD
et Coordinateur du Comité Scientifique
de la Fondation CIGREF),
- Eric Monnoyer (Consultant),
- Véronique Durand Charlot (GDF Suez),
- Patrick Hereng (Total),
- Françoise Mercadal-Delasalles (Société Générale),
- Konstantinos Voyiatzis (Nexans).
- Georges Epinette (Groupement des Mousquetaires)
- Bruno Ménard (Sanofi).
- Chabane Debiche (La Poste - Pilote du Groupe
de travail « Cadre de référence CIGREF, Culture
numérique d’Entreprise »),
- Jean-François Phelizon (DGA - Saint Gobain),
- Philippe Rose (Rédacteur en chef Best Practices
International).
Jean-François PEPIN
Délégué général
du CIGREF
Entreprises & Culture Numérique
5
Préface de Pascal Buffard
Introduction
La culture numérique : quelles promesses de création de valeur pour
l’entreprise ?
VI -
VII -
Postface de Jean-François Phelizon
Annexes
Références
Annexes I - Le CIGREF
Annexes II - La Fondation CIGREF
Annexes III - Les entreprises membres du CIGREF en 2013
Les conditions de réussite de la culture numérique
IV -
V -
La confiance, valeur centrale de la culture numérique
Agilité et créativité, facteurs d’innovation et de performance
Une transformation de l’organisation du travail et du management
Les femmes et les hommes de l’entreprise, acteurs de la réussite
Les essentiels de la culture numérique d’entreprise
I -
II -
III -
De nouveaux modèles d’affaires qui tirent avantage de la culture numérique
L’intelligence collective comme source de création de valeur
Une culture au service d’un dessein responsable
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89
Sommaire
Les chapitres sont individuellement téléchargeables (format PDF) à l’aide d’un QRcode
proposé à la fin de chacun d’eux.
Entreprises & Culture Numérique
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Entreprises & Culture Numérique
7
Préface
Oser, en 2013, rapprocher les termes Entreprises et Culture Numérique,
tel est le défi de ce nouvel ouvrage. Pour le relever, la légitimité du CIGREF
repose sur plusieurs fondements institutionnels :
- Le CIGREF, association de grandes entreprises, a pour vocation, depuis sa
création en 1970, d’aider leurs dirigeants à façonner des entreprises plus
innovantes, en s’appuyant à l’origine sur les techniques informatiques,
puis sur les systèmes d’information et leurs usages.
- A l’occasion de son 40ème
anniversaire, le CIGREF a renouvelé cet
engagement en l’élargissant à l’ensemble des problématiques du monde
numérique et des transformations qui en découlent pour l’entreprise.
- Parallèlement, le CIGREF a également créé une fondation de recherche, la Fondation CIGREF dont
la mission est de « mieux comprendre comment le monde numérique transforme notre vie et nos
entreprises », et dont l’objectif principal est de conduire un programme international de recherche, le
programme ISD, sur « le design de l’entreprise 2020 ».
- Par ailleurs, dans le cadre de son plan stratégique 2015, le CIGREF s’est fixé pour ambition d’accroître son
rayonnement au sein des grandes entreprises et des administrations, en s’affirmant comme « carrefour
d’informations, de réflexions et d’échanges sur l’entreprise dans le monde numérique ».
Toutes ces activités sont réalisées dans le but de préparer l’avenir et d’innover, mais surtout en vue d’agir pour
des entreprises performantes au cœur du monde numérique.
Entreprises et culture numérique : un nouveau défi !
Depuis sa création, deux ouvrages ont marqué l’histoire de notre Réseau de Grandes Entreprises : Le pari
informatique1
et L’entreprise numérique : quelle stratégie pour 2015 ?2
. Tous deux prennent en compte
l’importance de la dimension culturelle pour les entreprises et leurs collaborateurs dans les transformations
auxquels ils doivent faire face.
Dans le premier, Pierre Lhermitte, Président fondateur du CIGREF, écrivait « L’adaptation des structures aux
réalités techniques et économiques est devenue une pressante nécessité et il importe de bien savoir qu’il ne
s’agitplusd’unesimpleévolutionmaisd’uneprofondemutation.L’adaptationdenosentreprisesàcesnouvelles
techniques de l’informatique est indispensable pour assurer leur compétitivité sur le plan international et
permettre l’épanouissement intellectuel et culturel de la population active ».
Dans le second, Bruno Ménard, mon prédécesseur, prolongeait la réflexion de Pierre Lhermitte : « …Depuis
1970, l’informatisation des organisations se poursuit à un rythme accéléré. Après l’automatisation des tâches
administratives, par exemple la comptabilité, puis l’informatisation des processus métiers, l’arrivée d’Internet
a ouvert une nouvelle ère de communication et de partage d’information3
».
Bruno Ménard précisait également : « Les applications technologiques sont produites et structurées par des
processus sociaux dynamiques, qui prennent en compte les pratiques de l’organisation et des utilisateurs […]
Ce qui distingue l’usage de l’utilisation, c’est avant tout le périmètre couvert par les deux termes. D’un côté,
l’utilisation fait référence au rapport fonctionnel de l’individu à la technologie […] D’un autre côté, l’usage
dépasse ce cadre fonctionnel parce qu’il prend en compte d’autres dimensions, à caractère immatériel, du
rapport de l’individu à la technologie : il recouvre non seulement l’emploi des techniques, mais également les
comportements, les attitudes, la culture et les représentations des individus4
».
Pascal Buffard
Président d’AXA Technology Services
1
Lhermitte, Pierre, (1970), Le Paris Informatique, France-Empire
2
Ménard, Bruno, (2010), L’entreprise numérique : quelle stratégie pour 2015 ?
3
Ménard, Bruno, (2010), ibid, p. 7.
4
Ménard, Bruno, (2010), ibid, p. 41-42.
Entreprises & Culture Numérique
8
Il nous faut désormais poser un regard lucide et éclairé sur les conséquences de ces transformations sur nos
entreprises. Il faut saisir les opportunités de cette nouvelle révolution et anticiper les risques pour affirmer la
richesse et la singularité des grandes entreprises françaises en Europe et dans le monde. Dans ce cadre, nous
sommes convaincus que la culture numérique nous permettra de réussir cette transformation et d’améliorer
l’innovation et la performance de nos entreprises.
Dessiner les fondamentaux de la culture numérique
Telle est l’ambition du présent ouvrage : développer une représentation partagée des transformations
culturelles liées au numérique, en cours dans nos organisations.
En ce sens, nous partageons avec Milad Doueihi le fait que l’humanisme numérique : « …est l’affirmation que
la technique actuelle, dans sa dimension globale, est une culture, dans le sens où elle met en place un nouveau
contexte, à l’échelle mondiale, et parce que le numérique […] est devenu une civilisation qui se distingue par
la manière dont elle modifie nos regards sur les objets, les relations et les valeurs, et se caractérise par les
nouvelles perspectives qu’elle introduit dans le champ de l’activité humaine5
».
Ces fondamentaux de la culture numérique, nous les avons organisés autour de plusieurs convictions,
partagées par nos membres :
- L’irruption du numérique dans les organisations vient profondément remettre en question les modèles
d’affaires sur lesquels s’est construit le succès des grandes entreprises. Nous sommes convaincus qu’au-
delà des changements de processus et de l’introduction des nouvelles technologies, c’est une révolution
culturelle qui va permettre la mise en place et le succès de ces nouveaux modèles d’affaires.
- Nous pensons que la culture numérique se caractérise par le partage de l’information et de la connaissance
entrelesacteursdel’entreprise(ausens«entrepriseétendue»)etqu’àcetitre,elleconstruituneintelligence
collective source de création de valeur pour l’entreprise.
- Cette culture numérique transforme les modes de management et l’organisation du travail en favorisant
les échanges horizontaux et la production de liens, la reconnaissance par les pairs, fondée sur la compétence
plutôt que sur le rang hiérarchique.
- Elle doit faire face à des risques nouveaux auxquels il convient d’être particulièrement attentif tant du
point de vue sociétal que managérial.
- Enfin, elle est portée par les hommes et les femmes de l’entreprise, réunis autour d’une vision partagée et
cohérente. Ces hommes et ces femmes reconnaissent la confiance comme valeur fondamentale de bonne
gouvernance de l’entreprise.
Mettre en adéquation nos convictions et nos actions
Parce nous avons souhaité être exemplaires en matière de culture numérique, nous avons choisi dans
un premier temps de livrer une version bêta de cet ouvrage. Nous évoluons aujourd’hui dans un monde
complexe, mouvant, où les ruptures économiques et sociétales se succèdent et dans lequel les pratiques,
usages et comportements culturels évoluent… à la vitesse numérique ! Cette première version n’a pas pour
ambition d’être exhaustive ou parfaite, elle cherche au contraire à amorcer un dialogue qui va profiter des
contributions de tous.
Dans un deuxième temps cet ouvrage sera enrichi, en version numérique, de liens vers des études de cas, des
exemples, issus des résultats de recherche de la Fondation CIGREF, de nos groupes de travail, d’interviews de
dirigeants… afin d’assurer ainsi notre rôle de carrefour d’informations, de réflexions et d’échanges.
Enfin, pour s’inscrire pleinement dans les caractéristiques de la culture numérique, nous proposerons aux
parties prenantes (les entreprises membres, notre écosystème, mais aussi le grand public) de réagir en
ligne, de commenter, de débattre, en bref… de créer de la valeur par l’intelligence collective au service de
l’innovation et de la performance de nos entreprises.
Pascal Buffard
Président du CIGREF
5
Doueihi, Milad, (2011), Pour un Humanisme numérique, Seuil, P. 9-10
Entreprises & Culture Numérique
9
Introduction
Le numérique modifie notre regard sur notre héritage, sur ce qui nous entoure et sur la façon dont nous
envisageons notre futur. Il introduit des moyens de production nouveaux, des objets technologiques sans
cesse renouvelés, de nouvelles pratiques sociales et cela dans les domaines économique, social et artistique.
Il change notre rapport aux objets, à l’information, aux savoirs et à l’enseignement, notre perception de
l’espace et du temps. Il bouscule nos relations interpersonnelles, nos identités, mais aussi nos valeurs et
nos représentations. En bref, il vient modifier notre culture au sens où l’a définie l’anthropologue Tylor en
1871 : « Ce tout complexe qui comprend le savoir, la croyance, l’art, la morale, le droit, les coutumes, et toutes
les autres capacités et habitudes acquises par un homme comme membre d’une société 1
».
L’irruption des technologies dans notre quotidien et la numérisation de nos activités et de nos productions
a transformé nos comportements, nos pratiques, nos habitudes et fait émerger une culture numérique
devenue un élément constitutif de notre identité contemporaine.
Qu’en est-il de ces pratiques, valeurs, comportements, mais aussi de ces objets technologiques, applications,
innovations dans le contexte de l’entreprise ?
Si cette culture numérique révolutionne les organisations et remet en cause des modèles économiques et
des modes de management établis, nous sommes convaincus qu’elle est également source de création et
d’innovation.
Dans le cadre de sa mission : « Promouvoir la culture numérique comme source d’innovation et de
performance », le CIGREF développe depuis plusieurs années une réflexion sur l’entreprise et les conditions
lui permettant de réussir sa transformation dans le monde numérique.
Le premier ouvrage du CIGREF sur ce sujet, paru en 2010, montre comment l’entreprise numérique se
définit à travers « une vision et un plan numériques pour toutes les dimensions de son modèle d’affaires2
».
Il porte également la conviction que le facteur humain, les savoir-être et les savoir-faire, sont au cœur du
développement de l’entreprise numérique de demain.
Le CIGREF veut aujourd’hui poursuivre et approfondir cette réflexion autour de la culture numérique. De
nombreux exemples et travaux récents confortent cette conviction que de nouveaux comportements, de
nouvelles pratiques et de nouveaux usages sont à l’œuvre, qui permettent de tirer profit du numérique,
d’améliorer la performance et la responsabilité sociétale de l’entreprise.
Le périmètre de réflexion de l’ouvrage
Cet ouvrage n’est pas un outil de sensibilisation des directions générales à la contribution du numérique pour
la performance des entreprises. Cette prise de conscience est aujourd’hui effective. Nous souhaitons faire de
ce court ouvrage un support de dialogue avec les directions générales et les métiers, pour élaborer ensemble
les conditions de réussite de cette transformation numérique.
Ce texte ne prétend pas faire l’état de l’art sur la littérature concernant le numérique, ni ne cherche à
démontrer ce que la culture numérique apporte à la société. Il s’intéresse essentiellement aux entreprises et
à la grande entreprise en particulier.
Ce n’est pas un manuel de management qui vise à expliquer de manière théorique ce qu’il convient de faire
et à proposer un plan d’actions complet. Ce texte décrit la vision et les convictions que nous portons en tant
que Réseau de grandes entreprises.
Cettevisionn’estpasprescriptive:iln’existepasde« onebestway»pourréussirsatransformationnumérique.
Elle constitue le fondement d’une réflexion qui s’engage aujourd’hui et que nous souhaitons partager avec les
différents acteurs de l’entreprise.
1
Tylor, E.B., (1871), Primitive culture, London, vol. 1., p 2. ”That complex whole which includes knowledge, belief, art,
morals, law, custom, and any other capabilities and habits acquired by man as a member of society”.
2
Ménard, Bruno, (2010), ibid., p. 15.
Entreprises & Culture Numérique
10
Notre approche ne cherche pas à théoriser sur les organisations. Elle est concrète, basée sur l’expérience et
l’analyse de dirigeants, les résultats de nos groupes de travail, du programme de recherche IS Dynamics lancé
par la Fondation CIGREF et d’études de cabinets internationaux…
La diffusion généralisée des outils et des applications liés au numérique fait évoluer de façon significative,
au sein de l’entreprise, les pratiques et les comportements associés. Le numérique modifie les modèles
d’organisation de l’entreprise, les relations interpersonnelles entre ses collaborateurs ainsi que celles avec
les acteurs extérieurs (clients, fournisseurs, partenaires...). Il transforme également les formes d’exercice du
pouvoir et de l’autorité au sein de l’entreprise et l’ensemble des représentations et croyances sous-jacentes,
sur lesquelles se fondent ces pratiques. Ce sont là les principales dimensions de notre cadre de réflexion.
Notre approche est de caractériser les aspects intangibles d’une culture comprenant des valeurs, des
comportements, des croyances et des pratiques encouragées implicitement ou explicitement, en adéquation
avec les exigences du numérique au sein d’une entreprise. Mais « intangible » ne signifie pas « sans effet sur
le réel ». A l’instar des « actifs immatériels » qui relèvent du capital de l’entreprise, les actifs de cette culture
produisent des effets perceptibles et mesurables. Ils permettent de tirer le meilleur bénéfice des stratégies,
des outils numériques et des nouveaux modèles d’affaires.
Nous faisons l’hypothèse d’une culture numérique qui, si elle réussit à s’incarner dans de nouvelles pratiques
au sein des entreprises, et à irriguer les valeurs de celles-ci, permettrait alors à l’entreprise de tirer bénéfice
du monde qui l’entoure.
La culture numérique est une promesse de création de valeur…
dont il ne faut pas minimiser les écueils et les risques
Noussommesconvaincusquelaculturenumériqueestunepromessedecréationdevaleur.Eneffet,ellepermet
la mise en place et le succès de nouveaux modèles d’affaires, elle est synonyme de partage de connaissances,
d’intelligence collective et donc de création de valeur. Elle est une chance pour inscrire l’entreprise dans
un développement et une performance durables qui prennent en compte la valeur économique, sociale et
environnementale.
Nous sommes convaincus qu’au-delà des changements de processus, des innovations de produits et de
services, la culture numérique, partagée par les parties prenantes, pose les conditions de réussite de la
transformation numérique de l’entreprise dans son écosystème.
Cette culture numérique se caractérise par la confiance, valeur centrale dans un monde complexe et mouvant,
par de nouveaux modes de management fondés sur les échanges horizontaux et la production de liens, la
reconnaissance par les pairs, basée sur la compétence plutôt que sur le rang hiérarchique, un respect du droit
à l’erreur, une valorisation des individus et une forme de cohésion dans le travail.
Pour autant, il ne s’agit pas de défendre une vision angélique de la culture numérique. Tout changement,
toute innovation, peut entraîner des effets de bord que nous ne connaissons ni ne maîtrisons parfaitement
aujourd’hui. Adresser les thématiques du numérique dans leur globalité, leurs aspects positifs et négatifs,
relève également de la mission du CIGREF. S’il convient de s’interroger sur les risques liés au numérique, ceux-
ci doivent être envisagés en lien avec l’homme mettant en œuvre ces technologies, les méthodes managériales
utilisées pour promouvoir tel ou tel changement organisationnel… Les risques et écueils liés au numérique
renvoient d’abord à la responsabilité des hommes et à ce qu’ils font de ces nouvelles technologies.
C’est pourquoi à la fin de chaque chapitre nous avons ajouté un encadré destiné à « questionner le
numérique » sur les thématiques abordées.
Entreprises & Culture Numérique
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La place de la grande entreprise dans la révolution numérique
La littérature abonde d’exemples de startups, PME et pure-players qui, par leur souplesse, leur réactivité et
leurs innovations, réussissent brillamment dans l’économie numérique. On oppose parfois à cette réussite
l’inertieetleretarddesorganisationstraditionnelles.Onopposeégalementlepartaged’unmondenumérique,
où l’industrie serait de plus en plus asiatique, les profits nord-américains, et les européens relégués au rang
de simples consommateurs. Selon Didier Lombard3
, l’Europe entend bien mettre en œuvre une politique
volontariste, mais les résultats se font attendre. Or l’Europe dispose d’un vaste marché, avec des utilisateurs
parmi les plus éduqués au monde, des compétences mobilisables, une capacité et une volonté d’investir
significatives. Un tel contexte peut être mis à profit pour recréer en Europe une industrie forte des TIC, pour
construire une position solide à partir de laquelle avancer dans le jeu concurrentiel de l’économie numérique.
Notre conviction est que les grandes entreprises disposent elles aussi des ressources et des potentialités
pour se rendre plus agiles, créatives et innovantes. Bien sûr, compte tenu de leur taille et de leur mode
d’organisation, elles doivent mettre en œuvre ces ressources sous certaines conditions, que nous évoquerons
dans cet ouvrage. Mais les grandes entreprises ne sont pas moins équipées que les autres pour prendre
en compte l’importance croissante du partage de l’information, de l’ergonomie des outils, de l’expérience
utilisateur, des interactions de travail à distance, etc.
Des promesses aux conditions de réussite de la transformation numérique
Cet ouvrage est structuré en trois parties. Il aborde dans un premier temps la culture numérique en tant que
promesse de création de valeur. Pourquoi les nouveaux modèles d’affaires numériques sont-ils différents ?
En quoi intègrent-ils des évolutions d’ordre culturel ? Pourquoi stimuler l’intelligence collective et comment
profite-t-elle à l’entreprise ? En quoi la culture numérique dans les organisations faciliterait-t-elle le
développement de pratiques innovantes responsables ?
Dans un second temps, il permet de caractériser cette culture numérique, dans ses manifestations. Ouverture
et connectivité, partage de connaissance, confiance, agilité et créativité sont les leviers que les femmes et les
hommes utilisent pour faire évoluer l’entreprise dans le monde numérique.
Enfin, ce livre traite des conditions de réussite : comment revisiter profondément le rôle des managers et
établir un rapport différent à la hiérarchie ? Comment également mettre les femmes et les hommes au cœur
de la réussite des entreprises et les rassembler autour d’un projet qui fait sens ? Quelles transformations
doivent être opérées dans l’organisation du travail et dans les interactions entre les parties prenantes ?
Chaque chapitre est conclu par un appel à l’action. Celui-ci ne doit pas être considéré comme l’unique porte
d’entrée vers l’opérationnalité. Ces appels à l’action, sept au total, constituent plutôt un ensemble de pistes
pour entreprendre cette révolution de la culture numérique.
Chaque fiche décrit brièvement l’action entreprise, les parties prenantes concernées, les outils mis en place
et les modes de communication associés à ces actions.
3
Lombard, Didier, (2011), L’irrésistible ascension du numérique, Odile Jacob.
Entreprises & Culture Numérique
12
La culture numérique :
quelles promesses
de création de valeur
pour l’entreprise ?
Entreprises & Culture Numérique
13
« Partout, le numérique va introduire des ruptures fondamentales,
qu’il convient d’anticiper et de maîtriser. Le modèle d’affaires
de l’entreprise numérique ne ressemble plus au modèle d’affaires classique,
dans ses fondamentaux et sa déclinaison sur le marché1
».
Depuis les années 1990, l’émergence du numérique au sein de notre société, ainsi que l’irruption massive
des technologies de l’information dans les entreprises, accélèrent les processus d’échanges, de production
et de distribution. Elles remettent en cause la chaîne historique de création de valeur : modification du
comportement des consommateurs, intensification de la concurrence entre les entreprises, ouverture de
nouveaux marchés.
Ces mutations créent des opportunités militant en faveur de nouveaux modèles d’affaires adaptés au monde
du numérique, dans lesquelles nous observons deux ruptures :
- La désintermédiation, facilitée par l’internet, traduite par la réduction ou la suppression des intermédiaires
dans un circuit de distribution.
Ce phénomène s’inscrit dans un espace en ligne, où l’intensité
informationnelle est plus élevée, et où il est plus facile d’acheter des
produits et des services relevant auparavant de canaux de distribution
séparés ;
- La médiation en réseau, lorsque plusieurs acteurs s’allient pour
co-créer ou coproduire des offres de services ou de produits. Cette
coopération est facilitée, là encore, par les technologies de l’information
(standardisation,interfacesentempsréel,mutualisationdescompétences,
réduction des coûts…).
Pour faire face à ces ruptures, l’entreprise doit repenser dans
son ensemble les relations avec ses clients et plus largement son
écosystème. Au-delà de la dématérialisation, il lui faut donc bien
réinventer son modèle d’affaires. En premier lieu, elle doit saisir l’opportunité offerte par l’internet,
et tout particulièrement par l’internet mobile, d’impliquer le client dans sa chaîne de valeur, afin de
coller au plus près à ses attentes, lui apporter les produits et les services associés dont il a besoin. Au
centre du mix marketing, plus encore que le produit, le prix, la place ou la promotion, la « personne » est
désormais l’objet de toutes les attentions.
CHAPITRE I
De nouveaux modèles d’affaires
tirent avantage de la culture numérique
1
Ménard, Bruno, (2010), ibid., p. 56.
Bruno Brocheton
VP SI - Euro Disney
Entreprises & Culture Numérique
14
2
Sayre, Katharine & al., (2012), Marketing Capabilities for the Digital Age, The Boston Consulting Group.
Le fait nouveau ici est l’apparition d’écosystèmes orientés consommateurs, par la constitution de bases de
données clients, elles-mêmes enrichies par le big data, données recueillies dans l’ensemble des canaux
d’accès (centres d’appels, réseaux sociaux, internet des objets, etc.), l’open data (données socio-économiques
et environnementales) et la traçabilité continue des parcours de l’internaute sur la toile et dans le monde réel
(géolocalisation).
Depuis quelques années, Nike a mis sur le marché des chaussures de sport utilisant le numérique, destinées
aux coureurs à pied. Ces chaussures sont équipées de capteurs capables d’enregistrer et d’analyser les
performances du coureur qui les porte. Le coureur peut transférer sur ordinateur les données enregistrées,
partager l’analyse de sa performance avec ses amis et d’autres compétiteurs… Grâce à l’intégration du
numérique dans le produit lui-même, la chaussure est transformée en capteur d’information, permettant
ainsi la co-production d’un nouveau service.
Des propositions de valeur transformées par le numérique
De nombreux exemples de bonnes pratiques illustrent, dans différents secteurs d’activité, la nécessité de
revoir en profondeur les stratégies marketing et les organisations, à l’aune du numérique. Une récente étude
du BCG2
, consacrée aux opportunités du marketing à l’ère numérique, montre que les entreprises produisant
des biens de grande consommation, n’avaient, dans le passé, que de rares interactions avec les clients.
Elles disposent maintenant de nouveaux moyens de tester des nouveaux produits, distribuer des bons de
réduction, partager l’information sur les produits et les avis des consommateurs, inciter les clients influents à
être les ambassadeurs de la marque.
L’étude cite par exemple Diageo, une entreprise leader dans le domaine des boissons alcoolisées. Elle y est
parvenue avec succès, notamment en lançant une application pour iPhone, « thebar.com ». Elle aide les
consommateurs à trouver les bars et les magasins les plus proches, leur propose un grand nombre de recettes
de boissons et leur donne accès à Facebook ainsi qu’à d’autres réseaux sociaux pour échanger et donner leur
avis.
Pour les compagnies de transport aérien et d’autres entreprises de services, les plateformes numériques
ont conduit à une évolution dans les services fournis aux clients, en répondant à leurs réclamations ou à
leurs besoins d’assistance, en les tenant informés en temps réel des changements d’horaires, de portes
d’embarquement, etc.
Dans un autre secteur, les banques peuvent fournir des services financiers 24H/24 pour mieux répondre
aux besoins de leurs clients. La commodité de services, tels que les règlements en ligne, rend plus difficile le
changement d’établissement. Le numérique renforce indéniablement la fidélisation.
Ladistributiondedétail,quantàelle,estconfrontéeàl’érosiondel’efficacitédessupportspubli-promotionnels
imprimés. Elle est soumise au défi d’une intégration de nouveaux canaux rendant l’achat possible en magasin,
en ligne ou via un appareil mobile. En Corée du Sud, Tesco Home a installé dans les stations de métro, des
bornes d’épicerie virtuelle, permettant aux voyageurs pressés de faire leurs achats en attendant leur rame.
Les clients peuvent y scanner, avec leurs Smartphones, les codes des articles qui leur sont ensuite livrés à
domicile. Les ventes en ligne ont ainsi progressé de 130%, faisant de cette plateforme le premier site de vente
en ligne du pays.
Ainsi les entreprises s’adaptent-elles plus rapidement à l’évolution permanente des attentes et des goûts
des consommateurs. Avec l’internet, le consommateur a imposé sa suprématie dans sa capacité à comparer
les produits, les services et les prix. Mieux encore, il est en prise directe avec la chaîne de production de
l’entreprise, dans une logique de personnalisation de son produit. Cela a provoqué deux évolutions majeures
pour les entreprises : la production de masse de produits « customisés » et la prise en compte, en temps réel,
des dernières attentes manifestées par les clients.
Entreprises & Culture Numérique
15
Des travaux récents, menés par l’Université de Californie du Sud3
dans le cadre du programme ISD de la
Fondation CIGREF4
, ont permis d’identifier trois grandes tendances pour penser les modèles d’affaires des
entreprises numériques :
• La primauté de l’expérience client et le besoin de personnalisation.
• La co-création de valeur distribuée : de plus en plus, les consommateurs, tout comme les fournisseurs,
s’engagent dans l’élaboration des produits et services qu’ils consomment (création de valeur partagée).
• Les expérimentations permanentes sur le modèle du « capter et répondre » : la multiplication des
données fournies par des capteurs va entraîner le développement de capacités d’analyses complexes,
permettant d’interpréter des masses de données de manière intelligente et ciblée.
La primauté de l’expérience client
L’économie numérique impose un nouveau paradigme au marketing, hier encore soucieux de transformer
des prospects en clients. Souvenons-nous que le « prospecteur », historiquement, est celui qui examine un
terrain pour rechercher un filon. Le marketing pré-numérique considère avant tout le client comme un filon,
une source d’enrichissement, et ce dernier le sait parfaitement. L’entreprise numérique considère le client
comme un interlocuteur qu’elle doit avant tout savoir écouter, avec lequel elle doit construire une expérience
de service unique. Le consommateur découvre une nouvelle relation au monde marchand.
Laconjonctiondel’hyper-compétition,caractéristiqueducontexteéconomiqueactuel,lesévolutionssociétales
et les exigences de vitesse, induites par les ressources numériques, rendent l’avantage concurrentiel d’une
entreprise éphémère. Le produit seul n’est plus différenciant : l’avantage concurrentiel s’opère désormais au
travers des services associés. Ainsi, la transition numérique casse la vision traditionnelle de l’entreprise, et
ouvre un espace de co-création de valeur dans lequel s’intègre aussi le client entre autres, dans ses formes
multiples, grâce notamment à la personnalisation.
C’est le cas par exemple de l’industrie pharmaceutique qui, pour répondre
àlademandedespersonnessouffrantdemaladieschroniques,s’intéresse
désormais,au-delàdudéveloppementdesproduitspharmaceutiques,aux
services numériques d’accompagnement des patients dans le traitement
de leur pathologie. Dans ce contexte de développement de multiples
canaux de communication et de commerce, de personnalisation des
produits et des services associés, la plateforme client devient un espace
central de promotion de l’expérience client.
Pour tirer profit de la présence des clients sur les espaces numériques,
l’entreprise doit donc, non seulement intégrer le client au sein de l’espace
de co-création de valeur, mais en plus créer un écosystème autour de sa
marque, de ses produits et de ses services, pour permettre sa différenciation.
Enfin, l’entreprise est face à un autre défi : celui d’animer sa communauté de clients prescripteurs dans son
écosystème, sur les réseaux sociaux en particulier, afin d’en faire un relais de communication efficace et de
croissance durable.
Il conviendra cependant d’être attentif à vérifier si ce dernier défi est pérenne et/ou pertinent pour toutes les
entreprises.
3
El Sawy, Omar A., Pereira, Francis, (2013), Towards a unified framework for business modelling in the evolving digital
space, Springer Briefs in Digital Spaces.
4
Les-essentiels
Laurent Idrac
DSI - Accor
Entreprises & Culture Numérique
16
Le projet « L’impact du web 2.0 sur les organisations5
» du programme ISD montre que, pour développer
les capacités d’accès aux communautés Web 2.0, une entreprise peut s’appuyer sur un certain nombre de
leviers :
• Les systèmes d’information et les acteurs associés : développement de plateformes de communication
avec les clients, outils de modération et de contrôle disponibles, acteurs conciliant compétences
techniques et talents de modérateurs.
• La coordination entre les activités de conception et de veille.
• La coordination entre les différents acteurs de l’organisation.
• La traduction financière du potentiel des nouveaux services émergent des échanges avec les
communautés.
Dans ce type de projet numérique, les entreprises doivent également veiller à ne pas tomber dans certains
pièges. En effet, les espaces d’expression communautaires sont difficilement contrôlables et les tentatives
de contrôle des organisations, si elles cherchent à imposer leur vérité dans un espace d’expression ouvert,
peuvent être contre-productives. Ainsi, ces opportunités offertes par le numérique, font émerger un nouveau
risque : celui de l’image, de l’e réputation. Parmi les points d’attention figurent notamment :
• La représentativité et la fiabilité des communautés Web ne laissent voir que les avis des consommateurs
qui s’expriment.
• Le périmètre de ces communautés n’est pas contrôlé, il est ouvert aux concurrents et aux nouveaux
entrants.
• La connaissance des codes et des règles de comportement en vigueur dans les groupes sociaux du Web
est essentielle pour l’accès à ces communautés. En outre, celles-ci peuvent adopter des comportements
hostiles à l’entreprise.
• La captation et l’exploitation des connaissances suppose des outils de repérage sémantique, mais aussi
une stratégie : soit la firme ne souhaite pas être repérée par la communauté et elle doit donc user de
stratagèmes, soit elle choisit d’être identifiée de manière explicite.
La co-création de valeur
Les frontières de l’entreprise sont désormais poreuses et il devient difficile de déterminer où s’arrête
l’entreprise et où commence l’écosystème. Dans cette logique du service dominant (service dominant logic),
la valeur est co-créée à la fois par les consommateurs, par un réseau d’entreprises et par d’autres acteurs.
Ceux-ci n’échangent pas simplement des biens ou des services, mais mettent en application, ou en commun,
un ensemble de capacités, de compétences, de connaissances et d’informations. Le modèle des
consommateurs-producteurs, qui deviennent eux-mêmes des prescripteurs en s’engageant dans la production
des produits et services qu’ils consomment, va prendre de l’ampleur. Ce phénomène de co-création de valeur,
facilitéparlestechnologiesetleweb2.0,estencouragéparledéveloppementd’uneculturenumériquepartagée,
dont le principal support est la confiance.
5
Tran, Sébastien (sous la dir.), (2013), L’impact du Web 2.0 sur les organisations, Springer, Coll. Espaces numériques.
Entreprises & Culture Numérique
17
Créer de la valeur à partir de l’exploitation de l’information
La multitude de capteurs et d’entrées offre un très large panel d’informations disponibles, plus ou moins
structurées. Parallèlement, les capacités de traitements se sont améliorées et leurs coûts ont baissé.
Les enjeux de cette tendance émergente portent sur la captation, puis
le croisement des sources d’information (structurées, non structurées,
internes, externes), dans le but de développer ou de renforcer un
avantage compétitif. L’objectif est également de donner du sens aux
données (la captation et l’exploitation des données non structurées
apparait par ailleurs comme un
enjeu clé pour l’entreprise). Il faut
encore mettre en place des outils
à la portée du métier, permettant
une manipulation simplifiée - et
légale - des informations. Dans ce
cadre, le management de l’information est un enjeu majeur pour la
performance de l’entreprise.
L’ergonomie et l’attractivité des interfaces
Une proposition de valeur ne peut plus se contenter d’être strictement
fonctionnelle. Dans un environnement numérique de plus en plus mature et sophistiqué, le consommateur
veut un produit doté de fonctionnalités riches, intuitives mais aussi un produit beau et ludique, jusqu’à la
personnalisation extrême parfois.
La culture numérique est aussi une culture du design de l’information et de l’ergonomie de l’interface. Le
design ne concerne pas uniquement les objets en trois dimensions, il devient une composante essentielle
de l’attractivité de services et fonctionnalités visibles sur écran. Les interfaces doivent être simples, les
pictogrammesclairsetludiques.Lesfonctionnalitésdoiventsusciteretvaloriserl’implicationdesparticipants.
Les entreprises numériques ont identifié très tôt le pouvoir de séduction de la formalisation et des
interfaces réussies. Elles s’intéressent tout particulièrement aujourd’hui à la capacité de transformation des
comportements par le design.
Cette importance des services associés et de l’interface client apparaît notamment dans VISOR, un nouveau
cadre pour définir un modèle d’affaires numérique.
VISOR : repenser le modèle d’affaires dans un espace numérique
Ce cadre théorique, élaboré par les professeurs Omar A. El Sawy et Francis Pereira, de l’Université de Californie
du Sud6
, comporte cinq éléments :
• Une proposition de Valeur consistant à identifier la valeur fournie au client final, même si l’entreprise
n’est qu’un maillon d’une chaîne plus vaste ;
• Une Interface caractérisée par sa facilité d’usage, sa simplicité, son caractère pratique ;
• Une plateforme de Services est un « terrain de jeu » où les partenaires vont collaborer, là où la valeur
sera assemblée et où les consommateurs accèderont à une proposition de valeur ;
• Un modèle d’Organisation permettant de comprendre en quoi l’entreprise est dépendante des autres ;
• Un modèle de Revenus, capable d’identifier les préférences des utilisateurs et les prix que les
consommateurs sont prêts à payer.
Bertrand Eteneau
DSI - Groupe Faurecia
Gilles Lévèque
DSI - Geodis
6
El Sawy, Omar A., Pereira, Francis, (2013), ibid.
Entreprises & Culture Numérique
18
Eléments du modèle VISOR Points d’attention
Proposition de Valeur
• Attractivité des offres
• Population cible et taille du marché
• Complémentarité des offres
• Co-créativité avec les consommateurs
Interfaces
• Fonctionnalités (facilité d’usage)
• Esthétique (formats et graphisme)
• Fluidité (capacité de personnalisation)
• Résilience face aux erreurs d’utilisation
Plateforme de Services
• Architecture (ouverte ou fermée)
• Agnosticisme sur différents systèmes
• Acquisition (développement spécifique ou intégration
de composants existants)
• Accès (libre ou restreint)
Modèle d’Organisation
• Efficacité des processus
• Qualité des partenariats
• Capacité à puiser dans les ressources de l’écosystème
• Qualité de la gestion de projets
Modèle de Revenus
• Tarification et modèle de financement
• Partage des revenus entre partenaires
• Structure de coûts
• Volume potentiel des ventes
Modèle d’affaires de l’entreprise numérique : les points d’attention
Source El Sawy, Pereira (2012)
Un cas réussi d’affaires dans le monde numérique est celui qui parvient à aligner les différents composants
de VISOR, de façon à fournir la meilleure proposition de valeur ; c’est-à-dire celle qui, tout en diminuant les
coûts nécessaires pour fournir les services proposés, accroît la volonté de payer de la cible de clients visée.
Entreprises & Culture Numérique
19
De la chaîne de valeur au réseau de valeur
L’entreprise numérique se caractérise également par la décentralisation. Cette organisation
décentralisée, appelée également « matricielle », est une réponse adaptée aux besoins de
transversalité de l’entreprise et à la mondialisation. Elle favorise, d’une part les échanges (information
et partage des connaissances), souvent au prix d’un gros travail de coordination entre des entités
« opérationnelles » (par exemple géographiques), et d’autres part des entités en « support » (métiers, R&D…).
Ce type d’organisation définit, de fait, une double autorité, renforçant le pouvoir central qui détermine les
objectifs des acteurs ainsi qu’une complémentarité entre ceux-ci (les uns ne pouvant réaliser leurs objectifs
que par le concours des autres), voire en interdépendance.
Ce type d’organisation et de fonctionnement génère des jeux de collaboration dont le but est
d’atteindre au mieux les objectifs de l’entreprise. Au-delà de l’organisation de type matriciel, l’objectif est
de permettre à chaque entité de la structure de pouvoir franchir la « frontière » organisationnelle pour se
mettre en réseau.
La dimension de réseau est importante dans cette transformation.Contrairement au schéma traditionnel de
la production de valeur liée à une chaîne unique (production - traitement - distribution - consommation),
les nouvelles modalités de création de valeur sont en partie liées à la nature reproductible à l’infini de
l’information. Elles sont liées aussi au fait qu’elle circule de manière très large, entre une multiplicité d’acteurs
dans un écosystème ouvert.
On passe alors de la « chaîne de valeur » au « réseau de valeur », d’une culture de production propriétaire et
univoque à une culture de la diffusion, de la circulation et de l’enrichissement. La présence quasi universelle
du numérique démultiplie et accélère, grâce à l’internet, la capacité de produire et de tisser des liens avec
une infinité d’acteurs, ce qui favorise la collaboration horizontale et révolutionne la création de valeur.
« Maturité numérique » et forte rentabilité
Plusieurs études analysent les critères de réussite des entreprises dans l’économie globalisée. On
retrouve dans leurs résultats la plupart des composantes du modèle VISOR, se révélant cruciales dans la
performance des entreprises. Un benchmarking des pratiques numériques dans le monde, réalisé par
Capgemini Consulting et le MIT Center for Digital Business 7
, a permis d’identifier les éléments essentiels de la
maturité numérique et d’analyser les liens entre maturité numérique et performance financière. Cette étude
statistique dégage quatre grandes catégories d’entreprises, différentes en termes d’intensité numérique
et d’intensité du management de la transformation : les entreprises débutantes (beginners) ; celles pour
lesquelles le numérique est tendance (fashionistas) ; les conservatrices (conservatives), obtiennent des
performances financières moins importantes que les digirati, des entreprises à maturité numérique élevée.
Le dénominateur commun des digirati se situe sur deux critères de la transformation numérique : l’intensité
numérique et le management de la transformation numérique. Ils impactent directement la performance et
la rentabilité de l’entreprise :
- En termes de management de la transformation, les digirati ont élaboré une vision claire de l’évolution
du numérique. Ils ont mis en place une gouvernance numérique, suscité l’engagement des collaborateurs
et des clients et amélioré les relations IT-métiers.
7
Westerman, George & al., (2012), The digital Advantage: How digital leaders outperform their peers in every industry,
MIT & Capgemini Consulting.
Entreprises & Culture Numérique
20
- En termes d’intensité numérique, les digirati excellent dans au moins un domaine d’expertise (expérience
client,médiassociaux,mobile,analyseclient,processusdenumérisationetcollaborationinterne)combinés
pour créer des synergies.
Plusieurs des critères d’excellence des digirati relèvent du sens et de la perspective que les dirigeants donnent
à l’entreprise (la vision), de l’engagement des collaborateurs, d’une forte culture d’interaction développée
dans l’entreprise et avec les clients.
Les entreprises digirati sont en moyenne 26% plus profitables que leurs concurrentes. Elles génèrent 9% de
revenus en plus et elles sont supérieures de 12% en valeur de marché.
Une idée reçue serait de croire que ces sociétés sont les fleurons du high-tech et des pure players. La réalité
statistique démontre que les digirati se déploient dans tous les secteurs d’activités : le high-tech (38%), la
banque (35%), l’assurance (33%), l’industrie du voyage (31%) et les télécoms (30%). Elles existent aussi dans
des secteurs moins matures sur le plan numérique comme la grande distribution (26%), les biens de grande
consommation (24%), les services d’intérêt collectif (20%), l’industrie manufacturière (12%) ou la pharmacie
(7%). Leur présence dans tous les secteurs tend à freiner la progression en maturité numérique de leurs
concurrents débutants.
Primauté de l’expérience client, coproduction de valeur, optimisation de l’exploitation des données, les
ressources et outils sont nombreux permettant aujourd’hui d’enrichir, voire de réinventer profondément la
chaîne de valeur dans le monde numérique.
Le client, ses perceptions et ses pratiques, ses attentes en matière d’interfaces souples et attractives,
sa volonté de ne pas rester un consommateur passif, de participer à l’évaluation des offres, sont les
leviersàexploiterparlesentreprisespouraméliorer,aveclespartiesprenantes,lacompétitivitéetl’attractivité
de leurs modèles d’affaires. Des entreprises ont intégré ces facettes de la compétitivité numérique dans
leur modèle d’affaires. Leur maturité n’est pas celle des technophiles les plus en pointe. Elle est le résultat
d’une articulation cohérente de toutes ces dimensions, composantes de la culture numérique d’entreprise.
Lorsqu’elles sont portées par la direction, la DSI et les métiers, dans une stratégie numérique concertée, elles
débouchent sur un accroissement de la performance.
De nouveaux vecteurs d’innovation et de coordination
Les outils de travail en mobilité (Smartphones, ordinateurs portables, tablettes), sont une des modalités
d’interaction de l’entreprise en réseau et de sa culture numérique. Ces technologies de la mobilité possèdent
un potentiel d’innovation non négligeable pour les entreprises.
LesSmartphonespermettentainsiauxprofessionnelsd’utiliserdifférents
modes de communication basés sur les données, les images ou la vidéo,
le tout dans une plateforme unifiée. Cette convergence ouvre plusieurs
pistes d’innovation dans le cadre de la coordination organisationnelle.
L’étude réalisée par le professeur Namjae Cho8
dans le cadre du
programme ISD, montre que la coordination peut être considérée
comme un concept global regroupant les notions d’intégration (prendre
part à un ensemble plus vaste), de collaboration (travailler ensemble) et
de coopération (effectuer des opérations en commun).
8
Cho, Namjae, (2013), The Use of Smart Mobile Equipment for the Innovation in Organizational Coordination, Springer
Briefs in Digital Spaces. L’étude du Professeur Namjae Cho (Université de Hangyang-Corée) porte sur les pratiques de
travail mobiles, notamment à travers les terminaux de type Smartphones.
Marc Renaud
DSI - Groupe Transdev
Entreprises & Culture Numérique
21
Une coordination efficace favorise la prise de décision. Elle contribue à la performance de l’entreprise, à la
réalisation d’économies, ou encore à la flexibilité face aux changements du marché. Le partage d’informations
à travers les nouvelles technologies est au cœur de la coordination des
activités métiers, notamment à travers les systèmes de bureaux mobiles.
Cette étude fait apparaître d’autres bénéfices. L’usage des technologies
numériques, notamment celles de la mobilité, est considéré comme un
des mécanismes de coordination les plus influents dans l’entreprise.
Dans des environnements fortement complexes et changeants, un
usage efficace des outils de traitement de l’information est un facteur
clé de succès pour la coordination.
Enfin, l’adoption d’une nouvelle technologie constitue un processus
très dynamique, qui introduit du changement dans les pratiques, la
structure et la stratégie des organisations. De la même façon, quand
une technologie est adoptée par une organisation, sa conception, ses composants et son usage sont eux aussi
choisis et adaptés par l’organisation.
La mobilité représente les flux de personnes, de ressources, de capitaux et d’informations. La diffusion à
grande échelle de l’internet et des télécommunications sans fil a radicalement changé le périmètre et le sens
de la mobilité.
Les applications de bureaux mobiles sont vues comme une source de facilitation pour les acteurs de
l’organisation, en leur permettant de dépasser les limites spatiales et temporelles.
Le « m-commerce », un potentiel en pleine croissance
Selon le BCG9
, en 2015, il devrait y avoir davantage de particuliers à accéder à l’internet via un appareil mobile
que via un ordinateur fixe. En 2010, 43% des téléphones mobiles vendus étaient des Smartphones, et cette
proportion devrait atteindre 71% en 2015. Parallèlement, le Cloud computing (ou informatique en nuage)
permet de se libérer du lien à un disque dur. Ces évolutions vont permettre aux particuliers de se détacher
de leurs ordinateurs, fixes ou portables, et de réaliser toutes leurs opérations en ligne, tout en se déplaçant.
En Asie et en Afrique, des centaines de millions de consommateurs sont passés directement aux appareils
mobiles.
L’impact sur les comportements d’achat est considérable, dans la mesure où les consommateurs peuvent
consulter des informations sur les produits, recevoir des offres personnalisées, comparer des prix, consulter
des avis, payer leurs achats… Ainsi, Domino’s Pizza en Australie, prévoit que les commandes passées depuis un
mobile représenteront plus du quart des ventes d’ici deux ans. Les dirigeants de Google, d’eBay, de Sainsbury,
estiment que le commerce via des appareils mobiles constituera la prochaine opportunité de croissance pour
le commerce de détail.
Les distributeurs brick-and-mortar (entreprises traditionnelles avec des points de vente physiques) utilisent le
mobile pour améliorer le service client en magasin et mettent en place des offres accessibles durant le temps
disponible du client et à l’endroit où il se trouve.
L’étude du BCG rappelle que plusieurs entreprises dans le monde, comme Ocado (distribution alimentaire)
au Royaume-Uni ou Budnikowsky (vente de produits cosmétiques) en Allemagne, ont rapidement imité le
modèle de Tesco Home-plus en Corée du Sud.
Thien Than Trong
DSIT - RATP
9
Danziger Jane, & al., (2012), Multichannel 3.0: the Mobile Revolution, The Boston Consulting Group.
Entreprises & Culture Numérique
22
La croissance rapide du commerce en ligne, notamment via des appareils mobiles, modifie en profondeur les
comportements d’achat. Pour s’y adapter, une entreprise doit notamment s’attacher à trois points :
• Trouver de nouvelles façons d’interagir avec le client tout au long du processus d’achat (faire connaître
le produit, susciter l’intérêt, optimiser l’expérience d’achat, renforcer la fidélité, faire recommander le
produit).
• Saisir de nouvelles opportunités du marché, en définissant une
politique à l’égard des réseaux sociaux, des sites de comparaison
de prix, etc.
• Faire du mobile un élément clé d’une stratégie multicanal 3.0,
le mobile constituant un pont entre les environnements en ligne
et hors ligne, notamment en intégrant les réseaux sociaux au
processus d’achat. Au-delà d’une simple adaptation des sites
internet aux mobiles, il faut développer une approche spécifique
pour des modèles viables de m-commerce.
Toutes les opportunités apportées par le numérique au m-commerce
sont extrêmement stimulantes pour l’innovation, la démultiplication
des propositions de valeur, la prise en compte du client et de son expérience dans la relation.
Dans une telle démarche, le partage de la connaissance et la collaboration entre les acteurs, apparaissent
comme des éléments incontournables de la culture numérique comme source de performance pour
l’entreprise.
Ces ruptures actuelles dans la construction des nouveaux modèles d’affaires, la primauté de l’expérience client
et la co-création de valeur nécessitent de repenser les modes de gouvernance de l’entreprise numérique.
Hervé Thoumyre
DSI Groupe - Carrefour
Entreprises & Culture Numérique
23
APPEL À L’ACTION N° 1
Description
• Une équipe centrale, avec une architecture légère, intègre des collaborateurs issus des
métiers et de l’IT. De très bon niveau de formation et polyvalents, ils connaissent à la fois
les technologies, les usages du numérique et les métiers de l’entreprise. Curieux, ils sont
en capacité d’exploiter les ressources de connaissances de l’entreprise.
• L’équipe bénéficie du soutien de la DSI pour, tout à la fois, mettre en œuvre une approche
agile (test-and-learn) et industrialiser les solutions retenues.
• CetteDigitalAgencyestdenatureàmarquerlavolontédelaDirectionGénéraled’inscrire
le numérique comme facteur d’efficacité, de réactivité et d’adaptation au marché. Ces
collaborateurs sont les agents principaux de diffusion de la culture numérique au sein de
l’entreprise.
Points d’attention sur la communication
• La création de cette structure doit être impulsée et annoncée par le PDG qui doit en
expliquer les enjeux et les finalités.
• L’implication de la DSI, de la DRH, et bien sûr des directions métiers est essentielle.
• Une communication régulière (à travers notamment le Réseau Social d’Entreprise) sur
les actions, les leçons apprises, les projets et les bénéfices obtenus de cette structure doit
être organisée.
• Le Conseil d’administration doit être informé régulièrement des actions de la structure.
Créer un accélérateur numérique,
une structure Digital Agency
Entreprises & Culture Numérique
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Télécharger le chapitre 1
« De nouveaux modèles d’affaires
tirent avantage de la culture numérique »
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• Des propositions de valeur transformées par le numérique
• La primauté de l’expérience client
• La co-création de valeur
• Créer de la valeur à partir de l’exploitation de l’information
• L’ergonomie et l’attractivité des interfaces
• VISOR : repenser le modèle d’affaires dans un espace numérique
• De la chaîne de valeur au réseau de valeur
• « Maturité numérique » et forte rentabilité
• De nouveaux vecteurs d’innovation et de coordination
• Le « m-commerce », un potentiel en pleine croissance
Entreprises & Culture Numérique
25
La culture numérique permet la mise en place et le succès de nouveaux modèles
d’affaires.
• Dans quelle mesure ces nouveaux modèles, qui requièrent un changement de
paradigme et d’adaptation, débouchent-ils sur une transformation du système de
valeurs de l’entreprise ?
Autrement dit, avons-nous réfléchi aux effets de la culture numérique sur la
gouvernance institutionnelle existant dans l’organisation ?
• Dans quelles conditions ces adaptations et transformations s’opèrent-elles à
l’égard des parties prenantes (fournisseurs, clients historiques, collaborateurs) ?
Comment les accompagner dans ces changements ?
• Réduire l’asymétrie informationnelle entre l’offre et la demande implique de
mettre le client au centre du dispositif. Cela suppose au préalable d’identifier ledit
client : comment y parvenir sans le rendre captif ? Comment faire en sorte de
protéger son intimité ?
Questionner le numérique
www.questionner-le-numerique.org
Entreprises & Culture Numérique
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Entreprises & Culture Numérique
27
Les retombées de la connaissance et la culture du partage
Dans l’économie traditionnelle, de la production à la consommation, la
transformation des biens consommables constitue une chaîne unique où
le sortant d’un domaine (récolte agricole par exemple) devient l’entrant
d’un autre (traitement alimentaire) et ainsi de suite. Contrairement à
ce schéma linéaire, l’information ne suit pas un chemin unique dans
l’économie numérique, car une idée, une (nouvelle) connaissance - une
fois créée - peut être exploitée par plus d’une personne ou entreprise
à la fois. C’est le concept des retombées de la connaissance qui établit
l’importance du bénéfice collectif.
Ce principe cadre mal avec les modèles d’affaires de l’économie traditionnelle s’inscrivant par nature dans
la compétition plutôt que dans le partage. Or, comme le précise Benoît Sillard : « Le partage est créateur
de valeur […] mais l’entreprise voit mal comment y retrouver son compte. C’est la raison pour laquelle son
premier réflexe est d’utiliser la propriété intellectuelle et industrielle. […] Pourtant sur nombre de secteurs
innovants de rupture, la logique du partage diminue les coûts et les risques1
».
La mise en réseau des activités ainsi que l’éclatement des lieux géographiques, renforcent l’importance des
rencontres et le partage des connaissances lors de moments spécifiques (conventions, vidéo-conférences...).
Selon Edward Malecki et Bruno Moriset, la culture du partage n’en est encore qu’à ses débuts dans l’entreprise
contemporaine : « Si ces pratiques existent dans l’espace privé, notamment chez les jeunes publics, les salariés
ne développent pas suffisamment ces pratiques dans leurs entreprises, et ce, pour des raisons de culture
d’entreprise2
». Le potentiel d’intelligence collective des collaborateurs est gigantesque mais sa formalisation
et son exploitation restent à ce jour encore très limitées au sein de l’entreprise.
Pourtant, les bénéfices de la connectivité et du partage d’information, en tant que principes de la culture
numérique dans les organisations, sont extrêmement divers.
CHAPITRE II
L’intelligence collective
comme source de création de valeur
1
Sillard, Benoît, (2011), Maîtres ou esclaves du numérique ?, Eyrolles, p.114.
2
Malecki, Edward, Moriset, Bruno (2008), The Digital Economy: Business Organization, Production Processes, and
Regional Developments, Routledge, pp.133-134.
Jean-Marc Lagoutte
DSI - Danone
Entreprises & Culture Numérique
28
3
Brynjolfsson Erik, Saunders, Adam, (2010), Wired for Innovation, MIT Press.
4
Chui, Michael & al., (2012), The social economy: Unlocking value and productivity through social technologies.
McKinsey & Company.
5
Sillard, Benoît, (2011), ibid., p.103.
Dans les travaux des chercheurs Erik Brynjolfsson et Adam Saunders3
, l’ouverture de l’accès à l’information
est considérée comme un des facteurs moteurs de l’intensité IT des firmes américaines. Cela a des
impacts remarquables en termes de productivité et de création de valeur sur les marchés. Cette pratique
des technologies sociales encourageant le partage interne et externe de sources d’informations, aide les
managers et les collaborateurs à exercer leur métier de façon plus productive.
Un rapport du McKinsey Global Institute4
, publié en juillet 2012, annonce que les deux tiers des opportunités
de création de valeur offertes par les technologies sociales résident dans l’amélioration des communications
et de la collaboration au sein des entreprises et entre elles. Les auteurs estiment que les entreprises adoptant
ces technologies organisationnelles pourraient accroître la productivité des travailleurs du savoir de 20 à
25%. Cependant, la réalisation de tels gains n’est possible qu’à condition de transformer profondément les
pratiques de gestion, mais aussi les comportements dans les organisations.
Les technologies sociales permettent aux entreprises de devenir pleinement des entreprises numériques,
en réseau à la fois sur le plan technique et sur le plan comportemental, dès lors qu’elles s’accompagnent de
changements organisationnels. Un des principaux challenges de l’intelligence collective réside dans la mise
en mouvement des collaborateurs pour leur donner envie de contribuer et de collaborer.
L’intelligence collective, créatrice de valeur
Dans un monde globalisé, complexe et en perpétuelle mutation, la
réflexion en « cercle fermé » peut générer des insuffisances et des
risques.Laculturenumériquefavorisel’agrégationd’idéesetdepoints
devue.Ellefavoriseainsiuneformed’intelligencecollectivegénérant
une agilité nouvelle, basée sur la volonté du plus grand nombre de
contribuer à l’innovation et de créer le changement.
Dans une organisation classique à structure hiérarchique forte, il
ne va pas de soi de faire appel à la créativité de la grande majorité
des salariés. Dans une économie de plus en plus basée sur la
connaissance, où l’innovation est primordiale, cet enjeu devient
pourtant crucial. Les managers doivent « cultiver » leur organisation,
c’est-à-dire encourager la mise en commun des intelligences et des
idées créatives. L’intelligence collective représente bien plus que la somme des idées individuelles : « En
exprimant chacun un avis de manière indépendante, les individus construisent sans le savoir des significations,
des recommandations, des réputations5
».
La force de l’intelligence collective est d’être une ressource transverse, à instaurer dans certains projets
au sein de l’entreprise, comme à mobiliser à l’extérieur, auprès des partenaires et clients. Après plusieurs
décennies de produits et services livrés en push aux consommateurs, l’entreprise numérique met en place
une culture du pull, de la capacité à tirer des idées, à exploiter la masse de perceptions des parties prenantes
afin d’améliorer ou de réinventer son offre.
Une dynamique de bonnes pratiques
Si la puissance cumulée de l’intelligence collective est indéniable, encore faut-il la déployer en entreprise, en
favorisant les savoirs et les usages adéquats et en mettant en place les technologies associées. L’organisation
doit alors être capable de canaliser et récupérer les idées créatives ayant émergé pour transformer ces idées
en nouveaux produits, services, et même processus. C’est aussi là un challenge fondamental de l’intelligence
collective.
Jean-Marc Chicco
DSI - Lafarge
Entreprises & Culture Numérique
29
La fonction SI utilise et promeut l’usage des plateformes de partage de connaissances, notamment en les
mettant en place. Elle en assure la fluidité, la sécurité et la fiabilité. Les collaborateurs emploient les outils
facilitant le partage de connaissance. Mais il faut surtout mettre en œuvre les bonnes pratiques permettant
de construire une véritable dynamique d’intelligence collective. En cela, la culture numérique est aussi une
culture de vigilance et de sensibilisation de chacun aux risques, de responsabilisation des acteurs vis-à-vis de
leurs contributions. Les collaborateurs savent qu’une démarche d’intelligence collective n’est pas une mise en
partage naïve des sujets stratégiques de l’entreprise dans un espace public.
Pour autant, au sein de l’entreprise, des comportements nouveaux, souvent éloignés des valeurs
traditionnelles de réussite individuelle ou des modèles de leadership, doivent s’installer pour favoriser une
dynamique d’intelligence collective. La performance de l’individu est optimisée dès lors qu’il n’est plus isolé,
mais l’important n’est pas pour chacun de faire valoir sa connaissance ou son idée.
Cette dynamique est d’autant plus entrainante qu’elle est pratiquée dans un esprit de réussite commune
plutôt qu’individuelle. Les managers eux-mêmes ne doivent pas s’exclure de cette dynamique collective.
Leur leadership s’évalue aussi dans leur capacité à créer une interdépendance des énergies autour des
projets innovants de l’entreprise… et à s’y engager eux-mêmes ! Leur propre implication dans la démarche
d’intelligence collective contribue à crédibiliser et légitimer cette dernière, à convaincre les collaborateurs
qu’il se passe là quelque chose de nouveau et de porteur pour l’entreprise. Cette stimulation doit également
faire l’objet d’une reconnaissance du salarié dans sa capacité à jouer le jeu de l’intelligence collective.
De fait, l’intelligence collective mobilise une signification du mot intelligence incluant la compréhension
mutuelle. C’est en cela qu’elle relève aussi de la culture numérique. Elle suppose un changement de
comportement : les collaborateurs et les managers doivent pouvoir partager l’information « en bonne
intelligence », au bénéfice de tous, conscients de la valeur ajoutée que cette pratique peut générer.
Il convient avant tout de s’ouvrir à l’échange en interne et éviter la rétention de l’information, de savoir créer
et entretenir les interactions autour des outils de l’intelligence collective : wikis, blogs, forums, remontées
clients, réseau social d’entreprise, veille. Il faut rester attentifs aux idées et aux signaux faibles apparaissant
dans l’entreprise et dans son environnement. Ces signaux sont différents des données et des méthodologies
codifiées, auxquelles l’entreprise fait habituellement confiance (études, statistiques, enquêtes internes,
externes). Aujourd’hui, les signaux faibles et les savoirs diffus ne comptent pas moins dans une appréhension
fine de l’environnement de l’entreprise. Ils sont susceptibles d’être consolidés par d’autres constats, puis
adaptés pour être enfin transformés en avantages concurrentiels de l’entreprise. C’est ce que permet
l’intelligence collective.
Savoir impliquer et motiver
La majeure partie de l’information, nécessaire pour gérer un système de valeur orienté vers l’extérieur, doit
venir directement des participants et non être une simple résultante de leur interaction avec le système. C’est
pourquoi l’entreprise doit fournir des motivations (différentes selon qu’il s’agit de l’interne, des partenaires
ou des clients finaux), à tous les participants pour qu’ils partagent l’information le plus ouvertement possible.
Il faut ainsi encourager la fertilisation croisée des idées via les communautés de pratiques, les espaces de
travail collaboratif, les groupes projet, etc.
Loin d’être un simple agrégat de perceptions anonymes externes et internes, l’intelligence collective fait
l’objet d’une participation de tous les collaborateurs. Elle représente du temps, des moyens investis et du
travail en plus. Ce n’est en rien un modèle de production « gratuit » au sein de l’entreprise. C’est pourquoi il
convient de respecter et reconnaître cet apport des participants.
Entreprises & Culture Numérique
30
6
Sillard, Benoît, (2011), ibid.
7
Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.), (2012), Cahier de prospective - L’entreprise
« ouverte » : nouveaux modes d’organisation à l’ère numérique, Fondation Télécom, Institut Mines -Télécom, p.17.
Les mécanismes de motivation sont la prise en compte dans l’évaluation de la performance, la rétribution
financière, la reconnaissance, la visibilité… mais aussi le respect d’un principe d’implication collective dans la
prise de décision.
Indépendamment des questionnements soumis à divers acteurs extérieurs dans une démarche d’intelligence
collective, l’entreprise doit être capable d’exploiter plus efficacement l’information disponible sur ses clients
et partenaires, quelle que soit sa forme. Pour cela, elle engage des moyens financiers et humains dans
les projets de fertilisation croisée. Des ressources, voire des processus, sont alloués à la capitalisation des
connaissances et les managers encouragent et valorisent leur partage.
Favoriser toutes les idées et les idées de tous
Tous les collaborateurs, clients et partenaires, peuvent participer à l’innovation. Celle-ci va aujourd’hui bien
au-delà du produit pour devenir innovation organisationnelle ou de processus, etc. Ainsi, les services Etudes
ou de R&D ne sont plus les seuls légitimes à produire de nouvelles idées et/ou à les formaliser.
L’entreprise et le système d’information doivent permettre de coordonner les outils et les produits de
l’intelligence collective. Dès lors que le SI devient le support du réseau de valeur, il est au cœur de l’innovation
ouverte, principe d’échange permanent de connaissances entre une entreprise et son environnement.
Au niveau du système d’information, ces constats entraînent plusieurs implications :
• Tout d’abord, en début de chaîne, il est important de susciter les apports et les idées dans un esprit de
production commune. Ces nouveaux usages s’installent progressivement. Une des missions de la fonction
SI est de les accompagner, de fournir aux collaborateurs des outils pour les aider à soumettre de nouvelles
idées, mais aussi un système permettant de centraliser toutes les idées émises, sans discrimination.
• En fin de chaîne, lorsque les propositions de projets sont formalisées, l’enjeu principal est de les évaluer.
A ce stade, un système d’aide à la décision pourrait aider à sélectionner les projets et à gérer le portefeuille.
L’innovationn’estpasquedelacréativité,ellenécessitedesprocessuspouraboutir.Unecertaineformalisation
peut s’avérer nécessaire pour encadrer la production de nouvelles idées. Celle-ci ne doit pas non plus être
excessive, faute de quoi elle risque de brider la créativité des collaborateurs et de l’entreprise. Des systèmes
dotés de fonctionnalités comme les « folksonomies » (taxonomies crées par les utilisateurs), les classements,
les cartographies d’idées peuvent apporter des éléments de réponse à ces enjeux.
Cependant, on observe que la culture numérique complète ces outils normatifs en instaurant un phénomène
collectif de « contrôle de qualité ». Contrairement à une tendance répandue consistant à imposer des
normes de contrôle a priori, l’évolution par sélection naturelle est un contrôle a posteriori ; l’évolution
culturelle et technologique procède de la même manière. La culture numérique fonctionne sur le même
principe : lorsqu’une discussion s’ouvre sur un réseau, elle crée un espace de compétition entre de bonnes et
de mauvaises réponses6
.
De manière globale, l’ouverture de l’entreprise numérique n’est pas calibrée a priori et, comme le précise
clairement un cahier de la Fondation Télécom sur l’entreprise ouverte : « On ne s’oriente donc plus uniquement
vers une entreprise qui s’ouvre à l’externe, qui sait où aller chercher ce dont elle a besoin, mais également
qui s’organise pour capter de manière permanente le dehors, sans savoir à court terme si elle en fera bon
usage. Il y a donc un pari « plus volontiers» qui se fait sur le futur : ‘‘Be there and see’’7
».
Entreprises & Culture Numérique
31
Pascal Viginier
DSI - Groupe Orange
Les entreprises anglo-saxonnes emploient l’acronyme IKIWISI pour caractériser ce phénomène de sanction
empirique, et a posteriori, de la sélection d’idées (I Know It When I See It - Je le saurai quand je le verrai). Dans
l’entreprise numérique, on ne sait jamais à l’avance si une bonne idée donnera un résultat satisfaisant ou si
une idée a priori négligeable débouche sur une application profitable : c’est face au résultat que l’on prend
conscience qu’une chose est réussie ou non.
A l’ère numérique, la capacité de l’entreprise à identifier rapidement
les tendances et les opportunités les plus favorables à l’évolution de ses
propositions de valeur, est de plus en plus le fruit d’un travail collectif. Le
partage de connaissances et les communautés collaboratives participent
de l’intelligence collective : elles constituent une formidable ressource
d’inputs et d’idées à disposition des grandes entreprises. Mobilisable
en interne comme en externe, grâce aux technologies de réseau, cette
émulation autour des idées doit être stimulante et pouvoir impliquer
tous les collaborateurs. Les outils de la mobilité contribuent à cette
dynamique de partage et d’ouverture : leur capacité à démultiplier en
temps réel les inputs au sein de l’entreprise et avec ses parties prenantes,
permet d’optimiser la performance et de créer de la valeur.
Les risques et résistances à prendre en compte
L’exploitation de ces technologies sociales ne va pas sans risque. Des abus existent, comme par exemple un
temps excessif passé sur des sujets internes ou externes via les réseaux sociaux, ou l’utilisation de médias
sociaux pour attaquer des collègues ou des managers. D’autres risques existent, liés à l’image de l’entreprise,
à des violations de la vie privée des consommateurs, à la fuite d’informations et au développement de la
cybercriminalité.
Cela pourrait limiter la capacité d’une entreprise à développer les connaissances les plus révélatrices des
consommateurs.
Enfin, la nécessité pour l’entreprise de maintenir la sécurité de ses données tend à limiter la façon dont les
technologies sociales peuvent être appliquées.
En effet, l’évolution vers une mentalité d’ouverture ne va pas sans résistance dans les grandes entreprises.
La crainte reste grande de livrer les problématiques internes dans l’agora numérique. C’est là une des
transformations les plus difficiles en termes de culture d’entreprise.
L’espace de travail numérique, en local et en réseau, modifie profondément la culture de l’entreprise, ses
savoirs, ses modes d’échange et de production de valeur. L’ouverture et le partage, l’intelligence collective,
doivent éviter la dispersion et la confusion pour pouvoir se transformer en ressources profitables pour
l’entreprise.
Il faut également sensibiliser aux risques des échanges sur les réseaux. Sur les bases d’une bonne vigilance
numérique, à installer dans les pratiques, les collaborateurs peuvent exprimer, capter et challenger de
nombreuses idées pour améliorer la performance de l’entreprise.
Pour autant, il appartient aux grandes entreprises de mesurer les conséquences de ces changements sur le
long terme, et de savoir choisir et adapter ces propositions de valeur à leur responsabilité sociale.
Entreprises & Culture Numérique
32
Partager la connaissance, c’est aussi décider du partage du pouvoir.
Cela suppose des droits et des devoirs pour chacun des acteurs, et donc des
pratiques à réguler :
• Dans quel cadre réguler ces pratiques ? Que partage-t-on, avec quel dispositif,
pour quelles finalités ?
• Comment donner sens au mot « partage » dès lors qu’il s’exprime sous forme
numérique ? Comment veiller à ce que :
- il ne se limite pas au seul échange électronique (au moins pour les salariés) ?
- la convivialité demeure au centre de la relation ?
• Quelles sont les séquences de mise en œuvre du partage de la connaissance :
entre salariés, entre fournisseurs, entre clients ? Le tout combiné ? Faut-il encore
que ce qui en découlera aboutisse sur des effets concrets ? Cela peut-il bousculer
l’ordre établi (par exemple, un test-and-learn s’inscrivant dans une pensée
stratégique claire, mais contingentée par le time-to-market, risque de bousculer
les processus budgétaires en place) ? Pour qu’il y ait partage durable, il faut qu’il
y ait transformation : comment, et avec quelles instances (scoring, structure de
R&D) ?
Questionner le numérique
www.questionner-le-numerique.org
Entreprises & Culture Numérique
33
APPEL À L’ACTION N° 2
Description
• Faire de l’implication à l’amélioration des processus, des produits et/ou des services
un critère d’évaluation de l’apport du salarié au développement de l’entreprise.
• Décloisonner les échanges, constituer des réseaux, partager l’information
et la connaissance. L’objectif est de rechercher les contributions de façon transversale,
à l’intérieur de l’entreprise et dans son écosystème.
• Cette démarche associe tout le management et, en particulier, la DRH.
• L’intelligence collaborative s’effectue au service du métier de l’entreprise via les outils
collaboratifs, en lien avec la structure Digital Agency, notamment.
• L’encouragement à de nouvelles pratiques collaboratives passe par une
reconnaissance forte de tels comportements, à travers la définition des critères
d’appréciation et d’évaluation des contributions personnelles et collectives.
Points d’attention sur la communication
• La démarche doit être présentée par le PDG.
• Afin de valoriser et d’encourager ces nouvelles pratiques, une communication
est assurée sur les bénéfices obtenus pour l’entreprise.
Faire de l’intelligence collaborative une dimension effective
du métier de chaque collaborateur
Entreprises & Culture Numérique
34
Télécharger le chapitre 2
« Faire de l’intelligence collaborative
une dimension effective du métier
de chaque collaborateur »
• Les retombées de la connaissance et la culture du partage
• L’intelligence collective, créatrice de valeur
• Une dynamique de bonnes pratiques
• Savoir impliquer et motiver
• Favoriser toutes les idées et les idées de tous
• Les risques et résistances à prendre en compte
Format PDF
Entreprises & Culture Numérique
35
L’appropriation par l’entreprise du développement durable
Lavitesseestunecomposantemajeuredumondenumérique.Lacontractiondutemps,liéeaudéveloppement
du numérique, est désormais associée à l’urgence écologique. Les entreprises ont pleinement conscience que
les modèles d’activités hérités du XXème
siècle génèrent des impacts sur
l’environnement. Le Pacte écologique de 2007 a permis de dépolitiser
le sujet du développement durable et de faciliter la mobilisation des
entreprises et acteurs économiques dans le sens de la responsabilité
sociale et environnementale.
La Commission européenne définit la responsabilité sociétale (ou
sociale) des entreprises (RSE) comme : « l’intégration volontaire des
préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités
commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes1
».
La RSE apparaît comme la manière dont l’entreprise s’approprie le
développement durable.
La façon dont elle met en œuvre des principes de responsabilité, compatibles à la fois avec ses objectifs de
compétitivité et avec sa volonté de penser son activité dans le temps long, dans le respect des collaborateurs,
des citoyens et de l’environnement. Dans ce sens, pour être partagée à tous les niveaux de l’entreprise,
une démarche de RSE doit être porteuse de sens et de valeurs. Pour Thomas W. Malone, dans « The future
of work2
», une entreprise apte à susciter la loyauté et l’engagement de ses salariés, de ses clients et de
ses autres partenaires, doit faire appel non seulement à des aspects économiques, mais aussi à des valeurs
humaines. Et ces dernières jouent de fait un rôle important dans la vie économique au sein de la collectivité
comme de l’entreprise.
L’entreprise doit embarquer les collaborateurs, partenaires et clients dans une démarche globale, collective
et surtout porteuse de sens. La RSE dépend d’un vouloir collectif assorti d’actes, et l’entreprise gagne à
aller au-delà du discours de bonne conscience, tel qu’on peut l’entendre parfois, pour mettre en œuvre des
initiatives et apporter des preuves en matière de performance durable.
CHAPITRE III
Une culture
au service d’un dessein responsable
1
Commission Européenne, (2001), Livre vert : promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des
entreprises, p. 7.
2
Malone, Thomas W., (2004), The Future of Work - How the new order of business will shape your organization, your
management style and your life, Harvard Business School Press, p. 170
Georges Epinette
DG-STIME DOSI du Groupement
des Mousquetaires
Entreprises & Culture Numérique
36
La solidarité, la confiance partagée et le vouloir collectif sont des composantes importantes du travailler-
ensemble. Elles caractérisent l’état d’esprit d’une entreprise qui se voit, non pas comme une sélection
exclusive d’individus privilégiés par leurs compétences, mais comme un groupe ouvert et inclusif, dans lequel
toutes les formes de diversité sont des sources supplémentaires de performance et d’innovation.
A cet égard, Gilles Babinet signale que les personnes issues de la diversité sont fortement représentées
dans les entreprises numériques : « Les start-up et entreprises de l’internet étant en effet l’un des rares
endroits où elles ne connaissent aucune discrimination, leurs différences étant souvent perçues comme des
avantages (…)3
».
Comme le montrent les travaux de John Florida, la qualité de vie locale et environnementale est un critère
d’attractivité des villes et des régions pour attirer les jeunes talents.
Demême,lesavoir-vivreettravaillerensembledanslesmeilleuresconditionsestunecomposanteàlafoisdela
réputation et de la performance d’une entreprise. Celle-ci repose en grande partie sur la cohésion et l’entente
des équipes : « L’entreprise « ouverte » ne répond pas aux mêmes critères de performance que l’entreprise de
« l’excellence » des années 80. Elle met plus l’accent sur les capacités de transversalité, de collaboration,
d’écoute, d’empathie et d’altruisme, pour ne citer que celles-là. L’expérience du groupe Orange cherchant
à prendre en compte dans ses KPI’s (Key Performance Indicators) des dimensions plus altruistes, est en cela
intéressante4
».
La RSE n’est pas spécifique au numérique, de même que le numérique n’est pas réductible à la RSE. Toutefois,
il nous semble important de nous interroger sur ce que le numérique apporte à la RSE. Notre conviction,
au-delà des promesses de performance économique est que le numérique doit s’inscrire dans une perspective
durable. L’objectif est de promouvoir une culture numérique s’inscrivant pleinement dans la responsabilité
sociétale de l’entreprise.
Des technologies socialement et économiquement émancipatrices
A l’intersection des sciences sociales, des démarches humanitaires et de l’ingénierie, apparaissent de
nouveaux programmes visant l’émancipation par la technologie (Liberation Technology). L’objectif est
de favoriser les usages pouvant être faits de la technologie pour défendre les droits et les peuples,
autonomiser les populations fragilisées, promouvoir le développement économique. Brigitte Ades
et David Lacombled illustrent cette démarche : « Une nouvelle efficacité numérique a été testée pour
Haïti, lors du séisme de 2010 qui a déclenché un élan de solidarité remarquable de par le monde. Grâce
aux téléphones portables, un service “Text Haïti” a été mis en place permettant la collecte de dons et
la coordination des organisations d’assistance aux victimes, par téléphonie5
».
Les réseaux sociaux et la circulation immédiate de l’information ont été des facteurs de ralliement et de
mobilisation collective, essentiels dans la puissance du « printemps arabe » en 2010. Dans un autre ordre
d’idées,laparticipationbénévoledemilliersdecontributeursauprojetWikipedia,illustrelemêmephénomène.
Laculturenumériques’inscritdansunmouvementcollectifetsolidaire,susceptible,ici,defavoriserlaconsolidation
desaspirationsd’unpeuple,là,decréeruneformidableminedeconnaissancesenligne.C’estcequelesauteurs
Nicolas Colin et Henri Verdier appelleraient la puissance de la multitude6
. Les grandes entreprises peuvent
s’inspirer des programmes de Liberation Technology, pour leurs propres actions dans le domaine du
développement durable. Elles peuvent aussi imaginer comment ces fonctionnalités, faisant appel à de
nouvelles pratiques de solidarité, s’inscriront dans leur culture numérique d’entreprise.
3
Babinet, Gilles, (2011), « Notre pays a tout pour devenir un grand de l’internet » in Le Cercle Les Echos, tribune parue
le 4 avril 2011.
4
Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.), (2012), ibid., p. 23.
5
En 2012, Soyez cyberphilanthropes !, La villa numeris.
6
Colin, Nicolas, Verdier, Henri, (2012), L’âge de la multitude. Entreprendre et gouverner après la révolution
numérique, Armand Colin.
Entreprises & Culture Numérique
37
L’IT au cœur des initiatives de développement durable
L’instantanéité et l’immédiateté liées aux ressources numériques
n’occultent pas les actions de l’entreprise à long terme. Cette dernière
s’appuie sur les opportunités offertes par le numérique sans pour
autant ignorer les effets négatifs de ses activités. Des outils de
diagnostic sont désormais disponibles. Ils permettent, par exemple,
de mesurer l’impact environnemental de certaines activités. Celles
de l’IT sont connues comme polluantes, mais les acteurs sont aussi
fournisseurs de solutions. Au niveau de l’IT, le développement durable
prend la forme d’une démarche de gestion de projets dans une
stratégie globale. Aujourd’hui, les grandes entreprises mettent en
place et suivent des actions très significatives en la matière :
• Virtualisation des serveurs et consolidation des datacenters : avec un ROI long mais très significatif.
Il existe une réelle motivation économique et financière à traiter ce point,
• Optimisation de la gestion des consommables : réduction des consommations de papier avec
la suppression des imprimantes individuelles et la mise en place de centres de reprographie par
exemple,
•Améliorationdel’accessibiliténumériquedesdocumentsetdessiteswebpourlespersonneshandicapées,
• Organisation du recyclage des terminaux mobiles, …
De nombreuses administrations de l’Etat, ainsi que les collectivités locales, sont longtemps restées dans
une logique de traitement analogique des informations. Elles n’ont pas toujours pris la pleine mesure des
bénéfices à la fois humains et environnementaux d’une performance des services numériques dans leurs
interactions avec les citoyens. Economies de temps, de papier, de travail, solution rapide des démarches
administratives, tous ces gains constituent une formidable création de valeur en matière de responsabilité
sociale et environnementale, que la culture numérique partagée appelle de ses vœux.
Le rapport de l’Institut Montaigne, sur « Le défi numérique », rappelle que : « Certaines démarches, par
exemple avec une Caisse d’Allocation Familiale, nécessitent encore des correspondances sur papier, et
le paiement des prestations implique dans certaines villes de nombreux virements. L’utilisation de la
signature électronique reste encore marginale, la protection des données personnelles par un « coffre-fort
numérique » doit encore progresser et l’organisation d’une plateforme de paiement en ligne universelle et
commode est toujours à l’étude7
».
Ce constat doit toutefois être nuancé avec la prise de conscience de l’importance du numérique dans l’action
publique. Le Secrétariat général à la modernisation de l’action publique, auquel est rattachée la mission Etalab,
mène une politique d’ouverture en ligne des données publiques (Open Data), ainsi que l’établissement de la
feuille de route pour « accélérer la transition numérique au sein de l’administration8
».
La fonction SI est partie prenante de la plupart de ces initiatives de responsabilité sociale et environnementale
passant par des ressources numériques (réduction de la fracture numérique, développement de l’accessibilité
numérique, accès aux connaissances, neutralité, …).
Philippe Courqueux
Directeur des Systèmes d’Information
et de la logistique - Cora
7
Volle, Michel (sous la dir.), (2011), Le défi numérique - Comment renforcer la compétitivité de la France, Institut
Montaigne, pp.28-29.
8
Babinet, Gilles, (avec la participation de Frédéric Créplet), (2013), Pour un “New Deal” numérique, Institut Montaigne,
p. 2 3.
Entreprises & Culture Numérique
38
Au-delà des outils et des processus, c’est bien dans une nouvelle culture et vers de nouvelles pratiques
responsables, que l’entreprise doit évoluer durablement.
Un des enjeux majeurs des grandes entreprises réside aussi dans leur capacité à répondre aux attentes de la
jeune génération ayant une forte appétence pour le développement durable au sens large, mais aussi pour
faire évoluer les habitudes de consommation des autres générations présentes dans l’entreprise. Il faut donc
accompagner le changement, éduquer, faire évoluer les pratiques, repenser l’organisation du travail.
Le travail à distance, une modalité structurelle de l’entreprise en réseau
Dans ce contexte, le travail à distance pourrait constituer une des
actions possibles mettant en jeu numérique et développement durable.
Le travail à distance permettrait à l’entreprise d’optimiser la capacité
de production des collaborateurs en acceptant qu’ils réalisent tout ou
partie de leur activité à domicile. Cette orientation n’est pas neutre,
elle reflète l’évolution de l’organisation du travail et de la mentalité
du management, longtemps basées sur une volonté de contrôle et de
centralisation des équipes.
Le travail à distance génère des gains en termes de performance
durable. Pour la société en général, la réduction de déplacements des
travailleurs représente une réduction de l’empreinte écologique. Selon
les géographes Edward Malecki et Bruno Moriset9
, pour l’entreprise, le
travail à distance réduirait l’absentéisme, les coûts immobiliers locatifs
ou de fonctionnement.
Pour les salariés il entraînerait un gain de temps sur les transports, plus de disponibilité pour la famille, ainsi
qu’une réduction du stress et de la fatigue. Certaines études restent néanmoins sceptiques sur les bénéfices
d’une massification du travail à distance. En 2008, Malecki et Morizet estiment que le collaborateur améliore
dans un premier temps sa productivité, mais reste relativement coupé du management, entraînant à terme
une décroissance de la productivité.
Ils en concluent que c’est un outil d’intégration économique et sociale permis par le numérique, débouchant
sur une solution de nature individuelle et temporaire plutôt que structurelle.
Ainsi, pour lutter contre le risque d’isolement et de baisse de productivité du salarié, on voit se développer
de nouvelles organisations de travail collectif connectées, calquées sur des initiatives destinées initialement
aux start-up, telles que La Cantine en France, The Hub en Autriche ou The Cube en Angleterre. Ces nouveaux
espaces de travail émergents sont des hubs géographiques. Ils regroupent des collaborateurs d’entreprises
diverses dans un lieu géographique situé à proximité de leur lieu d’habitation. L’entreprise vient au salarié…
Plusieurs facteurs permettent aujourd’hui de nuancer l’évaluation d’une baisse de productivité liée au travail
à distance :
- l’évolution des pratiques de travail en réseau ;
- l’accessibilité des outils de visioconférence ;
- les nouveaux modes d’organisation du travail, basés sur la confiance, favorisant l’autonomisation plutôt
que le contrôle ;
- la prise en compte par les entreprises du caractère néfaste pour l’environnement des millions de
déplacements pendulaires.
Toutes ces composantes réhabilitent la pertinence et l’attractivité de cette solution. Elle a de grandes difficultés
à se développer en France, contrairement à d’autres pays, tant européens que d’outre-Atlantique.
9
Malecki, Edward, Moriset, Bruno (2008), ibid.
Michel Spiri
Adjoint au secrétaire général
pour l’organisation et l’informatique
Banque de France
Entreprises & Culture Numérique
39
Compte tenu de ces évolutions, le télétravail apparaît aujourd’hui davantage comme une des modalités de
participation aux communautés de travail en réseau des entreprises.
Ainsi, le travail à distance reste limité « en raison peut-être de la difficulté du dialogue social sur ce sujet.
La France n’apparaît même pas dans le classement de l’OCDE10
». La Fondation Terra Nova11
confirme cette
analyse et suggère de développer le télétravail, notant que « le numérique propose des opportunités
considérables dans ce domaine ». En effet, pour Terra Nova, le télétravail est resté sous-utilisé dans les
entreprises françaises : « Trop souvent mal comprise, la vraie évolution portée par le télétravail n’est pas de
permettre aux employés de travailler depuis chez eux, sur un poste fixe. Il faut au contraire permettre une
mobilité toujours accrue des employés, qui pourront travailler depuis n’importe quel lieu et selon des horaires
plus souples et choisis, grâce aux communications portables ».
La Fondation invite alors la puissance publique à : « encourager et favoriser le télétravail en
communiquant sur les possibilités désormais ouvertes par le Code du Travail et en incitant à des accords
collectifs à ce sujet, en mettant un cadre de régulation de ces nouvelles pratiques qui sera lui-même un
gage de succès » et ajoute : « ce télétravail pendulaire doit également éviter toute forme d’intrusion mal vécue
parlessalariés».D’oùlarecommandationde:«définirundroitàladéconnexionpouréviterlerisqueintrusifetles
excès ». Au-delà de la recherche de productivité, l’objectif est également de traiter des problématiques du
droit à la déconnexion.
Préserver la sphère individuelle de la connectivité
permanente
Le développement des interactions en réseau, fusionnant les
échanges personnels et professionnels, tend à favoriser toujours
davantage de communication et de réactivité. Parallèlement,
l’instantanéité apportée par les ressources numériques
s’accompagne d’une attente de réactivité dans les actions menées
et les réponses apportées par les collaborateurs.
Une contrainte de réactivité quasi-instantanée va entraîner des phénomènes de tension et de stress :
« il s’agit en somme d’être toujours là pour autrui ». Or, comme l’explique Pierre Antoine Chardel : « le
problème est qu’à force d’être toujours là pour les autres, on court le risque de n’être plus là pour soi-même,
c’est-à-dire de négliger les moments de recentrement que nécessite tout exercice de réflexion préalable à toute
action sensée. Les connexions permanentes tendent à devenir des formes de servitude tout autant rassurantes
qu’oppressantes. (…). L’étude pointe ainsi le droit à la déconnexion au nom de la dignité des personnes :
« le temps déconnecté pourrait devenir un élément important des négociations entre les cadres et leur
hiérarchie12
».
En entreprise comme à domicile, la performance relève également d’un équilibre sur les bonnes conditions
de travail. L’entreprise doit mener une réflexion sur l’éthique des usages des ressources numériques, au sein
d’une structure dédiée, telle qu’un Comité d’Ethique par exemple, afin de réguler les aspects d’équilibre vie
privée/vie professionnelle, de gestion des données, de bien-être au travail.
10
Volle, Michel (sous la dir.), (2011), ibid., p. 24.
11
Fesseau, Nelly, Lavenir, Gabriel, (2012), Numérique, Renouer avec les valeurs progressistes et dynamiser la
croissance, Terra Nova, pp. 55-57.
12
Chardel, Pierre-Antoine, (2011), « La transparence en question dans l’entreprise en réseau - Quelques considérations
éthiques pour le futur », in Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.) Cahier de prospective, Transformation numérique et
nouveaux modes de management, Fondation Télécom, p.87.
Isabelle Vialettes
DSI - Manutan
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Livre Blanc Cigref - Entreprise et culture numerique

  • 1.
  • 2. Entreprises & Culture Numérique 2 Tousdroitsdereproduction,d’adaptationetd’exécutionréservéspourtouspays,notammentlatraduction,laréimpression, l’exposition, la photocopie du texte, des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par scanner, par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation dans une base de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que moyennant le paiement de droits spécifiques. Elle sanctionne toute représentation, reproduction, contrefaçon, photocopie, et toute conservation dans une base de données par quelque procédé que ce soit. © 2013 CIGREF, 21 avenue de Messine, 75008 Paris
  • 3. Entreprises & Culture Numérique 3 Septembre 2013 Entreprises & Culture Numérique
  • 4. Entreprises & Culture Numérique 4 Remerciements Savoir mobiliser l’intelligence collective de ses membres est une condition nécessaire pour permettre la rédaction d’un ouvrage collectif. Au sein d’un Réseau de plus de 130 Grandes Entreprises, le point de vue des Membres est porté par les personnalités élues par leurs pairs au sein du Conseil d’administration lors de l’Assemblée générale. Dès lors, il convient d’emblée de remercier tous les Administrateurs qui, depuis de nombreux mois ont accepté de contribuer à réunir, identifier et formuler les thèmes singuliers contenus dans cet ouvrage : Cette compétence est nécessaire, mais pas suffisante ! Il convient également de « piloter la réflexion » pour retenir et sélectionner les idées forces, surtout s’il s’agit d’exprimer dans un ouvrage tel que celui-ci, les convictions d’une Association dont l’histoire a jalonné le développement informatique des entreprises depuis 1970. Que soient ici remerciés tout particulièrement les Administrateurs membres du Bureau, qui, avec le Président Pascal Buffard (AXA), ont piloté la rédaction de chacun des 7 chapitres : Savoir mobiliser l’intelligence collective pour sélectionner les convictions CIGREF, n’exclut pas de vouloir en vérifier l’audience auprès d’acteurs du monde économique. Que soient ici remerciés les membres du Comité de lecture qui ont spontanément accepté de formuler leurs recommandations quant à la pertinence des convictions CIGREF : Enfin, qu’il me soit permis de remercier l’équipe des permanents du CIGREF qui a contribué efficacement à ce travail collectif et tout particulièrement Anne-Sophie Boisard et Sophie Bouteiller qui ont coordonné la rédaction finale de cet ouvrage. - Renaud de Barbuat (Thales), - Jean Chavinier (Pernod-Ricard), - Philippe Courqueux (Cora), - Michel Delattre (Groupe La Poste), - Régis Delayat (SCOR), - Bruno Brocheton (Euro Disney), - Bernard Duverneuil (Essilor International), - Jean-Marc Lagoutte (Danone), - Caroline Apffel (Spencer Stuart), - Jean-Pierre Arnaud (Professeur au CNAM) - Professeur Ahmed Bounfour (Rapporteur général du programme ISD et Coordinateur du Comité Scientifique de la Fondation CIGREF), - Eric Monnoyer (Consultant), - Véronique Durand Charlot (GDF Suez), - Patrick Hereng (Total), - Françoise Mercadal-Delasalles (Société Générale), - Konstantinos Voyiatzis (Nexans). - Georges Epinette (Groupement des Mousquetaires) - Bruno Ménard (Sanofi). - Chabane Debiche (La Poste - Pilote du Groupe de travail « Cadre de référence CIGREF, Culture numérique d’Entreprise »), - Jean-François Phelizon (DGA - Saint Gobain), - Philippe Rose (Rédacteur en chef Best Practices International). Jean-François PEPIN Délégué général du CIGREF
  • 5. Entreprises & Culture Numérique 5 Préface de Pascal Buffard Introduction La culture numérique : quelles promesses de création de valeur pour l’entreprise ? VI - VII - Postface de Jean-François Phelizon Annexes Références Annexes I - Le CIGREF Annexes II - La Fondation CIGREF Annexes III - Les entreprises membres du CIGREF en 2013 Les conditions de réussite de la culture numérique IV - V - La confiance, valeur centrale de la culture numérique Agilité et créativité, facteurs d’innovation et de performance Une transformation de l’organisation du travail et du management Les femmes et les hommes de l’entreprise, acteurs de la réussite Les essentiels de la culture numérique d’entreprise I - II - III - De nouveaux modèles d’affaires qui tirent avantage de la culture numérique L’intelligence collective comme source de création de valeur Une culture au service d’un dessein responsable 7 9 12 44 45 53 63 13 27 35 65 75 81 82 83 85 88 89 Sommaire Les chapitres sont individuellement téléchargeables (format PDF) à l’aide d’un QRcode proposé à la fin de chacun d’eux.
  • 6. Entreprises & Culture Numérique 6
  • 7. Entreprises & Culture Numérique 7 Préface Oser, en 2013, rapprocher les termes Entreprises et Culture Numérique, tel est le défi de ce nouvel ouvrage. Pour le relever, la légitimité du CIGREF repose sur plusieurs fondements institutionnels : - Le CIGREF, association de grandes entreprises, a pour vocation, depuis sa création en 1970, d’aider leurs dirigeants à façonner des entreprises plus innovantes, en s’appuyant à l’origine sur les techniques informatiques, puis sur les systèmes d’information et leurs usages. - A l’occasion de son 40ème anniversaire, le CIGREF a renouvelé cet engagement en l’élargissant à l’ensemble des problématiques du monde numérique et des transformations qui en découlent pour l’entreprise. - Parallèlement, le CIGREF a également créé une fondation de recherche, la Fondation CIGREF dont la mission est de « mieux comprendre comment le monde numérique transforme notre vie et nos entreprises », et dont l’objectif principal est de conduire un programme international de recherche, le programme ISD, sur « le design de l’entreprise 2020 ». - Par ailleurs, dans le cadre de son plan stratégique 2015, le CIGREF s’est fixé pour ambition d’accroître son rayonnement au sein des grandes entreprises et des administrations, en s’affirmant comme « carrefour d’informations, de réflexions et d’échanges sur l’entreprise dans le monde numérique ». Toutes ces activités sont réalisées dans le but de préparer l’avenir et d’innover, mais surtout en vue d’agir pour des entreprises performantes au cœur du monde numérique. Entreprises et culture numérique : un nouveau défi ! Depuis sa création, deux ouvrages ont marqué l’histoire de notre Réseau de Grandes Entreprises : Le pari informatique1 et L’entreprise numérique : quelle stratégie pour 2015 ?2 . Tous deux prennent en compte l’importance de la dimension culturelle pour les entreprises et leurs collaborateurs dans les transformations auxquels ils doivent faire face. Dans le premier, Pierre Lhermitte, Président fondateur du CIGREF, écrivait « L’adaptation des structures aux réalités techniques et économiques est devenue une pressante nécessité et il importe de bien savoir qu’il ne s’agitplusd’unesimpleévolutionmaisd’uneprofondemutation.L’adaptationdenosentreprisesàcesnouvelles techniques de l’informatique est indispensable pour assurer leur compétitivité sur le plan international et permettre l’épanouissement intellectuel et culturel de la population active ». Dans le second, Bruno Ménard, mon prédécesseur, prolongeait la réflexion de Pierre Lhermitte : « …Depuis 1970, l’informatisation des organisations se poursuit à un rythme accéléré. Après l’automatisation des tâches administratives, par exemple la comptabilité, puis l’informatisation des processus métiers, l’arrivée d’Internet a ouvert une nouvelle ère de communication et de partage d’information3 ». Bruno Ménard précisait également : « Les applications technologiques sont produites et structurées par des processus sociaux dynamiques, qui prennent en compte les pratiques de l’organisation et des utilisateurs […] Ce qui distingue l’usage de l’utilisation, c’est avant tout le périmètre couvert par les deux termes. D’un côté, l’utilisation fait référence au rapport fonctionnel de l’individu à la technologie […] D’un autre côté, l’usage dépasse ce cadre fonctionnel parce qu’il prend en compte d’autres dimensions, à caractère immatériel, du rapport de l’individu à la technologie : il recouvre non seulement l’emploi des techniques, mais également les comportements, les attitudes, la culture et les représentations des individus4 ». Pascal Buffard Président d’AXA Technology Services 1 Lhermitte, Pierre, (1970), Le Paris Informatique, France-Empire 2 Ménard, Bruno, (2010), L’entreprise numérique : quelle stratégie pour 2015 ? 3 Ménard, Bruno, (2010), ibid, p. 7. 4 Ménard, Bruno, (2010), ibid, p. 41-42.
  • 8. Entreprises & Culture Numérique 8 Il nous faut désormais poser un regard lucide et éclairé sur les conséquences de ces transformations sur nos entreprises. Il faut saisir les opportunités de cette nouvelle révolution et anticiper les risques pour affirmer la richesse et la singularité des grandes entreprises françaises en Europe et dans le monde. Dans ce cadre, nous sommes convaincus que la culture numérique nous permettra de réussir cette transformation et d’améliorer l’innovation et la performance de nos entreprises. Dessiner les fondamentaux de la culture numérique Telle est l’ambition du présent ouvrage : développer une représentation partagée des transformations culturelles liées au numérique, en cours dans nos organisations. En ce sens, nous partageons avec Milad Doueihi le fait que l’humanisme numérique : « …est l’affirmation que la technique actuelle, dans sa dimension globale, est une culture, dans le sens où elle met en place un nouveau contexte, à l’échelle mondiale, et parce que le numérique […] est devenu une civilisation qui se distingue par la manière dont elle modifie nos regards sur les objets, les relations et les valeurs, et se caractérise par les nouvelles perspectives qu’elle introduit dans le champ de l’activité humaine5 ». Ces fondamentaux de la culture numérique, nous les avons organisés autour de plusieurs convictions, partagées par nos membres : - L’irruption du numérique dans les organisations vient profondément remettre en question les modèles d’affaires sur lesquels s’est construit le succès des grandes entreprises. Nous sommes convaincus qu’au- delà des changements de processus et de l’introduction des nouvelles technologies, c’est une révolution culturelle qui va permettre la mise en place et le succès de ces nouveaux modèles d’affaires. - Nous pensons que la culture numérique se caractérise par le partage de l’information et de la connaissance entrelesacteursdel’entreprise(ausens«entrepriseétendue»)etqu’àcetitre,elleconstruituneintelligence collective source de création de valeur pour l’entreprise. - Cette culture numérique transforme les modes de management et l’organisation du travail en favorisant les échanges horizontaux et la production de liens, la reconnaissance par les pairs, fondée sur la compétence plutôt que sur le rang hiérarchique. - Elle doit faire face à des risques nouveaux auxquels il convient d’être particulièrement attentif tant du point de vue sociétal que managérial. - Enfin, elle est portée par les hommes et les femmes de l’entreprise, réunis autour d’une vision partagée et cohérente. Ces hommes et ces femmes reconnaissent la confiance comme valeur fondamentale de bonne gouvernance de l’entreprise. Mettre en adéquation nos convictions et nos actions Parce nous avons souhaité être exemplaires en matière de culture numérique, nous avons choisi dans un premier temps de livrer une version bêta de cet ouvrage. Nous évoluons aujourd’hui dans un monde complexe, mouvant, où les ruptures économiques et sociétales se succèdent et dans lequel les pratiques, usages et comportements culturels évoluent… à la vitesse numérique ! Cette première version n’a pas pour ambition d’être exhaustive ou parfaite, elle cherche au contraire à amorcer un dialogue qui va profiter des contributions de tous. Dans un deuxième temps cet ouvrage sera enrichi, en version numérique, de liens vers des études de cas, des exemples, issus des résultats de recherche de la Fondation CIGREF, de nos groupes de travail, d’interviews de dirigeants… afin d’assurer ainsi notre rôle de carrefour d’informations, de réflexions et d’échanges. Enfin, pour s’inscrire pleinement dans les caractéristiques de la culture numérique, nous proposerons aux parties prenantes (les entreprises membres, notre écosystème, mais aussi le grand public) de réagir en ligne, de commenter, de débattre, en bref… de créer de la valeur par l’intelligence collective au service de l’innovation et de la performance de nos entreprises. Pascal Buffard Président du CIGREF 5 Doueihi, Milad, (2011), Pour un Humanisme numérique, Seuil, P. 9-10
  • 9. Entreprises & Culture Numérique 9 Introduction Le numérique modifie notre regard sur notre héritage, sur ce qui nous entoure et sur la façon dont nous envisageons notre futur. Il introduit des moyens de production nouveaux, des objets technologiques sans cesse renouvelés, de nouvelles pratiques sociales et cela dans les domaines économique, social et artistique. Il change notre rapport aux objets, à l’information, aux savoirs et à l’enseignement, notre perception de l’espace et du temps. Il bouscule nos relations interpersonnelles, nos identités, mais aussi nos valeurs et nos représentations. En bref, il vient modifier notre culture au sens où l’a définie l’anthropologue Tylor en 1871 : « Ce tout complexe qui comprend le savoir, la croyance, l’art, la morale, le droit, les coutumes, et toutes les autres capacités et habitudes acquises par un homme comme membre d’une société 1 ». L’irruption des technologies dans notre quotidien et la numérisation de nos activités et de nos productions a transformé nos comportements, nos pratiques, nos habitudes et fait émerger une culture numérique devenue un élément constitutif de notre identité contemporaine. Qu’en est-il de ces pratiques, valeurs, comportements, mais aussi de ces objets technologiques, applications, innovations dans le contexte de l’entreprise ? Si cette culture numérique révolutionne les organisations et remet en cause des modèles économiques et des modes de management établis, nous sommes convaincus qu’elle est également source de création et d’innovation. Dans le cadre de sa mission : « Promouvoir la culture numérique comme source d’innovation et de performance », le CIGREF développe depuis plusieurs années une réflexion sur l’entreprise et les conditions lui permettant de réussir sa transformation dans le monde numérique. Le premier ouvrage du CIGREF sur ce sujet, paru en 2010, montre comment l’entreprise numérique se définit à travers « une vision et un plan numériques pour toutes les dimensions de son modèle d’affaires2 ». Il porte également la conviction que le facteur humain, les savoir-être et les savoir-faire, sont au cœur du développement de l’entreprise numérique de demain. Le CIGREF veut aujourd’hui poursuivre et approfondir cette réflexion autour de la culture numérique. De nombreux exemples et travaux récents confortent cette conviction que de nouveaux comportements, de nouvelles pratiques et de nouveaux usages sont à l’œuvre, qui permettent de tirer profit du numérique, d’améliorer la performance et la responsabilité sociétale de l’entreprise. Le périmètre de réflexion de l’ouvrage Cet ouvrage n’est pas un outil de sensibilisation des directions générales à la contribution du numérique pour la performance des entreprises. Cette prise de conscience est aujourd’hui effective. Nous souhaitons faire de ce court ouvrage un support de dialogue avec les directions générales et les métiers, pour élaborer ensemble les conditions de réussite de cette transformation numérique. Ce texte ne prétend pas faire l’état de l’art sur la littérature concernant le numérique, ni ne cherche à démontrer ce que la culture numérique apporte à la société. Il s’intéresse essentiellement aux entreprises et à la grande entreprise en particulier. Ce n’est pas un manuel de management qui vise à expliquer de manière théorique ce qu’il convient de faire et à proposer un plan d’actions complet. Ce texte décrit la vision et les convictions que nous portons en tant que Réseau de grandes entreprises. Cettevisionn’estpasprescriptive:iln’existepasde« onebestway»pourréussirsatransformationnumérique. Elle constitue le fondement d’une réflexion qui s’engage aujourd’hui et que nous souhaitons partager avec les différents acteurs de l’entreprise. 1 Tylor, E.B., (1871), Primitive culture, London, vol. 1., p 2. ”That complex whole which includes knowledge, belief, art, morals, law, custom, and any other capabilities and habits acquired by man as a member of society”. 2 Ménard, Bruno, (2010), ibid., p. 15.
  • 10. Entreprises & Culture Numérique 10 Notre approche ne cherche pas à théoriser sur les organisations. Elle est concrète, basée sur l’expérience et l’analyse de dirigeants, les résultats de nos groupes de travail, du programme de recherche IS Dynamics lancé par la Fondation CIGREF et d’études de cabinets internationaux… La diffusion généralisée des outils et des applications liés au numérique fait évoluer de façon significative, au sein de l’entreprise, les pratiques et les comportements associés. Le numérique modifie les modèles d’organisation de l’entreprise, les relations interpersonnelles entre ses collaborateurs ainsi que celles avec les acteurs extérieurs (clients, fournisseurs, partenaires...). Il transforme également les formes d’exercice du pouvoir et de l’autorité au sein de l’entreprise et l’ensemble des représentations et croyances sous-jacentes, sur lesquelles se fondent ces pratiques. Ce sont là les principales dimensions de notre cadre de réflexion. Notre approche est de caractériser les aspects intangibles d’une culture comprenant des valeurs, des comportements, des croyances et des pratiques encouragées implicitement ou explicitement, en adéquation avec les exigences du numérique au sein d’une entreprise. Mais « intangible » ne signifie pas « sans effet sur le réel ». A l’instar des « actifs immatériels » qui relèvent du capital de l’entreprise, les actifs de cette culture produisent des effets perceptibles et mesurables. Ils permettent de tirer le meilleur bénéfice des stratégies, des outils numériques et des nouveaux modèles d’affaires. Nous faisons l’hypothèse d’une culture numérique qui, si elle réussit à s’incarner dans de nouvelles pratiques au sein des entreprises, et à irriguer les valeurs de celles-ci, permettrait alors à l’entreprise de tirer bénéfice du monde qui l’entoure. La culture numérique est une promesse de création de valeur… dont il ne faut pas minimiser les écueils et les risques Noussommesconvaincusquelaculturenumériqueestunepromessedecréationdevaleur.Eneffet,ellepermet la mise en place et le succès de nouveaux modèles d’affaires, elle est synonyme de partage de connaissances, d’intelligence collective et donc de création de valeur. Elle est une chance pour inscrire l’entreprise dans un développement et une performance durables qui prennent en compte la valeur économique, sociale et environnementale. Nous sommes convaincus qu’au-delà des changements de processus, des innovations de produits et de services, la culture numérique, partagée par les parties prenantes, pose les conditions de réussite de la transformation numérique de l’entreprise dans son écosystème. Cette culture numérique se caractérise par la confiance, valeur centrale dans un monde complexe et mouvant, par de nouveaux modes de management fondés sur les échanges horizontaux et la production de liens, la reconnaissance par les pairs, basée sur la compétence plutôt que sur le rang hiérarchique, un respect du droit à l’erreur, une valorisation des individus et une forme de cohésion dans le travail. Pour autant, il ne s’agit pas de défendre une vision angélique de la culture numérique. Tout changement, toute innovation, peut entraîner des effets de bord que nous ne connaissons ni ne maîtrisons parfaitement aujourd’hui. Adresser les thématiques du numérique dans leur globalité, leurs aspects positifs et négatifs, relève également de la mission du CIGREF. S’il convient de s’interroger sur les risques liés au numérique, ceux- ci doivent être envisagés en lien avec l’homme mettant en œuvre ces technologies, les méthodes managériales utilisées pour promouvoir tel ou tel changement organisationnel… Les risques et écueils liés au numérique renvoient d’abord à la responsabilité des hommes et à ce qu’ils font de ces nouvelles technologies. C’est pourquoi à la fin de chaque chapitre nous avons ajouté un encadré destiné à « questionner le numérique » sur les thématiques abordées.
  • 11. Entreprises & Culture Numérique 11 La place de la grande entreprise dans la révolution numérique La littérature abonde d’exemples de startups, PME et pure-players qui, par leur souplesse, leur réactivité et leurs innovations, réussissent brillamment dans l’économie numérique. On oppose parfois à cette réussite l’inertieetleretarddesorganisationstraditionnelles.Onopposeégalementlepartaged’unmondenumérique, où l’industrie serait de plus en plus asiatique, les profits nord-américains, et les européens relégués au rang de simples consommateurs. Selon Didier Lombard3 , l’Europe entend bien mettre en œuvre une politique volontariste, mais les résultats se font attendre. Or l’Europe dispose d’un vaste marché, avec des utilisateurs parmi les plus éduqués au monde, des compétences mobilisables, une capacité et une volonté d’investir significatives. Un tel contexte peut être mis à profit pour recréer en Europe une industrie forte des TIC, pour construire une position solide à partir de laquelle avancer dans le jeu concurrentiel de l’économie numérique. Notre conviction est que les grandes entreprises disposent elles aussi des ressources et des potentialités pour se rendre plus agiles, créatives et innovantes. Bien sûr, compte tenu de leur taille et de leur mode d’organisation, elles doivent mettre en œuvre ces ressources sous certaines conditions, que nous évoquerons dans cet ouvrage. Mais les grandes entreprises ne sont pas moins équipées que les autres pour prendre en compte l’importance croissante du partage de l’information, de l’ergonomie des outils, de l’expérience utilisateur, des interactions de travail à distance, etc. Des promesses aux conditions de réussite de la transformation numérique Cet ouvrage est structuré en trois parties. Il aborde dans un premier temps la culture numérique en tant que promesse de création de valeur. Pourquoi les nouveaux modèles d’affaires numériques sont-ils différents ? En quoi intègrent-ils des évolutions d’ordre culturel ? Pourquoi stimuler l’intelligence collective et comment profite-t-elle à l’entreprise ? En quoi la culture numérique dans les organisations faciliterait-t-elle le développement de pratiques innovantes responsables ? Dans un second temps, il permet de caractériser cette culture numérique, dans ses manifestations. Ouverture et connectivité, partage de connaissance, confiance, agilité et créativité sont les leviers que les femmes et les hommes utilisent pour faire évoluer l’entreprise dans le monde numérique. Enfin, ce livre traite des conditions de réussite : comment revisiter profondément le rôle des managers et établir un rapport différent à la hiérarchie ? Comment également mettre les femmes et les hommes au cœur de la réussite des entreprises et les rassembler autour d’un projet qui fait sens ? Quelles transformations doivent être opérées dans l’organisation du travail et dans les interactions entre les parties prenantes ? Chaque chapitre est conclu par un appel à l’action. Celui-ci ne doit pas être considéré comme l’unique porte d’entrée vers l’opérationnalité. Ces appels à l’action, sept au total, constituent plutôt un ensemble de pistes pour entreprendre cette révolution de la culture numérique. Chaque fiche décrit brièvement l’action entreprise, les parties prenantes concernées, les outils mis en place et les modes de communication associés à ces actions. 3 Lombard, Didier, (2011), L’irrésistible ascension du numérique, Odile Jacob.
  • 12. Entreprises & Culture Numérique 12 La culture numérique : quelles promesses de création de valeur pour l’entreprise ?
  • 13. Entreprises & Culture Numérique 13 « Partout, le numérique va introduire des ruptures fondamentales, qu’il convient d’anticiper et de maîtriser. Le modèle d’affaires de l’entreprise numérique ne ressemble plus au modèle d’affaires classique, dans ses fondamentaux et sa déclinaison sur le marché1 ». Depuis les années 1990, l’émergence du numérique au sein de notre société, ainsi que l’irruption massive des technologies de l’information dans les entreprises, accélèrent les processus d’échanges, de production et de distribution. Elles remettent en cause la chaîne historique de création de valeur : modification du comportement des consommateurs, intensification de la concurrence entre les entreprises, ouverture de nouveaux marchés. Ces mutations créent des opportunités militant en faveur de nouveaux modèles d’affaires adaptés au monde du numérique, dans lesquelles nous observons deux ruptures : - La désintermédiation, facilitée par l’internet, traduite par la réduction ou la suppression des intermédiaires dans un circuit de distribution. Ce phénomène s’inscrit dans un espace en ligne, où l’intensité informationnelle est plus élevée, et où il est plus facile d’acheter des produits et des services relevant auparavant de canaux de distribution séparés ; - La médiation en réseau, lorsque plusieurs acteurs s’allient pour co-créer ou coproduire des offres de services ou de produits. Cette coopération est facilitée, là encore, par les technologies de l’information (standardisation,interfacesentempsréel,mutualisationdescompétences, réduction des coûts…). Pour faire face à ces ruptures, l’entreprise doit repenser dans son ensemble les relations avec ses clients et plus largement son écosystème. Au-delà de la dématérialisation, il lui faut donc bien réinventer son modèle d’affaires. En premier lieu, elle doit saisir l’opportunité offerte par l’internet, et tout particulièrement par l’internet mobile, d’impliquer le client dans sa chaîne de valeur, afin de coller au plus près à ses attentes, lui apporter les produits et les services associés dont il a besoin. Au centre du mix marketing, plus encore que le produit, le prix, la place ou la promotion, la « personne » est désormais l’objet de toutes les attentions. CHAPITRE I De nouveaux modèles d’affaires tirent avantage de la culture numérique 1 Ménard, Bruno, (2010), ibid., p. 56. Bruno Brocheton VP SI - Euro Disney
  • 14. Entreprises & Culture Numérique 14 2 Sayre, Katharine & al., (2012), Marketing Capabilities for the Digital Age, The Boston Consulting Group. Le fait nouveau ici est l’apparition d’écosystèmes orientés consommateurs, par la constitution de bases de données clients, elles-mêmes enrichies par le big data, données recueillies dans l’ensemble des canaux d’accès (centres d’appels, réseaux sociaux, internet des objets, etc.), l’open data (données socio-économiques et environnementales) et la traçabilité continue des parcours de l’internaute sur la toile et dans le monde réel (géolocalisation). Depuis quelques années, Nike a mis sur le marché des chaussures de sport utilisant le numérique, destinées aux coureurs à pied. Ces chaussures sont équipées de capteurs capables d’enregistrer et d’analyser les performances du coureur qui les porte. Le coureur peut transférer sur ordinateur les données enregistrées, partager l’analyse de sa performance avec ses amis et d’autres compétiteurs… Grâce à l’intégration du numérique dans le produit lui-même, la chaussure est transformée en capteur d’information, permettant ainsi la co-production d’un nouveau service. Des propositions de valeur transformées par le numérique De nombreux exemples de bonnes pratiques illustrent, dans différents secteurs d’activité, la nécessité de revoir en profondeur les stratégies marketing et les organisations, à l’aune du numérique. Une récente étude du BCG2 , consacrée aux opportunités du marketing à l’ère numérique, montre que les entreprises produisant des biens de grande consommation, n’avaient, dans le passé, que de rares interactions avec les clients. Elles disposent maintenant de nouveaux moyens de tester des nouveaux produits, distribuer des bons de réduction, partager l’information sur les produits et les avis des consommateurs, inciter les clients influents à être les ambassadeurs de la marque. L’étude cite par exemple Diageo, une entreprise leader dans le domaine des boissons alcoolisées. Elle y est parvenue avec succès, notamment en lançant une application pour iPhone, « thebar.com ». Elle aide les consommateurs à trouver les bars et les magasins les plus proches, leur propose un grand nombre de recettes de boissons et leur donne accès à Facebook ainsi qu’à d’autres réseaux sociaux pour échanger et donner leur avis. Pour les compagnies de transport aérien et d’autres entreprises de services, les plateformes numériques ont conduit à une évolution dans les services fournis aux clients, en répondant à leurs réclamations ou à leurs besoins d’assistance, en les tenant informés en temps réel des changements d’horaires, de portes d’embarquement, etc. Dans un autre secteur, les banques peuvent fournir des services financiers 24H/24 pour mieux répondre aux besoins de leurs clients. La commodité de services, tels que les règlements en ligne, rend plus difficile le changement d’établissement. Le numérique renforce indéniablement la fidélisation. Ladistributiondedétail,quantàelle,estconfrontéeàl’érosiondel’efficacitédessupportspubli-promotionnels imprimés. Elle est soumise au défi d’une intégration de nouveaux canaux rendant l’achat possible en magasin, en ligne ou via un appareil mobile. En Corée du Sud, Tesco Home a installé dans les stations de métro, des bornes d’épicerie virtuelle, permettant aux voyageurs pressés de faire leurs achats en attendant leur rame. Les clients peuvent y scanner, avec leurs Smartphones, les codes des articles qui leur sont ensuite livrés à domicile. Les ventes en ligne ont ainsi progressé de 130%, faisant de cette plateforme le premier site de vente en ligne du pays. Ainsi les entreprises s’adaptent-elles plus rapidement à l’évolution permanente des attentes et des goûts des consommateurs. Avec l’internet, le consommateur a imposé sa suprématie dans sa capacité à comparer les produits, les services et les prix. Mieux encore, il est en prise directe avec la chaîne de production de l’entreprise, dans une logique de personnalisation de son produit. Cela a provoqué deux évolutions majeures pour les entreprises : la production de masse de produits « customisés » et la prise en compte, en temps réel, des dernières attentes manifestées par les clients.
  • 15. Entreprises & Culture Numérique 15 Des travaux récents, menés par l’Université de Californie du Sud3 dans le cadre du programme ISD de la Fondation CIGREF4 , ont permis d’identifier trois grandes tendances pour penser les modèles d’affaires des entreprises numériques : • La primauté de l’expérience client et le besoin de personnalisation. • La co-création de valeur distribuée : de plus en plus, les consommateurs, tout comme les fournisseurs, s’engagent dans l’élaboration des produits et services qu’ils consomment (création de valeur partagée). • Les expérimentations permanentes sur le modèle du « capter et répondre » : la multiplication des données fournies par des capteurs va entraîner le développement de capacités d’analyses complexes, permettant d’interpréter des masses de données de manière intelligente et ciblée. La primauté de l’expérience client L’économie numérique impose un nouveau paradigme au marketing, hier encore soucieux de transformer des prospects en clients. Souvenons-nous que le « prospecteur », historiquement, est celui qui examine un terrain pour rechercher un filon. Le marketing pré-numérique considère avant tout le client comme un filon, une source d’enrichissement, et ce dernier le sait parfaitement. L’entreprise numérique considère le client comme un interlocuteur qu’elle doit avant tout savoir écouter, avec lequel elle doit construire une expérience de service unique. Le consommateur découvre une nouvelle relation au monde marchand. Laconjonctiondel’hyper-compétition,caractéristiqueducontexteéconomiqueactuel,lesévolutionssociétales et les exigences de vitesse, induites par les ressources numériques, rendent l’avantage concurrentiel d’une entreprise éphémère. Le produit seul n’est plus différenciant : l’avantage concurrentiel s’opère désormais au travers des services associés. Ainsi, la transition numérique casse la vision traditionnelle de l’entreprise, et ouvre un espace de co-création de valeur dans lequel s’intègre aussi le client entre autres, dans ses formes multiples, grâce notamment à la personnalisation. C’est le cas par exemple de l’industrie pharmaceutique qui, pour répondre àlademandedespersonnessouffrantdemaladieschroniques,s’intéresse désormais,au-delàdudéveloppementdesproduitspharmaceutiques,aux services numériques d’accompagnement des patients dans le traitement de leur pathologie. Dans ce contexte de développement de multiples canaux de communication et de commerce, de personnalisation des produits et des services associés, la plateforme client devient un espace central de promotion de l’expérience client. Pour tirer profit de la présence des clients sur les espaces numériques, l’entreprise doit donc, non seulement intégrer le client au sein de l’espace de co-création de valeur, mais en plus créer un écosystème autour de sa marque, de ses produits et de ses services, pour permettre sa différenciation. Enfin, l’entreprise est face à un autre défi : celui d’animer sa communauté de clients prescripteurs dans son écosystème, sur les réseaux sociaux en particulier, afin d’en faire un relais de communication efficace et de croissance durable. Il conviendra cependant d’être attentif à vérifier si ce dernier défi est pérenne et/ou pertinent pour toutes les entreprises. 3 El Sawy, Omar A., Pereira, Francis, (2013), Towards a unified framework for business modelling in the evolving digital space, Springer Briefs in Digital Spaces. 4 Les-essentiels Laurent Idrac DSI - Accor
  • 16. Entreprises & Culture Numérique 16 Le projet « L’impact du web 2.0 sur les organisations5 » du programme ISD montre que, pour développer les capacités d’accès aux communautés Web 2.0, une entreprise peut s’appuyer sur un certain nombre de leviers : • Les systèmes d’information et les acteurs associés : développement de plateformes de communication avec les clients, outils de modération et de contrôle disponibles, acteurs conciliant compétences techniques et talents de modérateurs. • La coordination entre les activités de conception et de veille. • La coordination entre les différents acteurs de l’organisation. • La traduction financière du potentiel des nouveaux services émergent des échanges avec les communautés. Dans ce type de projet numérique, les entreprises doivent également veiller à ne pas tomber dans certains pièges. En effet, les espaces d’expression communautaires sont difficilement contrôlables et les tentatives de contrôle des organisations, si elles cherchent à imposer leur vérité dans un espace d’expression ouvert, peuvent être contre-productives. Ainsi, ces opportunités offertes par le numérique, font émerger un nouveau risque : celui de l’image, de l’e réputation. Parmi les points d’attention figurent notamment : • La représentativité et la fiabilité des communautés Web ne laissent voir que les avis des consommateurs qui s’expriment. • Le périmètre de ces communautés n’est pas contrôlé, il est ouvert aux concurrents et aux nouveaux entrants. • La connaissance des codes et des règles de comportement en vigueur dans les groupes sociaux du Web est essentielle pour l’accès à ces communautés. En outre, celles-ci peuvent adopter des comportements hostiles à l’entreprise. • La captation et l’exploitation des connaissances suppose des outils de repérage sémantique, mais aussi une stratégie : soit la firme ne souhaite pas être repérée par la communauté et elle doit donc user de stratagèmes, soit elle choisit d’être identifiée de manière explicite. La co-création de valeur Les frontières de l’entreprise sont désormais poreuses et il devient difficile de déterminer où s’arrête l’entreprise et où commence l’écosystème. Dans cette logique du service dominant (service dominant logic), la valeur est co-créée à la fois par les consommateurs, par un réseau d’entreprises et par d’autres acteurs. Ceux-ci n’échangent pas simplement des biens ou des services, mais mettent en application, ou en commun, un ensemble de capacités, de compétences, de connaissances et d’informations. Le modèle des consommateurs-producteurs, qui deviennent eux-mêmes des prescripteurs en s’engageant dans la production des produits et services qu’ils consomment, va prendre de l’ampleur. Ce phénomène de co-création de valeur, facilitéparlestechnologiesetleweb2.0,estencouragéparledéveloppementd’uneculturenumériquepartagée, dont le principal support est la confiance. 5 Tran, Sébastien (sous la dir.), (2013), L’impact du Web 2.0 sur les organisations, Springer, Coll. Espaces numériques.
  • 17. Entreprises & Culture Numérique 17 Créer de la valeur à partir de l’exploitation de l’information La multitude de capteurs et d’entrées offre un très large panel d’informations disponibles, plus ou moins structurées. Parallèlement, les capacités de traitements se sont améliorées et leurs coûts ont baissé. Les enjeux de cette tendance émergente portent sur la captation, puis le croisement des sources d’information (structurées, non structurées, internes, externes), dans le but de développer ou de renforcer un avantage compétitif. L’objectif est également de donner du sens aux données (la captation et l’exploitation des données non structurées apparait par ailleurs comme un enjeu clé pour l’entreprise). Il faut encore mettre en place des outils à la portée du métier, permettant une manipulation simplifiée - et légale - des informations. Dans ce cadre, le management de l’information est un enjeu majeur pour la performance de l’entreprise. L’ergonomie et l’attractivité des interfaces Une proposition de valeur ne peut plus se contenter d’être strictement fonctionnelle. Dans un environnement numérique de plus en plus mature et sophistiqué, le consommateur veut un produit doté de fonctionnalités riches, intuitives mais aussi un produit beau et ludique, jusqu’à la personnalisation extrême parfois. La culture numérique est aussi une culture du design de l’information et de l’ergonomie de l’interface. Le design ne concerne pas uniquement les objets en trois dimensions, il devient une composante essentielle de l’attractivité de services et fonctionnalités visibles sur écran. Les interfaces doivent être simples, les pictogrammesclairsetludiques.Lesfonctionnalitésdoiventsusciteretvaloriserl’implicationdesparticipants. Les entreprises numériques ont identifié très tôt le pouvoir de séduction de la formalisation et des interfaces réussies. Elles s’intéressent tout particulièrement aujourd’hui à la capacité de transformation des comportements par le design. Cette importance des services associés et de l’interface client apparaît notamment dans VISOR, un nouveau cadre pour définir un modèle d’affaires numérique. VISOR : repenser le modèle d’affaires dans un espace numérique Ce cadre théorique, élaboré par les professeurs Omar A. El Sawy et Francis Pereira, de l’Université de Californie du Sud6 , comporte cinq éléments : • Une proposition de Valeur consistant à identifier la valeur fournie au client final, même si l’entreprise n’est qu’un maillon d’une chaîne plus vaste ; • Une Interface caractérisée par sa facilité d’usage, sa simplicité, son caractère pratique ; • Une plateforme de Services est un « terrain de jeu » où les partenaires vont collaborer, là où la valeur sera assemblée et où les consommateurs accèderont à une proposition de valeur ; • Un modèle d’Organisation permettant de comprendre en quoi l’entreprise est dépendante des autres ; • Un modèle de Revenus, capable d’identifier les préférences des utilisateurs et les prix que les consommateurs sont prêts à payer. Bertrand Eteneau DSI - Groupe Faurecia Gilles Lévèque DSI - Geodis 6 El Sawy, Omar A., Pereira, Francis, (2013), ibid.
  • 18. Entreprises & Culture Numérique 18 Eléments du modèle VISOR Points d’attention Proposition de Valeur • Attractivité des offres • Population cible et taille du marché • Complémentarité des offres • Co-créativité avec les consommateurs Interfaces • Fonctionnalités (facilité d’usage) • Esthétique (formats et graphisme) • Fluidité (capacité de personnalisation) • Résilience face aux erreurs d’utilisation Plateforme de Services • Architecture (ouverte ou fermée) • Agnosticisme sur différents systèmes • Acquisition (développement spécifique ou intégration de composants existants) • Accès (libre ou restreint) Modèle d’Organisation • Efficacité des processus • Qualité des partenariats • Capacité à puiser dans les ressources de l’écosystème • Qualité de la gestion de projets Modèle de Revenus • Tarification et modèle de financement • Partage des revenus entre partenaires • Structure de coûts • Volume potentiel des ventes Modèle d’affaires de l’entreprise numérique : les points d’attention Source El Sawy, Pereira (2012) Un cas réussi d’affaires dans le monde numérique est celui qui parvient à aligner les différents composants de VISOR, de façon à fournir la meilleure proposition de valeur ; c’est-à-dire celle qui, tout en diminuant les coûts nécessaires pour fournir les services proposés, accroît la volonté de payer de la cible de clients visée.
  • 19. Entreprises & Culture Numérique 19 De la chaîne de valeur au réseau de valeur L’entreprise numérique se caractérise également par la décentralisation. Cette organisation décentralisée, appelée également « matricielle », est une réponse adaptée aux besoins de transversalité de l’entreprise et à la mondialisation. Elle favorise, d’une part les échanges (information et partage des connaissances), souvent au prix d’un gros travail de coordination entre des entités « opérationnelles » (par exemple géographiques), et d’autres part des entités en « support » (métiers, R&D…). Ce type d’organisation définit, de fait, une double autorité, renforçant le pouvoir central qui détermine les objectifs des acteurs ainsi qu’une complémentarité entre ceux-ci (les uns ne pouvant réaliser leurs objectifs que par le concours des autres), voire en interdépendance. Ce type d’organisation et de fonctionnement génère des jeux de collaboration dont le but est d’atteindre au mieux les objectifs de l’entreprise. Au-delà de l’organisation de type matriciel, l’objectif est de permettre à chaque entité de la structure de pouvoir franchir la « frontière » organisationnelle pour se mettre en réseau. La dimension de réseau est importante dans cette transformation.Contrairement au schéma traditionnel de la production de valeur liée à une chaîne unique (production - traitement - distribution - consommation), les nouvelles modalités de création de valeur sont en partie liées à la nature reproductible à l’infini de l’information. Elles sont liées aussi au fait qu’elle circule de manière très large, entre une multiplicité d’acteurs dans un écosystème ouvert. On passe alors de la « chaîne de valeur » au « réseau de valeur », d’une culture de production propriétaire et univoque à une culture de la diffusion, de la circulation et de l’enrichissement. La présence quasi universelle du numérique démultiplie et accélère, grâce à l’internet, la capacité de produire et de tisser des liens avec une infinité d’acteurs, ce qui favorise la collaboration horizontale et révolutionne la création de valeur. « Maturité numérique » et forte rentabilité Plusieurs études analysent les critères de réussite des entreprises dans l’économie globalisée. On retrouve dans leurs résultats la plupart des composantes du modèle VISOR, se révélant cruciales dans la performance des entreprises. Un benchmarking des pratiques numériques dans le monde, réalisé par Capgemini Consulting et le MIT Center for Digital Business 7 , a permis d’identifier les éléments essentiels de la maturité numérique et d’analyser les liens entre maturité numérique et performance financière. Cette étude statistique dégage quatre grandes catégories d’entreprises, différentes en termes d’intensité numérique et d’intensité du management de la transformation : les entreprises débutantes (beginners) ; celles pour lesquelles le numérique est tendance (fashionistas) ; les conservatrices (conservatives), obtiennent des performances financières moins importantes que les digirati, des entreprises à maturité numérique élevée. Le dénominateur commun des digirati se situe sur deux critères de la transformation numérique : l’intensité numérique et le management de la transformation numérique. Ils impactent directement la performance et la rentabilité de l’entreprise : - En termes de management de la transformation, les digirati ont élaboré une vision claire de l’évolution du numérique. Ils ont mis en place une gouvernance numérique, suscité l’engagement des collaborateurs et des clients et amélioré les relations IT-métiers. 7 Westerman, George & al., (2012), The digital Advantage: How digital leaders outperform their peers in every industry, MIT & Capgemini Consulting.
  • 20. Entreprises & Culture Numérique 20 - En termes d’intensité numérique, les digirati excellent dans au moins un domaine d’expertise (expérience client,médiassociaux,mobile,analyseclient,processusdenumérisationetcollaborationinterne)combinés pour créer des synergies. Plusieurs des critères d’excellence des digirati relèvent du sens et de la perspective que les dirigeants donnent à l’entreprise (la vision), de l’engagement des collaborateurs, d’une forte culture d’interaction développée dans l’entreprise et avec les clients. Les entreprises digirati sont en moyenne 26% plus profitables que leurs concurrentes. Elles génèrent 9% de revenus en plus et elles sont supérieures de 12% en valeur de marché. Une idée reçue serait de croire que ces sociétés sont les fleurons du high-tech et des pure players. La réalité statistique démontre que les digirati se déploient dans tous les secteurs d’activités : le high-tech (38%), la banque (35%), l’assurance (33%), l’industrie du voyage (31%) et les télécoms (30%). Elles existent aussi dans des secteurs moins matures sur le plan numérique comme la grande distribution (26%), les biens de grande consommation (24%), les services d’intérêt collectif (20%), l’industrie manufacturière (12%) ou la pharmacie (7%). Leur présence dans tous les secteurs tend à freiner la progression en maturité numérique de leurs concurrents débutants. Primauté de l’expérience client, coproduction de valeur, optimisation de l’exploitation des données, les ressources et outils sont nombreux permettant aujourd’hui d’enrichir, voire de réinventer profondément la chaîne de valeur dans le monde numérique. Le client, ses perceptions et ses pratiques, ses attentes en matière d’interfaces souples et attractives, sa volonté de ne pas rester un consommateur passif, de participer à l’évaluation des offres, sont les leviersàexploiterparlesentreprisespouraméliorer,aveclespartiesprenantes,lacompétitivitéetl’attractivité de leurs modèles d’affaires. Des entreprises ont intégré ces facettes de la compétitivité numérique dans leur modèle d’affaires. Leur maturité n’est pas celle des technophiles les plus en pointe. Elle est le résultat d’une articulation cohérente de toutes ces dimensions, composantes de la culture numérique d’entreprise. Lorsqu’elles sont portées par la direction, la DSI et les métiers, dans une stratégie numérique concertée, elles débouchent sur un accroissement de la performance. De nouveaux vecteurs d’innovation et de coordination Les outils de travail en mobilité (Smartphones, ordinateurs portables, tablettes), sont une des modalités d’interaction de l’entreprise en réseau et de sa culture numérique. Ces technologies de la mobilité possèdent un potentiel d’innovation non négligeable pour les entreprises. LesSmartphonespermettentainsiauxprofessionnelsd’utiliserdifférents modes de communication basés sur les données, les images ou la vidéo, le tout dans une plateforme unifiée. Cette convergence ouvre plusieurs pistes d’innovation dans le cadre de la coordination organisationnelle. L’étude réalisée par le professeur Namjae Cho8 dans le cadre du programme ISD, montre que la coordination peut être considérée comme un concept global regroupant les notions d’intégration (prendre part à un ensemble plus vaste), de collaboration (travailler ensemble) et de coopération (effectuer des opérations en commun). 8 Cho, Namjae, (2013), The Use of Smart Mobile Equipment for the Innovation in Organizational Coordination, Springer Briefs in Digital Spaces. L’étude du Professeur Namjae Cho (Université de Hangyang-Corée) porte sur les pratiques de travail mobiles, notamment à travers les terminaux de type Smartphones. Marc Renaud DSI - Groupe Transdev
  • 21. Entreprises & Culture Numérique 21 Une coordination efficace favorise la prise de décision. Elle contribue à la performance de l’entreprise, à la réalisation d’économies, ou encore à la flexibilité face aux changements du marché. Le partage d’informations à travers les nouvelles technologies est au cœur de la coordination des activités métiers, notamment à travers les systèmes de bureaux mobiles. Cette étude fait apparaître d’autres bénéfices. L’usage des technologies numériques, notamment celles de la mobilité, est considéré comme un des mécanismes de coordination les plus influents dans l’entreprise. Dans des environnements fortement complexes et changeants, un usage efficace des outils de traitement de l’information est un facteur clé de succès pour la coordination. Enfin, l’adoption d’une nouvelle technologie constitue un processus très dynamique, qui introduit du changement dans les pratiques, la structure et la stratégie des organisations. De la même façon, quand une technologie est adoptée par une organisation, sa conception, ses composants et son usage sont eux aussi choisis et adaptés par l’organisation. La mobilité représente les flux de personnes, de ressources, de capitaux et d’informations. La diffusion à grande échelle de l’internet et des télécommunications sans fil a radicalement changé le périmètre et le sens de la mobilité. Les applications de bureaux mobiles sont vues comme une source de facilitation pour les acteurs de l’organisation, en leur permettant de dépasser les limites spatiales et temporelles. Le « m-commerce », un potentiel en pleine croissance Selon le BCG9 , en 2015, il devrait y avoir davantage de particuliers à accéder à l’internet via un appareil mobile que via un ordinateur fixe. En 2010, 43% des téléphones mobiles vendus étaient des Smartphones, et cette proportion devrait atteindre 71% en 2015. Parallèlement, le Cloud computing (ou informatique en nuage) permet de se libérer du lien à un disque dur. Ces évolutions vont permettre aux particuliers de se détacher de leurs ordinateurs, fixes ou portables, et de réaliser toutes leurs opérations en ligne, tout en se déplaçant. En Asie et en Afrique, des centaines de millions de consommateurs sont passés directement aux appareils mobiles. L’impact sur les comportements d’achat est considérable, dans la mesure où les consommateurs peuvent consulter des informations sur les produits, recevoir des offres personnalisées, comparer des prix, consulter des avis, payer leurs achats… Ainsi, Domino’s Pizza en Australie, prévoit que les commandes passées depuis un mobile représenteront plus du quart des ventes d’ici deux ans. Les dirigeants de Google, d’eBay, de Sainsbury, estiment que le commerce via des appareils mobiles constituera la prochaine opportunité de croissance pour le commerce de détail. Les distributeurs brick-and-mortar (entreprises traditionnelles avec des points de vente physiques) utilisent le mobile pour améliorer le service client en magasin et mettent en place des offres accessibles durant le temps disponible du client et à l’endroit où il se trouve. L’étude du BCG rappelle que plusieurs entreprises dans le monde, comme Ocado (distribution alimentaire) au Royaume-Uni ou Budnikowsky (vente de produits cosmétiques) en Allemagne, ont rapidement imité le modèle de Tesco Home-plus en Corée du Sud. Thien Than Trong DSIT - RATP 9 Danziger Jane, & al., (2012), Multichannel 3.0: the Mobile Revolution, The Boston Consulting Group.
  • 22. Entreprises & Culture Numérique 22 La croissance rapide du commerce en ligne, notamment via des appareils mobiles, modifie en profondeur les comportements d’achat. Pour s’y adapter, une entreprise doit notamment s’attacher à trois points : • Trouver de nouvelles façons d’interagir avec le client tout au long du processus d’achat (faire connaître le produit, susciter l’intérêt, optimiser l’expérience d’achat, renforcer la fidélité, faire recommander le produit). • Saisir de nouvelles opportunités du marché, en définissant une politique à l’égard des réseaux sociaux, des sites de comparaison de prix, etc. • Faire du mobile un élément clé d’une stratégie multicanal 3.0, le mobile constituant un pont entre les environnements en ligne et hors ligne, notamment en intégrant les réseaux sociaux au processus d’achat. Au-delà d’une simple adaptation des sites internet aux mobiles, il faut développer une approche spécifique pour des modèles viables de m-commerce. Toutes les opportunités apportées par le numérique au m-commerce sont extrêmement stimulantes pour l’innovation, la démultiplication des propositions de valeur, la prise en compte du client et de son expérience dans la relation. Dans une telle démarche, le partage de la connaissance et la collaboration entre les acteurs, apparaissent comme des éléments incontournables de la culture numérique comme source de performance pour l’entreprise. Ces ruptures actuelles dans la construction des nouveaux modèles d’affaires, la primauté de l’expérience client et la co-création de valeur nécessitent de repenser les modes de gouvernance de l’entreprise numérique. Hervé Thoumyre DSI Groupe - Carrefour
  • 23. Entreprises & Culture Numérique 23 APPEL À L’ACTION N° 1 Description • Une équipe centrale, avec une architecture légère, intègre des collaborateurs issus des métiers et de l’IT. De très bon niveau de formation et polyvalents, ils connaissent à la fois les technologies, les usages du numérique et les métiers de l’entreprise. Curieux, ils sont en capacité d’exploiter les ressources de connaissances de l’entreprise. • L’équipe bénéficie du soutien de la DSI pour, tout à la fois, mettre en œuvre une approche agile (test-and-learn) et industrialiser les solutions retenues. • CetteDigitalAgencyestdenatureàmarquerlavolontédelaDirectionGénéraled’inscrire le numérique comme facteur d’efficacité, de réactivité et d’adaptation au marché. Ces collaborateurs sont les agents principaux de diffusion de la culture numérique au sein de l’entreprise. Points d’attention sur la communication • La création de cette structure doit être impulsée et annoncée par le PDG qui doit en expliquer les enjeux et les finalités. • L’implication de la DSI, de la DRH, et bien sûr des directions métiers est essentielle. • Une communication régulière (à travers notamment le Réseau Social d’Entreprise) sur les actions, les leçons apprises, les projets et les bénéfices obtenus de cette structure doit être organisée. • Le Conseil d’administration doit être informé régulièrement des actions de la structure. Créer un accélérateur numérique, une structure Digital Agency
  • 24. Entreprises & Culture Numérique 24 Télécharger le chapitre 1 « De nouveaux modèles d’affaires tirent avantage de la culture numérique » Format PDF • Des propositions de valeur transformées par le numérique • La primauté de l’expérience client • La co-création de valeur • Créer de la valeur à partir de l’exploitation de l’information • L’ergonomie et l’attractivité des interfaces • VISOR : repenser le modèle d’affaires dans un espace numérique • De la chaîne de valeur au réseau de valeur • « Maturité numérique » et forte rentabilité • De nouveaux vecteurs d’innovation et de coordination • Le « m-commerce », un potentiel en pleine croissance
  • 25. Entreprises & Culture Numérique 25 La culture numérique permet la mise en place et le succès de nouveaux modèles d’affaires. • Dans quelle mesure ces nouveaux modèles, qui requièrent un changement de paradigme et d’adaptation, débouchent-ils sur une transformation du système de valeurs de l’entreprise ? Autrement dit, avons-nous réfléchi aux effets de la culture numérique sur la gouvernance institutionnelle existant dans l’organisation ? • Dans quelles conditions ces adaptations et transformations s’opèrent-elles à l’égard des parties prenantes (fournisseurs, clients historiques, collaborateurs) ? Comment les accompagner dans ces changements ? • Réduire l’asymétrie informationnelle entre l’offre et la demande implique de mettre le client au centre du dispositif. Cela suppose au préalable d’identifier ledit client : comment y parvenir sans le rendre captif ? Comment faire en sorte de protéger son intimité ? Questionner le numérique www.questionner-le-numerique.org
  • 26. Entreprises & Culture Numérique 26
  • 27. Entreprises & Culture Numérique 27 Les retombées de la connaissance et la culture du partage Dans l’économie traditionnelle, de la production à la consommation, la transformation des biens consommables constitue une chaîne unique où le sortant d’un domaine (récolte agricole par exemple) devient l’entrant d’un autre (traitement alimentaire) et ainsi de suite. Contrairement à ce schéma linéaire, l’information ne suit pas un chemin unique dans l’économie numérique, car une idée, une (nouvelle) connaissance - une fois créée - peut être exploitée par plus d’une personne ou entreprise à la fois. C’est le concept des retombées de la connaissance qui établit l’importance du bénéfice collectif. Ce principe cadre mal avec les modèles d’affaires de l’économie traditionnelle s’inscrivant par nature dans la compétition plutôt que dans le partage. Or, comme le précise Benoît Sillard : « Le partage est créateur de valeur […] mais l’entreprise voit mal comment y retrouver son compte. C’est la raison pour laquelle son premier réflexe est d’utiliser la propriété intellectuelle et industrielle. […] Pourtant sur nombre de secteurs innovants de rupture, la logique du partage diminue les coûts et les risques1 ». La mise en réseau des activités ainsi que l’éclatement des lieux géographiques, renforcent l’importance des rencontres et le partage des connaissances lors de moments spécifiques (conventions, vidéo-conférences...). Selon Edward Malecki et Bruno Moriset, la culture du partage n’en est encore qu’à ses débuts dans l’entreprise contemporaine : « Si ces pratiques existent dans l’espace privé, notamment chez les jeunes publics, les salariés ne développent pas suffisamment ces pratiques dans leurs entreprises, et ce, pour des raisons de culture d’entreprise2 ». Le potentiel d’intelligence collective des collaborateurs est gigantesque mais sa formalisation et son exploitation restent à ce jour encore très limitées au sein de l’entreprise. Pourtant, les bénéfices de la connectivité et du partage d’information, en tant que principes de la culture numérique dans les organisations, sont extrêmement divers. CHAPITRE II L’intelligence collective comme source de création de valeur 1 Sillard, Benoît, (2011), Maîtres ou esclaves du numérique ?, Eyrolles, p.114. 2 Malecki, Edward, Moriset, Bruno (2008), The Digital Economy: Business Organization, Production Processes, and Regional Developments, Routledge, pp.133-134. Jean-Marc Lagoutte DSI - Danone
  • 28. Entreprises & Culture Numérique 28 3 Brynjolfsson Erik, Saunders, Adam, (2010), Wired for Innovation, MIT Press. 4 Chui, Michael & al., (2012), The social economy: Unlocking value and productivity through social technologies. McKinsey & Company. 5 Sillard, Benoît, (2011), ibid., p.103. Dans les travaux des chercheurs Erik Brynjolfsson et Adam Saunders3 , l’ouverture de l’accès à l’information est considérée comme un des facteurs moteurs de l’intensité IT des firmes américaines. Cela a des impacts remarquables en termes de productivité et de création de valeur sur les marchés. Cette pratique des technologies sociales encourageant le partage interne et externe de sources d’informations, aide les managers et les collaborateurs à exercer leur métier de façon plus productive. Un rapport du McKinsey Global Institute4 , publié en juillet 2012, annonce que les deux tiers des opportunités de création de valeur offertes par les technologies sociales résident dans l’amélioration des communications et de la collaboration au sein des entreprises et entre elles. Les auteurs estiment que les entreprises adoptant ces technologies organisationnelles pourraient accroître la productivité des travailleurs du savoir de 20 à 25%. Cependant, la réalisation de tels gains n’est possible qu’à condition de transformer profondément les pratiques de gestion, mais aussi les comportements dans les organisations. Les technologies sociales permettent aux entreprises de devenir pleinement des entreprises numériques, en réseau à la fois sur le plan technique et sur le plan comportemental, dès lors qu’elles s’accompagnent de changements organisationnels. Un des principaux challenges de l’intelligence collective réside dans la mise en mouvement des collaborateurs pour leur donner envie de contribuer et de collaborer. L’intelligence collective, créatrice de valeur Dans un monde globalisé, complexe et en perpétuelle mutation, la réflexion en « cercle fermé » peut générer des insuffisances et des risques.Laculturenumériquefavorisel’agrégationd’idéesetdepoints devue.Ellefavoriseainsiuneformed’intelligencecollectivegénérant une agilité nouvelle, basée sur la volonté du plus grand nombre de contribuer à l’innovation et de créer le changement. Dans une organisation classique à structure hiérarchique forte, il ne va pas de soi de faire appel à la créativité de la grande majorité des salariés. Dans une économie de plus en plus basée sur la connaissance, où l’innovation est primordiale, cet enjeu devient pourtant crucial. Les managers doivent « cultiver » leur organisation, c’est-à-dire encourager la mise en commun des intelligences et des idées créatives. L’intelligence collective représente bien plus que la somme des idées individuelles : « En exprimant chacun un avis de manière indépendante, les individus construisent sans le savoir des significations, des recommandations, des réputations5 ». La force de l’intelligence collective est d’être une ressource transverse, à instaurer dans certains projets au sein de l’entreprise, comme à mobiliser à l’extérieur, auprès des partenaires et clients. Après plusieurs décennies de produits et services livrés en push aux consommateurs, l’entreprise numérique met en place une culture du pull, de la capacité à tirer des idées, à exploiter la masse de perceptions des parties prenantes afin d’améliorer ou de réinventer son offre. Une dynamique de bonnes pratiques Si la puissance cumulée de l’intelligence collective est indéniable, encore faut-il la déployer en entreprise, en favorisant les savoirs et les usages adéquats et en mettant en place les technologies associées. L’organisation doit alors être capable de canaliser et récupérer les idées créatives ayant émergé pour transformer ces idées en nouveaux produits, services, et même processus. C’est aussi là un challenge fondamental de l’intelligence collective. Jean-Marc Chicco DSI - Lafarge
  • 29. Entreprises & Culture Numérique 29 La fonction SI utilise et promeut l’usage des plateformes de partage de connaissances, notamment en les mettant en place. Elle en assure la fluidité, la sécurité et la fiabilité. Les collaborateurs emploient les outils facilitant le partage de connaissance. Mais il faut surtout mettre en œuvre les bonnes pratiques permettant de construire une véritable dynamique d’intelligence collective. En cela, la culture numérique est aussi une culture de vigilance et de sensibilisation de chacun aux risques, de responsabilisation des acteurs vis-à-vis de leurs contributions. Les collaborateurs savent qu’une démarche d’intelligence collective n’est pas une mise en partage naïve des sujets stratégiques de l’entreprise dans un espace public. Pour autant, au sein de l’entreprise, des comportements nouveaux, souvent éloignés des valeurs traditionnelles de réussite individuelle ou des modèles de leadership, doivent s’installer pour favoriser une dynamique d’intelligence collective. La performance de l’individu est optimisée dès lors qu’il n’est plus isolé, mais l’important n’est pas pour chacun de faire valoir sa connaissance ou son idée. Cette dynamique est d’autant plus entrainante qu’elle est pratiquée dans un esprit de réussite commune plutôt qu’individuelle. Les managers eux-mêmes ne doivent pas s’exclure de cette dynamique collective. Leur leadership s’évalue aussi dans leur capacité à créer une interdépendance des énergies autour des projets innovants de l’entreprise… et à s’y engager eux-mêmes ! Leur propre implication dans la démarche d’intelligence collective contribue à crédibiliser et légitimer cette dernière, à convaincre les collaborateurs qu’il se passe là quelque chose de nouveau et de porteur pour l’entreprise. Cette stimulation doit également faire l’objet d’une reconnaissance du salarié dans sa capacité à jouer le jeu de l’intelligence collective. De fait, l’intelligence collective mobilise une signification du mot intelligence incluant la compréhension mutuelle. C’est en cela qu’elle relève aussi de la culture numérique. Elle suppose un changement de comportement : les collaborateurs et les managers doivent pouvoir partager l’information « en bonne intelligence », au bénéfice de tous, conscients de la valeur ajoutée que cette pratique peut générer. Il convient avant tout de s’ouvrir à l’échange en interne et éviter la rétention de l’information, de savoir créer et entretenir les interactions autour des outils de l’intelligence collective : wikis, blogs, forums, remontées clients, réseau social d’entreprise, veille. Il faut rester attentifs aux idées et aux signaux faibles apparaissant dans l’entreprise et dans son environnement. Ces signaux sont différents des données et des méthodologies codifiées, auxquelles l’entreprise fait habituellement confiance (études, statistiques, enquêtes internes, externes). Aujourd’hui, les signaux faibles et les savoirs diffus ne comptent pas moins dans une appréhension fine de l’environnement de l’entreprise. Ils sont susceptibles d’être consolidés par d’autres constats, puis adaptés pour être enfin transformés en avantages concurrentiels de l’entreprise. C’est ce que permet l’intelligence collective. Savoir impliquer et motiver La majeure partie de l’information, nécessaire pour gérer un système de valeur orienté vers l’extérieur, doit venir directement des participants et non être une simple résultante de leur interaction avec le système. C’est pourquoi l’entreprise doit fournir des motivations (différentes selon qu’il s’agit de l’interne, des partenaires ou des clients finaux), à tous les participants pour qu’ils partagent l’information le plus ouvertement possible. Il faut ainsi encourager la fertilisation croisée des idées via les communautés de pratiques, les espaces de travail collaboratif, les groupes projet, etc. Loin d’être un simple agrégat de perceptions anonymes externes et internes, l’intelligence collective fait l’objet d’une participation de tous les collaborateurs. Elle représente du temps, des moyens investis et du travail en plus. Ce n’est en rien un modèle de production « gratuit » au sein de l’entreprise. C’est pourquoi il convient de respecter et reconnaître cet apport des participants.
  • 30. Entreprises & Culture Numérique 30 6 Sillard, Benoît, (2011), ibid. 7 Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.), (2012), Cahier de prospective - L’entreprise « ouverte » : nouveaux modes d’organisation à l’ère numérique, Fondation Télécom, Institut Mines -Télécom, p.17. Les mécanismes de motivation sont la prise en compte dans l’évaluation de la performance, la rétribution financière, la reconnaissance, la visibilité… mais aussi le respect d’un principe d’implication collective dans la prise de décision. Indépendamment des questionnements soumis à divers acteurs extérieurs dans une démarche d’intelligence collective, l’entreprise doit être capable d’exploiter plus efficacement l’information disponible sur ses clients et partenaires, quelle que soit sa forme. Pour cela, elle engage des moyens financiers et humains dans les projets de fertilisation croisée. Des ressources, voire des processus, sont alloués à la capitalisation des connaissances et les managers encouragent et valorisent leur partage. Favoriser toutes les idées et les idées de tous Tous les collaborateurs, clients et partenaires, peuvent participer à l’innovation. Celle-ci va aujourd’hui bien au-delà du produit pour devenir innovation organisationnelle ou de processus, etc. Ainsi, les services Etudes ou de R&D ne sont plus les seuls légitimes à produire de nouvelles idées et/ou à les formaliser. L’entreprise et le système d’information doivent permettre de coordonner les outils et les produits de l’intelligence collective. Dès lors que le SI devient le support du réseau de valeur, il est au cœur de l’innovation ouverte, principe d’échange permanent de connaissances entre une entreprise et son environnement. Au niveau du système d’information, ces constats entraînent plusieurs implications : • Tout d’abord, en début de chaîne, il est important de susciter les apports et les idées dans un esprit de production commune. Ces nouveaux usages s’installent progressivement. Une des missions de la fonction SI est de les accompagner, de fournir aux collaborateurs des outils pour les aider à soumettre de nouvelles idées, mais aussi un système permettant de centraliser toutes les idées émises, sans discrimination. • En fin de chaîne, lorsque les propositions de projets sont formalisées, l’enjeu principal est de les évaluer. A ce stade, un système d’aide à la décision pourrait aider à sélectionner les projets et à gérer le portefeuille. L’innovationn’estpasquedelacréativité,ellenécessitedesprocessuspouraboutir.Unecertaineformalisation peut s’avérer nécessaire pour encadrer la production de nouvelles idées. Celle-ci ne doit pas non plus être excessive, faute de quoi elle risque de brider la créativité des collaborateurs et de l’entreprise. Des systèmes dotés de fonctionnalités comme les « folksonomies » (taxonomies crées par les utilisateurs), les classements, les cartographies d’idées peuvent apporter des éléments de réponse à ces enjeux. Cependant, on observe que la culture numérique complète ces outils normatifs en instaurant un phénomène collectif de « contrôle de qualité ». Contrairement à une tendance répandue consistant à imposer des normes de contrôle a priori, l’évolution par sélection naturelle est un contrôle a posteriori ; l’évolution culturelle et technologique procède de la même manière. La culture numérique fonctionne sur le même principe : lorsqu’une discussion s’ouvre sur un réseau, elle crée un espace de compétition entre de bonnes et de mauvaises réponses6 . De manière globale, l’ouverture de l’entreprise numérique n’est pas calibrée a priori et, comme le précise clairement un cahier de la Fondation Télécom sur l’entreprise ouverte : « On ne s’oriente donc plus uniquement vers une entreprise qui s’ouvre à l’externe, qui sait où aller chercher ce dont elle a besoin, mais également qui s’organise pour capter de manière permanente le dehors, sans savoir à court terme si elle en fera bon usage. Il y a donc un pari « plus volontiers» qui se fait sur le futur : ‘‘Be there and see’’7 ».
  • 31. Entreprises & Culture Numérique 31 Pascal Viginier DSI - Groupe Orange Les entreprises anglo-saxonnes emploient l’acronyme IKIWISI pour caractériser ce phénomène de sanction empirique, et a posteriori, de la sélection d’idées (I Know It When I See It - Je le saurai quand je le verrai). Dans l’entreprise numérique, on ne sait jamais à l’avance si une bonne idée donnera un résultat satisfaisant ou si une idée a priori négligeable débouche sur une application profitable : c’est face au résultat que l’on prend conscience qu’une chose est réussie ou non. A l’ère numérique, la capacité de l’entreprise à identifier rapidement les tendances et les opportunités les plus favorables à l’évolution de ses propositions de valeur, est de plus en plus le fruit d’un travail collectif. Le partage de connaissances et les communautés collaboratives participent de l’intelligence collective : elles constituent une formidable ressource d’inputs et d’idées à disposition des grandes entreprises. Mobilisable en interne comme en externe, grâce aux technologies de réseau, cette émulation autour des idées doit être stimulante et pouvoir impliquer tous les collaborateurs. Les outils de la mobilité contribuent à cette dynamique de partage et d’ouverture : leur capacité à démultiplier en temps réel les inputs au sein de l’entreprise et avec ses parties prenantes, permet d’optimiser la performance et de créer de la valeur. Les risques et résistances à prendre en compte L’exploitation de ces technologies sociales ne va pas sans risque. Des abus existent, comme par exemple un temps excessif passé sur des sujets internes ou externes via les réseaux sociaux, ou l’utilisation de médias sociaux pour attaquer des collègues ou des managers. D’autres risques existent, liés à l’image de l’entreprise, à des violations de la vie privée des consommateurs, à la fuite d’informations et au développement de la cybercriminalité. Cela pourrait limiter la capacité d’une entreprise à développer les connaissances les plus révélatrices des consommateurs. Enfin, la nécessité pour l’entreprise de maintenir la sécurité de ses données tend à limiter la façon dont les technologies sociales peuvent être appliquées. En effet, l’évolution vers une mentalité d’ouverture ne va pas sans résistance dans les grandes entreprises. La crainte reste grande de livrer les problématiques internes dans l’agora numérique. C’est là une des transformations les plus difficiles en termes de culture d’entreprise. L’espace de travail numérique, en local et en réseau, modifie profondément la culture de l’entreprise, ses savoirs, ses modes d’échange et de production de valeur. L’ouverture et le partage, l’intelligence collective, doivent éviter la dispersion et la confusion pour pouvoir se transformer en ressources profitables pour l’entreprise. Il faut également sensibiliser aux risques des échanges sur les réseaux. Sur les bases d’une bonne vigilance numérique, à installer dans les pratiques, les collaborateurs peuvent exprimer, capter et challenger de nombreuses idées pour améliorer la performance de l’entreprise. Pour autant, il appartient aux grandes entreprises de mesurer les conséquences de ces changements sur le long terme, et de savoir choisir et adapter ces propositions de valeur à leur responsabilité sociale.
  • 32. Entreprises & Culture Numérique 32 Partager la connaissance, c’est aussi décider du partage du pouvoir. Cela suppose des droits et des devoirs pour chacun des acteurs, et donc des pratiques à réguler : • Dans quel cadre réguler ces pratiques ? Que partage-t-on, avec quel dispositif, pour quelles finalités ? • Comment donner sens au mot « partage » dès lors qu’il s’exprime sous forme numérique ? Comment veiller à ce que : - il ne se limite pas au seul échange électronique (au moins pour les salariés) ? - la convivialité demeure au centre de la relation ? • Quelles sont les séquences de mise en œuvre du partage de la connaissance : entre salariés, entre fournisseurs, entre clients ? Le tout combiné ? Faut-il encore que ce qui en découlera aboutisse sur des effets concrets ? Cela peut-il bousculer l’ordre établi (par exemple, un test-and-learn s’inscrivant dans une pensée stratégique claire, mais contingentée par le time-to-market, risque de bousculer les processus budgétaires en place) ? Pour qu’il y ait partage durable, il faut qu’il y ait transformation : comment, et avec quelles instances (scoring, structure de R&D) ? Questionner le numérique www.questionner-le-numerique.org
  • 33. Entreprises & Culture Numérique 33 APPEL À L’ACTION N° 2 Description • Faire de l’implication à l’amélioration des processus, des produits et/ou des services un critère d’évaluation de l’apport du salarié au développement de l’entreprise. • Décloisonner les échanges, constituer des réseaux, partager l’information et la connaissance. L’objectif est de rechercher les contributions de façon transversale, à l’intérieur de l’entreprise et dans son écosystème. • Cette démarche associe tout le management et, en particulier, la DRH. • L’intelligence collaborative s’effectue au service du métier de l’entreprise via les outils collaboratifs, en lien avec la structure Digital Agency, notamment. • L’encouragement à de nouvelles pratiques collaboratives passe par une reconnaissance forte de tels comportements, à travers la définition des critères d’appréciation et d’évaluation des contributions personnelles et collectives. Points d’attention sur la communication • La démarche doit être présentée par le PDG. • Afin de valoriser et d’encourager ces nouvelles pratiques, une communication est assurée sur les bénéfices obtenus pour l’entreprise. Faire de l’intelligence collaborative une dimension effective du métier de chaque collaborateur
  • 34. Entreprises & Culture Numérique 34 Télécharger le chapitre 2 « Faire de l’intelligence collaborative une dimension effective du métier de chaque collaborateur » • Les retombées de la connaissance et la culture du partage • L’intelligence collective, créatrice de valeur • Une dynamique de bonnes pratiques • Savoir impliquer et motiver • Favoriser toutes les idées et les idées de tous • Les risques et résistances à prendre en compte Format PDF
  • 35. Entreprises & Culture Numérique 35 L’appropriation par l’entreprise du développement durable Lavitesseestunecomposantemajeuredumondenumérique.Lacontractiondutemps,liéeaudéveloppement du numérique, est désormais associée à l’urgence écologique. Les entreprises ont pleinement conscience que les modèles d’activités hérités du XXème siècle génèrent des impacts sur l’environnement. Le Pacte écologique de 2007 a permis de dépolitiser le sujet du développement durable et de faciliter la mobilisation des entreprises et acteurs économiques dans le sens de la responsabilité sociale et environnementale. La Commission européenne définit la responsabilité sociétale (ou sociale) des entreprises (RSE) comme : « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes1 ». La RSE apparaît comme la manière dont l’entreprise s’approprie le développement durable. La façon dont elle met en œuvre des principes de responsabilité, compatibles à la fois avec ses objectifs de compétitivité et avec sa volonté de penser son activité dans le temps long, dans le respect des collaborateurs, des citoyens et de l’environnement. Dans ce sens, pour être partagée à tous les niveaux de l’entreprise, une démarche de RSE doit être porteuse de sens et de valeurs. Pour Thomas W. Malone, dans « The future of work2 », une entreprise apte à susciter la loyauté et l’engagement de ses salariés, de ses clients et de ses autres partenaires, doit faire appel non seulement à des aspects économiques, mais aussi à des valeurs humaines. Et ces dernières jouent de fait un rôle important dans la vie économique au sein de la collectivité comme de l’entreprise. L’entreprise doit embarquer les collaborateurs, partenaires et clients dans une démarche globale, collective et surtout porteuse de sens. La RSE dépend d’un vouloir collectif assorti d’actes, et l’entreprise gagne à aller au-delà du discours de bonne conscience, tel qu’on peut l’entendre parfois, pour mettre en œuvre des initiatives et apporter des preuves en matière de performance durable. CHAPITRE III Une culture au service d’un dessein responsable 1 Commission Européenne, (2001), Livre vert : promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, p. 7. 2 Malone, Thomas W., (2004), The Future of Work - How the new order of business will shape your organization, your management style and your life, Harvard Business School Press, p. 170 Georges Epinette DG-STIME DOSI du Groupement des Mousquetaires
  • 36. Entreprises & Culture Numérique 36 La solidarité, la confiance partagée et le vouloir collectif sont des composantes importantes du travailler- ensemble. Elles caractérisent l’état d’esprit d’une entreprise qui se voit, non pas comme une sélection exclusive d’individus privilégiés par leurs compétences, mais comme un groupe ouvert et inclusif, dans lequel toutes les formes de diversité sont des sources supplémentaires de performance et d’innovation. A cet égard, Gilles Babinet signale que les personnes issues de la diversité sont fortement représentées dans les entreprises numériques : « Les start-up et entreprises de l’internet étant en effet l’un des rares endroits où elles ne connaissent aucune discrimination, leurs différences étant souvent perçues comme des avantages (…)3 ». Comme le montrent les travaux de John Florida, la qualité de vie locale et environnementale est un critère d’attractivité des villes et des régions pour attirer les jeunes talents. Demême,lesavoir-vivreettravaillerensembledanslesmeilleuresconditionsestunecomposanteàlafoisdela réputation et de la performance d’une entreprise. Celle-ci repose en grande partie sur la cohésion et l’entente des équipes : « L’entreprise « ouverte » ne répond pas aux mêmes critères de performance que l’entreprise de « l’excellence » des années 80. Elle met plus l’accent sur les capacités de transversalité, de collaboration, d’écoute, d’empathie et d’altruisme, pour ne citer que celles-là. L’expérience du groupe Orange cherchant à prendre en compte dans ses KPI’s (Key Performance Indicators) des dimensions plus altruistes, est en cela intéressante4 ». La RSE n’est pas spécifique au numérique, de même que le numérique n’est pas réductible à la RSE. Toutefois, il nous semble important de nous interroger sur ce que le numérique apporte à la RSE. Notre conviction, au-delà des promesses de performance économique est que le numérique doit s’inscrire dans une perspective durable. L’objectif est de promouvoir une culture numérique s’inscrivant pleinement dans la responsabilité sociétale de l’entreprise. Des technologies socialement et économiquement émancipatrices A l’intersection des sciences sociales, des démarches humanitaires et de l’ingénierie, apparaissent de nouveaux programmes visant l’émancipation par la technologie (Liberation Technology). L’objectif est de favoriser les usages pouvant être faits de la technologie pour défendre les droits et les peuples, autonomiser les populations fragilisées, promouvoir le développement économique. Brigitte Ades et David Lacombled illustrent cette démarche : « Une nouvelle efficacité numérique a été testée pour Haïti, lors du séisme de 2010 qui a déclenché un élan de solidarité remarquable de par le monde. Grâce aux téléphones portables, un service “Text Haïti” a été mis en place permettant la collecte de dons et la coordination des organisations d’assistance aux victimes, par téléphonie5 ». Les réseaux sociaux et la circulation immédiate de l’information ont été des facteurs de ralliement et de mobilisation collective, essentiels dans la puissance du « printemps arabe » en 2010. Dans un autre ordre d’idées,laparticipationbénévoledemilliersdecontributeursauprojetWikipedia,illustrelemêmephénomène. Laculturenumériques’inscritdansunmouvementcollectifetsolidaire,susceptible,ici,defavoriserlaconsolidation desaspirationsd’unpeuple,là,decréeruneformidableminedeconnaissancesenligne.C’estcequelesauteurs Nicolas Colin et Henri Verdier appelleraient la puissance de la multitude6 . Les grandes entreprises peuvent s’inspirer des programmes de Liberation Technology, pour leurs propres actions dans le domaine du développement durable. Elles peuvent aussi imaginer comment ces fonctionnalités, faisant appel à de nouvelles pratiques de solidarité, s’inscriront dans leur culture numérique d’entreprise. 3 Babinet, Gilles, (2011), « Notre pays a tout pour devenir un grand de l’internet » in Le Cercle Les Echos, tribune parue le 4 avril 2011. 4 Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.), (2012), ibid., p. 23. 5 En 2012, Soyez cyberphilanthropes !, La villa numeris. 6 Colin, Nicolas, Verdier, Henri, (2012), L’âge de la multitude. Entreprendre et gouverner après la révolution numérique, Armand Colin.
  • 37. Entreprises & Culture Numérique 37 L’IT au cœur des initiatives de développement durable L’instantanéité et l’immédiateté liées aux ressources numériques n’occultent pas les actions de l’entreprise à long terme. Cette dernière s’appuie sur les opportunités offertes par le numérique sans pour autant ignorer les effets négatifs de ses activités. Des outils de diagnostic sont désormais disponibles. Ils permettent, par exemple, de mesurer l’impact environnemental de certaines activités. Celles de l’IT sont connues comme polluantes, mais les acteurs sont aussi fournisseurs de solutions. Au niveau de l’IT, le développement durable prend la forme d’une démarche de gestion de projets dans une stratégie globale. Aujourd’hui, les grandes entreprises mettent en place et suivent des actions très significatives en la matière : • Virtualisation des serveurs et consolidation des datacenters : avec un ROI long mais très significatif. Il existe une réelle motivation économique et financière à traiter ce point, • Optimisation de la gestion des consommables : réduction des consommations de papier avec la suppression des imprimantes individuelles et la mise en place de centres de reprographie par exemple, •Améliorationdel’accessibiliténumériquedesdocumentsetdessiteswebpourlespersonneshandicapées, • Organisation du recyclage des terminaux mobiles, … De nombreuses administrations de l’Etat, ainsi que les collectivités locales, sont longtemps restées dans une logique de traitement analogique des informations. Elles n’ont pas toujours pris la pleine mesure des bénéfices à la fois humains et environnementaux d’une performance des services numériques dans leurs interactions avec les citoyens. Economies de temps, de papier, de travail, solution rapide des démarches administratives, tous ces gains constituent une formidable création de valeur en matière de responsabilité sociale et environnementale, que la culture numérique partagée appelle de ses vœux. Le rapport de l’Institut Montaigne, sur « Le défi numérique », rappelle que : « Certaines démarches, par exemple avec une Caisse d’Allocation Familiale, nécessitent encore des correspondances sur papier, et le paiement des prestations implique dans certaines villes de nombreux virements. L’utilisation de la signature électronique reste encore marginale, la protection des données personnelles par un « coffre-fort numérique » doit encore progresser et l’organisation d’une plateforme de paiement en ligne universelle et commode est toujours à l’étude7 ». Ce constat doit toutefois être nuancé avec la prise de conscience de l’importance du numérique dans l’action publique. Le Secrétariat général à la modernisation de l’action publique, auquel est rattachée la mission Etalab, mène une politique d’ouverture en ligne des données publiques (Open Data), ainsi que l’établissement de la feuille de route pour « accélérer la transition numérique au sein de l’administration8 ». La fonction SI est partie prenante de la plupart de ces initiatives de responsabilité sociale et environnementale passant par des ressources numériques (réduction de la fracture numérique, développement de l’accessibilité numérique, accès aux connaissances, neutralité, …). Philippe Courqueux Directeur des Systèmes d’Information et de la logistique - Cora 7 Volle, Michel (sous la dir.), (2011), Le défi numérique - Comment renforcer la compétitivité de la France, Institut Montaigne, pp.28-29. 8 Babinet, Gilles, (avec la participation de Frédéric Créplet), (2013), Pour un “New Deal” numérique, Institut Montaigne, p. 2 3.
  • 38. Entreprises & Culture Numérique 38 Au-delà des outils et des processus, c’est bien dans une nouvelle culture et vers de nouvelles pratiques responsables, que l’entreprise doit évoluer durablement. Un des enjeux majeurs des grandes entreprises réside aussi dans leur capacité à répondre aux attentes de la jeune génération ayant une forte appétence pour le développement durable au sens large, mais aussi pour faire évoluer les habitudes de consommation des autres générations présentes dans l’entreprise. Il faut donc accompagner le changement, éduquer, faire évoluer les pratiques, repenser l’organisation du travail. Le travail à distance, une modalité structurelle de l’entreprise en réseau Dans ce contexte, le travail à distance pourrait constituer une des actions possibles mettant en jeu numérique et développement durable. Le travail à distance permettrait à l’entreprise d’optimiser la capacité de production des collaborateurs en acceptant qu’ils réalisent tout ou partie de leur activité à domicile. Cette orientation n’est pas neutre, elle reflète l’évolution de l’organisation du travail et de la mentalité du management, longtemps basées sur une volonté de contrôle et de centralisation des équipes. Le travail à distance génère des gains en termes de performance durable. Pour la société en général, la réduction de déplacements des travailleurs représente une réduction de l’empreinte écologique. Selon les géographes Edward Malecki et Bruno Moriset9 , pour l’entreprise, le travail à distance réduirait l’absentéisme, les coûts immobiliers locatifs ou de fonctionnement. Pour les salariés il entraînerait un gain de temps sur les transports, plus de disponibilité pour la famille, ainsi qu’une réduction du stress et de la fatigue. Certaines études restent néanmoins sceptiques sur les bénéfices d’une massification du travail à distance. En 2008, Malecki et Morizet estiment que le collaborateur améliore dans un premier temps sa productivité, mais reste relativement coupé du management, entraînant à terme une décroissance de la productivité. Ils en concluent que c’est un outil d’intégration économique et sociale permis par le numérique, débouchant sur une solution de nature individuelle et temporaire plutôt que structurelle. Ainsi, pour lutter contre le risque d’isolement et de baisse de productivité du salarié, on voit se développer de nouvelles organisations de travail collectif connectées, calquées sur des initiatives destinées initialement aux start-up, telles que La Cantine en France, The Hub en Autriche ou The Cube en Angleterre. Ces nouveaux espaces de travail émergents sont des hubs géographiques. Ils regroupent des collaborateurs d’entreprises diverses dans un lieu géographique situé à proximité de leur lieu d’habitation. L’entreprise vient au salarié… Plusieurs facteurs permettent aujourd’hui de nuancer l’évaluation d’une baisse de productivité liée au travail à distance : - l’évolution des pratiques de travail en réseau ; - l’accessibilité des outils de visioconférence ; - les nouveaux modes d’organisation du travail, basés sur la confiance, favorisant l’autonomisation plutôt que le contrôle ; - la prise en compte par les entreprises du caractère néfaste pour l’environnement des millions de déplacements pendulaires. Toutes ces composantes réhabilitent la pertinence et l’attractivité de cette solution. Elle a de grandes difficultés à se développer en France, contrairement à d’autres pays, tant européens que d’outre-Atlantique. 9 Malecki, Edward, Moriset, Bruno (2008), ibid. Michel Spiri Adjoint au secrétaire général pour l’organisation et l’informatique Banque de France
  • 39. Entreprises & Culture Numérique 39 Compte tenu de ces évolutions, le télétravail apparaît aujourd’hui davantage comme une des modalités de participation aux communautés de travail en réseau des entreprises. Ainsi, le travail à distance reste limité « en raison peut-être de la difficulté du dialogue social sur ce sujet. La France n’apparaît même pas dans le classement de l’OCDE10 ». La Fondation Terra Nova11 confirme cette analyse et suggère de développer le télétravail, notant que « le numérique propose des opportunités considérables dans ce domaine ». En effet, pour Terra Nova, le télétravail est resté sous-utilisé dans les entreprises françaises : « Trop souvent mal comprise, la vraie évolution portée par le télétravail n’est pas de permettre aux employés de travailler depuis chez eux, sur un poste fixe. Il faut au contraire permettre une mobilité toujours accrue des employés, qui pourront travailler depuis n’importe quel lieu et selon des horaires plus souples et choisis, grâce aux communications portables ». La Fondation invite alors la puissance publique à : « encourager et favoriser le télétravail en communiquant sur les possibilités désormais ouvertes par le Code du Travail et en incitant à des accords collectifs à ce sujet, en mettant un cadre de régulation de ces nouvelles pratiques qui sera lui-même un gage de succès » et ajoute : « ce télétravail pendulaire doit également éviter toute forme d’intrusion mal vécue parlessalariés».D’oùlarecommandationde:«définirundroitàladéconnexionpouréviterlerisqueintrusifetles excès ». Au-delà de la recherche de productivité, l’objectif est également de traiter des problématiques du droit à la déconnexion. Préserver la sphère individuelle de la connectivité permanente Le développement des interactions en réseau, fusionnant les échanges personnels et professionnels, tend à favoriser toujours davantage de communication et de réactivité. Parallèlement, l’instantanéité apportée par les ressources numériques s’accompagne d’une attente de réactivité dans les actions menées et les réponses apportées par les collaborateurs. Une contrainte de réactivité quasi-instantanée va entraîner des phénomènes de tension et de stress : « il s’agit en somme d’être toujours là pour autrui ». Or, comme l’explique Pierre Antoine Chardel : « le problème est qu’à force d’être toujours là pour les autres, on court le risque de n’être plus là pour soi-même, c’est-à-dire de négliger les moments de recentrement que nécessite tout exercice de réflexion préalable à toute action sensée. Les connexions permanentes tendent à devenir des formes de servitude tout autant rassurantes qu’oppressantes. (…). L’étude pointe ainsi le droit à la déconnexion au nom de la dignité des personnes : « le temps déconnecté pourrait devenir un élément important des négociations entre les cadres et leur hiérarchie12 ». En entreprise comme à domicile, la performance relève également d’un équilibre sur les bonnes conditions de travail. L’entreprise doit mener une réflexion sur l’éthique des usages des ressources numériques, au sein d’une structure dédiée, telle qu’un Comité d’Ethique par exemple, afin de réguler les aspects d’équilibre vie privée/vie professionnelle, de gestion des données, de bien-être au travail. 10 Volle, Michel (sous la dir.), (2011), ibid., p. 24. 11 Fesseau, Nelly, Lavenir, Gabriel, (2012), Numérique, Renouer avec les valeurs progressistes et dynamiser la croissance, Terra Nova, pp. 55-57. 12 Chardel, Pierre-Antoine, (2011), « La transparence en question dans l’entreprise en réseau - Quelques considérations éthiques pour le futur », in Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.) Cahier de prospective, Transformation numérique et nouveaux modes de management, Fondation Télécom, p.87. Isabelle Vialettes DSI - Manutan